Le Maître de Ragnarok et la Bénédiction d’Einherjar – Tome 12 – Chapitre 5

***

Chapitre 5 : Acte 5

***

Chapitre 5 : Acte 5

Partie 1

Pour mieux expliquer cet acte miraculeux, rembobinons quelque peu l’horloge.

« Linéa, les préparations que j’ai demandées sont-elles déjà terminées !? »

Yuuto traversa les salles du palais d’un pas particulièrement vif, lançant sa question à Linéa sans même se retourner.

Le château de Dauwe, le point défensif clé sur lequel il comptait, était tombé.

Il ne pouvait pas se permettre de perdre, ne serait-ce que quelques précieuses secondes en marchant vers sa destination à un rythme normal.

« Oui ! Ils ont pu en préparer un nombre suffisant à temps. »

« Je vois. Et les armes et les armures ? »

« Ceux-ci ont également déjà été préparés, comme tu l’as ordonné. »

« Bien. Les soldats devraient commencer à arriver demain matin. »

« Dans ce cas, permets-moi d’appeler tout le monde dans les cuisines et de leur demander de préparer des repas maintenant. La nourriture qui peut être transportée pendant le voyage est préférable, n’est-ce pas ? »

« Absolument. »

« Compris. Laisse-moi m’occuper de tout le reste. »

Linéa avait répondu à toutes les questions de Yuuto de manière rapide et satisfaisante. C’était en fait une sensation assez agréable.

Une fois qu’elle avait été complètement réveillée, elle était vraiment, et de loin, la plus remarquable de ses officiers lorsqu’il s’agissait de ce genre de choses.

Cette fois, le plan allait être un peu sauvage et risqué, et s’il avait pu le mettre en place, c’était en grande partie grâce à elle.

Même si Yuuto avait lui-même trouvé un concept intelligent, il était tout aussi important de trouver comment le faire fonctionner concrètement et de régler les détails nécessaires à sa mise en œuvre. Sans cela, cela pourrait tout aussi bien n’être qu’un tas de gribouillis sur du papier brouillon.

Yuuto s’était brusquement arrêté dans son élan et s’était retourné pour faire face à Linéa.

Il fixa profondément les yeux de Linéa, qui leva les yeux vers lui, perplexe devant son arrêt soudain.

« Merci pour tout, Linéa. Je vais y aller maintenant. »

« … Bien sûr. Je te souhaite bonne chance au combat. »

Linéa lui dit adieu, ses mots étant clairement remplis de plus d’émotion qu’elle ne pouvait en exprimer, et s’inclina profondément devant lui.

Avec ses bons souhaits comme un vent dans le dos, Yuuto se mit une fois de plus en route vers l’entrée du palais.

Au moment où il atteignait la porte séparant le palais de la ville proprement dite, il aperçut un visage familier.

« Mitsuki ? »

« Ne me fais pas le coup du “Mitsuki” ! Tu viens juste de rentrer d’une guerre, et tu vas vraiment faire demi-tour et repartir sans même voir le visage de ta femme !? Qu’est-ce que c’est que ça !? »

« Urk. »

Le regard furieux de sa femme le transperça. L’expression de Yuuto était résolue et sévère jusqu’à il y a une seconde, mais maintenant il grimaçait et reculait devant elle.

« Je dois remercier Félicia d’avoir été assez prévenante pour me dire que tu étais ici. Tu pourrais au moins me laisser vous dire au revoir. »

« … Désolé. »

Yuuto avait regardé ses pieds avec culpabilité, se grattant l’arrière de sa tête.

« C’est juste que je suis très agité dès que je suis sur le point de partir à la guerre, et je n’aimais pas trop l’idée que tu me voies quand je suis… effrayant, comme ça. Surtout maintenant que tu as notre enfant en toi. »

« Il se trouve que ce gamin vient de me dire il y a une minute qu’il veut voir son père partir, avec un coup de pied. »

« Quoi… il donne déjà des coups de pied !? »

Par réflexe, Yuuto avait posé une main sur le ventre de Mitsuki.

« Eh bien, pas encore si fréquemment, mais… Oh. »

« Oh ! »

Ce n’était qu’un instant, mais la main de Yuuto avait ressenti la force d’un impact minuscule.

« C’était un coup de pied. C’était un coup de pied juste maintenant, non ? »

« Hee hee. On dirait que notre bébé sait reconnaître son père. »

« Je vois. Donc il peut le dire… Les bébés sont étonnants. »

S’il s’était arrêté pour y penser rationnellement, cela n’aurait pu être qu’une coïncidence. Mais malgré cela, Yuuto avait l’impression que son enfant inconnu lui parlait, qu’il lui disait au revoir.

Il n’y avait pas de plus grand encouragement au monde pour lui.

 

 

Le jour suivant — .

On pouvait voir Yuuto arpenter les couloirs du palais du patriarche dans la capitale du Clan de la Griffe, loin de Gimlé.

C’était une distance qui prendrait au moins quinze jours à parcourir à pied, même selon les estimations les plus courtes, donc selon les normes de cette époque, cette situation défiait tout bon sens. Cependant, Gimlé et les autres grandes villes du Clan de l’Acier étaient déjà reliées par un réseau de postes avec des chevaux frais pour faciliter le transport rapide des messagers. Yuuto avait commencé à mettre en place ce système entre lui et ses alliés depuis l’époque où il était encore patriarche du Clan du Loup.

Même les voyages sur cette distance étaient désormais possibles en utilisant les stations et en chevauchant sans interruption pendant une journée et une nuit complètes, sans aucun problème.

« Ggh... ! »

Ou plutôt, pas de problèmes à proprement parler, sauf un en particulier : les escarres.

« Je m’excuse, Grand Frère. Ça te fait-il mal ? »

Agenouillée entre ses jambes, Félicia le regarda avec des yeux pleins de larmes et d’inquiétude.

Elle appliquait une pommade sur l’intérieur de ses jambes, censée être efficace contre les escarres.

Les plaies étant, eh bien, là où elles étaient, il avait dû enlever son pantalon, et même s’il s’était entêté à lui dire, « C’est bon, je peux l’appliquer moi-même ! » une douzaine de fois dans le passé, à ce stade, cela lui semblait presque inutile d’opposer une résistance supplémentaire.

Cela dit, la position relative de Yuuto et de Félicia et son état de déshabillage actuel faisaient que Yuuto n’arrivait pas à se défaire de l’impression qu’ils faisaient quelque chose d’indécent.

De plus, il fallait penser à la dignité et à la position du Réginarque. Yuuto ne pouvait que prier pour que, jusqu’à ce qu’elle ait fini d’appliquer le traitement, personne n’entre dans cette pièce et ne les surprenne comme ça.

 

 

Bien sûr, l’idée qu’un membre du Clan de l’Acier puisse même envisager d’entrer dans les quartiers d’habitation du Réginarque sans permission était…

« Waaaah ! Père, Pèèèèèèrreeee ! »

– à considérer absolument.

Il y avait au moins une personne qui le pouvait. Une jeune enfant à l’esprit libre qui agissait selon ses caprices et allait où bon lui semblait, sans se soucier des attentes tacites des autres.

Elle s’appelait Albertina, et était une fille de douze ou treize ans avec des cheveux en une adorable queue de cheval sur le côté.

Malgré son apparence innocente, elle était une Einherjar de la rune Hræsvelgr, provocatrice de vents, et quand il s’agissait d’agilité rapide comme l’éclair, personne dans le Clan de l’Acier ne pouvait la surpasser.

Sa rune lui donnait le pouvoir de créer et de contrôler les vents dans l’air qui l’entourait, et son style de combat s’en servait pour lui permettre de se déplacer et de manœuvrer à la vitesse d’un tourbillon. Même Sigrún, le plus fort guerrier du clan et héritier du titre de Mánagarmr, qui était la preuve de cette force, la considérait comme une combattante au potentiel incroyable…

« Uwaaah ! Uuugh… ! »

… Ou du moins, c’était la réputation qu’elle s’était forgée, mais l’enfant qui sanglotait et pleurait de grosses larmes devant Yuuto en ce moment ne semblait pas à la hauteur de ces affirmations.

« Qu’est-ce qui ne va pas ? Kris t’a encore embêtée ? »

La petite sœur jumelle d’Albertina, Kristina, était une petite fille diabolique dont le seul plaisir dans la vie était de taquiner et de tourmenter sa sœur bien-aimée Albertina.

Yuuto avait pensé que c’était la cause des larmes d’Albertina cette fois aussi, mais Albertina avait secoué la tête pour dire non.

« Uuugh… C’était les gens du palais, ils, ils parlaient, et je les ai entendus. Uuuugh, ils disaient que j’étais sans valeur et que tout le monde se porterait mieux si je n’étais pas là, comme ça Kris pourrait être le prochain patriarche du Clan de la Griffe sans aucun problème ! »

« Ngh. »

L’expression de Yuuto s’était assombrie.

Il avait supposé que la cause de cette explosion serait probablement quelque chose de convenable pour un enfant et un peu stupide, mais ce qu’elle décrivait n’était pas exactement une conversation triviale qu’il pouvait simplement ignorer.

« Nngh... Suis-je vraiment sans valeur ? Est-ce que ce serait vraiment mieux pour, pour Kris si je n’étais pas là ? »

« Non, ce n’est absolument pas vrai ! » Yuuto répliqua fermement, ne supportant plus de l’entendre parler ainsi d’elle.

Yuuto savait très bien que pour Kristina, Albertina était la chose la plus importante de sa vie.

« Écoute. Je sais que Kris est reconnaissante du fond du cœur que tu sois là. »

« V-Vraiment ? »

« Oui, vraiment ! »

 

 

Kristina disait son lot de mensonges et de demi-vérités, et elle aimait taquiner les gens, et il était souvent difficile de dire ce qu’elle ressentait ou pensait vraiment. Malgré tout, Yuuto pouvait être sûr qu’il ne s’était pas trompé sur ce point.

En entendant les mots de Yuuto, le visage d’Albertina semblait s’épanouir de joie une fois de plus… mais cette joie fut de courte durée.

« M-Mais, je ne suis pas du tout intelligente comparée à Kris, et je ne fais pas vraiment quelque chose qui t’aide, Père… »

Elle avait recommencé à se pleurer sur elle-même.

Cela sortait de l’ordinaire pour Albertina.

C’est comme si elle avait complètement perdu toute confiance en elle. Il devait y avoir d’autres choses vraiment désagréables dans cette conversation qu’elle avait entendue.

« Pourtant, tu m’aides beaucoup. »

Yuuto ne lui disait pas ça juste pour être gentil. Il le croyait vraiment sincèrement.

Au moins, son attitude ensoleillée, insouciante et joyeuse était quelque chose qui guérissait souvent le cœur de Yuuto. Il en était de même pour sa femme Mitsuki, et pour la jeune servante Éphelia, que Yuuto traitait comme une petite sœur adoptive.

Il est vrai que Kristina avait gagné la gloire au sein du clan en obtenant toutes sortes de renseignements utiles — des informations bien plus précieuses que l’or — et Albertina ne pouvait rien faire de tel. Mais grâce à ses propres capacités, Albertina pouvait facilement appréhender les espions ou les bandits qui se glissaient occasionnellement dans l’enceinte du palais. Et en temps de guerre, elle pouvait utiliser son incroyable agilité pour transporter des messages entre les différentes parties de l’armée à une vitesse incroyable, ce qui signifiait qu’elle contribuait effectivement à Yuuto et au Clan de l’Acier.

Cependant…

« Tu n’as pas besoin de dire des choses gentilles juste pour que je me sente mieux ! Je sais mieux que quiconque que je suis stupide et que je ne suis bonne à rien ! »

C’était comme si elle ne pouvait pas se permettre de le croire.

À ce rythme, Yuuto aura beau argumenter, il n’aura pas beaucoup de chance de la convaincre.

Yuuto avait réfléchi pendant un moment à la meilleure façon d’aborder ce problème, quand soudain il eut une idée.

« … Hm. Alors, que penses-tu de ça ? Dans cette bataille à venir, il te suffit d’obtenir des résultats qui prouvent ta valeur, et de forcer les personnes qui ont dit ces choses sur toi à se taire. »

« Hein ? M-Mais, je ne peux pas… »

« Héhé, tu peux, et j’ai quelque chose qui va t’aider, quelque chose qui est juste parfait pour toi. Félicia, apporte-moi mon sac, s’il te plaît. »

Yuuto se tourna vers son adjudante et fit un geste vers le fond de la pièce.

***

Partie 2

À l’arrière se trouvait un très grand sac à dos. Il était rempli d’objets que Yuuto avait ramenés de l’ère moderne lorsqu’il avait été convoqué à Yggdrasil pour la deuxième fois.

Parmi eux, il y avait un certain nombre d’objets qui devraient s’avérer utiles dans le conflit actuel et dans la bataille à venir.

Yuuto avait pris le sac de Félicia et avait immédiatement commencé à fouiller dans son contenu jusqu’à ce qu’il trouve un article en particulier.

« Ceci. »

Il l’avait remis à Albertina.

C’était un objet cylindrique, fait de métal qui brillait d’un éclat terne. Sa forme et son design n’étaient pas du tout adaptés à cette époque.

« Qu’est-ce que c’est ? »

« Une arme. Et de tous les membres du Clan de l’Acier, tu es probablement le mieux placé pour l’utiliser. »

« Hein ? Mais je ne sais même pas comment l’utiliser. Je ne sais même pas ce que c’est. »

« Oh, c’est simple. Il suffit d’appuyer sur cette partie-là. Oh, mais n’appuie pas tout de suite, quand même ! »

« Père, puis-je vous demander de vous abstenir de remettre des objets aussi dangereux à ma chère sœur ? »

Soudain, une autre voix était venue de derrière Yuuto, une voix qui ressemblait fortement à celle d’Albertina.

Yuuto savait qui c’était sans même se retourner pour le voir.

« Depuis combien de temps es-tu là, Kris ? »

« Depuis combien de temps ? Peut-être aussi loin que lorsqu’Al est venue ici en sanglotant. »

Kristina avait souri. Yuuto pouvait se sentir se crisper.

Yuuto était maintenant le plus puissant seigneur conquérant des terres de l’ouest d’Yggdrasil, en nom et en fait, mais même lui avait ressenti un terrible frisson face à ce sourire.

« K-Kris ? Tu es un peu effrayante en ce moment. »

Albertina avait complètement arrêté de pleurer à présent, mais elle frissonnait un peu en s’adressant à sa sœur jumelle.

« Oh ? Mais je ne suis pas différente de la normale. »

C’est un mensonge, avait pensé Yuuto, mais il l’avait gardé pour lui.

Kristina était une fille qui normalement gardait une expression neutre et ne montrait pas ses vrais sentiments sur son visage. Elle ne le montrait pas visiblement en ce moment, mais il était clair pour Yuuto qu’elle était d’humeur dangereuse en ce moment.

