Kimi to Boku no Saigo no Senjo – Tome 8 – Chapitre 4

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Chapitre 4 : Neige et Soleil

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Chapitre 4 : Neige et Soleil

Partie 1

10 h.

Plaçant une main sur son cœur battant, Alice marchait dans les couloirs du palais, Rin juste à côté d’elle. Sa préposée était restée avec l’unité impériale jusque tard dans la nuit, vérifiant les derniers plans, elle était rentrée au château juste avant le lever du jour.

« Encore une heure », déclara Alice.

« Nous avons fait ce que nous devions faire. S’il te plaît, concentre-toi sur la conférence, Lady Alice. »

« … Je sais. »

Le sort de sa famille dépendait de ce plan. Si Iska pouvait déterminer l’emplacement de sa sœur, ils pourraient dévoiler le plan de l’Hydra et restaurer la foi du peuple dans l’administration actuelle. Un seul faux pas signifierait la défaite. Si la reine était destituée, Alice aurait du mal à remporter le conclave.

« — » Sa bouche se ferma d’un coup tandis qu’elle se dirigeait vers la salle générale.

Elles allaient poursuivre la conférence de la veille. Lorsqu’Alice et Rin arrivèrent, la reine, ses ministres et les membres importants des Zoa et de l’Hydra étaient déjà attablés.

« Je vous présente mes excuses pour mon retard. »

« Vous êtes pile à l’heure. En fait, je crois que nous étions en avance », rassura la voix mélodieuse d’un homme. Parmi les visages grimaçants, le rictus de Talisman fit une impression écœurante. « Pourquoi, Alice ? Vous étiez absente lors de notre précédente conférence. Êtes-vous sûre d’assister à celle-ci ? »

« Oui. J’ai parcouru le compte rendu. »

« C’est ce qui est important. » Il avait attendu qu’elle prenne place. « Vous avez l’air nerveuse, alors j’ai pensé qu’il s’était peut-être passé quelque chose. »

« Quoi — !? » Un cri étranglé s’échappa de ses lèvres.

Est-ce qu’il a détecté ce qui se passe à mon expression ?

Il a dû se rendre compte de notre plan — ou du moins l’a compris.

Si c’est vrai, il s’attendait déjà au sauvetage de Sisbell.

Mais il n’avait pas tout compris. Il avait seulement deviné qu’elle sauverait sa sœur. Il n’avait fait son commentaire que pour obtenir plus d’informations en fonction de sa réaction.

« Je vous remercie. C’est la première fois que je suis confrontée à une telle situation, et je me creuse la tête pour savoir comment m’y prendre. »

« Je vois. S’il vous plaît, ne vous pousse pas à bout. » Le sourire de Talisman ne s’était pas démenti.

Le Seigneur Masqué, qui était assis plus loin dans la pièce, chuchotait aux gardes royaux qui l’entouraient.

Il en va de même pour lui.

Le Seigneur Masqué et Lord Talisman ont une longue histoire avec leurs langues d’argent.

Elle n’avait aucun moyen de gagner contre eux sur le plan intellectuel.

Il en allait de même si elle devait les combattre avec des mots. Alice aurait beau essayer de parler, ils parviendraient à l’amadouer dans une direction qui leur serait favorable. Elle le savait, car il en avait été de même lorsqu’elle s’était adressée à sa grande sœur.

Le silence serait son meilleur ami. Peu importait qu’ils la secouent suffisamment pour qu’elle le montre, tant qu’elle ne disait rien. Elle ne pouvait pas laisser le plan se révéler dans l’une ou l’autre de ses paroles cette fois-ci.

« … » Alice se mordit la lèvre inférieure.

Elle plaça ses poings sur ses cuisses et les serra silencieusement.

+++

Il existe un vieux conte sur les vents du nord et le soleil.

Afin de voler les vêtements que porte le voyageur, le vent souffle aussi fort qu’il le peut, mais ne parvient pas à atteindre son but. Pendant ce temps, le soleil le rôtit lentement, lui faisant abandonner sa redingote à cause de la chaleur.

La leçon est la suivante : pour forcer les autres à te servir, utilise la persistance composée plutôt que l’intimidation. La logique s’était maintenue à travers l’histoire, et elle avait inspiré un modèle que l’Hydra privilégiait depuis des générations. Même leur institut en avait tiré son nom.

