Chapitre 4 : Deux champs de bataille
Partie 7
« Les armées se sont affrontées, et Natra a tourné les talons… ! »
Alors qu’ils écoutaient le rapport de l’officiel, le vainqueur — Tolcheila — déglutit. Son allié, Sirgis, avait gémi.
« Wôw ! Vos troupes ne me laissent jamais tomber ! Très forts ! »
Le perdant — Wein — semblait plus confiant que les autres et souriait.
« À ce rythme, Soljest va bientôt arriver sur la capitale. Oh non, Princesse Tolcheila, » dit-il. « Il semblerait que nous n’ayons plus le temps de parler. »
« A -Attendez… ! Veuillez me donner les détails de la retraite de vos troupes ! »
« Je suis terriblement désolé. Nous ne savons pas encore grand-chose… Mais vos troupes sont à leur poursuite. »
« Ngh... ! » Tolcheila avait serré ses dents.
Il était difficile d’obtenir des détails précis depuis les lignes de front. Il fallait du temps pour que les nouvelles arrivent, et ceux qui étaient sur le terrain voulaient rapporter le plus de bonnes nouvelles possible.
Nous ne nous sommes pas retirés définitivement du combat. Nous nous sommes juste repliés après une petite échauffourée. Mais je savais qu’ils le présenteraient de cette façon dans le rapport initial.
Tout se passait selon ses calculs, qu’il avait établis avant de se rendre à Delunio.
Wein avait tout pris en compte : le rythme de progression de leurs armées respectives, la date, l’heure et l’emplacement du champ de bataille prévu, sa distance par rapport à la capitale de Delunio, la vitesse des chevaux, leur itinéraire diplomatique. Rien ne lui avait échappé. Il avait même prévu que le rapport initial arriverait le jour même.
Je ne pensais pas que le timing serait si parfait !
Après tout, Sirgis avait été acculé dans un coin. Si Wein voulait l’interroger, c’était le moment de le faire.
« Sire Sirgis, je comprends vos sentiments, » dit Wein avec tristesse. « À ce rythme, Delunio sera ravagé par la rébellion et brisé par mes huit cent mille sujets. Le peuple restant de Delunio perdra son pays, sa culture et sa fierté, ne leur laissant d’autre choix que d’être des nomades. C’est un état cruel des événements. Je suis de tout cœur avec vous. »
« … Tais-toi, démon ! » Sirgis avait hurlé d’une manière à glacer le sang. « Tu crois que je vais accepter ça ? Ne penses-tu rien de tes propres sujets ? »
« Bien sûr, je leur fais confiance et je les estime. Je pense qu’ils suivront leur propre chemin, quelle que soit leur situation géographique. »
Hors contexte, il avait l’air d’un dirigeant bienveillant qui adorait son peuple. Cependant, il laissait entendre qu’il détruisait son propre pays parce qu’il faisait confiance à ses citoyens. Il jouait dans une tout autre dimension.
C’est impossible ! Le cœur de Sirgis avait fait un bond.
Il était fier de l’amour qu’il portait à son pays, à sa culture et à son peuple. Il pensait que toute personne impliquée dans la politique partageait ce sentiment. C’est pourquoi il ne pouvait pas s’imaginer trouver ce plan et l’exécuter.
Il n’y a aucune chance ! Tolcheila essaya de prier pour chasser son agitation.
Elle avait été formée aux affaires militaires. Elle savait qu’il n’était pas réaliste de faire passer un édit à huit cent mille personnes et de les guider toutes vers la sécurité dans une seule nation.
Cela aurait pu être possible s’il s’agissait de soldats entraînés. Cependant, il s’agissait de huit cent mille citoyens moyens. Les diriger serait un véritable cauchemar.
C’était hors de question. Il le fallait. Aucun doute.
« — Je vais le faire. »
Les deux individus avaient repris leur souffle. Le garçon assis devant eux dégageait une puissance redoutable.
