La lignée de sang – Tome 1 – Chapitre 1 – Partie 1

***

Chapitre 1 : La fille dans la cage à oiseaux

Partie 1

Le cœur de Nagi pompait avec force le sang dans ses membres. C’était un roturier. Son sang n’était pas spécial. Ainsi, rien de plus n’en était sorti.

Contrairement au sang noble, il ne pouvait pas le transformer en arme.

Contrairement au sang noble, il ne lui avait pas accordé la vie éternelle.

Quoi qu’il en soit, le sang de Nagi coulait dans son corps, donnant de la force à ses muscles. Et avec cette force, il pouvait utiliser le grand couteau serré dans sa main droite pour frapper l’ennemi qui se trouvait devant lui.

Le gardien du Jardin Interdit était plus grand que Nagi d’une tête. Ses muscles étaient volumineux, mais ils n’avaient pas l’air bien entraînés. Il rappelait à Nagi une bête de la forêt qui accumulait de la graisse pour pouvoir braver l’hiver. Les mouvements de ce garde étaient beaucoup plus lourds que ceux des proies que Nagi avait chassés à maintes reprises auparavant.

Mais la grande carrure du garde était une menace en soi. De plus, son équipement standard, composé d’une épée et d’un bouclier, était bien supérieur au couteau de Nagi. Nagi était désavantagé rien qu’à cause de la longueur de son arme. Il avait un arc et un carquois de flèches sur le dos, mais il n’avait pas le loisir de préparer un tir avec.

De plus, Nagi n’avait pas l’habitude de se battre contre les gens. Il n’avait jamais perdu dans un combat dans son village jusqu’à présent, mais c’était la première fois qu’il se battait contre quelqu’un en utilisant une arme. Mais par-dessus tout, Nagi affrontait un noble.

Debout devant l’homme, Nagi n’était qu’un lièvre en présence d’un lion. Son cœur tremblait de peur. Un roturier ne pourrait jamais gagner contre un noble… contre un prédateur.

Malgré cela, Nagi s’était avancé. Le garde n’aurait jamais imaginé qu’un roturier lui ferait une attaque. L’attaque l’avait pris au dépourvu, et son bouclier n’avait pas été déplacé à temps. Le couteau de Nagi avait assurément déchiré la chair.

Mais le garde n’avait pas paniqué. Les commissures de ses lèvres s’étaient levées en un ricanement. Le garde était un noble, tandis que Nagi était un roturier. Une lame maniée par un roturier ne signifiait rien pour un noble. Même si la lame elle-même pouvait l’atteindre, elle n’avait aucune utilité.

La réalité avait cependant trahi le dédain du garde. Du sang avait jailli de sa blessure à l’épaule. Son visage était maintenant coloré par la confusion et un choc bien trop tardif. Il n’y croyait pas. Le couteau de Nagi était grand et tranchant, mais il n’était encore qu’une lame maniée par un roturier. Même s’il avait été coupé, le noble corps du garde aurait dû immédiatement réparer la blessure. C’était de notoriété publique.

Mais cette connaissance commune ne s’appliquait pas ici. Nagi en savait autant. C’est le travail du Halahala qui avait été recouvert sur son couteau. L’épaule du garde avait été déchirée, le forçant à laisser tomber son bouclier. Le bruit raide du métal qui s’entrechoquait contre le sol dur résonna dans l’air. Après s’être figé et s’être tenu là dans un état d’hébétude, le cliquetis ramena sa conscience à la réalité.

Il avait laissé échapper un cri dénué de sens. Il y avait une peur évidente dans sa voix.

« Calibre de sang ? Dans les mains d’un roturier ? Impossible… »

Le garde ne pouvait cacher son agitation devant le mystère de la blessure infligée par un roturier.

Nagi avait également été surpris par les effets du poison. Il semblait que Keele avait dit la vérité sur sa capacité à blesser les nobles. Même s’il était au milieu de la bataille, Nagi s’était retrouvé à se souvenir du passé. Il s’était rappelé pourquoi en premier lieu il était venu au Jardin Interdit.

Un fantôme avait parlé à Nagi de cet endroit — le fantôme du frère aîné de Nagi, Keele. Son frère était censé être mort il y a plusieurs années. Le jeune Nagi n’avait pas encore été informée de la raison à l’époque. On lui avait seulement dit que Keele était mort.

