Chapitre 10 : La ville submergée
Partie 1
J’avais difficilement cru à ce que nous avions trouvé sous le lac.
« Qu’est-ce qu’une ville peut bien faire ici ? »
Équipée de pièces taillées sur mesure pour un environnement aquatique, Arroganz coula jusqu’à s’immobiliser au fond du lac. Son atterrissage avait perturbé les sédiments. Des masses de vase s’étaient déployées en éventail autour de nous, réduisant considérablement la visibilité.
« Je l’ai remarqué bien avant toi, » déclara Luxon d’un ton très froid.
« Mince, comme c’est utile ! »
La lumière d’Arroganz s’était alors allumée, éclairant notre environnement. Cela avait confirmé ce que j’avais entrevu auparavant — une ville tentaculaire qui s’étendait au fond du lac. Des poissons sortaient des bâtiments abandonnés.
La lentille de Luxon clignota en rouge tandis qu’il analysait la zone. « Cette ville semble avoir été submergée il y a quelque temps. Sans enquête plus poussée, je ne peux pas dire si c’est dû à une catastrophe naturelle ou à une action délibérée. »
« Désolé, mais nous n’avons pas le temps pour cela. »
Sur l’écran, j’avais repéré les racines ondulantes des vignes qui nous avaient attaqués plus tôt. Si la visibilité était si mauvaise, c’est sans doute parce que les lianes avaient fortement perturbé le lit du lac. La plante ne s’était pas souciée des vestiges de la ville, détruisant les bâtiments au fur et à mesure qu’elle se déplaçait.
Plusieurs drones avaient jailli du sac à dos d’Arroganz et s’étaient dispersés dans l’eau.
« Ces drones vont commencer l’analyse de l’armure démoniaque ennemie, » annonça Luxon.
Les données qu’ils avaient compilées avaient été immédiatement transférées à Arroganz.
« J’ai lu ça dans un livre, mais je suppose que cette chose est l’armure démoniaque que l’empire a envoyée à Rachel dans le passé, n’est-ce pas ? Pourquoi l’ont-ils coulé ? »
« Selon toute vraisemblance, son pouvoir dépassait leur capacité de contrôle, et ils n’ont eu d’autre choix que de l’entreposer ici. À en juger par ce que nous avons vu, il semblerait qu’ils aient subi des pertes considérables chaque fois qu’ils sont venus extraire un éclat. »
Je n’avais pas compris ce qu’il voulait dire au début, mais les lianes avaient heurté quelque chose qui continuait à se tortiller, le propulsant dans l’eau. En étudiant l’objet, je m’étais rendu compte qu’il ressemblait à la ruine brisée de quelque chose qui ressemblait à un sous-marin. La quantité de rouille et l’érosion générale indiquaient qu’il était là depuis un certain temps.
« Cette chose est manifestement au-dessus de leurs forces. Pourquoi essaieraient-ils encore de la manipuler à leurs propres fins ? Sont-ils stupides ? »
« Je suppose que l’on pourrait qualifier de progrès humain le fait de tenter de soumettre une ressource incontrôlable comme celle-ci », déclara Luxon.
J’avais tenu mon fusil de chasse à portée de main et j’avais accéléré. Les fusées sur le dos d’Arroganz et ses nouvelles pattes fournissaient la propulsion adéquate, mais la sensation différait considérablement de celle à laquelle j’étais habitué dans les airs.
« Les déplacements semblent si lents ici. »
« Tel est le dilemme des batailles subaquatiques. Veille bien à t’acclimater à toute vitesse. »
C’est facile à dire pour toi. C’était comme si Arroganz se faisait écraser, avec son temps de réaction à la traîne. Néanmoins, j’avais continué à m’approcher. Une fois plus près, j’avais pu mieux observer la situation. L’armure démoniaque ne se déplaçait pas vraiment, elle manipulait plutôt la plante pour qu’elle exécute ses ordres.
« Alors il faut juste qu’on enlève ce truc rapidement, et puis on a fini, hein ? » Je me sentais plutôt bien maintenant — soulagé que ça ait l’air d’être facile.
C’était du moins le cas jusqu’à ce que je voie mieux l’armure. Le choc me frappa comme un coup de poing dans le ventre. J’étais resté sans voix. Je comprenais maintenant ce que Luxon avait dit plus tôt. Je n’avais pas besoin de son analyse pour savoir exactement ce que je voyais — je pouvais facilement faire le lien entre les deux.
« S’enthousiasmer pour le pouvoir d’une armure démoniaque est le comble de la folie. Après l’avoir constaté par toi-même, pourrions-nous nous dispenser de lambiner, raser cette nation et en finir ? » demanda Luxon avec espoir.
J’étais tellement dégoûté par ce que je voyais que, pour une fois, j’avais été tenté de lui donner le feu vert.
☆☆☆
Le saint roi se retrouva dans le hangar de la Licorne, entouré d’une escouade de drones autonomes. Il n’appréciait guère les menottes qui lui liaient les mains dans le dos.