+

L’institut de recherche de l’Hydra. À la pointe de l’ingénierie et de la recherche sur le pouvoir astral — plus connu sous le nom de Neige et Soleil.

+

Il s’agit d’une entreprise appartenant à l’Hydra.

L’institut de recherche avait été créé pour étudier les moyens de créer une quatrième révolution énergétique en prélevant l’énergie astrale au cœur de la planète pour l’utiliser à la place de l’électricité et du gaz.

« … Du moins, pour le public. En réalité, c’est un endroit où se cachent les soldats personnels de l’Hydra. »

Depuis la pelouse, Nami avait pointé du doigt le gratte-ciel rutilant, de couleur gris foncé. Des gardes portant des boucliers antiémeute à puissance astrale se tenaient de part et d’autre de l’entrée. Ils ne ressemblaient pas tant à des corps astraux du terrain qu’aux forces de suppression que l’unité 907 avait vues dans les prisons.

« Comme vous pouvez le voir, ils ont employé plusieurs soldats qui ne font pas partie des gardes royaux officiels, les faisant passer pour des guetteurs. Je crois que des centaines d’entre eux sont stationnés en permanence ici… Qu’en penses-tu, Sistia ? Entends-tu quelque chose ? »

« Ils sont en état d’alerte. J’entends des conversations par radio. »

L’autre servante porta la main à son oreille. Les autres étaient trop loin pour distinguer quoi que ce soit, mais elle avait utilisé l’Écho pour écouter les conversations des mercenaires.

« Il semble qu’ils parlent en code, d’après la fréquence de ce qu’ils disent et leurs réactions, cependant, il semble qu’ils n’aient rien remarqué d’anormal et qu’ils continuent leurs défenses habituelles. Mais vu la fréquence à laquelle ils communiquent entre eux, je pense qu’ils redoublent de prudence. »

« Eh bien, je suppose qu’ils sont sur leur garde. » Iska s’y attendait. « Nous avons été attaqués à la villa. Ils ont probablement peur que nous ripostions. »

« Il est onze heures. C’est l’heure. Pouvons-nous procéder comme prévu ? »

« Bien sûr. »

Au loin dans le palais, Talisman commençait sa conférence.

Alice veille sur lui.

C’est l’occasion pour nous d’envahir leurs installations.

Iska et son groupe avaient déjà été rendus invisibles par le brouillard.

Trente minutes s’étaient écoulées depuis qu’ils avaient pénétré dans l’enceinte. Ils ne pourraient rester dissimulés que pendant encore trois heures.

« Allons-y ! » Nami prit la tête du groupe et se dirigea vers le centre de recherche.

Ils regardèrent droit dans les yeux les deux gardes qui encadraient la porte, observant leur environnement. Les gardes, cependant, n’avaient vu aucune des personnes qui marchaient devant eux.

« Ils… ils ne nous ont vraiment pas remarqués… »

« Dépêche-toi, commandante. La porte automatique va se fermer ! »

« Ah !? Attends, Néné ! »

Avant que la porte ne puisse se refermer d’un coup sec, Mismis se glissa à travers.

Les portes automatiques utilisaient des systèmes de capteurs infrarouges et corporels. Comme la chaleur de leur corps ne pouvait pas être masquée à l’aide du brouillard, ces portes s’ouvraient automatiquement pour eux. Cela signifiait qu’ils devaient passer les portes avec les chercheurs pour éviter les soupçons.

« Oh… c’était moins une. Je suis contente de m’être entraînée à l’hôtel hier… »

« Tu es la seule à avoir bénéficié de l’entraînement, patron. »

« Vraiment, Jhin !? » s’exclama Mismis.

« Réduis ta voix, patron. Leur pouvoir a ses limites. Nous nous sommes à peine faufilés dans la base de l’ennemi. »

Jhin pointa du doigt le hall d’entrée. Là encore, deux soldats tenaient des postes de radio à côté du bureau d’accueil immaculé. D’autres gardes encore patrouillaient dans les couloirs.

Un établissement appartenant à l’Hydra — Neige et Soleil.

