Le Maître de Ragnarok et la Bénédiction d’Einherjar – Tome 11 – Chapitre 4

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Chapitre 4 : Acte 4

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Chapitre 4 : Acte 4

Partie 1

La capitale du clan de l’Acier, Gimlé, était une ville animée, pleine d’énergie et de vie. En tant que base de pouvoir de Suoh-Yuuto, le grand héros-roi qui a mené sa nation de victoire en victoire, elle était florissante.

Les commerçants fréquentaient la ville à la recherche de verrerie, de papier et de pain sans caillou, et les habitants des territoires voisins affluaient dans la ville à la recherche d’un emploi.

La population de la région connaissait une croissance explosive, mais la loi et l’ordre restaient bien en place. La loi était appliquée à tous de la même manière, et les contrevenants étaient capturés et punis avec toute la célérité requise. Grâce à la sécurité publique ainsi préservée, les habitants de la ville marchaient dans les rues avec des yeux pleins d’espoir et des sourires éclatants.

Cependant, ce jour-là, une atmosphère lourde régnait dans les rues. La cause en était la foule de dix mille soldats rassemblés sur la place devant le deuxième hörgr de la ville, dédié à la déesse Angrboða. En armure et lances en main, ils attendaient, prêts à partir à tout moment.

Ce n’était pas seulement à Gimlé. Dans la capitale du Clan de la Corne, Fólkvangr, une force d’invasion distincte de six mille hommes était rassemblée et prête.

Seize mille soldats avaient au total été mobilisés, les chiffres annoncés officiellement faisant état d’une force de vingt-cinq mille hommes. Cela rendait cette armée combinée encore plus grande que celle utilisée par le Clan de l’Acier pendant sa campagne pour soumettre le Clan de la Panthère.

« Même avec ça, on ne mobilise pas encore toutes nos forces possibles, » murmura Yuuto pour lui-même. « Le Clan de l’Acier a pris de l’ampleur. » Il avait regardé ses troupes de là où il se tenait sur la plateforme de l’autel, devant le hörgr.

La campagne contre le Clan de la Panthère avait entraîné de lourds coûts financiers pour le Clan de l’Acier, mais elle avait également permis un gain énorme dans leur capacité à mobiliser un plus grand nombre de soldats.

Avec cette différence de nombre, on pourrait croire qu’ils envoyaient toutes leurs troupes pour envahir le Clan de la Foudre.

« Grâce à ça, on dirait que notre appât va nous apporter beaucoup de poissons. »

Yuuto avait déjà reçu un message de Kristina : « Le Clan de l’Épée se déplace pour mobiliser l’armée. »

Lorsque la Þjóðann Sigrdrífa avait quitté la capitale impériale et entrepris son voyage secret, les deux Einherjars qui l’avaient accompagnée étaient du Clan de l’Épée.

Compte tenu de ce lien, il était parfaitement naturel que le Clan de l’Épée soit le premier à répondre à un ordre d’assujettissement émis directement par la Þjóðann elle-même.

En dehors d’eux, il y avait également des mouvements suspects dans le Clan du Sabot, le Clan de la Panthère du Nord, le Clan des Nuages et le Clan des Crocs. Il semblerait que les choses progressaient exactement comme Yuuto l’avait craint au départ, et que ces clans avaient tous formé une alliance en secret avant que l’ordre d’assujettissement ne soit émis.

« C’est exactement comme tu l’avais prévu, Grand Frère. Tu es aussi incroyable que d’habitude. »

« Cependant, j’espérais avoir tort, » dit Yuuto, et laissa échapper un petit rire amer.

Il avait espéré qu’en choisissant délibérément ce moment précoce pour déplacer ses troupes, il déclencherait la suspicion chez ses ennemis et les rendrait moins susceptibles de travailler en tandem. Il semblerait cependant que ses espoirs ne se soient pas concrétisés.

Cette guerre allait être difficile.

Yuuto laissa échapper un long bâillement. « Eh bien… c’est certainement ennuyeux de n’avoir rien d’autre à faire que de rester assis. »

Il était assis à l’intérieur d’une tente de pavillon installée dans son quartier général temporaire.

La force principale du Clan de l’Acier avait traversé la rivière Élivágar et envahi le territoire du Clan de la Foudre. Ils étaient actuellement positionnés autour d’un des principaux bastions défensifs de l’ennemi, le Fort Dái.

La forteresse était occupée par environ deux mille soldats, qui avaient immédiatement adopté une position défensive totale. Il semblerait qu’ils avaient l’intention de résister à la capture avec tout ce qu’ils avaient.

L’offensive s’était rapidement installée dans une impasse qui durait maintenant depuis trois jours.

En ce qui concerne la guerre de siège, trois jours, c’était encore très tôt dans le jeu, mais même ainsi, devoir rester assis à attendre aussi longtemps laissait une personne avec un sentiment d’ennui considérable.

Bien sûr, il y avait l’arme secrète de Yuuto, le trébuchet. Il pouvait l’utiliser pour créer des ouvertures dans les murs, puis demander à ses hommes de forcer l’entrée et de capturer l’endroit.

Cependant, le trébuchet devait être construit sur place, ce qui nécessitait d’abord de se procurer les matériaux nécessaires, comme du bois lourd. Cela coûterait beaucoup de travail et de temps supplémentaires ici. De plus, forcer une bataille en mêlée avec l’ennemi dans la forteresse infligerait naturellement un certain nombre de pertes à ses troupes.

Dans L’art de la guerre, Sun Tzu écrit : « La victoire remportée par la bataille est un exemple de mauvaise stratégie. La victoire remportée sans bataille est un exemple de bonne stratégie ». Les armées de Yuuto avaient encore une longue et dure guerre devant elles, et il ne voulait pas perdre de bons hommes ici.

Il avait donc opté pour la norme en matière de guerre de siège offensive : encercler la forteresse ennemie pour l’isoler et demander sa reddition.

