Le Monde dans un Jeu Vidéo Otome est difficile pour la Populace – Tome 11 – Chapitre 7

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Chapitre 7 : Le coureur de jupons

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Chapitre 7 : Le coureur de jupons

Partie 1

« Cher et tendre Léon ! »

Un dirigeable de la maison Atlee était arrivé à bon port dans le port de transport public de Frazer. Clarisse Fia Atlee m’avait fait un signe excité depuis le pont. Elle avait été ma camarade de classe à l’académie, mais avait depuis obtenu son diplôme. Ses cheveux orange vif dansaient dans le vent et ses yeux émeraude étaient rivés sur mon visage.

J’avais envoyé une lettre à Miss Clarisse pour qu’elle me tienne au courant de l’évolution de la situation au palais. Je m’attendais à ce qu’elle me réponde simplement, mais vu son apparition soudaine, j’avais plutôt l’impression de l’avoir convoquée par inadvertance.

Je me sentais coupable qu’elle se soit donné du mal pour venir ici, mais le fait de voir la façon dont elle souriait en continuant à me faire des signes me soulagea.

Une fois la passerelle abaissée, Clarisse descendit à ma rencontre.

 

 

« Désolé de t’avoir fait faire tout ce chemin », avais-je dit.

« Oh ? N’es-tu pas content de me voir ? »

« Bien sûr que oui, mais ça n’a pas dû être facile de se rendre dans une région frontalière dans les circonstances actuelles. »

Nous étions sur le point d’entrer en guerre. Le pays tout entier avait été plongé dans le chaos. Commander des dirigeables était devenu beaucoup plus compliqué.

Alors que je m’éloignais du dirigeable de sa famille, Miss Clarisse se plaça à mes côtés d’une démarche aisée. « Frontière ou pas, je suis en sécurité tant que tu es là, n’est-ce pas ? D’ailleurs, j’ai pensé qu’il serait plus pratique de venir te parler directement », dit-elle.

Je penchais la tête. Qu’est-ce qui est pratique dans tout ça ?

Miss Clarisse avait fait volatiliser son expression, le sourire disparaissant de son visage. Elle n’allait pas tourner autour du pot. « Y a-t-il un endroit où nous pouvons aller sans être interrompus ? Ce dont je suis venue te parler n’est pas destiné à être entendu par quelqu’un d’autre. Je préférerais te parler seul à seul. »

Quoi qu’il en soit, cela doit être très important. J’avais jeté un coup d’œil à Luxon. « Qu’en penses-tu ? »

« Si vous menez votre discussion à bord de l’Einhorn, vous pouvez être sûrs que personne n’écoutera aux portes. Bien sûr, j’assisterai également à votre réunion. » Il regarda Miss Clarisse.

« C’est très bien. Cela ne me dérange pas. Après tout, tu es le familier de Léon. »

« Je ne suis rien de tel. Mon existence n’a rien de magique ni de mystique. Je suis l’incarnation de la réussite scientifique. »

Miss Clarisse avait souri alors même qu’il la corrigeait. « Bien sûr, désolée pour ça. »

 

☆☆☆

 

Nous étions montés à bord de l’Einhorn et nous nous étions dirigés vers la salle commune. Miss Clarisse s’était rapidement assise sur le canapé pour transmettre les dernières nouvelles du palais.

« Pour faire court, le gouvernement central a déjà commencé à procéder à un plan d’abandon des seigneurs régionaux et de leurs maisons. »

« Le ministre Bernard soutient-il cette démarche ? » avais-je demandé.

En plus d’être le père de Miss Clarisse, il était l’un des principaux ministres de Hohlfahrt. En tant que noble de la cour, il connaissait bien les rouages de la politique.