Elle était furieuse.

Savoir que sa sœur avait été rabaissée et poussée aux larmes l’avait rendue plus furieuse que Yuuto ne l’avait jamais vue auparavant.

Kristina en faisait son passe-temps personnel pour taquiner et tourmenter sa sœur elle-même, mais malgré cela, elle ne pardonnait à personne d’autre de ridiculiser Albertina.

Elle était aussi un maître dans la collecte d’informations. Elle aurait probablement identifié et traqué les personnes qui avaient blessé Albertina dans la journée.

Après cela, qui peut dire quelle sorte de vengeance elle pourrait exercer sur eux…

Yuuto s’était presque surpris à se sentir désolé pour les pauvres idiots qui avaient mérité son ire, mais il s’était rappelé qu’ils avaient blessé une fille pure et innocente comme Albertina.

Il avait décidé que c’était peut-être mieux après tout s’ils recevaient une leçon pour ce qu’ils avaient fait.

« … Hé, ne sois pas trop dur avec eux, d’accord ? »

« Oh, de quoi pouvez-vous bien parler ? »

Kristina avait feint une ignorance totale.

En d’autres termes, au moins en ce qui concerne cet incident, elle allait être très dure avec eux.

« Plus important encore, quelle est la situation actuelle ? »

Décidant qu’il était plus sage de ne pas s’impliquer davantage dans cette affaire, Yuuto changea de sujet.

Un homme sage se tient à l’écart du danger, comme le dit le proverbe.

Et d’ailleurs, c’était ce dont il avait besoin de parler avec Kristina de toute façon.

L’utilisation de pigeons voyageurs pour envoyer des messages constituait une amélioration remarquable de la vitesse de communication par rapport aux normes de l’époque, mais elle nécessitait la présence physique de pigeons nichés à des endroits stratégiques, de sorte qu’ils ne pouvaient pas être utilisés quand on le souhaitait. Leur utilisation était limitée aux communications réellement urgentes.

En fin de compte, le meilleur moyen de recevoir de grandes quantités d’informations avec un décalage aussi faible que possible était de se rapprocher physiquement de la source.

C’était précisément la raison pour laquelle Yuuto avait personnellement été si pressé de se rendre ici, au point qu’il avait même laissé son armée derrière lui pour arriver au plus vite.

Cette fois, son ennemi le surpassait de loin en taille.

Il n’allait pas pouvoir gagner contre eux en se battant simplement au hasard.

Celui qui contrôle l’information contrôle la bataille.

Grâce à ses expériences jusqu’à présent, Yuuto ne le savait que trop bien.

En attendant…

« Vous savez, je suis un militaire depuis l’époque où le seigneur Fárbauti était le patriarche du Clan du Loup, et c’est une première pour moi. Quelle étrange façon de mener une marche ! »

« Haha ! Qu’est-ce que vous dites, mon vieux ? Depuis que le Seigneur Yuuto a pris le pouvoir, ce n’est qu’une succession de “premières”, n’est-ce pas ? »

« Je veux dire, oui, c’est assez vrai. »

« Eh bien, hé, cependant, ce n’est pas comme si je ne comprenais pas ce que vous voulez dire. Je n’ai certainement jamais imaginé qu’un jour je recevrais l’ordre de me diriger vers la ligne de front sans une seule arme à la main. »

Les soldats de rang de l’armée du Clan de l’Acier discutaient entre eux alors qu’ils se déplaçaient en formation sur la route.

Ils marchaient tous d’un pas léger et sans contrainte.

On pourrait dire que c’est tout à fait naturel, cependant, puisqu’aucun d’entre eux ne portait d’armes, d’armures ou de provisions d’aucune sorte — toutes choses que des soldats porteraient habituellement lors d’une marche plus traditionnelle.

Cela leur permettait non seulement de marcher à un rythme plus rapide, mais aussi de réduire leur taux de fatigue, ce qui leur permettait de marcher plus longtemps dans une journée.

Bien sûr, ils ne pouvaient pas vraiment aller au combat sans armes, mais ce n’était pas un problème, parce que…

« On est censé récupérer nos armes et autres en arrivant au Clan de la Griffe, non ? »

« Ouais. Tout le monde dit qu’apparemment ils étaient envoyés là-bas en secret avant même que la campagne contre le Clan de la Foudre ne commence, non ? Ce qui veut dire que le Seigneur Yuuto savait déjà à l’époque que tout ça allait arriver. »

« Merde, c’est bien approprié venant du Seigneur Yuuto. »

Telle était la procédure actuellement en vigueur.

Déplacer un grand nombre de soldats en même temps attirerait l’attention des nations environnantes et les mettrait en état d’alerte, donc pendant la période entre la cérémonie de mariage de Yuuto et le début de la campagne du Clan de la Foudre, Yuuto avait fait en sorte que de petits groupes séparés transportent les fournitures petit à petit.

Au départ, l’intention de Yuuto était d’acheminer le matériel d’avance vers la capitale du Clan du Frêne, Vígríðr. Cependant, le patriarche Douglas du Clan du Frêne avait montré des hésitations après la publication de l’ordre d’assujettissement impérial, et en prenant en considération le fait qu’il pourrait vaciller dans sa loyauté, Yuuto avait changé la destination vers le Clan de la Griffe à la place.

Maintenant que le château de Dauwe était tombé, et que Vígríðr lui-même risquait d’être capturé par l’ennemi, ce changement de plan précoce s’était avéré étonnamment fortuit.

Le contenu des cargaisons était d’ailleurs répertorié comme étant du blé dans les registres publics — il s’agissait de rembourser le Clan de la Griffe pour les denrées alimentaires qu’il avait fournies pendant la crise de pénurie de l’été dernier. Ce déguisement n’était qu’une précaution de plus contre la découverte éventuelle de son plan.

Le grand stratège Sun Tzu avait déclaré dans ses écrits qu’il était préférable de s’approvisionner localement — dans la région où la bataille aurait lieu, ou en cours de route.

Il y avait aussi l’exemple historique de Napoléon Bonaparte, qui était capable de déplacer son armée sur de longues distances à grande vitesse, ce qu’il avait accompli grâce à sa pratique de l’approvisionnement local.

Bien sûr, trop se reposer sur l’approvisionnement local pouvait être dangereux, car il y avait le risque que les chiffres réels soient inférieurs aux estimations, laissant l’armée à court de provisions. Cependant, dans le cas présent, les troupes de Yuuto se déplaceraient en territoire allié, et la personne chargée d’organiser la logistique et le soutien n’était autre que Linéa, une experte en la matière.

Il n’y aurait pas de problème du tout sur le plan de l’approvisionnement.

« Oh, ça me fait penser à un truc, as-tu pu monter dans l’un des carrosses ? »

« Oui, je l’ai fait ! »

« C’était comme avoir un aperçu de la vie de la haute société, hein ? »

« En fait, j’ai eu un peu la nausée pendant le trajet. »

C’était une autre partie du plan, un facteur de plus pour augmenter la vitesse de la marche.

À cette époque de l’histoire, le fait de monter sur des chars ou des voitures tirées par des chevaux n’était autorisé que pour une classe supérieure choisie, celle des personnes de haute naissance ou de haut rang.

La conduite d’un véhicule était une marque visible de statut, et conférer ce privilège aux officiers militaires était utilisé comme un moyen de renforcer leur autorité.

Il serait tout à fait hors de question de laisser des soldats ordinaires monter dans des carrosses, si l’on s’en tient aux valeurs normales.

Cependant, la pensée de Yuuto n’était pas freinée par ces coutumes fixes.

Pour Yuuto, les véhicules étaient quelque chose que les masses communes utilisaient. Les voitures, les trains, les avions… tout cela était quelque chose que tout le monde pouvait conduire normalement.

Grâce à la production intensive de chariots blindés destinés à être utilisés dans la tactique du mur de chariots, il y avait un grand nombre de chariots sous la main. Il n’y avait aucune chance qu’il ne les utilise pas ici.

Bien sûr, il n’en avait pas assez pour mettre toute l’armée sur des roues, mais il pouvait placer des groupes de soldats sur les chariots par roulement, ce qui réduisait considérablement leur fatigue. En d’autres termes, il pouvait déplacer son armée tout en permettant à ses troupes de se reposer.

Et, après le coucher du soleil…

Les côtés de la route étaient brillamment éclairés par d’innombrables torches.

Ils étaient retenus par des résidents, qui s’étaient rassemblés le long de la route depuis les villages environnants.

« Tout le monde, faites de votre mieux ! »

« Tenez bon ! »

« Nous vous encourageons tous ! »

Des acclamations aiguës avaient fusé des deux côtés de la route.

La vérité était que toutes ces personnes avaient été payées pour être là, cependant.

Les forces spéciales de Múspell avaient utilisé leur grande mobilité en tant qu’unité de cavalerie et ils avaient chevauché devant le reste de la colonne de l’armée, s’arrêtant dans les villages le long de la route, et ils avaient offert des sommes d’argent décentes à toutes les jeunes femmes qu’ils avaient pu trouver, les enrôlant pour jouer ce rôle.

Les forces spéciales de Múspell étaient la partie la plus connue et la plus célèbre de l’armée du Clan de l’Acier, et leur commandante était également une femme, ce qui leur valait une grande popularité et la confiance de la population.

Personne n’avait rechigné à la demande. En fait, elles étaient toutes heureuses d’aider.

« Voici du pain frais. Assurez-vous pour le manger, d’accord ? »

« Et voici de l’eau. »

« Voici aussi un peu de viande. Vous aurez besoin de vos forces. »

Elles distribuaient même personnellement de la nourriture aux soldats, de la nourriture qu’ils pouvaient manger pendant qu’ils marchaient.

Les hommes sont, dans l’ensemble, des créatures très simples.

Ils ne peuvent pas se résoudre à paraître faibles ou pathétiques devant les femmes.

Ils veulent se montrer, paraître forts et impressionnants.

Bien que les soldats du Clan de l’Acier aient fait des pauses le long du chemin, ils étaient toujours épuisés par la routine épuisante de la marche du matin au soir chaque jour — mais maintenant cet encouragement les avait revigorés pour un grand effet.

***

Partie 3

Il s’agissait d’un plan qui combinait l’acte de sécuriser les approvisionnements en nourriture de la région locale avec une stimulation du moral des soldats, faisant d’une pierre deux coups. Au cours de la période Sengoku, Toyotomi Hideyoshi avait utilisé une stratégie similaire lors d’une marche forcée éclair connue sous le nom de « Grande Marche de Retour de Chugoku », et Yuuto avait repris ce célèbre exemple et l’avait adapté à ses propres besoins.

Yuuto ne se battait pas dans les batailles qu’il ne pouvait pas gagner. C’était sa politique.

La raison pour laquelle il avait choisi de poursuivre un plan aussi risqué que celui-ci — utiliser une campagne contre le Clan de la Foudre comme appât pour attirer ses ennemis — était précisément parce qu’il avait organisé ces préparatifs particuliers bien avant cela.

Compte tenu de la réputation de forteresse imprenable du château de Dauwe, ses calculs prévoyaient à l’origine qu’il arriverait avec beaucoup de temps à disposition.

Ainsi, grâce à toute cette planification, l’armée du Clan de l’Acier avait réussi à mener à bien ce qui aurait normalement été une marche forcée d’au moins vingt jours en sept jours seulement, et sans pratiquement aucune perte due à l’épuisement ou à la désertion en cours de route.

« Je sais que la marche a été difficile, mais vous l’avez tous bien supportée ! Laissez-moi vous remercier du fond du cœur. Beau travail, les gars ! »

Yuuto éleva la voix pour appeler les dix mille soldats d’élite rassemblés devant lui, maintenant qu’ils avaient enfin atteint la zone proche de la frontière entre le Clan de la Griffe et le territoire du Clan du Frêne.

Les visages de ses hommes étaient remplis de fierté en entendant ses mots.

Naturellement, ils étaient eux aussi conscients de l’effort qu’ils avaient fourni pour accomplir ce qu’ils avaient fait.

Leur seigneur, le Réginarque, l’avait remarqué et leur donnait la reconnaissance appropriée pour cela. Ils avaient toutes les raisons d’être heureux.

« Lorsque le château de Dauwe est tombé, il y a un moment où je me suis préparé à la possibilité que nous perdions aussi Vígríðr. Mais, grâce à vous tous, nous sommes arrivés à temps pour empêcher cela ! Vígríðr continue à se battre ! »

« Ouuuuiii ! »

Un chœur d’acclamations avait secoué l’air.

Un long travail qui se termine en vain laissait une personne encore plus épuisée dans son découragement. Mais le sentiment d’accomplissement qui découlait du succès pouvait faire oublier la fatigue, et même charger le corps et l’esprit d’une force renouvelée.

Yuuto s’était arrêté un moment, attendant que les acclamations se calment, puis il continua.

« Maintenant, tout le monde, prenez vos armes ! Nos ennemis sont certes nombreux, mais nous n’avons rien à craindre d’eux ! Dans tout le royaume, il n’existe qu’une seule armée dont les soldats sont si forts et résistants qu’ils ont traversé de Vanaheimr à Bifröst en seulement sept jours ! Nous sommes cette armée ! N’est-ce pas !? »

« Yeeeaaahhh ! Sieg Iárn ! Sieg Iárn ! »

Le moral des soldats du Clan de l’Acier était monté en flèche, et leurs cris de « Sieg Iárn » — « Gloire au Clan de l’Acier » — témoignaient de la grande fierté qu’ils éprouvaient pour eux-mêmes et leur nation.

Lorsqu’une personne surmonte un obstacle très difficile, cela devient la base d’une grande confiance personnelle.

Les mots du Réginarque du Clan de l’Acier sonnaient juste pour ses hommes.

En effet, où d’autre dans le monde pouvait-on trouver une armée qui avait accompli quelque chose d’aussi incroyable ?

Ils étaient les seuls à l’avoir fait.

Ils ne pouvaient pas être vaincus ici.

Les soldats du Clan de l’Acier en étaient totalement convaincus maintenant.

« Maintenant, allons-y et sauvons Vígríðr ! Toutes les troupes… avancez — ! »

L’armée de l’Alliance des Clans Anti-Acier était remplie des généraux les plus profondément accomplis sélectionnés dans les forces respectives de chaque clan.

Et en ce moment, le groupe de personnes rassemblées ici dans le quartier général à l’intérieur de la formation principale était le sommet parmi ceux-ci, tous des vétérans redoutablement talentueux et expérimentés dont les noms étaient bien connus parmi les nations de leurs régions respectives.

Cependant, la nouvelle de l’arrivée du corps principal de l’armée du Clan de l’Acier les avait fait frémir.

« Est-ce vraiment vrai ? »

Le premier à ouvrir la bouche fut le patriarche du Clan des Nuages, Gerhard.