« Avec une telle différence dans la taille de nos forces, j’aurais pensé qu’ils se seraient déjà rendus, » murmura Yuuto, secouant la tête en signe de déception.

Le moral de l’ennemi était encore élevé. Il semblerait qu’il faudrait un certain temps pour les pousser à envisager de se rendre.

« En effet, ils sont assez résistants. C’est étonnant, si l’on considère qu’ils ne peuvent compter sur aucun renfort. » À côté de Yuuto, Félicia inclina la tête d’un air perplexe.

Selon les rapports de Kristina, après que Steinþórr ait été tué dans la bataille près de Fort Waganea, son commandant en second Röskva avait pris le manteau comme le prochain patriarche du Clan de la Foudre. Röskva avait déclaré que le Clan de la Foudre menait maintenant une guerre de vengeance, en l’honneur de leur patriarche tué, et cela avait un peu remonté le moral — mais pas assez pour surmonter leur désavantage militaire.

Le Clan de la Flamme avait déjà poussé jusqu’à la zone située juste à l’extérieur de la capitale du Clan de la Foudre, Bilskírnir, et le Clan de la Foudre mettait tout ce qu’il avait pour tenir la ligne là-bas. Ils n’étaient pas en mesure d’envoyer des soldats jusqu’à l’extrémité orientale de leur territoire.

Traditionnellement, le verrouillage complet pendant une défense de siège était une stratégie fondée sur l’hypothèse que des renforts alliés viendraient briser le siège. Félicia avait dû trouver déroutant que les soldats de la forteresse choisissent ici la résistance alors qu’ils ne pouvaient pas s’attendre à une telle aide.

« Ça veut dire qu’ils comptent sur des renforts, » dit Yuuto. « Ce n’est qu’une supposition, mais cela pourrait être la preuve que le Clan de la Foudre a déjà établi son alliance secrète avec les autres clans, et que l’encerclement du Clan de l’Acier est déjà pleinement engagé. »

« Je vois. Alors, ils pensent que s’ils peuvent tenir assez longtemps, nous serons finalement obligés de retirer nos forces chez nous. »

« Oui. » Avec une grimace amère, Yuuto acquiesça.

C’était une situation plutôt frustrante. Il ne pouvait pas se permettre de perdre du temps ici.

« Et ce n’est pas non plus comme si je pouvais les briser en chantant des chansons. »

« Hein… En chantant des chansons ? » Félicia avait répété les mots de Yuuto, incertaine de leur signification.

Yuuto laissa échapper un petit rire ironique. « Oh, c’est une histoire de mon monde. Il y a eu un incident où une armée a encerclé un ennemi qui se tenait sur la défensive, et pour le désorienter, elle a commencé à chanter les chansons de la patrie de l’ennemi. »

« Pourquoi choisiraient-ils de chanter les chansons de la patrie ennemie ? » demanda Félicia. « Cela ne renforcerait-il pas plutôt le moral de l’ennemi ? »

« Pas du tout, en l’occurrence. Les soldats ennemis étaient coupés du monde et perdaient la guerre, vois-tu. Ils ont été trompés en soupçonnant que leur nation était peut-être déjà tombée, de sorte que même les soldats de leur patrie venaient grossir les rangs des troupes qui les entouraient. Dans ce cas, il n’y avait aucun espoir que les secours arrivent un jour. Cela a anéanti leur volonté de se battre. »

« Ah ! Je comprends maintenant ! » Félicia avait hoché la tête plusieurs fois, impressionnée.

Il s’agissait d’une anecdote tirée des archives de la bataille de Gaixia, l’ultime combat de Xiang Yu contre Liu Bang, qui était à l’origine de l’expression chinoise « entouré de chants Chu ». Cette expression était devenue une métaphore littéraire populaire en chinois et en japonais pour désigner le fait d’être désespérément isolé et encerclé par des ennemis, sans perspective d’aide de la part d’alliés.

« De notre côté, nous venons tout juste d’avancer dans le territoire du Clan de la Foudre. Je ne peux pas imaginer que ces gars vont se laisser berner en pensant que nous avons déjà conquis d’autres parties de leur pays, non ? »

« C’est vrai. Pourtant, nous ne pouvons pas simplement laisser cette impasse comme elle est, n’est-ce pas ? Dois-je envoyer des ordres pour commencer la construction de trébuchets ? »

« Passer à cette stratégie maintenant, c’est comme admettre qu’on a perdu avec celle-là. En plus, si on devait les utiliser, on aurait dû le faire dès le début. Les trois jours qu’on a déjà utilisés n’auraient servi à rien. » Yuuto fronça les sourcils et croisa les bras.

Yuuto plaisantait bien sûr à moitié avec cet argument. Il savait pertinemment qu’il ne fallait pas laisser les décisions militaires être influencées par des sentiments aussi personnels.

Il savait aussi, cependant, qu’il ne voulait pas perdre encore plus de temps ici s’il pouvait l’éviter.

« Dans ce cas, j’ai une idée — plutôt bonne, d’ailleurs. »

La voix qui était soudainement entrée dans leur conversation provenait de l’ancien patriarche du clan de la Panthère, l’homme qui était actuellement le commandant du régiment de cavalerie indépendant du Clan de l’Acier — Hveðrungr.

Afin d’utiliser au maximum leur mobilité supérieure, le plan de base du Régiment de Cavalerie Indépendant était de les baser dans la région de Gimlé, d’où ils pouvaient rapidement se déplacer pour aider d’autres régions en danger. Cependant, cette opération particulière était une exception, dans laquelle ils accompagnaient Yuuto et l’armée régulière du Clan de l’Acier. C’était en partie parce que c’était la première fois qu’ils étaient déployés dans un combat réel, et aussi parce que cela permettait de montrer un plus grand nombre de soldats à l’ennemi.

