Chapitre 1 : La Réunion de Monstres
Partie 3
« Pourquoi me suivez-vous ? » Eruru demanda ça avec beaucoup de mécontentement clairement perceptible dans sa voix.
« Je n’ai pas de raison en particulier, » répondit Hisui.
Malgré la demande d’Eruru, Hisui continua à la suivre avec une expression nonchalante.
Rushella s’était enfuie pendant que Mei rentrait chez elle comme à son habitude.
Mais Eruru avait continué à rester au sein de l’école.
Et par conséquent, Hisui avait commencé à la suivre.
Leur distance était trop proche pour être considérée comme s’il l’observait de loin, mais ils ne marchaient pas non plus ensemble. Il y avait une séparation nette entre eux deux.
« Si vous n’avez pas d’activité à faire ici, alors rentrez chez vous ! » déclara Eruru. « À ce propos, est-ce correct que vous ne la pourchassiez pas rapidement ? »
« N’a-t-elle pas dit que je devais ne pas la suivre ? Alors pourquoi devrais-je gaspiller mon énergie pour... ? » déclara Hisui.
« Il existe un dicton “Vous ne devez pas appuyer sur le bouton, donc vous devez absolument ne pas appuyer sur le bouton”. Avez-vous entendu parler de cela ? » déclara Eruru.
« Hein !? Ne l’ai-je pas déjà dit, » répondit Hisui. « Même si je la rattrapais maintenant, elle va certainement avoir une mauvaise attitude envers moi. Elle pourrait même avoir recours au coup de poing et au coup de pied. Et dans le pire des cas, je vais me faire sucer le sang. »
« Je ne vais nullement réfuter vos spéculations. Cependant, si vous ne la retrouvez pas rapidement, je crains que des problèmes encore plus grands puissent en découler, » répondit Eruru.
« Je vous appellerai si j’ai des ennuis. Oui, je compte sur vous afin de me sauver, » répondit-il. « N’oubliez pas d’apporter une arme à feu et des balles en argent. »
« Je vais de ce pas bloquer votre numéro de portable, » répondit Eruru.
« ... En premier lieu, vous ne m’avez jamais donné votre numéro, n’est-ce pas ? » demanda-t-il.
Physiquement, ils étaient à portée de main, mais il y avait clairement un fossé infranchissable entre eux.
D’un côté se trouvait le garçon qui avait été élevé par une vampire et qui était actuellement le serviteur d’une vampire. Et de l’autre coté se trouvait une demi-vampire qui détestait les vampires avec passion. Pour le dire simplement, ces deux-là étaient complètement incompatibles.
« Vous devriez reconnaître vos limites et cesser de me suivre, d’accord ? Sinon je vais devoir appeler la police, » déclara Eruru.
« Mais n’êtes-vous pas la police ? » demanda Hisui. « Mais de toute façon, vous étiez la première à dire que vous partiez. Alors pourquoi êtes-vous toujours dans l’école ? »
« Ceci ne vous concerne nullement. Est-ce la raison qui fait que vous me suivez ? » Demanda-t-elle.
« Vous... Est-ce que vous avez vraiment été honnête avec tout ce que vous avez découvert lors de votre enquête concernant cette fille ? » demanda-t-il.
L’ambiance devint instantanément tendue entre eux. Eruru se retourna et regarda Hisui avec froideur.
« ... Est-ce que vous me traitez de menteuse ? » demanda-t-elle.
« Je n’ai jamais dit que vous mentiez. Cependant, je ne suis pas sûr que vous avez dit toute la vérité. » Hisui avait immédiatement répliqué.
Bien qu’il ne croyait pas qu’Eruru soit une personne qui trompait le monde avec désinvolture, le fait de s’attendre à ce qu’elle soit honnête et franche envers un vampire était une tout autre affaire.
« Votre intelligence bornée restera toujours la même. Est-ce que c’est cela qui fait que vous m’avez suivi jusque là afin de me le demander ? » demanda-t-elle.
« J’ai également une autre question... aujourd’hui, avez-vous participé au cours d’éducation physique ? » demanda-t-il.
« Hein... !? Pourquoi me parlez-vous de ça ? » demanda-t-elle. Elle ne comprenait pas où voulait aller Hisui avec cette question.
En l’après-midi, Eruru avait effectivement participé à la classe d’éducation physique. Le cours consistait uniquement en de simples exercices effectués en plein air.
Il s’agissait principalement de la course, ce qui pourrait être assez difficile, mais il n’y avait rien de spécial concernant cette activité.
