Joou Heika no Isekai Senryaku – Tome 3 – Chapitre 7

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Chapitre 7 : Opération sauvetage

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Chapitre 7 : Opération sauvetage

Partie 1

Isabelle avait été capturée.

Apprendre cela m’avait laissée en colère et impatiente. Juste au moment nous avions finalement formé une alliance avec Atlantica, l’ennemi avait fait prisonnier notre partenaire. C’était un problème majeur dont nous devions nous occuper quoi qu’il arrive.

« Écoutez tous. Nous devons sauver notre allié. Isabelle est une femme distinguée qui a accepté d’être notre partenaire, et maintenant elle est dans les griffes de l’ennemi. Je ne sais pas comment ils traitent habituellement les pirates, mais elle sera certainement exécutée. Elle s’est après tout mise en travers de la route du commerce de la populace. », avais-je dit aux essaims qui se tenaient au garde-à-vous devant moi.

Ils écoutèrent mes paroles en silence. Mon discours traversa la conscience collective et avait atteint les esprits de tous les Essaims disséminés sur le continent. Je ne pouvais pas me permettre de dire quoi que ce soit d’inutile ou même laisser une seule pensée non pertinente me traverser l’esprit.

Je devais me présenter comme la reine de confiance de l’Essaim. Ils m’avaient servi fidèlement, allant même jusqu’à donner leur vie en mon nom, j’avais donc dû répondre à leurs efforts par un leadership fort et indéfectible.

« Nous avons besoin d’Atlantica de notre côté. Ainsi, nous irons de l’avant et sauverons Isabelle. Elle n’est pas seulement notre alliée, mais aussi une amie qui a choisi de se joindre à nous. Pour elle, nous marcherons en territoire ennemi. Nous allons envahir Fennelia et reprendre Isabelle ! »

Lorsque j’avais donné mon ordre, il n’y avait aucun signe de désaccord ou de mécontentement dans la conscience collective. Peut-être voyaient-ils Isabelle comme une alliée, ou peut-être obéissaient-ils simplement à ma volonté en tant que reine. Leurs cœurs étant froids et indifférents, je ne pouvais donc pas le savoir. Mais vu qu’ils ne s’y étaient pas opposés, je m’étais sentie vraiment mieux.

« Maintenant, nous devons nous préparer pour la bataille. Vous allez enfoncer vos crocs dans l’ennemi, les percer avec vos dards, et les mettre en pièces avec vos faux. Vous devez sauver Isabelle à tout prix. Pour l’Arachnée ! »

« Pour l’Arachnée ! Saluez tous la reine ! »

« Pour l’Arachnée ! Vive la reine ! »

Les essaims avaient acclamé mon discours.

« Qu’en est-il de notre formation, Votre Majesté ? », me demanda alors Sérignan.

« Je pense que nous allons prendre cent cinq unités. 75 Essaims Éventreurs et 30 Essaims Toxiques. Les Essaims Éventreurs seront notre avant-garde, protégeant les Essaims Toxiques qui vont tirer des projectiles à distance. »

Le venin des Essaims Toxiques était mortel, mais ils étaient pratiquement impuissants lors de combats en mêlée. Ils avaient besoin d’unités d’avant-garde de type mêlée pour compenser cette faiblesse. J’étais sur le point de débloquer la mise à niveau des Essaims Éventreurs, mais pas tout à fait. Les Essaims Éventreurs devraient faire leur part pour le moment.

De plus, si les Essaims Toxiques étaient capables de lancer des attaques mortelles, leur coût de production était par conséquent élevé. Cela signifiait que, contrairement à ce qui se passait auparavant, je ne pouvais pas me contenter d’en lancer un grand nombre et de les envoyer tous en même temps. J’avais pourtant pris mon temps pour produire des Essaims Toxiques, et j’en avais maintenant une quantité suffisante.

Pour ce qui était du jeu, le fait d’avoir débloqué ce genre d’unités signifiait que j’étais à peu près au milieu de la partie. D’ailleurs, c’était à ce moment-là que les rushes cessèrent d’être des solutions efficaces. Vers le milieu de la partie, les ennemis commençaient à diversifier leurs unités, ce qui signifiait qu’il fallait avoir une stratégie et savoir quelle unité utiliser contre quelle unité pour obtenir la victoire.

