Le Monde dans un Jeu Vidéo Otome est difficile pour la Populace – Tome 11 – Chapitre 9

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Chapitre 9 : La baleine blanche

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Chapitre 9 : La baleine blanche

Partie 1

Quand Ivan aperçut Mylène dans le couloir du château des Frazer, il savait que c’était la meilleure occasion qu’il avait de la persuader, malgré sa préoccupation quant à leur départ.

« Reine Mylène, un instant, s’il vous plaît », supplia-t-il en se précipitant. « Ne vous souvenez-vous pas de votre promesse ? Vous deviez pousser Rachel dans ses retranchements pour le bien de notre patrie. »

Le plan initial prévoyait que le royaume de Hohlfahrt ignore toutes les pertes qu’il subissait en mettant à genoux le saint royaume de Rachel. Comme l’armée de Hohlfahrt serait complètement épuisée, le Royaume Uni de Lepart interviendrait et prendrait le contrôle du territoire conquis à sa place. Hohlfahrt ne pourra pas protester, compte tenu de toutes les tensions qu’il aura subies après la guerre contre l’ancienne principauté de Fanoss et les autres conflits qui s’en seraient suivis.

Mylène avança rapidement dans le couloir, Ivan sur ses talons.

« Le duc a juré d’en finir rapidement et de limiter les pertes au minimum », déclara-t-elle sèchement.

« Et vous allez mettre votre foi dans de simples mots ? Votre Majesté, ouvrez les yeux, je vous en supplie. On ne peut pas faire confiance à cet homme ! »

Ivan était si persistant et semblait tellement vouloir la suivre où qu’elle aille que Mylène s’arrêta finalement et se retourna pour lui faire face.

« Si le duc a réussi à me tromper, alors j’ai perdu ma capacité à gouverner. D’ailleurs… Non, il n’y a rien de plus à dire. » Mylène secoua rapidement la tête. D’après ce qu’elle pouvait dire, Léon avait de bonnes chances de gagner, mais elle n’allait pas divulguer la raison de sa confiance. « Sachez simplement que, pendant cette bataille, nous allons éliminer l’arme secrète de Rachel. Je sais qu’elle a beaucoup fait souffrir notre patrie, alors n’oubliez pas de les prévenir. »

« Très bien. » Ivan baissa la tête. Il voyait bien qu’il était impossible de la persuader.

 

☆☆☆

 

Pendant ce temps, Finn emmena Brave et Carl avec lui pour visiter la chambre de Mia. La porte étant solidement fermée, il n’avait d’autre choix que de lui parler à travers elle. Il n’avait pas pu la rencontrer en personne, et encore moins lui parler, depuis qu’elle lui avait avoué ses sentiments pour lui.

« Mia, » commença-t-il en hésitant un instant. « On dirait que je vais aider Léon et ses compagnons dans la bataille à venir. »

Il n’y avait pas eu de réponse. Brave jeta un coup d’œil inquiet à son partenaire.

Le regard de Carl était également fixé sur Finn, bien que ce ne soit pas par inquiétude. Ses yeux étaient injectés de sang à cause de la colère refoulée qui menaçait de déborder. Il en voulait à Finn d’avoir blessé Mia, mais le fait de savoir que tout reposait sur les sentiments qu’elle éprouvait pour Finn le laissait perplexe. Si Mia n’en faisait qu’à sa tête, Finn et elle formeraient un couple. Carl ne voulait pas particulièrement qu’ils deviennent romantiques, mais il savait que Mia serait profondément blessée s’ils ne le faisaient pas. Il ne le voulait pas non plus.

« Léon a dit qu’ils procéderont à ton examen une fois que nous serons rentrés. La princesse Erica le subira en même temps. Mais pour l’instant, j’espère que tu resteras ici au château avec elle et que tu attendras notre retour. »

Même après tout cela, Finn ne rencontra que le silence de l’autre côté de la porte.

Qu’est-ce que je fais ? se demanda Finn. Je me suis juré de la protéger, mais tout ce que j’ai fait, c’est la blesser. Il ne pensait pas avoir mal agi, en soi, mais cela ne changeait rien au fait qu’il l’avait fait souffrir.

Lorsqu’il s’était retourné et avait commencé à s’éloigner, des pas précipités avaient résonné dans la pièce derrière lui. Mia se pressa contre la porte et appela Finn.

« Monsieur le Chevalier, tu reviendras vers moi, n’est-ce pas ? J’espère que tu ne me détestes pas ? »

Finn aspira une bouffée d’air. « Bien sûr que je reviendrai ! Et je ne pourrais jamais te détester. Même maintenant, tu es toujours la personne la plus importante pour moi. Je te jure que je reviendrai vers toi. »

La porte s’était ouverte et Mia jeta un coup d’œil à l’extérieur. Finn fut frappé par son visage hanté et décharné. Carl partagea son choc et sa consternation. En fait, Carl avait commencé à dire quelque chose, mais Brave avait rapidement posé une petite main sur ses lèvres — il ne voulait pas que quelqu’un interrompe ce moment.

Finn jeta ses bras autour de Mia et l’attira contre lui. « Je suis vraiment désolé. Je n’ai jamais rêvé que je t’avais fait autant de mal. »

Mia lui rendit son étreinte, ses doigts serrant fermement le tissu de sa chemise. « Tu n’es pas obligé de m’aimer », dit-elle, les yeux brillants de larmes. « Mais tu dois revenir vers moi. Quoi qu’il arrive. »

« Je ne peux pas te donner de réponse concrète, pas maintenant — mais même si cela me prend du temps, j’ai bien l’intention de prendre tes sentiments au sérieux. Peux-tu m’attendre jusque-là ? » Finn avait besoin de se remettre les idées en place avant même de commencer à penser à son cœur.

En sanglotant, Mia cria : « Je peux. »

 

☆☆☆

 

Pendant que Luxon s’assurait que toutes les fournitures nécessaires étaient chargées sur l’Einhorn et la Licorne au port militaire des Frazer, j’observais non loin de là Elijah qui me suppliait.

« Votre Grâce, je veux aussi me joindre à vous ! »

Il avait surgi de nulle part pour me supplier de l’autoriser à l’accompagner sur l’Einhorn et à participer à la bataille.

Je l’avais regardé d’un air renfrogné. « Bon sang, non. Tu es l’héritier de ta maison, n’est-ce pas ? S’il t’arrivait quelque chose là-bas, la faute retomberait sur mes épaules. Je ne veux pas prendre ce risque. »

Franchement, il ne serait rien d’autre qu’un fardeau, et j’essayais de m’appuyer sur le statut dans l’espoir qu’il recule. Sauf qu’il ne voulait rien entendre.

« Mais j’ai entendu dire que la reine allait venir. Alors il ne devrait pas y avoir de problème pour m’emmener aussi ! »

« Bien sûr qu’il y en a. » Je l’avais regardé fixement. « Je ne veux pas. »

Élie baissa son regard. « Je comprends que vous me détestiez, mais je souhaite tout de même vous accompagner. Je dois devenir un homme digne d’Erica. »

Marie et moi étions extrêmement protecteurs à l’égard d’Erica. Il avait vite compris que nous ne l’aimions pas trop, ce qui n’était pas vraiment surprenant. Nous n’avions même pas essayé de cacher notre désapprobation. Et maintenant, il était ici pour le bien d’Érica, essayant désespérément de se donner une chance de participer à notre mission.

« Je sais qu’il a été question de fiançailles entre vous deux », dit Elijah. « Je… je sais que certaines personnes pensent qu’il serait préférable pour l’ensemble du royaume que mes fiançailles avec Erica soient annulées et qu’elle se marie avec vous à la place. »

« Oui. Je suppose que c’était un peu sur la table », avais-je reconnu. Il ne semblait pas connaître toute l’histoire, en particulier la partie où j’avais personnellement refusé. Il n’avait probablement qu’une vague idée de la situation. « Pourquoi ne demandes-tu pas à Erica ce qu’elle en pense ? »

Elijah hésita, ses lèvres tremblent. « J’ai peur de… »

« Quoi ? »

« Si Erica devait dire qu’elle vous préfère à moi, je… Je ne pense pas que je m’en remettrai un jour. C’est pourquoi je suis si désespéré quant à me rendre digne d’elle. »

Quoi ? A-t-il voulu se joindre à nous dans la bataille parce qu’il était trop effrayé pour demander à Erica ce qu’il en était des rumeurs ? C’est si fondamentalement faux que je ne sais même pas par où commencer.

« Maître, » interrompit Luxon en s’approchant de moi.

« Hmm ? »

J’avais suivi son regard et j’avais remarqué qu’Erica se tenait à distance. Ses sourcils étaient plissés d’inquiétude tandis qu’elle fixait Elijah. J’avais respiré profondément. On dirait que je ne peux pas continuer à lui faire la tête. Si je le fais, Erica risque de se fâcher avec moi.

« Elijah Rapha Frazer ! » avais-je crié.

« Oui, monsieur !? »

« Je n’ai pas l’intention de te laisser monter sur mon navire. »

La mâchoire d’Elijah se crispa. Il serra les poings sur son côté, frustré. Désespéré, il balbutia : « Alors je vais plutôt prendre un des dirigeables de ma maison ! »

« Cela ne te servirait à rien. Tu ne rattraperais jamais ton retard. »

Même le plus remarquable des dirigeables des Frazer ne pouvait pas suivre le rythme de croisière de l’Einhorn et du Licorne. Mes vaisseaux surpassaient de loin tout ce dont il disposait en termes de performances de base.

Des larmes avaient commencé à couler sur les joues d’Elijah.

J’avais alors soupiré. « Tu es l’héritier de la maison Frazer, n’est-ce pas ? Alors, concentre-toi sur l’accomplissement de tes devoirs. »

« Mes devoirs ? »

J’avais pointé un doigt vers Erica.

Elijah tourna son regard et sursauta en la voyant. « Erica…, » murmura-t-il.