« Est-ce étrange pour moi d’aller au cours d’éducation physique ? » demanda-t-elle. « Certes, mes fonctions consistent à vous surveiller plutôt que d’aller véritablement en classe, mais précisément à cause de cette mission, je dois interpréter correctement le rôle de l’étudiante. Donc le fait d’assister à un banal cours d’éducation physique devrait être parfaitement naturel, n’est-ce pas ? »
« ... La pique-assiette qui vit avec moi a regardé le cours, mais sans y participer aujourd’hui, » répondit-il.
« Bien sûr ! Vu le temps clair et ensoleillé que nous avons eu aujourd’hui, comment voulez-vous qu’un vampire puisse être actif ? » demanda-t-elle. Il s’agissait d’une réponse parfaitement logique.
Rushella refusant de participer à ce genre de cours était tout simplement naturelle.
Elle détestait la lumière du soleil parce qu’il s’agissait de l’une de ses vulnérabilités qui pouvaient lui être fatales.
C’était tout à fait correct... car la lumière du soleil était le fléau des vampires.
Alors..., qu’en est-il de quelqu’un qui avait hérité de la moitié de la lignée ?
Qu’en est-il d’un demi-vampire né de l’union d’un humain et d’un vampire ? En d’autres termes, d’Eruru Kariya ?
« Ces derniers temps, vous n’avez pas procédé à beaucoup d’observations. Dormez-vous assez ? » demanda-t-il.
« Contrairement à un étudiant insouciant tel que vous, je suis extrêmement occupée, » répliqua-t-elle. « Ne sous-estimez jamais les fonctionnaires. »
Avant qu’elle puisse finir sa phrase, Eruru s’arrêta.
Sa vision devint instable, sa conscience s’estompa progressivement.
Son teint pâle, encore plus blanc que celui d’Hisui, avait perdu toute la couleur provenant de son sang.
Voyant Eruru défaillir ainsi que le fait qu’elle était en train de s’effondrer, Hisui attrapa à temps son minuscule corps avant qu’il heurte le sol.
« ... Comme je venais de le dire à l’instant, » déclara-t-il.
La dernière image qu’Eruru put capter avant qu’elle ne perde conscience fut le visage de Hisui, empli d’inquiétude.
***
« ... ? »
À son réveil, Eruru s’était retrouvée allongée sur un banc se situant derrière le bâtiment de l’école.
Le banc se trouvait dans un endroit ombragé par la présence d’arbres tout autour de lui. Ici, même pendant la journée, il faisait assez sombre, et il n’y avait pratiquement pas de lumière après l’école à cause du dense feuillage.
« Êtes-vous réveillée ? » La voix de Hisui la ramena instantanément à la raison.
En observant les environs, elle pouvait voir que le soleil était encore dans le ciel malgré le changement de décor. Par conséquent, peu de temps aurait dû s’écouler depuis sa perte de conscience.
Très probablement qu’elle ne s’était évanouie que pendant quelques minutes.
Puis, pendant qu’elle était inconsciente, Hisui l’avait transportée jusqu’ici.
« Quelles sont vos intentions !? Je n’aurais jamais imaginé que vous souhaitiez kidnapper une fille... est-ce que c’est bien ça vos intentions !? » demanda Eruru.
« ... C’est quoi ce genre de choses étranges que vous imaginez en ce moment ? » demanda-t-il. « Je vous ai seulement un peu aidé en vous éloignant de la lumière directe du soleil. Ou peut-être... préféreriez-vous que je vous emmène à l’infirmerie et que vous expliquiez tout ça à l’enseignante ? »
Les paroles de Hisui avaient rendu Eruru silencieuse. Après tout, il avait pris la bonne décision. L’amener ici était en effet la mesure la plus appropriée qu’elle aurait elle aussi approuvée.
« On dirait que vous savez probablement pourquoi vous vous êtes évanouie, » déclara-t-il. « Alors s’il vous plaît, prenez un peu mieux soin de votre santé. »
« ... »
Même si elle savait que Hisui s’inquiétait réellement pour elle, ces paroles ne faisaient que lui rappeler sa constitution si particulière, l’obligeant à serrer les dents et à éviter tout contact visuel.
La caractéristique des demi-vampires... comme les vampires, ils avaient peur de la lumière du soleil.
Cependant, leurs corps ne se transformeraient pas en cendres au contact de la lumière du soleil.
