Le manuel du prince génial pour sortir une nation de l’endettement – Tome 11 – Épilogue – Partie 2

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Épilogue

Partie 2

« Grah, ma tête me fait mal…, » gémit Wein en s’effondrant sur un canapé. C’était peu de temps après la guerre de succession, et il se trouvait encore à Nalthia.

« Tu as manifestement trop bu », le réprimanda Ninym.

« Ce n’est pas ma faute », protesta-t-il faiblement. « J’ai une file interminable de bienfaiteurs. »

En effet, des membres de la haute société de tous les coins de l’Empire avaient tous décidé de rendre visite à Wein. Il va sans dire que ce n’était pas seulement parce qu’il était le prince d’une nation alliée, mais aussi parce qu’il était une connaissance proche de la princesse impériale, qui était sortie victorieuse de la bataille. Malheureusement, Wein ne pouvait pas snober des personnes aussi distinguées. Ainsi, sa consommation d’alcool augmentait au cours de ces rencontres, ce qui entraînait des maux de tête constants.

« J’apprécie l’enthousiasme de la noblesse… mais si je suis aussi occupé, Lowa doit perdre la tête. »

« Je suis sûre qu’elle dit “je vais mourir” toutes les trois secondes. »

Wein faisait également de la politique, il pouvait donc imaginer à quel point Lowellmina se sentait débordée.

« Où en est le nettoyage de l’après-guerre ? »

« Tout semble bien se passer jusqu’à présent. Le prince Bardloche et le prince Manfred ont été emmenés vivants, et la résistance a été minime. Cependant, les factions des deux princes doivent être dissoutes et absorbées sous le règne de Lowellmina, et les préparatifs de son couronnement sont toujours en cours. Il faudra peut-être du temps pour qu’elle assume son autorité. »

Seul le soldat moyen pouvait rentrer chez lui après une défaite. Pour tout dirigeant, la fin de la guerre n’était qu’un début.

« Eh bien, c’est l’affaire de Lowa. Restons-en à l’aide à distance. »

« Oui, nous avons notre propre liste de choses à faire », acquiesça Ninym.

Un coup frappé à la porte incita Wein à se redresser. Un fonctionnaire entra peu de temps après.

« Votre Altesse, un invité est arrivé. »

« Fais-le entrer. »

L’homme fit un signe de tête obéissant et fit entrer l’invité à l’intérieur.

« C’est un plaisir de vous rencontrer. Je suis le prince héritier de Natra, Wein Salema Arbalest », Wein le salua. « Merci d’être venu, Sire Ernesto. »

Ernesto, le chef de la Levetia orientale, avait souri d’un air égal.

 

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Une fois qu’il fut évident que le début de la rencontre entre Wein et Ernesto s’était bien déroulé, Ninym prit silencieusement congé pour se préparer à accueillir le chef religieux. Cette tâche aurait pu être accomplie sans l’aide de Ninym s’ils étaient retournés à Natra. Malheureusement, il s’agissait de l’Empire. La délégation actuelle de Natra n’avait que très peu de personnel disponible, Ninym devait prendre les choses en main sur plusieurs fronts.

« Comment est la saveur, Lady Ninym ? »

« … Un peu riche. Les disciples de la Levetia orientale ont des palais simples, alors moins, c’est mieux. »

« L’ameublement de la chambre est impérial. Est-ce que cela vous convient ? »

« Oui, mais utilisez l’argenterie que nous avons apportée de Natra. »

« Le capitaine Raklum souhaite confirmer nos mesures défensives. »

« J’arrive tout de suite. Veuillez dire à un représentant des gardes de Sa Grâce qu’ils ont également la permission d’assister à la réunion. »

Tandis que Ninym continuait à donner des ordres avec une efficacité éprouvée…

« Dame Ninym, je viens de rentrer de Natra. »

Ninym s’arrêta un instant pour recevoir le rapport du messager. « Bon travail. Comment se présente la situation à Natra ? Est-ce que quelque chose a changé ? »

Falanya et ses vassaux surveillaient leur pays natal, mais il était difficile de prédire ce qui pouvait se passer en ces temps agités. Les habitants de Natra étaient sûrement inquiets de voir Wein et les autres se mêler des affaires de l’Empire. C’est pourquoi un messager voyageait périodiquement entre Natra et la délégation pour rendre compte secrètement de l’état des choses.

« Non. Les vassaux, dirigés par la princesse Falanya, se sont réunis pour diriger le gouvernement de manière efficace. »

« Je suis contente de l’entendre », répondit Ninym, même si intérieurement, elle était en proie à des conflits.

Natra se débrouillait bien sans Wein, c’était une bonne nouvelle pour n’importe quel citoyen ordinaire, mais les vassaux du prince étaient sûrement inquiets qu’une telle évolution puisse mettre à mal leur maître. La probabilité qu’ils profitent de cette occasion pour garder Wein loin de chez eux était tout aussi alarmante.

« Autre chose à signaler ? »

« Non, rien de particulier. Tout va bien », répondit le subordonné.