Il avait semblé être considérablement choqué.

C’était logique qu’il le soit, cependant.

Le Clan des Nuages était une nation de nomades qui parcouraient les terres de l’est du Miðgarðr. Ils étaient capables de voyager par voie terrestre à un rythme que les peuples des sociétés agricoles sédentaires ne pouvaient égaler.

Cependant, même pour eux, parcourir toute la distance entre le territoire du Clan de la Foudre et ici en si peu de temps était totalement impossible, quelles que soient les circonstances.

« Je suis terriblement désolé de vous informer que c’est, en fait, la vérité. »

Le prêtre impérial Alexis avait répondu, l’air complètement honteux et semblant devoir se forcer à parler.

Ces mots venaient de l’homme qui leur avait indiqué la position et les mouvements de l’unité de cavalerie armée de l’ennemi avec une parfaite précision jusqu’à présent. Personne ici ne pouvait douter de la fiabilité de cette information venant de lui.

« Rrrrghh, mais alors pourquoi le Seigneur Hárbarth n’a-t-il pas été capable de les remarquer jusqu’à ce qu’ils soient si proches !? N’est-il pas censé être capable de tout voir !? »

Cette question chargée était venue de Sígismund, le patriarche du clan du croc.

D’ordinaire, l’idée que quelqu’un ait une perception aussi complète de tout serait la plus étrange. Cependant, sur la base des résultats que tout le monde avait vu jusqu’à présent, c’était une question raisonnable.

« Je vous demande de ne pas avoir d’attentes déraisonnables. Même le Seigneur Hárbarth n’est qu’un humain. Ce n’est pas comme s’il pouvait surveiller une multitude d’endroits différents en même temps. »

« En d’autres termes, cela signifie-t-il qu’il ne peut voir qu’un seul endroit à la fois ? »

Bára avait posé la question normalement, comme si elle demandait juste une petite clarification.

Alexis avait grimacé pendant une seconde, et son expression était devenue très tendue.

Toutes les personnes réunies ici n’étaient que des alliés temporaires. Une fois qu’ils auraient vaincu le Clan de l’Acier, leurs relations redeviendraient ce qu’elles étaient auparavant.

Il était raisonnable d’envisager que l’un d’entre eux puisse entrer en guerre avec le Clan de la Lance dans le futur.

En particulier, le Clan de l’Épée était l’ennemi politique le plus féroce du Clan de la Lance, et s’était battu avec eux en coulisses pour le contrôle du gouvernement impérial.

Pour Alexis, laisser échapper des détails sur le pouvoir de son maître — en particulier, ses limites — n’était rien d’autre qu’une terrible gaffe.

« Ah, c’est, euh… »

Alexis s’était efforcé de trouver une excuse pour réfuter la supposition de Bára, mais il n’avait rien trouvé de convenable.

En fait, cela revenait à avouer qu’elle avait raison.

« Hm, je vois. Ainsi donc, parce qu’il était concentré sur l’observation de la zone autour de Vígríðr, il a fini par manquer la chance d’observer l’armée du Clan de l’Acier. »

Fagrahvél résuma les choses d’un ton calme, les mains jointes pensivement devant son menton.

L’expression d’Alexis était de plus en plus douloureuse, comme s’il avait avalé un insecte, mais Fagrahvél ne se sentait pas obligée de se retenir à cause de ses sentiments.

« Je ne peux pas en vouloir au Seigneur Hárbarth pour cela. Aucun d’entre nous n’aurait pu prédire que les forces du Clan de l’Acier nous atteindraient aussi rapidement. Le centre d’intérêt de cette guerre était Vígríðr, où les combats se déroulent encore en ce moment même. Diriger ses observations là-bas n’était pas seulement le choix naturel, dans des circonstances ordinaires, ce serait absolument le bon. »

« C’est vrai. À ce stade, nous devons simplement accepter qu’ils soient déjà là. Je dirais que le problème à considérer maintenant est… comment devrions-nous les traiter ? »

« Oui. Cependant, je suis sûr que notre capture de la ville est imminente. Si nous pouvons le faire maintenant, je préfère le faire… »

En s’éloignant, Fagrahvél s’était tournée vers la ville de Vígríðr.

« Sieg Reginarch ! Sieg Reginarch ! »

Même sans tendre l’oreille, les voix des personnes louant avec zèle leur seigneur pouvaient être entendues au loin.

Malgré le fait que leur ville soit complètement encerclée et isolée, ils semblaient avoir appris que la force principale du Clan de l’Acier était arrivée pour les sauver.

« Je pense que ça pourrait être une tâche difficile maintenant. Les soldats de la ville ont complètement retrouvé leur énergie. »

« … En effet. »

Fagrahvél expira brusquement, semblant quelque peu impressionnée, puis hocha la tête.

Lors d’un siège prolongé, il était souvent impossible de savoir combien de temps la partie défenderesse devra tenir sous un lourd verrouillage.

Dans ces conditions, il serait beaucoup plus facile de leur briser le moral.

Cependant, s’ils savaient que tout ce qu’ils avaient à faire était de tenir une demi-journée de plus, alors on pouvait être sûr qu’ils y parviendraient en résistant jusqu’à ce moment avec chaque once de force qu’ils pouvaient rassembler.

Ce n’était pas une tâche facile de briser cet esprit par la seule force pure.

En effet, si une telle chose était possible, il n’y avait qu’un seul moyen de l’accomplir maintenant…

« Qu’en est-il de la puissance de votre rune ? Si vous l’utilisiez comme vous l’avez fait à Dauwe, cela changerait-il les choses ? »

Sígismund avait adressé la question à Fagrahvél avec attention, avec des yeux qui semblaient chercher des informations dans sa réponse.

Le Clan du Croc et le Clan de l’Épée partageaient une frontière. Bien que l’on puisse qualifier de telles actions d’un peu prématurées dans cette situation, c’était un peu de préparation de sa part pour l’avenir, après la défaite du Clan de l’Acier.

C’était certainement opportuniste, ce qui était approprié, car il était le dirigeant d’une nation, après tout.

« Il est certainement vrai que si j’utilise ma rune, nous pouvons prendre Vígríðr. Cependant, son pouvoir draine une quantité excessive d’énergie à chaque utilisation. Si je l’utilise maintenant, vous pouvez être sûr que je ne pourrai pas l’utiliser pendant la bataille cruciale contre l’armée du Clan de l’Acier. »

Fagrahvél n’avait pas essayé de cacher sa propre faiblesse, la révélant à tous sur le champ.

Bára ne pouvait s’empêcher de rouler les yeux en signe d’exaspération, mais elle savait que c’était exactement le genre d’individu qu’était Fagrahvél.

L’ordre du Þjóðann Sigrdrífa était de soumettre le Clan de l’Acier, et Fagrahvél exécuterait cet ordre.

Pour l’instant, il n’y avait sûrement rien d’autre dans son esprit.

Fagrahvél avait toujours été honnête, toujours sérieuse dans ses efforts, et avait toujours refusé les faux-semblants.

Et c’est exactement pour cela que je dois rester à ses côtés et la soutenir, se dit Bára avec un petit rire.

« En tant que votre stratège, je voudrais vous proposer que plutôt que de préparer la bataille ici, je pense qu’il serait préférable de lancer notre attaque contre eux dès maintenant. »

« Qu’est-ce que vous voulez dire ? » demanda Sígismund, avec de la pression derrière son regard.

Il avait probablement encore voulu obtenir un peu plus d’informations sur le pouvoir de Fagrahvél.

« Il est vrai que, même pour moi, l’arrivée de l’armée du Clan de l’Acier ici était inattendue. Cependant, s’ils ont voyagé jusqu’ici aussi vite qu’ils l’ont fait, cela signifie aussi qu’ils devaient être épuisés par la marche. »

« Hm, oui, c’est tout à fait raisonnable de le supposer. » Fagrahvél avait approuvé en hochant la tête.

« Plutôt que de leur laisser une chance de se reposer, je suggère que nous les attaquions maintenant pendant qu’ils sont encore faibles. »

« C’est tout à fait logique. Je suis enclin à suivre son conseil. Y a-t-il des objections à cela ? »

Fagrahvél avait jeté un regard de gauche à droite sur les visages des généraux réunis.

Une fois de plus, c’était Sígismund qui avait pris la parole.

« Et pour Vígríðr ? Si nous les ignorons, ils pourraient finir par nous prendre en tenaille. »

« Si nous laissons environ cinq mille soldats pour les occuper, je ne pense pas qu’ils seront un problème. »

« Dans ce cas, j’assumerai ce rôle. »

Le patriarche du Clan des Nuages, Gerhard, avait levé la main.

***

Partie 4

« Cet homme masqué, Hveðrungr… Lui et moi avons quelques histoires en commun. Je pense que c’est le bon moment pour lui montrer qui est le vrai chef de Miðgarðr. »

« Je crois que la tâche sera en sécurité entre vos mains, » dit Fagrahvél. « Seigneur Sígismund, êtes-vous également d’accord avec cet arrangement ? »

« … Bien sûr. »

« Y a-t-il d’autres objections ? … Il semblerait que non. »

Avec cette confirmation, Fagrahvél s’était levée.

D’un geste de la main, elle déclara d’une voix forte : « Nous allons maintenant déplacer nos forces pour frapper l’armée du Clan de l’Acier ! Ce sera notre bataille la plus cruciale. Je compte sur vous tous pour vous battre vaillamment avec tout ce que vous avez ! »

« Une masse de soldats a été repérée s’approchant directement devant nous ! Leur nombre est estimé à environ dix mille ! On pense qu’il s’agit du corps principal de l’armée du Clan de l’Acier ! »

« Donc, comme le disait l’information d’Alexis. Dix mille… »

Ignorant les cris rauques du messager, Fagrahvél avait réfléchi à la signification de l’information sans ouvrir les yeux.

En termes de nombre de troupes, l’Alliance des Clans Anti-Acier avait toujours un avantage écrasant.

Cependant, leurs ennemis, le Clan de l’Acier, avaient une longue histoire de triomphe sur des armées aux effectifs supérieurs aux leurs. Le Clan du Sabot, le Clan de la Foudre, le Clan de la Panthère… Ils avaient étendu leur pouvoir et leur influence grâce à des victoires qui avaient renversé de tels désavantages.

Ils n’étaient en aucun cas un ennemi à prendre à la légère.

Inspire… expire. Inspire… expire.

Fagrahvél s’était concentrée sur sa respiration, calmant son esprit.

On lui avait confié la vie de ses soldats. Elle devait garder un esprit calme, ou elle risquait de laisser perdre une bataille gagnable.

La victoire ou la défaite de la bataille à venir serait décidée par les ordres qu’elle donnerait en tant que commandante de cette armée.

« Très bien, commençons comme prévu. Déployez les troupes en formation d’oiseau ! »

Quelques instants plus tard, les armées de l’Alliance des Clans Anti-Acier et du Clan de l’Acier s’étaient rencontrées et s’étaient engagées sur les champs justes à l’est de la ville de Vígríðr.

Le Clan de l’Acier avait été le premier à prendre de l’avance.

« C’est comme avec ces combattants de la cavalerie. Ils tirent des flèches qui peuvent nous atteindre depuis l’extérieur de notre propre portée. Ils sont juste si ennuyeux. »

« En effet, ils le sont, » avait convenu Fagrahvél, en jetant un regard noir.

Il n’y avait rien qu’ils puissent vraiment faire, mais quand même, être attaqué de cette façon, sans avoir de contre-attaque significative à leur disposition, et ne pouvant que serrer les dents pendant que leurs hommes étaient fauchés étaient une expérience assez désagréable.

« Cependant, c’est quelque chose que nous avons déjà pris en compte. Continuez l’avance ! »

S’ils pouvaient réduire la distance et commencer un combat à bout portant, l’Alliance des Clans Anti-Acier aurait un avantage de quinze mille hommes.

Alors, ils seraient capables de tourner les choses en leur faveur…

… Du moins, c’est ce qui aurait dû se passer, mais alors que les troupes de Fagrahvél enduraient les attaques unilatérales, et que les deux armées arrivaient enfin à portée de combat au corps à corps, c’était encore les troupes de l’Alliance des Clans Anti-Acier qui s’étaient retrouvées repoussées.

« Je comprends maintenant. En utilisant ces lances absurdement longues et cette formation serrée, ils peuvent encore infliger des dommages unilatéraux sans permettre à leurs adversaires d’avancer. C’est vraiment intelligent. »

Bára avait hoché la tête pour elle-même, impressionnée.

Il s’agissait de la formation de la phalange macédonienne à longues lances, que Yuuto avait dérivée de son étude de l’histoire militaire. S’il était vrai que pendant les guerres de Yuuto avec le Clan de la Foudre et le Clan de la Panthère, elle n’avait pas été aussi efficace, elle restait une tactique datant de plus de mille ans dans le futur par rapport à notre époque. Ces armes et ces formations serrées étaient révolutionnaires sur les champs de bataille d’ici.

En revanche, les soldats de l’Alliance des Clans Anti-Acier étaient encore équipés d’armes et d’armures en bronze, et ils n’étaient pas entraînés à combattre en formation serrée et coordonnée. Une fois en mêlée, leurs soldats se battaient individuellement comme ils l’entendaient.

Indépendamment de toute supériorité numérique, la différence de puissance de combat entre les deux camps était évidente.

« Je vois. C’est puissant. Mais, avec la longueur et la lourdeur de ces lances, ils auront sûrement du mal à tourner et à changer de direction. »

En quelques brefs instants d’observation, Fagrahvél avait analysé les forces et les faiblesses de la tactique de son ennemi.

Les capacités de Fagrahvél étaient, bien entendu, loin de se limiter au pouvoir qu’elle exerçait à travers Gjallarhorn. Elle était extrêmement capable en tant que commandante, comme ses observations rapides l’avaient prouvé.

Elle s’était immédiatement déplacée pour donner son prochain ordre.

« Très bien, faites sonner les gongs et donnez le signal aux ailes droite et gauche de commencer leur attaque ! »

La « formation d’oiseaux » — c’était une nouvelle formation que Bára avait conçue, qui utilisait la force d’une grande armée.

L’armée était divisée en trois groupes, avec quinze mille personnes au centre, et cinq mille personnes chacune en formation « aile » à gauche et à droite, en angle comme les côtés d’un triangle pointant vers l’arrière.

Les ailes gauche et droite devaient se mettre en position sans se faire remarquer, puis attendre tranquillement que les forces ennemies les dépassent et engagent le combat avec les soldats du groupe central.

Puis, pendant que l’ennemi était maintenu en place, les ailes gauche et droite entraient en action et attaquaient par-derrière, descendant sur les flancs arrière gauche et droit, les piégeant pour qu’ils puissent être facilement éliminés.