« Il s’est opposé à la mesure, mais il semble que Sa Majesté l’ait fait passer malgré tout. » Les sourcils de Miss Clarisse s’étaient froncés dès qu’elle mentionna la reine, apparemment par méfiance. « Mais je dois dire que ce n’est pas si surprenant. Elle est originaire de Lepart, et elle a une véritable dent contre Rachel. »

« De la rancune, tu dis ? »

Elle acquiesça. « Les États qui forment le Royaume-Uni de Lepart ne se sont unis qu’à cause des invasions incessantes de Rachel. Il y a longtemps, ils n’étaient qu’une bande de petits pays entassés sur un continent, constamment en conflit les uns avec les autres. Je crois savoir que Rachel leur a vraiment fait du tort. »

D’après la façon dont elle avait présenté les choses, on dirait que Rachel a l’habitude de se mettre à dos tout le monde dans le voisinage. Les qualifier de mauvais voisins est un euphémisme.

« C’est donc pour cela que Sa Majesté fera tout ce qu’il faut pour les écraser », avais-je dit.

« Oui, parce qu’ainsi, son pays d’origine, Lepart, pourra enfin dormir sur ses deux oreilles. Le royaume sera le plus mal en point, certes, mais la famille royale récoltera tout de même les fruits de ce résultat. »

C’était à mon tour de froncer les sourcils.

« Tu dois savoir que tout le monde n’est pas d’accord avec cette stratégie », ajouta rapidement Miss Clarisse. « En fait, Sa Majesté y était fortement opposée. »

« Roland était contre ? » Ma voix s’était étranglée sous l’effet de la surprise.

« Wôw. Je n’arrive pas à croire que vous vous tutoyez. Mais bon, tu es sans doute la seule personne du royaume à pouvoir s’en tirer comme ça. »

Même Roland n’avait pas pu m’arrêter. Quel roi inutile !

Miss Clarisse quitta son siège actuel pour s’installer à côté de moi. « Alors, qu’est-ce que tu veux faire ? »

« Si possible, j’aimerais conclure les choses avant qu’une véritable guerre n’éclate », avais-je dit.

Miss Clarisse détourna le regard. « Si c’était si facile, nous ne serions pas dans ce pétrin. Ce n’est pas comme si renverser le royaume de Rachel allait résoudre tous nos problèmes. Si tu dépasses les bornes, l’empire interviendra. Cet étudiant transféré — le chevalier impérial — c’est ton ami, non ? Si les choses tournent au vinaigre, tu pourrais te retrouver face à lui sur le champ de bataille. »

Je n’avais aucun moyen de savoir combien d’armures démoniaques l’empire avait en sa possession, mais même si la réponse était zéro, je ne cherchais pas à être ennemi de Finn. Surtout si je n’avais aucune garantie qu’il n’était pas le seul capable de combattre Arroganz à armes égales.

« Tu n’as pas tort », avais-je admis en baissant la tête en signe de déception.

Miss Clariss posa délicatement sa main sur la mienne. « Hé ! Et si nous ralliions la faction qui s’oppose à la reine ? Si nous nous donnons tous la main, Sa Majesté n’aura pas d’autre choix que de changer de cap. Au moins, nous pouvons garantir que la noblesse régionale ne sera pas abandonnée. »

« Pouvons-nous vraiment faire cela ? »

« Bien sûr. Cependant, j’exigerai une compensation en retour… »

J’avais eu du mal à suivre ses paroles. Avant que je m’en rende compte, son visage était juste à côté du mien. Nous étions si proches que nos nez s’étaient presque frôlés. J’avais cligné des yeux plusieurs fois, choqué par l’absence soudaine de distance entre nous.

« Anjelica est ici, » annonça Luxon.

« Hein ? » avais-je crié.

À peine avais-je regardé la porte qu’elle s’était ouverte en trombe. Anjelica se tenait sur le seuil, les épaules gonflées par l’effort. Elle avait dû sprinter jusqu’ici à toute vitesse. D’ailleurs, j’entendais des bruits de pas derrière elle. Livia et Noëlle étaient sur ses talons.

« Clarisse ! » avait rugi Anjie.

Miss Clarisse fit claquer sa langue en signe d’agacement et s’éloigna de moi. Pas très loin, cependant — à peine l’espace d’une main.

