Chapitre 5 : Un souhait
Partie 7
Ils avaient été impitoyables envers Demetrio en son absence. Eh bien, ils l’auraient fait même s’il était là. Leur grand frère allait se retirer de la course. Les deux étaient d’accord là-dessus.
Keskinel s’était tourné vers eux. « Je suis soulagé de vous entendre dire cela. Maintenant, nous allons pouvoir régler les choses pacifiquement. »
« Hein ? Qu’est-ce que vous essayez de dire ? »
« Je suis venu ici aujourd’hui pour dire quelque chose à vos Altesses. » Keskinel avait pris une inspiration avant de continuer. « — Vos peuples se rebellent actuellement dans vos deux domaines. J’aimerais que vous vous dépêchiez tous les deux de revenir et d’y mettre un terme. »
« « Quoi… !? » » Toutes les personnes présentes avaient ouvert en grand les yeux en état de choc.
« Une rébellion ? Sur mon territoire !? »
« De quoi parlez-vous ? C’est ridicule ! »
« C’est la vérité. Il semble que les rapports arrivent, puisque vous avez recruté tant de personnes avec vous sur le champ de bataille. Et aussi…, »
alors que Keskinel s’apprêtait à poursuivre, ils avaient entendu des bruits de pas lourds à l’extérieur de la pièce. La porte s’était ouverte. Bardloche et Manfred avaient regardé les personnes devant eux.
« On dirait que tout le monde est là. »
« Vous ne pouvez même pas entrer sans faire une scène. »
« Hmph. Qui s’en soucie ? C’est juste mes stupides frères. »
« Bonté divine. J’aime voir que votre lien fraternel est fort. »
Le prince impérial d’Earthworld, Demetrio, reniflait d’un air hautain.
La seconde princesse impériale, Lowellmina, se tenait à côté de lui, exaspérée.
Et un pas derrière eux, le prince héritier de Natra, Wein, sourit ironiquement.
Les trois auteurs du désordre étaient entrés en scène.
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« Mais qu’est-ce qui se passe… !? »
Bardloche était visiblement agité. Ses gardes étaient dans le même état, et personne ne suivait la situation.
Cependant, une personne — Manfred — était différente. Dès qu’il avait vu Wein, son esprit avait fait le tri des possibilités.
Il y avait eu une rébellion sur le territoire de Demetrio. L’ingérence de Keskinel. Demetrio et l’acte de disparition de Wein. Et la révolte actuellement dans son propre domaine.
Cela ne pouvait signifier qu’une chose —
« … Vous n’avez pas arrêté la rébellion, Prince Wein, » déclara Manfred, la voix tremblante.
Il ne voulait pas le croire. Ce devait être une blague. Cependant, Manfred savait que c’était vrai.
« Et ce n’est pas tout. Vous avez répandu le combat sur le territoire de Demetrio — tout ça pour qu’il atteigne le nôtre ! »
« Qu-Quoi… !? »
Bardloche et Manfred avaient jeté un regard furieux à Wein, mais celui-ci avait pris la situation en main.
« Je n’ai aucune idée de ce dont vous parlez, » déclara Wein avec un sourire effronté. « Je ne suis là que pour regarder depuis les coulisses. N’est-ce pas, Prince Demetrio ? »
« Exactement. Les fausses accusations ne font que donner une mauvaise image de toi, Manfred, » ajouta Demetrio en affichant un sourire détendu. C’était la preuve dont Manfred avait besoin pour confirmer que son intuition était correcte.
— Qui savait que le poison ambulant pouvait être si mortel ?
Même si Demetrio savait tout, il ne pouvait s’empêcher de frissonner.
Une rébellion sur votre territoire, c’était comme s’immoler par le feu. N’importe qui éteindrait instinctivement les flammes.
… Tout le monde sauf Wein. Pour lui, éteindre ces flammes signifiait perdre. Quand il avait réalisé que le territoire de Demetrio était adjacent à celui de ses frères, il avait utilisé les quelques soldats restants du prince aîné pour inciter la rébellion dans son domaine afin de l’étendre aux autres territoires. Il ne voulait pas éteindre les flammes. Il voulait entraîner les deux princes dans sa chute.
