Chapitre 110 : L’ours se dirige vers l’arbre à abeilles
J’avais chevauché Kumayuru jusqu’à la forêt où se trouvait l’arbre aux abeilles. D’après Helen, l’arbre était censé se trouver en plein milieu. Je l’avais tout de suite repéré par son apparence… unique. Inutile de dire que je ne m’attendais pas à quelque chose de chaleureux.
Mais avant de me diriger vers la forêt, j’avais utilisé ma compétence de détection pour vérifier la présence de monstres. Il y avait apparemment une dizaine d’orcs. En plus de cela, j’avais repéré des signaux de gobelins hors du chemin. Cela allait certainement rendre la vie de certains aventuriers intéressante.
Pour l’instant, j’avais chevauché Kumayuru jusqu’à l’endroit où se trouvaient les orcs, pensant que je trouverais aussi l’arbre à abeilles là-bas. Après un moment, des pétales commencèrent à voltiger dans l’air devant moi, et assez rapidement, la forêt se brisa et je fus accueillie par un tourbillon de fleurs colorées.
Je pris alors une profonde inspiration tout en oubliant presque d’expirer. Rouge, bleu, jaune, orange, tant de couleurs, et toutes en floraisons. Cela s’étendait loin, à perte de vue… J’avais du mal à croire qu’un tel endroit existait dans une forêt qui ressemblait à toutes les autres. Et au centre de tout cela, bien au-dessus de la prairie, se dressait un arbre.
L’arbre à abeilles, peut-être ?
« C’est énorme… »
Et au pied de cet arbre gargantuesque, bouleversant l’image du livre de contes, se tenait une meute d’orcs baveux avec les tasses les plus laides que vous ayez jamais vues, buvant du miel.
Ils buvaient mon miel.
Au moment même où j’avais fait un pas dans la clairière pour engager la bataille, des gobelins bondirent de la forêt sur ma droite… mais heureusement pas vers moi. Non, ils fonçaient droit sur les orcs, brandissant des bâtons en bois et des couteaux qu’ils avaient récupérés on ne sait où.
Quoi, était-ce une guerre de territoire ?
Eh bien, j’avais prévu de battre les deux camps dès que je les avais vus avec la compétence de détection, tout allait donc bien pour moi. Les gobelins avaient l’avantage du nombre, mais ils étaient tout de même plus maigres. Et quand les gobelins se faisaient tabasser par les coups d’un orc, ils étaient au tapis. Pourtant, les gobelins savaient comment utiliser leur nombre, chaque orc se battait donc contre plusieurs gobelins. La tactique rendit le combat vraiment équilibré.
Oui, je pensais que je pourrais juste poser mes fesses dans la jolie prairie et regarder le spectacle jusqu’à ce que je doive faire le ménage, mais… je m’étais tout d’un coup souvenue des fleurs. Quand les orcs et les gobelins se poignardaient, se frappaient et grognaient, ceux-ci piétinèrent ces belles fleurs. Vous savez, c’était ce dont on avait besoin pour faire le miel ? À ce rythme, ces idiots allaient écraser toutes les fleurs sur le chemin de la bataille…
Mais au moment où j’avais essayé de faire un autre mouvement, Kumayuru m’arrêta. Cette fois, deux énormes choses noires surgirent du côté gauche du bois. Ils bondirent dans la mêlée et se précipitèrent sur la horde de gobelins et d’orcs.
Je pouvais à peine y croire.
« Des ours ? ! »
Oui, il y avait deux ours, courant pour intervenir dans le combat. L’un d’entre eux était grand, tandis que l’autre était plus petit. Les deux firent irruption dans la bagarre entre les gobelins et les orcs. Leur attaque-surprise plongea les deux hordes dans une confusion totale. Les ours s’étaient attaqués aux deux parties, frappant les gobelins, tailladant les orcs…
Les gobelins fuirent presque aussitôt, et il ne restait plus que les orcs.
Dix orcs, donc, et seulement deux ours. Ce n’était pas bon pour les ours… mais alors qu’ils combattaient un orc, un autre orc les attaquait par le côté. L’orc frappa un ours avec une massue, et il ne put pas s’échapper. L’autre ours essaya de l’aider, mais il était complètement encerclé par les orcs.