Leurs cœurs avaient vacillé. Leur confiance avait diminué. Ils n’avaient pas d’autre choix que de penser qu’il pouvait y arriver.
Dites-le ! Dites que ça n’arrivera pas ! Je serai une sainte élite ! Je guiderai cette nation et son peuple !
Sirgis ouvrit et ferma la bouche, voulant parler, mais la seule chose qui sortait fut un gémissement maladroit.
Wein lui avait murmuré. « Au fait, j’ai un antidote. »
Le Premier ministre avait haleté.
« Ne le laissez pas profiter de vous, Sirgis ! La teinture empoisonnée est une invention ! Vous ne devez pas le laisser vous piéger avec un faux antidote ! » insista Tolcheila.
Sirgis était trop épuisé pour entendre ses paroles.
Un antidote. Il sauverait le peuple. C’était un rayon de lumière qui brillait au bout du tunnel. Comment pouvait-il résister ? Peu importait que le rayon de lumière vienne de la lampe de l’ennemi dans un tunnel qu’il avait lui-même conçu.
« … Que puis-je faire pour l’obtenir ? »
« Sire Sirgis ! » cria Tolcheila.
Wein était resté imperturbable. « Bien qu’il puisse sembler que mes hommes se soient retirés, ils se sont déjà regroupés. J’imagine qu’ils sont en train de combattre en ce moment même. »
Le prince savait que son armée était terrée dans la forteresse, mais cela donnait l’impression que Sirgis avait un délai de grâce.
« Je veux que votre armée lance une attaque par-derrière. Si Natra et Delunio les prennent en tenaille, Soljest n’aura aucune chance. »
Tolcheila prit la parole. « Attendez ! Cela irait à l’encontre de notre alliance ! Aucune autre nation ne ferait confiance à Delunio après ça ! »
« C’est… » Sirgis semblait incertain.
Il n’avait pas été facile de prendre la décision d’aller à l’encontre d’une promesse internationale — contre Gruyère, qui plus est. Pour Sirgis, le roi était un symbole de peur. Il ne voulait pas lui tourner le dos.
« Mais pensez à votre nation, » déclara Wein, l’interrompant dans ses pensées. « Vous n’avez que deux options : regarder Soljest détruire Natra et voir Delunio s’effondrer sous le poids de mes sujets, ou abattre Gruyère ensemble et former une alliance avec Natra. »
Il était temps de poser la dernière question.
« Alors, qu’allez-vous faire ? »
Le silence avait envahi la pièce. Tolcheila avait serré les dents. Zenovia tremblait d’anxiété. Sirgis se renfrogna.
Quelques instants s’étaient écoulés avant que le Premier ministre ne prenne la parole.
+++
Plusieurs jours s’étaient écoulés depuis que les deux armées avaient commencé à passer à l’étape suivante de leur bataille.
Pour faire simple, les hommes de Natra étaient au bord de l’effondrement.
« Général Hagal ! L’ennemi a franchi la deuxième ligne de défense ! »
« Envoyez l’unité de Finn. Déplacez les unités d’Izali et de Lauro pour combler les vides. »
« L’unité d’Elnan sur le flanc gauche demande des renforts ! Les attaques ennemies ne montrent aucun signe de ralentissement ! »
« Et nos pièges ? »
« Nous les avons déjà épuisés… ! »
« Roland, dirigez une unité de secours de 100 hommes. J’aurai d’autres instructions pour vous après ça. »
« Compris ! »
Hagal avait gémi en donnant des ordres depuis la partie la plus intérieure de la forteresse.
Même si nous sommes confrontés à des inconvénients majeurs, je ne pensais pas que nous serions acculés… surtout que nous avons cette structure simple, mais solide.
Il s’attendait à ce que leur armée soit compétente, mais pas à ce point. La bataille avait semblé mettre en évidence leurs capacités. Leur synchronisation parfaite semblait même capable de percer l’océan.
Ils ont déjà franchi notre première ligne de défense. Nous ne pouvons pas espérer la récupérer de façon réaliste.