« Je ne faisais que plaisanter », dit-elle. « Ce n’est pas la peine de t’énerver comme ça. »

« Je ne peux vraiment pas baisser ma garde avec toi. Tu es comme le reste de la noblesse de la cour. Toujours en train de jouer au plus malin. »

« Ou bien est-ce que vous êtes comme tous les autres seigneurs régionaux ? Toujours aussi prompts à s’offenser », déclara Miss Clarisse d’une voix basse et menaçante.

Les filles se lancèrent des regards furtifs. Noëlle et Livia eurent juste le temps de les rattraper. Elles étaient bien plus essoufflées qu’Anjie, leurs visages étaient pincés par l’épuisement.

« Nous avons finalement réussi », souffla Livia.

« Anjelica, tu es trop rapide », déclara Noëlle.

Elles s’étaient effondrées sur le sol, complètement vidées de leur force.

J’avais lancé un regard à Luxon. « Tu leur as dit que j’avais rendez-vous avec Miss Clarisse ? »

« Bien sûr que je l’ai fait. »

 

☆☆☆

 

Après une petite pause, nous avions repris notre conversation précédente, mais avec mes fiancées. Miss Clarisse souriait d’une oreille à l’autre tandis que les filles la regardaient d’un air renfrogné. Leur mécontentement manifeste rendait l’atmosphère beaucoup moins confortable. Il fallait que j’en finisse.

« Quoi qu’il en soit, tu penses que nous pourrons faire en sorte que l’opposition accepte de bloquer le plan d’action actuel ? Même si cette démarche profite globalement à la noblesse de la cour ? » demandai-je.

Miss Clarisse me jeta un coup d’œil puis elle fit un petit signe de tête. « La cour est une créature compliquée. De nombreux seigneurs s’opposent à la reine, je pense donc que nous pouvons faire appel à leur coopération pour la bloquer. Honnêtement, elle s’est fait trop d’ennemis. On dirait qu’elle s’est impatientée et qu’elle a essayé de forcer son gambit, ce qui a laissé un certain nombre de personnes dans l’embarras. »

Anjie porta une main fermée à sa bouche tandis qu’elle considérait cette information. « Sa Majesté a dit que cette guerre est une excellente occasion de s’occuper des ennemis latents. Se débarrasser des traîtres fortifiera la base du pouvoir de la famille royale. »

« C’est logique. Compter sur l’influence de quelqu’un d’autre pour les maintenir au sommet nuirait à leur légitimité, après tout. » Miss Clarisse me jeta un coup d’œil en disant cela.

Ils n’avaient pas tort, j’étais le seul à pouvoir contrôler Luxon. Dans l’état actuel des choses, cela mettait la famille royale à ma merci. Si les choses continuaient ainsi, ils ne seraient royaux que de nom.

« Personnellement, j’aimerais quand même rester en bons termes avec eux », avais-je dit.

Miss Clarisse soupira et s’appuya sur le canapé. « C’est peut-être pour cela que Sa Majesté a tant de mal. Je veux dire, si Léon disait ouvertement qu’il voudrait être roi, il monterait sur le trône en une minute. Cette possibilité terrifie probablement la reine. »

« Moi ? Devenir roi ? Ce n’est pas possible. »

« C’est tout à fait vrai », insista Miss Clarisse. « Un certain nombre de seigneurs t’adorent tout simplement, ou bien ils sont prêts à promettre leur loyauté à ta maison. » Elle sortit rapidement une lettre et la posa sur la table basse. Plusieurs sceaux y étaient apposés. J’avais reconnu deux des emblèmes familiaux comme appartenant au comte Roseblade et au comte Mottley. Je ne connaissais pas les autres.

Anjie prit la lettre. « Tu es devenu populaire », dit-elle en me lançant un petit sourire.

J’avais donc le pouvoir de prendre le trône… J’avais même des hommes prêts à me promettre leur loyauté. Il semblait que j’avais tout ce qu’il fallait pour m’établir en tant que roi.

