Chapitre 3 : Dévot
Partie 3
Quelques jours après son rendez-vous désastreux avec Léon, Anjie marchait dans un couloir de l’académie après les cours. Pour être plus exacte, Livia la tirait, et bien qu’Anjie ne soit pas très enthousiaste à l’idée de se rendre à leur destination, Livia ne la lâchait pas.
« Anjie, il est déjà trop tard. »
« Calme-toi, Livia. Dès que j’aurai réglé quelques affaires, j’irai. »
Livia secoua la tête. Elle avait vu clair dans l’excuse d’Anjie. « Non. Tu as l’intention de garder tes distances avec Monsieur Léon et de ne pas du tout participer, n’est-ce pas ? »
« Comment puis-je lui faire face ? » demanda Anjie, honteuse. « Je ne veux pas qu’il me déteste plus qu’il ne le fait déjà. »
« Raison de plus pour le rencontrer ! Tous les autres sont déjà là, j’en suis sûre. » Livia continua à l’entraîner jusqu’à ce qu’elles arrivent à leur destination : une salle de classe.
Alors que les salles de classe étaient habituellement remplies d’élèves, une fois l’école terminée et tous les camarades rentrés chez eux, les salles devenaient silencieuses — en fait, peut-être pas si silencieuses aujourd’hui. La voix de Léon retentit à l’intérieur.
« Je vous l’ai déjà dit : Non, non, et surtout non ! »
Un certain nombre d’autres voix avaient également résonné à l’intérieur.
Anjie et Livia échangèrent un regard.
« De quel genre de rassemblement s’agit-il au juste ? » demanda Anjie. « Tu le sais, n’est-ce pas, Livia ? »
Livia secoua la tête. « Non. Je sais seulement que c’est pour que Monsieur Léon puisse se racheter auprès de toi. »
« Qu’est-ce que tu veux dire ? » demanda Anjie. Savoir qu’il voulait mettre les choses au clair était de la musique douce pour ses oreilles. Mais c’est alors que la voix tonitruante de Léon retentit à travers la porte fermée.
« Rentrez chez vous ! Rentrez ! Je vous en supplie ! »
Léon hurlait, suppliant les autres personnes présentes à l’intérieur de partir. Et Anjie pouvait entendre le destinataire de ses paroles refuser fermement. Prenant enfin son courage à deux mains, Anjie ouvrit la porte. Lorsqu’elle jeta un coup d’œil dans la salle de classe, elle trouva les habituels coupables déjà présents.
Noëlle est là. Hm ? N’est-ce pas le prince Jake et ses amis ? Et il y a même les étudiants de l’empire qui participent à l’échange. Oh là là, et aussi la princesse Erica !?
Cette salle de classe était un amphithéâtre dont les pupitres étaient disposés en quinconce sur des gradins surélevés. Léon se tenait sur l’estrade du milieu, frappant à plusieurs reprises avec sa main ouverte contre l’estrade. Marie et sa joyeuse bande se tenaient juste devant lui. En ce moment, c’était comme si leurs rôles habituels avaient été échangés, Léon était celui qui plaidait avec Marie et ses compagnons.
« Je ne vous ai pas appelé ici ! S’il vous plaît, je vous en supplie, rentrez chez vous ! Je vous paierai pour que vous partiez ! »
Malgré son offre de compensation financière, Marie et ses compagnons avaient refusé de bouger. Normalement, dès que Léon leur fait miroiter de l’argent, ils s’exécutaient docilement.
« Et laisser les autres s’amuser tout seuls !? » hurla Marie en s’agrippant au podium et en refusant de le lâcher. « Je ne le supporterai pas ! Je ne me laisserai pas faire ! »
Julian se tenait juste derrière elle, les yeux injectés de sang. « Léon, nous sommes amis, n’est-ce pas ? Alors, emmène-nous ! »
« Depuis quand sommes-nous amis ? »
« Depuis maintenant ! »
« Taisez-vous et sortez ! »
Julian n’était pas le seul à insister.