« Oh, vraiment ? » Les yeux de Yuuto s’étaient rétrécis avec intérêt.

C’était, après tout, l’homme qui avait développé une contre-stratégie réussie après l’autre contre le Mur de Chariots, une tactique militaire que Yuuto avait reprise de trois mille ans dans le futur.

Si quelqu’un comme lui disait qu’il avait une bonne idée, ça valait la peine d’en entendre parler.

« Héhé, on va avoir l’impression cependant qu’on ne fait rien d’autre que de se défouler cruellement sur eux, » dit Hveðrungr, avec un petit rire d’autodérision. Cependant, lorsqu’il avait commencé à décrire son plan, Yuuto avait posé une main sur son genou et avait souri.

« Je savais que tu serais à la hauteur ! Je ne peux pas penser à quelqu’un de meilleur que toi quand il s’agit d’élaborer des plans aussi méchants. »

« Est-ce censé être un compliment ? »

« C’est une louange à gorge déployée, mon frère. »

En effet, Yuuto espérait exactement ce genre de choses de la part de Hveðrungr. C’était la raison pour laquelle il l’avait ramené au bercail comme son subordonné.

« Taaamayaaa ! »

Yuuto avait crié un mot inconnu des gens autour de lui, en étirant les syllabes, et immédiatement après, il y avait eu un énorme KABOOM ! qui avait secoué l’air de la nuit noire, aussi puissante que le fracas du tonnerre d’un coup de foudre à bout portant.

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Partie 2

Il se servait du tetsuhau, l’arme explosive qu’il avait déjà utilisée lors de la campagne du Clan de l’Acier contre le Clan de la Panthère.

Les bombes tetsuhau étaient utiles pour créer la panique chez les soldats ennemis, aussi en avait-il apporté une quantité raisonnable avec son armée cette fois-ci. En ce moment, il les lançait dans la forteresse de l’ennemi — en utilisant une version plus petite du trébuchet.

Bien qu’il n’ait certainement pas la capacité de lancer des roches de 100 kilos comme le plus grand modèle, il pouvait lancer des bombes légères de la taille de la tête d’une personne. Plus important encore, il pouvait être construit avec moins de matériaux, et son assemblage ne prenait qu’une demi-journée.

« Kaaagiyaaa ! »

Un autre cri de Yuuto, et une autre explosion. Le flash lumineux rappelait les feux d’artifice au Japon. En effet, bien que les autres ne l’aient pas reconnu, Yuuto criait les appels traditionnels faits pendant un feu d’artifice japonais.

Yuuto avait recherché et développé les bombes comme une stratégie pour contrer les chevaux de la cavalerie du Clan de la Panthère, mais — et c’est quelque chose que Yuuto lui-même ne savait pas encore — elles avaient également été utilisées dans l’histoire chinoise comme une arme de siège efficace, où elles étaient connues sous le nom de « bombes à fracas ».

Des passages décrivant leur utilisation figurent dans le Xu Zizhi Tongjian, le texte chinois compilant les travaux de plusieurs historiens sur l’histoire des dynasties Song, Liao, Jin et Yuan. L’un de ces passages se lit comme suit : « Les sons de leur grondement de tonnerre se propagent sur cent li. Ils réduisent en cendres la terre sur un demi-million d’hectares. Leur force transperce même les plaques de fer. »

Le li et le étaient d’anciennes formes de mesure chinoises pour la longueur et la superficie, respectivement. Un li correspondait à environ 500 mètres, et un mǔ à environ 667 mètres carrés.

Si l’on devait interpréter ce récit tel qu’il avait été écrit, il s’agirait d’énormes explosions qui pourraient être entendues à cinquante kilomètres à la ronde dans toutes les directions, capables d’incinérer des parcelles de terre de trois cents mètres carrés.

Dans ces documents chinois, il y avait une tendance à exagérer les chiffres descriptifs pour l’effet, donc on ne pouvait pas simplement supposer qu’ils étaient exacts tels quels, mais même des chiffres d’un dixième de ceux-ci seraient indicatifs d’une puissance de destruction significative.

Dans le cas de Yuuto, il était dans sa tente de commandement assez loin de la zone d’explosion, mais même là, il pouvait sentir l’onde de choc de chaque explosion frapper physiquement son corps.

Ce serait sûrement insupportable pour les personnes frappées par ce son et cette force à si courte distance.

« Heh heh, il semblerait que ceux qui occupent la forteresse se soient mis dans une belle tourmente, » observa Hveðrungr, le visage illuminé d’un sourire malicieux.

Et c’était exactement comme il l’avait dit : Ils pouvaient entendre les sons des soldats criant et pleurant qui commençaient à monter de l’intérieur des murs de la forteresse.

Ils avaient probablement entendu des rumeurs sur la nouvelle arme qui avait permis au clan de l’acier de vaincre les cavaliers du clan de la panthère, mais cela n’était pas comparable à l’expérience directe des effets d’une telle arme. Ce serait, au sens figuré comme au sens propre, un choc pour leur système.

Une personne originaire du 21e siècle aurait probablement été exposée à des feux d’artifice, mais ces soldats avaient affaire à quelque chose qu’ils n’avaient jamais connu de leur vie. De plus, ces bombes étaient conçues pour être beaucoup plus bruyantes que n’importe quel feu d’artifice, et lorsqu’elles explosaient, elles projetaient des éclats de fer et de verre.

Et ces armes terribles étaient soudainement déchaînées au milieu d’eux dans l’obscurité de la nuit, dans une situation où ils avaient passé des jours encerclés et isolés par l’armée ennemie.

Les soldats du Clan de la Foudre étaient rapidement tombés dans un état de panique et de terreur totale.