Néanmoins, la lumière du soleil, et en particulier la lumière intense du soleil, érodait petit à petit leurs corps, sapant ainsi leur force. Même s’ils pouvaient pendant un certain temps supporter par la seule volonté d’être ainsi exposés à une si vive lumière, l’évanouissement était inévitable après quelques heures.
En évitant la lumière du soleil intense et en prenant suffisamment de repos ainsi que de la nourriture appropriée, il n’y avait pas d’effets graves qui en résulteraient... mais Eruru avait dû faire face au travail et au cours, d’où un manque de sommeil qui était devenu sa routine quotidienne.
Combiné avec les exercices effectués pendant le cours d’éducation physique... sa fatigue accumulée avait finalement explosé, provoquant le résultat qui venait de se produire.
« Je sais que votre constitution est comme celle d’un vampire. Elle est donc nocturne, » déclara Hisui. « Mais puisque pendant la journée vous avez encore besoin d’aller à l’école, il serait préférable de dormir suffisamment. En outre, lorsque des cours d’éducation physique se déroulant à l’extérieur, vous devriez vous reposer à l’intérieur. »
« Ce que vous voulez dire est..., est-ce parce que je suis une demi-vampire ? Oh Mon Dieu ! Je suis vraiment désolée d’être une non-humaine, » Eruru rétorqua en étant agitée.
Version coloriée :
Plutôt que de dire quoi que ce soit face à ça, Hisui lui lança une boisson pour sportifs qu’il avait achetée plus tôt dans un distributeur automatique.
« C’est pour vous, » déclara-t-il. « Au départ, je pensais qu’il serait préférable d’utiliser un genre de thérapie de réhydratation orale, mais il n’était pas disponible. »
« ... » Tout en restant silencieuse, Eruru attrapa la bouteille et commença à la boire.
Une fois réhydratée, Eruru tourna son regard hostile vers Hisui. « ... Quelle est la profondeur de vos préparatifs. Aviez-vous prédit que je m’évanouirais ? »
« Je l’ai achetée pendant que vous étiez inconsciente, » répondit-il. « Au contraire, devrais-je dire que je connais mieux mon propre corps ? Même une personne ordinaire s’effondrerait si elle ne se reposait pas après être épuisé. Et surtout avec le soleil flamboyant qu’il y avait aujourd’hui, c’est encore plus évident que cela se produirait. »
« Et alors ? » demanda-t-elle. « Me dites-vous que juste parce que je suis une demi-vampire, je ne me suis pas occupé de ce qui s’est passé avant ça ? »
« Tout à fait. Qu’ils soient humains ou demi-vampires, tous ceux qui s’entraînent sans connaître leurs limites sont tout simplement des enfants pourris gâtés qui causent des troubles aux autres, » répliqua-t-il. Derrière le ton relativement doux présent dans sa voix se trouvaient de sévères remontrances.
En réponse, Eruru fronça les sourcils, mais Hisui continua de rester imperturbable.
« Mais je ne suis pas arrivé à savoir ça par moi-même. C’est ce que mon parent adoptif, une vampire qui a vécu mille ans dans la société humaine, m’a dit, » déclara Hisui.
« ... Il était clair qu’elle n’était pas qu’une vampire, » répondit-elle. « Mais je ne souhaite pas qu’on m’enseigne la façon de vivre ma vie en utilisant les leçons qu’elle a tirées en vivant dans la société humaine. Après tout, elle devait être quelqu’un qui se cachait dans le noir, l’ancêtre des exclus et des marginaux sociaux. »
« Pas vraiment, » répondit-il. « En fait, elle a occupé pratiquement tous les postes où il y a du travail la nuit. Cela allait du commis dans des dépanneurs jusqu’à hôtesse dans des bars. À un moment donné, elle avait même été la meilleure courtisane de Ginza. »
« ... » Eruru était restée silencieuse, s’imaginant probablement cette idée.
Si les rapports étaient vrais, étant donné sa beauté, elle devait être très populaire auprès de la gent masculine.
Quand elle avait travaillé dans un dépanneur, elle serait la mieux adaptée quant à la prévention du vol et des attaques à main armée. Même si un voleur armé était venu avec une arme à feu, elle aurait pu gérer la situation avec une grande facilité.