« En ce moment, toi et ta famille êtes les hôtes de la princesse et de mon invitée spéciale, Mia. Ton travail consiste donc à rester ici et à les protéger à tout prix. Si je trouve ne serait-ce qu’une égratignure sur l’une d’entre elles, je te battrai jusqu’au sang. »

« Refuses-tu toujours de leur donner ta bénédiction ? » demanda Luxon d’un ton taquin. « Les deux parties sont d’accord pour l’union, elle est donc totalement irréprochable, même si l’arrangement était politique à l’origine. »

« Peu importe ! Ce n’est pas parce que je comprends quelque chose logiquement que je peux l’accepter émotionnellement. Ce sont deux choses différentes ! » Je m’étais retourné vers Elijah, qui fronçait les sourcils. « Pour être franc, je n’aime toujours pas que vous soyez ensemble. Je ne veux pas que vous soyez ensemble. Mais, bon sang… elle pense que tu es assez bien, alors je n’ai pas le choix. Tu m’entends ? C’est uniquement parce que je n’ai pas d’autre choix que d’accepter votre relation. »

« Euh, euh… »

J’avais posé mes mains sur les épaules d’Elijah et je les avais serrées. « Tu vas rester derrière et faire ton travail ici. Laisse-nous faire le nôtre. Alors… je te fais confiance pour prendre bien soin de Son Altesse. »

Lorsqu’Elijah avait transformé ses mains en poings cette fois-ci, ce n’était pas par frustration, mais par détermination. Il hocha la tête fermement. « Oui, monsieur ! Je ne vous laisserai pas tomber ! »

« Mais… s’il arrive quelque chose à l’une d’elles…, » avais-je dit en enfonçant le clou une dernière fois, « je te ferai regretter le jour de ta naissance. »

De la sueur dégoulina sur le front d’Elijah, qui trembla de peur. « Oui, monsieur… »

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Partie 2

En plus de Creare, un certain nombre d’autres robots ouvriers étaient stationnés sur le pont de la Licorne, ainsi que…

« Léon, tu ne vas pas monter sur l’Einhorn ? » demanda Noëlle en penchant la tête.

Un petit soupir avait franchi mes lèvres. « Il n’est vraiment pas nécessaire que vous veniez toutes les trois. » J’avais demandé à mes fiancées de rester en sécurité, mais elles avaient insisté pour me rejoindre sur la Licorne.

« Es-tu en train de dire que nous ne ferions que te mettre des bâtons dans les roues ? » demanda Anjie, les mains sur les hanches.

« Non, non, je n’essaie pas du tout de dire ça… »

Anjie croisa les bras et poussa un soupir. « Bon, je t’accorde que je ne serai pas d’une grande utilité pour cette mission, mais Livia et Noëlle, c’est une autre paire de manches. » Elle leur jeta un coup d’œil en parlant.

Noëlle frappa sa poitrine du poing, l’écusson de la prêtresse bien visible sur le dos de sa main. « Nous assurons tes arrières. Nous n’avons peut-être pas l’air si coriaces que ça, mais crois-moi, nous nous rendrons utiles. Même si ce n’est que dans un rôle de soutien, dans mon cas. » Elle tourna son regard vers Livia, qui avait elle aussi posé une main sur sa poitrine.

« J’ai discuté du problème avec Cleary et j’ai demandé s’il y avait quelque chose que je pouvais faire pour aider », avait-elle admis nerveusement, en souriant. « Ne t’inquiète pas, je te promets que nous ne te gênerons pas. »

« Ce n’est pas quelque chose que tu aurais dû encourager. » J’avais lancé un regard noir à Creare. Comme on pouvait s’y attendre, elle ne semblait pas du tout intimidée.

« Oh ? Tout ce que j’ai fait, c’est écouter quand elles sont venues me voir, soucieuses d’être utiles. Allez, détends-toi. Elles t’aiment vraiment. Ce serait un vrai geste de crétin que de les repousser. »

J’étais reconnaissant quant au fait qu’elles soient si déterminées à m’aider, mais était-ce vraiment si mal de vouloir qu’elles restent dans un endroit sûr ? Je m’étais renfrogné.

« Monsieur Léon. » Livia se glissa à côté de moi et me prit le bras. « Je te promets que nous nous rendrons utiles. S’il te plaît, ne veux-tu pas nous faire un peu plus confiance ? »

« J’ai une foi absolue en toi, mais ce champ de bataille est une autre histoire. »

 

 

Je n’aurais pas hésité à les laisser se joindre à moi si nous partions à l’aventure ou si nous nous enfoncions dans un donjon. Mais quand il s’agit de faire la guerre ? Ce n’est pas que je les trouvais faibles ou quoi que ce soit d’autre, mais prendre la vie de quelqu’un est un lourd fardeau. Je le savais par expérience. Plus une personne était gentille, plus la blessure était profonde. Je pouvais le supporter, mais je n’étais pas vraiment à l’écoute de mes propres sentiments. Elles étaient toutes beaucoup plus sensibles à cet égard.

Livia m’avait offert un sourire gêné, semblant réaliser exactement ce qui me passait par la tête. « Je comprends que tu t’inquiètes pour nous, mais il n’y a pas de quoi s’angoisser. Tu participes à cette bataille pour mettre fin à une guerre, tu t’en souviens ? »

« Livia… »

Ce n’est que lorsqu’elle l’avait dit que la réalité s’était enfin imposée. Elle avait tout à fait raison. Je n’allais pas dans le royaume de Rachel pour me battre. J’y allais pour arrêter les combats. Notre plan était de faire tout ce que nous pouvions pour minimiser les pertes.

Livia avait pris mes mains dans les siennes et les avait serrées. Nos yeux s’étaient croisés. « Je crois en toi et en ce que tu fais. Alors, s’il te plaît, laisse-nous mettre la main à la pâte. »

« D’accord », dis-je enfin.

Au coin de la pièce, Carla, Kyle et Marie se tenaient maladroitement, ne se sentant pas tout à fait à l’aise dans l’atmosphère actuelle. Marie, en particulier, nous regardait avec un agacement non dissimulé.

« Nous sommes sur le point de partir au combat », dit-elle. « J’apprécierais que vous arrêtiez de vous chamailler comme des tourtereaux. »

« Oh, j’aimerais bien trouver un homme à moi », dit Carla avec nostalgie.

« Une fois que les choses se seront calmées, tu pourras en retrouver un à l’académie », lui assura Kyle.

Carla secoua la tête, des larmes perlant dans ses yeux. « J’espère que tu as raison, mais en ce moment, les garçons de troisième année sont terriblement froids et distants. »

Paniqué, Kyle fit de son mieux pour l’apaiser.

« Vous montez aussi sur la Licorne ? » avais-je demandé, en tenant toujours les mains de Livia.

Toutes les trois m’avaient jeté un coup d’œil après avoir agi comme si je venais seulement de les remarquer.

« Eh bien, excuse-nous ! », s’emporta Marie, les mains posées de manière hautaine sur ses hanches. Elle se pencha en avant et ricana. « C’est toi qui as exigé que je t’accompagne à cause de ma magie de guérison, n’est-ce pas ? Pourquoi fais-tu comme si tu ne t’en souvenais pas ? »

« Oui, oui, c’est ma faute. Je me suis juste dit que tu pourrais mettre un peu d’huile de coude de temps en temps, puisque je passe mon temps à nettoyer après toi. »

« C’est la moindre des choses que je fais ! Je me démène tout le temps pour toi. C’est toi qui refuses de me donner de la reconnaissance ! »

« Tu as vraiment la vie dure, Rie, » déclara Noëlle avec un sourire de pitié.

« Tu ferais mieux d’ouvrir les yeux bientôt, Noëlle, » Marie lui déclara cela. « Ce type est une vraie bête de somme. Le genre à attirer une fille, puis à la laisser en plan. Je te le dis, ça vous ferait du bien à tous les deux si tu lui mettais un coup de poing dans la figure de temps en temps. »

Noëlle me jeta un coup d’œil, et après un moment de réflexion sérieuse, elle déclara : « Je vais y réfléchir. »

J’étais resté bouche bée. « Quoi !? Vas-tu prendre ce qu’elle dit pour argent comptant comme ça !? »

Livia avait souri et avait resserré son emprise sur mes mains à un point presque douloureux. Anjie, elle aussi, m’avait jeté un regard significatif, comme si elle se retenait de dire quelques mots.

Pourquoi ai-je l’impression qu’elles me mettent au pied du mur ?

« C’est vraiment déroutant de voir comment il peut mûrir à certains égards et pourtant rester aussi inconscient que jamais », déclara Luxon.

« C’est peut-être un défaut, mais c’est ce qui fait de lui ce qu’il est », déclara Creare.

Vous n’avez vraiment pas une once de compassion, bande d’abrutis. Ça craignait déjà que l’IA ne soit pas de mon côté, mais le fait que mes fiancées s’allient à Marie et à sa bande avait encore aggravé les choses.

Désireux de battre en retraite précipitamment, je m’étais précipité hors de la Licorne pour me réfugier sur l’Einhorn.

 

☆☆☆

 

Le ciel au-dessus du château d’ivoire de la capitale blanche était ensoleillé et dégagé de tout nuage. Le saint roi se prélassait dans les chauds rayons en se promenant sur son balcon pour observer la ville en contrebas.

Le roi caressa sa chère barbe blanche. « Rien n’est plus satisfaisant que de regarder d’autres personnes s’échiner laborieusement comme ça. »

Le monarque de Rachel n’avait aucune tendresse pour ses sujets. Au contraire, il prenait plaisir à les faire souffrir. En ce qui le concerne, leur vie lui appartenait. Les sacrifices que ses saints chevaliers faisaient en son nom ne lui laissaient aucun remords, il ne ressentait rien pour leur perte. Et il se délectait de la ribambelle de belles femmes qui répondaient à ses moindres caprices.

Ce moment sublime fut interrompu lorsqu’un de ses gardes personnels se précipita soudainement sur le balcon. Le chevalier barbu tomba rapidement à genoux devant son roi, en baissant la tête.