« C’est un peu effrayant que tant de gens m’apprécient après avoir été détesté à l’académie », avais-je dit.

« Ça te dérange si je jette un coup d’œil à l’intérieur ? » demanda Anjie.

J’avais secoué la tête et elle avait rapidement brisé le sceau de l’enveloppe pour en sortir la lettre. Après l’avoir parcourue, elle poussa un long soupir.

« Il est dit que certains seigneurs régionaux se préparent déjà à trahir le royaume. Une fois la guerre commencée, ils prévoient d’escorter l’ennemi directement à travers leurs terres afin qu’il puisse plus facilement frapper nos régions centrales. »

« Alors ils doivent déjà penser que le royaume les a abandonnés », dit Livia en laissant tomber son regard sur ses mains serrées, qui reposaient sur ses genoux.

« C’est parce que le royaume les a abandonnés, » déclara Miss Clarisse en insistant bien sur ses mots. « Ils le savent. C’est pourquoi ils se préparent à changer de camp. »

L’enveloppe contenait également une lettre de la maison Roseblade, qu’Anjie avait ensuite consultée. Elle en resta bouche bée. « Il semblerait que certains d’entre eux aient commencé à faire pression sur le baron Bartfort pour qu’il persuade Léon. Plusieurs envoyés ont été dépêchés pour lui parler. »

« Ils essaient de faire pression sur mon père !? » J’étais tellement choqué que j’avais bondi de mon siège.

« Les seigneurs qui complotent une trahison ont peur de Léon », conclut Miss Clarisse. Elle croisa les bras et soupira. « Si ce n’était pas le cas, ils n’hésiteraient probablement pas. »

Anjie poursuit : « Il semblerait que les Roseblades aient intercepté ces envoyés et rejeté leurs demandes de rencontrer ton père au nom des Bartforts. Compte tenu de tout cela, il semble que le mariage de Lord Nicks avec Dorothea ait été la bonne décision. »

C’était un grand réconfort de savoir que les Roseblades faisaient tout leur possible pour protéger ma famille. Mais mon soulagement fut de courte durée, le visage d’Anjie s’était durci.

« Qu’est-ce qu’il y a ? » demandai-je.

« C’est Deirdre qui a écrit cette lettre », dit-elle. « Elle dit qu’elle attend une récompense. »

« Ah oui ? Alors je vais devoir faire quelque chose de gentil pour elle. »

J’avais tendu la main pour prendre la lettre afin de la voir par moi-même, mais avant que j’en aie eu l’occasion, Anjie l’avait froissée et jetée par terre.

« Quoi ? » avais-je demandé.

« Tu n’as pas besoin de le lire », insista Anjie, visiblement enragée. Son ton ne laissait aucune place à l’argumentation.

Avant qu’elle ne l’écrase complètement, j’avais jeté un bref coup d’œil à la signature. On aurait dit qu’elle avait été scellée par un baiser au rouge à lèvres juste à la fin, mais peut-être que je l’avais seulement imaginé.

J’étais tombé dans une contemplation silencieuse, me grattant la tête en essayant de trouver une réponse. Comment allions-nous faire face à cette situation difficile ?

Noëlle remarqua mon expression troublée. « Alors… comment penses-tu répondre ? »

Si je voulais résoudre ce problème, je n’avais qu’un seul choix… « Je vais essayer de convaincre moi-même Mylène. Après cela, je consulterai Finn. »

Les sourcils d’Anjie s’étaient rapprochés. « J’admets que c’est un chevalier puissant, mais son statut ne semble pas assez important pour qu’il puisse donner un avis utile sur la position de l’empire. »

« Peut-être pas. Mais j’ai quand même besoin de lui parler. »

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Partie 2

Mylène se promenait dans le couloir, deux servantes la suivant de près. Elle s’arrêta devant une fenêtre, d’où elle aperçut la cour intérieure du château.

« Les Frazer ont certainement consacré beaucoup d’efforts à leurs jardins », avait-elle fait remarquer.

Il lui semblait que l’actuel chef de la maison s’était mis au jardinage comme passe-temps.