Alors que les groupes de gauche et de droite se rapprochaient pour attaquer, leurs trajectoires donnaient l’apparence d’un oiseau battant des ailes, d’où le nom de cette formation particulière.

Grâce à la « vue » de Hárbarth, Bára pouvait obtenir des informations constantes et détaillées sur la position et la route exactes de ses ennemis, ce qui lui permettait de diviser et d’utiliser si efficacement une armée d’une telle ampleur. C’était, en un mot, une stratégie qui garantissait la victoire.

Dans les ères ultérieures de l’histoire, il y avait eu des exemples de tactiques utilisant des formations similaires, comme « l’embuscade des dix côtés » de Takenaka Hanbei, et la tactique du pêcheur et du bandit qui avait été conçue et utilisée de manière experte par Shimazu Yoshihisa et le clan Shimazu, qui contrôlait la région de Satsuma. Cependant, on pouvait certainement dire qu’il s’agissait d’une tactique extrêmement avancée et nouvelle par rapport aux normes de l’époque d’Yggdrasil.

Cependant, malheureusement pour Bára, l’ennemi auquel elle était confrontée surpassait de loin ce type d’esprit incroyable.

Grâce à Bömburr, le vice-capitaine des forces spéciales de Múspell, le patriarche du Clan de l’Acier Suoh-Yuuto avait déjà reçu un rapport l’informant du fait que l’Alliance des Clans Anti-Acier avait une méthode pour connaître la position et les mouvements précis de leurs ennemis.

Il avait déjà deviné qu’ils allaient tendre une embuscade à ses forces en utilisant cette information, comme ils l’avaient fait contre le régiment de cavalerie indépendant.

Et, plus que tout, Yuuto était un homme qui connaissait les stratégies militaires d’un lointain avenir.

Il avait déjà préparé de solides contre-mesures.

Alors que Bára continuait à réfléchir à ses options, le grondement sourd des chariots du Clan de l’Acier se faisait entendre au loin, ainsi qu’un grand nombre de bruits sourds. Ceux-ci, en particulier, étaient un son inhabituel ici à Yggdrasil.

« Un message vient de nous parvenir de l’aile gauche ! L’ennemi a rassemblé des groupes de chariots en cercle, formant un mur avec les chariots ! Ils utilisent aussi une sorte de sorcellerie qui jette du feu et fait un bruit terrible ! On ne peut pas s’approcher d’eux ! »

« Il y a un rapport similaire venant de l’aile droite ! »

« Ohhh, alors ils utilisent ce truc… » Bára avait gémi en fronçant les sourcils.

« Je suppose que c’est l’arme que les combattants à cheval ont utilisée la nuit où vous les avez combattus pour la première fois — celle qui a forcé les barrières de la route, » avait ajouté Fagrahvél avec amertume.

Les armes étranges et inconnues se succédaient chez ces ennemis, comme s’il s’agissait d’une démonstration.

Et qui plus est, chacune d’entre elles était puissante en soi.

« Nous ne pouvons pas arrêter l’élan de l’ennemi ! À ce rythme, nous allons… ! » Le messager, paniqué, s’interrompit, ne pouvant se résoudre à terminer sa phrase.

Pendant que cette conversation se déroulait, ils poussaient de plus en plus loin dans la formation centrale de l’Alliance des Clans Anti-Acier.

La puissance derrière cette charge vers l’avant était terrifiante.

Les combattants d’élite du Clan de l’Épée n’avaient même pas pu les ralentir.

Au rythme où allaient les choses, ce ne sera qu’une question de temps avant qu’ils ne se frayent un chemin jusqu’à la formation du commandant.

« La formation d’oiseaux était une tactique sans faille, mais ils l’ont vaincue si facilement… »

« Même avec une telle différence de nombres, nous ne pouvons guère opposer de résistance… »

La force de leur ennemi était si écrasante que même Fagrahvél et Bára avaient ressenti l’envie de lever les mains en signe d’incrédulité.

Cela ressemblait à un combat entre un adulte et un petit enfant.

Non, c’était peut-être encore plus pitoyable que ça. Ils avaient attaqué de trois côtés, après tout.

Et, même si trois petits enfants essayaient ensemble d’attaquer un homme adulte, ça ne ferait pas un grand concours.

Peu importe s’ils parviennent à localiser les mouvements de leur ennemi, et peu importe s’ils trouvaient une tactique intelligente à utiliser — la victoire restait impossible.

La différence de force entre eux était trop grande.

Un enfant ne pourrait pas vaincre un adulte à mains nues.

Pas sans une arme blanche, pas sans quelque chose pour égaliser les chances.

« Maître, je ne voulais vraiment pas que tu aies à utiliser ton pouvoir alors que tu n’es pas encore complètement guéri, » dit Bára, le regret dans la voix. « Mais j’ai bien peur qu’il semble que nous n’ayons plus ce luxe. »

Fagrahvél avait hoché la tête. « Oui, je le sais ! »

C’était donc le pouvoir du Ténébreux.

Les choses dont parlait la prophétie semblaient d’autant plus crédibles à la lumière des événements qui se déroulaient actuellement.

En effet, avec une telle puissance, il n’y avait aucun doute qu’il pouvait conquérir tout Yggdrasil.

« Je ne peux pas lui permettre de détruire l’empire ! Sa Majesté… Je la protégerai ! »

Elle avait laissé échapper un cri de ralliement presque guttural en rassemblant toute la puissance qu’elle pouvait obtenir.

« Entendez-moi, soldats de l’armée de l’Alliance des Clans Anti-Acier ! Entendez-moi, et répondez à mon appel à la guerre ! Gjallarhorn ! »

***

Partie 5

« Ça se passe bien… jusqu’à présent. »

Yuuto murmura à lui-même en regardant l’état actuel de la bataille.

À ce moment-là, il semblait que tout ce qui devait être fait avait été fait et que les résultats étaient bons.

L’ordre d’assujettissement impérial contre le Clan de l’Acier avait retourné tous ses voisins contre lui du jour au lendemain, et après avoir divisé son armée pour se défendre contre les menaces sur de multiples autres fronts, Yuuto devait maintenant affronter une armée combinée formée de l’alliance de cinq puissants clans, en utilisant seulement ce qui lui restait.

Même Yuuto avait tremblé de peur à l’approche de cette bataille.

Mais une fois que les choses avaient enfin commencé, les ennemis qu’il avait affrontés lui avaient semblé être un peu plus que des parasites en termes de résistance.

C’était exactement ce à quoi faisait référence l’expression « battre quelqu’un à plate couture ».

« Quand les choses se passent aussi bien, cela semble presque décevant, n’est-ce pas ? » fit remarquer Félicia. Il semblerait qu’elle ait eu la même impression.

En y repensant, cela faisait plus de deux ans maintenant que Yuuto était arrivé au pouvoir en tant que patriarche de clan. Durant cette période, il avait continuellement pensé et conçu de nouvelles armes et tactiques, les mettant en œuvre dans son armée et renforçant sa puissance militaire.

Contre le Clan de l’Acier, qui se battait avec des tactiques et des équipements aussi avancés, novateurs et logiques, il n’y avait tout simplement aucune raison pour qu’une armée de cette époque se battant encore avec des armes en bronze et des chars comme technologie la plus avancée puisse espérer se comparer.

On pourrait dire que les résultats d’un tel conflit ne devraient être qu’évidents, mais…

« Je serais heureux si la victoire était facile pour nous, mais je dirais qu’il y a neuf chances sur dix pour que cela ne se passe pas comme ça. »

Yuuto n’avait pas relâché sa garde le moins du monde.

Avec une expression sévère, Félicia avait acquiescé.

« Des soldats qui n’ont aucune peur de la mort et qui ignorent leurs blessures, chacun d’entre eux se battant avec la force farouche du plus grand guerrier… ou comme les membres d’une armée de morts vivants. C’est cela qui t’inquiète encore, oui ? »

« Exact. Notre adversaire n’a pas encore montré toutes ses cartes. »

Dans le cadre de la collecte d’informations qu’il avait effectuée avant son arrivée, il avait parcouru les rapports sur ce qui s’était passé pendant la bataille du château de Dauwe, et aussi pendant les batailles que le régiment de cavalerie indépendant avait menées par la suite.

Il était sûr qu’il n’y avait aucune chance que ce combat se termine sans incident.

« … ! » Yuuto s’était crispé. « L’air vient de changer. »

Félicia hocha lentement et sérieusement la tête. « … Oui, tu as raison. Il a effectivement changé à l’instant. »

Ils ne parlaient pas de quelque chose d’aussi simple qu’un changement de direction du vent.

C’était plutôt comme si l’énergie qui imprégnait l’air du champ de bataille — l’intention de tuer et l’esprit combatif des combattants, des choses de cette nature — avait changé, s’était gonflée et était devenue beaucoup plus lourde.

« Je suis tout de même impressionnée que tu aies pu percevoir cela, Grand Frère. Grâce à ma maîtrise des magies galdr et seiðr, je suis sensible à de tels changements d’énergie, mais… pardonne mon impolitesse, Grand Frère, mais vu que tu n’es pas un Einherjar, je ne pensais pas que tu serais capable de sentir quelque chose comme ça. »

« Hein ? Je l’ai ressenti assez clairement, pourtant. C’était comme si… tout d’un coup, tous mes cheveux se dressaient sur la tête, presque comme la chair de poule. »

Les personnes ayant un certain niveau de compétence dans un domaine particulier étaient connues pour développer une certaine « intuition » ou un sentiment instinctif qui entre parfois en jeu.

C’était bien plus important qu’une simple supposition basée sur l’émotion.

Cette « intuition » était fonction de l’expérience de la personne concernée.

Dans le cas de Yuuto, malgré son jeune âge, il avait accumulé une grande quantité d’expérience sur le champ de bataille.

Peut-être était-ce aussi en partie à cause du potentiel latent qu’il possédait déjà, mais cette expérience lui avait permis de sentir un changement subtil dans l’atmosphère qu’une personne ordinaire n’aurait pas pu déceler.

« Envoie un avertissement à la ligne de front en leur disant de ne pas baisser leurs gardes. Dis-leur que le vrai combat commence maintenant ! »

Ce n’est que quelques instants plus tard que l’« intuition » de Yuuto s’était révélée exacte.

Pendant ce temps, sur les lignes de front…

« Haha ! Ces gars-là sont à peine en train de se battre ! »

« Oui, mais tu sais, n’était-ce pas comme ça aussi au début ? »

« Hein ? Oui, maintenant que tu le dis. Je suppose que c’est plutôt que toutes nos batailles les plus récentes étaient les plus bizarres ! »

« C’est vrai. Je veux dire, nous avons affronté Steinþórr, le Tigre affamé de combats, et son armée de berserkers. Quel monstre… ! Puis c’était ce Grímnir, le Seigneur Masqué, et sa bande de cavaliers armés qui apparaissaient et disparaissaient quand ils le voulaient. »

« Hé ! Mangeurs de paroles ! On est en plein milieu d’une bataille, là ! Fermez vos gueules et concentrez-vous ! »

« Oh, merde ! »

Après s’être fait engueuler par leur chef d’équipe, les deux soldats bavards se concentrèrent à nouveau sur le travail qui les attendait : ils poussaient leurs longues lances vers l’ennemi.

Ils se battaient avec leur vie en jeu. Il n’y avait aucune excuse pour se relâcher.

Bien sûr, seule une infime partie des soldats du Clan de l’Acier était aussi détendue que ces deux-là à ce sujet. Néanmoins, le fait que certains d’entre eux puissent se permettre d’adopter cette attitude montrait à quel point l’anticipation d’une victoire facile était omniprésente dans leurs rangs.

Cependant, cela avait rapidement changé.

Malgré le fait que leurs corps venaient d’être embrochés, les soldats les plus avancés de l’armée de l’Alliance des Clans Anti-Acier s’étaient tous élancés en avant sans broncher, et s’étaient agrippés fermement aux manches des lances.

Ils l’avaient fait en dépit de blessures manifestement mortelles, ou même, dans le meilleur des cas, de blessures si nombreuses et si douloureuses qu’ils auraient dû être incapables de faire autre chose que de se tordre de douleur sur le sol.

Il y a clairement quelque chose qui ne va pas ici.

« Ggh... Je, je ne peux pas bouger ma lance ! »

« Qu… oh, oh merde ! »

« N-Non, non, ne vous approchez pas plus ! Guaah ! »

Maintenant que les lances étaient immobilisées, les autres soldats de l’Alliance des Clans Anti-Acier avaient avancé à travers les espaces qui les séparaient, réduisant la distance restante. Enfin, ils étaient arrivés à portée de combat et avaient enfoncé leurs lances dans les soldats du Clan de l’Acier.

« Merde… ! »

L’un des lanciers du Clan de l’Acier, dans la rangée suivante, avait maudit à haute voix et avait plongé sa longue lance dans la poitrine d’un soldat de l’Alliance, se vengeant de la mort de son camarade.

Cependant…

Ce soldat avait complètement ignoré la lance qui lui avait transpercé le torse et avait couru en avant, enfonçant sa propre lance dans le cou du soldat du Clan de l’Acier, se vengeant de sa propre mort dans les dernières secondes avant qu’elle ne l’emporte.

« Qu’est-ce que c’est que ces gens !? »

« Ils sont comme ces berserkers du Clan de la Foudre ! »

« Non, ces gars-là sont encore plus fous ! »

Même en cas de défaite, ils utilisaient une force invisible pour sceller les mouvements de leurs attaquants du Clan de l’Acier, ou même pour les tuer carrément dans une sorte d’échange équivalent de vie.

Contre des ennemis comme ceux-là, même se battre pour sa vie était inutile.

Les soldats du Clan de l’Acier avaient hoché la tête alors qu’une peur profonde et insondable commençait à s’emparer d’eux.

+++

« Haah... haah... khh ! »

Le corps de Fagrahvél menaçait de basculer, mais elle parvint à peine à rester sur ses pieds en plantant son fourreau au sol et en s’appuyant lourdement dessus.

Comme une bouteille de calebasse dont le fond aurait été soudainement troué, elle pouvait sentir la force s’écouler d’elle à une vitesse terrible.

Aaaaaaaaaaaaaaa

Bien qu’elle ait été cinq mille de moins que la dernière fois, elle avait quand même utilisé le pouvoir de Gjallarhorn pour forcer le courage et le moral de vingt-cinq mille soldats au maximum, en tirant toute leur force latente. Par nature, c’était simplement une œuvre magique trop puissante pour être alimentée par l’ásmegin d’une seule personne.

« Fagra... Maître, vas-tu bien ? »

Bára s’était précipitée vers Fagrahvél et lui avait offert son épaule.

Tout à l’heure, elle avait failli s’adresser à Fagrahvél par son nom, comme elle le faisait lorsqu’elles étaient enfants à l’école ensemble. Une telle maladresse ne lui ressemblait pas. Peut-être était-ce une indication de la gravité de l’état de Fagrahvél à ses yeux.