Comme Alice l’avait dit, il n’y avait qu’un seul endroit où cacher sa sœur. Il devait s’agir d’un endroit sous le contrôle direct de Talisman — pour échapper à l’ordre de la reine de balayer toutes les maisons. Alice avait dit que ce serait cet établissement.

« Wôw. Ça ressemble un peu à l’un des instituts de recherche de l’Empire. » Néné leva les yeux vers la carte de l’étage.

L’ingénierie du pouvoir astral — une forme de recherche sur le pouvoir astral, illégale dans l’Empire — était ouvertement poursuivie dans la Souveraineté.

« Hum, je suppose que les murs sont épais au cas où la puissance astrale deviendrait folle. Ce pipeline pourrait être utilisé pour amener l’énergie astrale d’un vortex souterrain jusqu’ici… »

« Néné, garde tes commentaires pour plus tard. »

« M-mais, Iska, cet établissement est meilleur que ce à quoi je m’attendais ! »

« … Franchement. »

Néné n’avait pas tort. On avait dit à Iska que c’était un endroit où l’on gardait les soldats, alors il ne pensait pas que ça ressemblerait à ça. C’était comme s’ils étaient dans un centre de recherche impérial — des scientifiques marchant dans les couloirs, surveillant les points d’entrée, et tout le reste.

Peut-être que cela joue en notre faveur.

 

 

Si c’est un véritable centre de recherche, il n’y aura pas beaucoup d’endroits où cacher Sisbell.

Il doutait fort que les centaines de chercheurs aient été mis au courant du plan, même si les mercenaires directement employés par Talisman l’avaient peut-être été. En d’autres termes, ils ne pouvaient cacher Sisbell que dans des endroits inaccessibles aux chercheurs.

Elle devait se trouver dans un centre de gestion où les soldats étaient stationnés, ou dans une salle électrique souterraine, ou encore dans les installations d’élimination des ordures. Ou bien…

« Je savais que ce ne serait pas si facile. » Jhin détacha ses yeux de la carte et regarda l’un des serviteurs. « La pièce géante au sommet est-elle utilisée par Talisman ? Ça me semble être le meilleur endroit pour la garder. »

« Oui. Mademoiselle Rin l’a confirmé lors de ses recherches. »

« Il n’y a pas d’ascenseur qui puisse monter là-haut. »

Tous les ascenseurs publics ne dépassaient pas le dixième étage. Ceux qui avaient une autorisation pouvaient monter jusqu’au quatorzième étage. Mais d’après le plan, il n’y avait aucun point d’entrée pour le quinzième étage.

« … C’est bon. Nous laisserons celui-ci en dernier. Dirigeons-nous vers les souterrains. » Jhin se tourna vers un ascenseur à service spécial situé à l’arrière du premier étage.

Ils trouvèrent une cabine vide avec une porte ouverte et s’y glissèrent ensemble. Lorsque l’ascenseur commença à descendre, Néné regarda nerveusement le plafond.

***

Partie 2

« Hé, Jhin. Il y avait une caméra de surveillance dans le couloir tout à l’heure. Crois-tu qu’elle nous a vus ? J’espère qu’ils ne verront pas qu’on a appuyé sur le bouton… »

« Ils ne nous remarqueront pas. Les ascenseurs sont automatiques. Ils n’ont aucun moyen de savoir que des intrus le font fonctionner. » Les yeux de Jhin ne quittèrent pas le panneau éclairé au-dessus de leurs têtes. « Hé, Nami. Vous avez dit que le brouillard durait encore trois heures ? »

« Oui. Pour être plus précise, je ne peux rien garantir au-delà de trois heures. Il pourrait en durer quatre, mais il pourrait s’épuiser si nous dépassons de cinq minutes les trois heures. Je n’ai aucun contrôle là-dessus. »

« Et vous avez dit que vous aviez une période de récupération de deux heures ? »

« Deux heures et sept minutes. Après cela, je peux l’activer à nouveau. »

« D’accord. »

Le grand ascenseur s’arrêta. Ils se trouvaient au premier niveau souterrain. L’épaisse porte métallique s’ouvrit. Dès qu’ils virent la scène qui les attendait, Néné et la commandante Mismis poussèrent des cris étranglés.

« Eep !? »

« C’est… ! »

Des soldats portaient des fusils.

