Chapitre 8 : Attrape-les avant qu’ils ne t’attrapent
Partie 3
Les capacités technologiques de Luxon avaient également dépassé de loin leurs attentes. Le conseil des crétins n’était pas le seul à être surpris, Marie, Carla et Kyle étaient également abasourdis.
« Vous voyez bien maintenant qu’il est hors de question que j’utilise ce genre de choses en toute décontraction devant d’autres personnes. » J’avais croisé les bras. « Comprenez-vous enfin à quel point j’ai été prudent ? »
« Comment peux-tu dire que tu as été prudent ? » répondit Greg d’un air agacé.
« Pense ce que tu veux, mais j’ai été attentif. »
« Sérieusement !? »
Mylène, que j’avais également invitée à se joindre à nous, porta une main à sa joue en écoutant notre badinage et soupira. Malgré son exaspération, elle était, comme toujours, un chef-d’œuvre rendu à la vie.
« Avec toi, c’est un choc après l’autre », dit-elle. « Je ne peux qu’espérer que ce soit le dernier que tu aies en réserve. »
« Tee hee hee. » Creare ricana joyeusement. « Ne vous inquiétez pas, nous avons encore plus de surprises en réserve ! »
« Je savais déjà que les anciens étaient bien plus impressionnants que nous sur le plan technologique, mais je n’aurais jamais imaginé que nous étions aussi profondément dépassés », murmura Mylène. Un autre soupir s’échappa de ses lèvres.
Erica se tourna vers moi. « En tout cas, Duc, tu as dit que tu allais attaquer Rachel, n’est-ce pas ? Comment, précisément, comptes-tu t’y prendre ? »
Maintenant que l’attention de tout le monde était revenue sur moi, j’avais pointé du doigt le château d’ivoire au milieu de la capitale blanche. « Nous allons charger directement dans la ville et détruire l’armure démoniaque qui réside dans leur château. »
Ma proposition avait été accueillie avec enthousiasme par Luxon et Creare, qui avaient tous deux bougé leurs lentilles de haut en bas comme s’ils acquiesçaient.
« C’est une excellente décision », déclara Luxon. « Tout en privant Rachel de son arme la plus puissante, tu effaces simultanément de ce monde la tache qu’est l’armure démoniaque. Une décision louable et rationnelle — surtout venant de toi, Maître. »
« Je savais que tu avais ce qu’il fallait pour faire un appel aussi impressionnant ! », acquiesça Creare avec enthousiasme. « Tu as tout mon soutien sur ce coup-là ! »
Dès que j’avais mentionné la destruction d’une armure démoniaque, ils étaient tous les deux bien plus motivés que d’habitude.
« Ces gars-là n’hésitent pas à faire la guerre tant qu’ils peuvent mettre hors d’état de nuire une armure démoniaque », dit Brave en nous lançant un regard méfiant.
Finn s’appuyait contre le mur, les bras croisés en écoutant. « Silence. Nous sommes des invités ici », dit-il à son partenaire.
« Je le sais, mais ce serait tellement bien si on pouvait récupérer comme ça une armure démoniaque sans un noyau. » Brave fit une dernière remarque dépitée avant de fermer la bouche et de suivre l’ordre de Finn de rester silencieux.
Marie se pencha sur son cou, le visage crispé. « Je comprends l’idée de les privé de leur plus grosse arme et tout. C’est une bonne idée. Mais est-ce que ça va vraiment arrêter la guerre ? » Elle avait jeté un coup d’œil à Julian, comme si elle attendait une réponse de sa part plutôt que de la mienne.
