Le Maître de Ragnarok et la Bénédiction d’Einherjar – Tome 5 – Acte 4 – Partie 2

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Acte 4 : Le beuglement en vain

Partie 2

« Ah, j’ai l’impression que ça fait longtemps que je n’ai pas fait ce genre de travail, » déclara Yuuto, avec un regard nostalgique dans les yeux, et enfonça sa pelle dans l’énorme tas de pierres noires. Il souleva ensuite une pelletée et la plaça dans le fourneau de briques en flammes.

Bien que la procédure différait légèrement, il avait passé d’innombrables heures à faire ce genre de travail afin d’affiner le fer, à l’époque avant de devenir le patriarche.

La saison hivernale y était peut-être pour quelque chose, mais l’air chaud qui soufflait contre lui était réconfortant.

D’ailleurs, le bâtiment qu’ils utilisaient actuellement, le troisième atelier officiel d’Ingrid, avait été construit comme un pavillon carré, avec quatre grands piliers soutenant le toit et de minces murs en bois faits de panneaux de bois coulissants. Les murs de panneaux de bois pouvaient être ouverts ou même entièrement enlevés, et à l’heure actuelle, deux des côtés avaient été enlevés, de sorte qu’il y avait une ventilation d’air adéquate pour faire fonctionner la fournaise.

Bien sûr, le terrain de l’atelier était entouré des hauts murs défensifs susmentionnés, de sorte que le site n’avait pas non plus vraiment un grand débit d’air. C’était très bien pendant l’hiver, mais apparemment un vrai cauchemar en été.

Vite, vite, vite, vite !

À côté de Yuuto, Ingrid surveillait de près la force et la couleur de la flamme dans un second four, pompant régulièrement le soufflet avec son pied.

En silence total.

Avec une force étrangement excessive.

Comme si elle piétinait le visage de son pire ennemi.

Yuuto ajoutait du combustible au four qui serait utilisé pour traiter le verre, tandis qu’Ingrid surveillait le four de fusion du verre — le creuset.

Jusqu’à il y a quelques instants, un jeune apprenti artisan travaillait au four de fusion et Ingrid avait pris la relève.

Pour créer un verre de bonne qualité, il fallait le faire fondre complètement pendant un long laps de temps, à une température constante de 1400 degrés Celsius. C’est pour cette raison que ce four était constamment occupé par les artisans de l’atelier, par équipes, et apparemment il n’avait été autorisé à refroidir qu’une seule fois au cours du dernier semestre de l’année.

« Argh, je déteste le dire, mais je me suis affaibli, » dit Yuuto, faisant de son mieux pour entamer une conversation décontractée. « Je suppose que c’est vraiment mauvais pour ta force si tu ne bouges pas ton corps de temps en temps. »

En réalité, c’était vrai, il sentait déjà ses muscles se mettre à crier. Il allait certainement avoir des douleurs musculaires demain.

Si Ingrid était avec sa personnalité habituelle, elle répondrait probablement par quelque chose du genre. « Oui, évidemment. Tu t’attendais à quoi ? Tu es toujours collé à ton foutu bureau. Fais de l’exercice de temps en temps. Tu vas finir par tomber malade si tu ne le fais pas. »

C’était son style, avec un ton dur et arrogant, mais avec des pensées prévenantes derrière les mots qu’elle lui donnait.

Mais pour l’instant, Ingrid ne répondait pas. Toujours de mauvaise humeur, elle n’arrêtait pas de taper du pied sur le soufflet. Elle n’avait pas dit un mot.

« Haahh…, » essuyant la sueur de son front, Yuuto poussa un long soupir de découragement.

C’était comme ça depuis le moment où ils étaient entrés dans l’atelier.

Le jeune apprenti qui était de garde jusqu’à il y a quelques instants avait aussi passé la nuit devant le four de verrerie, et ils l’avaient renvoyé chez lui, ne voulant pas l’épuiser davantage. Mais à cause de cela, l’atmosphère était devenue assez inconfortable.

Presque certainement, la conversation qu’ils avaient eue dans le couloir tout à l’heure en était la cause. Cependant, Yuuto n’avait pas compris pourquoi Ingrid lui en voulait.

Il pensait qu’il était juste et naturel de vouloir redonner quelque chose à ceux qui avaient tant fait pour lui, et Ingrid elle-même était le genre de personne qui aurait dû comprendre et respecter ce sentiment d’obligation morale.