« Votre Éminence, pardonnez mon impertinence à vous interrompre ! »

« Qu’est-ce qu’il y a ? », demanda le roi avec colère, en jetant un coup d’œil au chevalier par-dessus son épaule.

Toute couleur avait disparu du visage de l’homme. « Un rapport urgent de nos alliés ! Ils ont envoyé un avis selon lequel le chevalier-ordure et ses deux navires ont quitté les terres des Frazers ! »

« Qu’as-tu dit ? » Le saint roi se retourna entièrement pour faire face au chevalier, comprenant la gravité de la situation.

« Nous devons encore le confirmer, mais le bruit court que le chevalier-ordure a l’intention de commettre le blasphème d’envahir le saint royaume de Rachel. Votre Éminence, veuillez vous préparer à évacuer immédiatement ! »

Les filles qui attendaient le roi sursautèrent. Elles tremblaient, devenant d’une pâleur mortelle. Le nom de Léon inspirait une grande crainte dans le Saint Royaume.

Le saint roi gloussa alors qu’il débattait de la question. Il saisit la balustrade du balcon à deux mains en regardant la file de navires de guerre rassemblés dans la capitale. Un large sourire se dessina sur son visage.

« Quelle raison avons-nous de fuir ? Bien plus de la moitié de notre armée est concentrée ici. Hohlfahrt s’est tiré une balle dans le pied avec cette manœuvre imprudente. Envoyez immédiatement un émissaire à l’empire. Une fois qu’ils auront appris les ambitions exacerbées de Hohlfahrt, l’empereur ne manquera pas de passer à l’action. »

L’assurance avec laquelle le saint roi s’exprimait apaisait grandement les craintes de ceux qui l’entouraient. Le chevalier en particulier était profondément ému par la bravoure de son roi.

« J’en déduis donc que vous allez rester ici, au château ? » demanda le chevalier.

« Bien sûr. Quelle que soit la force de ce chevalier pourri, nous avons les chevaliers sacrés — et pas seulement un ou deux, mais des dizaines. »

« Pardonnez mon intrusion, Votre Éminence. » Le chevalier baissa la tête avec respect. « Je vais retourner à mon poste. »

« Oui. Fais-le. »

Dès que le chevalier était parti, le saint roi se tourna vers ses plus proches serviteurs. « Commencez les préparatifs pour évacuer immédiatement. »

Les femmes furent choquées et le regardèrent avec incrédulité. N’avait-il pas dit exactement le contraire quelques instants auparavant ? Mais le saint roi n’avait pas tenu compte de leur surprise.

Nos forces peuvent au moins me faire gagner du temps pour m’échapper, pensa-t-il. Ses militaires et les chevaliers sacrés n’étaient rien de plus que des pions jetables pour lui. Leurs vies ne signifiaient rien. Tant qu’il était en sécurité, les occasions de se mettre Hohlfahrt à dos ne manqueraient pas plus tard.

Le saint roi caressa sa précieuse barbe en commençant à imaginer son prochain coup. C’est alors que l’une des beautés qui le servaient plaqua ses mains sur sa bouche, étouffant un cri.

« Là, au-dessus de nous ! Quelque chose brille ! »

Tous ceux qui se trouvaient sur le balcon levèrent le regard et découvrirent quelque chose qui se découpait sur le soleil. Les yeux du saint roi s’écarquillèrent. Son cœur battait à tout rompre dans ses oreilles. Il essaya de crier des ordres à ses assistants, mais ils semblaient tout aussi ébranlés par l’apparition soudaine de l’ennemi.

« Faites partir nos forces à leur rencontre ! Tous ! Tout de suite ! » hurla-t-il.

À peine a-t-il donné l’ordre qu’il se précipita loin du balcon et s’enfonça dans les profondeurs du château.

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Partie 3

L’Einhorn et la Licorne croisaient à haute altitude, la Licorne à l’avant. Je me tenais sur le pont de l’Einhorn, regardant avec inquiétude la scène qui s’offrait à moi.

« Nous sommes arrivés à destination. Pourquoi n’as-tu pas demandé à la Licorne de se replier ? Les filles sont sur ce navire, au cas où tu l’aurais oublié ! »

Mes cris furieux n’eurent que peu d’effet sur Luxon, qui semblait toujours aussi parfaitement calme. « Creare a proposé ce plan. La Licorne mènera l’attaque et nous protégera des tirs ennemis. J’ai déterminé que c’était le plan d’action le plus efficace, et j’ai donc mis en œuvre son idée. »

« Ne prends pas de telles décisions tout seul ! Comptes-tu sérieusement utiliser la Licorne comme bouclier à chair ? »

« En effet. »

J’avais levé le poing, prêt à le frapper, mais Finn m’attrapa le bras. Il était déjà vêtu d’une combinaison de pilote noire pour la mission.

« Ce n’est pas le moment de se battre ! » s’emporta Finn. « Je vais les protéger. Toi aussi, tu te concentres pour te préparer à partir. Kurosuke, tu es prêt quand tu veux, n’est-ce pas ? »

« Oui, bien sûr. Mais, partenaire, j’aimerais bien que tu m’appelles au moins de temps en temps Brave », dit Brave en faisant la moue.

« Bien sûr. La prochaine fois. »

« Tu dis ça à chaque fois, et tu finis quand même par m’appeler Kurosuke ! »

Finn avait à peine commencé à se diriger vers le hangar que Luxon lui coupa la parole.

« Ne vous mettez pas en travers du chemin », ordonna-t-il d’un ton laconique. « Il me semble que vous sous-estimez tous deux gravement ce dont ces trois filles sont capables. » Après une courte pause, Luxon annonça alors : « La Licorne entame sa descente. »

Il s’agissait moins d’une descente que d’un plongeon tête baissée dans la bataille, prenant une trajectoire diagonale en plongeant droit sur la capitale en contrebas.

« Merde ! »

J’étais prêt à quitter le pont en trombe et à m’envoler avec Arroganz lorsque je remarquais sur l’écran que les navires de guerre de Rachel venaient à notre rencontre. Ils étaient rejoints par plusieurs centaines d’Armures, parmi lesquelles j’ai repéré un certain nombre de pseudoarmures démoniaques. Des Armures portant des fusils étaient également stationnées sur les ponts des navires de guerre assez grands pour contenir des dizaines d’Armures. Et chacun d’entre eux avait l’œil rivé sur la Licorne.

« Des tirs ennemis arrivent. Licorne, déployez la barrière de champ de force. »

« Tu dois te moquer de moi », avais-je murmuré.

Je n’arrivais pas à croire ce que je voyais.

 

☆☆☆

 

Mylène était assise sur un siège spécialement préparé sur le pont de la Licorne, son regard attiré par la personne en face d’elle.

« Les humains peuvent-ils vraiment lancer une telle magie ? » se demande-t-elle à voix haute.

Leur vaisseau était pris pour cible par des armures et des tirs de fusil, mais Livia les avait tous bloqués grâce à son pouvoir. Elle se tenait au centre d’un appareil circulaire, enveloppée d’une faible lumière blanche. Des particules dorées dansaient autour d’elle, et le flux de mana faisait onduler ses mèches de manière fluide.

« Barrière de champ de force activée avec succès ! » annonça gaiement Creare, qui jouait le rôle de soutien auprès de Livia. « Il me semble qu’il s’agit de magie sacrée, alors pourquoi ne pas appeler cette barrière de protection, la Terre Consacrée ? »

La Terre Consacrée, comme Creare avait nommé le sort, entoura la Licorne d’une barrière sphérique d’énergie légèrement incandescente. Le motif d’un cercle magique se manifesta à sa surface.

« Garde le nom pour plus tard », dit Anjie à l’IA. Elle jouait le rôle de surveillante et d’observatrice sur le terrain. « Ce qui compte maintenant, c’est de tenir l’ennemi à distance ! Nous avons une pseudoarmure démoniaque qui dirige un peloton d’armures en approche tribord. »

« Oui, je les ai remarqués. Le problème va être de s’en débarrasser », dit Creare.

« N’en abats que le nombre absolument nécessaire. Notre objectif est de les intimider. »

« Tu demandes énormément, mais je suppose que c’est ce que veut le Maître, alors je suivrai tes ordres. »

La Licorne déploya une tourelle — essentiellement une mitrailleuse — qui était généralement rangée pendant le vol. Les balles s’abattirent sur l’ennemi.

Les mitrailleuses spécialisées pour les Armures n’avaient pas encore été inventées dans ce monde, principalement parce que la fabrication des balles était coûteuse. Les balles utilisées dans les armes de la taille d’une armure étaient des balles magiques spécialement infusées de mana pour être utilisées contre les navires de guerre et les autres armures. Les balles ordinaires perdaient la plupart de leur puissance lorsqu’elles traversaient une barrière magique. Les militaires n’avaient donc pas d’autre choix que de s’en remettre à la variété arcane, plus coûteuse. Avec de nombreuses balles dépensées à chaque bataille, le coût de la guerre pouvait atteindre des sommets vertigineux. Il était logique d’éviter les mitrailleuses au profit d’armes plus rentables offrant une meilleure visée et une plus grande puissance de feu. Compte tenu de tout cela, l’ennemi avait automatiquement supposé que la mitrailleuse de la Licorne devait tirer des cartouches ordinaires. Leurs pseudoarmures démoniaques avaient accéléré pour protéger leurs unités blindées moins puissantes.

« Vous êtes des imbéciles », grogna Anjie, la mâchoire serrée.

