Chapitre 1 : Un plongeon dans l’océan
Table des matières
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Chapitre 1 : Un plongeon dans l’océan
Partie 1
J’avais conquis le duché de Schtraut. C’était une victoire construite sur d’innombrables morts : le duc Sharon, Basil de Buffon, les gens de la guilde des aventuriers… Aucun de ces gens n’avait mérité leur sort ni tous les braves petits Essaims qui avaient perdu la vie dans le conflit.
Mon Essaim ne craignait rien, beaucoup d’entre eux s’étaient lancés dans une mort certaine afin que nous puissions nous rapprocher de notre victoire. Leurs vies étaient des sacrifices nécessaires. Sans eux, nous n’aurions pas gagné.
De manière irritante, le duché était frontalier avec la grande puissance du sud — l’Empire de Nyrnal — par la forêt des elfes. De plus, il bordait le Royaume Papal de Frantz à l’est. J’avais réussi à creuser un fossé entre Frantz et Nyrnal pendant le Conseil international, mais après qu’un seul pays nous ait déclaré la guerre, une énorme cible nous avait été peinte sur le dos. L’autre grande puissance cherchait toujours à profiter du fait que nous étions pressés sur un front pour nous attaquer sur un autre.
C’était pourquoi j’avais fait du renforcement des défenses de nos frontières notre priorité. Les Essaims avaient construit des murs et érigé des tours de guet le long des frontières. Les Tours à Globe Oculaire étaient des structures défensives fixes qui attaquaient automatiquement tout ennemi qui s’approchait. De plus, elles surveillaient également leurs alentours et nous alertaient si une armée s’approchait de la frontière.
Pourtant, les frontières de Schtraut étaient terriblement vastes. J’avais une grande force d’Essaims Travailleurs qui commençait la construction, accompagnée d’Essaims Éventreurs pour les protéger, mais on ne savait pas quand ils finiraient de fortifier toute la frontière.
Nous avions commencé par travailler sur la frontière avec Frantz. À mes yeux, Frantz était la menace la plus immédiate, car il avait organisé l’armée alliée dans le but exprès de nous combattre.
Aujourd’hui aussi, d’autres tours de guet étaient en construction le long de la frontière.
Travail, travail, travail.
Pour l’instant, rien ne semblait entraver la mise en place de nos défenses. Peut-être que le Royaume Papal n’avait pas peur de nous, ou qu’il pensait que les murs seraient faciles à démolir. Mais même s’ils n’étaient pas faciles à casser, nos murs n’étaient faits que de pierres maintenues ensemble par la salive des Essaims Travailleurs, ils n’étaient pas indestructibles.
Mais s’il était possible qu’un mur puisse être attaqué, nous déploierons alors simplement des forces à l’endroit affecté. Les murs étaient là pour ralentir nos ennemis, pas pour les arrêter complètement. Entre les longues frontières que Schtraut tenait avec Frantz et nos propres frontières avec Nyrnal, les forces des Essaims étaient très dispersées. Cela signifiait que l’ennemi devait attaquer nos fortifications une à une. Et pendant qu’ils étaient retenus par les murs, nous mobilisions nos forces pour les intercepter.
Telle était la stratégie que j’avais décidée pour l’instant. En la revoyant dans mon esprit, je surveillais la construction des murs.
Travaillez, travaillez ! Construisez, mes amis, construisez !
« Votre Majesté ? »
Sérignan m’avait lancé un regard empli de doute alors que je tenais de tels propos dans ma tête sur les Essaims Travailleurs.
Aww, pas encore la conscience collective. Elle a entendu mon chant.
« Ignore-moi, Sérignan. J’étais juste, euhh, en train de m’enflammer. »
« Je… vois. »
Elle semblait encore dubitative, mais je n’y avais pas prêté attention. Après tout, la frontière était si longue que si je ne chantais pas dans ma tête, je ne pourrais pas rester saine d’esprit. Plutôt que de construire en ligne droite, j’avais fait en sorte que les Essaims Travailleurs décalent les Tours à Globe Oculaire pour que leurs lignes de feu se croisent.
Le jeu m’avait appris que la victoire revenait à celui qui faisait le premier pas, je m’appuyais donc rarement sur des structures défensives comme celles-ci. Ma mentalité en tant que joueuse d’Arachnée était de submerger l’ennemi avec des tactiques offensives, comme les ruées d’Essaims Éventreurs, plutôt que d’opter sur des choix défensifs.