Pour Yuuto, cette situation l’avait laissé perplexe.

Et alors que c’était arrivé, ce qui empirait le tout, c’était le fait même qu’il ne comprenait pas que c’était la chose la plus exaspérante pour Ingrid, et il ne pouvait donc pas faire grand-chose à ce sujet.

Cela dit, il savait que ce n’était pas non plus un environnement dans lequel essayer de créer quelque chose serait agréable et facile.

Faire quelque chose à la main était un acte dans lequel l’état mental de l’artisan était souvent visible dans le produit final. Yuuto ne voulait pas offrir aux deux filles des cadeaux qui avaient été créés dans cette atmosphère inconfortable et déprimante.

« Hé, Ingrid. » Yuuto avait pris sa décision, et l’avait appelée sérieusement.

« Quoi ? » Ingrid lui donna une réponse laconique. Il semblait qu’elle n’était pas déterminée à aller jusqu’à l’ignorer même s’il l’appelait par son prénom.

Elle descendit un instant du soufflet et prit une pelle à la place.

« Écoute, je sais que j’ai fait des choses qui t’ont contrariée, et c’était mal de ma part. Mais s’il te plaît, arrête d’agir comme ça, » déclara Yuuto.

Ce n’est pas approprié venant de toi, c’est la phrase suivante qui lui était venue à l’esprit, mais il avait tenu sa langue.

Il y a deux ans, il l’aurait sans doute dit. En ce sens, Yuuto avait mûri au moins quelque peu.

En particulier, c’était une bonne chose parce que la pelle dans les mains d’Ingrid était une arme potentiellement dangereuse.

« Alors, dis-moi comment je suis censée agir, puisque tu es si éloquent avec tes mots, » s’écria Ingrid, enfonçant la pointe de la pelle dans le tas de pierres noires avec un shiik fort ! qui semblait parfaitement représenter ses sentiments actuels. C’était violent et un peu effrayant.

Cependant, la question de savoir si leur verrerie s’avérerait bien ou non dépendante des sentiments d’Ingrid. Yuuto ne pouvait pas se permettre de reculer ici.

« Écoute, je suis vraiment désolé. Alors, s’il te plaît, » déclara Yuuto.

« Hmph ! » Ingrid tourna la tête dans l’autre sens.

Sans se décourager, Yuuto courut de l’autre côté et mit les deux mains ensemble dans un geste d’humilité.

« Allez, je t’en supplie. Ce genre d’humeur est horrible pour nous deux, non ? D’autant plus qu’il n’y a que nous deux en ce moment, » déclara Yuuto.

« Quoi !? » Soudain, le visage d’Ingrid était devenu complètement rouge.

Yuuto avait tressailli, pensant, Merde, est-ce que j’ai dit quelque chose de stupide encore une fois et l’ai rendue encore plus en colère !?

« Eh bien, ouais, c’est vrai. Avec nous deux seuls ensemble, c’est dur si l’humeur est mauvaise. » Ingrid lâcha la pelle et plaça ses doigts l’un contre l’autre, se remuant maladroitement en regardant en bas.

Aha. Alors c’est tout, pensa Yuuto. Elle voulait se réconcilier et passer à autre chose depuis le début. Mais elle a manqué le bon moment pour le faire et n’a pas pu se résoudre à en parler par la suite. C’est toujours une fille si timide.

Intérieurement, Yuuto souriait de la maladresse charmante d’Ingrid, bien qu’en réalité, il soit complètement à côté de la plaque.

La tête toujours tournée vers le bas, Ingrid avait commencé à marmonner trop doucement pour que Yuuto l’entende, se parlant apparemment à elle-même. « Oui, c’est vrai, je me suis donné la peine de choisir des vacances dès le départ pour que mes apprentis soient dehors et que nous puissions être seuls ensemble. »

C’était un peu effrayant à regarder.

Pourtant, Yuuto savait que ce genre d’excentricité était assez courant chez les artistes et les créateurs.

En fait, le père de Yuuto avait été comme ça. Soudain, une nouvelle idée lui tombait dessus comme une révélation, et il était complètement absorbé par cela et rien d’autre. Dans des moments comme celui-ci, il était préférable pour les deux parties de ne pas essayer d’inciter la personne à parler, mais de la laisser faire.