« Oh là là ! » Creare avait l’air plus enjoué que jamais, pas le moins du monde troublé par le destin tragique qui attendait leur ennemi. « On dirait que vous avez supposé qu’il s’agissait de balles ordinaires. Je suis désolée de vous le dire, mais ce sont les meilleures balles magiques que vous n’auriez jamais vues. »

Comme Creare l’avait supposé avec justesse, les balles magiques qui frappaient les pseudoarmures démoniaques infligeaient des dégâts incroyables. Cette attaque aurait complètement démoli une armure ordinaire, mais pseudo ou non, ces armures démoniaques étaient une force avec laquelle il fallait compter. Leur blindage était bien supérieur à celui d’un modèle ordinaire, et elles étaient imprégnées d’une puissante magie comme protection supplémentaire. Même les balles magiques ne pouvaient pas percer facilement ces défenses, du moins pas normalement. Cependant, une grêle de centaines, voire de milliers, de ces mêmes balles ébranlerait progressivement leur armure.

Les armures démoniaques n’avaient pas pu résister longtemps à l’assaut. Très vite, les balles avaient commencé à déchirer leurs couches de protection. Un liquide noir gicla dans l’air tandis que les armures dégringolaient vers le sol. Les Armures qui les suivaient furent plongées dans le chaos et se dispersèrent, fuyant la ligne de front.

« Hmm. Je suppose que c’est assez bien pour les Armures, mais c’est beaucoup plus difficile avec les dirigeables. Si nous ne faisons pas attention, nous allons les couler », dit Creare.

Ils se battaient dans le ciel, juste au-dessus de la capitale blanche. Si l’un des dirigeables de l’ennemi coulait, il tomberait sur la ville, où il provoquerait une explosion massive et des dégâts considérables. Noëlle ne pouvait pas supporter cela. Agacée, elle tendit sa main droite vers Livia. Son écusson de prêtresse émit une douce lumière verte. Elle injecta l’énergie stockée dans l’Arbre sacré directement dans Livia, lui fournissant du mana. Livia avait déjà dépensé la majeure partie de son énergie pour déployer la barrière.

« Cela irait à l’encontre de l’objectif de cette mission. Je compte sur toi pour gérer les choses, Olivia », dit Noëlle.

Livia acquiesça. « Je ne te laisserai pas tomber ! »

Les yeux fixés devant elle, Livia tendit la main devant elle. Des centaines de cercles magiques se manifestèrent dans l’air autour de la Licorne, chacun d’entre eux faisant plusieurs dizaines de mètres de large. Ils pivotèrent simultanément et se dirigèrent droit vers le bas.

Mylène l’observa avec intérêt, essayant de comprendre les intentions de Livia. Elle va lancer une attaque à partir de ces cercles magiques, n’est-ce pas ? Mais la capitale de Rachel se trouve juste en dessous de nous. Si elle fait ça, elle va raser la ville. Elle avait immédiatement rejeté cette idée. Il était impossible que Livia puisse faire une chose pareille.

Même si la déduction de Mylène était juste, elle ne pouvait pas imaginer comment Livia prévoyait réellement d’utiliser ses cercles magiques.

La main de Livia forma un poing, qu’elle ramena en arrière avant de le balancer tout droit vers le bas. « Ça risque d’être un peu cahoteux, alors accrochez-vous bien ! » dit-elle, sachant parfaitement que l’ennemi ne pouvait pas l’entendre. Elle avait presque l’air de s’excuser.

Mylène fronça les sourcils. Elle trouvait cette remarque excessivement naïve pour quelqu’un qui se trouvait sur le champ de bataille. Mais bon…

« Quoi !? », grinça la reine, toute idée de gronder Livia s’évanouissant.

Lorsque Livia abattit son poing, chacun de ses cercles magiques traversa l’air, se dirigeant directement vers les navires de guerre gargantuesques de Rachel. Les cercles magiques s’abattirent sur eux comme un énorme filet, stoppant net leur ascension. À partir de là, les vaisseaux de guerre entamèrent une descente beaucoup plus douce, poussés par l’élan de la magie de Livia.

À un moment donné, Mylène s’était soulevée de sa chaise en regardant. Une sueur froide coula le long de son dos lorsqu’elle réalisa ce que Livia était réellement en train de faire. « Elle fait physiquement reculer l’ennemi avec ses cercles magiques ? C’est de la folie ! »

Avant même d’être mariée, Mylène avait appartenu à une famille royale. Elle avait été initiée aux principes fondamentaux de la magie dès son plus jeune âge. Si quelqu’un lui avait demandé de reproduire ce que faisait Livia, elle aurait insisté sur le fait que c’était impossible — et aurait mis en doute la santé mentale de son interlocuteur. Elle avait du mal à croire qu’une chose aussi incompréhensible se déroulait sous ses yeux.

« Qu’en pensez-vous, Votre Majesté ? » demanda Anjie à côté de Mylène, avec un sourire triomphant. Elle était fière des réalisations impressionnantes de Livia. « Vous avez personnellement approuvé son inscription à l’académie en tant que boursière. Alors comment évalueriez-vous ses capacités ? »

Lorsque la décision avait été prise de permettre à un roturier d’entrer à l’académie grâce à une bourse, Mylène ne s’y était pas opposée, mais elle n’avait pas non plus participé au processus de sélection. Elle n’avait fait que signer les formulaires demandant son approbation.

« Ce n’est pas comme si c’était moi qui l’avais choisie », dit Mylène en secouant la tête. « Je n’ai donné mon feu vert que parce qu’elle avait une recommandation. Je n’aurais jamais imaginé que les responsables de l’école avaient trouvé quelqu’un d’aussi puissant. »

En fait, Mylène se sentait un peu troublée par l’ampleur monstrueuse des capacités de Livia. Elle aurait applaudi de joie à une démonstration de force ordinaire, mais Livia avait largement dépassé ce stade. Aux yeux de Mylène, elle représentait désormais une menace. Sans la puissance écrasante de Léon et de Luxon, qui dépassait de loin la sienne, Mylène aurait probablement tourné ses craintes vers Livia.

« Livia, » appela Anjie, « Continue de les repousser. Léon s’occupera du reste. »

« Nous allons faire gagner du temps à Monsieur Léon jusqu’à ce qu’il puisse tout régler de son côté. » En parlant, Livia avait utilisé le mot « nous » au lieu de « je », ce qui indiquait clairement qu’elle avait compris qu’il s’agissait d’un effort de groupe et non d’un combat qu’elle menait seule.

L’effort unifié entre les filles et l’IA Creare était si incroyable qu’il dépassait l’entendement. Mylène se sentait étourdie.

« Il semble que je vous ai complètement sous-estimées », avoua-t-elle aux filles. « Ou plutôt, je n’ai pas du tout compris vos capacités. »

« Votre Majesté ? »

« Anjie, tu es devenue une femme forte. Cela rend d’autant plus douloureux le fait que je t’ai perdue en tant que belle-fille. »

Anjie secoua la tête. « Non, vraiment, Livia et Noëlle sont les plus incroyables. »

Bien qu’elle ait protesté contre l’éloge, Mylène souriait. « La capacité à reconnaître correctement les forces des autres est une preuve de la sienne. De plus, c’est une chose rare que de nourrir des liens si étroits que vous êtes capables de vous coordonner si harmonieusement et d’accomplir tant de choses. Chérissez ces liens. »

Anjie se pinça les lèvres et acquiesça.

« Je n’ai plus rien à t’apprendre. À un moment donné, tu m’as surpassée — bien surpassée », murmure Mylène avec autodérision. Ses paroles étaient si silencieuses que le grondement de la bataille les noyait complètement.

+++

Partie 4

Mylène n’était pas la seule à regarder la magie de Livia en action, Marie surveillait la bataille depuis son coin. Elle avait trop honte de se tenir avec les autres quand Mylène était sur le pont. Sa Majesté avait l’habitude de jeter un regard noir à Marie dès qu’elle l’apercevait, en raison du rôle joué par Marie dans la séduction de Julian et du reste de la bande de crétins. Elle avait décidé de se tenir à l’écart, mais même sans être aux premières loges, elle avait réalisé l’énormité terrifiante du pouvoir de Livia.

« Lady Marie, regarde s’il te plaît. » Carla lui montra la fenêtre. « L’ennemi est repoussé. Ils perdent de l’altitude. »

Kyle était lui aussi collé à la fenêtre, observant attentivement Livia et les filles repousser l’ennemi. « Ils ont l’air de paniquer — on dirait qu’ils ont été pris complètement au dépourvu. La victoire devrait être un jeu d’enfant à ce rythme, non ? Qu’en pensez-vous, maîtresse ? »

Marie n’avait pas de réponse à lui donner. Ses yeux étaient rivés sur Livia. Je suppose que j’aurais dû m’attendre à cela de la part de la première protagoniste du jeu. Ce n’est pas pour rien qu’on l’appelait OP. Olivia était assez impopulaire à cause de sa personnalité et de son comportement, mais bon sang si elle n’est pas une alliée fiable sur le champ de bataille.

Dans le premier volet de la trilogie, la protagoniste était considérée comme tout aussi surpuissante que le chevalier noir. Marie le savait déjà — elle savait qu’Olivia avait ce pouvoir en elle — mais c’était différent de voir ce pouvoir en personne. Elle avait été stupéfaite. Elle n’aurait peut-être pas apprécié l’ampleur des capacités d’Olivia si elle ne s’était pas elle-même lancée dans l’étude de la magie.

J’ai beau travailler, je ne serai jamais aussi bonne que la protagoniste. Marie pouvait utiliser la magie de guérison, mais elle n’avait qu’un talent inné minime. Elle s’était blessée, et avait libéré une tonne de sueur et de larmes pour en arriver là. Personnellement, elle était fière des efforts qu’elle avait déployés, mais elle se rendait compte qu’aucune quantité de travail n’arriverait jamais à la cheville des aptitudes naturelles dont Livia avait été dotée.

En y repensant, je n’arrive pas à croire que j’ai cherché à me battre avec elle. Si les choses s’étaient passées différemment — s’ils avaient emprunté un autre chemin — cette fille aurait très bien pu devenir une ennemie plutôt qu’une alliée. Cette pensée fit frissonner Marie. Grand frère, c’est vraiment un soulagement que tu aies réussi à la garder de notre côté !