J’avais peut-être eu du succès avec les rushes des Essaims Éventreurs jusqu’à présent, mais cela ne voulait pas dire que je ne savais pas comment procéder dans le jeu dans les phases ultérieures. En fait, j’avais réussi à vaincre d’autres joueurs talentueux dans des tournois à ce moment précis du jeu. Grâce à ces victoires, j’avais prouvé que mon talent de joueur d’arachnéen était légitime.

« Je crois que c’est sage. Je vais rejoindre l’avant-garde. Mais, à vrai dire, je voulais vous consulter sur quelque chose, Votre Majesté… », déclara Sérignan.

« Parle, mon enfant. »

J’avais fait un signe de tête.

Sérignan s’agita quelques instants avant de s’exprimer timidement.

« Mon corps est à nouveau rempli de cette étrange sensation et de cette chaleur… Suis-je sur le point d’évoluer à nouveau ? »

« Peut-être bien. Essayons de voir. »

Dans mon esprit, c’était le moment idéal pour qu’elle devienne encore plus forte.

« Très bien, Sérignan, essaye d’imaginer une armure bleue. Une couleur bleu pâle, comme les joues pâles des malades. Ce sera ta nouvelle forme. Essaye de l’imaginer… Je garderai aussi l’image de toi en train de devenir plus forte dans mon esprit. Bonne chance. »

« Oui, Votre Majesté. Ma nouvelle forme… »

J’avais créé une image mentale de sa forme évoluée et je la lui avais envoyée par le biais de la conscience collective.

C’était arrivé en un éclair. L’armure cramoisie de Sérignan s’effrita, révélant un magnifique ensemble de plaques d’armure bleu pâle en dessous. Cette couleur reflétait la terreur qui teintait le visage de ses victimes.

« Euh, c’est bien ça ? », demanda Sérignan alors que son armure était en train d’être modifiée.

Non seulement elle était maintenant vêtue d’une armure blanc-bleu, mais les ailes qui poussaient dans son dos avaient également changé de forme. Elles n’étaient plus petites et repliées, comme celles d’un scarabée — elle avait maintenant de grandes et fines ailes, comme celles d’une libellule. Son exosquelette dur et lustré se reflétait à la surface de ses ailes, leur donnant une teinte glorieuse.

« Oh, oui, c’est parfait. Tu as évolué vers ta troisième forme, l’Essaim Chevalier Pâle. Ces ailes devraient vous permettre de voler, mais pas trop longtemps ni trop haut. Utilise ce pouvoir pour bien servir l’Arachnée, Sérignan. »

« Oui ! Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour vous soutenir, vous et l’Arachnée, Votre Majesté ! »

C’était mon unité de héros, l’Essaim Chevalier Pâle Sérignan. En plus de sa capacité limitée à voler, ses statistiques offensives et défensives avaient augmenté de façon générale, et son venin avait atteint une toxicité qui était à peu près la moitié de celle des « Essaims Toxiques ». C’était une unité merveilleuse, complète et polyvalente.

C’est mon chevalier.

« Allez, Sérignan, nous devons sauver notre demoiselle en détresse. Nous devons beaucoup à Isabelle, et nous devons aussi consolider nos relations avec Atlantica. J’aurai besoin de ton aide pour cela. »

« Oui, Votre Majesté. Je me battrai pour sauver notre alliée et garantir notre victoire. »

Ainsi, Sérignan avait évolué vers sa troisième forme. Ceci marqua le début de notre opération de sauvetage d’Isabelle. Nous avions déjà des Essaims Mascarades déguisés en réfugiés sur le territoire du Royaume Papal, mais ils ne pouvaient pas entrer dans Fennelia, ils ne pouvaient donc pas nous donner d’informations particulièrement utiles.

La seule option qui nous restait était de prendre d’assaut et de ramener Isabelle par la force. Si nous y parvenions, notre alliance avec Atlantica durerait sûrement. C’était ce que je croyais… et je n’avais aucun moyen de savoir à quel point cette façon de penser était naïve.