Flanquée d’hommes costauds, une vieille femme mince vêtue de rouge vif se dirigeait vers eux.

Grugell, la sorcière du soleil de minuit. L’assassin qui les avait attaqués à la villa. Elle avait disparu lorsque la villa s’était effondrée, mais elle avait dû être sauvée par les acolytes de Talisman. La sorcière se dirigeait tout droit vers l’ascenseur.

« … Jh-Jhin ! » s’écria la commandante Mismis.

« Chut, chef. Ce n’est pas grave. Ils ne nous attendaient pas. Ils attendaient juste de monter dans l’ascenseur. »

Ils tentèrent tous les six de sortir alors que la sorcière et les soldats montent dans l’ascenseur. Leurs vêtements se frôlèrent les uns les autres. Le groupe se retourna pour voir l’ascenseur transportant la sorcière se rapprocher.

« On dirait qu’ils se dirigent vers le quatorzième étage. Si cette vieille dame s’y rend, c’est qu’il y a sûrement quelque chose qui se trame… » Jhin regarda droit devant lui. La zone souterraine devait être la zone d’attente des gardes. Des hommes tenant des fusils étaient postés dans les couloirs. « Je vois. Les étages en surface sont accessibles au public, alors ils n’utilisent que des boucliers de puissance anti-astrale comme forme de défense. Mais sous terre, ils n’ont pas besoin de cacher qu’ils sont armés pour tuer. C’est un lieu de rendez-vous pour leurs mercenaires. »

« J’entends plusieurs voix. » Sistia traversa devant les soldats et s’avança en activant l’Écho. « D’après eux, il y a cinq salles de conférence au total. Deux grandes salles de conférence intérieures. »

« Avez-vous compris tout ça juste en écoutant ? »

« Oui. Et en dessous de nous — je pense à l’étage inférieur — j’entends quelqu’un respirer. On dirait quelqu’un de tout à fait différent des soldats. »

Tous avaient sursauté.

« C’est peut-être Sisbell !? » dit Mismis.

« … Allons-y. »

Iska acquiesça, et ils commencèrent à marcher à pas pressés.

+++

Neige et soleil. Quatorzième étage.

Grugell quitta l’ascenseur et s’engagea dans un couloir désert. Elle avait demandé à ses soldats de l’attendre derrière.

« Oh, Mamie Grugell. Pourrais-tu patienter un instant ? »

« Hmm ? » La femme — mince et âgée — avait tressailli en entendant la voix derrière elle. « … Vichyssoise, c’est toi ? »

« Bien sûr. Je suis heureuse que tu te sois complètement rétablie. Comment va cette bosse sur ta tête ? J’ai entendu dire qu’un soldat impérial nommé Jhin t’avait donné un coup de poing et t’avait fait un méchant bleu. »

Grugell n’avait aucune idée du moment où Vichyssoise était apparue.

La jeune fille aux cheveux roux et aux piercings proéminents se décolla du mur, semblant plutôt réticente, et se dirigea droit vers la vieille femme.

Elle fixa Grugell. « Hmm. »

« Quoi ? » aboya Grugell. « Hélas, je n’aime pas les jeunes paumés. Reviens me voir dans quarante ans. »

« Ha-ha », ricana la sorcière. « C’est bien toi. J’ai cru que tu étais une impostrice. »

« … Qu’est-ce que tu veux dire ? »

« Tu sens ! » Vichyssoise posa un doigt sur le bout de son nez, l’air positivement jubilatoire. « Depuis que je suis devenue sorcière, je suis sensible à l’odeur de la puissance astrale. Tu avais une énergie bizarre autour de toi, alors j’ai eu des doutes. »

« C’est un centre de recherche sur le pouvoir astral. Pourquoi ne pas — ? »

« J’ai senti la même puissance astrale à la villa. Où es-tu allée aujourd’hui ? As-tu rencontré quelqu’un de suspect ? »

« Oh ? » Les yeux plissés de la femme se froncèrent. « J’ai passé la journée dans l’établissement. Je viens juste de remonter à la surface. »

« Ah oui ? Alors, ils sont peut-être déjà entrés. »

« Même avec les caméras de surveillance en place ? »