En d’autres termes, l’Arachnée devenait beaucoup moins efficace s’il devait se concentrer strictement sur la défense. La faction était construite autour d’attaques incessantes, et la récompense pour les massacres était la chair de ceux tombés au combat, qui pouvait être utilisée pour créer des boulettes de viande afin d’augmenter ses rangs.
Se battre avec des structures défensives serait une erreur stratégique dans le cas de l’Arachnée, car cela limiterait la vitesse à laquelle elle pourrait augmenter ses effectifs et mettrait plutôt le rythme de la bataille entre les mains de l’ennemi. Si je n’avais mené que des batailles défensives avec l’Arachnée, je n’aurais pas gagné autant de parties que je l’avais fait. C’était logique, le jeu devait être équilibré, et aucune faction ne pouvait être invincible.
Cependant, étant donné notre situation actuelle, j’avais dû repenser notre tactique. Je n’avais essentiellement aucune information sur ce que l’ennemi complotait, surtout en ce qui concernait l’Empire de Nyrnal. L’Empire avait quitté l’alliance, c’était vrai, mais je ne m’attendais pas à ce qu’il se mêle de ses affaires. Ensuite, il y avait eu ce discours sur les dragons — les wyvernes que seul Nyrnal pouvait soi-disant utiliser.
Les wyvernes étaient une sous-espèce de dragon, et j’associais les dragons à quelque chose de très spécifique… ce qui me donnait un très mauvais pressentiment. Jusqu’à présent, nous n’avions pas rencontré d’autres factions du jeu, mais cela ne voulait pas dire qu’elles n’étaient pas là quelque part. En supposant que les wyvernes n’étaient que des monstres ordinaires, tout irait bien. Mais si mes soupçons étaient corrects, et qu’il ne s’agissait pas de simples monstres, l’Arachnée allait être confrontée à un ennemi très menaçant.
C’était l’une des raisons qui avait fait que je m’efforçais de renforcer nos défenses. Nous gardions un œil vigilant sur ce que l’ennemi préparait et était prêt à faire. Nous devions probablement nous occuper de Frantz en premier, mais nous devions essayer de rassembler des informations sur leurs progressions. Ainsi, votre servante était actuellement engagée dans la tâche plutôt ennuyeuse de construire des fortifications frontalières.
Peut-être avais-je été optimiste en pensant que, si l’on disposait de suffisamment de temps, l’Essaim apprendrait à les construire lui-même.
« La frontière est sérieusement si longue… J’espère que nous avons assez de ressources pour construire tous les murs. »
La création de suffisamment de fortifications pour couvrir toute la longueur de la frontière nécessiterait beaucoup de ressources. J’avais ordonné aux Essaims Travailleurs d’abattre des arbres et de creuser des rochers, mais je commençais à douter que notre objectif soit réalisable.
Mes simples calculs m’avaient amenée à penser que nous en aurions assez pour les murs et les Tours à Globe Oculaire, mais une partie du terrain le long des frontières n’était même pas du terrain solide. Cela signifiait que certains des murs devraient être construits de manière tordue et en zigzag. Compte tenu des stocks de bois et de pierres que nous avions pour le moment, je n’étais pas sûre que ce soit faisable…
« Votre Majesté, puis-je dire un mot ? », criait une voix pendant que je calculais les chiffres.
C’était un des Essaims Éventreurs.
« Quelque chose ne va pas ? », avais-je demandé.
« Oui. Nous avons été attaqués par ce qui semble être une force ennemie. Nous avons réussi à les repousser, mais de justesse, et l’ennemi s’est enfui avec une partie de nos ressources. »
En répondant à ma question, l’Essaim Éventreurs transmit ce qu’il avait vu à travers la conscience collective.
« Ils… venaient de la mer ? »
Et voici ce que j’avais vu. C’était un groupe d’hommes débarquant d’un voilier de taille moyenne et montant sur des bateaux plus petits. Ils avaient ensuite ramé jusqu’aux rives d’une ville côtière que j’avais conquise. Malheureusement, la ville était pleine d’Essaims Travailleurs qui essayaient de reconstruire l’endroit et seule une poignée d’Essaims Éventreurs stationnait pour les défendre. Les Essaims Éventreurs avaient essayé de riposter, mais ils avaient été encerclés et rapidement vaincus.
Ils avaient cependant abattu quelques hommes appartenant à l’ennemi, et les quelques Essaims Éventreurs qui restaient avaient escorté les Essaims Travailleurs vers un lieu sûr. Pendant ce temps, les assaillants avaient fait un raid sur les entrepôts de la ville, volant les ressources que j’avais économisées pour débloquer de nouvelles structures. Après cela, ils avaient fui vers leur navire.