« Léon, » dit Jilk, « nous sommes tes subordonnés. N’est-ce pas un peu froid de ta part de rejeter notre aide ? »
« Il ne vous est jamais venu à l’esprit que si je n’ai pas demandé votre “assistance”, c’est parce que je ne veux pas que vous veniez ? Foutez le camp ! »
Brad écarta Jilk. « Mais c’est le moment de briller, n’est-ce pas ? Ma capacité à manipuler la magie me rend indispensable à cette mission. Pas besoin d’être timide. Promets-moi de m’emmener ! »
« Je n’ai pas besoin de toi ! Rentre chez toi et regarde-toi un peu pendant que tu y es ! »
« Allez, Léon, tu dois m’emmener. » Greg poussa Brad du coude pour l’écarter. « Ces gars sont des amateurs, mais j’ai beaucoup d’expérience dans ce genre de choses. Il faut que tu m’emmènes. Je ne te laisserai pas tomber ! »
« Rentrez chez vous, tête de mule. »
« Héhé, tu me complimentes, hein ? Ça veut dire que je suis un bon parti. »
« Désolé, je retire ce que j’ai dit. Rentre chez toi. »
Léon perdait peu à peu l’énergie de se battre.
Greg se pose devant Léon, essayant de montrer ses muscles, mais il reçu un coup de pied de Chris, qui était le prochain à plaider sa cause. « Léon, je te serai utile, je le jure. Nous avons séjourné ensemble dans la République d’Alzer, tu te souviens ? Nous sommes une équipe ! Nous partageons le même destin. Nous sommes des camarades qui se font confiance au péril de leur vie. S’il te plaît, permets-moi de te rejoindre dans cette aventure — . »
Dès qu’Anjie entendit ce mot, elle s’élança vers l’avant, écartant Chris. « Tu pars à l’aventure !? »
« Gweh !? » s’écria Chris en dégringolant.
Anjie n’avait pas les moyens de se préoccuper de ce qui lui arrivait.
Léon sursauta devant l’intensité de l’excitation d’Anjie. « Oui, oui. Tu vois, je pensais aller à la chasse au trésor, et j’allais profiter d’aujourd’hui pour préparer notre voyage. »
En observant leur environnement, Anjie remarqua la carte délicieusement détaillée qui avait été collée sur le tableau noir. Marie et ses garçons s’étaient probablement introduits pendant que Léon était en train de s’installer et ils s’étaient mis à faire du grabuge.
Anjie se rapprocha, écartant Marie et Julian de son chemin. « Et le fait que tu m’aies invitée signifie que tu as l’intention de me laisser participer, n’est-ce pas ? »
Leurs nez n’étaient qu’à un cheveu de se toucher. Leurs deux visages étaient devenus rouges, mais si la teinte de Léon provenait de l’embarras, celle d’Anjie n’était que pure impatience.
Léon s’éloigna pour prendre de la distance et s’éclaircit la gorge. « Bien sûr. J’avais l’intention de m’y attaquer avec toi. Je vais sortir l’Einhorn pour que nous puissions nous rendre sur l’île flottante où ce trésor est censé se trouver. » Il frappa du poing la carte derrière lui.
Anjie s’approche du tableau, le regard fixé sur la carte. « C’est terriblement détaillé. Même le papier est neuf. Est-ce que c’est vrai ? »
« Oui, il n’y a pas de doute là-dessus. Luxon a réussi à faire ça. » Léon adressa un coup de menton à son partenaire.
Anjie suivit son regard. Luxon bougea sa lentille rouge de haut en bas, comme s’il acquiesçait. « C’est exact. J’ai pris une vieille carte et j’ai amélioré son aspect général. »
« Tu es vraiment capable de tout. » Dûment impressionnée par ses compétences, Anjie reporta son attention sur la carte. « Quel est ce bâtiment ? Une vieille forteresse ? »
« Le donjon d’une vieille forteresse effondrée ! » s’empressa d’ajouter Marie. « Il y aura des pierres magiques et des tonnes de trésors. Si on débarrasse tout ça, nos jours d’indigents sans le sou seront révolus ! Je n’aurai plus à mendier des miettes à Grand Frère — euh, Léon ! »
Le discours enthousiaste de Marie semblait raviver l’intérêt de Julian et de ses amis.
« Cela signifie que Marie passera moins de temps avec Léon, » dit Julian. « Si nous trouvons ce trésor, nous sommes assurés de passer plus de temps avec elle. Je m’en voudrais de ne pas participer à une telle opportunité ! »
Marie et sa troupe parlaient comme s’ils étaient persuadés que le trésor leur appartient déjà. Cela exaspéra Anjie, mais elle les ignora, préférant presser Léon de lui donner plus de détails.