« … Alors, laissez-moi deviner, » commença Bardloche entre ses dents. « Nous n’avons pas le temps de nous disputer pour savoir qui aura le trône, puisque le peuple se rebelle sur nos terres. Vous êtes en train de nous dire que ces batailles n’ont servi à rien et que nous devons plier bagage et rentrer chez nous… ! » Il avait l’air furieux.
Cependant, ce n’était pas la vérité.
« Vous avez tort. »
La réalité était bien pire que ce que Bardloche avait imaginé.
« Les seuls qui partent sont vous, mes stupides petits frères, » annonça Demetrio.
Hein ? Manfred et Bardloche le regardèrent, les sourcils froncés.
« Après tout, nous avons déjà réprimé la révolte sur mon territoire. »
« « Quoi… !? » » Les yeux des deux jeunes princes s’agrandirent, et ils regardèrent Keskinel, paniqués.
Il hocha lentement la tête. « Comme le dit le prince Demetrio, nous avons confirmé que l’agitation dans son domaine se calme. »
« C’est impossible ! » hurla Manfred. « Le soulèvement a pris assez d’ampleur pour déborder sur nos territoires, non !?? Même si la faction de Demetrio a essayé de rétablir l’ordre, il a perdu ses hommes et ses provisions lors de la dernière bataille ! Si seulement il avait eu la prévoyance de s’en occuper quand il en avait le temps ! Je veux dire, il n’avait pas de… personnes ou de ressources… à épargner… »
Il s’interrompt avant de relever la tête pour regarder Lowellmina qui souriait placidement à côté de Wein et Demetrio. À ce moment-là, il avait tout compris.
« Lowellmina, tu — ! »
« Ton instinct te dit que tu as raison, Manfred, » avait répondu Lowellmina en plaçant une main sur sa poitrine comme si elle souffrait. « Bien sûr, nous ne pouvons pas blâmer les citoyens qui ont été pris dans la rébellion. Et ceux qui l’ont déclenchée ne sont pas mauvais non plus. Vous savez, j’ai peur que ces luttes intestines fassent des victimes. Les patriotes ne voudraient-ils pas leur apporter le salut ? »
Lowellmina poursuivit : « Heureusement, Demetrio nous a accordé la liberté de mouvement dans son domaine et le droit de punir ceux qui ont participé à la rébellion. Pour le bien de nos citoyens impériaux, j’ai fait appel à mes patriotes pour rétablir l’ordre. »
C’est Wein qui avait proposé ce plan et qui avait contacté Lowellmina par l’intermédiaire de Falanya. C’est ainsi que Demetrio avait stabilisé son domaine et que Lowellmina avait renforcé sa réputation en tant que membre des patriotes.
Si Ninym avait été présente, elle aurait roulé des yeux sur Wein et Lowellmina.
Au début, Lowellmina avait pris Wein dans ses propres combines, le forçant à se ranger du côté de Demetrio. Mais Wein s’était vengé en retournant la situation contre elle et en faisant monter les enchères.
Ils étaient en train d’imaginer comment se surpasser l’un l’autre quand ils avaient réalisé que la faction de Demetrio pourrait perdre face au plan de Manfred. Ils avaient donc décidé d’unir leurs forces.
Cela n’avait rien à voir avec leurs propres sentiments, que ce soit la rage ou le ressentiment. Ils agissaient par intérêt personnel et uniquement par intérêt personnel.
« Eh bien, je suis sûr que vous comprenez maintenant. Aucun de vous ne restera pour vivre le baptême cérémoniel. Moi si, » avait déclaré Demetrio.
Même si Demetrio n’avait pas débarqué dans cette pièce, même si Keskinel ne les avait pas informés que l’ordre avait été rétabli sur le territoire du prince aîné, les deux autres princes auraient été dans une situation délicate. Aucun des deux ne pouvait quitter Nalthia s’ils voulaient empêcher l’autre de devenir empereur, mais leur territoire était toujours en train de s’embraser. Ils devaient continuer à se lancer des regards furieux, sentant que le feu sous leurs pieds montait le long de leurs corps.