 

☆☆☆

 

À l’intérieur du hangar d’Einhorn, plusieurs Armures spécialement créées par Luxon étaient alignées les unes après les autres. À proximité, la brigade des idiots — sans Julian, bien sûr — surveillait la situation à l’extérieur grâce à un moniteur. Ils étaient d’abord restés sans voix face à la puissance écrasante de Livia.

Brad jeta un coup d’œil à ses compagnons et grimaça. « Hé, les gars… vous pensez qu’on pourrait vraiment la battre dans un combat ? »

« Si c’était un contre un à l’extérieur de ce navire, les chances de victoire seraient très certainement en notre faveur, » dit Chris avec un sourire, en fermant les yeux. « Mais sinon, nous n’aurions aucune chance. »

Greg croisa les bras. « Franchement, je ne veux pas me battre contre elle. Nous perdrions à coup sûr, cela ne fait aucun doute pour moi. »

La Licorne disposait déjà d’un arsenal vicieux, mais la magie de Livia était encore plus néfaste. Elle avait la capacité d’immobiliser et de neutraliser une flotte entière de vaisseaux de guerre sans la moindre sueur. Si jamais ils s’opposaient à elle, elle pouvait détruire leur vaisseau avant même qu’ils ne fassent un geste.

« Ces défenses sont horribles. » Toute couleur avait disparu du visage de Jilk. Il plaqua une main sur sa bouche. « Il n’y a aucun moyen de lui résister. La meilleure stratégie serait d’éviter de l’affronter à tout prix. »

Alors qu’ils parvenaient à une conclusion commune, des bruits de pas résonnèrent, annonçant l’approche de quelqu’un. Lorsque les garçons regardèrent par-dessus leur épaule pour voir qui était venu les rejoindre, ils furent accueillis par un mystérieux homme masqué — un chevalier qu’ils avaient déjà rencontré à maintes reprises.

« Des sentiments si pitoyables à entendre de la part de guerriers si puissants, » déclara-t-il. « Nous n’avons même pas encore posé le pied sur le champ de bataille, et déjà votre moral s’effrite. C’est à se demander si vous pouvez même espérer gagner. »

Ces provocations n’avaient pas plu aux garçons, même si le chevalier qui se tenait devant eux avait certainement une force importante.

« Espèce de salaud. De quel coin t’es-tu échappé ? », demanda Greg en lançant un doigt en direction du chevalier masqué.

Chris sortit son épée de son fourreau et pointa la pointe de la lame directement sur le chevalier. « Encore toi, » siffla-t-il.

« Je dois me faire l’écho de la requête de Greg : où te cachais-tu au juste ? Tu es pratiquement un rat. » Jilk brandissait son arme, pointant le canon directement sur l’homme.

« Quelle impudence ! » beugla le chevalier masqué, qui semblait particulièrement offensé par le commentaire de Jilk. « Ces réactions sont inacceptables et injustifiées, surtout si l’on considère que j’ai fait tout ce chemin pour me battre à vos côtés. » Il croisa les bras.

Le chevalier masqué était encore plus équipé que la dernière fois. Il arborait une toute nouvelle tenue, comprenant un masque et une cape. Sous tout cela, on pouvait apercevoir une combinaison de pilote cachée, indiquant qu’il était prêt à monter dans son Armure à tout moment.

Brad jeta un coup d’œil à l’entrée du hangar. « Léon arrive. C’est bien. Maintenant, on peut enfin arracher ce masque et te jeter hors du vaisseau pour de bon. »

Loin d’être intimidé, le chevalier masqué semblait triomphant, comme s’il était persuadé que Léon passerait outre sa présence.

« Soyez mes invités. Demandons à Sa Seigneurie ce qu’il en pense. Seigneur Léon ! Priez pour que l’on me prépare une armure à moi aussi. Vous avez cette impressionnante Armure faite spécialement pour le prince Julian, n’est-ce pas ? »

En effet, l’Armure blanche fabriquée pour le prince Julian avait été chargée à bord, même si le prince lui-même n’était pas venu pour cette mission. Comme toutes les autres, elle était assise sur les genoux, comme prête à accepter son pilote. Les quatre idiots avaient trouvé cela étrange, en fait. Pourquoi Léon avait-il apporté cette armure alors qu’il n’y avait personne pour la piloter ?

Léon était entré à grands pas dans le hangar, Finn à ses côtés. Il jeta un bref coup d’œil au chevalier masqué. « Fais ce que tu veux », dit-il d’un ton indifférent. « Mais si tu la détruis, tu vas le payer. »

Le chevalier masqué tressaillit. « Je-je te jure que je ferai tout mon possible pour qu’il sorte intact de la bataille. »

Léon l’ignora et se dirigea directement vers le cockpit d’Arroganz. Une fois à l’intérieur, il ne s’arrêta qu’un instant pour dire : « Livia et la Licorne nous ont donné une bonne ouverture. C’est à nous de finir ce qu’elle a commencé. »

Les garçons avaient échangé des regards et avaient hoché la tête.

« J’aurais honte d’annoncer que nous avons échoué après que nos compagnes se soient donné tant de mal pour nous accorder cette opportunité », déclara Brad. « Je donnerai tout ce que j’ai. »

Léon avait souri et avait claqué son écoutille.

 

☆☆☆

 

« Analyse du fuselage terminée. L’Arroganz est tout vert et prêt à se déployer quand tu en donneras l’ordre », annonça Luxon.

Sur ce, j’avais manœuvré mon armure vers l’avant, en direction de l’écoutille du hangar. La bande d’idiots avait déjà grimpé dans leurs armures et me suivait.

« Et toi, Finn ? » avais-je demandé. Il n’avait toujours pas fusionné avec Brave.

Finn haussa les épaules. « J’équiperai Kurosuke une fois dehors, alors ne t’inquiète pas pour moi. Ouvre simplement la trappe et jette-moi dehors. »

C’est un peu comme si tu disais n’importe quoi. Je n’avais jamais été très enthousiaste à l’idée de sauter en parachute, même dans ma vie précédente. Je devais au moins le féliciter pour son courage.

« N’as-tu pas peur ? »

« Non. J’ai mon partenaire avec moi. » Finn jeta un coup d’œil à Brave, qui gonfla avidement son torse, heureux d’avoir la confiance de Finn.

« Ha ha, vous faites une bonne équipe, » dis-je. « D’accord, Luxon, allons-y. »

« Compris. J’ouvre la trappe. »

Les portes extérieures s’étaient ouvertes à l’instant où Luxon avait accusé réception de mon ordre. Des rafales furieuses firent irruption dans le hangar, mais même si elles avaient secoué Finn, il était resté parfaitement calme.

À l’extérieur, l’ennemi n’opposait qu’une faible résistance. Les navires de guerre étaient totalement incapables de bouger. La majorité des Armures encore en vol tentaient d’attaquer la Licorne, mais la barrière de protection de Livia les repoussait facilement. Ils ne pouvaient littéralement pas lever le petit doigt contre la Licorne et mes fiancées. Au milieu de tout cela, j’avais détecté un certain nombre de cibles ennemies qui s’approchaient de l’Einhorn.

« Faisons-le. »

Les boosters du sac à dos d’Arroganz se mirent en marche, dégorgeant des flammes tandis que nous quittions le hangar et volions à la rencontre des Armures ennemies qui arrivaient. Leurs voix résonnaient autour de moi, captées par le système sonore externe d’Arroganz.

« Nous t’avons trouvé, chevalier-ordure ! »

« Cet homme est notre ennemi juré ! Abattez-le, chevaliers sacrés ! »

« Pour notre belle patrie ! Pour Son Éminence ! »

La façon dont ils parlaient les désignait comme des pseudoarmures démoniaques. Étant donné qu’ils ne pouvaient livrer qu’une seule bataille avant de perdre la vie, ils se sacrifiaient littéralement pour le bien de leur pays. Une telle décision ne me convenait pas vraiment, mais j’hésitais à les écarter pour cette raison. Tout ce que je pouvais faire, c’était mettre fin au concept même de leur existence.

« Aujourd’hui, les Chevaliers Saints prennent fin », avais-je dit en réaffirmant ma conviction.

J’avais manœuvré les manches de commande d’Arroganz, les pieds fermement appuyés sur les pédales pour augmenter l’accélération. Je m’étais déplacé en hélice, descendant rapidement pour réduire la distance qui me séparait des chevaliers sacrés.

« Il y a un moyen de les sauver, n’est-ce pas ? » demandai-je à Luxon, connaissant déjà la réponse.

« Non. » Au moins, il l’avait dit sans aucun de ses sarcasmes habituels.

« C’est ce que je me suis dit. Sors le fusil. »

« Éjection du fusil. »

Arroganz avait saisi le fusil qui avait jailli du conteneur arrière et était passé en mode tir. L’écran fit un zoom avant, me donnant une vue plus claire des pseudoarmures démoniaques auxquelles je faisais face. J’avais visé et appuyé sur la gâchette. La balle transperça la tête de l’ennemi.

Je m’étais demandé un instant s’il allait se régénérer, mais des fissures avaient traversé l’ensemble de son corps, partant du point d’impact. Il s’était brisé, réduit en miettes.

« Ce fusil est encore plus impitoyable que le précédent, » dis-je. « Tu as fait plus qu’augmenter sa puissance, je suppose ? »

C’était une question rhétorique, en fait. Les armures démoniaques avaient d’incroyables pouvoirs de régénération, mais ce fusil en avait éliminé une d’un seul coup.

« J’ai amélioré les capacités de ses combinaisons anti-démoniaques en me basant sur les données de combat recueillies jusqu’à présent. En particulier, les balles peuvent percer plus efficacement les défenses des armures démoniaques », expliqua Luxon.

Au lieu de perdre le moral en voyant l’un de leurs compagnons si facilement éliminés, les chevaliers sacrés furent galvanisés. Ils s’attaquèrent de nouveau à Arroganz, animés d’une colère nouvelle. Après l’insertion d’éclats d’armures démoniaque dans leur corps, ils deviendront de plus en plus instables mentalement.