☆☆☆

Il avait fallu que nous nous rendions à la ville portuaire de Fennelia à bord du grand navire. Je l’avais choisi parce que le navire de taille moyenne ne pouvait pas contenir toutes les forces dont nous aurions besoin pour cette mission. Le grand navire était notre seul choix réel, mais j’aurais aimé que nous puissions apporter le navire de taille moyenne pour nous échapper plus tard. Néanmoins, une évasion n’aurait pas d’importance si nous ne pouvions pas organiser d’abord l’opération de sauvetage.

Alors que ces pensées me traversaient l’esprit, un des capitaines pirates de l’Atlantica s’était porté volontaire pour me donner un coup de main. Il s’appelait Gilbert, il proposa de se joindre à nous pour le sauvetage d’Isabelle.

« J’ai quelques dettes envers Isabelle, et je ne les ai pas encore remboursées. Elle s’est occupée de moi quand j’étais encore un bleu et même après que je sois devenu capitaine. C’est une bonne personne, et je veux la sauver. Je vous aiderai de toutes les manières possibles. », dit-il.

Il s’était vanté que son navire était le plus rapide de l’Atlantica et qu’il était parfait pour échapper à la capture, nous avions donc accepté son offre avec plaisir. Je voulais m’assurer que les Essaims s’échapperaient aussi avec nous, mais notre priorité était de retrouver Isabelle.

Nos préparatifs étant terminés, nous avions mis les voiles pour Fennelia.

Apparemment, les pirates craignaient la ville. La marine de Frantz y avait une base avec des milliers de soldats, ce qui signifiait que les pirates qui terrorisaient les villes côtières ne pouvaient pas toucher Fennelia. Pourtant, nous étions là, sur le point de charger directement sur place.

Mais nous étions prêts pour cela. Un combat pouvait éclater à tout moment, et nous nous en sortirions très bien.

Les voiles de notre navire étaient bien déployées alors qu’il approchait lentement de Fennelia. Si nous étions obligés de nous soumettre à une inspection, nous perdrions probablement plusieurs Essaims. Heureusement, comme aucun pirate n’avait été assez téméraire pour attaquer Fennelia, aucun navire ne s’était présenté pour nous inspecter, nous étions donc rapidement arrivés au quai.

« On dirait que nous sommes arrivés, Sérignan. »

« En effet, Votre Majesté. »

Sérignan et moi étions sur le pont supérieur, nous regardions le quai du Fennelia.

Oui, je comprends pourquoi les pirates ont peur de cet endroit.

Des dizaines de ce qui semblait être des navires de la marine étaient amarrés au quai, avec des marins costauds. Le plus inquiétant encore était les cadavres de pirates pendus au phare.

Si j’étais un pirate, j’éviterais aussi cet endroit comme la peste.

« Il y a un fonctionnaire du port qui arrive. Nous n’avons pas de papiers, alors ça va sûrement être moche. Soyez prêts. », chuchotais-je à Sérignan dès que je l’avais remarqué.

« Compris. »

Le fonctionnaire du port nous approcha pour inspecter notre cargaison et examiner notre permis d’accostage. Il était accompagné par des marins de la marine. Naturellement, nous n’avions pas de tels documents à présenter. Nous n’avions pas eu le temps de faire ces préparatifs.

À l’heure actuelle, nous étions sur le point de nous lancer dans un véritable carnage et de nous frayer un chemin.

Cela va être amusant.

« Tu prends l’avant-garde. Je vais faire débarquer les essaims. », avais-je dit à Sérignan.

« Selon vos désirs, Votre Majesté. »

Je me sentais mal de laisser Sérignan s’aventurer en première ligne tout le temps, mais j’avais besoin de temps pour faire débarquer tous les essaims de la cale du navire. Mais comme elle venait d’évoluer, elle serait probablement capable de combattre l’ennemi sans problème.

Je crois en toi, Sérignan !

« Vous, là, sur le navire. Où est le capitaine de votre navire ? », dit le fonctionnaire en s’approchant de Sérignan.

« Vous ne trouverez pas de capitaine sur ce navire. La seule chose qui vous attend sur ce navire, c’est la mort. », répondit-elle de façon inquiétante en défaisant sa Mimesis.

