Le Dilemme d’un Archidémon – Tome 14 – Chapitre 3 – Partie 2

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Chapitre III : La raison pour laquelle j’ai adopté un chat noir

Partie 2

« Chasseur d’épées… vous dites ? »

Tôt le matin, à l’intérieur de la chapelle de l’église, un chevalier angélique et un évêque se faisaient face. L’évêque était un vieil homme approchant la soixantaine. Avec sa bedaine et ses joues tombantes, il était le type d’homme qui trouvait épuisant de simplement monter un escalier.

Raphaël fronça les sourcils à la mention d’un nom inconnu. Un tel geste de la part d’un homme qui semblait avoir oublié comment utiliser correctement ses muscles faciaux dégageait un air intimidant, comme s’il pouvait tuer quelqu’un en utilisant seulement ses yeux. L’évêque sursauta et se pencha en arrière, mais il hocha la tête en laissant couler une goutte de sueur froide sur sa joue.

« Connaissez-vous l’auberge Mercator ? Elle est située à environ un jour au sud de Kianoides, dans les montagnes. Elle est quelque peu isolée, et bien qu’il y ait une église, aucun chevalier angélique n’y est posté. C’est cependant un point d’arrêt important pour les colporteurs, donc c’est plutôt animé. »

En d’autres termes, l’Église était présente en esprit, mais elle se trouvait en dehors de sa sphère d’influence réelle. De telles villes finissaient généralement sous le contrôle de sorciers. Ainsi, ce Chasseur d’épées était très probablement le surnom d’un sorcier qui dirigeait cette ville, ou quelque chose d’approchant. Ce n’était pas une histoire si inhabituelle.

Avec l’aide des Armures Sacrées et des Épées sacrées, les Chevaliers angéliques possédaient le pouvoir de vaincre les sorciers, mais ils n’étaient encore qu’humains. Il était difficile de s’attaquer à un sorcier seul, en devant affronter le feu, la foudre et d’autres attaques bien plus inimaginables. Dans un véritable affrontement frontal, il faudrait au moins une escouade pour venir à bout d’un seul sorcier. Qui plus est, l’Armure Sacrée était une ressource limitée et il n’y avait que douze Épées sacrées, ce qui était clairement insuffisant pour protéger l’ensemble du continent.

Raphaël resta silencieux et incita l’évêque à poursuivre.

« Un sorcier portant le surnom de Chasseur d’Épées est responsable d’une série d’incidents violents à Mercator. Je ne sais pas s’il collectionne les trophées ou quoi, mais il a pris toutes les épées de ses victimes. »

« Hm… ? Les décès hors de portée de l’Église sont le problème des locaux. Laissez ces satanés sorciers s’entretuer. »

« Attention au ton, Hyurandell ! »

L’évêque avait fait semblant d’être courageux, mais il tremblait de façon incontrôlable et ne pouvait même pas regarder Raphaël dans les yeux. C’était en partie la faute de Raphaël qui avait mal formulé les choses. Il y avait aussi des règles à respecter dans le domaine des sorciers.

Dans les régions hors de portée de l’Église, de puissants sorciers régnaient. Si des incidents se produisaient dans leur région, cela affectait leur réputation. En conséquence, le sorcier responsable du secteur se mettait en quête de représailles par lui-même. Si un Chevalier Angélique venait à intervenir, cela pourrait se terminer par une bataille sur deux fronts. Il était donc normal de faire preuve de prudence lorsqu’il s’agissait de zones gouvernées par des sorciers. C’est du moins ce que Raphaël avait voulu faire comprendre. Malheureusement, rien de tout cela n’était parvenu au prêtre.

« Par malchance, un chevalier angélique de passage a été attaqué », poursuit l’évêque. « Heureusement, il vit encore, mais l’Église ne peut pas laisser faire cela. »

« Me dites-vous donc d’éliminer ce sorcier ? »

« Pour porter un jugement sur eux. L’Église n’est pas une maison d’assassins. »

Le résultat final était le même, alors quel était l’intérêt de choisir ses mots comme ça ? Cependant, sans le soutien de la population, les chevaliers angéliques n’étaient pas différents des sorciers, et c’était le travail des évêques de gagner leur soutien. Raphaël n’était pas vraiment convaincu, mais il pouvait au moins le comprendre.

