Le Monde dans un Jeu Vidéo Otome est difficile pour la Populace – Tome 11 – Chapitre 10

+++

Chapitre 10 : La ville submergée

+++

Chapitre 10 : La ville submergée

Partie 1

J’avais difficilement cru à ce que nous avions trouvé sous le lac.

« Qu’est-ce qu’une ville peut bien faire ici ? »

Équipée de pièces taillées sur mesure pour un environnement aquatique, Arroganz coula jusqu’à s’immobiliser au fond du lac. Son atterrissage avait perturbé les sédiments. Des masses de vase s’étaient déployées en éventail autour de nous, réduisant considérablement la visibilité.

« Je l’ai remarqué bien avant toi, » déclara Luxon d’un ton très froid.

« Mince, comme c’est utile ! »

La lumière d’Arroganz s’était alors allumée, éclairant notre environnement. Cela avait confirmé ce que j’avais entrevu auparavant — une ville tentaculaire qui s’étendait au fond du lac. Des poissons sortaient des bâtiments abandonnés.

La lentille de Luxon clignota en rouge tandis qu’il analysait la zone. « Cette ville semble avoir été submergée il y a quelque temps. Sans enquête plus poussée, je ne peux pas dire si c’est dû à une catastrophe naturelle ou à une action délibérée. »

« Désolé, mais nous n’avons pas le temps pour cela. »

Sur l’écran, j’avais repéré les racines ondulantes des vignes qui nous avaient attaqués plus tôt. Si la visibilité était si mauvaise, c’est sans doute parce que les lianes avaient fortement perturbé le lit du lac. La plante ne s’était pas souciée des vestiges de la ville, détruisant les bâtiments au fur et à mesure qu’elle se déplaçait.

Plusieurs drones avaient jailli du sac à dos d’Arroganz et s’étaient dispersés dans l’eau.

« Ces drones vont commencer l’analyse de l’armure démoniaque ennemie, » annonça Luxon.

Les données qu’ils avaient compilées avaient été immédiatement transférées à Arroganz.

« J’ai lu ça dans un livre, mais je suppose que cette chose est l’armure démoniaque que l’empire a envoyée à Rachel dans le passé, n’est-ce pas ? Pourquoi l’ont-ils coulé ? »

« Selon toute vraisemblance, son pouvoir dépassait leur capacité de contrôle, et ils n’ont eu d’autre choix que de l’entreposer ici. À en juger par ce que nous avons vu, il semblerait qu’ils aient subi des pertes considérables chaque fois qu’ils sont venus extraire un éclat. »

Je n’avais pas compris ce qu’il voulait dire au début, mais les lianes avaient heurté quelque chose qui continuait à se tortiller, le propulsant dans l’eau. En étudiant l’objet, je m’étais rendu compte qu’il ressemblait à la ruine brisée de quelque chose qui ressemblait à un sous-marin. La quantité de rouille et l’érosion générale indiquaient qu’il était là depuis un certain temps.

« Cette chose est manifestement au-dessus de leurs forces. Pourquoi essaieraient-ils encore de la manipuler à leurs propres fins ? Sont-ils stupides ? »

« Je suppose que l’on pourrait qualifier de progrès humain le fait de tenter de soumettre une ressource incontrôlable comme celle-ci », déclara Luxon.

J’avais tenu mon fusil de chasse à portée de main et j’avais accéléré. Les fusées sur le dos d’Arroganz et ses nouvelles pattes fournissaient la propulsion adéquate, mais la sensation différait considérablement de celle à laquelle j’étais habitué dans les airs.

« Les déplacements semblent si lents ici. »

« Tel est le dilemme des batailles subaquatiques. Veille bien à t’acclimater à toute vitesse. »

C’est facile à dire pour toi. C’était comme si Arroganz se faisait écraser, avec son temps de réaction à la traîne. Néanmoins, j’avais continué à m’approcher. Une fois plus près, j’avais pu mieux observer la situation. L’armure démoniaque ne se déplaçait pas vraiment, elle manipulait plutôt la plante pour qu’elle exécute ses ordres.

« Alors il faut juste qu’on enlève ce truc rapidement, et puis on a fini, hein ? » Je me sentais plutôt bien maintenant — soulagé que ça ait l’air d’être facile.