Dès que son déguisement disparut, celle-ci bondit vers le fonctionnaire. Sa lame vola en éclats, et une fraction de seconde plus tard, la tête de l’officiel roula, et l’un des marins trouva son torse tragiquement séparé de sa moitié inférieure.

« Les ennemis ont débarqué ! Nous sommes sous atta — »

Le marin survivant essaya de crier, mais l’épée de Sérignan lui atteignit le cou avant qu’il ne puisse finir sa phrase. Alors que le corps sans tête du marin giclait du sang dans l’air comme une sorte de fontaine grotesque, Sérignan eut un sourire féroce.

« Avancez, Essaims ! Le temps de la guerre est venu ! Plongez en avant et sauvez notre alliée ! », criai-je dans la cale en ouvrant les portes.

Les essaims s’étaient précipités hors de la cale du navire et atterrirent sur le quai. Leur vitesse impressionnante dans l’accomplissement de cet exploit témoigne de leur héritage en tant qu’unités de mêlée parmi les plus rapides du jeu.

« Monstres ! Il y a des monstres sur le quai ! »

« Aaaah ! Mais qu’est-ce que les marines font !? »

Des cris terrifiés jaillirent des lèvres des capitaines des navires marchands. Les officiels de la marine présents étaient tout aussi choqués. Mais les nuées d’Essaims Éventreurs ne leur avaient pas prêté attention, se précipitant sur eux comme un raz-de-marée envoyé des profondeurs de l’enfer. Les humains consumés par cette vague mortelle furent déchiquetés, leur tronc se posant avec des coups humides sur le bois alors que leurs membres s’envolaient.

Une frappe mortelle était apparue depuis la mer. Oui, les Essaims Éventreurs ressemblaient à un véritable tsunami.

Ils prirent rapidement le contrôle de la jetée et sécurisèrent notre point d’ancrage. Les Essaims Toxiques étaient descendus sur le quai à pas lents. Ces unités n’étaient pas particulièrement rapides, surtout si on les comparait aux Essaims Éventreurs.

Mais ils sont toujours beaucoup plus rapides que moi.

Les Essaims Éventreurs en première ligne formèrent un mur tandis que je déployais les Essaims Toxiques derrière eux. Avec cela, notre formation était complète.

« Sérignan, je veux que tu ailles dans la ville devant nous et que tu examines la situation. En attendant, nous marcherons jusqu’à la place de la ville et y resterons en attente. », avais-je ordonné.

« Selon vos désirs, Votre Majesté. »

Sérignan était partie en éclaireur pendant que nous avancions lentement. C’était une unité puissante, je ne pouvais donc pas imaginer la voir perdre contre quelqu’un ou quelque chose qui pourraient se cacher ici. Je lui faisais également confiance pour savoir quand battre en retraite. À cet égard, elle était l’unité idéale pour les missions de reconnaissance.

Nous avions marché dans les rues de Fennelia, les pas des Essaims battant un rythme étrange et effrayant. Les citadins s’étaient enfermés dans leurs maisons. Normalement, j’aurais dû envoyer les Essaims les massacrer tous, mais nous n’avions pas le temps pour cela maintenant. Le sauvetage d’Isabelle était notre priorité absolue.

Où la retiennent-ils ? Dans une prison ? Une forteresse ? Peut-être qu’ils essayent de faire de son exécution un spectacle ?

Quelle que soit la réponse, nous devions la trouver rapidement, nous avions donc continué à avancer.

L’Essaim marche. Tremblez de peur, humains, devant la marche de l’Essaim.

Mais malgré nos foulées violentes dans la ville, les rues étaient étrangement calmes. Tout le monde semblait terrifié par quelque chose. Que pouvaient-ils craindre d’autre que nous, les ennemis de l’humanité ?

« Vous, de l’Arachnée ! »

Une vieille femme jaillit soudainement d’une des maisons.

« Halte. »

J’avais levé la main devant les Essaims derrière moi.

« Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ? »

« Je veux que vous me vengiez à ma place. Ma fille a été exécutée. Ils ont dit que c’était une hérétique… Ces salauds ! Ils… Ils ont arraché sa peau et l’ont brûlée vive. C’était horrible, terriblement horrible ! »

Vous êtes une étrange vieille dame. Vous attendez de l’empathie de la part de l’Arachnée.