« Elles sont trop serrées », se plaignit-il, alors qu’il était irascible même après sa capture. « Enlevez-les. »
Anjie le fit se figer en lui jetant un regard noir. Sa voix baissa de plusieurs octaves et cela se transforma en un grognement bas. « Il semblerait que vous ne compreniez pas bien votre situation. Je vous conseille de commencer à agir comme le prisonnier que vous êtes. »
Le saint roi grogna. Au contraire, il se sentait enhardi par sa capture. « N’adopte pas une attitude aussi hautaine avec moi, petite fille. Je suis le saint roi de Rachel ! Contrairement à vous, les sauvages, je viens d’un royaume à l’histoire riche et aux traditions ancestrales. Le sang noble d’innombrables générations glorieuses coule dans ces veines. Je n’ai absolument pas l’intention de faire preuve de condescendance pour m’attirer les faveurs de personnes comme vous ! »
« Si votre sang est vraiment si précieux, alors vous devriez l’honorer en acceptant gracieusement votre défaite », l’interrompit Mylène, s’avançant devant Anjie pour prendre le commandement. Elle fixa froidement le roi. « De plus, vous allez immédiatement cesser de faire fonctionner l’armure démoniaque que vous gardez cachée sous le lac. Cette bataille est terminée. Ne résistez plus. »
« Imbéciles ! Comme si j’avais les moyens de l’arrêter », cracha le saint roi en se détournant.
« Qu’est-ce que vous avez dit ? » Mylène fronça les sourcils, les mains se crispant de rage.
Le roi ricana de façon maniaque. « Le reste de nos chevaliers sacrés a été sacrifié pour alimenter l’armure démoniaque — ainsi que les candidats restants. Oh, mais pas seulement eux, non… Je savais que cela ne suffirait pas. J’en ai envoyé beaucoup d’autres avec eux — tous ceux qui étaient là ! Avec toutes ces âmes qui le nourrissent, son estomac doit être plein à craquer. Il ne s’arrêtera pas maintenant. Même si Rachel tombe, il continuera. » Même après que son rire se soit éteint, sa voix était teintée d’une hilarité triomphante. Il avait sacrifié toutes ces vies pour faire que l’armure démoniaque se déchaîne.
Anjie fut d’abord stupéfaite, mais elle reprit vite son sang-froid. Rongée par la rage, elle grogna : « Vous, le bas du front — ! »
« Anjie, s’il te plaît, contrôle-toi. » Livia avait saisi Anjie par le bras avant qu’elle ne puisse s’en prendre au roi.
Anjie hésita, retenant momentanément son souffle. « Mais comment pouvons-nous rester les bras croisés après un aveu aussi odieux ? » argumenta-t-elle, son visage se contorsionnant sous l’effet de toute une gamme d’émotions.
Livia partageait sa douleur.
Mylène ferma les yeux, tombant dans une contemplation silencieuse. Carl observait les femmes de loin, les mains toujours agrippées à sa canne. Il tira sur le bord de son chapeau, le rabattant pour mieux cacher son visage.
Quelle ordure que nous avons là devant nous, se disant un humain ! Sans les relations de longue date entre nos deux pays, je n’aurais jamais rien eu à faire avec lui. Malgré tout, Hohlfahrt, ton avenir sera déterminé par la façon dont tu décideras de gérer cette affaire.
Carl gardait un œil attentif sur la situation, surveillant non seulement Léon, mais aussi le reste de son entourage qui déterminait comment réagir à cette situation. S’ils se laissaient emporter par leurs émotions et tuaient carrément le saint roi, cela suggérerait qu’ils étaient incapables de retenue logique. Cela les conduirait inévitablement à devenir une menace pour le reste du monde. Léon possédait un pouvoir considérable, et Carl devait s’assurer qu’il ait la maîtrise de soi nécessaire pour le gérer.
Alors que tout le monde était occupé, une femme seule s’approcha du roi et lui asséna un coup de poing au visage.
« Quoi !? » s’écria Carl, trop surpris pour se retenir.
Noëlle se tenait là, les épaules soulevées, la respiration erratique. Le saint roi gisait à ses pieds, gémissant.
« Je déteste absolument les gars comme toi, qui pensent toujours que tu peux regarder de haut tous les autres ! » Trop furieuse pour contrôler son volume, Noëlle hurla à pleins poumons. « Comment oses-tu traiter les gens comme s’ils étaient sacrifiables ! Pour qui te prends-tu au juste, hein !? »
« Sale gosse indisciplinée ! Je suis le saint roi de Rachel ! » cracha-t-il.
C’était assez pathétique qu’il pense pouvoir l’intimider avec son titre à ce stade.
« Oui ? Et alors ? » Noëlle avait de nouveau mis ses mains en poing. « Je suis Noëlle — juste Noëlle, pour info, pas de titres ronflants, rien du tout. Ne crois pas que tu puisses continuer à te la jouer hautain et puissant juste parce que tu es un roi ! » Elle se jeta sur lui, lui assénant un nouveau coup de poing au visage.
À l’intérieur, Carl serra ses poings, alors qu’il était fier que la jeune fille ait fait ce que les autres n’avaient pas fait. Quel crochet du droit impressionnant !
Alors que Noëlle assommait le pauvre roi, Anjie et Livia reprirent rapidement leurs esprits et la détachèrent de lui.
Le regard de Carl se tourna alors vers le plafond, son visage étant enveloppé dans l’ombre de son chapeau. Alors, chevalier-ordure, comment vas-tu réagir ?
merci pour le chapitre