« Des pirates ? Sérieusement ? »
Les pirates étaient le seul type de personnes que je pouvais imaginer faire quelque chose comme ça. Cela correspondait à leur mode opératoire — ils apparaissaient de la mer, volaient les biens des autres et s’enfuyaient.
« Ils étaient trop négligents pour être des éclaireurs de Frantz. Ce sont probablement des pirates », avais-je conclu.
« Des pirates, vous dites ? Je me demande d’où ils viennent. Ce serait difficile pour nous de poursuivre un bateau de pirates, mais s’ils ont une place forte, nous pourrions peut-être organiser un débarquement. », s’interrogeait à voix haute Sérignan.
« Mais c’est ennuyeux. Je ne m’attendais pas à ce que quelqu’un nous attaque par la mer. »
J’avais poussé un soupir.
« Nous pouvons couvrir les frontières avec toutes les défenses que nous voulons, mais tout cela est inutile si nous sommes exposés au grand large. Nous devons aussi envisager de fortifier les côtes maintenant. Aaah, ça me donne mal à la tête… »
J’avais pensé que fortifier nos frontières terrestres nous mettrait à l’abri, mais j’avais négligé d’envisager la possibilité que nos ennemis puissent simplement naviguer vers notre territoire. Alors que notre camp était maintenant capable de gérer des navires, nous n’avions qu’une poignée d’embarcations utilisables.
Nous avions réduit en boulettes de viande tous les charpentiers qui auraient pu construire ou réparer des navires, et l’Essaim ne savait pas comment les construire. Construire une flotte pour patrouiller les côtes n’était pas une option réalisable.
Même si nous pouvions quand même y parvenir, le seul d’entre nous qui savait comment mobiliser une flotte était Roland. Les autres membres de l’Essaim avaient appris de lui comment gérer un navire, mais il ne servait à rien d’essayer de leur faire absorber le savoir sur la façon de commander une flotte entière.
L’Arachnée était une force terrestre, un type d’armée fondamentalement différent. Je ne pensais pas qu’il était nécessaire que nous nous engagions dans une guerre navale. Ma seule expérience du contrôle d’unités aquatiques ou navales m’était venue de périodes où j’avais côtoyé d’autres factions. Ces expériences n’avaient pas eu beaucoup de succès, mon ratio victoires/pertes était toujours épouvantable par rapport à l’époque où je jouais avec l’Arachnée.
En d’autres termes, je n’étais pas du tout compétente en matière de combat naval.
« Que devons-nous faire, Votre Majesté ? » demanda l’Arachnée.
« Nous allons demander aux Essaims Travailleurs d’ériger des tours de guet le long des villes côtières et d’y poster des forces de réserve. Cela devrait les tenir en échec. »
« Compris, Votre Majesté. Selon vos désirs. »
L’Essaim Éventreurs fit son geste de loyauté et se prosterna.
« Sais-tu nager, Sérignan ? »
« Moi, nager ? Non, je ne sais pas. Mes excuses, Votre Majesté… »
« Je ne te blâme pas, je te le demandais simplement. »
L’essaim n’était pas bon quand il s’agissait de traverser l’eau, et Sérignan ne faisait pas exception.
« Mais c’est un tel gâchis. Nous avons conquis ces jolis rivages, et nous ne pouvons même pas aller nous baigner. »
Les mers de Schtraut étaient d’un bleu saphir très agréable, et il semblerait que ce soit un plaisir de s’y baigner. En plus, c’était le milieu de l’été, j’avais donc vraiment envie de me baigner.
Est-ce que c’est puéril de ma part, je me le demande ?
« Voulez-vous aller vous baigner, Votre Majesté ? »
« Oui, ce sera un changement de rythme agréable. Mais je sais que ce n’est pas le moment pour ça. »
« Si tel est votre désir, Votre Majesté, nous pouvons nager. Vous avez travaillé si dur tout ce temps, vous méritez certainement un peu de repos. Je vous en prie, allez-y, nagez. », dit Sérignan.
« Tu es étonnamment enthousiaste, vu que tu ne sais pas toi-même nager. Es-tu sûre ? »
Est-ce qu’elle s’amusera vraiment en venant avec moi si elle ne sait pas nager ?