« Uhh, alors qu’est-ce que je dois faire ici ? »
Trois groupes se battaient pour le miel. Si je les rejoignais, ça en fera quatre. En faisant preuve de bon sens, je pourrais combattre tout le monde, les gobelins, les orcs et les ours, mais… vraiment ? Les ours ? Cela reviendrait à tuer Kumayuru et les semblables de Kumakyu.
Pendant que je délibérais, les ours perdaient du terrain, même si la bataille n’était pas encore terminée. Ils renversèrent quelques orcs devant eux et firent de grands trous dans le cou des monstres. Ces pelucheux étaient forts. En un contre un, ours contre orc, ils auraient pu s’en sortir, mais… il y avait trop de monstres contre eux pour le moment. Et au moment où les ours s’étaient tournés vers leur prochaine cible, ceux-ci ralentirent. Un orc rouge était apparu derrière l’arbre géant. C’était une sous-espèce d’orc, dans le jeu, il s’agissait d’un type d’orc de couleur spéciale qui était plusieurs niveaux au-dessus et beaucoup plus méchant que les orcs ordinaires.
Les ours s’étaient dirigés vers l’orc rouge, mais ce dernier riposta avec sa massue. Heureusement que ce n’était pas une épée, car ils auraient été tués, mais… argh, c’était quand même une situation très compliquée. Un ours frappa Rouge, mais ce dernier n’avait même pas bronché. Rouge abattit sa massue, et c’était tout. Je ne pouvais plus attendre, je devais passer à l’action.
J’avais lancé des sorts d’attaque de la magie d’eau à distance, comme un sniper. Chaque tir toucha Red, le faisant tituber un peu. L’ours qu’il toucha avec la massue s’était enfui dans les bois, tremblant mais vivant, et l’autre avait suivi.
L’orc rouge abandonné n’avait pas réalisé que c’était moi qui l’attaquais, il avait abattu sa massue sur ses compagnons orcs, aussi fous et stupides soient-ils. Comme ce n’était pas un spectacle agréable, j’avais sauté sur Kumayuru et j’étais partie en silence. J’espérais que l’ours allait bien après avoir été matraqué. Cet orc était assez fort pour transformer ses copains en de la viande pour une grillade partie nocturne, j’étais donc naturellement assez inquiète pour cet ours.
Et bien que je n’aie pas donné de destination à Kumayuru, nous avions fini par trouver les deux ours. En fait, nous avions trouvé quatre ours, les deux de tout à l’heure et deux oursons. Deux enfants et deux parents, hein ? Peut-être que le père était le plus grand et que la maman ours était la plus petite ? Bien sûr, allons-y avec ça.
Un des parents était effondré. L’autre avait émis un grognement menaçant quand il me vit.
Kumayuru me laissa tomber, commença à marcher vers les ours, et… avait parlé ? Je voulais dire, ils n’avaient pas parlé. Il n’y avait pas de mots, mais ça ressemblait à une conversation. Je les avais regardés, me demandant à moitié si c’était réel, quand soudainement les ours s’étaient fait des signes de tête comme s’ils avaient trouvé un terrain d’entente.
Quoi ? Non, je voulais dire sérieusement, quoi ? Kumayuru était revenu et m’avait poussée avec son nez, m’emmenant vers l’ours effondré.
« Est-ce que tu veux que je, hum, »
J’avais donné à Kumayuru un regard incertain. J’avais dégluti.
« Tu veux que je soigne les blessures de l’ours ? »
« Cwooooom. »
« D’accord, si tu le dis. Ou… coo… alors ? »
C’était quand même Kumayuru qui me demandait ça, et je ne pouvais rien refuser à mon ours. De plus, je ne pouvais pas abandonner un pauvre ours blessé. Je m’étais donc approchée de l’ours effondré, m’attendant à entendre un grognement menaçant de la part des autres. Mais rien ne s’était produit. Kumayuru avait-il vraiment réussi à dire quelque chose ? Avaient-ils vraiment parlé ?
J’avais utilisé la magie de guérison sur l’ours blessé et, lentement, prudemment, l’ours s’était relevé. Ses oursons qui regardaient se blottissaient contre leur parent avec joie.
Huh ! Sympa.
Kumayuru s’était immiscé dans la famille d’ours et avait commencé à parler ? Ouais, allons-y avec « parler », de quelque chose. Je n’avais aucune idée de ce qu’ils disaient, mais la conversation semblait plutôt amicale. Probablement. Et comme je ne voulais pas que Kumakyu me fasse la tête pour avoir été laissé de côté, j’avais invoqué mon deuxième ours.