En regardant en bas, il pouvait voir les soldats ennemis qui essayaient de se précipiter vers la forteresse de montagne, alors que ses soldats tentaient désespérément de les retenir.
Ce n’était qu’une question de temps avant qu’ils ne tombent. La vérité, c’est qu’Hagal le savait aussi. Ils devaient trouver quelque chose rapidement.
Je savais que ça arriverait avant même que le combat ne commence. Le général Hagal n’était pas contrarié.
Mon devoir est de gagner du temps et de surveiller Gruyère… pendant que nos unités se battent bien.
Ses yeux se tournèrent vers les flancs de l’armée ennemie alignés au pied de la montagne.
Là, il avait vu deux unités de cavalerie portant des armures de Natra.
+
« Merde ! Je n’aurais jamais dû accepter ça… ! » cracha Borgen.
Il avait laissé derrière lui la forteresse et Hagal, sprintant dans les plaines à la tête de sa cavalerie. Leur but était d’interférer avec Soljest.
« Regardez leur nombre. Ils peuvent pénétrer à travers notre formation. Nous serons débordés si nous nous cantonnons à la défense. Raklum, Borgen, dirigez une unité de raid contre l’ennemi pour obtenir ses données vitales, » avait ordonné Hagal à la fin du premier jour.
Raklum et Borgen avaient hoché la tête en silence. Il était douloureusement évident que c’était la vérité. Soljest était juste très fort.
« Capitaine ! Il y a un trou dans la formation ennemie ! »
« Je le sais ! Tout le monde, suivez-moi ! »
La défense de l’ennemi n’était pas aussi serrée que ses stratégies offensives, qui nécessitaient une concentration intense.
Avec leurs unités de cavalerie, Raklum et Borgen devaient sans cesse chercher des brèches dans la formation ennemie. Ils se précipitaient à chaque occasion, créant une perturbation avant de se replier. Cela avait détourné l’attention de Soljest de l’action offensive.
Bien que facile à expliquer, l’exécution était presque impossible.
Le général Hagal a perdu la tête !
Pour être rapide, chaque unité comptait cinq cents hommes. Ce n’était pas suffisant pour écraser leur armée de quinze mille hommes, bien sûr. Au contraire. Si l’ennemi redirigeait son attention sur eux, Raklum et Borgen seraient anéantis.
Cependant, Soljest ne voulait pas faire ça. Ils voulaient renverser la forteresse et garder leur énergie concentrée sur l’armée dans ses confins. Ils avaient fait le strict minimum pour garder les deux unités à distance. Ils n’avaient pas fait l’effort de les poursuivre, se concentrant sur le château dès que la cavalerie s’était échappée hors de portée.
Les deux unités avaient continué à bourdonner autour de l’armée, comme des parasites pour les distraire. Cependant, s’ils franchissaient une ligne, Soljest les abattrait pronto.
En d’autres termes, il était du devoir de la cavalerie de risquer sa vie — en irritant suffisamment Soljest pour le distraire, sans pour autant invoquer la colère de quinze mille hommes.
Ils calculaient où porter leurs coups et quand battre en retraite, en assénant des coups d’épées et de flèches à leur ennemi. En plus de lire dans l’esprit de l’ennemi et de faire le point sur leurs propres hommes et chevaux, ils avaient l’impression que leur cerveau allait exploser à force d’être surutilisé. Et s’ils échouaient, c’était la mort instantanée. C’était un bonus amusant, non ?
S’ils le pouvaient, ils abandonneraient leur poste en un clin d’œil.
On va perdre si on abandonne maintenant. Mais nous nous dirigeons juste vers une lente défaite. C’est presque drôle.
Borgen avait balayé de son regard le champ de bataille.
Nous sommes censés gagner du temps, mais nous pourrions ne pas être en mesure d’y parvenir. Nous devons trouver un moyen d’inverser le cours des choses ou…
Il avait senti de l’activité dans l’armée ennemie.
merci pour le chapitre