« En bref, un asservissement, » se corrigea Raphaël, l’air totalement indifférent. « Et les autres ? »

« À propos de ça…, » commença l’évêque, clairement troublé par la question. « Il faudra du temps pour former une équipe d’asservissement. Nous aimerions que vous alliez de votre côté à Mercator et que vous commenciez à enquêter. »

En d’autres termes, ils veulent se débarrasser de la nuisance dans leur maison.

Raphaël soupira. Ce n’était pas une première. Il était conscient que l’évêque… ou plutôt, tout le monde autour de lui, le fuyait. Il savait qu’il n’était pas sociable au sens le plus large du terme. Personne ne se battrait avec lui directement, mais il pouvait dire quand les autres faisaient seulement semblant de lui montrer du respect tout en le gardant à distance.

Cela dit, cet ordre revenait en gros à lui dire d’aller mourir à l’abri des regards, ce qui lui donnait un peu mal à la tête. Ainsi, le visage déjà effrayant de Raphaël était devenu encore plus effrayant. La sueur coulait sur le front de l’évêque comme s’il avait une lame sous la gorge. L’évêque l’avait essuyé avec un mouchoir, le tissu étant trempé en un instant.

« Je ne peux que demander cela à un chevalier angélique aussi compétent que vous », avait-il ajouté rapidement. « Si nous prenons trop de temps, des civils innocents seront exposés au danger. Cela menace la dignité de l’Église. »

Ces vies innocentes étaient celles qui étaient en danger, mais l’Église n’aurait rien fait si l’un de ses chevaliers n’avait pas été victime au départ.

« N’est-ce pas vous qui devriez surveiller votre ton ? » dit Raphaël à voix basse, bien décidé à critiquer l’évêque.

Un évêque se devait de faire de la sécurité de la population sa priorité numéro un. Cependant, en voyant comment Raphaël n’avait pas vraiment choisi ses mots pour transmettre cette idée, et en ajoutant le fait qu’il avait consciemment baissé la voix, c’était comme s’il avait l’intention de tuer l’homme. Malheureusement, Raphaël n’était pas conscient de ce fait.

L’évêque était tombé à plat sur ses fesses, le sang disparaissant de son visage en un instant, et marmonnant, « S-S-S-S-S’il vous plaît ne me t-t-t-t-tuez pas… »

« Hm… ? Quelle drôle de chose à dire. Vous me trouvez incapable de faire autre chose que de tuer ? »

Eh bien, il serait préférable que cela se termine simplement par une arrestation, mais prendre des sorciers vivants était difficile. Vu qu’ils formaient une escouade d’asservissement, l’Église ne devait pas avoir de scrupules à faire couler le sang.

« Eek… »

C’était le cas, mais l’évêque était devenu si pâle que c’était comme si la sentence de mort avait été prononcée sur lui. Une seconde plus tard, ses yeux se révulsèrent et il s’évanouit.

« À la fin, nous ne pouvions pas nous comprendre… »

L’évêque était en fait le supérieur direct de Raphaël. Il avait pensé qu’il serait juste de lui dire au moins un adieu en bonne et due forme avant de partir, mais il ne pouvait pas rester à attendre qu’il se réveille. Si ce Chasseur d’Épées possédait la capacité de vaincre un chevalier angélique, il ne serait pas étrange qu’il se mette à tuer sans discernement.

Si je prends un cheval rapide maintenant, je devrais y arriver à la tombée de la nuit.

C’est cette nuit-là que Raphaël rencontra la fille au masque d’animal.

***

Raphaël marchait vers une auberge à la périphérie de la ville en se remémorant les détails de son départ de Kianoides.

Le Chasseur d’Épées a fini par m’échapper…

Il se demandait si c’était une chance ou une malchance qu’il l’ait rencontrée dès son arrivée à Mercator. En tout cas, il voulait la vaincre, mais c’était difficile à faire sans alliés et sans connaissance du terrain. Il avait espéré pouvoir tirer des informations du masque qu’il avait ramassé, mais il n’avait aucun moyen d’enquêter pour le moment. C’est pourquoi il avait décidé de se promener et de chercher un endroit où se reposer.