C’était du moins le cas jusqu’à ce que je voie mieux l’armure. Le choc me frappa comme un coup de poing dans le ventre. J’étais resté sans voix. Je comprenais maintenant ce que Luxon avait dit plus tôt. Je n’avais pas besoin de son analyse pour savoir exactement ce que je voyais — je pouvais facilement faire le lien entre les deux.

« S’enthousiasmer pour le pouvoir d’une armure démoniaque est le comble de la folie. Après l’avoir constaté par toi-même, pourrions-nous nous dispenser de lambiner, raser cette nation et en finir ? » demanda Luxon avec espoir.

J’étais tellement dégoûté par ce que je voyais que, pour une fois, j’avais été tenté de lui donner le feu vert.

 

☆☆☆

 

Le saint roi se retrouva dans le hangar de la Licorne, entouré d’une escouade de drones autonomes. Il n’appréciait guère les menottes qui lui liaient les mains dans le dos.

« Elles sont trop serrées », se plaignit-il, alors qu’il était irascible même après sa capture. « Enlevez-les. »

Anjie le fit se figer en lui jetant un regard noir. Sa voix baissa de plusieurs octaves et cela se transforma en un grognement bas. « Il semblerait que vous ne compreniez pas bien votre situation. Je vous conseille de commencer à agir comme le prisonnier que vous êtes. »

Le saint roi grogna. Au contraire, il se sentait enhardi par sa capture. « N’adopte pas une attitude aussi hautaine avec moi, petite fille. Je suis le saint roi de Rachel ! Contrairement à vous, les sauvages, je viens d’un royaume à l’histoire riche et aux traditions ancestrales. Le sang noble d’innombrables générations glorieuses coule dans ces veines. Je n’ai absolument pas l’intention de faire preuve de condescendance pour m’attirer les faveurs de personnes comme vous ! »

« Si votre sang est vraiment si précieux, alors vous devriez l’honorer en acceptant gracieusement votre défaite », l’interrompit Mylène, s’avançant devant Anjie pour prendre le commandement. Elle fixa froidement le roi. « De plus, vous allez immédiatement cesser de faire fonctionner l’armure démoniaque que vous gardez cachée sous le lac. Cette bataille est terminée. Ne résistez plus. »

« Imbéciles ! Comme si j’avais les moyens de l’arrêter », cracha le saint roi en se détournant.

« Qu’est-ce que vous avez dit ? » Mylène fronça les sourcils, les mains se crispant de rage.

Le roi ricana de façon maniaque. « Le reste de nos chevaliers sacrés a été sacrifié pour alimenter l’armure démoniaque — ainsi que les candidats restants. Oh, mais pas seulement eux, non… Je savais que cela ne suffirait pas. J’en ai envoyé beaucoup d’autres avec eux — tous ceux qui étaient là ! Avec toutes ces âmes qui le nourrissent, son estomac doit être plein à craquer. Il ne s’arrêtera pas maintenant. Même si Rachel tombe, il continuera. » Même après que son rire se soit éteint, sa voix était teintée d’une hilarité triomphante. Il avait sacrifié toutes ces vies pour faire que l’armure démoniaque se déchaîne.

Anjie fut d’abord stupéfaite, mais elle reprit vite son sang-froid. Rongée par la rage, elle grogna : « Vous, le bas du front — ! »

« Anjie, s’il te plaît, contrôle-toi. » Livia avait saisi Anjie par le bras avant qu’elle ne puisse s’en prendre au roi.

Anjie hésita, retenant momentanément son souffle. « Mais comment pouvons-nous rester les bras croisés après un aveu aussi odieux ? » argumenta-t-elle, son visage se contorsionnant sous l’effet de toute une gamme d’émotions.

Livia partageait sa douleur.

Mylène ferma les yeux, tombant dans une contemplation silencieuse. Carl observait les femmes de loin, les mains toujours agrippées à sa canne. Il tira sur le bord de son chapeau, le rabattant pour mieux cacher son visage.

Quelle ordure que nous avons là devant nous, se disant un humain ! Sans les relations de longue date entre nos deux pays, je n’aurais jamais rien eu à faire avec lui. Malgré tout, Hohlfahrt, ton avenir sera déterminé par la façon dont tu décideras de gérer cette affaire.

