Kimi to Boku no Saigo no Senjo – Tome 11 – Éclaircissement mémoriel 7

***

Éclaircissement mémoriel 7 : Le souhait d’Alice

Dix ans plus tard.

Loin au nord des terres impériales, les Contaminés du pouvoir astral avaient construit un petit pays.

Au cours des dix dernières années, ils avaient appris à contrôler leurs pouvoirs astraux et s’étaient baptisés « mages astraux ». La Grande Sorcière Nebulis les dirigeait. C’est ainsi que ce petit pays fut baptisé Souveraineté de Nebulis.

Pour Crossweil Gate Nebulis, tous ces événements semblaient s’être produits hier, en un clin d’œil.

Pendant ces dix années, alors que les jumelles de Nebulis développaient leur petit pays, l’Empire construisait une nouvelle capitale.

La capitale impériale Yunmelngen.

Bien que la ville porte le nom de son nouveau seigneur, elle n’avait pas été construite à partir de rien, mais plutôt restaurée. Après que la Grande Sorcière Nebulis eut transformé la capitale en une mer de flammes à la suite de sa révolte, Yunmelngen ordonna que les bâtiments soient rendus résistants à la chaleur.

À l’angle d’une route impériale…

« Vous avez entendu ? » Les soldats impériaux se chuchotaient partout. « Un nouveau vortex est apparu sur la côte est. Ils en ont aussi trouvé un dans une ville neutre de l’ouest. »

« Il y a de plus en plus de nouveaux sorciers et sorcières chaque jour. Même dans les pays proches de nous et chez nos alliés. »

« Pensez-vous qu’ils vont s’installer sous la souveraineté de Nebulis ? »

« C’est vrai. La population du pays des sorcières ne cesse de se multiplier. À ce rythme, ils deviendront une grande nation. »

Les propos du soldat étaient empreints d’une certaine lassitude.

En tant que pays ayant chassé tous les Contaminés du pouvoir astral, il était tout à fait naturel qu’ils craignent le renforcement de la souveraineté de Nebulis.

« … » Passant à travers le rassemblement de soldats, Crossweil marcha silencieusement le long de la route principale, deux épées à sa taille.

Un adhésif destiné à sceller son énergie astrale se trouvait sur son cou. S’il se décollait, son énergie astrale serait détectée et il serait exclu de l’Empire.

« … »

Il se dirigeait vers le Siège de la tour du château.

Il y a dix ans, il avait dû se faufiler par un passage secret, mais aujourd’hui sa position était différente.

C’était le Saint Disciple Crossweil. Lorsque les gardes virent qu’il était le garde direct du Seigneur, ils lui ouvrirent la porte. Ensuite, il se dirigea vers la suite du Seigneur.

Dès qu’il posa le pied dans la salle aux nattes de jonc, l’odeur lourde des herbes lui piqua le nez.

« Je suis de retour », déclara-t-il.

Le propriétaire de la chambre l’avait accueilli en ne faisant que respirer — alors qu’il dormait paisiblement.

« – »

La bête argentée était recroquevillée sur les nattes, en train de dormir.

Il n’essayait pas de cacher ses grandes oreilles ou sa queue alors qu’il dormait recroquevillé comme un chat. Comme Crossweil savait qu’il y avait une raison derrière ce sommeil, il ne pouvait pas facilement dire à son compagnon de se réveiller.

« Le fait de te voir dormir si paisiblement m’agace pour une raison ou pour une autre », déclara-t-il.

« – »

« Alors, Yunmelngen, il s’avère que c’est difficile. Nous ne pouvons pas apaiser la peur qui s’est emparée des gens aussi facilement. Même après une décennie. »

Au cours des dix dernières années, les impériaux craignaient toujours la Grande Sorcière Nebulis et détestaient les sorciers et sorcières qui l’accompagnaient. Ils ne pouvaient oublier la capitale réduite en cendres.

Et puis, il y avait aussi ceux qui en avaient profité.

« Les Huit Grands Anciens. Oh, je suppose que ce sont maintenant les Huit Grands Apôtres. »

Les dirigeants de l’assemblée impériale étaient toujours en vie et en bonne santé. En fait, ils continuaient d’exercer une grande influence sur l’organe directeur, même aujourd’hui.