Ainsi, lorsque Keele avait secrètement visité Nagi au milieu de la nuit, quelques jours avant le Festival des Offrandes de Sang, il avait pensé que c’était à coup sûr un fantôme. Les rumeurs de fantômes abondaient. Les gens prétendaient avoir vu un villageois qui était censé être mort, ce qui avait donné lieu à des commérages parmi les enfants. Nagi ne croyait pas à ces histoires. Il trouvait ces rumeurs plutôt irresponsables.

Il voulait croire une tout autre rumeur. C’était une rumeur bien plus réaliste que celle des fantômes, et bien plus dangereuse en plus.

Cobalt.

Le simple fait d’en parler pourrait conduire à l’emprisonnement. Même s’il le savait, Nagi ne pouvait pas s’empêcher d’écouter les ragots sur Cobalt.

Le frère devant ses yeux semblait un peu étrange pour un fantôme, mais le souvenir que Nagi avait de lui était un peu vague. Le regard perçant de Keele devint encore plus sévère, donnant l’impression d’être un rocher exposé aux éléments. La seule chose qui restait inchangée chez lui était ses cheveux gris foncé. Ils ressemblaient aux souvenirs de Nagi, mais ils avaient poussé, comme si les couper aurait été trop difficile.

En revanche, son physique svelte semblait bien plus petit que ce dont Nagi se souvenait, mais Nagi avait immédiatement réalisé que c’était lui qui était devenu plus grand. Le corps de Nagi avait beaucoup grandi au cours des dernières années, mais Keele avait encore une demi-tête sur lui.

« Alors, il y a vraiment des fantômes, » marmonna Nagi.

« Ne sois pas stupide. Je ne suis pas mort. J’ai été viré du village pour certaines raisons. C’est pénible d’expliquer ce genre de choses aux enfants, alors ils nous font passer pour morts. Si quelqu’un nous repère vivant, ils nous prennent pour des fantômes. » Keele avait parlé comme si cela ne le concernait pas, puis il avait affiché un sourire. « Hé, Nagi. J’ai des infos juteuses pour toi. »

L’expression de son frère avait fait croire à Nagi que c’était à cela que ressemblerait un vrai fantôme. C’était un sourire méchant, mais fascinant. Une fois de plus, Nagi s’était souvenu qu’il avait vécu l’enfer dans son enfance après avoir été piégé par ce sourire.

« Le Jardin interdit. C’est apparemment le nom de l’endroit. Ils l’appellent un jardin, mais c’est en fait un immense manoir. Il y a une cour au milieu avec un plafond de verre. Si tu t’y faufiles, tu devrais pouvoir trouver le trésor tout de suite. »

« Et quel est exactement ce trésor ? » demanda Nagi avec hésitation.

« Je ne sais pas. »

« Quoi ? » demanda Nagi.

« Tout ce que j’ai réussi à obtenir, c’est une esquisse du bâtiment et la rumeur qu’ils ont un trésor fou. De plus, ce Jardin Interdit n’est pas surveillé le jour du Festival des Offrandes de Sang, » déclara son frère.

« N’est-ce pas un peu suspect ? » demanda Nagi.

Keele avait laissé échapper un grognement. Son comportement disait clairement à Nagi : « Tu es toujours aussi minable. »

Nagi se souvient maintenant. Il détestait quand Keele se moquait de lui. Il détestait vraiment son frère. Keele s’était toujours moqué de Nagi, l’avait battu dans les bagarres, et l’avait battu dans toutes les disputes.

Mais l’histoire que son frère lui apportait maintenant était étrange. Quel était ce trésor ? Qui en avait parlé à Keele ? Où était Keele et comment avait-il survécu après son exil ?

Keele avait l’air féroce. Son corps svelte rayonnait d’une férocité nouvelle, comme s’il devait se défendre violemment au quotidien. Il n’avait jamais eu une telle aura chez lui auparavant. Cela rendait les choses d’autant plus suspectes.

Mais si Nagi en parlait, Keele se moquerait encore de lui. Nagi détestait cette idée, alors à la place, il avait demandé. « Pourquoi me le dis-tu ? Ne peux-tu pas aller le faire toi-même ? »

« J’ai des choses à faire ce jour-là. J’irais si je pouvais, » répondit Keele.

Keele n’avait plus parlé de ses obligations. Même si Nagi le lui demandait, son frère ne le dirait jamais. Cet homme était empli de secrets.

« Alors, disons que je vais chercher ce mystérieux trésor… Qu’est-ce que j’y gagne ? » demanda Nagi.