Fagrahvél elle-même ne pouvait que constater la puissance de la réaction cette fois-ci.

Elle avait utilisé son pouvoir à nouveau avant d’avoir pu récupérer complètement des effets de sa dernière utilisation.

Si elle devait relâcher son emprise sur la conscience, ne serait-ce qu’une fraction de seconde en ce moment, elle se perdrait sûrement dans le brouillard blanc qui menaçait d’engloutir son esprit.

Pour être honnête, même utiliser son fourreau comme une canne pour se soutenir devenait rapidement trop douloureux pour tenir le coup.

 

 

Si elle laissait Bára la soutenir, elle n’aurait pas besoin d’utiliser sa propre force déclinante pour rester sur ses pieds, et cela soulagerait une grande partie de la douleur.

Cependant, Fagrahvél avait serré les dents et avait repoussé Bára.

« Je n’ai pas besoin de ça… ! Qui voudrait suivre au service d’un commandant… haah… hahh… qui est si faible qu’il ne peut même pas se tenir sur ses deux pieds sans s’appuyer sur l’épaule de quelqu’un d’autre !? »

Haletant pour respirer, Fagrahvél avait lutté pour faire sortir les mots.

Cela n’avait servi à rien. C’était seulement pour satisfaire son propre ego.

Elle le savait.

Le moral des soldats avait déjà été relevé au-delà de toute limite raisonnable grâce au pouvoir de Gjallarhorn, l’appel à la guerre. Quelque chose comme ça ne les affecterait pas le moins du monde, que ce soit positivement ou négativement.

Elle le savait.

Malgré tout, c’était elle qui avait forcé cette poussée de moral en eux, les envoyant se battre sans peur dans une situation qui signifiait une mort certaine pour beaucoup d’entre eux. Comment la personne qui leur avait fait ça peut-elle être autorisée à prendre la voie la plus facile ?

« Honnêtement… tu es tellement têtue. Ta fierté va te tuer, tu le sais. »

« Heh, si je meurs en restant fidèle à ma fierté, je serai satisfaite… ngh ! »

Elle avait compris que c’était l’une des parties les plus désagréables de son caractère.

Cependant, elle n’avait pas non plus envie de vivre sa vie en faisant des compromis sur ce qu’elle était. Elle n’était tout simplement pas une personne flexible.

« Eh bien, peut-être que cette obstination a été utile cette fois-ci. Il semble que les soldats ont empêché l’ennemi d’avancer plus loin. Ils devraient être en mesure de tenir le coup pendant un petit moment. »

« Haha, même après avoir utilisé cette puissance… hahh… c’est tout ce qu’ils peuvent faire juste pour tenir un peu. Le Clan de l’Acier est vraiment… un ennemi terrifiant… ! »

Il semblerait que l’écart de puissance entre les soldats des deux forces était simplement trop important pour être surmonté.

La vérité est que, avant cela, une partie de Fagrahvél avait cru que peut-être il n’y avait personne d’autre dans ce monde capable de la vaincre.

Elle avait Bára comme stratège militaire, et des soldats qui n’avaient aucune faiblesse au combat. Le Clan de l’Épée semblait se vanter d’avoir la plus forte armée de tout Yggdrasil, et Fagrahvél n’avait pas jugé bon d’en douter.

Cette fierté avait été impitoyablement mise en lambeaux par cette guerre.

Les tactiques de fuite de l’unité de cavalerie du Clan de l’Acier ne lui avaient laissé d’autre choix que de s’appuyer sur le pouvoir de son ennemi détesté, Hárbarth.

Et même dans cette bataille actuelle, les soldats dotés du pouvoir de Gjallarhorn repoussaient l’ennemi, mais s’il n’y avait eu que les soldats de l’armée du Clan de l’Épée, ils auraient été complètement envahis à l’heure actuelle.

En tant que général individuel, elle avait complètement perdu face à son adversaire.

Cependant, en ce moment, Fagrahvél était à la tête d’une alliance, une armée combinée de cinq nations.

Le principe le plus simple de la guerre était en jeu ici, le plus fondamental des principes fondamentaux.

Le plus grand facteur d’influence sur le déroulement d’une bataille était la différence de nombre.

***

Partie 6

« Ça vient, ça vient, ça vient, ça vient — ! »

Erna, chef de l’escadron d’assaut spécial du Clan de l’Épée, qui avait été chargé de l’aile droite de l’armée de l’Alliance des Clans Anti-Acier, s’était penchée en arrière et avait crié vers les cieux.

Elle avait senti un puissant esprit de combat se développer dans son cœur.

Elle avait senti une force débordante dans chaque partie de son corps.

Elle avait l’impression qu’elle pouvait gagner contre n’importe qui en ce moment.

« Woooo ! Ernaaa ! Je suis aussi prête à y aller ! »

Hrönn hurla également d’excitation et positionna son arme ver le haut — une lance géante qui ne correspondait pas du tout à sa petite taille.

Il n’y avait plus aucune trace d’infantilisme en elle. En ce moment, elle ressemblait à une bête affamée prête à trouver et à dévorer sa proie.

« Vous êtes toutes les deux plus simples d’esprit que jamais. Vous vous perdez toujours dans le pouvoir du Maître. »

Thír porta une main à sa joue et laissa échapper un soupir déçu.

Cependant, malgré ce qu’elle disait, ses yeux abritaient également une lumière dangereuse, presque violemment affamée.

Sa langue était sortie, léchant sa lèvre supérieure.

« Rappelez-vous juste que ce pouvoir est une arme à double tranchant pour son utilisateur. C’est pourquoi nous devons terminer les choses ici aussi vite que possible. Allez, vous deux ! »

« Bien ! »

Les trois Einherjars avaient mené l’aile droite à la charge et, comme une vague, ils s’étaient écrasés sur le flanc gauche de l’armée du Clan de l’Acier.

« Hm, j’ai l’impression que mon cœur est porté par une puissante excitation. Je me sens aussi physiquement énergisé, comme si j’avais accès à un puits de force sans fond. Mais, honnêtement, je n’aime pas ça. »

Au même moment, dans l’aile gauche, Sígismund fixait son poing serré, l’expression tordue d’agacement.

Il était le patriarche du Clan du Croc, le fier dirigeant de sa nation.

Il était destiné à faire en sorte que les gens le servent, pas à suivre les ordres de quelqu’un d’autre.

Et pourtant, il y avait une puissance qui agissait sur son cœur, le poussant à se battre indépendamment de sa propre volonté.

Il ne pouvait penser à rien de plus vexant que ça.

Grâce à la volonté de fer de Sígismund et à sa fierté inébranlable en tant que patriarche du clan, il avait pu garder la tête froide, mais on ne pouvait pas en dire autant des soldats sous son commandement.

« Wôwaaah ! Dépêchez-vous et laissez-moi me battre ! »

« Tuez, tuez, tuez ! »

« Je vais tuer tous les membres du Clan de l’Acier jusqu’au dernier ! »

Ce n’était plus un simple esprit de combat qui les animait, mais une violente soif de sang qui semblait jaillir d’eux.

Il était difficile de croire qu’il s’agissait des mêmes hommes qui, il y a quelques instants à peine, tremblaient de peur devant les bombes de tonnerre que le Clan de l’Acier leur lançait.

Ils étaient, de l’avis général, une armée totalement différente en ce moment.

Cela aussi avait agacé Sígismund.

C’étaient ses enfants sous serment, et leurs enfants sous serment.

En tant que patriarche, voir leurs cœurs si facilement manipulés par une puissance extérieure était tout sauf agréable.

« Pourtant, il est indéniable que nos chances de victoire sont incroyablement minces sans compter sur les effets de ce “pouvoir” ridicule. Tch… Je déteste tout ce qui se passe ici. »

Sígismund maudit amèrement et fit claquer sa langue en signe de frustration.

Même s’il ne l’admettait pas à voix haute, il était aussi incroyablement agacé par la façon dont il avait été amené à voir, grâce à cette guerre, à quel point il avait surestimé son importance par sa propre ignorance.

Le régénérateur du Clan de l’Acier, Suoh-Yuuto.

Le patriarche du Clan de l’Épée, Fagrahvél.

Comparé à eux, Sígismund était insignifiant.

Cette pensée continuait à remonter à la surface de son esprit, malgré tous ses efforts pour essayer de l’enfouir.

Il secoua violemment la tête pour faire le vide dans son esprit et cria à ses hommes.

« Très bien, les gars, soyez tous attentifs ! Nous allons montrer au Clan de l’Acier à quel point les guerriers du Clan du Croc sont terrifiants ! »

« Yeeeaaaaaahhhh ! »

Comme s’ils n’attendaient que ces mots, les soldats du Clan du Croc s’étaient mis à pousser des cris de guerre et s’étaient lancés vers le flanc des forces du Clan de l’Acier.

Une flèche s’était envolée depuis les lignes du Clan de l’Acier, transportant une bombe de tonnerre qui avait explosé en s’approchant d’eux.

Plusieurs personnes se trouvant près du cœur de l’explosion avaient été projetées par le souffle, souffrant de brûlures douloureuses.

Cependant, c’était le seul dommage qu’ils avaient subi. À ce stade, ce n’était rien pour eux.

Les autres soldats ne s’étaient pas montrés inquiets et avaient continué à se précipiter en avant, déferlant comme une vague vers les lignes du Clan de l’Acier.

Le son d’une autre volée avait rempli l’air. Cette fois, une multitude de flèches volaient directement sur eux.

Il s’agissait de flèches au pouvoir de pénétration si puissant qu’elles pouvaient traverser entièrement des boucliers en bois sans grande résistance.

Ces flèches terriblement destructrices avaient été tirées sur eux sans pause.

Cependant, même si ces flèches leur transperçaient le corps en plusieurs endroits, les soldats continuaient leur charge sans broncher.

Bien sûr, ceux qui avaient subi des blessures mortelles n’avaient pas pu continuer à courir très longtemps. Ils avaient fini par s’effondrer sur le sol, sans bouger.

Cependant, jusqu’à ce dernier instant, ils avaient dépensé leur dernière énergie à servir de bouclier humain aux soldats qui couraient derrière eux.

Une fois qu’ils avaient traversé la tempête de flèches, les soldats avaient alors été confrontés à un mur fait de métal sombre qui brillait faiblement dans la lumière.

Le fait que leurs ennemis aient préparé une chose aussi incroyable était un peu impressionnant. Mais même ainsi, cette barrière n’était pas du tout haute comparée aux murs du château de Dauwe.

Les soldats du Clan du Croc s’y précipitèrent et utilisèrent le dos des hommes devant eux comme point d’appui pour grimper et saisir le rebord supérieur. L’un après l’autre, ils avaient escaladé le mur de métal.

À l’instant où l’un d’entre eux avait remonté son corps sur le rebord, une lance avait jailli de derrière le mur, le poignardant et le renvoyant au sol.

Pour les soldats du Clan du Croc d’il y a quelques minutes, après avoir été si sévèrement repoussés par ces défenses de fer, ils se seraient demandés comment ils pourraient passer, et auraient probablement eu le moral brisé.

Cependant, à cet instant, aucun d’entre eux n’avait montré une once d’hésitation ou de doute.

Le Clan du Croc n’avait cessé de poursuivre son attaque.

« Argh… Ok, ça pourrait être un peu mauvais. »

Yuuto avait froncé les sourcils et avait gémi.

Techniquement, l’armée du Clan de l’Acier était toujours en train d’avancer, dominant la compétition entre les deux camps… mais quelque chose semblait très étrange ici.

Dans la guerre, la victoire et la défaite étaient déterminées par l’élan de la bataille.

Ne pas tenir compte des pertes ou des chances écrasantes — refuser de se rendre et se battre courageusement jusqu’au dernier homme — ce genre de situation n’existait pas sur un vrai champ de bataille.

La plupart des soldats de l’armée d’un clan étaient recrutés dans les différents villages et villes agricoles de son territoire.

La loyauté de ces recrues n’était pas vraiment profonde. S’il leur apparaissait que leur camp allait perdre, ils se retournaient brusquement et fuyaient pour sauver leur peau, se dispersant comme des graines de pissenlit au vent.

C’est ce qui est étrange ici — ces conventions ne semblent pas s’appliquer du tout.

Les rangs de l’ennemi ne montraient aucun signe de rupture.

La différence de puissance entre les deux camps était claire comme le jour. Même les hommes les moins expérimentés de leur rang auraient rapidement compris qu’ils n’avaient aucune chance de gagner. Mais aucun d’entre eux ne s’était tourné vers la fuite.

« Bon sang, en fait, ils se défendent encore plus fort qu’avant… ! »

Yuuto recevait rapidement de plus en plus de rapports de ses escouades de première ligne qui affirmaient que les troupes ennemies avaient « changé » d’une certaine manière. Elles se battaient comme si elles avaient été possédées par une sorte d’esprit vengeur.

On aurait dit qu’ils n’étaient même plus humains. Même en l’entendant de seconde main, l’image était étrange d’une manière qui donnait la chair de poule à Yuuto.

Cependant, pour l’instant, il importait peu que Yuuto les trouve dérangeants ou non. Ils représentaient une menace certaine, et il fallait s’en occuper rapidement.

Peu importe combien d’entre eux avaient été tués, ils ne cesseront jamais de venir.

Quelque chose comme ça pourrait facilement user l’esprit d’une personne si ce n’était pas contrôlé.

Pour commencer, l’armée du Clan de l’Acier luttait déjà contre toute la fatigue accumulée au cours de leur marche forcée.

Les encouragements qu’ils avaient reçus avaient remonté leur moral et contribué à leur faire oublier cela, mais c’était comme s’ils étaient retenus par une corde qui avait été tendue. Il y avait de fortes chances que ce moral retombe au moment où quelque chose dans cette bataille les poussait un peu trop fort.

Et, comme si le moment était parfaitement choisi pour ajouter à cette pression, deux autres rapports étaient arrivés avec de très mauvaises nouvelles.

« Seigneur Réginarque ! L’aile droite détachée des forces ennemies a lancé un deuxième assaut sur notre flanc. Même les explosifs n’ont pas été capables de les arrêter cette fois-ci ! »

« C’est la même chose avec leur aile gauche, mon seigneur. Ils ont déjà fait pression jusqu’au Mur des Chariots, et on me dit que nous ne pourrons pas les retenir longtemps si cela continue ! »

« Tch. Alors ça se passe exactement comme je le craignais, » dit Yuuto en claquant la langue en signe de frustration.

La plus grande faiblesse des formations de phalanges était qu’elles étaient vulnérables aux attaques par l’arrière et les côtés.