« Quel genre de vampire était-elle... !? » demanda Eruru. « Était-ce vraiment un “Véritable Ancien” ? Si la fille qui vit avec vous entendait cela, elle en perdrait la voix à cause de l’étonnement ! »
« Apparemment, elle pensait que même en tant que vampire, il fallait se conformer à la société capitaliste afin de survivre, » répondit Hisui. « Et puisque ses expériences de vie étaient plutôt importantes, elle avait tendance à donner beaucoup de cours. Par exemple, si l’on devait compromettre son travail ou savoir connaître ses limites, c’étaient des questions complètement distinctes selon elle. »
« ... Venant de votre bouche, un tel conseil perd complètement toute persuasion, » répliqua-t-elle. « Si votre parent adoptif entendait parler de cela depuis l’au-delà, elle doit sûrement soupirer. »
« Les vampires sont réduits à néant lorsqu’ils sont détruits... n’est-ce pas ce qui arrive ? Ou peut-être ont-ils également une âme qui leur permet d’aller au paradis ou en enfer ? » L’expression désinvolte de Hisui avait disparu quand il demanda ça.
Lorsque les vampires étaient détruits, ils se transformaient en poussière inorganique, ne laissant aucun corps derrière eux.
Personne ne le savait mieux que Hisui.
Parce qu’elle était incapable de regarder droit dans ses yeux, Eruru déplaça son regard au loin.
« Avoir surestimé ma propre résistance physique... est-ce ma négligence ? Je vous... ais causé des problèmes, » murmura-t-elle.
« Ne vous inquiétiez pas à ce propos, » à nouveau, Hisui avait répondu avec désinvolture avant de commencer à boire l’eau minérale qu’il avait achetée dans la distributrice.
En le regardant de côté, Eruru se remit à parler après une assez longue période de silence.
« N’avez-vous pas... peur ? » demanda-t-elle.
« Hein !? » s’exclama-t-il
« En effet, j’avais besoin de réhydratation, » déclara-t-elle. « Mais si c’était possible, un réapprovisionnement approprié en sel serait également nécessaire. »
« ... ? Eh bien, je suppose que pour vous, cela peut compter comme un coup de chaleur. Alors, quel est le problème ? N’êtes-vous pas satisfaite de la boisson sportive ? » demanda Hisui.
« En fin de compte, cela reste quelque chose pour la consommation humaine, » répondit Eruru. « Pour une demi-vampire, il y a un liquide bien mieux adapté. » Eruru regarda le cou de Hisui tout en disant ça.
Cette peau délicate et pâle qui rivalisait avec celle d’une femme.
Ce liquide qui circulait à travers ces vaisseaux sanguins subtilement visibles..., était-ce qu’en ce moment, Eruru désirait ça de toute urgence... ?
Contenant aussi bien de l’eau que du sel, mais également la vie elle-même, il s’agissait du sang frais.
« Heureusement, mes symptômes ne sont pas graves... Mais si je devais perdre ma raison et vous mordre, que feriez-vous ? » demanda Eruru.
« C’est bien vrai... Qu’est-ce qui se passerait une fois que vous auriez aspiré le sang et récupéré votre santé mentale ? » demanda-t-il. « Je peux déjà imaginer votre perte de sang-froid qui en découlerait. »
« ... Êtes-vous un imbécile !? Avant de sauver quelqu’un, veuillez prendre en compte les risques évidents. Vous devriez être assez familier avec les caractéristiques des demi-vampires, n’est-ce pas ? » demanda-t-elle.
« Allez-y et mordez. C’est d’accord de mon côté. Tant que vous ne m’arrachez pas ma chair ou que vous ne me suciez pas à mort, » répondit-il.
Hisui était complètement indifférent.
En raison de sa constitution bien particulière, faire ce genre de déclaration n’était pas vraiment un problème. En fait, en premier lieu, il n’avait jamais craint Eruru... il n’avait jamais craint les demi-vampires.
« Vous êtes un incurable stupide, » répliqua-t-elle. « Vous savez, je ne serai pas responsable des conséquences. Pensez-vous que vous puissiez utiliser votre philanthropie ridicule pour construire un pont entre deux races différentes ? »
« Je ne suis nullement ce genre de saint homme, » répondit-il. « Pour être honnête, je ne m’inquiéterais pas si un grand méchant était entièrement vidé de son sang par un vampire. De même que je ne m’impliquerais pas si je voyais un vampire mourir de soif. »
« Menteur ! » cria-t-elle. « Si vous aviez vu un incurable méchant être menacé par les crocs d’un vampire, vous le sauveriez quand même. Et si vous aviez vu un vampire affamé, vous offririez votre propre cou. Voilà le genre de personne que vous êtes. »
« ... Est-ce que vous me complimentez là ? » demanda-t-il.
« Je ne faisais que vous critiquer. Ouvrez les yeux sur cette vérité, » déclara-t-elle.
Ayant fini sa conversation, Eruru se leva du banc.