Carl gardait un œil attentif sur la situation, surveillant non seulement Léon, mais aussi le reste de son entourage qui déterminait comment réagir à cette situation. S’ils se laissaient emporter par leurs émotions et tuaient carrément le saint roi, cela suggérerait qu’ils étaient incapables de retenue logique. Cela les conduirait inévitablement à devenir une menace pour le reste du monde. Léon possédait un pouvoir considérable, et Carl devait s’assurer qu’il ait la maîtrise de soi nécessaire pour le gérer.

Alors que tout le monde était occupé, une femme seule s’approcha du roi et lui asséna un coup de poing au visage.

« Quoi !? » s’écria Carl, trop surpris pour se retenir.

Noëlle se tenait là, les épaules soulevées, la respiration erratique. Le saint roi gisait à ses pieds, gémissant.

« Je déteste absolument les gars comme toi, qui pensent toujours que tu peux regarder de haut tous les autres ! » Trop furieuse pour contrôler son volume, Noëlle hurla à pleins poumons. « Comment oses-tu traiter les gens comme s’ils étaient sacrifiables ! Pour qui te prends-tu au juste, hein !? »

« Sale gosse indisciplinée ! Je suis le saint roi de Rachel ! » cracha-t-il.

C’était assez pathétique qu’il pense pouvoir l’intimider avec son titre à ce stade.

« Oui ? Et alors ? » Noëlle avait de nouveau mis ses mains en poing. « Je suis Noëlle — juste Noëlle, pour info, pas de titres ronflants, rien du tout. Ne crois pas que tu puisses continuer à te la jouer hautain et puissant juste parce que tu es un roi ! » Elle se jeta sur lui, lui assénant un nouveau coup de poing au visage.

À l’intérieur, Carl serra ses poings, alors qu’il était fier que la jeune fille ait fait ce que les autres n’avaient pas fait. Quel crochet du droit impressionnant !

Alors que Noëlle assommait le pauvre roi, Anjie et Livia reprirent rapidement leurs esprits et la détachèrent de lui.

Le regard de Carl se tourna alors vers le plafond, son visage étant enveloppé dans l’ombre de son chapeau. Alors, chevalier-ordure, comment vas-tu réagir ?

+++

Partie 2

Une énorme fleur s’épanouissait au fond du lac. Ses pétales étaient d’une couleur terreuse, et des fissures la traversaient de part en part. En son centre reposait l’armure démoniaque, qui mesurait environ six mètres de haut. Avec la fleur elle-même, elle devait faire plus de trente mètres en tout. Les tentacules en forme de vigne dépassaient de sa base, s’élançant hors de l’eau.

L’armure démoniaque avait conservé sa forme originale, bien que sa surface soit parsemée d’égratignures et d’entailles. Il était évident que les gens de Rachel avaient scié des éclats pour les utiliser à d’autres fins. Un certain nombre de sous-marins, plus intacts que celui que j’avais vu plus tôt, gisaient éparpillés autour de la fleur au fond du lac. Ils étaient de conception primitive et, malgré l’absence d’usure, ils portaient des dommages importants.

 

 

Ce qui m’avait vraiment retourné l’estomac, ce sont les innombrables visages qui tapissaient la surface de l’armure démoniaque, et qui semblaient tous bouger et se contorsionner dans l’angoisse. J’avais ravalé ma nausée, risquant de vomir si je ne le faisais pas.

« Les racines de l’armure démoniaque s’étendent dans le sol », déclara Luxon après avoir terminé son analyse.

« La plante en fait donc partie. »

« Ils l’ont probablement poussé dans un état de berserk en sacrifiant des dizaines de vies. »

J’avais relâché ma prise sur les manettes de contrôle et j’avais fait craquer mes articulations. Ces gens ont-ils une seule goutte de compassion humaine ? Je commençais à en douter.

« Finissons-en rapidement », avais-je dit.