« Oui », avait convenu l’une des servantes, « apparemment, le marquis s’en occupe lui-même. »

« Cela explique pourquoi tout semble si particulier. » Mylène s’était approchée de la fenêtre pour pouvoir observer la cour depuis sa fenêtre du deuxième étage.

En bas, Ivan — le diplomate pimpant, comme l’appelait Léon — était engagé dans une conversation animée avec une femme plus jeune. Des rides s’étaient formées sur le front de Mylène. Elle poussa un petit soupir et toute émotion disparut de son visage.

« Il est tout aussi superficiel que dans mes souvenirs. »

Mylène et Ivan se connaissent depuis longtemps. Pour Ivan, flirter était aussi facile que de respirer. Il avait même essayé de faire les yeux doux à Mylène — bien plus d’une fois, en fait. L’attention qu’il portait à cette très jeune femme rappelait amèrement à la reine qu’elle vieillissait. C’était comme si le monde voulait lui rappeler que sa jeunesse s’était enfuie depuis longtemps. De telles images étaient douloureuses.

Mylène se décolla finalement de la fenêtre et poursuivit son chemin dans le couloir. Ses servantes furent les premières à remarquer que quelqu’un approchait.

« Lady Mylène », prévint l’une d’entre elles.

« Oui, je sais. »

Léon se dirigea vers eux à grands pas dans la direction opposée, Luxon à ses côtés, comme d’habitude. Il avait même apporté un cadeau.

« Votre Majesté, voulez-vous prendre du thé avec moi ? » demanda-t-il en s’adressant à elle avec tout le respect dû aux servantes de sa compagnie.

Mylène se força à sourire. « Malheureusement, un engagement antérieur requiert ma présence. Je vous prie de m’excuser. »

« C’est faux », interrompit Luxon. « Vous prétendez ne pas avoir de temps à consacrer à mon maître, mais votre prochain engagement n’est pas avant trois heures. »

« Quoi, sérieusement ? » La mâchoire de Léon s’était décrochée, mais son expression était vite devenue celle d’une amère déception. Non, pire encore, il avait l’air blessé. « Je suppose que vous devez alors me détester, hein ? » Son ton était plaisantin, mais l’expression blessée de son visage attisa la pitié de Mylène.

Après un long soupir, elle déclara : « D’accord, très bien. Je peux vous accorder un moment — un bref moment. »

Le visage de Léon s’illumina instantanément. « Merci. J’ai apporté des feuilles spéciales rien que pour vous. Elles feront un délicieux breuvage, vous pouvez compter là-dessus. »

Bien qu’il ait dit cela, Mylène savait qu’il avait une arrière-pensée pour lancer une invitation à un moment pareil. Elle se tourna vers ses servantes. « Veuillez prendre congé, s’il vous plaît. »

 

☆☆☆

 

J’étais aux anges. Ce serait la première fois que je prendrais le thé avec Mylène depuis longtemps. Pendant que je m’apprêtais à préparer le thé, Mylène entama la conversation.

« Tu as quelque chose à dire, n’est-ce pas ? »

Elle avait déjà deviné la raison pour laquelle je l’avais invitée. Néanmoins, j’avais continué à préparer notre thé en allant droit au but.

« Je n’aime pas l’idée que les choses échappent à tout contrôle dans le royaume. C’est pourquoi je pense à régler toute cette affaire le plus rapidement possible. »

J’avais versé sa part dans une tasse que je lui avais tendue. Elle regarda le liquide ondulant à l’intérieur, un sourire taquin sur les lèvres.