« Tu vas payer pour la mort de notre camarade ! »

 

 

Arroganz repoussa sans effort une unité qui se dirigeait à toute vitesse vers lui. Quelle que soit leur vitesse, leur trajectoire était prévisible. Je n’avais rien à craindre d’eux.

« Beaucoup trop prévisible ! » avais-je dit.

+++

Partie 5

J’avais visé et tiré alors que l’unité tournoyait dans les airs sous la force du coup de pied d’Arroganz, essayant désespérément de se redresser. Un liquide noir avait jailli de sa blessure ouverte, des gouttelettes s’éparpillant dans l’air alors qu’il plongeait vers le château d’ivoire — le symbole de la capitale blanche.

Bien qu’ils aient perdu plusieurs camarades, les pseudoarmures démoniaques restantes avaient continué à me foncer dessus, bien décidées à abattre celui qu’elles ne connaissaient que sous le nom de « chevalier-ordure ».

« Pour notre glorieux royaume ! »

Le prochain ennemi qui chargeait était armé d’un énorme marteau. Brandissant cette arme lourde, il s’approcha rapidement, tournoyant dans les airs, presque comme un tourbillon. Pour une tactique offensive, il s’agit d’une tactique imprudente.

« Désolé, mais tes discours patriotiques sont un peu inutiles pour moi », je lui avais répondu tout en esquivant.

La combinaison qui tournait encore décrivit un arc dans les airs, presque comme un boomerang, et s’était dirigée une fois de plus vers moi.

« Lance un missile ! » avais-je crié à Luxon. « Il faut juste que nous stoppions son élan. »

« Lancement en cours. »

Un missile avait jailli du conteneur situé dans le dos d’Arroganz, percutant la pseudoarmure démoniaque et la déséquilibrant. La vitesse de sa révolution étant ralentie, il vacilla dans les airs, instable. J’avais levé mon fusil et j’avais tiré. Ce tir le toucha en pleine poitrine. Il cessa de bouger et chuta vers la ville.

L’attaque suivante était un effort coordonné entre trois unités. D’après leur synchronisation, je m’étais dit qu’il s’agissait de certains des membres les plus puissants de leur ordre. Leur compétence était apparente non seulement dans leur travail d’équipe sans faille, mais aussi dans leur sang-froid et leur maîtrise, malgré les éclats enfouis en eux.

« Si nous ne pouvons pas t’abattre en un contre un, alors nous devrons t’abattre ensemble ! »

Ces pseudoarmures démoniaques avaient généralement opté pour des attaques chronométrées — frappant rapidement et revenant en arrière — ce qui était encore plus pénible lorsqu’il s’agissait d’une offensive coordonnée et sur plusieurs fronts. Arroganz les surpassait en termes de performance pure, mais je voulais éviter les dégâts si je le pouvais. Lorsque le suivant s’approcha, je plaçai ma paume gauche dans leur direction. « Toi d’abord. »

Arroganz déclencha son attaque caractéristique et la combinaison implosa. Un liquide noir éclaboussa, mon armure, tombant comme de la pluie.

« Lorsque nous reviendrons de cette mission, Arroganz aura besoin d’une stérilisation complète, » dit Luxon avec aigreur. C’était un peu étrange pour une IA d’être aussi pointilleuse sur la propreté, mais sa haine pour les armures démoniaques était assez stupéfiante. Je me demandais pourquoi les anciens humains avaient délibérément créé des IA dotées d’émotions aussi humaines.

« Frère ! Tu vas payer pour ça ! » hurla l’un des chevaliers restants. Apparemment, je venais d’éliminer un membre de sa famille. Il s’était élancé vers moi, mais je l’avais repoussé d’un coup de pied, profitant de l’occasion pour viser son autre camarade. Tout semblant de travail d’équipe était oublié, perdu au profit de la rancœur.

« Ça fait deux. Tu es le dernier qui reste. »

Le seul homme debout — le frère qui voulait se venger — devint de plus en plus instable. Sa forme gonfla et se contorsionna, incapable de conserver sa forme humaine d’origine. Elle devint sphérique, avec une énorme bouche et des ailes de chauve-souris démesurément petites.

« Je vais te pulvériser ! »

L’armure malformée hurla en se jetant sur moi, la gueule béante. Ses dents en forme de scie oscillaient et parvinrent à attraper le bras de mon armure, le serrant jusqu’au coude. Un crissement de métal fendit l’air alors que ses lames tentaient de fendre le blindage extérieur d’Arroganz. Des étincelles jaillirent de sa bouche.

« Arrête de tergiverser », me réprimanda Luxon. « Ou bien cela t’a-t-il dérangé ? »

Il avait lu en moi un peu trop facilement. Le désespoir de ce type pour venger son frère mort avait touché une corde sensible en moi. Je ne pouvais pas m’empêcher d’imaginer Nicks et Colin. Si j’étais à sa place, j’étais sûr que je voudrais aussi me venger.

Le bruit du métal qui grinçait s’éteignit lentement, et c’est alors que l’armure démoniaque ouvrit la bouche. Arroganz avait subi quelques égratignures, mais il était par ailleurs indemne. Les impressionnantes dents de l’ennemi, en revanche, avaient été réduites en poussière.

« Achève-le », avais-je dit.

« Très bien. »

Arroganz avait alors émis une puissante onde de choc qui avait déchiré l’armure malformée. Il n’y avait pas de temps à perdre à se complaire dans l’émotion. J’avais scruté le ciel, à la recherche de ma prochaine cible. Je réfléchirais plus tard, lorsque la bataille serait terminée.

« Suivant ! » avais-je crié de toute urgence.

« D’autres pseudoarmures démoniaques ont été lancées depuis la ville. Il semblerait que l’ennemi ait déployé des unités nettement moins entraînées dans l’espoir de nous retarder. »

Le royaume de Rachel était tellement paniqué à l’idée de se défendre qu’ils avaient fait appel à des apprentis sans formation — de simples garçons. Ce n’était pas une supposition de ma part, cela se voyait dans les formes que prenaient les armures. Chacun d’entre eux s’était déjà contorsionné dans des formes peu naturelles.

« Descendons-les rapidement, puis allons chercher la véritable armure démoniaque qui se cache derrière tout ça. »

« Ce ne sera pas nécessaire, » dit Luxon.

Une équipe d’Armures colorées était passée en trombe devant moi, plongeant à vive allure à la rencontre des unités ennemies qui arrivaient. Julian — ou son alter ego, le chevalier masqué — menait l’assaut dans une Armure blanche, suivi de près par une Armure rouge et un bleu. Ils avaient découpé l’ennemi déformé.

Une pseudoarmure démoniaque les avait dépassés et s’était dirigée vers moi. Jilk, qui utilisait sa propre armure verte, l’avait abattu de loin avec son fusil. Peu de temps après, il envoya une transmission. « Nous pouvons nous occuper de tout ici. Vas-y. »

« Vous êtes en fait plutôt utiles quand vous le voulez, hein ? »

« J’aimerais que tu nous accordes un peu plus de crédit », répondit Jilk en douceur à ma taquinerie. « Une fois que les choses se seront calmées, j’apprécierais que tu en profites pour évaluer plus précisément mes contributions. »

Seul Jilk profiterait de cette occasion pour réclamer plus de reconnaissance, et spécifiquement pour lui. Il avait totalement omis de mentionner les autres gars. J’aurais parié qu’il ne se souciait pas non plus de savoir si je les réévaluais.

Jilk avait abattu d’autres pseudoarmures démoniaques lorsqu’elles avaient été lancées sur nous. Il les abattait avec une telle facilité que je devais supposer qu’il était équipé du même type de fusil qu’Arroganz.

Alors que j’étais sur le point de descendre, une véritable armure démoniaque dotée d’ailes impressionnantes — la forme fusionnée de Finn et Brave — était apparue à mes côtés. Son arrivée avait provoqué une onde de choc chez les chevaliers sacrés.

« L’un des nôtres nous a-t-il trahis !? »

« Qui est-ce, d’ailleurs !? »

« Oui, je n’ai jamais vu une aussi belle armure ! »

Ils avaient été décontenancés, car ils avaient supposé qu’il s’agissait d’un camarade, alors qu’en vérité, l’armure démoniaque de Finn était la propriété de l’empire. Finn n’avait même pas pris la peine de s’adresser aux pilotes des pseudoarmures.

« Léon, » dit-il, « Kurosuke dit qu’il sent une forte présence de l’armure démoniaque depuis le fond du lac. »

« Pas le château ? »

« Non, c’est bien le lac », répondit Brave à la place de Finn.

J’avais jeté un coup d’œil à Luxon, à côté de moi. Sa lentille rouge s’était mise à clignoter. « J’ai confirmé l’emplacement de l’armure démoniaque. De plus, une personne correspondant à la description du saint roi est montée à bord d’un dirigeable pour tenter de fuir. »

« Devons-nous d’abord nous occuper de lui ? »

« Non, » dit Luxon, l’air ennuyé. « Il semblerait que quelque chose de plus gênant requiert notre attention. » Pour une fois, son exaspération n’était pas dirigée contre moi, mais plutôt contre la situation elle-même.

« Attention ! » s’écria Finn en poussant Arroganz hors du chemin.

J’avais retenu mon souffle lorsque quelque chose avait jailli du lac en contrebas dans un énorme panache d’eau. En fait, ce n’est pas quelque chose, mais des choses. Il y en avait des dizaines. Finn avait dégainé son épée et s’était attaqué à eux. Ce n’est qu’en le regardant que j’avais réalisé que ces objets mystérieux étaient en fait d’énormes graines, chacune aussi grosse qu’un humain adulte. De plus en plus d’exemplaires jaillissaient du lac, l’une après l’autre.

La lentille de Luxon émit alors une lueur inquiétante. « Demande la permission de tirer des missiles. »

« Fais-le », avais-je dit sans perdre une seconde.