« Oui, je crois que ce serait la ligne de conduite la plus prudente. Je te l’accorde, je ne dispose pas de suffisamment de données sur les batailles subaquatiques. Tout ce que je peux dire, c’est que ce ne sera pas la même chose qu’une bataille aéroportée, alors soit prudent. »

« Je suis totalement novice en la matière. Réduis tes attentes. »

J’avais appuyé mes pieds sur les pédales, augmentant l’accélération d’Arroganz dans l’eau. En levant mon fusil, j’avais visé et tiré, décochant une des flèches métalliques spécialement conçues par Luxon. J’avais enchaîné avec deux autres tirs, et les trois avaient atteint leur cible — s’enfonçant dans les tentacules semblables à du lierre. Ce n’est qu’après avoir été blessé qu’il me reconnut comme ennemi et se dirigea en masse vers Arroganz.

« Trop peu, trop tard. Tu aurais dû me tomber dessus au moment où je suis entré dans l’eau. »

Luxon s’était empressé de me corriger. « Quel que soit leur timing, le résultat serait en grande partie inchangé. »

J’avais esquivé l’une des attaques, après quoi les tentacules vinyliques avaient commencé à subir une sorte de transformation. Les flèches que je leur avais plantées étaient imprégnées de magie, et aux endroits où elles dépassaient, la couleur des lianes changeait rapidement. Les tentacules se tortillaient comme s’ils agonisaient. Ce qui provoquait ce changement brutal se propagea au reste de la plante. Bientôt, l’armure démoniaque au centre de la fleur se tordit à son tour.

Je jetai un coup d’œil à Luxon. « Qu’as-tu fait exactement à ces flèches ? »

« Comme il s’agit d’une plante, j’ai décidé de tester du poison. »

« Poison !? »

« Herbicide », précisa-t-il. « J’ai en fait préparé plusieurs variétés différentes. Il semble que ce soit le plus efficace. » Le fait qu’il ait réussi à trouver cela si rapidement après avoir découvert que notre ennemi était une plante était assez déconcertant.

J’avais tiré au hasard d’autres flèches. « Pas vraiment besoin de viser si c’est le cas ! »

« Je ne m’attends pas à une quelconque précision de ta part, Maître. Je t’en prie, soit mon invité. »

Je m’étais étouffé. « Est-ce que tu dois vraiment être aussi méchant et sarcastique dans chacune de nos conversations ? J’aimerais que tu prennes exemple sur Brave. »

« C’est tout à fait inutile. »

Mon chargeur s’était retrouvé à court de munitions pendant que je me chamaillais avec Luxon. J’avais rapidement rechargé, en manœuvrant les sticks de contrôle pour m’aider à prendre de la distance avec l’armure démoniaque.

Les tentacules déchaînés s’étaient finalement écrasés, défonçant la ville sous-marine. Du sable et des débris volèrent, troublant encore plus l’eau. Une fois de plus, ma vision était fortement réduite.

« Se battre alors que je ne vois rien ? Tu dois te moquer de moi. »

« Cela aurait été plus facile si nous l’avions achevé plus tôt, » approuva Luxon. « Hélas, il semblerait que cette bataille ne sera pas aussi simple. »

Lorsque l’herbicide avait pénétré pour la première fois dans le système de la plante, les tentacules avaient pris une couleur violette obsédante, avant de brunir et de se ratatiner. Une fois qu’ils furent incapables de bouger, la fleur elle-même commença à s’effriter. L’armure démoniaque, ayant perdu son perchoir, bougea ses bras. L’un d’eux gonfla soudain, devenant énorme.

Les armures démoniaques étaient incapables de conserver leur forme humanoïde une fois qu’elles devenaient incontrôlables. Généralement, ils prenaient plutôt une forme monstrueuse.

J’avais continué à piloter Arroganz à travers l’eau tout en tirant furtivement des coups de mon fusil à carreaux. Les flèches s’étaient enfouies dans l’armure démoniaque, mais sa couleur était restée la même, ce qui suggérait que le poison était inefficace.

« Il semblerait qu’il ait déjà développé une certaine résistance, malgré le peu de temps écoulé, » observa Luxon.

« Et si tu essayais un nouveau poison ? »

« Même en supposant que cela s’avère efficace pendant un certain temps, ce serait surtout inutile. L’armure démoniaque ne ferait que développer une nouvelle résistance tout aussi rapidement. »

« Dans ce cas… » Je rangeai le fusil de chasse, laissant les mains d’Arroganz complètement vides. « Nous n’aurons qu’à le maîtriser comme nous le faisons toujours. »

« Oui, la barbarie semble te convenir le mieux, maître. »

« Tu sais quoi ? Je vais m’en souvenir. » Il me traitait comme si j’étais une sorte de sauvage.