« C’est là que le pouvoir astral entre en jeu. Elles ont été choisies par les Lou pour être des serviteurs, après tout. Elles doivent bien avoir quelque chose d’utile. En plus… » Vichyssoise croisa les bras. Comme si elle complotait, elle fixa l’air, immobile. « Mamie, tu as dit que tu n’as été que sous terre, c’est ça ? »

« Mm-hmm. »

« C’est là qu’une certaine personne est cachée, n’est-ce pas ? Tu sais, Sisbell — ! »

« Hmm ! » Les yeux de la femme s’ouvrèrent en grand. Ses yeux, une fois fermés, s’étaient élargis. « Donc ils sont ici en mission de sauvetage. »

« Pas le temps de réagir. Je vais d’abord faire un rapport. » Vichyssoise arrêta la femme. « Pourras-tu le dire au Seigneur Talisman ? C’est aussi la prochaine dans l’ordre des choses. Elle est l’héritière après tout, et son pouvoir pourrait être utile. »

Vichyssoise leva son doigt pointé, le donnant en direction de l’étage supérieur, et ricana.

« Eh bien, elle est tellement frimeuse. Je suis sûre qu’elle aurait flairé ça même sans que personne ne le lui dise. »

+++

Neige et soleil. Deuxième étage souterrain.

Le groupe d’Iska avait mis les pieds dans un centre d’accumulation — ou plutôt, une zone de collecte d’ordures qui portait ce nom. Une gigantesque déchiqueteuse mâchait du papier, des cartons étaient empilés et des vitres cassées d’équipement de laboratoire avaient été laissées dans des conteneurs. C’était vraiment un centre de collecte de déchets.

Ce genre d’endroit ne devrait pas nécessiter de gardes, mais plusieurs individus portaient des armes et patrouillaient. Un nombre anormal de caméras de sécurité parsemaient le plafond.

« Sistia, à propos de la personne que vous avez sentie tout à l’heure… »

« Par ici. Nous sommes presque arrivés. »

La servante aux cheveux bruns se faufila entre les mains d’un garde. Elle se tourna vers la commandante Mismis, qui marchait à côté d’elle, et lui fit signe du regard.

« Derrière ce tas d’ordures. Au fond, près des cartons. »

« … Est-ce qu’ils mettraient Mlle Sisbell ici ? »

« Ce n’est peut-être pas Lady Sisbell. Je sens juste que quelque chose vient de là. » La servante prit un air sinistre en s’avançant.

Les cartons avaient été empilés de façon précaire. La commandante Mismis jeta un coup d’œil derrière eux. Iska retint son souffle en arrivant derrière elle.

+

Ils avaient trouvé un homme âgé tout seul, attaché avec des menottes.

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Il avait été attaché à une chaise pliante. Il ne bougeait même pas. Ses yeux étaient fermés comme s’il dormait. Ils avaient reconnu son visage.

C’est lui.

L’assistant de Sisbell, Shuvalts. Il était donc là depuis le début !

Il avait disparu sans laisser de traces sur le chemin du palais. Ils avaient soupçonné que des assassins envoyés par l’Hydra l’avaient attaqué. C’est un coup de chance qu’ils l’aient découvert. Ils devaient le garder comme otage.

« Néné, prends une photo. »

« Roger. J’en ai déjà une douzaine. Nous avons plus qu’assez de preuves. » Néné rangea son petit appareil photo.

À côté d’elle, Nami serra sa main en un poing, l’air excité. « Sistia, tu es incroyable. Si son accompagnateur est prisonnier ici, alors Lady Sisbell doit aussi — ! »

« Oui. Mais… » Sistia marmonna. « Je ne sens personne qui pourrait être Lady Sisbell. Je ne suis pas sûre qu’elle soit sous terre. »

« Alors elle doit être à l’étage supérieur. C’est cette zone qui est suspecte », répondit Jhin en levant les yeux vers une caméra de surveillance. « Je suis content que le vieux soit en sécurité. Néné, peux-tu faire quelque chose pour ces deux caméras ? Dix secondes suffisent. »

« … Je ne peux pas. Je peux l’empêcher de filmer, mais elle signalera au centre de surveillance qu’elle a été trafiquée. Et ils comprendraient que nous sommes entrés par effraction. »

« Alors il faut remettre ça à après. Si nous sauvons le vieil homme, les soldats commenceront une chasse à l’homme pour nous. Nous ne pourrions pas sauver Sisbell. »

Sauver Sisbell était la priorité. S’ils avaient du temps supplémentaire, ils pourraient aussi sauver son accompagnateur. En d’autres termes, s’ils n’avaient pas le temps, ils laisseraient son accompagnateur derrière eux.