***

Partie 2

Quoi qu’il en soit, ce qu’elle avait dit à propos de sa fille qu’on avait été traitée « d’hérétique » attira mon attention.

« Que voulez-vous dire par hérétique ? Pourquoi ont-ils, euh, mutilé votre fille de cette façon ? » avais-je demandé à la vieille femme.

« Les hérétiques sont ce que l’Église appelle ceux qui ne croient pas au Dieu de la Lumière. Ceux qui tournent le dos à la foi sont traités de la même façon. Ma fille et son bien-aimé ont consommé leur amour hors mariage, alors l’Église les a jugés hérétiques et les a exécutés tous les deux… »

Je considérais déjà l’Église de la Lumière comme une institution religieuse fanatique, mais je n’imaginais pas qu’ils étaient aussi mauvais.

« Et vous avez continué à adorer ce dieu jusqu’à maintenant ? Personne n’a pensé que peut-être vous devriez… euh, arrêter ? »

« Les principes n’étaient pas appliqués comme ça avant ! C’était une religion d’amour et de tolérance. Mais maintenant, tout a changé. Vous ne pouvez plus faire confiance à vos propres voisins. On ne sait pas qui pourrait divulguer votre nom à l’Église. »

Hmm. On dirait que quelque chose est arrivé. Sommes-nous liés à ça d’une manière ou d’une autre ?

« Je suis désolé, madame, mais je ne peux pas vous promettre que nous vous vengerons. Nous sommes l’Arachnée. L’Arachnée, une force qui consomme tout sans discrimination. Mais… »

Je m’étais arrêtée un moment pour la regarder.

« Je déteste les religions méprisables comme celle-ci, donc je finirai probablement par tuer les gens qui ont fait du mal à votre fille. Mais je ne le ferai pas pour vous, et ce ne sera pas non plus pour vous venger. »

Nous sommes l’essaim. Un cauchemar récurrent qui engloutit tous ceux qui osent rêver.

C’était ainsi que nous procédions. Nous n’avions pas fait les choses par bonté de cœur. Tout comme il était catégorisé dans le jeu, l’Arachnée était une faction maléfique. Si nous faisions des efforts pour sauver quelqu’un ou quelque chose, comme nous l’avions fait avec Lysa et Baumfetter, nous le faisions uniquement parce que cela répondait à nos besoins.

Mais est-ce vraiment le cas ? se demandait une partie de moi.

Bien que l’essaim avait pu chercher la victoire, il n’avait pas explicitement cherché le massacre. Ils avaient été poussés à tuer à cause d’une pulsion instinctive — le besoin de se propager — et non par une pulsion émotionnelle. Cela ne les rendait-il pas plus neutres que maléfiques ?

Le seul à tuer par pulsion émotionnelle, c’était moi. Je voulais détruire le royaume de Maluk parce qu’ils avaient tué Linnet. Même s’il était nécessaire de fournir un ennemi à l’Arachnée, je ne pouvais pas nier que j’étais devenue sentimentale. J’avais laissé mes sentiments prendre le dessus et j’avais cherché à tuer beaucoup, beaucoup de gens. Et cette pensée m’avait remplie de sympathie pour cette femme.

« C’est bien. Si c’est ce qu’il faut pour les faire payer… »

Pleine d’amertume, la vieille femme s’était éloignée. Quelques instants plus tard, elle s’était retirée dans sa maison.

« Très bien, continuons. En avant, vers la place. Si nous prenons le centre-ville, tout Fennelia devrait être à notre portée. »

Je poussai mes Essaims à continuer, mais à ma grande surprise, Sérignan revint plus tôt que prévu.

« Que s’est-il passé, Sérignan ? »

« L’exécution d’Isabelle a déjà lieu sur la place, Votre Majesté. Euh, il serait peut-être plus juste de dire qu’ils sont en plein milieu. »

Qu’est-ce que… ? Déjà ?

« Ils ont déjà commencé ? Alors nous devons nous dépêcher. Nous pourrions arriver à temps », avais-je dit.

« Je… Oui, selon vos désirs. »

Sérignan hocha la tête, le visage sinistre.