Le seigneur Yunmelngen ne montrait pas son visage aux gens. Comme il ne parvenait pas à gagner la confiance de ses vassaux, les Huit Grands Apôtres continuaient à contrôler les autorités de l’Empire.

« Aussi, Yunmelngen, je pense qu’il y a une signification derrière ces dix dernières années », dit-il au Seigneur qui ne réagissait pas. Crossweil regarda l’une de ses épées. « Les épées astrales. Nous les avons enfin forgées, comme tu le souhaitais. Il semblerait que même les Astrals ne puissent rien faire de plus grand que cela. Mais grâce à elles, nous pouvons… »

Il hésita. En une fraction de seconde, le silence fut soudain rompu…

… par le son d’une alarme qui remplissait la suite du Seigneur.

« … Argh. Qu’est-ce que c’est que ça ? »

Cela ne provenait pas du Siège de la tour du château.

Si cela avait été le cas, l’alarme automatique de la chambre aurait également retenti. Cela signifiait donc que c’était à l’extérieur. Une alarme avait retenti quelque part dans la capitale.

… Je n’aime pas ce bruit.

… Je n’ai plus jamais voulu l’entendre.

C’était la troisième fois qu’il l’entendait dans sa vie. La première fois, c’était lorsque les puissances astrales avaient jailli du site d’excavation, le Nombril de la Planète. La deuxième, lorsque la capitale avait été engloutie par une mer de flammes. Et maintenant, cette fois-ci.

Les deux derniers incidents ayant été si extrêmes, il ressentit un sentiment d’inquiétude en entendant le bruit qui résonnait dans toute la capitale.

« Je sors », dit-il. « J’espère sincèrement que rien ne te réveillera. »

Puis il quitta le Seigneur encore endormi.

Crossweil sortit rapidement de la chambre du Seigneur.

+++

Il ressentait une impression de déjà-vu.

Oui. Il ressentait un léger frisson depuis qu’il avait entendu le son à la résidence du Seigneur.

Une sirène ne cessa de retentir. Son cœur battait de plus en plus vite et il se dirigea vers l’extérieur. Le spectacle qui s’offrit à lui fut celui d’une fumée noire qui apparaissait si vigoureusement qu’elle noircissait le ciel.

La capitale était en feu. Bien qu’il ne veuille pas qu’ils reviennent, il se remémore des souvenirs douloureux datant d’il y a dix ans. Une seule salle pouvait être en feu, mais en voyant les flammes et la fumée noire vaciller entre les bâtiments, on ne pouvait s’empêcher de penser à la sorcière.

« Elle ne peut pas l’être !? »

Il en doutait. Elle avait quitté l’Empire il y a dix ans et construit sa propre nation. Quel intérêt y aurait-il à attaquer l’Empire maintenant ?

« … Dis-moi que mon intuition est erronée. S’il te plaît ! »

Les grandes routes étaient remplies de citoyens qui tentaient de s’échapper. Le traumatisme d’il y a dix ans était toujours présent. Qu’ils le veuillent ou non, les flammes de la capitale avaient fait resurgir l’image de la Grande Sorcière Nebulis.

« Guh… écartez-vous ! »

Crossweil se dirigea dans la direction opposée à celle où couraient les citoyens. Il passa à travers les interstices de la foule en courant vers les incendies. Sa voix se brisa involontairement lorsqu’il vit ce qui l’attendait.

Il vit des chars impériaux renversés comme des planches de bois. Les soldats impériaux armés étaient à terre comme des dominos. Les bâtiments étaient à moitié démolis. C’était la même chose qu’il y a dix ans.

Les rues de l’Empire avaient été détruites et les forces impériales avaient été dévastées.

Au-dessus de lui…

… il aperçut Eve Sophi Nebulis vêtue d’une cape noire.

Cela faisait dix ans qu’il ne l’avait pas vue. Elle avait la même apparence qu’à l’époque, une petite fille. Parce qu’elle avait fusionné avec le pouvoir astral en elle, le temps s’était presque arrêté pour son corps.