Afin d’atténuer cette faiblesse, Yuuto avait pris la décision de protéger les flancs de son armée à l’aide de barricades de type « Mur de Chariots », où des soldats sur leurs bords lançaient des bombes tetsuhau pour effrayer et étourdir l’ennemi, tandis que des arbalétriers derrière eux lançaient des flèches en continu en utilisant des tirs de volée à trois rangs.

Cette configuration devait permettre à une petite partie de ses hommes d’empêcher les soldats ennemis de se rapprocher de ses flancs, mais il commençait à être difficile de savoir combien de temps ils seraient capables de maintenir cette situation.

Dans tous les cas, au rythme où allaient les choses, il y avait une très forte probabilité que la formation du Clan de l’Acier soit encerclée — et par la suite écrasée — bien avant qu’elle ne puisse percer la ligne défensive centrale de l’ennemi.

« Grand Frère, si ça continue comme ça, on est foutu ! Que devons-nous... Ah !? »

Avant que Félicia ait pu finir de formuler sa question, elle s’était arrêtée et avait haleté.

L’aura autour de Yuuto s’était transformée.

Chaque fois que Félicia avait été témoin de ce changement et qu’elle avait ressenti la force écrasante de la présence et l’incroyable pression qu’il projetait, elle s’était toujours trouvée incapable de s’empêcher de frissonner — moitié par peur, moitié par plaisir.

Le lion rugissant dans son cœur s’était réveillé. Ici se tenait le futur conquérant de ce monde.

« Il semblerait que je n’ai plus d’autre choix que de devenir sérieux avec eux aussi. »

« Merveilleuses nouvelles ! Il semblerait que l’escouade de Hrönn sur l’aile droite ait enfin réussi à franchir la barricade de chariots de l’ennemi et qu’elle s’enfonce dans leur formation au moment où nous parlons ! »

« Je… Je vois… Donc Hrönn a réussi… dans sa mission. »

Alexis avait livré son rapport avec excitation, et si Fagrahvél n’avait pu répondre qu’entre deux halètements, ce fut avec un léger sourire.

Hrönn était la plus jeune membre des Demoiselles des Vagues, mais même parmi les nombreux guerriers forts et courageux du Clan de l’Épée, elle était, au moins, parmi les trois premiers en termes de valeur au combat.

Alors qu’Erna était une Einherjar dont les pouvoirs étaient concentrés sur l’amélioration de la force de ses jambes, Hrönn était une Einherjar dont les pouvoirs étaient concentrés dans ses bras.

Il est fort probable qu’elle ait utilisé ses bras incroyablement puissants pour ouvrir une brèche dans le mur de chariots de l’ennemi.

Les fortifications étaient faites de chariots, naturellement, ces chariots avaient été amenés sur des roues.

***

Partie 7

Ils étaient mobiles, donc il n’y avait aucune chance qu’une fille aussi forte qu’elle ne soit pas capable de les déplacer par la force.

« Peu importe la solidité du tissu, défaites une couture et tout commence à s’effondrer. C’est juste la nature des choses. Eh bien, eh bien, nous avons en quelque sorte réussi à… »

Avant même que Bára ait pu finir d’exprimer son soulagement, ses mots avaient été coupés.

« Quoi ? Une unité de cavalerie ennemie se rapproche de l’escouade de Hrönn par l’arrière ! » rapporta Alexis, la voix pleine de tension.

« C’est donc maintenant qu’ils ont choisi de faire leur mouvement. » Bára avait fait signe à un soldat messager tout près. « Transmettez un message à l’escouade d’Erna. Dites-lui d’aller renforcer l’escouade de Hrönn, compris ? »

Il s’agissait d’une unité de cavalerie différente de celle de Vígríðr, ce qui signifiait qu’il devait s’agir de l’unité Múspell, connue comme les plus forts combattants du Clan de l’Acier.

Cela signifiait également qu’ils seraient dirigés par leur chef, Sigrún, qui était elle-même connue pour détenir le titre de guerrier le plus fort de tout le Clan de l’Acier — le Mánagarmr.

Dans ce cas, Bára n’avait d’autre choix que d’envoyer les plus forts contre eux.

« Oui, madame ! » Le messager répondit, et se mit à courir aussi vite qu’il le pouvait. Cependant, l’expression inquiète d’Alexis était restée inchangée.

« M-Malheureusement, comme l’unité ennemie est à cheval, elle se déplace beaucoup plus vite que nous. L’escouade de Hrönn a été prise par surprise par-derrière, et l’attaque leur cause pas mal de problèmes… »

« Khh… ! Nous n’avons pas pu réagir à temps… »

Fagrahvél avait craché les mots avec amertume, vaincue par la frustration.

Même si le pouvoir de Hárbarth lui permettait de connaître tous les détails des mouvements de l’armée du Clan de l’Acier, la seule personne à qui il pouvait communiquer directement ces informations était Alexis.

Une fois que Bára et Fagrahvél auraient reçu les informations d’Alexis, elles devraient utiliser les messagers militaires standard pour envoyer des ordres aux endroits appropriés. Naturellement, ces messagers étaient à pied. Il était impossible d’éviter le temps qu’ils mettaient à transmettre ces messages.

« Oh, non ! » s’exclama Alexis d’une voix douloureuse, en plaçant ses deux mains avec regret contre ses joues.

« Qu’est-ce que… c’est maintenant !? »

« Il semblerait qu’à cause de l’attaque soudaine par-derrière, nos forces aient créé une accalmie momentanée dans leur propre assaut, et l’ennemi a exploité cette ouverture. Ils étaient sur le point de rompre il y a quelques instants, mais ils ont renforcé leurs effectifs, repoussé nos forces en dehors de leur barricade, et reconstruit la section percée. »

« Êtes-vous sérieux ? » Les épaules de Bára s’étaient affaissées. « Ils sont juste trop résistants. »

Pendant un instant, les forces de l’Alliance avaient enfin brisé les défenses de l’ennemi, et elle avait été convaincue que la victoire était à portée de main. Ce revirement soudain était d’autant plus décevant.

Cependant, après quelques instants, Alexis s’était soudainement réveillé avec excitation.

« Oh, ohh ! Il semblerait maintenant que les forces de Sígismund, dans notre aile gauche, se soient frayé un chemin au-delà d’une partie du mur d’enceinte et dans le flanc de l’ennemi ! »

« Oh, bon sang ! »

La voix de Bára était également plus brillante. Mais, une fois encore, sa joie fut de courte durée.

« Quoi ? Comment ? »

« C’est quoi, cette fois ? »

Au ton choqué de la voix d’Alexis, Bára pouvait déjà dire que c’était quelque chose qu’elle n’aimerait pas entendre, mais elle devait quand même demander.

« Il semblerait que les soldats du Clan du Croc soient maintenant attaqués sur leur flanc par l’unité de cavalerie de tout à l’heure ! »

« Quoi !? Ces cavaliers n’étaient-ils pas encore en train de combattre l’escouade de Hrönn depuis la droite ? »

« A-Apparemment, la cavalerie ennemie s’est déjà désengagée du combat à cet endroit et, utilisant sa mobilité supérieure, s’est rapidement déplacée pour aider la zone attaquée par les forces de Sígismund. »

« Excusez-moi !? » cria Bára. « Quelles que soient les circonstances, cette réaction est beaucoup trop rapide ! » Elle s’était passé les doigts de ses deux mains dans ses cheveux.

Même Fagrahvél, qui connaissait Bára depuis plus de quinze ans maintenant, ne l’avait jamais vue s’énerver au point de perdre son calme comme ça.

Cependant, Fagrahvél elle-même ressentait exactement la même chose et manquait simplement d’énergie pour être capable de l’exprimer.

Comme précédemment, l’attaque féroce de l’unité de cavalerie ennemie avait fait vaciller l’assaut de l’Armée de l’Alliance, et pendant ce temps, l’Armée du Clan de l’Acier avait bouché le trou dans sa ligne défensive.

Au début, il était tentant de penser qu’il s’agissait d’une malheureuse coïncidence, mais ce schéma s’était répété de nombreuses fois par la suite.

Les défenses de l’armée du Clan de l’Acier semblaient pouvoir être percées, mais elles ne l’avaient jamais été pour de bon.

« Il y a… clairement quelque chose d’étrange dans cette… beaucoup trop… étrange…, » dit Fagrahvél entre deux respirations hagardes.

C’était facile à comprendre, même si c’était difficile de penser à travers le brouillard dans son esprit en ce moment.

Aucun commandant, aussi talentueux ou expérimenté soit-il, ne pouvait connaître parfaitement l’état de toutes les troupes d’une armée entière. C’était particulièrement vrai pour une armée de plus de dix mille hommes. En fait, c’était catégoriquement impossible.

« L’ennemi a percé les défenses sur notre flanc. »

Cette information devait d’abord être relayée par un soldat au commandant, et parcourir cette distance prenait un certain temps.

Le commandant envoyait alors un ordre aux troupes pour qu’elles aillent aider la section en danger, et une fois encore, il fallait du temps pour que cet ordre parvienne aux escouades concernées.

Cependant, le point le plus important était autre chose.

L’unité de cavalerie de l’armée du Clan de l’Acier était détachée, se déplaçant et combattant indépendamment du corps principal de leur armée. Ce serait une chose s’ils ne communiquaient que les informations les plus basiques à l’aide de simples signaux, mais dans ce cas, les ordres envoyés à la cavalerie devaient inclure des détails sur l’emplacement exact de la brèche.

Comment diable ont-ils pu faire ça !?

Ça n’avait aucun sens.

C’était l’armée de l’Alliance qui avait utilisé des pouvoirs surnaturels pour faire ce qui aurait dû être impossible en temps normal, en observant tout sur la disposition et les mouvements de ses ennemis et en déplaçant ses propres troupes en conséquence.

Mais ces ennemis réagissaient encore plus vite que ça ! Et de manière bien efficacement !

« Ont-ils… la capacité de voir le futur… !? »

En fait, c’était comme si le commandant ennemi savait quelle section allait être envahie ensuite et avait envoyé des ordres bien à l’avance. C’était la seule façon de rationaliser cela.

Et chacun de ces ordres était si précis !

Les troupes du Clan de l’Acier s’étaient déplacées pour renforcer les zones qui commençaient à s’affaiblir, et elles s’étaient déplacées sans hésiter pour attaquer tous les petits points vulnérables de la formation de l’armée de l’Alliance à la seconde où ils s’étaient présentés.

Lorsque les forces de l’armée de l’Alliance s’étaient préparées à lancer une contre-attaque, leurs adversaires s’étaient immédiatement retirés et avaient évité de subir des pertes.

On avait dit à Fagrahvél que le chef du Clan de l’Acier était un jeune homme encore adolescent, mais ses performances en tant que commandant correspondaient davantage à celles d’un vieux vétéran rusé ayant de nombreuses années d’expérience.

Son commandement était un mélange parfait de force rigide et de souplesse, comme s’il avait vécu sur le champ de bataille depuis si longtemps que toutes ses nombreuses subtilités lui venaient aussi facilement que la respiration.

« Est-ce vraiment… l’oeuvre d’un humain… !? Ce n’est pas possible… Est-ce qu’il… Ce Suoh-Yuuto serait-il en fait l’incarnation d’un dieu de la guerre… !? »

« C’est Kris. La section du mur de l’escouade Klaes a été percée. »

« J’ai compris. Dans ce cas… Ok, que l’escouade Sveigðir se déplace pour les soutenir ! »

« Compris. »

« Sigrún ! As-tu eu entendu tout ça !? »

« Oui, Père ! »

« Je suis sûr que vous êtes tous épuisés de vous battre dos à dos comme ça, mais pouvez-vous continuer ? »

« Ce ne sera pas un problème ! Mes combattants ne sont pas si faibles que ce niveau de travail les fatiguerait. Je les ai entraînés assez durement pour m’en assurer ! »

« Bon, alors je compte sur vous ! Mais veillez à ce que cette confiance ne vous induise pas en erreur : donne-leur du repos dès que tu en as l’occasion ! »

« Oui, Père ! Maintenant, si tu veux bien m’excuser ! »

« Al ! Comment ça se passe de ton côté ? Pas de problèmes pour l’instant !? »

« Nooope, pour l’instant tout va bien ! »

« D’accord, si quelque chose arrive, fais-le-moi savoir tout de suite. »

Après avoir aboyé un ordre après l’autre en succession rapide, Yuuto avait enfin laissé échapper une longue et profonde respiration, et avait baissé l’émetteur-récepteur de son oreille.

« … Ouf, je suppose que c’est tout pour le moment. »

Il avait déjà utilisé des émetteurs-récepteurs une fois, lors de la bataille de la rivière Körmt, en envoyant quelqu’un espionner les mouvements de l’ennemi et en utilisant ces informations pour déterminer le moment de sa stratégie.

Cependant, il les avait initialement amenés avec lui du Japon moderne à Yggdrasil afin de les utiliser comme il le faisait maintenant — pour la communication et la coordination à grande vitesse entre les unités de son armée actives sur le terrain.

C’est parce qu’il les avait destinés à cette fin qu’il en avait apporté autant — quinze au total.

Il en avait alloué treize à Kristina, Albertina et leurs subordonnés dans la division de renseignement qu’elles dirigeaient, et en les répartissant tous, il pouvait obtenir des mises à jour sur l’état de toute son armée presque en temps réel.

Dès qu’une partie de ses défenses commençait à céder, ou qu’une vulnérabilité était découverte dans les forces ennemies, il pouvait immédiatement envoyer des ordres à un ou plusieurs de ses agents, qui pouvaient alors courir rapidement vers le commandant approprié à proximité.

Avec un émetteur-récepteur pour lui-même, il avait donné le dernier à Sigrún, afin qu’il puisse envoyer son unité de cavalerie mobile aux endroits les plus dangereux et lui faire frapper l’ennemi attaquant pour affaiblir son élan.

En utilisant cette méthode, Yuuto avait accès à quatorze points d’observation distincts, et il lui était possible de déplacer les différentes parties de son armée massive de dix mille hommes aussi facilement que si elles étaient ses propres bras et jambes.

En effet, son contrôle sur eux était si fluide et sans faille que, du point de vue de quelqu’un pour qui les messages entre les unités de l’armée ne pouvaient être transmis qu’à pied, ce qu’il faisait ne pouvait être expliqué que comme la capacité de voir dans le futur !

Cependant, ce contrôle ne suffirait pas à mettre un terme aux attaques féroces de l’armée de l’Alliance des Clans Anti-Acier, dont les soldats se battaient sans cesse comme s’ils étaient possédés.

Une grande quantité d’informations utiles était encore inutile sans un commandant capable de les traiter, de les organiser et d’agir en conséquence.

Même si les ordres pouvaient être envoyés à leurs destinataires à la vitesse de l’éclair, si les ordres donnés n’étaient pas la bonne décision pour chaque situation, les troupes finiraient par être envahies par ces redoutables ennemis en un rien de temps.