« Grand Frère, c’est le moment. »

« Oui, je sais… Tu sais, c’est aussi un peu bizarre que tu t’adresses à moi comme à ton grand frère. »

« Héhé, franchement, ça me semble répugnant — encore plus que je ne le pensais. Mais c’est ainsi que les choses fonctionnent dans notre monde, je n’ai pas d’autre choix que de m’y résigner. »

« Hé, tu n’as pas besoin d’aller si loin, » dit Yuuto, et avec un sourire sardonique, il se tourna pour distribuer sa prochaine série d’ordres.

S’il continuait à lancer périodiquement des bombes sur l’ennemi, cela les empêcherait de dormir, leur briserait le moral et les priverait de leur volonté de se battre. Cela les amènerait probablement au point de se rendre en temps voulu.

Cependant, il y avait une autre étape dans le plan de Hveðrungr.

« Qu’ils soient maudits ! Il faut toujours qu’ils nous réservent une surprise insolite ! »

Berthold, le général du Clan de la Foudre qui était responsable du Fort Dái, avait craché les mots avec amertume.

Il était l’un des officiers les plus hauts gradés du Clan de la Foudre, stationné là avec l’importante mission de sauvegarder cette forteresse frontalière.

C’était un homme de quarante-deux ans, et il ne fallait pas cacher le fait qu’il n’était pas aussi physiquement vif qu’avant, mais il était en service actif depuis l’époque du patriarche avant Steinþórr, et il avait une abondante expérience des nombreuses batailles qu’il avait vues au fil des ans.

Et pourtant, dans sa longue vie, il n’avait jamais rien vu de tel.

« Ressaisissez-vous, les gars ! Reprenez maintenant le contrôle de vous-mêmes ! » Berthold avait crié à tue-tête. « Bien sûr, le son peut être terrible, mais ces choses ne peuvent pas vraiment vous blesser tant qu’elles ne frappent pas trop près de vous ! »

Il avait évité de paniquer, et dans le court laps de temps qui s’était écoulé depuis le début de l’attaque, il avait calmement analysé la nature des bombes tetsuhau. Un tel exploit montrait que ce général était bien digne de la tâche de commander le Fort Dái, la première ligne de défense du Clan de la Foudre contre le Clan de l’Acier.

Cependant, ses cris étaient noyés par les explosions encore plus fortes des bombes, et son message ne parvenait donc pas à ses troupes.

C’était vraiment des armes exaspérantes.

Et qui plus est, si la surprise et l’impact de leur terrible bruit paniquaient temporairement ses soldats maintenant, ce n’était même pas vraiment tout le problème. L’expérience de Berthold lui avait permis de réaliser la véritable menace qu’ils représentaient.

« S’ils peuvent nous frapper avec ça tous les jours et toutes les nuits, mes hommes ne tiendront pas. Ils vont craquer d’ici peu… »

Tenir une forteresse contre un siège était un long concours d’endurance, qui pouvait durer des mois.

La clé de la victoire dans une impasse aussi longue réside dans la capacité à maintenir le moral de ses soldats. Ou, en d’autres termes, dans l’efficacité avec laquelle on pouvait les maintenir nourris et reposés.

En dépit d’autres facteurs, l’esprit d’une personne peut rester étonnamment résistant tant qu’elle est nourrie et reposée de manière adéquate.

Bien sûr, les ennemis de Berthold avaient jusqu’à présent déployé les efforts habituels pour tenter d’empêcher ses troupes de se reposer : assauts sur la porte à intervalles irréguliers, retentissement des gongs de guerre, etc.

Ceci, cependant, était quelque chose d’un niveau complètement différent. Ces fortes explosions forceraient une personne à sortir du sommeil le plus profond.

S’ils défendaient une grande ville fortifiée comme Bilskirnir, se terrer dans des bâtiments au centre de la ville pourrait suffire à protéger ses hommes du bruit, mais il était impossible d’y échapper dans une forteresse de cette taille.

Si cela durait ne serait-ce que trois jours et trois nuits de plus, le manque de sommeil les priverait de leur esprit et de leur capacité à se concentrer sur quoi que ce soit. Ils seraient totalement épuisés dans leur corps et leur esprit.

« Que dois-je faire ? Dois-je me rendre ? Non, c’est… »

Un soldat se précipita soudainement dans la pièce. « S-Sire, j’ai un rapport ! »

« … » Berthold s’était arrêté, laissant échapper une longue inspiration, avant de demander : « Qu’est-ce que c’est ? »

Sur le champ de bataille, il faut toujours garder l’esprit calme. Berthold savait que c’était le secret de la survie à la guerre, et donc, chaque fois qu’il recevait un rapport, il s’assurait toujours de prendre une profonde respiration et de se calmer avant de l’écouter.

Et pourtant, il était encore tellement surpris par les prochains mots qui sortaient de la bouche du soldat qu’il était obligé de se demander s’il les avait bien entendus.

« La porte principale a été forcée, et l’ennemi a pris le contrôle de l’entrée ! »

« Qu… !? » Berthold se retrouva choqué et sans voix… mais seulement pendant un instant. « Tch ! Alors ces fichus faiseurs de tonnerre n’étaient qu’une diversion ! »

Il avait immédiatement saisi le nœud de la situation, preuve de l’excellence de son commandement.

Alors que les soldats du Clan de la Foudre étaient occupés à courir partout, paniqués par cette nouvelle arme à laquelle ils n’avaient jamais eu affaire auparavant, les soldats du Clan de l’Acier avaient utilisé un bélier pour ouvrir la porte de la forteresse.

Normalement, le bruit et les vibrations de l’impact du bélier auraient immédiatement alerté ses hommes de la tentative d’intrusion de l’ennemi, et ils auraient pu les bombarder d’une grêle de flèches et les repousser. Cependant, les fortes explosions avaient fait en sorte qu’ils n’aient pas réalisé ce qui se passait, et ils avaient laissé l’ennemi terminer son assaut.