« Je suis partante », avait-elle déclaré. « Alors, quand est-ce qu’on fait ça ? Quand est-ce qu’on part ? »
Anjie était tellement concentrée sur la perspective de l’aventure qu’elle oublia complètement la gêne qui régnait entre eux et attrapa Léon par les bras. Elle l’attira dans ses bras et le serra contre elle.
Léon tressaillit. « Je t’ai fait venir ici pour que nous décidions d’une date, mais voilà que les autres ont débarqué sans y être invités. » Il jeta un coup d’œil à Jake et à son groupe.
Jake croisa les bras sur sa poitrine, sourit et déclara hardiment : « Je ne pourrais guère me considérer comme un homme de la noblesse Hohlfahrtienne si j’entendais la promesse d’une aventure aussi palpitante et si je refusais d’y prendre part. » Il jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. « Eri, tu m’accompagnes, n’est-ce pas ? »
Ah, c’est donc ça, se dit Anjie. Il veut montrer ses talents devant la fille qu’il aime. Quelle déception ! Son esprit d’aventure n’est tout simplement pas sincère. L’impression qu’elle avait du second prince s’effondra immédiatement.
Erin pressa ses mains l’une contre l’autre. « Si vous me faites l’honneur de participer, j’en serai ravie. »
« Heh heh, n’ayez crainte. Duc Bartfort, nous viendrons aussi. »
Jake parlait comme si sa participation était garantie, mais Léon lui jeta un regard froid. « Vous êtes des premières années. Vous ne servirez à rien là-bas. Vos fesses restent ici. »
« C’est bien cela. Rentrez chez vous ! » aboya Julian à Jake. Ses quatre copains se joignirent à lui pour le railler.
« Qu’est-ce que tu as dit ? Un raté déshérité n’a pas le droit de me dicter mes actions ! »
C’est alors qu’une guerre fraternelle sans merci éclata.
Léon soupira lourdement. « Julian, tu peux aussi rentrer à la maison de ton côté, tu sais. »
« Léon, ne sois pas si froid ! N’avons-nous pas établi que nous sommes amis ? »
« Arrête ! Ne t’accroche pas à ma jambe ! »
La salle de classe se mit à bruire une fois de plus, ne s’apaisant que lorsqu’Oscar ouvrit la bouche pour parler.
« Personnellement, j’aimerais avoir l’occasion de faire des économies pour mon avenir avec Mlle Jenna. Je t’en supplie, beau-frère, de me donner cette opportunité de te rejoindre ? »
Oscar avait posé la question de façon si naturelle, mais tout le monde connaissait les dessous plus complexes du triangle amoureux. Le souffle court, les regards se tournèrent vers Léon. Il s’agissait d’un problème de la famille Bartfort, et c’était donc à lui que revenait le droit de prendre la décision.
Oscar, apparemment inconscient de la nouvelle tension qui régnait dans l’atmosphère, plaida encore : « Je serai heureux de faire tout ce dont tu as besoin, même les corvées de base, mais s’il te plaît, je t’en supplie, donne-moi cette chance de devenir un homme digne de Mlle Jenna ! »
Léon fit la grimace, troublé par cette demande sincère. « Je pense déjà que tu es tout à fait digne d’elle. Au contraire, je me sens mal à l’aise de te voir comme son partenaire. Ne baisse pas la tête, s’il te plaît. Je comprends ton point de vue. Tu peux m’accompagner. »
« Vraiment !? Quelle bénédiction, Prince Jake ! Il semble que je puisse partir. »
Jake était devenu tout rouge en répondant : « Tu aurais dû supplier — pour que moi, ton maître — puisse partir ! »
« Quoi ? Pourquoi est-ce à moi de le faire ? » Oscar pencha la tête, réellement confus, comme s’il ne comprenait pas comment il pouvait être chargé d’une telle tâche.
Alors que le chaos régnait dans la classe, Livia se rapprocha d’Anjie. « Euh, Anjie ? »
Se rendant compte que Livia s’inquiétait pour elle, Anjie la serra dans ses bras. « Livia, une aventure ! Nous partons à l’aventure ! Pas celle que nous avons déjà vécue, je veux dire une vraie aventure. C’est peut-être même un donjon inexploré. » Ses yeux étaient carrément étincelants. « Tu vas y aller aussi, n’est-ce pas ? »
Le visage de Livia se déforma, mais elle acquiesça.
merci pour le chapitre