L’enseigne de l’auberge était si sale qu’il ne pouvait même pas lire son nom. Les murs extérieurs en bois du bâtiment semblaient vieux, et en jetant un coup d’œil vers le haut, il remarqua qu’une partie des bardeaux du toit s’était détachée. La moindre pluie ne manquerait pas de donner une sacrée douche à l’intérieur. Le premier étage était une taverne, mais il n’y avait presque personne à l’intérieur, et ceux qu’il voyait avaient tous le visage de voyous en voyage et autres. Cette ville auberge avait été construite pour le bien des colporteurs qui parcouraient les terres. Ainsi, la majorité des bâtiments ici étaient des auberges. Cependant, celle-ci, en particulier, semblait être plutôt désolée, avec très peu de clients.

Pourtant, il y avait quelques raisons pour lesquelles il avait choisi cette auberge. D’abord, elle était proche de l’église. Deuxièmement, les dommages aux alentours seraient minimes en cas de problème. Et enfin, en voyant leur clientèle régulière, même lui ne mettrait pas les gens autour de lui mal à l’aise. Cette dernière partie était particulièrement importante. Il y avait, en fait, une église en ville, donc en tant que Chevalier Angélique, il aurait pu s’arranger pour y être logé. Cependant, le traitement qu’il avait reçu de l’évêque était tout sauf nouveau. Où qu’il aille, les gens le traitaient comme ça. Il était désagréable que les gens le craignent inutilement alors qu’il souhaitait simplement reposer son corps fatigué.

Après avoir frappé à la porte, une fille qui semblait être une employée était sortie.

« Bienvenue ! Une chambre pour une personne ? »

Une jeune fille tabaxi l’avait salué d’une voix brillante. Elle semblait avoir une quinzaine d’années, ou peut-être même plus jeune. Ses cheveux noirs glamour descendaient jusqu’à sa taille et les oreilles au sommet de sa tête étaient de la même couleur. Sa peau était si blanche que c’était comme si elle n’avait jamais été sous la lumière du soleil, ce qui la faisait ressembler à la fille d’un noble ou d’un riche marchand. Elle était suffisamment attirante pour que même Raphaël la trouve plutôt charmante.

Hm ? Des yeux rouges… et j’ai l’impression qu’elle est de la même taille que ce chasseur d’épées…

Il était assez peu probable que la criminelle qui lui avait échappé soit une employée de l’auberge qu’il avait choisie sur un coup de tête.

La jeune fille leva les yeux vers le visage de Raphaël… et son sourire se convulsa fortement.

« Hawawawawawa !? »

Son visage était un peu trop stimulant pour être vu dans une telle obscurité. La fille était retombée sur ses fesses, les larmes aux yeux.

« A-A -Attendez. P-P-Par pitié, ne me tuez pas ! Je-je n’ai toujours pas… ! »

 

 

Non seulement il faisait sombre, mais le visage de Raphaël était couvert de boue à cause du combat précédent. La fille avait commencé à pleurer, suppliant pour sa vie comme si elle était confrontée à un bandit ou à un monstre. En voyant une réponse si semblable à celle que l’évêque lui avait donnée avant son départ, Raphaël ne put retenir un soupir. La jeune fille pâlit, ayant apparemment interprété cela comme un signe qu’elle ne pouvait pas lui échapper.

« Heidi ! Qu’est-ce que tu fais ? »

Alors que Raphaël se demandait comment s’occuper de la fille, un homme cria de l’intérieur du bâtiment. Il était sorti, avait pris la fille par la peau du cou et l’avait remise sur ses pieds avec force.

« Va à l’intérieur et aide à la taverne. »

« Eep… J’ai la trouille… »

Après avoir jeté un regard en arrière vers elle alors que la fille s’enfuyait, l’homme, qui semblait être l’aubergiste, avait jeté un regard furieux à Raphaël. Ses yeux n’étaient cependant pas vraiment remplis de colère. C’était plus comme s’il y avait une lumière vacillante de désespoir, comme s’il risquait sa vie pour gagner du temps.

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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