« C’est possible », dit rapidement Julian, heureux qu’elle s’en remette à lui pour l’explication. « Après l’invasion de leur capitale et la disparition de leur principal atout, il est logique qu’ils perdent la volonté de se battre. Le plus gros problème sera les retombées diplomatiques avec les autres nations. »
« Léon est internationalement craint, après tout », ajouta Jilk. « Si le “chevalier-ordure” devient encore plus tristement célèbre qu’il ne l’est déjà, il y a de fortes chances que l’empire intervienne. »
Jilk jeta un coup d’œil méfiant à Finn. Semblant partager ses sentiments, Greg et Chris avaient également regardé Finn avec une méfiance non dissimulée. Finn resta immobile comme une statue, les bras croisés sur sa poitrine. On aurait dit qu’il comprenait leur méfiance et qu’il indiquait délibérément par ses actions — ou plutôt son inaction — qu’il n’avait pas l’intention de faire quoi que ce soit.
« Ils ont de vraies armures démoniaques, n’est-ce pas ? » me demanda Marie, le visage plissé par l’inquiétude. « On dirait que tu as eu beaucoup de mal à combattre le dernier. Es-tu sûr que ça va marcher ? On peut gagner, même si l’empire nous frappe, non ? »
Toutes les personnes présentes étaient préoccupées par la réaction de l’empire à notre invasion. Monsieur Carl écoutait tranquillement, les yeux fermés.
« Qui ferait quelque chose d’aussi stupide que de partir en guerre contre l’empire ? » Je m’étais mis à rire en secouant la tête. « Nous allons faire en sorte que le nombre de victimes du royaume de Rachel soit le plus réduit que possible. »
Mylène fronça les sourcils. Elle n’était sans doute pas très contente de cette décision, mais elle garda le silence.
« As-tu l’intention de les forcer à entamer des négociations diplomatiques ? », demanda Anjie, qui avait vite compris mon raisonnement.
« Tu l’as compris. Leur saint roi pompeux est probablement en coulisses, en train de se défouler et de s’amuser. Je vais y aller et lui donner un bon coup de poing dans la gueule avant de m’asseoir pour discuter de tout ça. »
« Placer le canon d’un pistolet sur la tête d’un homme est généralement considéré comme du chantage ou de la coercition plutôt que de la négociation, » déclara Luxon d’un ton détaché.
« Oui, eh bien, je fais tout ce qu’il faut pour éviter une guerre totale. »
« Un vrai pacifiste serait scandalisé s’il t’entendait. »
Maintenant, tout le monde savait ce que j’avais l’intention de faire, mais cela ne voulait pas dire que mon plan n’était pas sans faille.
« Je n’ai aucun scrupule à accepter cette proposition, mais nous ne pouvons pas espérer engager une conversation entre les nations à moins que cette autorité ne te soit officiellement confiée », fit remarquer Brad, en grimaçant. « Si tu fais cela sans l’autorisation de la cour, elle te coupera l’herbe sous le pied. »
C’était un argument solide. Je n’étais qu’un duc, après tout. Beaucoup m’en voudraient, ou seraient même courroucés, si j’ignorais toute la stratégie de la cour et réglais les choses selon mes propres termes.
« Sans compter que beaucoup de seigneurs régionaux — y compris ceux qui gardent nos frontières — ont déjà commencé à se préparer à se retourner contre nous. Que se passera-t-il si nous bouclons tout ça avant même que la guerre n’ait commencé ? » demanda Greg.
C’est un autre problème. La guerre n’avait pas encore officiellement démarré, mais des batailles se déroulaient déjà, même si ce n’était pas forcément sur le terrain. Tout le monde s’y mettait. La balle roulait déjà, leur dire d’arrêter ne servirait à rien à ce stade.
« J’ai bien peur de ne pas être d’une grande aide sur ce plan-là. » Julian passa une main sur son menton, les sourcils froncés. « En tant que simple prince, je n’ai aucune autorité pour négocier au nom du royaume. Mes paroles n’ont aucun poids auprès de la cour royale dans l’état actuel des choses. »
Toute l’équipe des idiots était étonnamment calme et posée pendant qu’ils exposaient leurs doutes. Mylène secoua tristement la tête, sortit un mouchoir et tamponna ses larmes. « Pourquoi ? Pourquoi n’avez-vous pas pu faire preuve d’une telle sagesse et d’une telle intelligence plus tôt ? »
Il était bien trop tard pour qu’ils puissent récupérer leurs statuts antérieurs. Par un cruel coup du sort, Julian avait même mûri au point d’être un candidat de choix pour devenir prince héritier.
