Le Maître de Ragnarok et la Bénédiction d’Einherjar – Tome 14 – Chapitre 3 – Partie 1

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Chapitre 3 : Acte 3

Partie 1

« Qu’est-ce que… c’est… ? »

Rífa avait frémi de stupeur en voyant l’état de la Sainte Capitale de Glaðsheimr étalée devant elle.

Elle avait toujours aimé se réveiller avant le lever du soleil et voir la ville baignée dans la lumière rouge du soleil levant.

Bien qu’elle n’ait que rarement mis les pieds dans la ville elle-même, elle aimait beaucoup Glaðsheimr.

Avec sa faible constitution et son apparence étrange, c’était un refuge irremplaçable. Être le maître de la plus grande ville d’Yggdrasil avait été un pilier essentiel de son image de soi.

Mais maintenant… tout cela avait été complètement détruit.

De nombreux pans des grandes murailles dont les habitants de Glaðsheimr étaient — à juste titre — très fiers s’étaient effondrés à la suite du tremblement de terre. Près de la moitié des maisons de la ville s’étaient également effondrées. Il n’y avait plus aucun signe de la belle Glaðsheimr qu’elle aimait tant.

« Je n’y croyais pas non plus quand je l’ai vu pour la première fois », dit Yuuto, debout à côté d’elle, avec une expression peinée.

Il avait passé la majeure partie de la nuit à gérer cette situation d’urgence. La fatigue qu’il ressentait en ce moment était évidente pour quiconque le regardait.

« Compte tenu des circonstances, je crains que le mariage doive attendre. J’espérais pouvoir le célébrer avant la nouvelle année. »

« Ce n’est pas la peine de s’inquiéter maintenant ! Plus important encore, est-ce que c’est ce à quoi tu faisais allusion… ? »

« Oui, il semble que le pire soit en train de se produire. »

« Alors, il faut évacuer ! »

« Même si nous retournions sur le territoire du clan de l’acier, les navires y sont encore en construction. Il n’y a rien à faire pour l’instant. »

« … »

Rífa s’était tue tandis que Yuuto continuait à fixer la ville d’un air dur. Elle pouvait voir qu’il était extrêmement anxieux.

Il expira longuement pour tenter de se calmer.

« Notre priorité est de fournir des endroits où les gens peuvent trouver de la chaleur, sinon nous aurons des résidents qui mourront de froid. Il n’est pas nécessaire que ce soit tout le palais, mais j’aimerais ouvrir une partie du palais Valaskjálf à la population. »

« Oui, c’est une bonne idée. Je n’y vois pas d’objection… mais les nobles courtisans risquent tous d’en faire leurs choux gras. »

Après tout, il s’agissait d’un peuple qui tenait avant tout à sa lignée. Pour eux, le palais Valaskjálf — et ses restrictions d’accès — était une sorte de lieu saint. Il était facile d’imaginer que, même en cas d’urgence, ils s’opposeraient farouchement à l’idée de laisser entrer la populace.

« Cela me fait mal de l’admettre, mais… j’ai beau être Þjóðann, je n’ai aucun pouvoir réel ici. Je n’ai pas le pouvoir de les forcer à se soumettre et à nous écouter…, »

Rífa affaissa les épaules, laissant échapper un murmure de frustration.

Elle avait voulu éviter de l’admettre, s’il avait été possible de le faire. S’il ne s’agissait pas d’une urgence aussi extraordinaire, elle aurait peut-être essayé de l’expliquer d’une manière ou d’une autre. Elle trouvait gênant et humiliant d’avouer son manque de pouvoir à Yuuto, qui remplissait si bien son rôle de dirigeant.

« Oh, ce ne sera pas un problème. Tant que nous pouvons utiliser le consentement du Þjóðann pour justifier nos actions, nous pouvons nous occuper du reste. »

« … Tu es certainement quelque chose d’autre. »

Rífa plissa les yeux et laissa échapper un petit rire d’autodérision. Il rendait si facile ce qu’elle n’arrivait pas à faire.

« J’envie ta capacité et ta confiance en tant que dirigeant. »

Rífa savait bien que ce n’était pas le moment de faire de tels commentaires, mais elle ne pouvait s’empêcher de le dire à voix haute.

Elle savait mieux que quiconque qu’elle n’était qu’une figure de proue. Cela était dû en grande partie au fait que Hárbarth avait limité sa capacité à gouverner, mais même dans ce cas, il était douloureux de voir son impuissance exposée aussi clairement.

En revanche, Yuuto était absolument magnifique.

Même dans une situation aussi désastreuse, il s’était vite ressaisi, donnant des ordres rapides et précis, faisant bouger les gens là où il en avait besoin. Il avait facilement abattu les murs érigés par les anciennes coutumes et les avait remplacés par de nouvelles et meilleures traditions. Il était le dirigeant idéal, celui qu’elle avait rêvé d’être mais qu’elle avait renoncé à devenir.

« Honnêtement, ce travail n’est qu’un calvaire après l’autre », dit-il, balayant d’un revers de main les éloges de Rífa. Elle comprenait bien que Yuuto avait ses propres fardeaux.

Au cours des dernières heures, il avait pris le commandement direct, travaillant toute la nuit pour éviter la panique et sauver des vies — et le fardeau d’être responsable de centaines de milliers de vies lui pesait certainement.