« Je ne devrais pas me poser de questions lorsque j’ai un mauvais pressentiment à propos de quelque chose. En général, j’ai raison. »

Les rues étaient silencieuses. Les soldats avaient été écartés et les citoyens avaient tous évacué les lieux.

« Cela fait longtemps qu’on ne s’est pas vus, Eve. »

Ils n’étaient que tous les deux. Crossweil l’appelait par son prénom, comme il l’avait toujours fait.

« Crow, tes cheveux sont plus longs. » Elle était descendue au sol.

Ils se firent face, à quelques mètres l’un de l’autre… puis il remarqua quelque chose. Les yeux d’Eve étaient rouges et gonflés. Elle semblait avoir pleuré. La poussière et la fumée s’étaient mélangées à ses larmes avant même qu’elles ne sèchent, si bien qu’on aurait pu croire qu’Eve pleurait des larmes noires.

Il ne put s’empêcher de s’inquiéter. Malgré tout, il devait d’abord demander quelque chose d’autre.

« Eve, que fais-tu ? »

Il regarda à nouveau autour de lui la destruction.

… La capitale se redresse enfin.

… Les cœurs des impériaux se ressoudent enfin.

Tout cela pour rien. Le simple fait de penser à la Grande Sorcière Nebulis risquait d’aggraver la persécution dont les sorciers et sorcières faisaient l’objet.

« Je pensais que tu ne reviendrais jamais ici, après que toi et Alice — ! »

« Alice est partie. »

Il ne comprit pas ce qu’elle voulait dire.

… Alice est partie ?

… Que dit Eve ? Elles sont censées vivre ensemble.

Elles avaient fui l’Empire ensemble. Elles avaient fondé une nouvelle nation, la souveraineté de Nebulis. Il n’avait pas vu comment les choses se passaient là-bas, mais il savait que la première reine de Nebulis avait dû être l’une de ses sœurs, alors il était sûr que tout irait bien.

Il avait supposé que les deux se portaient bien.

Dans ce cas, pourquoi les yeux de sa sœur étaient-ils rouges et gonflés ? Pourquoi voyait-il des traces de larmes sur son visage ?

« … »

Il sentit son cœur se serrer.

L’espace d’un instant, un sentiment d’inquiétude l’envahit. Le frisson qu’il avait ressenti à la troisième alarme n’était pas dû à l’attaque d’Eve.

« … Ce n’est pas possible… »

« C’est la blessure infligée par le soldat il y a dix ans. » Elle s’essuya les yeux. « Même après être devenue reine, cette blessure la troublait encore. Puis les choses ont empiré. Mon pouvoir astral était ridiculement inutile. »

« … Ngh. »

Il n’arrivait pas à faire sortir les mots. C’était si soudain que même s’il comprenait ce qu’elle disait, les émotions ne l’avaient pas rattrapé.

… C’est ce qui s’est passé.

… C’est pour cela qu’Eve est là.

Sa petite sœur bien-aimée lui avait été enlevée. Et c’était une balle impériale qui avait fait ça. Elle était donc revenue dans l’Empire pour se venger. En tant que Grande Sorcière Nebulis.

« Est-ce que cela a encore de l’importance ? Écarte-toi, Crow. »

« … Dis-moi d’abord quelque chose. » Crossweil parla doucement tandis qu’Eve observait les rues impériales.

« Alice t’a-t-elle demandé de la venger ? »

« … Quoi ? »

« C’est peut-être différent. J’ai eu cette impression après avoir appris qu’Alice était reine. »

La reine de la souveraineté de Nebulis était la plus jeune des jumelles.

Depuis lors et jusqu’à aujourd’hui, l’Empire et la Souveraineté n’avaient pas connu de guerre totale.

… Si elle avait voulu une guerre, elle aurait pu la déclencher.

… Elle a même été frappée par un soldat.

Mais aucune guerre ne s’était produite. Il était persuadé qu’Alicerose avait dû empêcher qu’un tel événement ne se produise.