« Je crois t’avoir dit que nous ne serions pas dans ce pétrin si les choses étaient aussi simples », dit Mylène. « Anjie m’a informée que le combat entre toi et cet étudiant impérial transféré s’est soldé par un match nul. Il est fort possible qu’ils disposent de chevaliers et d’armes encore plus puissants. Si c’est le cas, penses-tu toujours pouvoir les vaincre ? »

« Je n’ai pas l’intention de me battre contre l’empire. »

« Tu ne souhaites peut-être pas les affronter, mais cela ne veut pas dire qu’ils ne deviennent pas tes ennemis. Tout le monde craint ce qui est sensiblement plus puissant que soi. »

Mylène était tellement déterminée à suivre sa voie que même Anjie n’avait pas réussi à l’en dissuader. Il était hors de question qu’elle se mette d’accord avec moi, même si j’essayais d’aborder la question sous un angle politique. C’est pourquoi j’avais décidé de forcer le trait. Je n’allais pas lui laisser la possibilité dargumenter.

« Jilk et les garçons s’emploient à faire s’écrouler le Concordat de défense armée. La maison Fanoss a également promis de ne pas devenir un traître », avais-je dit.

« Oui, et c’était une manœuvre d’ingérence tout à fait inutile. Il est difficile de croire qu’ils ont tous été déshérités de leur maison. » Mylène secoua la tête.

Je comprenais plus ou moins ce qu’elle essayait de dire. Ces jours-ci, ils se montraient tout à fait capables, et elle aurait sans doute souhaité qu’ils le fassent plus tôt — avant qu’ils ne perdent leur position dominante. Il était difficile de ne pas déplorer ce gâchis.

« Je me sens mal d’avoir agi derrière ton dos et tout ça, mais je déteste la guerre », avais-je dit.

Lorsque j’avais pris place à la table, Mylène avait levé la tête et m’avait fixé du regard. « C’est l’arrogance même dont seuls ceux qui ont une force exceptionnelle peuvent faire preuve. Sans ton artefact disparu et l’influence écrasante qu’il procure, tu n’aurais pas ce luxe. »

« Est-ce ce que tu penses ? »

« Oui. Tu as la possibilité d’arrêter une guerre sur un coup de tête. Si tu n’appelles pas ça de l’arrogance, comment l’appellerais-tu autrement ? »

J’avais compris où elle voulait en venir. Pour la plupart des gens, la guerre est une chose dans laquelle ils sont entraînés, qu’ils le veuillent ou non. J’avais le choix rare et exceptionnel de l’arrêter, si je le souhaitais. Je pouvais tout aussi bien déclencher une guerre, si c’était ce que je voulais. Avoir autant de choix était un véritable luxe.

« Dans ce cas, bien sûr, traite-moi d’arrogant. Je m’en fiche. » J’avais haussé les épaules. « Le fait est que ça sert à quoi de manipuler nos ennemis uniquement pour faire souffrir nos alliés, hein ? »

« N’avons-nous pas déjà discuté de ce sujet ? Le royaume — non, la famille royale en particulier — considère les seigneurs régionaux comme de futurs ennemis. »

« Oui, c’est ce que tu as dit. Mais pour l’instant, ils sont alliés, n’est-ce pas ? », avais-je souri allègrement.

Des rides s’étaient formées sur le front de Mylène. Elle n’était pas très enthousiaste à l’égard de mon attitude. « Duc, as-tu réfléchi à l’avenir ? As-tu imaginé le monde dans cent ans ? »

« Non. » J’avais secoué la tête. « Je ne serai pas en vie, donc ça n’a rien à voir avec moi. »

« Je vois. Eh bien, cela ne te concerne peut-être pas, mais la famille royale a le devoir de protéger les intérêts supérieurs de l’avenir de la nation. » Mylène m’avait regardé avec une consternation non dissimulée, visiblement décontenancée par ma réponse.

Le devoir, hein ? Je suis impressionné. Son sens des responsabilités est si fort. Je détendis mes épaules et sirotai mon thé avant de poser la tasse sur la table. « Je déteste la façon dont tu fais les choses. » Je l’avais regardée droit dans les yeux en parlant, « Alors je vais finir à ma façon. »

Les secondes s’écoulèrent lentement — trop pour que je puisse les compter. Mylène détourna enfin le regard, en se mordillant la lèvre inférieure. Elle était enfin en train d’acquiescer. « Si c’est ta décision, la famille royale n’a pas le pouvoir de t’en empêcher pour le moment. »

« Je suis désolé, mais je n’ai pas l’intention de régler cette affaire d’une manière qui causera d’autres problèmes à Hohlfahrt. »

Je ferais tout ce qu’il faut pour qu’aucun autre pays ne s’allie contre nous.