« … Vous pensez que je vais rester les bras croisés et vous laisser faire !? » demanda Bardloche en tapant du poing sur le bureau. « Est-ce que vous vous entendez ? Vous tous ! Vous pensez que votre plan va décider du prochain Empereur !? Comme si ! Je ne suis pas d’accord ! » Bardloche a regardé son jeune frère. « Manfred ! Dis-moi que toi non plus tu ne vas pas supporter ça ! »
« … Bien sûr que non. Je ne suis pas du tout d’accord avec ça. »
Demetrio s’était moqué d’eux. « Si vous ne pouvez pas l’accepter, qu’allez-vous faire ? »
« … Si Manfred et moi unissons nos forces… vous savez à quel point nous vous dominerons. »
La main de Bardloche était allée chercher l’épée à son côté. Dès que tout le monde avait vu cela, ils s’étaient mis en position de combat. En tout temps, en tout lieu et en toute occasion, il était naturel de vaincre physiquement un ennemi lorsque la logique ne fonctionnait pas.
Wein avait pris la parole. « Je me demande qui va être blâmé. »
On aurait dit qu’il n’était même pas dans la même pièce qu’eux. Il avait l’air si calme.
Lowellmina lui fit plaisir. « De quoi parlez-vous, prince Wein ? »
« Je suppose que je me demandais lequel des deux princes sera responsable de la mort de vous, de moi, du prince Demetrio et du sieur Keskinel. »
Elle y réfléchit un instant avant d’esquisser un petit sourire. « Bardloche, bien sûr. »
« Est-ce si évident ? »
« Oui. Même s’ils se mettent d’accord ici, Manfred ne tardera pas à trouver un plan pour faire porter le chapeau à Bardloche. »
Bardloche et Manfred avaient gloussé.
Lowellmina poursuit : « Cela jouerait en faveur de Manfred. Bien qu’il ait feint la confiance, il n’a pas réussi à arrêter Bardloche sur le champ de bataille. Avec le temps, les forces de Bardloche vont se remettre du poison et retrouver leurs forces. S’ils se battent à nouveau, Manfred perdra certainement. »
« Vous dites donc qu’il ne laisserait pas passer l’occasion d’imposer à Bardloche le stigmate du meurtre du reste de la famille impériale, d’un prince d’une nation alliée et du Premier ministre ? »
« Précisément. » Lowellmina avait regardé Bardloche. « Mais n’est-ce pas naturel ? Je veux dire que Bardloche a essayé d’obtenir le baptême derrière le dos de Manfred. Le traître devient souvent le trahi. »
Bardloche se mordit la lèvre. En un instant, l’air de coopération entre les deux frères s’était dissipé.
Manfred avait plus craché que parlé. « … Tu as une sale personnalité. »
« Aïe. Ce n’est pas vrai du tout. N’est-ce pas, Prince Wein ? »
« Oh, sans commentaire. »
« Pardon ? » Lowellmina avait poussé le bras de Wein.
« … Pouvez-vous s’il vous plaît en finir ? » demanda lentement Keskinel. « Si vos altesses retournent dans vos domaines et rétablissent l’ordre, je ne ferai rien. En revanche, si vous restez ici et continuez à vous quereller, je vous jugerai inaptes à gouverner vos terres et j’utiliserai mon autorité pour les confisquer. »
Un silence pesant s’était abattu sur la pièce. Peu de temps après, Manfred avait pris la parole.
« … Bien, je vais rentrer chez moi. »
« Manfred !? » Bardloche était le plus surpris par cette évolution. « Es-tu sérieux ? Tu sais ce qui va se passer si tu bats en retraite maintenant, n’est-ce pas !? »
« Qu’est-ce que je suis censé faire ? Te regarder fixement ici pendant que ma terre brûle ? Je vais passer mon tour. Si cela arrive, je ne pourrai pas avoir d’autres chances. »
« Argh… mais… ! »
« Désolé. Il m’est difficile de changer d’avis une fois que je l’ai décidé. Si vous voulez bien m’excuser. » Manfred s’était levé de son siège. « Vous avez eu raison de moi cette fois-ci, mais ne croyez pas que cela se reproduira. »
Sur ces mots, Manfred quitta Wein et Lowellmina et sortit de la pièce avec ses gardes. Désormais seul, Bardloche était resté assis dans un silence angoissant pendant un certain temps.
« … Je vais me retirer aussi, » avait-il marmonné, la voix rauque.
merci pour le chapitre