« Crow. » La voix d’Eve était étouffée, comme si elle retenait sa rage. « C’est ce que je ressens. Je vais me venger de l’Empire parce que c’est ce que je veux. Qu’y a-t-il de mal à cela ? »

« C’est vrai. Alors, laisse-moi aussi dire ce que je veux. Laisse-moi le temps. »

« … Le temps ? »

« Le Seigneur et moi changeons l’Empire. »

« Crow ! Es-tu toujours obsédé par ce rêve ? » cria-t-elle. Ses yeux injectés de sang s’écarquillèrent comme si elle n’arrivait pas à y croire. « Cela fait dix ans ! Rien n’a changé ! »

« C’est vrai. Nous n’avons pas eu assez de temps. Une décennie n’a pas suffi à endiguer la vague de haine. »

Les mages astraux n’avaient pas eu le temps d’oublier les persécutions dont ils étaient victimes de la part de l’Empire. Ni pour les impériaux d’oublier la destruction de la Grande Sorcière.

« Rien n’a changé, Eve ? Non. Ces dix dernières années, Yunmelngen et moi avons cherché désespérément quelque chose. »

Eve ne demanda pas ce que c’était. Pour elle, c’était probablement un non-sens. Elle avait déjà pris sa décision.

« Assez. Pousse-toi. »

Elle agita la main sans aucun effort. Grâce à son pouvoir astral, du vent se forma et l’emporta sur le côté. Il comprit immédiatement qu’elle se retenait pour lui.

Puis il coupa le vent avec sa lame noire.

« Qu’est-ce que c’est ? »

La Grande Sorcière se figea, la main toujours levée. Il ne s’était pas contenté de couper le vent. Au moment où il avait frappé avec la lame, la puissance astrale elle-même avait disparu.

« Tu peux intervenir avec le pouvoir astral ? Crow, qu’est-ce que c’est ? »

« C’est l’espoir », répondit-il.

La lame noire brillait comme de l’obsidienne. Eve vit qu’il ne s’agissait pas d’une simple lame d’acier.

« Nous n’avons pas gaspillé les dix dernières années. Yunmelngen et moi n’avons pas encore changé l’Empire. Mais nous avons l’espoir d’y parvenir. Nous pourrions être en mesure de vaincre la calamité au cœur de la planète avec ceci. »

« Hein ? »

« Une fois que nous aurons fait cela, les pouvoirs astraux de la surface devraient aussi revenir au cœur. Tu dois comprendre ce que cela signifie, Eve ! »

Il était sûr de pouvoir l’atteindre. Après tout, c’était elle qui possédait le plus grand pouvoir astral. Ces épées astrales pouvaient devenir l’espoir qu’Alicerose appelait de ses vœux.

« Alors les pouvoirs astraux des mages astraux seront aussi — ! »

« Stop ! » Son cri résonna dans les bâtiments déserts. « Écoute, Crow… Je suis… Je suis la grande sœur d’Alice ! »

Eve avait presque l’air de pleurer. Elle avait dû pleurer suffisamment pour toute sa vie lorsqu’elle avait perdu sa sœur, mais d’autres larmes lui montèrent aux yeux.

« Quand Alice s’est fait tirer dessus devant moi, et même maintenant qu’elle n’est plus là. Est-ce que tu es en train de dire que je devrais attendre toute seule un avenir qui ne se réalisera peut-être jamais ? »

« … »

« Penses-tu que la source de ce phénomène se trouve au cœur de la planète ? Je combattrai cette chose autant que tu le voudras, mais je dois d’abord m’occuper de l’Empire. Tant que je ne l’aurai pas détruit, je ne pourrai pas avancer ! »

… Splish.

Une gouttelette tomba sur l’asphalte sec et éclata.

« Bouge, Crow ! »

« Non, je ne peux pas ! »

La tête de mule !

Il savait quelque part en lui que cela arriverait un jour ou l’autre. Depuis que l’un d’eux était resté dans l’Empire et que l’autre l’avait quitté. Il s’y était préparé.

C’était le maelström du destin qui déchirait la planète.

Les frères et sœurs qui s’aimaient s’étaient affrontés.

Mais avant qu’ils ne puissent regarder le combat, le pouvoir d’Illumination de Sisbell Lou Nebulis IX s’arrêta.

***