Avec un seul bras gargantuesque à sa disposition, l’armure démoniaque chargea. Des nageoires s’étaient déployées sur son corps, lui permettant de se déplacer librement dans l’eau. Cependant, sa forme encombrante le déséquilibrait, si bien que ses mouvements étaient sauvages et imprévisibles. J’avais eu l’impression qu’il était en train de s’enfoncer dans l’eau. J’avais réussi de justesse à esquiver son élan et j’en avais profité pour m’agripper à lui.

« Verrouillage réussi. »

« Maintenant, fais-le voler en éclats ! » avais-je ordonné, en poussant la paume ouverte d’Arroganz contre la masse de l’armure ennemie.

La lentille de Luxon brilla. « Impact. »

La surface de l’armure démoniaque s’illumina de rouge lorsque notre attaque la frappa, mais l’instant d’après, je m’étais retrouvé éjecté plus loin dans l’eau.

« Qu’est-ce que c’est ! »

Au même instant où nous avions déclenché notre onde de choc, le recul nous avait fait reculer.

« Pourquoi es-tu si calme ? »J’ai serré les poings autour des manettes de contrôle, en jetant un regard noir à Luxon.

« La puissance de l’attaque est réduite sous l’eau. Nous n’avons pas pu l’endommager au degré nécessaire à sa destruction. »

Son ton monocorde me tapait vraiment sur les nerfs, même si c’était moins le cas que la persistance de notre ennemi. J’avais ravalé l’envie de jurer et j’avais examiné les dégâts. Nous avions réussi à faire sauter un morceau de notre adversaire, mais l’armure était encore parfaitement fonctionnelle. Et bien sûr, il pouvait simplement régénérer ce qu’il avait perdu, même si ses proportions déformées et inquiétantes n’en paraissaient que plus sinistres.

Peu importe. Le problème principal, c’est que personne ne m’avait dit que ma plus grande arme serait inefficace ici !

« Bon sang ! J’en ai vraiment marre de me battre sous l’eau. Et si on se tirait d’ici et qu’on prenait l’air ? L’Einhorn est-il prêt à aller à la pêche ? »

Luxon me jeta un regard en coin, un exploit impressionnant pour une IA. « Maître, tu continues à sous-estimer les performances d’Arroganz au niveau le plus élémentaire. »

« Sérieusement ? Est-ce vraiment le moment de se plaindre à ce sujet ? »

« C’est une question des plus troublantes, alors oui. Même avec tes piètres aptitudes au pilotage, tu n’as qu’à compter sur les spécifications impressionnantes d’Arroganz pour prendre l’avantage. »

Je m’étais renfrogné. « Tu sais, tu n’as pas besoin de faire le con pour ça ! »

Pendant toute la durée de notre discussion — ou de notre dispute, en fait —, j’avais dû esquiver les assauts continus de l’ennemi. Mais j’aurais tout aussi bien pu rester là. L’armure démoniaque avait été optimisée pour les combats subaquatiques. Dans une compétition de vitesse, j’étais complètement dépassé. Ironiquement, plus sa forme se déformait et changeait, plus elle s’adaptait à son environnement, à un moment donné, elle avait même perdu ses jambes pour une queue de poisson. L’entité avait, en somme, pris l’apparence de quelque chose qui s’apparentait à une sirène maudite.

J’avais alors vérifié quelles armes Arroganz possédait encore et j’avais remarqué que Luxon avait préparé quelques torpilles. C’est parfait. Je les avais lancées immédiatement. Quatre torpilles avaient été lancées à la poursuite de l’armure démoniaque. Il agita son bras hypertrophié, tirant ce qui semblait être des aiguilles, qui étaient entrées en collision avec les torpilles. Des explosions secouèrent le lac.

« Alors ça ne va pas marcher non plus, hein ? »

J’étais de nouveau en train de me creuser la tête pour essayer de trouver un autre moyen de combattre cette chose.