À ce moment-là, Kumakyu rejoignit le cercle et commença à parler (d’accord, mais vraiment ? parler ?). Argh, mais qu’est-ce qu’ils disaient ? Cwoom. Cwooooooom. Je m’étais penchée un peu. C’était le même bruit d’ours, mais plus fort.
Après un moment, comme si leur conversation avait pris fin, mes ours étaient revenus vers moi. Ils me couinèrent dessus tout en se rapprochant, comme s’ils voulaient quelque chose. Je n’avais pas besoin de parler l’ours pour comprendre l’essentiel.
« Vous me demandez de tuer l’orc rouge, hein ? »
Oui.
« Cwoom. »
Combattre l’orc rouge me convenait vraiment. Le problème était ce qui venait après : même si je battais les monstres, que se passerait-il si les ours entravaient la récolte du miel ? Et tandis que je réfléchissait, je vis que la maman et le papa ours avaient laissé les oursons derrière eux et s’étaient mis en route. Attendez, ils n’allaient pas retourner combattre l’orc rouge ? J’étais là, à hésiter, à me demander et à m’inquiéter. Mes ours s’approchèrent de moi…
… et me firent comprendre leurs points de vue.
« D’accord, je vais y aller. »
Mes ours roucoulèrent joyeusement. C’était une demande venant de mes ours. Ce qui viendrait plus tard pourrait juste venir plus tard. Pour l’instant, je devais vaincre l’orc rouge. L’orc rouge était mon ennemi, et aucune demande, ni de la guilde, ni de mon restaurant, ni de personne, ne changerait cela.
J’avais commencé à marcher vers l’arbre à abeilles où l’orc rouge attendait. Les orcs se tenaient autour en formation, mais l’orc rouge était parmi eux maintenant et l’endroit entier avait une atmosphère différente. Leur présence même entrait en conflit avec l’étendue tentaculaire des fleurs.
Les ours s’étaient lentement dirigés vers les orcs. J’aurais souhaité qu’ils n’agissent pas de leur propre chef, mais je ne pouvais pas le leur dire. Tout ce que je pouvais faire, c’était de les suivre.
Les ours coururent vers les orcs, qui avaient sorti leurs armes. Rouge poussa un cri assez fort pour faire sonner ma tête, et c’était tout ce que les orcs avaient besoin d’entendre avant de se ruer sur nous tous en même temps. Les ours avaient pris leur assaut de plein fouet. J’aurais préféré qu’ils ne prennent pas les devants et qu’ils me laissent faire, mais ils protégeaient leur maison. Et probablement leurs petits aussi.
J’avais rejoint la mêlée et lancé une volée de magie du vent sur les orcs. Quelques tranches nettes et quelques têtes d’orcs gisaient maintenant dans les fleurs. Les ours avaient aussi fait leur part, abattant les orcs un par un.
L’orc rouge vit tout ça et son grognement se transforma en un rugissement rageur. Il s’était mis à courir, se dirigeant droit vers le papa ours. Il saisit alors sa monstrueuse massue, visa l’ours et pivota. De son côté, la maman ours s’était jetée sur l’orc rouge. Quelques autres orcs avaient rejoint la mêlée alors que le papa ours essayait de balayer l’orc rouge. C’était pratiquement une mêlée générale. Je ne pouvais pas utiliser la magie dans une telle situation.
Rouge frappa, et le papa ours esquiva. La massue frappa alors le sol, déchirant les fleurs écloses, éparpillant un arc-en-ciel de pétales dans l’air. La maman ourse vit l’ouverture et se jeta sur Rouge par le côté. Elle essaya de se jeter sur lui à nouveau, mais… non. L’orc rouge avait de nouveau brandi sa massue… le papa ours attaqua… la massue était dirigée directement vers la maman ours.
L’orc rouge frappa. Le papa ours n’avait pas pu frapper à temps. La massue atterrit en plein dans le dos de la maman ours.
Non.
La maman ours gémit et s’effondra. Le papa ours se précipita sur l’orc rouge, ce dernier leva sa massue abaissée et fonça dans une autre attaque.
La massue frappa le côté du papa ours.
Oh, non. Tu ne l’as pas fait.
Les ours gémirent et s’effondrèrent au pied de l’orc rouge. Ce dernier bavait sur les deux. Il leva alors sa massue. Comme il se préparait à l’abattre, et je m’étais déplacée.