« Le petit morveux du Clan de l’Acier nous a encore joué un tour…, » Berthold soupira, ses épaules s’affaissèrent.

En réalité, ce n’était pas Yuuto qui avait eu l’idée de ce plan, mais Hveðrungr, l’ancien allié du Clan de la Foudre, mais Berthold n’avait bien sûr aucun moyen de le savoir.

« Le clan de l’acier nous a également transmis un message demandant notre reddition, monsieur. »

« … Je vois. »

La porte de la forteresse avait été percée, et la zone qui l’entourait était entièrement sous contrôle ennemi. Avec la différence de nombre de troupes entre eux, il n’y avait rien que Berthold puisse faire pour sauver la situation.

S’il choisissait de continuer à se battre, cela ne se terminerait que par un massacre unilatéral de ses hommes.

« Très bien. Je vais me rendre. Dites-leur que je me fiche de ce qui m’arrive, mais en échange, je leur demande d’épargner la vie des soldats ici… »

Naturellement, lorsque Yuuto avait appris cette décision résolue et honorable, il n’avait eu que le plus grand respect pour elle, et ainsi, la vie de Berthold avait été épargnée.

Tout comme lors de la campagne précédente contre le Clan de la Panthère, le tetsuhau s’était avéré une arme précieuse et efficace, et l’invasion du Clan de l’Acier s’était poursuivie à un rythme confortable.

Profitant de la prise de Fort Dái, l’armée du Clan de l’Acier avait rapidement avancé jusqu’au Fort Gashina, qu’elle avait également capturé sans effusion de sang.

Avec cela, le Clan de l’Acier avait, avec peu ou pas de combat réel, reconquis tout le territoire qui leur avait été pris par le Clan de la Foudre dans leur guerre précédente.

Pour la plupart des membres du Clan de l’Acier, c’était une occasion de triomphe et de joie. Cependant, il y avait une exception…

« Rrgh, bon sang ! C’est totalement différent de ce que j’attendais ! »

Dans la cour principale de la forteresse, une jeune fille nommée Hildegard hurlait de frustration, n’appréciant visiblement pas cette situation.

C’était une jeune fille aux cheveux tressés, aux yeux remplis d’une agressivité impudente et effrontée qui laissait une forte impression sur ceux qui croisaient son regard.

***

Partie 3

En partie à cause de son jeune âge, elle ressemblait à première vue à quelqu’un qui n’avait pas sa place sur un champ de bataille, mais elle était en fait un membre à part entière des Forces Spéciales de Múspell, réputées être l’unité la plus élite de l’armée du Clan de l’Acier.

Bien sûr, elle n’avait échangé le Serment du Calice avec le commandant Múspell Sigrún que la veille de leur départ en marche, elle en était donc la membre la plus récente.

La colère d’Hildegarde provenait d’un point en particulier, qu’elle avait criée à haute voix :

« Quand vais-je avoir la chance de faire mes preuves ? »

Depuis le début de l’invasion du Clan de la Foudre, elle n’avait rien fait d’autre que d’attendre à l’arrière. Elle n’avait pas encore eu l’occasion de tirer une seule flèche.

Afin d’atteindre son objectif de recevoir le serment du Calice du grand Réginarque Yuuto, l’homme qu’elle admirait le plus, elle devait mettre quelques réalisations à son nom et gagner un peu de gloire pendant cette campagne.

« Aaaugh ! Bon sang de bonsoir — ! »

Tout ce que la jeune fille pouvait faire à propos de sa colère refoulée à ce moment-là était de la projeter vers l’extérieur, en criant à la lune qui brillait dans le ciel nocturne.

Thwack !

« Aïe ! » Hildegard poussa un cri de douleur lorsqu’un poing la frappa sur le dessus de la tête.

« Arrête de hurler au milieu de la nuit, tu fais du bruit ! »

Le propriétaire de cette voix et du poing qui la précédait n’était autre que son supérieur direct et nouveau parent juré, Sigrún.

Les bras minces de Sigrún étaient, selon toute apparence, trop jolis et trop fragiles pour balancer une épée lourde sans grande difficulté, mais la vérité était tout le contraire : elle était un Einherjar, et un coup de poing de sa part possédait une force incroyable.

« Aïe… Je suis… Je suis désolée…, » Hildegard serra sa tête palpitante en s’excusant, des larmes se formant dans ses yeux.

Lorsqu’elle était encore stagiaire dans la famille Sigrún, elle avait provoqué de sérieux problèmes, mais elle était totalement obéissante maintenant.

Sigrún était excessivement protectrice quand il s’agissait de Yuuto, mais elle ne montrait pas la moindre pitié quand il s’agissait de ses propres enfants jurés.

Le coup de poing qu’Hildegard venait de recevoir à la tête était une punition typique pour les erreurs, et quelque chose qu’elle avait dû affronter tous les jours. En fait, un tel coup sur la tête était plutôt léger.

Et cette même commandante au cœur de démon lui avait aussi dit : « Tu as un grand potentiel ». Au cours du long mois d’entraînement brutal qui suivit, même une enfant à problèmes comme Hildegard avait été mise en forme, y compris en termes d’attitude.

« Je vais te montrer ! Un jour, je te surpasserais… ! »

Et pourtant, elle laissait encore souvent échapper des déclarations de ce genre. Cela montrait que, dans son cœur, elle ne se soumettait toujours pas vraiment aux autres.

Elle était elle-même un Einherjar, et terriblement fière de sa force. Tout cela s’était réuni pour créer une sacrée personnalité.

« As-tu dit quelque chose ? » demanda froidement Sigrún.

« Non, rien ! » Hildegard s’était immédiatement mise au garde-à-vous et avait secoué la tête.

La rapidité de sa réaction montrait à quel point elle avait été « entraînée ».

« Bien, alors. En fait, je me suis aussi retrouvée agitée et incapable de dormir. Tiens, allons-y un moment. » En disant cela, Sigrún lança à Hildegard une épée en bois.