Ninym hocha la tête avec soulagement. En tout cas, Natra était en sécurité. C’était tout ce qui comptait. Elle pouvait se concentrer sur l’hospitalité de la Levetia orientale.

Au moment où cette pensée lui traversa l’esprit, le messager poursuit d’un air penaud : « … Cependant, il y a un autre sujet de préoccupation. »

Ninym fronça les sourcils. « Rien n’est trop insignifiant. Parle. » Le pressentiment s’installa dans les tripes de la fille flahm. Quoi qu’il en soit, elle ne pouvait pas détourner le regard.

« C’est difficile à dire pour moi…, » admit le messager d’un air penaud. « On a signalé une sorte d’activité chez les Flahms. »

« Quoi ? »

L’expression de Ninym s’était instantanément assombrie.

 

+++

« Le prince Bardloche a donc échoué. »

« Oui… Pardonnez-moi, Lady Caldmellia. »

Dans l’ancienne capitale de Lushan, Ibis était agenouillée dans une pièce de l’Agence du Saint Roi, au sein du siège de Levetia. Caldmellia, la directrice du Bureau des Évangiles de Levetia et le maître d’Ibis, était assise devant elle.

« J’avais supposé que ses tractations évidentes avec l’Occident sèmeraient davantage de chaos sur le continent une fois qu’il serait devenu empereur. Quel dommage ! »

« J’ai approvisionné sa faction, mais en vain. Je vous présente mes plus sincères excuses », déclara Ibis en s’inclinant humblement.

En réalité, Caldmellia n’était pas très contrariée par les résultats. Pour elle, l’accord avec Bardloche n’était rien de plus qu’un bonus.

« Ne t’inquiète pas, Ibis. L’affaire du prince Bardloche est malheureuse, mais nous sommes toujours en passe de remplir notre mission première. N’est-ce pas, Owl ? »

Caldmellia se tourna vers le manchot qui se trouvait à côté d’Ibis. Il s’appelait Owl et, comme Ibis, il était au service de la directrice.

« Oui. J’ai pris contact avec les Flahms à Natra et j’ai réussi à diffuser l’information selon vos instructions. »

« Merveilleux », dit-elle en hochant la tête d’un air satisfait. « Cela valait bien la peine de soutenir le prince Bardloche et de prolonger le désordre à l’Est. Pour déjouer le prince Wein, nous devions l’occuper à l’étranger. »

« Cela veut-il dire que tout se passe comme prévu, Lady Caldmellia ? »

« Oui. Donnons tout ce que nous avons, observons la situation de toujours plus près et semons le chaos. »

Caldmellia sourit. « Un homme qui se noie s’agrippe à n’importe quoi, même à un morceau de paille. Mais supposons que cette paille ait un esprit propre. Est-ce qu’elle repousserait la main ? Se noieraient-ils ensemble ? J’ai bien hâte d’en arriver là. »

 

+++

Plusieurs hommes s’étaient réunis en secret dans la capitale du royaume de Natra, Codebell. Chacun d’entre eux avait des cheveux blancs et des yeux rouges. Ils s’appelaient des Flahms.

« Tu as entendu ? A propos de tu-sais-quoi », demanda l’un d’eux d’un air méfiant.

« C’est le cas. Est-ce que c’est vrai ? »

La zone était déserte, mais tout le monde n’arrêtait pas de jeter des coups d’œil autour d’eux. Ils savaient que cette discussion ne pouvait pas être rendue publique.

« J’ai entendu dire qu’il y avait des preuves formelles, mais… »

« Personne ne l’a vraiment confirmé. »

« Peut-être qu’un des anciens saura ? »

Les rumeurs qui circulaient parmi les Flahms de Natra semblaient sans fondement au début, mais il ne fallut pas longtemps pour qu’un contour distinct se dessine.

« Mais si, juste peut-être… est-ce en quelque sorte vrai… ? »

« Il ne fait aucun doute que ce sera une immense opportunité et une bénédiction pour notre peuple. »

« Dans ce cas, nous devrons en apprendre davantage. »

La passion coloriait les voix des hommes.

« L’assistante du prince héritier, Ninym Ralei… »

« Si elle est vraiment une descendante directe du fondateur… »

« Le royaume de Flahm pourrait se relever une fois de plus… »

Les on-dit nés d’un fantôme d’espoir allaient bientôt se transformer en vérité et se répandre comme une maladie parmi les Flahms.

 

+++

« … »

Après avoir entendu le rapport du messager, Ninym termina ses préparatifs pour recevoir Ernesto et sombra dans la contemplation.

Il y avait une activité inquiétante parmi les Flahms de Natra.

La nouvelle ébranla instantanément le cœur de Ninym, et le manque d’informations ne fit qu’accroître son malaise.

Natra était une nation diversifiée, mais l’histoire avait appris aux Flahms à rester entre eux. L’homme qui avait fait son rapport à Ninym n’était pas un Flahm, il ne pouvait donc pas recueillir plus de détails.

