Le Maître de Ragnarok et la Bénédiction d’Einherjar – Tome 11 – Chapitre 2 – Partie 5

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Chapitre 2 : Acte 2

Partie 5

Chargée d’une si lourde responsabilité, Linéa considérait le fait de ne pas accorder toute son attention à son travail comme une insulte à son poste et à son peuple.

Si elle s’occupait du travail, alors elle voulait se concentrer uniquement sur le travail.

Avec Yuuto qui s’efforçait si sérieusement d’assurer l’avenir du Clan de l’Acier, elle avait ressenti une résistance à interrompre cela pour des raisons aussi frivoles.

« Dans ce cas, il faut agir tout de suite et aller le voir pendant sa pause déjeuner », proposa Haugspori.

Linéa avait tressailli. « H-Huh !? Tu veux dire aujourd’hui !? »

« Bien sûr que oui », avait-il répondu sans ambages.

« C-Ca ne peut pas au moins attendre jusqu’à demain ? » demanda-t-elle timidement.

Elle venait juste de discuter d’un sujet aussi grave avec lui, après tout. Elle voulait au moins un jour pour remettre les choses en place avant de réessayer.

« Que voulez-vous dire ? Si vous souhaitez vous rapprocher de lui, alors le voir plus souvent est la seule façon de le faire, oui ? »

« B-Bien… »

« Et en premier lieu, votre position était à l’origine celle d’une outsider. Vous avez commencé plusieurs pas en arrière par rapport aux autres femmes pour ce qui est de faire connaissance avec lui. »

« Argh…, » Linéa ne pouvait rien dire en réponse, il avait soulevé un point douloureusement juste.

Jusqu’à la fondation du Clan de l’Acier, Linéa avait été la petite sœur jurée de Yuuto, mais toujours une « sœur extérieure » — ne faisant pas vraiment partie de son clan. Elle n’avait jamais pu le voir qu’une fois, voire deux par mois.

Quelles que soient les raisons, Linéa avait certainement ressenti une différence entre la façon dont il était avec elle et avec les femmes qui avaient servi sous ses ordres depuis ses jours dans le Clan du Loup. C’est comme si tous les deux individus n’étaient pas capables de se confier aussi facilement l’un à l’autre.

« Vous êtes enfin devenue sa fille jurée, un individu beaucoup plus proche de son cercle intime, alors qu’est-ce qu’il y a à gagner à hésiter maintenant !? Il est vrai qu’en matière d’amour, il est parfois important de se retirer et de laisser de l’espace à l’autre, mais fondamentalement, vous devriez toujours passer à l’attaque ! »

« Je… Je vois…, » alors que Haugspori exposait les arguments les uns après les autres, Linéa acquiesçait.

Elle avait l’impression qu’il la poussait un peu trop fort sur ce point, mais elle comprenait que c’était parce qu’il tenait à elle de tout cœur.

De plus, Linéa était quelqu’un qui accordait du crédit aux paroles d’un expert sur des sujets avec lesquels elle avait des difficultés. C’était l’un de ses points forts.

« Très bien. Je vais faire ce que tu dis. Cependant, je suis un peu en retard dans mon travail d’aujourd’hui, à cause de ma distraction de ce matin. Laisse-moi au moins m’occuper de ça en premier. »

« Compris, Princesse. Permettez-moi de vous aider. »

Linéa acquiesça. « Merci, je compte sur toi. »

Et donc, Linéa avait passé un bon moment complètement absorbée par son propre travail de bureau.

En tant que commandant en second d’une grande nation comme le Clan de l’Acier, le volume de travail la tenait aussi terriblement occupée que Yuuto, si ce n’est plus.

Elle devait examiner attentivement les propositions qui remontaient la chaîne de commandement jusqu’à elle, et faire venir les personnes responsables si elle avait des questions importantes, écouter leurs explications et donner ensuite des instructions concrètes.

Si l’administration du clan était comme un corps humain, avec Yuuto comme cerveau, alors on pourrait dire que Linéa était le cœur qui le maintenait en vie.