Il se trouve que le Clan de l’Acier avait effectivement quelqu’un capable de faire cela, envoyant exactement le bon ordre dans chaque cas avec une précision chirurgicale.

Les êtres humains sont des créatures capables de grandir, et ce sont les jeunes parmi eux qui détiennent le plus grand potentiel pour cette croissance.

Cela faisait un peu plus de deux ans maintenant qu’il était devenu patriarche. Il avait traversé plusieurs guerres et assisté à de nombreuses batailles individuelles sur le terrain, survivant à des luttes acharnées contre un ennemi puissant après l’autre.

Cela avait été sa vie de quinze à dix-sept ans.

Ces deux années, les plus impressionnables de la vie de nombreux jeunes hommes, avaient été remplies d’innombrables expériences importantes et enrichissantes, et c’était ces expériences qui avaient débloqué un grand potentiel dormant en lui. C’était un don avec lequel il était né, mais qui n’aurait jamais été utilisé dans le monde du Japon du 21e siècle — le talent d’un commandant sur le champ de bataille.

 

 

« Oh, c’est mauvais. »

Alors que Bára se concentrait sur la situation de combat actuelle, elle ne semblait pas se rendre compte qu’elle se mordait fortement le pouce dans une démonstration évidente de nervosité et de frustration.

Elle avait la réputation d’être toujours imperturbable et apparemment insouciante, quelle que soit la situation, mais en ce moment, son anxiété se lisait sur son visage.

***

Partie 8

Cela faisait déjà six heures que la bataille avait commencé.

Les combats n’avaient fait que s’intensifier pendant ce temps, et alors que les lignes de bataille n’avaient cessé d’avancer et de reculer dans ce qui semblait être une boucle continue, la tendance générale était enfin apparue. Petit à petit, progressivement, mais visiblement, la balance penchait d’un côté.

C’est-à-dire, vers le Clan de l’Acier.

« Haah... haah... » Fagrahvél se tenait devant Bára, haletant d’épuisement, mais ne disant rien.

Soudain, le corps de Fagrahvél avait basculé en arrière et avait commencé à tomber vers le sol, comme si elle avait été tirée vers le bas par une corde invisible.

Bára avait été choquée et s’était précipitée à ses côtés, réussissant à la rattraper juste avant qu’elle ne touche le sol.

« Vas-tu bien ? »

« … je vais bien. »

Elle avait tout de suite compris que Fagrahvél mentait.

Son teint était déjà aussi pâle que celui d’un cadavre. Bára pouvait à peine sentir un semblant de vitalité en elle.

Il était impossible qu’une personne dans un tel état puisse aller bien.

« Hé, Fagrahvél, tu vois ça ? »

Bára avait placé son index devant les yeux de Fagrahvél.

« … Hm ? … Trois ? Trois… quoi ? Qu’est-ce que ça… veut dire ? »

« Rien, ne t’inquiète pas pour ça. »

Bára avait répondu avec la même voix nonchalante qu’elle utilisait toujours, mais son expression était aussi douloureuse et amère que si elle avait mordu un insecte.

Elle avait remarqué que les yeux de Fagrahvél semblaient ne pas se concentrer, et son petit test visuel avait prouvé que cette crainte était fondée.

Elle venait également de s’adresser à Fagrahvél, son parent juré, par son prénom, et Fagrahvél ne l’avait pas remarqué non plus.

Normalement, Fagrahvél aurait absolument remarqué et fait une sorte de commentaire, indépendamment de la fatigue.

Cela signifie que sa conscience était si faible à ce stade que son esprit n’était pas capable de prêter attention à cela.

Elle avait poussé son corps au-delà de ses limites.

« Ne te préoccupe pas… de moi. Je peux encore… ! »

Même si elle continuait à lutter pour parler entre de faibles respirations, Fagrahvél avait essayé de se remettre debout.

Sans doute, parce qu’elle estimait que c’était son devoir en tant que commandant de son armée.

« Khh... ngh... ! »

Cependant, apparemment, la force de sa volonté ne pouvait plus forcer son corps à obéir.

Lorsqu’elle posa ses pieds sur le sol, ses jambes tremblèrent violemment, mais elle ne pouvait pas se tenir debout sur elles. Elle n’avait plus assez de force dans son corps, même pour cela.

Elle avait dépensé jusqu’à la dernière once de sa vitalité, à tel point que le fait qu’elle puisse encore rester consciente relevait du miracle.

Après tout, même à ce moment précis, sa rune Gjallarhorn continuait à drainer son énergie pour maintenir les effets de son pouvoir sur les troupes de l’armée de l’Alliance.

« Je ne peux pas encore m’arrêter ! Je ne m’arrêterai pas… tant que le Clan de l’Acier ne sera pas vaincu… ! »

Ces mots s’étaient échappés des lèvres de Fagrahvél d’une voix faible et délirante, comme si elle marmonnait dans son sommeil.

Elle n’était même pas capable d’avoir une pensée cohérente en ce moment, et pourtant elle s’accrochait comme si elle était poussée par un instinct subconscient.

En ce moment, si elle perdait connaissance, le pouvoir de Gjallarhorn serait coupé, et les soldats de l’armée de l’Alliance perdraient la force dont ils avaient besoin pour retenir le Clan de l’Acier. Ils seraient écrasés en quelques minutes.

Grâce à son expérience de commandant, Fagrahvél avait compris ce fait de manière instinctive.

Et la cruelle réalité était que cette compréhension était correcte.

« Sa Majesté… ma petite soeur… Je dois la protéger… ! »

Cette volonté singulière semblait être la seule chose qui liait son esprit au monde éveillé maintenant.

La force mentale de Fagrahvél était quelque chose que Bára respectait sincèrement, mais dans son état actuel, même cela ne tiendrait pas longtemps.

Elle n’était pas seulement à la limite de la conscience — Fagrahvél était à la limite de la vie et de la mort.

« Je n’ai jamais vraiment aimé les jeux, mais il semble qu’il n’y ait pas d’autre choix que de prendre un pari risqué, tout ou rien. »

« Encore raté… Maudit soit-il ? »

La personne qui crachait ces mots avec dégoût n’était autre qu’Erna, membre des Demoiselles des Vagues du Clan de l’Épée, et chef de la Force d’Assaut Spéciale de son armée.

Son escouade, ainsi que les escouades de ses camarades Vierges des Vagues, Thír et Hrönn, avaient attaqué la formation du Clan de l’Acier par vagues alternées, accumulant une force conséquente contre eux, mais chaque fois que les choses semblaient sur le point de tourner en leur faveur, ils étaient repoussés à la dernière minute.

« Ça ne mène nulle part. À ce rythme, nous allons… ! »

Alors que les sentiments d’anxiété la traversaient, elle serra les dents.

Lorsque la bataille avait commencé, le soleil était au zénith dans le ciel.

Maintenant, il commençait à s’enfoncer derrière les hauts sommets des montagnes Himinbjörg, et la lumière du soir peignait le ciel en rouge vif.

C’était la preuve qu’un nombre important d’heures s’était écoulé, et Erna s’inquiétait de la santé de son maître et patriarche, Fagrahvél.

« Ce n’est pas le moment d’avoir des pensées aussi faibles, Erna. Il n’y a plus non plus de temps pour elles. »

« Hein !? »

Surprise d’entendre la voix de quelqu’un qui ne devrait pas être ici avec elle, Erna s’était retournée, les yeux écarquillés.

« Thír !? Et… et vous tous, aussi !? Pourquoi êtes-vous tous ici ? »

Devant Erna se tenaient toutes les autres membres des Demoiselles des Vagues, à part Bára. Sept Einherjars, les guerriers les plus forts et les plus élites du Clan de l’Épée.

D’après ce qu’Erna avait compris, elles étaient toutes censées travailler séparément, chacune dirigeant sa propre escouade de soldats.

Le fait qu’elles soient toutes là maintenant signifierait qu’elles avaient abandonné ces ordres pour venir ici.

C’était un comportement qui n’avait aucun sens pour des officiers de si haut rang.

« Nous sommes ici sur les ordres de Bára. C’est notre dernière chance de renverser la situation. »

« Notre “dernière” chance… Je vois. »

Même Erna avait immédiatement compris le sens de ces mots.

Cela signifiait que Fagrahvél était déjà presque à court d’énergie.

Thír avait hoché lentement la tête.

« C’est exact. Nous, les Demoiselles des Vagues, allons utiliser toutes nos forces combinées, et voir si nous ne pouvons pas nous frayer un chemin à travers la peau épaisse de l’armée du Clan de l’Acier. »

« Toute notre force… C’est un geste audacieux et agressif de la part de Bára. »

Honnêtement, c’était assez surprenant.

Bára était rusée et calculatrice par nature. Son style consistait à organiser les choses de manière à créer un scénario gagnant avant de commencer le combat.

Il était certainement vrai que si les Einherjars qui composaient les Demoiselles des Vagues attaquaient comme une seule unité concentrée, elles pouvaient assaillir leurs ennemis avec une puissance énorme. D’un autre côté, elles étaient également précieuses pour leur propre armée en tant qu’officiers de terrain qualifiés. Leur absence à ces postes clés affaiblirait considérablement le reste de l’armée de l’Alliance.

Dans une situation comme celle-ci, où leur camp luttait déjà désespérément, un tel changement de force risquait d’affaiblir suffisamment leurs troupes pour qu’elles soient submergées par l’élan de l’ennemi, puis écrasées. C’était un pari extrêmement dangereux à prendre.

« Cela montre à quel point nous sommes dos au mur en ce moment. Bára a dit qu’elle s’assurerait que le reste de nos forces résistent en attendant, mais je doute qu’ils tiennent longtemps. »

« … »

Dégoûtée, Erna n’avait rien dit.

Elle était douloureusement consciente que sur leurs épaules reposaient en ce moment les destins de l’armée du Clan de l’Épée, de l’armée de l’alliance des Clans Anti-Acier, et peut-être même de l’empire lui-même.

« Nous allons le faire, Erna. Montrons au Clan de l’Acier ce que cela signifie quand les Demoiselles des Vagues combattent ensemble. »

« Exact ! » cria Erna. Cette réponse vive était sa seule option.

La bataille était enfin entrée dans son dernier acte.

« Haaaaaah ! »

Thír, balançant son épée à deux mains, repoussa la grêle de flèches qui s’abattait sur elle alors qu’elle chargeait.

Le Clan de l’Acier avait fortifié ses défenses de flanc avec des archers maniant des arbalètes, dont les flèches se déplaçaient bien plus vite que n’importe quel arc de cette époque, mais malgré cela, Thír pouvait toujours voir et suivre chacun d’entre eux avec une totale facilité.

En termes de capacités physiques pures, elle était un ou deux pas en dessous d’Erna et Hrönn, mais grâce aux nombreuses batailles auxquelles Thír avait participé, son expérience du combat dépassait largement la leur.

La direction des yeux des soldats ennemis, l’intensité relative de l’intention meurtrière qu’elle sentait en eux, le flux des courants d’air — utiliser tout cela et plus encore pour lire et prédire les attaques de ses ennemis était une compétence à laquelle personne ne pouvait se comparer.

Elle atteignit facilement le mur constitué de chariots reliés entre eux, et c’est alors qu’une petite silhouette surgit juste derrière elle.

Hrönn était de petite taille, mais elle avait la paire de bras la plus puissante du Clan de l’Épée.

Elle avait mis ses deux mains dans l’espace entre deux voitures, et avait tiré.

« Hrrngh ! »

Malgré le poids supplémentaire des archers qui se tenaient à l’intérieur, elle avait facilement séparé les deux chariots avec rien de plus que la force brute.

Une telle force pouvait difficilement être considérée comme humaine, elle s’apparentait bien plus à celle d’un grand ours.

Dès que Hrönn avait ouvert une brèche dans la barrière, Erna s’était élancée à travers elle.

La rapidité de son élan était tout simplement surnaturelle. Les soldats du Clan de l’Acier qui se trouvaient à proximité n’étaient même pas capables de la voir.

« Gwah ! H-Huh… ? »

« Qu’est-ce que c’est ? Qu-Quand a-t-elle — . »

« Uagh… du sang… Je saigne… »

D’un seul coup, avant qu’ils ne réalisent ce qui se passe, leur vie avait pris fin.

Un instant plus tard, leurs corps s’étaient effondrés, sans vie.

Des exploits incroyables comme celui-ci rendaient impossible de nier que les Einherjars « spécialisés », dont les pouvoirs étaient entièrement concentrés sur un aspect, étaient tout simplement surhumains dans ces domaines particuliers.

« C’est notre Erna ! Les pieds les plus rapides de la Force d’Assaut Spéciale ! »

« Vous feriez mieux de laisser la place au reste de l’unité pour pouvoir briller nous aussi ! »

« Oui, nous voulons toutes avoir la chance de donner à nos corps un peu d’exercice avec de vrais combats. »

Avec ces commentaires excités, les sept autres Einherjars avaient suivi Erna à travers l’ouverture dans le mur de chariots.

Elles n’étaient que huit, maintenant au milieu des rangs de leur ennemi.

Selon toute norme normale, elles étaient désespérément en surnombre.

Cependant…

« Elles sont trop fortes ! »

« Mais qu’est-ce qu’elles sont ? »

« Chacune d’entre elles est aussi forte que Lady Sigrún ! »

Ce sont les Demoiselles des Vagues qui avaient eu l’avantage.

Elles recevaient le pouvoir de Gjallarhorn, l’appel à la guerre, qui faisait appel à leurs capacités latentes et les poussait à leurs limites.

Leur force de combat dépassait de loin celle d’un Einherjar normal.

Et, ce n’était pas tout.

Les huit avaient également un lien formé par leur longue histoire de combat ensemble. Elles étaient des compagnons d’armes.

Elles comprenaient parfaitement les capacités, la personnalité et le style de combat de l’autre. Plutôt que de se gêner mutuellement, elles avaient pu se battre d’une manière qui se complétait bien.

Ces huit femmes qui se battaient ensemble maintenant n’étaient pas simplement huit Einherjars.

Fidèles à leur homonyme, elles s’étaient unies en une seule et puissante vague et avaient balayé les rangs de l’armée du Clan de l’Acier.

« Père, Père ! Nous avons un énorme problème ! »

« Que s’est-il passé, Al ? »

La voix provenant de l’émetteur-récepteur était paniquée, mais Yuuto avait répondu d’un ton calme.

Ce n’était pas qu’il ne fasse pas confiance à Albertina pour dire qu’il y avait vraiment un problème important, ou quelque chose comme ça. Au contraire, Yuuto avait toujours essayé de rester fidèle à sa politique de garder son calme sur le champ de bataille à tout moment.