L’écoutille du conteneur arrière d’Arroganz s’était ouverte, lançant une batterie de missiles qui s’étaient verrouillés sur les graines. Ils explosèrent à l’impact et les restes carbonisés retombèrent dans le lac d’où elles avaient émergé.

« Mais quel genre de graines sont-elles ? » avais-je demandé.

Finn secoua la tête. « Aucun indice. Kurosuke ? »

« Ce qui les a créées a eu beaucoup de temps pour développer ses propres caractéristiques uniques, alors je ne peux même pas commencer à l’imaginer. La seule chose que je peux dire, c’est qu’il s’agit vraisemblablement d’une sorte de plante. »

Des lianes s’étaient déployées à partir du lac où se trouvait l’armure démoniaque. À l’extrémité de chaque liane se trouvait une sorte de bourgeon — sphérique et rappelant étrangement une palourde. Ils étaient difficiles à décrire. J’étais sûr de les avoir vus dans ma vie précédente. Des aiguilles sinistres sortaient des bourgeons, qui s’ouvraient au milieu, presque comme une bouche. Il y en avait six au total.

« Je sais ! » J’avais claqué des doigts, me sentant triomphant. « C’est un piège à mouches de Vénus. »

« Maintenant que tu le dis, ça y ressemble, » déclara Finn d’un ton pensif. « Mais ce n’est qu’une ressemblance passagère. Il ne s’agit probablement pas exactement de la même espèce. »

L’énorme piège à mouches de Vénus avait commencé à attaquer indistinctement tout ce qui se trouvait à sa portée, serrant ses mâchoires autour de l’une des pseudo armures démoniaques qui se trouvaient à proximité.

« M-mais pourquoi !? Nous sommes dans le même camp ! »

Les cris du pilote furent interrompus lorsque le piège se referma autour de lui, faisant fondre la chose dans ses mâchoires.

« Il est en train de se déchaîner ! » dis-je.

« Probablement parce qu’il a été activé de force », expliqua Luxon. « Quel ennemi vraiment gênant. Cela dit, il semblerait que les graines qu’il a projetées soient leur propre problème. »

Les graines que nous n’avions pas réussi à éliminer pendant qu’elles étaient dans les airs avaient atterri dans la ville proprement dite et avaient fait pousser six pattes sous chacune. Leurs coques s’étaient également fendues pour former d’énormes bouches. Ces créatures végétales s’étaient ensuite jetées sur les citoyens vulnérables. Mon estomac s’était emballé lorsqu’elles avaient commencé à engloutir des gens.

« Je suppose qu’il faut d’abord s’occuper de ceux-là. » J’avais ajusté ma prise sur les manettes de contrôle d’Arroganz, prêt à descendre pour aider, mais quelqu’un d’autre m’avait devancé. Une armure violette arborant six lances sur son dos s’est posée dans les rues.

« Ne crains rien. Je vais m’en occuper », dit Brad en prenant la pose la plus nulle que l’on puisse trouver chez un superhéros d’un spectacle pour enfants.

+++

Partie 6

Brad tenait dans sa main droite une lance conique de même facture que celles qu’il portait dans le dos. Il s’agissait apparemment de ses seules armes.

Alors qu’il observait la situation depuis son cockpit, Brad remarqua qu’Arroganz et Brave tiraient sur d’autres graines qui s’élançaient hors du lac. Celles qui parvenaient à échapper à leurs balles se retrouvaient dans la ville, où elles s’écrasaient et se transformaient en monstres.

Brad enfonça sa lance dans le sol, posant ses mains sur le pommeau. Pour un observateur extérieur, il aurait semblé bien trop calme et détendu, comme s’il ne faisait que se montrer, mais il ne jouait pas. Il grimace devant la scène qui s’offrait à lui.

« Quelle honte ! En tant que noble et chevalier, je ne peux tolérer qu’un pays inflige de telles souffrances aux personnes mêmes qu’il devrait protéger. »

Toutes émotions avaient disparu de son visage. Brad serra fortement ses baguettes de contrôle, y déversant du mana. Le cockpit était équipé d’un capteur de mana qui dirigeait le flux d’énergie vers les lances situées dans le dos de son armure. Elles s’étaient alors déployées, dansant dans l’air. Le mana de Brad transmettait ses ordres à ses armes, qui s’empressaient d’exécuter sa volonté.

« Mon armure est équipée de façon unique pour maîtriser plusieurs ennemis à elle seule. Je crains que vous n’en trouviez aucune mieux placée pour vous éliminer. »

L’ennemi ne donna aucune réponse, bien sûr, mais cela n’empêcha pas Brad de divaguer avec ses affirmations personnelles.

Léon avait prétendu que les lasers installés dans ces lances étaient de nature « magique », mais Brad n’était pas dupe — il pouvait voir que ce pouvoir n’était pas de type arcane.

Les lances de Brad s’étaient élancées vers l’ennemi, émettant des rayons qui avaient transpercé les créatures végétales et les avaient instantanément incinérées. Les six lances s’étaient ensuite réassemblées, tournoyant dans les airs avec leurs pointes dirigées vers le sol.

« Je vais vous exterminer jusqu’au dernier d’entre vous. »

Comme Brad l’avait promis, les lances avaient tiré une fois de plus, dévastant l’ennemi. Les citoyens observèrent la scène, bouche bée. Certains commencèrent à s’agglutiner autour de l’Armure de Brad, jusqu’à ce qu’il crie : « Fuyez pendant que vous le pouvez encore ! » depuis son cockpit.

 

☆☆☆

 

Honnêtement, j’étais un peu inquiet lorsque Brad avait fait son show en atterrissant, mais il avait rapidement expédié l’ennemi et protégé les gens, ce qui avait été un énorme soulagement.

« Tu vois, il peut y arriver s’il s’y met à fond », avais-je dit. Normalement, je n’aurais pas épargné un mot d’éloge pour lui ou ses copains, mais je me sentais généreux.

« Son armure a été spécialement conçue pour affronter plusieurs ennemis, mais de telles capacités requièrent des compétences considérables de la part du pilote », expliqua Luxon. « Bien que Brad semble naturellement compatible avec de tels stratagèmes de combat, je dois saluer sa performance. »

« On dirait que je peux faire confiance à la brigade des idiots pour s’occuper des choses ici. Nous allons nous occuper de l’armure démoniaque. »

Finn avait découpé d’autres graines pendant que j’évaluais la situation au sol. Sa voix avait retenti dans le cockpit. « Es-tu sûr que tu es d’accord pour laisser partir le roi ? On dirait qu’il essaie de s’enfuir. »

« Les autres peuvent s’occuper de lui. Ce qui nous préoccupe le plus, c’est de trouver comment démolir cette chose. »

Cette armure démoniaque avait pris le contrôle d’un énorme piège à mouches de Vénus pour nous attaquer depuis la sécurité de sa demeure engloutie. D’une manière ou d’une autre, nous devions le sortir de là. Je m’étais creusé la tête pour trouver des idées.

« Je suppose que nous pouvons cisailler les tentacules et voir ce qu’il fait ensuite. »

J’avais remis mon fusil dans le conteneur sur le dos d’Arroganz, et je l’avais échangé contre une hache de guerre.

« Argh », gémit Brave dès qu’il la vit. « Je déteste vraiment ta hache de guerre. Les sons qu’elle émet sont à faire frémir les oreilles. »

Cette hache était spécialement équipée d’une lame à haute fréquence, dont l’oscillation la rendait plus efficace pour couper directement les liens moléculaires. Les ondes sonores stridentes qu’elle émettait étaient certes rudes pour les oreilles, mais c’était la meilleure option pour faire face à notre adversaire actuel.

« Si nous lui coupons les membres, il faudra bien qu’il sorte la tête, non ? » dis-je.

« Je ne dispose pas des informations nécessaires pour faire une prédiction précise. »

Je m’étais précipité vers le lac, et deux des pièges de l’ennemi s’étaient ouverts en grand en arrivant sur moi à tour de rôle. J’avais réussi à esquiver en accélérant, mais l’accélération était si intense qu’elle avait repoussé mon corps dans mon siège. Ces manœuvres intenses avaient mis le pilote à rude épreuve.

« Il y en a un à terre ! » avais-je crié, tranchant un tentacule alors que je faisais une embardée pour éviter une attaque imminente. Il plongea dans le lac.

La tige restante s’agita, pulvérisant un liquide noir de son extrémité coupée. Me considérant désormais comme une menace, la plante concentra ses pièges restants sur moi. Pendant ce temps, Finn en avait abattu un autre avec son épée longue, faisant preuve d’une finesse gracieuse. L’envergure de ses ailes s’élargit tandis qu’il s’élança dans les airs vers les pièges les uns après les autres, les éliminant à une vitesse incroyable.

« Tu sais, une armure démoniaque ne me semble pas si mal, » dis-je en l’observant. « Je veux dire, si nous parlons purement du point de vue de la performance de l’armure, il nous surpasse complètement, n’est-ce pas ? »

« Tu devrais songer à te concentrer sur ton travail au lieu de perdre ton temps en remarques stupides, » déclara sèchement Luxon. « D’ailleurs, si tu souhaites nous comparer, tu devrais le faire en évaluant l’ensemble de nos performances plutôt qu’un seul aspect. Arroganz est équipé de nombreuses pièces interchangeables, ce qui lui permet de s’adapter facilement à n’importe quelle situation. Il est absurde de penser qu’une armure démoniaque puisse un jour le surpasser. » Ces mots étaient sortis dans un élan de colère. J’avais vraiment marché sur une mine antipersonnel.

« D’accord, désolé. Ne sois pas si énervé. »

« Je ne suis certainement pas “énervé” », s’était-il emporté. « Maître, nous arrivons d’en bas. »

Je m’étais élancé, prenant de l’altitude pour éviter les nouveaux pièges qui avaient jailli du lac. Ils étaient apparus en succession rapide, l’un après l’autre. Continuer à les abattre se transformait en un exercice futile.