Les idées et inventions novatrices de Yuuto avaient été le moteur de la croissance du Clan de l’Acier, et tout le monde s’accordait à dire qu’il était le « pilier » symbolique qui tenait toute la confédération ensemble. Mais on pourrait également arguer qu’ils n’avaient besoin de lui que pour fonctionner, sans nécessairement avoir besoin de lui pour effectuer le travail de bureau quotidien.

Cependant, si Linéa ne remplissait pas ses fonctions, il ne faisait aucun doute que les différentes parties du gouvernement commenceraient à s’enrayer, causant toutes sortes de problèmes et de confusion pour les personnes à la base.

« Très bien, le prochain est… »

Une fois une autre tâche accomplie, Linéa tendit la main pour prendre le document suivant de la pile devant elle, mais celui-ci lui avait été arraché des mains.

« Qu’est-ce qu’il y a, Haugspori ? »

« Je m’excuse de vous arrêter alors que vous êtes si absorbé par vos fonctions, mais il est temps. »

« Le temps… ? Ah ! » cria Linéa, réalisant soudain qu’elle avait complètement oublié le plan.

Lorsqu’elle se concentrait vraiment sur son travail, elle devenait incapable de penser à autre chose.

« Le Réginarque Yuuto est allé visiter le jardin de Vingólf. Il semble qu’il y prenne souvent ses déjeuners ces derniers temps. »

« Ah, c’est vrai, Vingólf. C’est un bon endroit pour se détendre. »

Linéa connaissait en effet très bien l’endroit en question.

Son père biologique, Hrungnir, avait été à un moment donné le gouverneur de la région de Gimlé, et Linéa avait entendu des histoires sur la façon dont il avait rencontré et était tombé amoureux de la femme qui deviendrait sa mère au Jardin de Vingólf.

C’est l’endroit qui avait nourri l’amour entre les parents de Linéa, et elle l’avait donc visité elle-même de nombreuses fois.

À cette époque de l’année, l’endroit serait rempli de la couleur des fleurs du cosmos et autres fleurs d’automne en pleine floraison.

Cette pensée lui rappelait de bons souvenirs, et Linéa s’en souvient un peu en s’y rendant.

En entrant, elle avait rapidement repéré Yuuto à l’intérieur du pavillon au centre du jardin.

« Père…, » elle commença immédiatement à l’appeler, mais s’arrêta. Félicia, assise à côté de Yuuto, s’était tournée vers elle et avait mis un doigt silencieusement sur ses lèvres.

Linéa fit de son mieux pour ne pas faire de bruit alors qu’elle s’avançait lentement vers eux. Yuuto était assis, la tête appuyée sur ses bras, sur la table du pavillon, les yeux fermés.

« Alors, il dort ? »

« Oui, à l’instant, en fait. Il avait tellement de choses en tête hier, je ne peux que supposer qu’il n’a pas beaucoup dormi la nuit dernière. »

« Je vois. C’est compréhensible. »

Linéa savait à quel point le sens des responsabilités de Yuuto était puissant.

Face à cette crise sans précédent et à son devoir de protéger le clan et les très nombreuses personnes qui vivaient sous sa coupe, il n’avait pas dû pouvoir s’empêcher de continuer à penser au problème même après s’être couché pour la nuit.

« Pourtant, il va faire mal à son pauvre cou en dormant dans cette position. »

Félicia avait quitté son siège de l’autre côté de la table pour s’asseoir juste à côté de Yuuto. Lentement, et doucement, pour ne pas le réveiller, elle avait soulevé sa tête de la table et l’avait fait reposer sur ses genoux.

« Tee-hee. » Avec un doux rire, elle lui caressa tendrement les cheveux et regarda son visage endormi, les yeux remplis d’affection.

Linéa n’était pas experte dans les affaires intimes des hommes et des femmes, mais elle comprenait ce qu’elle voyait.

Au minimum, l’acte de caresser la tête d’une personne était irrespectueux lorsqu’il était fait à une personne de statut supérieur. Dans le passé, Félicia ne se serait pas permis de faire quelque chose d’aussi effronté.