« L’endroit que je suis chargée de surveiller se fait attaquer en ce moment même, mais les personnes qui mènent la charge… six… sept... ils sont huit, mais tous sont incroyablement forts ! Ils ont traversé le Mur des Chariots en un rien de temps ! Je pense qu’ils sont probablement tous des Einherjars ! »

« … Hmm. »

L’expression de Yuuto était devenue plus sévère, et il avait mis une main sur son menton et avait réfléchi pendant un moment.

« Donc, il semble qu’ils aient décidé de tout miser sur un dernier pari. »

Il est vrai que rassembler huit Einherjars pour attaquer un seul endroit serait probablement suffisant pour franchir la barricade du Mur de Chariots sans trop de difficultés.

Cela était simplement dû à la nature des Einherjars, qui possédaient en règle générale des capacités de combat bien supérieures à celles des humains normaux.

De plus, il était fort probable qu’il ne s’agisse pas de simples Einherjars, mais des guerriers Einherjar de l’élite du Clan de l’Epée, les « Demoiselles des Vagues ».

***

Partie 9

Même si Yuuto déplaçait des troupes pour renforcer la zone attaquée comme il l’avait fait jusqu’à présent, les renforts pourraient eux-mêmes être balayés par la force écrasante de ces ennemis particuliers.

Et, franchement, à l’heure actuelle, l’armée du Clan de l’Acier n’avait pas d’Einherjar comparable à envoyer contre eux.

En comptant Sigrún, il y avait trois Einherjars orientés vers le combat dans les forces spéciales de Múspell, mais actuellement, ils étaient en train de fournir de l’aide à une zone sur le flanc opposé de l’armée, et cela prendrait un temps non négligeable pour les envoyer là où se trouve actuellement Albertina.

Il ne pouvait pas déplacer Hveðrungr hors de Vígríðr, et Skáviðr était loin dans la région d’Álfheimr, protégeant le front là-bas.

Quant aux quatre Einherjars du Clan de la Corne connus sous le nom de Brísingamen, l’un d’entre eux avait péri dans la bataille de la rivière Élivágar, Rasmus avait subi une lourde blessure qui l’avait pratiquement contraint à la retraite, Haugspori était indisponible, car il avait été envoyé comme chef des renforts pour le Clan du Blé, et le dernier membre était essentiel à la défense du flanc droit de l’armée et ne pouvait pas être déplacé non plus.

Les jumelles du Clan de la Griffe étaient toutes deux des Einherjars, mais leurs capacités n’étaient pas adaptées au combat ouvert sur un terrain comme celui-ci.

Cela signifie que Félicia était à peu près sa seule candidate restante, mais l’envoyer seule serait la placer dans une situation désespérée.

C’était la situation dans laquelle se trouvait Yuuto en ce moment.

Yuuto finit de réfléchir, et éloigna sa main de son menton, révélant sa bouche… dont les coins s’étaient recourbés en un large sourire.

« Donc… les quelques troupes ennemies qui peuvent me causer de réels problèmes sont toutes rassemblées au même endroit. Je ne pouvais pas demander mieux. »

+++

« Allez-vous-en ! »

Erna avait abattu le soldat du Clan de l’Acier qui l’attaquait. Puis, d’un geste habile du bras, elle avait projeté le sang de la lame de fer de son épée.

Elle avait précédemment pris l’arme sur le cadavre d’un des hommes du Régiment de Cavalerie Indépendant du Clan de l’Acier, et cela s’était avéré être une bonne décision.

En ce moment, ses ennemis brandissaient également des armes en fer.

Si elle s’était battue avec le type d’épée en bronze qu’elle avait toujours utilisé auparavant, sa lame aurait sûrement été brisée en morceaux, la laissant dans l’incapacité de se battre.

Mais avec une épée en fer comme celle-ci, la lame pouvait subir quelques entailles, mais elle ne se fendait pas. Elle pouvait continuer à se battre !

« Nous pouvons le faire ! Nous pouvons le faire ! »

L’armée du Clan de l’Acier avait complètement surclassé l’armée de l’alliance des Clans Anti-Acier en termes de force de combat de leurs troupes. Mais ces mêmes soldats du Clan de l’Acier n’étaient pas à la hauteur de la puissance de huit Einherjars.

À ce rythme, ils seraient capables de changer le cours de cette bataille avant que la force de Fagrahvél n’arrive à son terme.

Erna avait eu la sensation que le chemin de la victoire était presque à portée de main.

C’est alors que c’était arrivé. Abruptement, le vent s’était arrêté.

Un changement dans les courants de vent pendant une bataille n’était pas inhabituel. C’était plutôt commun.

Cependant, il y avait quelque chose qui clochait. Pour une raison inconnue, Erna avait ressenti un terrible sentiment de pressentiment à ce sujet.

Dans les rangs des soldats du Clan de l’Acier, quelque chose avait été lancé dans sa direction.

C’était une sorte de petit objet, légèrement long et cylindrique, et bien qu’il soit de couleur sombre, il brillait étrangement dans la lumière.

Si, dans cette fraction de seconde, Erna avait utilisé le plat de son épée pour frapper l’objet et le renvoyer dans la direction d’où il venait, son avenir aurait peut-être été bien différent.

Cependant, elle n’avait pas la moindre idée de ce qu’était cet objet.

Et donc, elle était arrivée trop tard pour y réagir.

Sans prévenir, une fumée blanche avait jailli de l’objet inconnu.

En l’espace de quelques secondes, cela avait englouti la zone autour d’Erna.

« Qu’est-ce qui se passe ? Ghagh ! »

« Mes yeux ! Mes yeuuuuux ! »

« Khak khagh... Ma gorge… ! Elle est en feu ! »

« Qu’est-ce que c’est ? »

L’une après l’autre, les camarades d’Erna, les guerrières d’élite qui avaient chacune combattu avec des prouesses si inégalées qu’aucun des soldats du Clan de l’Acier ne pouvait espérer leur tenir tête, criaient maintenant de douleur.

Ce petit objet cylindrique dégageant de la fumée dont elles avaient été victimes n’était autre qu’une grenade lacrymogène.

Dans l’ère moderne d’où vient Yuuto, il s’agissait d’une arme chimique non létale utilisée principalement pour la répression des émeutes.

Il était également vendu sur Internet en tant qu’« équipement de sécurité », facilement disponible pour le prix de cinq à six mille yens l’unité.

Les Einherjars étaient peut-être plus forts et plus rapides que les humains normaux, mais même les Demoiselles des Vagues n’étaient pas assez rapides pour échapper à la fumée pressurisée qui s’étendait instantanément pour remplir l’air autour d’elles.

Leurs yeux, leurs nez et leurs gorges avaient été assaillis par une violente sensation de brûlure, et elles s’étaient débattues dans la douleur.

« La, la, lala… »

Leurs oreilles, cependant, avaient capté un son étrange — la voix d’une jeune fille, chantant une petite mélodie d’une manière insouciante qui semblait complètement déplacée sur le champ de bataille.

Immédiatement après, une brise soudaine s’était levée.

Ce n’était pas une brise très forte, vraiment, juste assez pour faire voler un peu les cheveux d’une personne.

Cependant, comme le vent avait été complètement arrêté dans cette zone, cette seule brise était suffisante pour pousser la fumée blanche en direction des soldats de l’armée de l’Alliance des Clans Anti-Acier qui attaquaient.

« Gyaagh ! Ça brûle ! Pourquoi ça brûle !? »

« Mes yeux sont en feu ! »

« Khagh, ugghh, je ne peux pas — je ne peux pas respirer ! »

Leurs cris s’étaient multipliés, se transformant en un tumulte total.

La fumée elle-même se dissipa momentanément, mais les effets du gaz lacrymogène continuaient, les faisant toutes souffrir pendant au moins quinze minutes.

Des quintes de toux ininterrompues et une douleur fulgurante dans les yeux et la gorge les paralysaient pratiquement.

Même le simple fait de respirer était une lutte pour elles en ce moment.

Dans cet état, peu importe qu’elles soient de puissantes Einherjars ou des soldats qui se battaient comme une armée de morts-vivants. Ils ne pouvaient pas se battre pour l’instant.

Les renforts du Clan de l’Acier étaient arrivés, et une à une, les Demoiselles des Vagues avaient été plaquées au sol et attachées.

« Je les ai toutes eues ! »

« Tout va bien ! Tu t’es bien débrouillée, Al ! »

Yuuto avait encouragé Albertina, en levant son poing serré en l’air.

Ce plan était quelque chose qu’il avait initialement conçu pour être utilisé contre Steinþórr, mais il l’avait utilisé ici à la place.

« De penser que le jour viendrait où Al se rendrait utile sur le champ de bataille… »

La voix de sa sœur jumelle Kristina sur l’émetteur-récepteur était décidément plus mitigée. Pour elle, le désespoir d’Albertina était ce qui la rendait adorable.

« Je m’attends à ce qu’il neige demain », avait-elle marmonné. « Ou peut-être de la grêle. Des lances. »

« Quoi !? Kris, c’est trop méchant ! » Albertina s’était indignée, ignorant les sentiments de sa sœur, ce qui avait provoqué un rire de Yuuto.

« Ha ha ha ! Alors, comment as-tu trouvé l’utilisation de la grenade à gaz ? C’est l’arme parfaite pour la fille qui manie Hræsvelgr, le provocateur de vents, n’est-ce pas ? »

L’un des pouvoirs d’Albertina était de « provoquer le vent », comme le suggère l’homonyme de sa rune.

Cependant, la vérité était que jusqu’à présent, il n’y avait pas vraiment eu d’utilisation pratique de ce pouvoir.

Les vents qu’elle pouvait créer étaient faibles, ils ne pouvaient donc pas être utilisés pour quelque chose de majeur comme augmenter la force des volées d’archer.

Le mieux qu’ils aient pu faire était de créer un vent arrière localisé pour augmenter légèrement la vitesse de déplacement d’un chariot, ou une brise agréable pour aider à se rafraîchir dans la chaleur de l’été.

Personne n’aurait soupçonné que c’était avec eux qu’elle avait vaincu huit Einherjars à elle seule !

Sans le pouvoir d’Albertina sur lequel s’appuyer, Yuuto n’aurait eu d’autre choix que de laisser ce plan de coté. Utiliser des armes à gaz avec seulement les courants d’air naturels en place, c’était laisser les choses à la nature, qui les laissait à la chance — il y avait le risque que le vent finisse par renvoyer le gaz lacrymogène sur ses propres troupes, et alors il se serait fait avoir.

Il ne fait aucun doute que la plus grande réussite de cette bataille avait été remportée par la main d’Albertina.

« Oui, ça a très bien marché », déclara Albertina. « Je suis si heureuse que Kris ait passé tout ce temps à me faire répéter comment l’utiliser. Ça a vraiment porté ses fruits ! »

Cela avait provoqué un autre rire de Yuuto.

Bien sûr qu’elle l’avait fait.

Comme on pouvait s’y attendre de la part de Kristina, peu importe à quel point ses mots étaient insultants, au fond elle ne voulait rien de plus que d’aider à donner à sa sœur une chance d’accomplir quelque chose par elle-même.

De plus, elle avait secrètement aidé Albertina sur le champ de bataille. Kristina avait utilisé sa rune Veðrfölnir, le Silencieux des Vents, pour calmer les courants d’air avant qu’Albertina ne passe à l’action. Bien sûr, elle ne l’aurait jamais admis ouvertement.

Elle était vraiment tordue dans sa façon d’agir envers sa sœur bien-aimée.

« Ok, donc maintenant c’est réglé… Hm ? »

Yuuto s’était arrêté net, sentant un changement dans l’air. Il se retourna pour regarder dans la direction de l’armée de l’Alliance des Clans Anti-Acier.

La pression lourde, presque douloureuse et inconfortable qu’il avait ressentie de la part de leurs soldats, avait rapidement commencé à disparaître, comme la brume s’évaporant au soleil.

« Eh bien, maintenant… On dirait que l’horloge a sonné minuit, et que leur magie est épuisée. Très bien, nous allons les frapper tous en même temps avec tout ce que nous avons ! »

« Les Demoiselles des Vagues… toutes vaincues… !? »

Lorsque la nouvelle était parvenue à Fagrahvél, ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Longtemps après avoir dépassé ce qui aurait dû être ses limites physiques, elle s’accrochait encore à peine à la conscience avec ce qu’on ne pouvait appeler qu’une détermination à défier la mort, mais c’était comme si son esprit s’était brisé en deux.

Alors que Fagrahvél s’effondrait, Bára l’avait prise dans ses bras.

Bára leva les yeux au ciel, presque hébétée, et murmura : « Ainsi, contre Suoh-Yuuto, le dieu de la guerre, même huit Einherjars ne sont qu’un défi insignifiant… »

L’évaluation des Demoiselles des Vagues par Bára n’était pas affectée par une affiliation personnelle. Elles étaient toute simplement les meilleures des meilleures.

En particulier, Thír, Erna et Hrönn étaient suffisamment fortes pour faire jeu égal avec la célèbre guerrière Sigrún du Clan de l’Acier.

Elles avaient été renforcées par le pouvoir de Gjallarhorn, l’appel à la guerre.

Personne ne serait capable de les arrêter. Bára en était absolument certaine.

Mais au lieu de cela, il s’est avéré que les huit avaient été facilement vaincues et capturées.

C’était tout ce qu’elle pouvait faire pour ne pas rire.

« Une défaite totale. Il n’y a pas d’autre mot pour ça. »

Avec la disparition des effets du pouvoir de Gjallarhorn, l’armée de l’Alliance des Clans Anti-Acier n’avait plus la force ni le courage de s’opposer à l’armée du Clan de l’Acier, et les soldats avaient déjà commencé à fuir pour sauver leur vie.

Bára avait fait des préparatifs minutieux avant cette bataille, faisant absolument tout ce qui était nécessaire pour mettre les choses en sa faveur. En fait, elle pourrait aller jusqu’à dire que ses préparatifs avaient été parfaits. Malgré cela, ses ennemis l’avaient combattue de front et l’avaient écrasée par leur force.

« La victoire et la défaite sont souvent décidées par la fortune. » C’était un dicton courant, mais il sonnait faux pour elle.

On lui avait fait croire que la différence entre leurs forces était si écrasante qu’elle pouvait affronter cet ennemi une centaine de fois et qu’elle perdrait à chaque fois.

« C’est la limite de ce que nous pouvons faire ici. Envoyez l’ordre à toutes les troupes de commencer la retraite. »

Le reste de ce qui s’était passé à partir de ce moment-là avait été décidé à ce moment-là.

« Sieg Iárn ! Sieg Reginarch ! »

Les cris victorieux du Clan de l’Acier avaient résonné dans les champs de Vígríðr.

***

Si vous avez trouvé une faute d’orthographe, informez-nous en sélectionnant le texte en question et en appuyant sur Ctrl + Entrée s’il vous plaît. Il est conseillé de se connecter sur un compte avant de le faire.

Laisser un commentaire