« N’est-ce pas, patron ? »

« … Oui. Je sais que c’est cruel, mais nous ne sommes pas dans une situation où nous pouvons les sauver toutes les deux. Nous devons sauver Lady Sisbell. »

C’est la commandante qui décidait. Mismis incita les serviteurs à continuer, en pointant du doigt l’ascenseur. « Montons. »

« … J’ai compris. »

Les deux serviteurs semblèrent pris de remords, mais elles tournèrent rapidement sur elles-mêmes, essayant de se débarrasser de leur culpabilité. Elles se glissèrent devant les gardes pour entrer dans l’ascenseur.

Le quinzième étage était leur prochaine destination.

Sauf que l’ascenseur n’allait qu’au quatorzième étage. Ils ne savaient toujours pas comment se rendre au sommet.

« La vieille dame est allée au quatorzième étage, alors nous devrions probablement commencer nos recherches par là. »

***

Partie 3

Mismis toucha le panneau correspondant à l’étage approprié. Dans l’ascenseur à grande vitesse, Sistia plaça ses mains sur ses oreilles et ferma les yeux pour se concentrer.

« Mlle Sistia, vous entendez quelque chose ? » lui demanda Mismis.

« Je crois que les gardes sont en train de parler. Mais je n’entends personne prononcer le nom de Sisbell. Et il est difficile de recueillir des sons pendant que l’ascenseur se dirige vers le haut. »

Huit, neuf, dix, onze.

Pas le temps de monter d’autres étages. Ils faisaient la course contre la limite de temps vis-à-vis du brouillard. Ils n’avaient pas le luxe de fouiller tous les étages, ils devaient donc être sélectifs.

Les quatorzième et quinzième étages. Grugell — la sorcière du soleil de minuit — s’était rendue au quatorzième étage. Ils pensaient que la chambre de Talisman se trouverait au sommet.

« Nous pouvons nous cacher encore deux heures… », se dit Iska. « Et nous ne savons toujours pas comment nous rendre à l’étage de Talisman. On ne sait pas s’il y a un ascenseur spécial ou des escaliers de secours ou autre chose… »

« Nous devons diviser pour mieux régner. Même si nous ne sommes que six personnes », poursuit Jhin. « Une fois arrivés au quatorzième étage, nous nous diviserons en deux groupes de trois. Ensuite, nous passerons la zone au peigne fin chacun de notre côté pour trouver un chemin jusqu’au quinzième étage. Avec un peu de chance, nous pourrons trouver cette vieille dame pendant que nous y sommes. »

L’ascenseur s’était arrêté. Les portes épaisses s’ouvrirent sur un étage qui ressemblait à s’y méprendre au hall d’entrée. Le hall stérile et spacieux n’arborait que des murs et des plafonds monotones. La lumière du soleil se déversait par une gigantesque baie vitrée, donnant à l’espace une lueur sereine.

« Iska, n’est-ce pas un peu trop calme ici ? » Néné regarda le couloir et fronça les sourcils.

Il n’y avait pas de soldats aux alentours — contrairement à l’espace souterrain autour du serviteur qui en grouillait. Cela donnait une impression d’inquiétude.

« Il n’y a personne d’autre à cet étage. Et… » les murmures de Sistia résonnèrent. « Il y a une personne à l’étage au-dessus de nous. »

« Une personne ? Euh… qu’est-ce que ça veut dire ? »

« Quelqu’un de différent de la femme plus âgée. Il n’a pas l’air de bouger, donc il est soit captifs, soit assis sur une chaise. »

« … Alors il pourrait bien s’agir de Mlle Sisbell. » La commandante Mismis leva les yeux au plafond.

Au vu des circonstances, la probabilité était élevée. Mais Talisman serait-il vraiment assez stupide pour la laisser sans surveillance ?