Bam. Coup de poing de l’ours sur le côté droit de l’orc rouge. Il écrasa alors les fleurs en tombant sur le sol.
Hm. Ça faisait un moment que je n’avais pas frappé, hein ? Je suppose que le fait d’avoir vu deux parents ours se faire tabasser par un orc rouge sans cœur devait m’avoir fait de l’effet.
Le combat de mêlée m’empêchait d’utiliser la magie. Et alors ? Tout ce dont j’avais besoin était mon poing.
Oui, les ours étaient des créatures féroces et brutales si on les prenait en grippe. Les ours affamés attaquent même les humains, mais les choses étaient différentes maintenant. J’avais rencontré Kumayuru et Kumakyu. Je ne pouvais pas supporter de laisser leurs copains souffrir.
Bien sûr, il y avait une chance pour que ces ours attaquent un jour des humains, aussi petits soient-ils, mais pour le moment je serais leur protectrice. En ce moment, j’étais vraiment en colère, et ma colère était portée sur un orc. J’avais vraiment, vraiment envie de le frapper.
L’orc rouge s’était levé. Il m’avait regardée.
Je ferais ce combat à la place des ours. Je donnerais aux orcs un avant-goût de la douleur des ours.
J’avais couru vers l’orc rouge. Ce dernier s’était jeté sur moi, mais j’avais attrapé sa massue avec ma main d’ours blanche. Ça, c’était pour la maman ours. Crack. J’avais donné un coup de poing d’ours dans le côté non protégé de l’orc avec ma main d’ours noire. Et l’orc rouge laissa tomber sa massue à cause du recul et de la douleur, je l’avais pris dans mon gant d’ours blanc, l’avais échangé avec le gant noir, et l’avais tenu fermement.
Et quand l’orc rouge s’était finalement redressé, il me regarda fixement pour la première fois. Il pouvait maintenant me voir telle que j’étais : pas comme un repas, mais comme un ennemi.
Trop tard, mon grand. J’avais abattu la massue sur l’orc rouge, qui bloqua le coup comme je l’avais fait, comme s’il pensait pouvoir se battre à moitié aussi bien que moi. J’avais pulvérisé son bras pour la peine. Mais ça, c’était pour le papa ours.
L’orc rouge poussa un cri étranglé. Combien de fois avait-il fait ça aux autres ? Ça devait être assez différent pour celui qui le recevait.
L’orc rouge fit demi-tour et s’enfuit, je suppose qu’il pensait encore que c’était une option.
Non. J’avais fait sortir un mur de la terre avec de la magie, fermant sa route de fuite. Nous étions à la toute fin, et l’orc rouge me regardait avec peur. Il n’avait même pas l’intention de se défendre, un peu comme les petits oursons qu’il voulait laisser seuls et affamés.
Dommage. Faire du mal à ces ours lui avait valu une fin digne d’un grizzly : j’avais utilisé un couteau à ours pour envoyer sa tête dans le champ de fleurs, et ce fut tout.
Au moment où je m’étais retournée, je vis mes ours qui finissaient d’anéantir les orcs. Je m’étais approchée des ours effondrés, j’avais utilisé la magie de guérison sur eux, et… OK, merci, mon Dieu, ils allaient s’en sortir. Les ours s’étaient relevés et me firent un câlin comme pour me remercier.
« Hey, alors… les humains ? Si vous les voyez ramasser du miel, pourriez-vous… ne pas les manger ? », avais-je dit prudemment
Je savais qu’ils ne seraient pas capables de me comprendre, mais j’avais fini par le demander quand même. La grenouillère ours ne pourrait-elle pas être dotée d’une capacité de parole d’ours ou quelque chose comme ça ?
Pendant que je pensais à cela, Kumayuru et Kumakyu s’étaient dirigés vers les ours et avaient commencé à avoir ce qui semblait être une autre longue conversation (est-ce le bon mot ?) avec eux. Les ours m’avaient alors contournée et avaient commencé à me pousser vers… vers l’arbre à abeilles ?
« Vous me dites d’aller cueillir du miel ? »
« Cwoom », dit Kumayuru.
Dans ce cas… et bien qu’il y avait des abeilles qui bourdonnaient autour, aucune d’entre elles ne m’avait attaquée. J’avais sorti un pot de ma boîte à ours et j’avais commencé à récolter le miel avec précaution.
Merci pour le chapitre
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