J’ai un terrible pressentiment à ce sujet

Nous avions accéléré notre rythme. Aller trop vite créerait un écart entre l’avant-garde et l’arrière-garde, alors nous avions couru selon la vitesse de pointe des essaims toxiques. J’avais à peine réussi à les suivre.

Je ne sais pas comment ils exécutent les prisonniers ici, mais je dois me dépêcher.

Isabelle était une de nos bienfaitrices qui avait regardé au-delà des préjugés et avait décidé de s’allier à nous. Nous l’avions aidée à faire tomber les dirigeants corrompus d’Atlantica, bien sûr, mais c’était notre chère camarade, une brave guerrière qui avait combattu à nos côtés pour vaincre le grand serpent de mer. Je croyais fermement que nous ne pouvions pas l’abandonner.

Cependant…

« Est-ce que c’est... Isabelle ? »

Au moment où j’avais atteint la place, la réalité m’avait giflée. Oui, l’exécution était certainement en cours. La peau d’Isabelle avait été écorchée jusqu’à la taille, et elle était en train d’être brûlée sur le bûcher. Les flammes qui léchaient sa chair avaient créé de nombreuses cloques, qui ne servaient qu’à la tourmenter davantage.

Une foule de civils railleurs entourait le feu.

« Sorcière ! Hérétique ! », criaient-ils.

Ils huèrent et crièrent, savourant le spectacle grotesque qui se déroulait sous leurs yeux avec une telle béatitude qu’ils n’avaient même pas remarqué notre arrivée. Chaque fois qu’Isabelle exprima son agonie, les gens rugirent de plaisir.

Jusqu’à présent, j’avais vu beaucoup de choses objectivement plus horribles et terribles que cela. Mes mains avaient sûrement commis des atrocités qui dépassaient probablement celle-ci. Mais même ainsi, j’étais abasourdie par le spectacle cruel qui se présentait à mes yeux.

« Des insectes ! Les insectes sont là ! »

« Ils sont si nombreux ! Que diable fait la marine !? »

Les hommes en robe blanche qui procédaient à l’exécution nous avaient enfin remarqués.

« Votre Majesté, êtes-vous… », commença Sérignan tout en jetant un regard inquiet dans ma direction.

« Sérignan, va sauver Isabelle. Maintenant. Les autres, tuez tous ceux qui sont en vue. »

Les ordres qui sortaient de ma bouche étaient secs et glacés.

C’était l’heure du massacre. Il n’y avait pas une seule personne sur cette place qui méritait d’en sortir vivante.

« Ce sont les monstres ! Courez ! Ils vont nous tuer ! »

« Courez, courez ! »

Heh, croyez-vous que je vous laisserais vous échapper ? Vous êtes déjà tous morts.

Les Essaims Éventreur firent irruption dans la foule, mettant les gens en lambeaux, tandis que les Essaims Toxiques firent pleuvoir des projectiles venimeux sur eux et les réduisirent en morceaux de chair en fusion.

« Gardes ! Appelez les gardes ! »

« Dieu ! Oh, Dieu de la Lumière, aidez-nous ! »

Les hommes en blanc criaient de désespoir.

Ce sont donc les bourreaux, pensai-je sombrement.

« Essaims Toxiques. Tuez-les. »

« Selon vos désirs, Votre Majesté. »

Sur mon ordre, les Essaims Toxiques pointèrent leurs queues vers les hommes et tirèrent. Les dards les avaient tous touchés en plein dans la poitrine.

« Gaaah… Aaah… ! »

« Ça fait mal… Aaaah ! A- Aide ! À l’aide ! »

Tourmentés par cette douleur atroce, les hommes s’étaient vite transformés en masses humides sur le sol.

« Votre Majesté, je l’ai sauvée, mais… »

Alors que je regardais mes Essaims massacrer la foule, Sérignan était revenue avec Isabelle dans ses bras. La peau du pirate avait été arrachée, et elle était couverte de brûlures et d’ampoules. Je pouvais à peine la regarder.

« Isabelle… Pardonne-moi. Nous sommes arrivés trop tard. Nous voulions te sauver, je le jure. », lui dis-je en la regardant droit dans les yeux.