« Qu’en penses-tu, Jhin ? »

« Ce n’est pas étrange s’ils étaient persuadés que nous n’arriverions jamais à Sisbell. Ils ont peut-être recouvert le sol à l’aide d’un pouvoir astral spécial ou l’ont utilisé pour la garder enfermée. »

Jhin s’avança, prenant les devants. Il se dirigea vers le bout du couloir désert.

« D’abord, nous allons trouver un moyen d’accéder à l’étage supérieur. Nous pourrons déterminer s’il s’agit de Sisbell ou de quelqu’un d’autre plus tard. » Jhin s’arrêta lorsqu’il tourna à droite à une intersection à quatre voies et fit claquer sa langue en signe d’irritation. « … Du moins, c’est ce que je pensais. Maintenant, c’est ennuyeux. »

« Quoi ? Qu’est-ce qui ne va pas, Jhin ? »

« Regarde. »

Ils restèrent silencieux en regardant dans la direction qu’il avait indiquée. Un passage caché. Il était semblable à celui de la villa. Le mur était ouvert, révélant une cavité. Ils entrevirent un escalier en colimaçon à l’intérieur.

Quelqu’un est monté et l’a laissé ouvert. C’est impossible.

Est-ce un piège ? Mais pourquoi nous conduiraient-ils à l’étage supérieur ?

Ils n’avaient pas pu trouver immédiatement une raison à cela. Iska fit un pas vers l’escalier, tentant de percer le rideau de silence.

« Je monte. »

« Iska ! ? Es-tu sûr… ? »

« Je ferai attention. Vous allez tous me suivre. »

Il se dirigea vers les escaliers et arriva au dernier étage en trente secondes. Il se glissa par la porte ouverte.

« … »

Iska découvrit un couloir spacieux devant lui. Il y avait trois pièces au fond. Les deux situées de part et d’autre de lui semblaient être des salles de conférence. Celle du centre arborait une porte ostentatoire dotée d’un dispositif mécanique.

« Iska, que vois-tu ? »

« Rien de dangereux pour l’instant. Je veux avoir ton point de vue. Qu’en penses-tu, Néné ? »

« Hmm ? Qu’est-ce qu’on a là ? » Néné bondit dans les escaliers et se plaça à côté d’Iska avant de plisser les yeux. Elle fixa la porte centrale. « Hum, ça ressemble à un dispositif optique… donc ça nécessite trois couches d’authentification. La reconnaissance biométrique des veines, un code d’accès et une carte à puce. Elle ne s’ouvrira pas si tu n’as pas les trois. »

« C’est sa chambre. Ce doit être elle. » Jhin regarda la servante qui se tenait derrière eux. « Vous avez dit que vous n’aviez senti la présence que d’une seule personne à cet étage. Je suppose que c’est évident, mais où les avez-vous sentis ? »

« … » La fille pointa devant elle… vers la porte avec les trois couches de serrures. « Il est dans cette pièce. Si Lady Sisbell est à l’intérieur, il n’y a peut-être pas de gardes parce que la sécurité est très stricte… »

« Peut-être. Eh bien, si nous avons juste besoin d’entrer, nous pourrions briser la porte. Mais ça va attirer l’attention sur nous. » Jhin jeta un coup d’œil à la caméra de surveillance au plafond et haussa les épaules. « Même s’ils ne nous voient pas, la caméra verra la porte se briser. Ensuite, ils scelleront les sorties du bâtiment, et nous aurons tout un tas d’ennuis pour sortir. Si nous suivons ce plan, j’aimerais être sûr que c’est bien Sisbell de l’autre côté. »

« … D’après les respirations, on dirait une jeune fille », dit la servante, l’air circonspect. « Je peux discerner s’il s’agit d’un homme ou d’une femme de cette façon. Et la vitesse à laquelle une personne respire peut varier en fonction de l’âge. Tout le monde est différent, mais je crois qu’il s’agit d’une jeune femme. »

Comme Sisbell.

« Hum… Et si nous repoussions cela d’une heure ? » proposa la commandante Mismis. « Nous pouvons nous cacher pendant encore une heure et demie, et nous avons juste besoin de trente minutes pour sauver Mlle Sisbell et la faire sortir, n’est-ce pas ? Je pense donc que nous pourrions repousser l’échéance. Je me disais… que nous pourrions tendre un piège ici pendant ce laps de temps. »

Ils attendaient que quelqu’un ouvre la porte.