Elle en tenait aussi une pour elle. Apparemment, c’était son intention depuis le début.

« Agitée ? Vous, Mère ? » Les yeux d’Hildegard s’écarquillèrent légèrement lorsqu’elle attrapa l’épée.

Sigrún était toujours aussi impassible, ne semblant jamais montrer de réaction émotionnelle. Certains l’appelaient même « la fleur gelée ». Être trop agitée pour dormir était le genre de problème dont se plaignait un débutant, mais de sa bouche, on aurait dit une blague.

« J’ai trop de mauvais souvenirs de cet endroit, » déclara Sigrún en fronçant les sourcils.

Hildegard avait passé chaque jour avec Sigrún pendant un mois entier, et c’était la première fois qu’elle la voyait arborer une telle expression.

Mais elle avait une idée sur sa cause.

« Oh, c’est vrai, c’est ici, à Gashina, que le Clan du Loup a subi une misérable défaite, non ? » demanda-t-elle.

À l’époque, Yuuto commandait l’armée du Clan du Loup, mais il s’était soudainement volatilisé, ayant été transporté de force dans son monde au-delà des cieux. Hildegard, bien sûr, ne connaissait que l’histoire publique, à savoir que Yuuto avait subi des blessures qui l’avaient rendu incapable de continuer à diriger l’armée.

L’armée du Clan du Loup avait été désorganisée par cet événement soudain, et dans ce moment de faiblesse, ils avaient été vaincus par les armées alliées du Clan de la Panthère et du Clan de la Foudre. Le Clan du Loup perdit son général et héros Olof, et par la suite, les deux villes de Gimlé et Fólkvangr furent encerclées et assiégées par l’ennemi. Toutes ces épreuves étaient nées de la bataille de ce lieu détesté.

En effet, cela laisserait naturellement des souvenirs amers. Cette guerrière au sang-froid était après tout encore une femme humaine. Ce n’était peut-être pas étonnant qu’elle n’ait pas été capable de rester calme ce soir.

Sigrún hocha la tête à la question d’Hildegard. « C’est vrai. C’était aussi la pleine lune cette nuit-là… Et donc, je suis ici pour soulager un peu de cette frustration. Tu as aussi de l’énergie à dépenser ce soir, n’est-ce pas ? »

Sigrún avait mis son épée en bois en forme, prête à combattre.

Quand elle avait vu Hildegard hurler à la lune, elle avait dû voir en elle l’exutoire parfait pour son stress refoulé.

« Voulez-vous vraiment faire ça au milieu de la nuit ? »

Aussi futile qu’elle ait pu être, Hildegard avait tenté de résister.

« Ce soir, c’est la pleine lune. Tu as les pouvoirs du loup en toi — c’est plus que suffisant comme lumière pour toi, non ? »

« … Vous me connaissez bien. »

Les loups étaient connus pour leur vision nocturne exceptionnelle, et la rune d’Hildegard était Úlfhéðinn, la peau de loup. Comme son nom l’indique, cette rune conférait à son porteur la force et les capacités d’un loup.

Elle pouvait se battre aussi facilement maintenant qu’en plein jour.

« Mais, je suis toujours si fatiguée quand je me bats avec vous, Mère. »

« Tu dis cela, alors même que tu positionnes ton épée. J’aime ça chez toi. »

Une aura menaçante se dégageait du corps de Sigrún, comme une soif de sang qui se répandait dans l’air. Cela donnait des frissons à Hildegard.

 

 

Super, la voilà dès le départ… la fameuse « Aura de glace » du commandant Múspell !

Les forces spéciales de Múspell, reconnues à l’intérieur comme à l’extérieur comme l’unité militaire la plus forte et la plus élite du Clan de l’Acier, étaient entièrement composées de soldats préparés au combat.

Toute leur formation avait été conçue pour simuler des situations de combat réelles.

Cette puissante aura d’intention meurtrière que Sigrún imposait à ses soldats avait pour but de les entraîner à ne pas se laisser submerger par l’atmosphère d’une vraie bataille, afin qu’ils puissent utiliser toutes leurs capacités sans problème. C’était une autre façon pour elle de prendre soin d’eux en tant que leur mère jurée.

En tant que telle, elle ne combattait pas vraiment avec l’intention de tuer. Malgré cela, elle avait une présence menaçante digne du plus fort guerrier du clan, et bien plus puissante que tout ce qu’un soldat moyen pourrait projeter.

De plus, il semblait encore plus dangereux que d’habitude ce soir. Peut-être était-ce à cause des souvenirs désagréables qu’elle avait évoqués.

Ce serait plus que suffisant pour paralyser un soldat débutant, et peut-être même un soldat expérimenté verrait ses jambes bloquées sur place.

C’était une pression incroyable. Mais…

« Ne m’insultez pas ! »

Hildegard l’écarta facilement et s’élança en avant, se plaçant à portée de frappe, et abattit son épée en bois d’un coup de tête.

Sigrún l’avait facilement bloqué.

Leurs épées s’entrechoquent encore et encore. Après plus de dix échanges, Sigrún reprit la parole.

« Un tel esprit et un tel cran, je ne m’attendais pas à ça de la part d’une recrue. Et ce, même si je mets deux fois plus d’intention meurtrière derrière mes attaques que d’habitude, » dit-elle avec un petit rire.

Elle continuait à parer les attaques d’Hildegard tout en parlant, malgré le fait qu’Hildegard déversait toute sa force dans chaque coup.

C’est son calme, son aisance, qui agaçait vraiment Hildegard.