Voir sa mère pleurer semblait mettre Julian mal à l’aise. Il se détourna et me regarda. « Devrions-nous maintenant retourner au palais ? Cela prendrait du temps, certes, mais une fois que tu auras obtenu l’autorité requise, nous pourrons recommencer. »
« Même si nous résolvons ce problème, je crains que nous ne puissions pas espérer rallier beaucoup de puissance militaire, » déclara Chris en remontant ses lunettes sur l’arête de son nez. « Les seuls vaisseaux que nous pouvons déployer pour cette opération sont l’Einhorn et la Licorne, n’est-ce pas ? L’ennemi nous submergera rapidement. »
Avec seulement deux vaisseaux de notre côté, il n’était pas déraisonnable que quelqu’un pense pouvoir nous surpasser en nombre. Le pire serait que ces pseudoarmures démoniaques sortent pour nous combattre en masse.
« Oui, je suis sûr que nous allons aussi nous battre contre leurs armures démoniaques. Et aucune armure ordinaire ne pourra les affronter à armes égales », dis-je. Aucune des armures dont disposaient les militaires royaux ou les Frazer ne serait d’une quelconque utilité face à un tel adversaire. « C’est pourquoi je compte sur vous quatre. » Je scrutai les visages de Jilk, Brad, Greg et Chris.
« Je veux dire, je ne vais pas dire qu’on ne peut pas le faire, mais… » Greg se gratta la tête en fronçant les sourcils. « La majorité de l’armée de l’ennemi se trouve dans sa capitale, n’est-ce pas ? Même si tu as juste besoin qu’on te fasse gagner du temps, ça n’est pas gagné. »
Même avec les armures que Luxon avait personnellement produites, nous serions en infériorité numérique. Notre plan actuel se heurtait à un problème après l’autre, nous laissant dans l’impasse. Je commençais à repenser à tout cela. Peut-être devrions-nous accepter quelques pertes après tout…
« Pourquoi n’aides-tu pas ? » demanda Monsieur Carl en jetant un coup d’œil à Finn.
Les yeux de Finn s’écarquillèrent. « Pardon ? Mais ce serait — ! »
« C’est très bien. Je t’accompagne aussi. Je devrais pouvoir être utile. »
« Es-tu sûr de toi ? Nous nous impliquerions ouvertement dans la guerre du royaume de Hohlfahrt. »
Monsieur Carl m’observa. « Si cela permet de réduire le nombre de victimes et d’éviter un véritable conflit, je ne vois rien de mal à leur prêter notre aide. »
Greg me regarda et hocha la tête en signe d’approbation. Il avait vu comment Brave avait réussi à écraser Arroganz. Entendre qu’ils seraient de notre côté et se battraient à nos côtés était rassurant.
Pendant ce temps, le regard de Mylène s’était focalisé dans celui de Monsieur Carl. À en juger par la façon dont ses yeux s’étaient soudainement élargis, elle avait probablement compris sa véritable identité.
« Très bien, » dit-elle. « Alors je vous accompagnerai pour participer aux prochaines négociations. Les fonctionnaires de la cour ne devraient pas avoir à se plaindre à ce sujet. »
Avec cela, nous avions effectivement éliminé tous les obstacles potentiels qui se dressaient sur notre chemin.
« Toutes les conditions nécessaires à la réalisation de notre plan sont réunies. Nous pouvons procéder dès que vous êtes prêts », annonça Luxon.
Les coins de mes lèvres s’étaient retroussés. « Alors, c’est réglé. J’espère que vous êtes tous prêts à vous rendre dans le royaume de Rachel pour donner une bonne raclée à ces abrutis pompeux ! »
merci pour le chapitre