« Ce n’est pas comme si Creare et moi étions restés inactifs depuis notre dernière bataille contre les armures démoniaques », déclara Luxon. « Nous avons notamment commencé à apporter des améliorations à Arroganz après l’apparition de Brave. »

J’étais trop occupé à esquiver l’ennemi pour répondre à Luxon.

« Maître, utilise l’ancre. »

Sans perdre un instant, j’avais fait ce qu’on m’avait conseillé. L’ancre vola vers l’avant, transperçant l’armure démoniaque. Un fil rétractable la reliait au conteneur arrière, si bien qu’une fois accrochée, la sirène malformée commença à m’entraîner avec elle.

J’avais serré les dents. « Il me domine complètement. »

« Soutiens tes jambes. »

Une fois de plus, j’avais fait ce que Luxon m’avait dit et je m’étais recroquevillé, atterrissant sur le sol du lac. J’avais abaissé mes hanches, et finalement, la créature s’était immobilisée d’un coup sec. Au moment où Arroganz était entré en contact avec une surface solide, des pointes étaient sorties de la plante de ses pieds pour le bloquer sur place.

« Est-ce que ça a marché ? » demandai-je avec espoir.

« Augmente maintenant la puissance de sortie. »

Le ronronnement sourd d’une machine résonna dans le cockpit, et la résistance des manettes de commande et des pédales changèrent. Ils étaient devenus plus sensibles, le moindre contact produisait une réaction plus rapide que je n’en avais jamais vu. Le moindre appui sur les pédales faisait grimper le compteur.

« Ça va être difficile de piloter comme ça. »

« Fais de ton mieux », me déclara Luxon, sans se préoccuper de mes difficultés.

Je n’avais pas vraiment les moyens d’argumenter à ce stade. Mon attention était totalement fixée sur le pilotage.

+++

Partie 3

L’armure démoniaque ne semblait pas comprendre ce qui se passait. Depuis la surprise de l’ancre, il avait commencé à se débattre. J’avais saisi le fil rétractable et je l’avais tiré vers moi. Ne pouvant plus dominer Arroganz, l’armure fut emportée, impuissante à résister.

« Tu ne peux pas m’échapper ! »

« Affaiblissons-le », suggéra Luxon.

Quelques torpilles supplémentaires furent lancées depuis le conteneur arrière d’Arroganz. Maintenant que l’armure démoniaque ne pouvait plus les neutraliser, elles frappèrent leur cible. D’autres explosions déchirèrent l’eau et un liquide noir d’encre s’échappa du lieu de l’impact. Le câble se détendit. On dirait que ça a marché.

« En avant, Arroganz ! »

J’avais claqué des pieds sur les pédales, les poussant au maximum pour accélérer vers la surface. Arroganz s’était élancé à toute vitesse. Même si son chargement actuel n’était pas idéal pour les combats aériens, il réussit tout de même à s’envoler, bien qu’avec une manœuvrabilité considérablement réduite. J’avais entraîné l’armure démoniaque hors du lac avec moi. Il se tortillait sur le fil comme un poisson sur un hameçon.

« On va finir ça sur la terre ferme », dis-je en mettant Arroganz en vrille. Je n’allais pas donner l’avantage à l’armure démoniaque en laissant ce combat retomber sous l’eau.

« Une décision judicieuse. »

L’armure démoniaque tournoya violemment dans les airs, avec Arroganz au centre de ce mouvement. J’avais utilisé cet élan et j’avais relâché l’ancre, lançant l’armure démoniaque à la manière d’un lancer de marteau d’athlétisme. Elle traversa les airs et s’écrasa violemment sur le château d’ivoire.

Les murs extérieurs volèrent en éclats, des débris furent projetés partout tandis que l’intérieur du château était laissé à découvert. Le château était célèbre pour sa teinte ivoire, mais je pouvais voir maintenant que la couleur avait été obtenue avec de la peinture, et qu’il n’y avait aucune pierre naturelle de couleur ivoire en vue. Au début, c’était tellement radieux, mais maintenant, j’avais l’impression que les couleurs s’étaient estompées.

L’armure démoniaque s’agita davantage, agissant encore plus comme un poisson hors de l’eau, aggravant les dommages causés au château à chaque spasme.