Ne voulant pas être en reste, elle répliqua en criant : « Deux fois plus ? Me détestez-vous à ce point !? »

« J’ai dit que je t’aimais bien tout à l’heure, n’est-ce pas ? En fait, je t’aime vraiment. »

« Ce n’est vraiment pas ce que je pense ! »

« Vraiment ? Même si je t’adore tous les jours ? Comme ça, par exemple. »

« Ce n’est pas de l’amour, c’est du bizutage ! »

Hildegard parvenait à peine à repousser les attaques de Sigrún en ce moment, mais tout au long de son entraînement, elle avait été frappée par son épée en bois trop de fois pour pouvoir les compter.

Sigrún se retenait toujours juste assez pour ne pas infliger de vraies blessures, mais elle infligeait quand même de la douleur. Beaucoup de douleur.

Si elle avait un tel niveau de compétence qu’elle pouvait ajuster sa force avec précision au point d’infliger une douleur sans blessure, alors Hildegard ne voulait rien d’autre que lui hurler d’arrêter ses attaques avant qu’elles ne frappent du tout.

En fait, elle lui avait déjà crié ça une fois.

La réponse de Sigrún ? « Les gens n’apprennent pas vraiment de leurs erreurs à moins de ressentir de la douleur. »

Quand elle avait entendu cela, Hildegard avait crié, « Ne me dites pas cette merde ! » —au plus profond de son coeur.

« Oh, l’attaque de tout à l’heure était plutôt bonne, » dit Sigrún. « Elle avait plus de puissance derrière elle. »

« Bien sûr que oui ! » répondit Hildegard en criant.

Après tout, elle y avait mis un mois entier de colère refoulée.

« Oui, on dirait que tu t’es beaucoup améliorée. J’en arrive au point où j’aurai du mal à être indulgente avec toi. »

« Hah, il ne faudra pas longtemps avant que je vous surpasse ! »

« Je suis impatiente de voir ça. »

« Quoi — !? » Hildegard s’écria alors qu’elle était soudainement déséquilibrée. Alors qu’elle s’apprêtait à lancer une nouvelle attaque aérienne, une force inattendue s’était ajoutée au mouvement de son épée.

Son centre de gravité étant déplacé, elle avait trébuché et, avant qu’elle ne puisse se redresser, ses pieds instables s’étaient dérobés sous elle et elle était tombée à plat sur son derrière.

« Aïe ! »

« On dirait qu’il y en a pour un moment après tout, » pensa Sigrún, et pointa la pointe de son épée sur le nez d’Hildegard.

C’était incontestablement la victoire de Sigrún.

***

Partie 4

« Ngh… ! » Hildegard gémit.

« Allez, un autre tour. Lève-toi, » dit Sigrún.

« Oui, Mère ! »

Hildegard se redressa immédiatement. C’était une réaction plutôt soumise de la part d’Hildegard, mais c’était parce qu’elle savait, de par son entraînement, qu’une réponse lente lui vaudrait une réprimande très physique.

« Maintenant que j’y pense, qu’en est-il de ce pouvoir que tu as utilisé la première fois que nous nous sommes battues ? Ne vas-tu pas t’en servir ? » demanda Sigrún, en tapant sa lame de bois contre son épaule.

Hildegard grimaça en se remémorant cette occasion, puis finit par pousser un soupir de lassitude.

« C’est vrai. Vous voulez dire la Bête… »

La rune d’Hildegard avait un pouvoir particulier qui était différent des autres runes.

Il libérait la bête qui vivait au fond d’elle, et le pouvoir de la bête était capable d’augmenter sa force physique et son agilité jusqu’à des extrêmes incroyables, anormaux même selon les normes des puissants guerriers Einherjar.

« J’ai scellé cette chose loin… »

« Scellé ? C’est du gâchis. Si tu pouvais apprendre à le contrôler complètement, il ferait une arme magnifique pour toi. »

« Je préférerais que ce ne soit pas le cas. » Le visage d’Hildegard se crispa encore plus.

Il est vrai que libérer la Bête lui conférait un pouvoir incroyable, mais cela la privait aussi de son esprit conscient. C’était une épée à double tranchant.

Dans son état d’inconscience, elle avait attaqué le Réginarque, et s’était même mouillée devant lui, une expérience horrible qui lui avait donné envie de ramper dans un trou et de mourir.

Elle ne voulait plus jamais vivre une expérience aussi terrifiante et humiliante.

« Eh bien, je suppose que c’est vrai que si tu ne peux pas garder ta conscience, c’est trop dangereux de l’utiliser. »

« Exactement ! »

« Alors tu dois juste te rendre plus forte. Maintenant, vas-y ! »

« Oui, Mère ! »

Et leurs lames de bois s’entrechoquèrent une fois de plus.

« Haah, haah… J’ai encore perdu. Haah, haah… Laissez-moi au moins vous donner un bon coup ! »

Allongée sur le sol, à plat sur le dos, le corps étalé en largeur, Hildegard se plaignait.

Même après plus de vingt affrontements, la lame en bois d’Hildegard n’avait pas effleuré le corps de Sigrún.

« Si tu le veux, alors améliore-toi, » répondit Sigrún en posant son épée en bois sur ses épaules. « Si tu continues à ce rythme, dans six mois, tu devrais pouvoir gagner environ une fois sur dix. »

Sigrún n’était pas essoufflée, mais elle respirait un peu plus fort qu’au début, et son visage était couvert de sueur.

En repensant à ce qui s’était passé il y a un mois, alors qu’elle n’avait rien pu faire pour perturber l’expression détendue et froide de Sigrún, Hildegard pouvait voir qu’elle avait fait de réels progrès. Mais même ainsi…

« Encore six mois de traitement brutal, et c’est tout ce que je pourrai faire… ? » murmura Hildegard d’un air consterné.

C’était comme si un mur insurmontable s’étendait au-dessus d’elle, d’une hauteur impossible.

Avec toute sa puissance, Hildegard n’était toujours pas capable de se battre contre cette louve aux cheveux argentés… et pourtant, il avait fallu à Sigrún elle-même toute sa force et son habileté pour faire une petite égratignure au Dólgþrasir. Alors, à quel point avait-il été fort ? Elle n’arrivait pas à l’imaginer.