« Euh… Tante Félicia… Avez-vous, hum, et Père, c’est-à-dire… »

Il était difficile de se résoudre à poser la question directement. Linéa trébuchait, incapable de trouver les bons mots.

« Ah. » Félicia semblait avoir compris la question de Linéa. Elle hocha la tête et déclara : « Oui. Grâce à l’intervention de la Grande Sœur Mitsuki, j’ai eu l’honneur de consommer mon amour avec Grand Frère Yuuto. Et, bien, c’est juste avant sa cérémonie de mariage, donc le moment était un peu inapproprié, mais cela m’a permis de m’accorder l’honneur de devenir officiellement sa concubine à la première occasion appropriée. » Les joues de Félicia étaient rouges. Elle avait l’air un peu timide, mais aussi très heureuse.

« Je… je vois, » répondit maladroitement Linéa. « Donc, vous et Père êtes maintenant… »

Elle pouvait voir que sa propre voix tremblait.

Elle avait l’intention de s’y préparer, mais le fait de l’entendre de première main, d’apprendre que l’homme qu’elle aimait entretenait ce genre de relation avec une autre femme, lui faisait mal au cœur.

Dans ses pensées, Linéa essayait de s’encourager, de se dire que s’il avait accepté d’avoir une relation avec Félicia, alors peut-être qu’il y avait une chance pour elle aussi… mais elle sentit ce petit espoir être écrasé lorsque son regard se promena sur le beau corps doux et voluptueux de l’autre femme.

Sa pleine et énorme poitrine en particulier !

La femme de Yuuto, Mitsuki, était également bien dotée.

En revanche, si Linéa baissait les yeux sur ses propres atouts, elle pouvait aussi voir clairement ses propres pieds. Il n’y en avait pas assez pour lui bloquer la vue, après tout.

Lorsque Linéa se comparait aux deux autres femmes, elle ne pouvait s’empêcher de ressentir un sentiment d’infériorité, se demandant si elle ne manquait pas carrément de charme féminin.

« Vous êtes incroyable. Le cœur de Père était si dévoué à la Grande Soeur Mitsuki, aussi bien gardé que les chariots blindées du Mur de Chariot, et pourtant vous l’avez persuadé de se rendre à vous. J’aimerais avoir autant de chance. »

« Non, c’est entièrement parce que la Grande Soeur Mitsuki est intervenue en ma faveur. Seule, je n’aurais jamais… »

« Il n’y a pas besoin d’être modeste. Même en tant que compatriote, je reconnais combien vous êtes charmante et attirante. À tel point que cela me rend envieuse, en fait. En attendant, je serai toujours traitée comme sa petite sœur, et je ne peux pas être sûre qu’il me considère même comme une femme. » Linéa laissa échapper un soupir désespéré.

Sa rivale amoureuse n’était pas le public approprié pour ses plaintes en ce moment, mais elle ne pouvait pas contenir ses sentiments plus longtemps.

« Ce n’est pas… »

« Inutile de me consoler par pitié. Je sais très bien que mon visage et mon corps sont pratiquement ceux d’une enfant. »

« Erm, mais… »

Félicia avait essayé de répondre, mais elle avait fait une pause et s’était éloignée, ne sachant apparemment pas quoi dire.

« Quant à ma personnalité, je suis une femme profondément ennuyeuse. Lorsque je suis venue dans le bureau de Père tout à l’heure, c’était en fait parce que j’essayais de me rapprocher de lui. Malgré cela, avant que je ne m’en rende compte, je n’arrêtais pas de parler de stratégie et de politique avec lui, en laissant de côté toute trace de pensée romantique. »

« Je ne pense pas qu’on puisse y faire grand-chose, vu la situation à ce moment-là… » Une fois de plus, Félicia tenta de placer un mot pour apaiser les inquiétudes de Linéa.

« Non, » dit Linéa en secouant la tête. « C’est plus que ça. Si j’y repense, ça a toujours été comme ça. Quand je parle avec Père, il s’agit toujours, toujours, de politique et de travail. Il ne faut pas s’étonner qu’il ne me voie pas comme une femme. »

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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