J’avais éjecté le conteneur arrière d’Arroganz et j’avais lentement dérivé vers l’armure démoniaque. Des épines s’étaient manifestées à sa surface. Plusieurs d’entre elles étaient sorties pour tenter d’empaler Arroganz, mais elles s’étaient brisées contre le revêtement extérieur de mon armure au moment de l’impact.

« Il se serait peut-être battu de façon plus impressionnante avec un vrai pilote », déclara Luxon, en considérant probablement cette bataille en fonction de nos rencontres précédentes. « Même si j’imagine que l’intention était de fuir pendant que cette chose se déchaînait, c’était une décision irréfléchie. Le roi semble n’avoir aucun scrupule à mettre en danger la vie de son peuple. Si nous n’avions pas été là, l’armure aurait rasé toute la capitale. »

« On dirait que c’est le saint roi qui est la vraie ordure ici. »

L’armure démoniaque se débattait encore, alors je lui avais asséné un coup de poing, puis j’avais fait claquer ma paume ouverte vers le bas, la clouant sur place.

« Impact. »

Arroganz émit alors une onde de choc qui se répercuta dans la créature. Elle se tordit d’angoisse, ses entrailles gonflant encore plus. Le temps qu’elle se gonfle complètement, je m’étais lancé dans le ciel pour prendre de la distance. Incapable de supporter la pression plus longtemps, l’armure démoniaque implosa, pulvérisant de la bouillie noire sur chaque centimètre du château d’ivoire.

Ah bon, me suis-je dit. Tant que personne ne me demande de couvrir les dégâts matériels, tout va bien.

« Ouf, c’est terminé. Enfin ! »

Toute cette histoire m’avait laissé un mauvais goût dans la bouche. C’est toujours le cas. Rares étaient les batailles qui me laissaient un véritable sentiment de victoire. Au lieu de cela, je semblais toujours en proie à des réserves persistantes.

Luxon m’étudia, lisant les émotions sur mon visage. « C’est le royaume de Rachel qui est fautif quant à ces sacrifices inutiles, Maître, pas toi », dit-il d’un ton apaisant — un geste rare de sa part. « Tu n’es en aucun cas responsable de ces pertes. »

« Sauf que rien de tout cela ne serait arrivé si je n’étais pas venu ici. » Rachel n’aurait eu aucune raison de recourir à de telles mesures si je n’avais pas été là.

Luxon déplaça son objectif d’un côté à l’autre, comme s’il secouait la tête en signe d’exaspération. « Maître, si tu ne les avais pas combattus ici, sur leur sol, c’est Hohlfahrt et son peuple qui auraient souffert. Ensuite, la dévastation se serait probablement étendue à d’autres nations. En faisant cela, tu as limité les pertes humaines au minimum. Cette perspective ne peut-elle pas te réconforter ? Il me semble que tu souffres d’un esprit tragiquement inflexible. »

Il essayait sans doute de me contrarier dans l’espoir de me remonter le moral. C’était sa façon d’être gentil. Il était comme ça après une bagarre.

« On a gagné, mais ça fait tellement creux », avais-je marmonné en penchant la tête en arrière.

À un moment donné, alors que j’étais perdu dans mes pensées, les cinq idiots et Finn s’étaient rassemblés autour de moi.

« Magnifique travail, Seigneur Léon », dit Julian — ou le chevalier masqué, comme il tenait à être appelé. « Vous êtes vraiment à la hauteur de votre réputation héroïque. »

« Euh, oui… »

Toute cette histoire de chevalier masqué m’avait quand même fait chier. Tout d’abord, c’était une farce totale de la part de Julian. Deuxièmement, et ce qui me laissait le plus perplexe, c’est qu’aucun de ses amis n’avait jamais fait semblant de savoir que c’était lui. Ils devaient être parfaitement au courant et faisaient semblant pour son bien, n’est-ce pas ? Mais j’avais hésité à le faire remarquer, parce qu’ils semblaient vraiment inconscients.