Elle se retrouverait probablement écrasée par ce poids, mais il se contenta de serrer les dents et de supporter la situation.

Bien qu’elle soit la plus haute autorité d’Yggdrasil en tant que Þjóðann, Rífa n’avait encore rien accompli pour son peuple.

Même maintenant, tout ce qu’elle pouvait faire était de rester debout et de regarder.

 

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« Je ne me suis jamais sentie aussi impuissante qu’aujourd’hui… » se dit Rífa en affaissant les épaules.

Elle et son entourage s’étaient récemment rendus dans l’une des ailes encore debout du palais de Valaskjálf. Ils ne pouvaient pas rester dehors sous le ciel d’hiver, après tout.

Après avoir demandé aux menuisiers de vérifier les chambres, elle et Mitsuki, enceinte, s’étaient installées dans l’une des chambres libres.

« J’ai toujours pensé, même sans justification, que je pourrais remplir mes devoirs de souverain si seulement Hárbarth n’était plus là. Mais en réalité ? Dans cette situation d’urgence, j’ai tout laissé au Seigneur Yuuto et je n’ai pu que me tenir debout dans un état d’hébétude anxieuse… J’ai honte de moi. »

« Eh bien, même s’il n’en a pas l’air, Yuu-kun est, de toute évidence, une personne très impressionnante, alors il vaut mieux ne pas se comparer à lui. »

Mitsuki tenta de consoler Rífa, déprimée, mais elle n’y parvint guère.

« Il n’y a pas de comparaison possible. Même l’idée est ridicule. Je n’étais pas capable de penser à une seule chose que je pouvais faire pour aider. Rien ne m’est venu à l’esprit, rien du tout… »

Pendant son enfance, Rífa avait reçu une éducation politique de la part de son tuteur. Elle avait obtenu de très bons résultats dans ces études.

Pour cette raison, elle avait cru qu’elle serait une souveraine compétente, mais lorsqu’elle avait été mise en position d’agir, elle s’était figée.

Elle avait les connaissances, mais elle n’avait pas confiance dans la justesse de ces connaissances. La peur de ce qui pourrait arriver si ses instructions ou ses propositions étaient erronées l’empêchait d’agir.

« Je ne pense pas que tu puisses faire quoi que ce soit à ce sujet. Hárbarth t’a empêché de gouverner pendant tout ce temps, alors se lever soudainement et prendre les choses en main efficacement en cas d’urgence n’est pas du tout réaliste. »

« On m’a dit que lors de sa première bataille, le seigneur Yuuto a affronté une force cinq fois supérieure à la sienne et qu’il l’a facilement vaincue. »

« Je n’arrête pas de te le dire ! Tu ne peux pas te comparer à lui. En plus, il utilise toutes sortes de tricheries. »

Sa femme, elle aussi, était bien différente, puisqu’elle était capable d’écarter le Þjóðann d’un revers de main, puis de réduire les immenses réalisations du Réginarque ascendant du grand Clan de l’Acier à un simple « ça ».

D’ordinaire, Rífa aurait été la première à remarquer ce genre de chose, mais elle était trop prise dans sa propre misère pour le voir.

« La connaissance du futur, c’est ça ? Mais ce n’est qu’un outil. Pour l’utiliser correctement, l’individu doit faire preuve d’une grande habileté. »

Rífa, elle aussi, avait quelque chose de spécial : le titre et l’autorité de Þjóðann, ainsi que les capacités physiques et les prouesses magiques que lui conféraient ses runes jumelles.

Même en tenant compte de sa faible constitution, elle disposait d’un pouvoir plus que suffisant pour faire la différence. Le fait que, même avec tous ces dons, elle ne puisse rien faire pour aider, lui semblait être une mise en accusation de ses capacités de dirigeante.

« Ce n’est pas comme si Yuu-kun avait toujours été bon dans ce domaine. Quand il a commencé, il a connu des échecs constants. Je me souviens de l’avoir entendu s’en plaindre tout le temps. »

« Hmm, donc même le Seigneur Yuuto a ses propres expériences avec ça ? Je trouve cela plutôt difficile à croire, » dit Rífa avec une touche de — non… avec beaucoup de scepticisme en fronçant les sourcils.

Elle ne pouvait pas imaginer qu’une personne aussi compétente puisse échouer, et encore moins échouer à plusieurs reprises.

« C’est vrai, crois-moi. D’où je viens, il y a un dicton qui dit “l’échec est la mère du succès”. Si tu accumules assez d’expérience, même si tu n’es pas aussi bon que Yuu-kun, je suis sûre que tu pourras faire plein de choses formidables avec le temps. »

« L’expérience… dis-tu ? »

Il est vrai qu’elle était loin d’en avoir assez. Au minimum, dans l’état actuel des choses, elle resterait une figure de proue — ne faisant rien et n’accomplissant rien. Elle ne supportait pas cette idée.

L’expérience peut-elle l’aider ? Elle n’en était pas sûre. Elle pourrait encore échouer.

Mais même si c’était vrai, elle voulait cesser d’abandonner avant d’avoir essayé, et cesser de se reprocher son manque d’aptitude.

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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