« Oh, allez. Tu n’as pas besoin que je te le dise, n’est-ce pas ? Il y a à tous les coups un trésor là. On peut le vendre et acheter du sang. »

L’attrait du sang avait fait battre le cœur de Nagi.

« J’ai entendu des gens dire que l’on peut acheter du sang dans la capitale, » déclara Nagi sans ambages.

« C’est vrai. Mais apparemment, cela coûte bien plus que ce que les pauvres pourraient espérer gagner, » répondit Keele.

Nagi avait gardé le silence à ce sujet.

« Quel âge as-tu maintenant ? Quatorze ans ? Quinze ans ? » chuchota Keele, le pressant de répondre. « Peu importe. À cet âge, on ne peut pas s’empêcher d’y penser, non ? Tu n’as même pas la moitié de ta vie à vivre. Ce sera fini dans moins de dix ans. »

Nagi n’avait pas répondu. Les mots de Keele étaient tellement justes qu’ils avaient brisé le cœur de Nagi. Son frère aîné était un homme talentueux qui savait tout sur lui. Le comportement de Keele avait clairement démontré qu’il pouvait facilement lire les pensées de son petit frère. Nagi détestait cette partie de lui. Il avait toujours détesté cette partie de lui.

« Et comment pourrai-je savoir ce qu’est le trésor ? » Nagi cracha, redirigeant de force la conversation. « Et si le trésor ne peut pas être transporté hors de là ? »

« Dans ce cas, tu peux simplement voler ce qui semble avoir de la valeur. Tu m’écoutes ? On n’aura jamais une autre chance comme celle-là. La sécurité autour de ce jardin ne va s’affaiblir que le jour du Festival des Offrandes de Sang, » déclara Keele.

« Pourquoi ? » demanda Nagi.

« Les nantis vont être aussi occupés que les démunis. Même s’ils sont nobles, ils ne sont pas différents. Ils doivent se rendre au rituel qui se tient au palais royal pour le festival d’offrande de sang. Pouvoir rencontrer et saluer les gros bonnets qui s’y rassemblent peut changer leur longue vie. Personne ne veut tirer la courte paille qui consiste à garder un trésor au milieu d’une forêt un jour comme celui-ci. Ainsi, un seul garde est laissé derrière pendant que tous les autres abandonnent le travail et se rendent au palais. Il ne s’est rien passé là-bas depuis des décennies, peut-être même des siècles. Qui aurait cru qu’un voleur se faufilerait dans un tel endroit ? Le seul garde qui reste ne va pas faire attention. Ce sera du gâteau… tant que tu as ça, » déclara Keele.

En disant ça, Keele avait sorti une petite bouteille remplie d’un liquide rouge.

« Voici le Halahala. Un poison qui peut tuer un noble, » déclara Keele.

Nagi avait été consterné. « Hein ? Où as-tu trouvé quelque chose comme — attends. Il n’y a aucune chance que ce genre de chose existe. »

« C’est le cas. Même la plupart des nobles ne le savent pas. Je ne peux pas dire d’où il vient, bien sûr, » déclara Keele.

« Comment sais-tu que c’est vrai ? » demanda Nagi.

« Tu aimes bien te soucier de choses insignifiantes. Si tu ne veux pas le faire, je vais le demander à un autre gars et il pourra avoir le trésor. J’aurai la même part quoiqu’il arrive, donc ça n’a pas vraiment d’importance pour moi. Tu peux juste rester ici à trembler pendant toute ta vie, » déclara Keele.

Keele fixa Nagi dans les yeux. Incapable de supporter la pression, Nagi détourna son regard.

La vue des personnes âgées du village lors du Festival des Offrandes de Sang de l’année dernière lui était venue à l’esprit. Le temps qui leur restait de leur vie avait été aspiré en guise d’offrande et cela provoqua un ratatinement rapide de leur corps.

Leur peau sèche et profondément ridée.

Leurs yeux désespérés.

La vie de Nagi était déjà à moitié terminée. Allait-il ressembler à ça dans dix ans ?

S’il avait de l’argent, il pourrait acheter du sang. Il pourrait acheter la vie.

« Je vais le faire, » déclara Nagi en reprenant ses esprits.

Les coins de la bouche de Keele s’étaient courbés en un sourire malicieux.

***

Si vous avez trouvé une faute d’orthographe, informez-nous en sélectionnant le texte en question et en appuyant sur Ctrl + Entrée s’il vous plaît. Il est conseillé de se connecter sur un compte avant de le faire.

Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

Laisser un commentaire