Supposons un instant qu’ils jouent le jeu et que je leur dise : « Hé, les gars, ce type masqué est en fait Julian. » Comment réagiraient-ils ? Ils me regarderaient tous d’un air mauvais et me diraient : « On le sait. On le laisse juste s’amuser. Lis l’ambiance pour une fois. »

Ce n’était pas comme si j’avais besoin de m’inquiéter de la brigade des idiots. Mais je devais quand même me demander s’ils étaient vraiment aussi paumés ou s’ils se laissaient simplement emporter par la mascarade. Je n’en étais vraiment pas sûr.

Franchement, cela m’avait un peu énervé d’avoir joué le jeu pendant tout ce temps et de n’avoir rien dit. J’étais aussi assez irrité par leur comportement — je ne pouvais absolument pas savoir s’ils avaient compris, ce qui me laissait coincé dans ce vide silencieux. J’aurais aimé que quelqu’un mette un terme à tout cela !

Brave posa une main sur l’épaule d’Arroganz. « C’était une belle façon de finir, » dit Finn dans une transmission privée. Je suppose qu’il ne voulait pas que les autres entendent.

J’avais haussé les épaules. « Je n’ai pas pu l’achever dans l’eau. Il faudra que je demande à Luxon de concevoir une arme capable de pulvériser mes adversaires dans l’eau. »

« La meilleure chose à faire serait d’éviter complètement les batailles subaquatiques. Digressions mises à part, la Licorne a le saint roi sous sa garde. »

Creare et les filles avaient donc réussi à le capturer. C’est bien. Cela signifie que nous avons réussi à atteindre la plupart de nos objectifs jusqu’à présent.

Soulagé, j’avais poussé un petit soupir.

« Ne baisse pas déjà ta garde », prévint Finn. « Ce vieux bougre est peut-être une vraie mauviette quand il s’agit de Mia, mais quand il s’agit de politique, il n’y va pas par quatre chemins. » La façon dont il avait décrit Monsieur Carl suggérait que l’empereur ne nous accorderait pas de considération spéciale pour des sentiments amicaux. Il s’agirait d’affaires pures — ou de politique, pour être précis.

« J’ai compris. Il ne reste plus que les négociations. Mylène s’en chargera. »

Je n’avais pas l’intention de m’impliquer, car je ne ferais que marcher sur les plates-bandes de Mylène en essayant. Mais Finn n’avait pas l’air très satisfait de mon approche désinvolte.

« Vas-tu sérieusement laisser la partie la plus importante à quelqu’un d’autre ? »

« Ben oui. C’est parce que c’est tellement important que Mylène est la meilleure personne pour s’en occuper. Elle est assez incroyable, tu sais. Incroyablement intelligente et super compétente — mais en plus, c’est un vrai canon. Si elle n’était pas la reine, je serais à genoux en train de la supplier de me donner sa main. »

Je ne faisais que déconner maintenant que la bataille était terminée, mais Finn semblait me prendre au sérieux. « Maintenant, tout s’explique. Tu aimes les femmes plus âgées. Je me suis toujours demandé pourquoi tu semblais si froid avec tes fiancées. Je vois, je vois. »

« Hé, tu retires ce que tu as dit ! » Je m’étais redressé sur mon siège. « Quand est-ce que j’ai été froid avec les filles ? »

Luxon détourna son regard en flottant près de mon épaule. « En effet, le fait que tu ne te souviennes pas est révélateur du problème. »

« Et d’ailleurs, de quel côté es-tu ? » demandai-je en tournant la tête.

« Tu as toujours l’air tellement plus heureux quand tu interagis avec Sa Majesté », poursuivit Finn.

« Assez de fausses accusations ! La vraie question est de savoir si tu t’es décidé sur ce que tu vas dire à Mia ! »

« Ça n’a rien à voir avec ça ! »

J’avais secoué la tête avec véhémence. « C’est sûr que c’est le cas ! Tu veux parler de filles et d’autres choses ? Eh bien, allez-y, monsieur ! »

« Ne fais pas comme si nous étions sur la même longueur d’onde ! »

Pendant que nous nous chamaillions, l’Einhorn et la Licorne se approchèrent.

+++

Si vous avez trouvé une faute d’orthographe, informez-nous en sélectionnant le texte en question et en appuyant sur Ctrl + Entrée s’il vous plaît. Il est conseillé de se connecter sur un compte avant de le faire.

Claramiel

Bonjour, Alors que dire sur moi, Je suis Clarisse.

Laisser un commentaire