Yuuto regarda patiemment Ingrid qui continuait à marmonner pour elle-même, acquiesçant de temps en temps.

« Lui et moi sommes tous les deux des gens occupés, » murmura-t-elle, trop silencieusement pour qu’il l’entende. « On ne pouvait pas souvent avoir une telle chance, même si on essayait. Je ne peux pas laisser passer plus de temps. Cet idiot continue de me traiter comme un mec, donc d’abord, il faut qu’il me reconnaisse et me voie comme une femme ! »

Ingrid frappa soudain son poing dans la paume de son autre main. Il semblerait qu’elle ait fini de travailler sur ses pensées et qu’elle soit retournée dans le monde réel.

« Et, tu sais quoi ? » dit-elle à haute voix à Yuuto. « Je t’entends dire “juste nous deux” comme ça, c’est un peu embarrassant ! »

Ingrid avait éventé son visage avec ses mains en disant ceci. Mais quelque chose à ce sujet ainsi que son ton semblait un peu contre nature et forcé. Surtout la façon dont elle avait mis l’accent sur les mots « juste nous deux ».

En revanche, la réponse de Yuuto avait été totalement nonchalante. « Vraiment ? En fait, je suis plutôt content qu’on soit seuls tous les deux. »

« Whaaaah !? » Le visage déjà rouge d’Ingrid avait rougi d’une teinte encore plus vive. « Qu’est-ce que tu viens de dire… ? » Elle demanda d’une voix balbutiante.

Elle se comportait bizarrement, une main agrippée à sa poitrine comme si elle avait du mal à respirer. Mais ses yeux étaient fixés sur Yuuto d’un regard passionné qui semblait vouloir lui arracher la réponse.

Quelque chose à propos de son état anormal avait fait un peu reculer Yuuto, mais il lui avait quand même répondu. « Je veux dire, je ne peux pas me permettre de montrer à quel point je suis mauvais dans ce domaine devant tes apprentis, non ? Je suis le patriarche. »

« … C’est vrai, c’est vrai. Bien sûr que c’est ce que c’est. Je m’en doutais, » déclara Ingrid.

« Oh ! Ça et il y a aussi autre chose, tu sais. Je ne peux vraiment pas me permettre de les laisser te voir m’engueuler comme un novice boiteux, » déclara Yuuto.

« Hmph, ça doit être dur pour le grand Seigneur Patriarche, d’avoir toujours à penser à maintenir son image. » Avec ce peu de sarcasme, Ingrid s’était encore une fois détournée de Yuuto.

Elle prit à nouveau la pelle et commença à soulever une pelle pleine de roches noires vers le four à verre.

Visiblement bouleversée, elle recommença à murmurer inaudiblement à elle-même, le dos tourné vers Yuuto. « Argh, j’étais toute nerveuse et excitée pour rien. Il est toujours comme ça, je le savais. Il ne pense vraiment rien de moi. »

Cependant, Yuuto lui parla à nouveau, avec sa manière discrète et désinvolte typique. « Mais en y repensant, maintenant que je suis le patriarche, tu es la seule qui soit encore prête à être stricte et à me crier dessus. Juste toi. Merci, Ingrid. »

« Qu-Quoi !? Qu’est-ce que tu… !? » hurlant en raison de la surprise, Ingrid tourbillonnait autour de lui pour lui faire face. Parce qu’elle avait perdu espoir une fois, elle avait été complètement prise au dépourvu.

Leurs yeux s’étaient rencontrés.

À cet instant, le visage d’Ingrid était un mélange de surprise ainsi qu’un regard admirablement doux d’attente, et de nostalgie. Il serait approprié de dire que c’était comme une fleur en pleine floraison.

Pour la première fois depuis qu’il était entré dans l’atelier, Yuuto l’avait regardée et son expression s’était agitée.

« Gaaaghhhhh ! »

— et s’écria dans l’angoisse alors qu’une pluie de pierres noires et dures l’assaillait.

Bien sûr, si l’on tournait rapidement avec une pelle pleine de pierres à la main, un tel résultat était naturel.

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Un commentaire :

  1. L'amateur d'aéroplanes

    Une confusion ici :
    « Alors, dis-moi comment je suis censée agir, puisque tu es si éloquent(e) avec tes mots, » s’écria Ingrid

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