« Est-ce que tu… maintenant… Heureuse de… d’entendre ça… », m’avait-elle répondu, la voix rauque.

Malgré son état, ses yeux brûlaient encore de vie.

« Je ne leur ai pas dit… où se trouve Atlantica. Peu importe ce qu’ils m’ont fait… Alors, dis à mes garçons de… faire le bien à l’avenir… Tu… as besoin de leur aide, non… ? »

« Oui, j’en ai besoin. J’ai besoin de ton aide. On ne peut pas gagner sans les pirates. »

Cela dit, Isabelle n’avait subi cet horrible sort que parce que j’avais demandé leur aide. J’avais essayé d’utiliser les pirates, et c’était ce qui s’était passé. Je n’avais jamais imaginé que les choses se passeraient ainsi, mais j’avais une fois de plus causé une terrible souffrance à mes alliés.

« Tu es aussi… honnête que jamais, petite reine… »

Isabelle sursauta.

« C’est presque rafraîchissant… Te voir comme ça me donne envie… de t’escroquer… Essaie au moins de… faire un peu semblant ? »

« Je suis seulement honnête parce que je te parle, Isabelle. Personne d’autre n’obtient cette courtoisie de moi », lui avais-je répondu en lui tenant la main alors que la vie commençait à la quitter.

Je ne pouvais parler franchement que grâce à la femme qui m’écoutait. Je n’étais peut-être pas en relation avec elle par la conscience collective, mais je pouvais être aussi honnête avec elle qu’avec Sérignan et les autres. Elle avait été l’une des rares personnes à tendre la main à notre armée de monstres… Une des rares personnes au monde à nous accepter.

« Que veux-tu que je fasse ? Dis-le-moi, et je le ferai. »

« Alors… laisse-moi partir en paix. Tue-moi d’un coup sec… C’est un peu trop… même pour moi, vois-tu ? Alors, s’il te plaît… Mets fin à mes souffrances… », dit Isabelle.

« Très bien. Si c’est ce que tu veux. »

J’avais fait un signe de tête et j’avais appelé un Essaim Éventreur.

« Donne-lui le repos. D’un seul coup. »

« Par votre volonté, Votre Majesté. »

C’était peut-être mon imagination, mais sa voix semblait étrangement sombre.

Un instant plus tard, l’Essaim Éventreur mettait fin aux souffrances d’Isabelle.

« Je suis vraiment désolée, Isabelle. »

Des larmes coulèrent dans mes yeux au moment où j’avais vu partir la dame pirate Isabelle. Je pouvais compter le nombre de fois où j’avais pleuré dans ce monde sur une main, mais…

N’oubliez jamais votre cœur humain.

Ces mots refirent surface dans mon esprit. C’était peut-être ce qui avait ouvert les vannes. Quelqu’un — je ne me souvenais plus qui, à travers le brouillard qui s’était emparé de ma mémoire — m’avait dit ces mots. Ils étaient gentils, mais leur ton était strict et admonestant. Comme pour me rappeler que j’étais encore humaine, que j’avais encore mon propre cœur. Comme pour m’avertir que je ne devais pas être dépassée par l’essaim.

Mais si cela signifiait que mon cœur allait souffrir autant, peut-être valait-il mieux que je me soumette à la volonté de l’Arachnée. Ma douleur était si profonde et si vaste que j’envisageais sérieusement de laisser le maelström des désirs de l’Essaim me dévorer.

Cela m’avait fait mal. Cela m’avait fait très, très mal. J’étais triste, en colère, et vide… Le fait que j’avais un cœur humain signifiait seulement qu’il serait rongé par une telle douleur, encore et encore. Depuis que j’étais venue au monde, j’avais été responsable de dizaines, voire de centaines de milliers de morts. Soit je me souciais de ces morts, soit je ne m’en souciais pas.

Certains décès étaient spéciaux pour moi, comme ceux de personnes que je connaissais ou avec lesquelles j’étais impliquée, ou des décès qui constituaient un recul par rapport à nos objectifs. Chaque fois que cela s’était produit, j’étais rempli de tristesse et de rage.