« Peux-tu vraiment faire ça ? » Mylène me regarda avec incrédulité. « Ce ne sera pas aussi simple que de simplement vaincre un ennemi. »

« Je trouverai un moyen. »

Je n’avais fourni aucune base pour ma confiance, c’est pourquoi ma déclaration avait semblé la déconcerter. Je savais que je ne pouvais pas faire mieux que Mylène dans une discussion lorsqu’il s’agissait de raison et de logique. La seule option était de refuser de céder.

Mylène ferma les yeux un instant. « Je t’envie, » murmura-t-elle, « pour la liberté et l’indépendance avec lesquelles tu vis ta vie. Si seulement j’avais eu plus de pouvoir, j’aurais aussi pu vivre comme je le voulais. »

« Il n’est pas trop tard pour cela », avais-je dit avec légèreté.

Mylène leva les yeux vers moi. La tension avait quitté son visage. Elle avait même l’air détendue. « Je voulais vraiment que tu épouses Erica », avait admis Mylène. « Je suis sûre qu’elle serait heureuse, si elle était avec toi. »

« Je déteste dire ça — vraiment — mais Son Altesse semble fixée sur le gars avec qui elle est déjà fiancée. »

Mylène hocha la tête d’un air pensif. « Il n’est pas mauvais, mais il n’est pas à la hauteur. Si elle t’épousait, son avenir et celui du pays seraient garantis. Malheureusement, mes souhaits n’ont pas été exaucés », dit-elle avec une évidente autodérision.

Il était impossible qu’elle sache qu’Erica avait été ma nièce, elle n’aurait sûrement pas essayé de nous mettre en couple si elle l’avait su. Mais il était hors de question que j’épouse ma nièce.

« Laisse-moi respirer, s’il te plaît », avais-je dit. « Je préfère t’épouser toi plutôt que la princesse. »

Mylène me regarda fixement, d’abord incapable de digérer ce que j’avais dit. Elle cligna des yeux plusieurs fois. Ce n’est que lorsque mes paroles finirent par être comprises que ses joues se mirent à rougir. « Tu as du culot de me taquiner dans un moment pareil », dit-elle en faisant la moue.

« Mais je ne te taquine pas du tout. »

« Je ne peux pas croire que tu puisses prétendre une telle chose après le nombre de fois où tu as fait venir Erica. Les hommes ne se donnent tant de mal que pour les jeunes femmes. »

Je l’avais regardée droit dans les yeux. « Pour moi, tu as bien plus d’attrait que n’importe quelle femme plus jeune. »

« Voilà que tu me taquines encore. » L’attitude froide et dure que Mylène avait adoptée avec moi ces derniers temps avait disparu. Elle était redevenue adorable comme d’habitude — la même Mylène dont je me souvenais depuis le jour où nous nous étions rencontrées pour la première fois.

« Non, j’ai insisté, je le pense vraiment ! »

« Vraiment !? »

Cela me troublait qu’elle pense que je n’étais pas sincère, alors j’avais répondu avec toute la solennité dont j’étais capable. « Je te préfère à la princesse Erica. Si je devais épouser l’une d’entre vous, je voudrais que ce soit toi, Mylène. »

Honnêtement, elle aurait été parfaite si elle n’avait pas été la reine. J’aurais vraiment aimé qu’elle n’épouse pas ce salaud de Roland.

 

 

Le rougissement de Mylène s’étendit jusqu’à ses oreilles. Embarrassée, elle attrapa avec vigueur sa tasse de thé et en avala jusqu’à la dernière goutte, essayant désespérément de retrouver son calme.

« Tu es vraiment un homme terrible, Duc — Léon », s’était-elle corrigée, m’appelant enfin à nouveau par mon prénom.