« Tout ce travail et nous n’avons toujours rien à montrer. »

« Confirmation que nos cibles antérieures se sont régénérées, et en plus, elles semblent se multiplier. » Luxon marqua une pause avant d’ajouter : « Il semblerait également que l’ennemi ait choisi d’activer cette armure démoniaque d’une manière que tu trouverais particulièrement désagréable. »

« Qu’est-ce que ça veut dire ? » Je fronçais les sourcils. Mes émotions étaient engourdies grâce à l’adrénaline de la bataille, mais cela ne suffisait pas à étouffer le sentiment d’affaissement que j’avais dans les tripes. « De toute façon, qu’est-ce qu’on va faire ? »

« Arroganz peut fonctionner sur n’importe quel champ de bataille. Je vais déployer du matériel pour un engagement aquatique à partir de l’Einhorn. Reste dans les airs et échangeons ces pièces avec ton dispositif actuel. »

« Mais je n’ai aucune expérience des combats sous l’eau », avais-je protesté.

Pendant que je chipotais, les pièges s’étaient regroupés autour de moi. J’avais tiré un missile et j’en avais incinéré quelques-uns, découpant les autres avec ma hache de guerre.

« Une bataille subaquatique, hmm ? Je n’en ai fait l’expérience qu’une seule fois. » Finn s’était joint à la conversation alors même qu’il était préoccupé par des tonnes de pièges qui volaient vers lui.

« Eh bien, au moins tu as un peu d’expérience. Ça te dérange si je te laisse le reste ? Je suis à peu près prêt à rentrer chez moi maintenant. » Combattre une armure démoniaque capable de manipuler ces monstrueux membres végétaux dans un lac ? Bien sûr que non.

« C’est ta guerre, pas la nôtre ! » s’insurgea Brave. « N’as-tu pas oublié que mon partenaire n’est là que pour t’aider, pas pour te porter tout le long du chemin, n’est-ce pas ! »

« Ta participation est tout à fait étrangère, » déclara froidement Luxon. « La victoire du maître est assurée, même sans votre intervention. Il serait plus approprié de dire que nous vous avons gracieusement permis de nous accompagner. »

« Même en pleine bataille, tu restes un détestable tas de ferraille ! »

« Pourquoi ferais-je preuve de cordialité à l’égard d’un noyau d’armure démoniaque ? Dans ce cas, je crois que les humains diraient : “Si tu es une telle mauviette, rentre ta queue entre tes jambes et rentre chez toi en pleurant”. Si tu trouves cette bataille insurmontable, tu es plus que bienvenu pour te retirer. »

« Graaah ! Je déteste vraiment ta stupidité de tas de ferraille ! Allez, partenaire, on le fait ! »

C’était d’ailleurs assez adorable de voir comment les moqueries de Luxon chauffaient Brave à blanc.

« Du calme, Kurosuke, » dit Finn, exaspéré. « Si tu nous envoies en bas, nous ne pourrons pas faire face aux attaques ici. En fait, c’est toi qui as parlé avec tant de force de mettre fin à cette guerre avant qu’elle ne commence, alors pourquoi ne pas t’en occuper toi-même, Léon ! »

En réalité, je ne pouvais pas me retirer de cette bataille, pas après avoir promis à Monsieur Carl de régler cette guerre pacifiquement. Attends une seconde. Vu à quel point il semblait détester Finn, peut-être que ça me ferait gagner des points ? Il serait probablement aux anges si je revenais lui dire que j’avais fait vivre l’enfer à Finn ici.

Pendant que je nourrissais ces pensées, Luxon analysait le champ de bataille. Une fois qu’il eut terminé, il déclara : « Les cinq autres sont surchargés. C’est à nous qu’il incombe de détruire l’armure démoniaque par nos propres moyens. »

« Bien sûr. Pourquoi serait-ce différent cette fois-ci ? Je me retrouve toujours avec le pire rôle », avais-je grommelé en secouant la tête.

Je m’étais élancé dans les airs, en essayant d’éviter à la fois les tentacules sans tête et ceux qui étaient encore équipés de pièges adéquats. Les pièces que l’Einhorn avait déployées approchaient à grands pas. Le problème, c’est que les équiper dans les airs ne serait pas une mince affaire, et la poursuite persistante de l’ennemi ne faisait que compliquer les choses. Je courais pour échapper aux griffes de l’ennemi, les pièces me poursuivant, mais je ne trouvais pas l’occasion de les échanger.

« Euh, c’est moi, ou c’est presque impossible ? » J’avais tranché quelques tentacules avec ma hache. Malheureusement, les pointes sectionnées se régénéraient instantanément et reprenaient leur assaut. « Je suppose qu’il faut que je prenne de la distance pour l’instant… »

Alors que j’essayais de le faire, Finn était apparu à mes côtés et trancha les lianes avec son épée longue, puis se positionna parfaitement pour me protéger.

« Finn ! » avais-je crié de soulagement.

« Je vais les occuper. Dépêche-toi juste d’en finir. »

« Je te remercie ! Quand nous serons de retour à Hohlfahrt, je te rembourserai. »

« Bien sûr que oui. Je ne retiendrai pas mon souffle », plaisanta-t-il en taillant dans les tentacules qui s’approchaient.

Finn ayant distrait l’ennemi, j’avais mis un peu de distance entre nous et j’avais commencé le processus d’échange de l’équipement d’Arroganz.

« Purge du conteneur arrière et des attaches des jambes », déclara Luxon.

Les jambes s’étaient détachées en premier, à partir du genou. Vint ensuite le conteneur arrière, qui contenait le booster qui donnait à Arroganz sa vitesse impressionnante. Les nouvelles jambes étaient beaucoup plus volumineuses — apparemment, elles avaient été spécialement conçues pour un usage aquatique — et la nouvelle pièce arrière ressemblait à des fusées jumelles. J’avais également été équipé d’un tout nouveau harpon. Une fois toutes les nouvelles pièces arrimées, Luxon procéda à une analyse rapide.

« Échange terminé. »

N’ayant plus rien à faire que de me jeter à l’eau, je m’étais laissé tomber en chute libre, dégringolant vers l’eau.

Tandis que le ciel défilait, je soupirais pour moi-même. « Si j’avais su qu’on en arriverait là, j’aurais fait au moins un essai sous l’eau. »

La plupart des batailles dans ce monde étaient confinées au ciel, c’est pourquoi j’avais évité d’être submergé, en supposant que je n’aurais jamais à m’en préoccuper. Je regrette maintenant cette décision.

Lorsqu’Arroganz avait percé la surface de l’eau, Luxon m’avait regardé fixement. « As-tu réévalué ta position précédente sur les capacités de performance d’Arroganz ? »

« Es-tu toujours rancunier ? Passe à autre chose, mec. »

Il était terriblement rancunier pour une IA.

 

☆☆☆

 

Pendant que Léon et ses camarades étaient enfermés dans une bataille subaquatique, le saint roi s’était rendu au quai caché des dirigeables du château d’ivoire, où un vaisseau l’attendait. Celui-ci avait été spécialement construit pour être rapide, afin que le roi puisse s’échapper si le besoin s’en faisait sentir. De nombreux trésors se trouvaient déjà à bord. Les passagers se composaient de membres de la famille royale et d’un équipage squelettique. Bien sûr, les belles femmes que le saint roi affectionnait étaient également les bienvenues à bord.

Alors que le saint roi se dirigeait vers la passerelle, le Premier ministre était sur ses talons, ayant suivi dans l’espoir de s’échapper lui aussi.

« Votre Éminence ! Je vous en prie, je vous en supplie, emmenez-moi ! » Il s’accrocha désespérément au roi.

Le chevalier-ordure et son entourage avaient surgi de nulle part, neutralisant instantanément tous les navires de guerre de Rachel. Le Premier ministre était à juste titre terrifié, son visage blanc comme un linge.

Furieux, le roi repoussa le Premier ministre. Se tournant vers l’homme, il lui dit d’un ton sec : « Tu vas prendre le commandement et tu resteras ici jusqu’à la fin. » Cela étant réglé, en ce qui le concerne, il monta à bord du navire et commença à aboyer des ordres à l’équipage. « Décollez immédiatement. Notre destination est le Saint Empire magique de Vordenoit. »

« Oui, Votre Éminence ! »

Cela signifiait qu’il devait abandonner ses alliés, ainsi que ceux qui se battaient encore, au nom de sa propre préservation. Mais en tant que membre de la famille royale, c’était la bonne décision. Bien que mécontent, le saint roi n’était pas si paniqué que cela.

« Rachel pourra être restaurée tant que je survivrai, peu importe le nombre de fois où ils nous démoliront. Imbéciles Hohlfahrtiens, savourez votre victoire tant qu’elle dure — car je vous promets qu’elle sera de courte durée. »

Il avait l’intention de demander l’asile à l’Empire, où il pourrait à nouveau comploter la chute du royaume de Hohlfahrt et rallier le monde entier à sa cause. Hélas, son plan avait pris fin avant même d’avoir commencé. Alors que son dirigeable s’apprêtait à sortir du passage secret et à s’envoler, il fut frappé par une violente secousse.

« Qu’est-ce que cela signifie ? », demanda le saint roi.

Son équipage s’était empressé de consulter ses écrans pour confirmer la situation. Ce qu’ils avaient vu, c’est un dirigeable blanc et lumineux qui leur barrait la route : la Licorne. Il était à l’affût depuis tout ce temps.

« N-non, ce n’est pas possible. Comment ont-ils pu connaître cette issue de secours !? »

La panique et le chaos s’emparèrent de l’équipage, mais bientôt, une voix sèche retentit autour d’eux.

« Cela se termine ici. Rendez-vous, Votre Éminence. »

Le saint roi reconnut instantanément cette voix. Ses jambes se dérobèrent sous lui et il s’écrasa sur les fesses. « Cette sorcière intrigante… La princesse sournoise de Lepart. »

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Claramiel

Bonjour, Alors que dire sur moi, Je suis Clarisse.

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