Quant aux autres, ils m’étaient indifférents… C’était comme entendre les statistiques d’un événement se produisant dans un pays lointain. Cela ne pesait aucunement sur mon cœur capricieux. Je pouvais ordonner à des dizaines de milliers, des centaines de milliers, voire des millions de personnes de mourir et ne pas être émue par cela. Il en était de même pour le massacre sur cette place.

J’avais déjà connu de nombreuses morts de personnes qui m’étaient chères : Linnet, les gens de Marine, Isabelle… Et à chaque fois que cela s’était produit, j’étais devenue émotive. Si émotive qu’aucune tuerie ne pouvait me faire oublier tout ça.

« Sérignan. Tuez tout le monde dans cette ville. Brûlez tout. J’ai besoin de voir tout le monde mort ici. »

« Compris, Votre Majesté. »

Les Essaims Éventreurs et les Essaims Toxiques s’étaient séparés en groupes et avaient commencé leur saccage à travers Fennelia.

« Oh, mais laissez en vie cette vieille femme qui nous a demandé de venger la mort de sa fille. »

Mes émotions étaient fortes, mais je pouvais comprendre ce qu’elle ressentait. Voir quelqu’un qui vous était cher écorché vif et brûlé sur le bûcher était une expérience horrible.

« Cette ville va devenir bientôt très calme », avais-je murmuré pendant que les gens criaient.

Bien sûr, les cris et les râles de la mort s’étaient vite dissipés, et Fennelia devint absolument silencieuse. Les rues étaient remplies de corps mutilés et de flaques de chair qui avaient été autrefois les citoyens de Fennelia.

C’était calme, très calme. Tout ce que j’entendais, c’était le fracas lointain des vagues.

« Tu entends ça, Isabelle ? C’est ton requiem. C’est digne d’un pirate, non ? »

J’avais regardé la tête d’Isabelle, qui reposait sur mes genoux.

Le silence me semblait terriblement solitaire, mais en même temps, c’était en quelque sorte paisible. Et Isabelle avait besoin de cela.

Non… Isabelle n’avait plus besoin de rien.

J’avais besoin de ça.

En ce moment, j’avais besoin de la pleurer, et j’avais besoin de silence. Un silence rempli seulement par le bruit des vagues. Si je n’avais pas ça, mon cœur allait certainement exploser, et je me battrais contre tout et n’importe quoi autour de moi.

« Oh, le bateau de Gilbert est là. Allons-y », avais-je dit tout en faisant signe à Sérignan et au reste de l’essaim à travers la conscience collective.

Mon armée retourna sur le quai solitaire après avoir tué tous les habitants de la ville, à l’exception d’une vieille femme. La lame de Sérignan dégoulinait de sang, mais en la voyant, je n’avais rien senti.

« Que faisons-nous maintenant, Sérignan ? », demandai-je, morose.

« Ce que vous voulez, Votre Majesté. »

Hmm. Ce que je veux, hein ?

« Je veux détruire le Royaume Papal de Frantz. Et je n’ai pas l’intention de les laisser mourir facilement. Ils vont payer. Ils paieront de leur chair et de leur sang pour ce qu’ils ont fait à Isabelle. »

Peu de temps après, Gilbert était venu nous chercher.

« Où est Isabelle ? », demanda-t-il.

J’avais secoué la tête et j’avais pointé du doigt quelques essaims d’éventreurs. Ils transportaient le corps d’Isabelle sur le bateau, couvert d’un drap blanc.

« Elle n’a pas survécu, hein ? Je suppose que ce qu’on dit sur les gens bien qui sont les premiers à partir est vrai. Juste quand on pensait que les choses allaient mieux pour nous, elle a dû se faire tuer… Et nous avions besoin d’elle aussi. », soupira Gilbert devant son bateau.

Quand ses lèvres s’étaient ensuite séparées, il commença ce que je pensais être un service commémoratif de pirate.

« Que tous les dieux qui veillent sur nous saluent à bras ouverts l’âme de ce brave pirate. Je prie pour que vous l’accueilliez au ciel. Qu’elle reçoive la miséricorde de l’océan. »

C’était un enterrement en mer. Un grand pirate n’avait pas besoin de pierre tombale ni d’épitaphe.

Une fois Isabelle enterrée, nous avions commencé à préparer le châtiment.

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