Ensuite, il y avait son sage et courageux Réginarque, qui avait à maintes reprises facilement repoussé le Tigre affamé, menant ce monstre par le bout du nez. Et puis le patriarche du Clan de la Flamme, qui avait apparemment tué ce même monstre sans le moindre problème. Il y avait tellement de personnes ridiculement fortes dans ce monde.

Lorsqu’elle s’était éveillée à sa rune, il y a un mois, Hildegard avait été tellement persuadée qu’on ne pouvait pas l’arrêter, que sa force la mènerait jusqu’au sommet. En y repensant maintenant, elle réalisait à quel point elle n’avait été qu’un gros poisson dans un petit étang, ignorant tout des personnes bien plus fortes qu’elle.

Elle avait été tirée de ses pensées par le bruit d’un applaudissement. Toujours au sol, elle avait tourné la tête pour regarder dans la direction du son et elle avait vu…

« S-Seigneur Réginarque !? »

C’était le chef de sa famille et le dirigeant de sa nation, la personne qu’elle considérait avec toute la révérence du divin. Elle s’était précipitée sur ses pieds, puis était retombée à genoux et avait baissé la tête.

Elle avait l’impression d’avoir toujours l’air faible et honteuse devant lui. Une fois de plus, elle avait envie de ramper dans le plus proche trou disponible.

« Ah, ce n’est pas nécessaire, » dit le Réginarque. « Nous ne sommes pas en public. Tu peux te détendre. »

Hildegard leva la tête. Il était là, juste en face d’elle. On ne pouvait pas se tromper sur son apparence ni sur sa voix. C’était le jeune homme pour lequel elle éprouvait une admiration sans fin depuis qu’elle l’avait vu pour la première fois, il y a un mois, et qu’elle ne pouvait normalement voir que de loin.

Hildegard était heureuse, mais aussi figée par les nerfs.

« Je regardais votre combat. Tu es la nouvelle recrue de l’époque, non ? Tu es un sacré numéro pour avoir pu te battre comme ça contre Rún. »

En entendant Yuuto parler d’elle sur un ton aussi impressionnant, le cœur d’Hildegard se gonfla de joie et elle se sentit éclater en un sourire.

Mais Sigrún secoua la tête et intervint. « Non, elle est encore trop inexpérimentée. »

Tu n’avais pas besoin de dire ça ! se dit Hildegard.

« Vraiment ? C’est la première personne que je vois se battre aussi bien contre toi. »

À la déclaration de Yuuto, la fille qui se tenait derrière lui avait hoché la tête. « Oui, je suis d’accord. Je pense que même moi, j’aurais du mal à le faire aussi bien. »

Hildegard serait la première à admettre que sa mère jurée Sigrún était une femme extrêmement belle, mais cette autre fille n’en était pas moins un sommet de beauté à part entière.

« Si même Félicia le dit, c’est qu’elle est forte, c’est sûr. Très bien, alors. Rún, je veux emprunter cette fille et quelques autres membres compétents du Múspell pour me servir de gardes du corps pendant un moment, est-ce d’accord ? »

« … ! » Hildegard sentit son cœur faire un bond.

Être la garde personnelle de Yuuto signifiait qu’elle servirait à ses côtés. Si elle faisait bonne impression auprès de lui, cela augmenterait ses chances de gravir les échelons. Et plus que tout, il y avait la possibilité que cela lui permette d’être invitée dans sa chambre à coucher.

Le cœur d’Hildegard battait la chamade rien qu’en pensant à toutes les issues potentielles qui lui traversaient l’esprit, mais une fois de plus, la voix de son supérieur était intervenue et avait jeté de l’eau froide sur tout.

« Je n’ai aucun problème avec ça, Père, mais… dois-tu prendre celle-ci ? » demande Sigrún, d’un ton résolument négatif.

Bien sûr, Hildegard n’était pas en mesure de prendre la parole et d’argumenter en ce moment.

« Oui, il n’y a aucun doute quant à sa force », poursuivit Sigrún, « mais je m’inquiète de la laisser servir à tes côtés alors que son comportement est encore… »

« Je me tiendrai bien ! Je promets d’être calme et de me comporter au mieux de mes capacités ! » s’écria Hildegard. Avec une telle chance unique en jeu, elle n’avait finalement pas pu se taire.

« C’est comme tu peux le voir, » déclara Sigrún sans ambages. Hildegard n’avait fait que lui donner raison.

Certes, s’immiscer dans une conversation entre deux supérieurs était le summum du comportement inapproprié. Hildegard criait intérieurement d’angoisse en voyant à quel point elle était irréfléchie.

« Mais des gardes du corps, Père ? Pour quoi faire ? » demanda Sigrún d’un ton interrogatif.

Avec cette question, Hildegard avait aussi réalisé que quelque chose clochait.

En tant que commandant en chef, Yuuto était situé dans la position la plus sûre et la plus protégée des formations de l’armée, et il avait déjà des combattants forts et compétents comme Félicia à proximité pour le protéger.

En ce sens, sa demande pour encore plus de gardes du corps était assez troublante.

« Se pourrait-il que des assassins aient infiltré nos rangs ? »

La supposition de Sigrún était basée sur le fait que, dans cette situation, c’était la seule méthode qui restait au Clan de la Foudre pour tenter de renverser la situation.

Cependant, Yuuto avait fait un signe de la main, écartant cette possibilité. « Ah, non, rien de tout ça, » dit-il. « En fait, je viens de recevoir un message du patriarche du Clan de la Flamme demandant à me rencontrer et à me parler en personne. Il a dit qu’il n’était pas nécessaire de s’embarrasser de toute une cérémonie de rencontre formelle, que puisque nous étions proches, nous pouvions aussi bien nous voir. »

***

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