Maître Levan est le chef des Flahms de Natra, donc tout devrait bien se passer. Pourtant…

Ninym n’était qu’une humaine et n’avait aucune idée de ce qui se passait dans la lointaine Natra. Et en tant qu’assistante de Wein, elle ne pouvait pas simplement abandonner ses fonctions et rentrer précipitamment chez elle.

J’espère que la situation ne va pas au-delà de l’activisme politique…

Ninym ne pensait pas que se battre pour ses droits était une mauvaise chose, mais d’autres protesteraient et deviendraient de plus en plus hostiles si les Flahms allaient trop loin. Elle voulait faire comprendre cela à son peuple, mais bien sûr…

Je suis une Flahm et notre prochain chef… mais surtout, je suis l’assistante de Wein.

Ses priorités étaient avant tout le bien-être de Wein et de Natra. Si les Flahms se révoltaient, une punition sévère serait nécessaire pour espérer préserver la position future de leur peuple. D’ailleurs, cela ne servait à rien de faire que les Flahms soient contre Wein ou Natra.

 

++

« N’as-tu jamais pensé à défier Wein ? »

Ninym s’était souvenue des paroles d’un ami.

« … »

Il avait prétendu que l’époque actuelle présentait un avantage dans une confrontation avec Wein.

Je vois, pensa Ninym. Si ces amis gênants avaient été à sa place, ils auraient saisi cette occasion parfaite.

« Tout cela est ridicule. »

Ninym se moqua d’elle-même. Contrairement à eux, elle n’avait jamais eu envie de se battre contre Wein ou de devenir son ennemie. Elle était sa servante, et lui son prince. C’était ainsi que les choses avaient toujours été et seraient toujours. Cela lui suffisait.

« Je ferais mieux d’aller voir Wein. »

Ninym retourna à ses tâches, bannissant ces notions idiotes de son esprit. Pendant tout ce temps, elle ignorait superbement ce qui se préparait…

 

+++

C’était une scène d’un passé oublié depuis longtemps. Juste une conversation idiote entre un jeune garçon et une jeune fille.

« Wôw, nous assistons en fait à la cérémonie d’entrée à l’académie. »

« Ne te fais pas trop remarquer, d’accord ? Après tout, tu es un prince étranger », prévint la jeune fille en ajustant la cravate du garçon.

« J’ai beau essayer, il est impossible de cacher mon aura irrésistible. »

« Oui, oui, je sais. »

 

 

Après avoir légèrement ajusté l’angle de la cravate, la jeune fille se recula lentement pour une dernière vérification. Elle hocha la tête en signe de satisfaction.

« Oui, cela devrait suffire. Il est encore difficile de croire que nous avons été envoyés à l’étranger pour étudier dans l’Empire. »

« À ce rythme, l’Empire dominera l’ère moderne. Nous devons surveiller l’ennemi. »

« N’est-ce pas notre allié ? »

« Cela ne veut pas dire que nous serons amis pour toujours. Il y a toujours la possibilité qu’il nous coupe les vivres, ou que nous lui donnions un coup de pied. »

« Tu penses vraiment que Natra pourrait intimider l’Empire ? »

Si l’on considère la différence de force, Natra préférerait se casser la jambe en essayant.

« De toute façon, l’académie militaire de l’Empire fait parler d’elle, alors pourquoi ne pas profiter de la balade ? J’espère que nous rencontrerons des individus intéressants. »

« Des “individus intéressants” ? Veux-tu être ami avec des gens comme ça ? »

« Ou des ennemis. »

« … Tu es vraiment trop combatif. »

« Pas du tout. Je dis juste que tous ceux qui veulent être proches de moi sont bien plus fascinants que ceux qui jouent les gentils. »

La jeune fille devait se poser des questions à ce sujet. La vision excentrique du monde du garçon était exaspérante, mais elle se surprenait à s’y complaire et à poser une question.

« Alors, qui suis-je ? »

« … »

Elle posa la question par pure curiosité, mais l’expression du garçon devint soudainement sérieuse. Après une brève pause, il répondit d’un ton incroyablement grave.

« Tu me demandes ça parce que j’ai secrètement mangé ton goûter hier ? »

« Pas du tout, mais continue s’il te plaît. »

« Uh-oh. Il faut vraiment que j’arrête de mettre mon pied dans ma bouche. »

La fille tira sur le col du garçon qui tentait de s’échapper, et elle l’engueula. Sa question était restée sans réponse, mais elle ne s’en était rendu compte que bien plus tard.

Ce n’est pas comme si je me retournais contre lui de toute façon.

Pourtant, elle ne put s’empêcher d’imaginer.

Et si, par le plus grand des hasards, ils devenaient ennemis ? Si cela devait arriver, le moins qu’elle puisse faire pour lui rendre la pareille serait de devenir une adversaire passionnante. La jeune fille ne pensait pas qu’une telle chose arriverait un jour.

 

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C’est ainsi que s’achève la longue guerre entre les serpents de l’Est. Cependant, l’époque que l’on surnommera plus tard la « Grande Guerre des rois » a encore de beaux jours devant elle. Ce n’est qu’une page qui se tourne.

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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