Puis ils suivaient la personne, ce qui leur permettait d’entrer sans briser la porte. Ils ne seraient pas vus par la caméra.

« Qu’en penses-tu, Jhin ? »

« Ça, c’est une surprise venant de toi, patron. Qui t’a appris la stratégie ? »

« Personne ! »

« C’est pas mal. Quiconque viendrait à cet étage aurait probablement une carte IC et connaîtrait le code d’accès. Et nous pouvons les voler. »

Nami et Sistia n’avaient pas objecté.

Elles avaient décidé de se mettre à l’affût au dernier étage. Et si quelqu’un venait — !

+

À ce moment-là, Neige et Soleil trembla dans ses fondations — à la suite d’une énorme explosion.

+

Elle provenait de l’extérieur de la fenêtre. Dans un éclair de lumière, la détonation résonna au niveau du sol, leur transperçant les tympans.

« Qu’est-ce que c’est ? Une explosion… ? »

« De l’extérieur !? »

Il n’en fallait pas plus pour faire trembler les fenêtres. Le terrain à l’extérieur s’était rempli d’une épaisse fumée noire et d’étincelles emportées par le vent soufflant.

S’agissait-il d’un bombardement ? Les flammes étaient trop puissantes pour qu’ils puissent le confirmer.

« Hé, vous ne nous avez rien dit à ce sujet. » Jhin se précipita vers la fenêtre. « Qui a fait ça et qu’est-ce qu’ils cherchaient ? »

« Je - Je ne sais pas ! Cela s’écarte de nos plans ! » s’écrie l’une des préposées.

« Qu’est-ce que c’est ? » Iska aperçut quelque chose dans le souffle de l’explosion.

Ce n’était pas de la lumière provenant des flammes. Elle semblait scintiller et se fondre dans l’air en un clin d’œil.

« C’est de l’énergie astrale ! »

Cela signifiait-il que l’explosion avait été causée par la puissance astrale ?

Un mage astral avait donc attaqué cette base. C’est en tout cas ce qu’il semblait d’après l’état des choses.

Mais attends. Ce n’est pas si simple.

Si quelqu’un devait faire ça à la base appartenant à l’Hydra, il deviendrait un ennemi de la famille royale.

Même Alice n’avait pas été capable de faire quoi que ce soit d’imprudent. C’est pourquoi elle avait ravalé sa fierté et demandé à une unité impériale de mener à bien ce plan. Dans ce cas, comment expliquer l’explosion qui s’était produite en dessous de lui ? De qui s’agit-il ? Qui serait assez audacieux pour oser faire quelque chose d’aussi destructeur, sachant que cela ferait de lui un ennemi de la lignée de la Fondatrice ?

« … Qui est-ce ? »

L’alarme s’était mise à retentir. Pas une seule personne ne parvenait à reconstituer l’ensemble du tableau. La situation qui se déroulait à centre « Neige et Soleil » n’avait pas été prévue par Iska — et Talisman.

Personne ne s’y attendait.

Cet événement divergeait de leurs plans soigneusement élaborés. À l’origine de cet événement, il y avait la rancune d’un seul homme.

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« Des acclamations et des applaudissements pour marquer mon arrivée. »

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Le grand terrain du complexe Neige et Soleil.

La clôture en fer avait été écrasée, méconnaissable à présent. Elle était piétinée par un bel homme aux cheveux blancs qui l’enjambait en sautillant et faisait triomphalement son entrée.

Il avait une allure audacieuse — ne portant rien d’autre qu’un épais manteau long sur son torse autrement nu.

« J’espérais que… le chef de famille serait ici. On dirait qu’il est au palais. Peu importe. »

Des sourcils imposants. Un visage sculpté. L’homme se dirigea tout droit vers l’antre de l’Hydra, éclairé majestueusement par une scène d’étincelles — des dizaines de milliers.

Salinger, le sorcier transcendantal.

Il jeta un coup d’œil aux soldats qui couraient vers lui.

L’homme qui avait un jour montré les dents à la reine Nebulis VII déclara, alors que les flammes faisaient rage derrière lui : « Agenouillez-vous. Je ne vous laisserai la vie sauve que si vous inclinez votre tête devant moi. »

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