« Tu crois ? »

 

☆☆☆

 

Alors qu’Ivan se promenait dans l’un des couloirs du château, il remarqua un couple de servantes agitées. Hmm ? Ces deux-là ne sont-elles pas au service de la reine Mylène ? Elles se tenaient devant une porte fermée, s’agitant avec agitation. Ne pouvant ignorer sa curiosité, Ivan s’approcha.

« Quelque chose ne va pas ? » demanda-t-il.

Les servantes avaient l’air soulagées de le voir, et elles s’étaient empressées de divulguer la vérité de la situation.

« Sa Majesté nous a dit qu’elle voulait être seule avec le duc Bartfort. »

« D’ordinaire, il ne serait pas approprié que la reine se mette dans une telle situation, mais elle a dit que ce serait l’occasion idéale de persuader le duc de voir son point de vue. »

Pour une reine, être seule avec un homme autre que son mari n’était rien de moins qu’un scandale. Qu’il se soit réellement passé quelque chose n’avait rien à voir, faire des suppositions et répandre des rumeurs malveillantes n’est que la nature humaine. Néanmoins, Ivan reconnut qu’il s’agissait là d’une occasion en or.

« Vous n’avez pas à vous inquiéter », avait-il assuré aux servantes. « La reine Mylène est la dernière personne qui ferait quelque chose d’assez grossier pour nuire à sa réputation. »

Le garçon est naïf, et il est préoccupé par son sens de la justice. C’est pour cela qu’il a envoyé un de ses vaisseaux sans sa permission et qu’il montre une telle réticence à adhérer à son plan. Qu’à cela ne tienne. Sa Majesté est rusée. Elle le fera danser dans le creux de sa main. Ivan était certain que Mylène cajolerait le duc pour le bien de son pays d’origine.

Alors que l’impatience gonflait dans sa poitrine, la porte s’ouvrit. Les yeux d’Ivan s’écarquillèrent lorsque Mylène et Léon sortirent, sa mâchoire s’entrouvrant. Qu’est-ce que c’est que ça ?

Ivan était un play-boy par nature et passait la plupart de ses journées à faire des avances aux femmes. Grâce à ses nombreuses années d’expérience, il avait appris à connaître les subtilités du langage corporel des femmes. Un seul coup d’œil suffit pour comprendre qu’il s’était passé quelque chose entre ces deux-là. Comme si cela ne suffisait pas, Léon tenait une des mains de Mylène dans les deux siennes.

« Tu n’as pas besoin de t’inquiéter. Je m’occupe de tout », lui dit Léon. « Votre Majesté — non, Mylène — je te promets de t’apporter de bonnes nouvelles en toute hâte. »

« Tu es certainement un camarade persuasif, je te l’accorde. J’attendrai ton rapport, même si mes attentes sont faibles. »

Ivan avait vu clair dans l’expression et les gestes de Mylène, jusqu’aux émotions qu’elle gardait enfouies au plus profond d’elle-même. Elle prétendait ne pas avoir d’espoir, mais ses joues étaient rouges. Elle détournait la tête de Léon, mais son corps était tourné vers lui. Elle se comportait exactement comme une jeune adolescente embarrassée dans les affres du premier amour.

De la sueur froide perla sur le front d’Ivan. C’est de la reine Mylène dont nous parlons ! La femme que les gens appellent une sorcière intrigante ! Mais elle se comporte comme une jeune fille amoureuse devant ce morveux !? Je l’ai complètement sous-estimé. Il n’est pas naïf. C’est clairement un coureur de jupons expérimenté !

Ivan trembla en regardant le duc et la reine hocher la tête l’un contre l’autre et se séparer, à la fois terrifié et stupéfait.

Les deux servantes s’étaient lancées à la poursuite de la reine, le laissant tout seul.

« C’est donc la reine Mylène qui a été cajolée ? » marmonna Ivan, incrédule.

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Claramiel

Bonjour, Alors que dire sur moi, Je suis Clarisse.

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