« Mon plaisir n’est pas ce qui compte ici. Je vous ai simplement conseillé de vous reposer parce que je pense que c’est nécessaire, Votre Majesté. Vous avez l’air très fatiguée et vous vous êtes effondrée à plusieurs reprises pendant la guerre contre le duché. Je crois que vous méritez un peu de repos. »
Elle n’avait pas tort, j’étais plutôt fatiguée ces derniers temps. Le massacre de Maluk était une chose, mais les nombreux décès à Schtraut avaient pesé lourdement sur moi. Si les choses s’étaient passées différemment, les gens que nous avions tués auraient pu être nos alliés, cela me donna l’impression d’avoir perdu un ami.
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Partie 2
« Vous ne devez jamais oublier votre cœur humain. »
Je m’étais souvenue des mots que cette personne m’avait dits. C’était à ce moment-là que j’avais réalisé que je possédais toujours mon cœur humain… et c’était pourquoi j’avais fait le deuil des habitants de Schtraut.
Mis à part les charges émotionnelles, je n’avais cessé de me battre, et j’avais même été empoisonnée deux fois ! Il était naturel que je sois épuisée à ce point, même si je n’avais pas remarqué que cela s’insinuait en moi.
Un regard dans le miroir m’avait fait comprendre que mon corps déjà mince était encore plus maigre qu’avant. Peut-être que Sérignan avait raison, et que j’avais besoin de changer de rythme.
« Très bien ! Alors, allons nager. Et comme tu ne sais pas nager, on peut aussi faire un barbecue. On jouera à la plage, et après on pourra retourner au travail. Je ne pense pas que l’ennemi nous attaquera à nouveau si tôt, et s’il le fait, nous le réduirons en chair à pâté. »
« Selon vos désirs, Votre Majesté. Nous allons commencer les préparatifs. »
Un plongeon dans l’océan, hein ?
Cela faisait deux ou trois ans que je n’étais pas allée nager. J’avais peur d’attraper un coup de soleil, mais c’était un souci mineur. En ce moment, je voulais me détendre et m’amuser avant de devoir retourner dans le monde sauvage de la guerre.
☆☆☆**
Très vite, nous nous étions retrouvés à la plage. L’eau bleue étincelante ne montrait aucune trace de monstres. Cela, ainsi que les belles dunes blanches, faisait de l’ensemble l’image même d’une station balnéaire. Je n’aurais jamais pu aller sur une plage comme celle-ci dans mon monde.
« L’océan est si beau ! », s’exclama Lysa.
« En effet. C’est dommage que nous ne puissions pas nager », dit Roland d’un signe de tête.
J’étais escortée par des Essaims Éventreurs et des Essaims Mascarades, ainsi que par Lysa, Sérignan et Roland.
« Pourquoi te caches-tu derrière, Sérignan ? Ne sois pas timide, viens voir la mer. »
J’avais appelé Sérignan.
« Mais, ma tenue, c’est… »
En remuant, elle jeta un coup d’œil derrière les rochers.
Le maillot de bain de Sérignan était un bikini assez audacieux que j’avais demandé aux Essaims Travailleurs de faire. Le tissu blanc complétait sa peau pâle et lui donnait l’air d’une femme mûre. Du moins en ce qui concerne sa silhouette.
Pendant ce temps, Lysa et moi étions en maillot de bain une pièce, également offert par les Essaims Travailleurs. Le mien n’était pas voyant, mais celui de Lysa exposait son dos au cas où sa mimesis s’effaçait et que ses ailes apparaissaient.
« Allez, ça te va bien, Sérignan. De toute façon, tu es la seule de notre groupe qui pouvait s’en tirer en portant quelque chose comme ça, alors sois fière de ce que tu as. »
« Euh, selon vos désirs, Votre Majesté… »
Avec ça, elle s’était traînée jusqu’à nous.
« Très bien, Lysa et moi allons nager. Toi et Roland pouvez rester à l’écart et profiter de votre barbecue. »
« Loin de moi cette pensée, Votre Majesté ! Je ne peux pas manger avant que vous n’ayez pris la première bouchée ! »
Qu’est-ce que tu peux être rabat-joie, Sérignan... Mais je suppose que c’est en partie ce qui te rend si mignonne.
« Bien, vous pouvez manger plus tard, alors. Allons-y, Lysa ! »
« Compris ! »
Lysa et moi nous étions approchées de l’eau, en plongeant nos pieds dans les vagues qui se retiraient.
« Ooh, c’est sympa et cool ! » s’était-elle écriée.
« C’est ta première fois à la plage, non ? Tu t’amuses bien ? »
Nous avions commencé à barboter, l’eau nous atteignant jusqu’à la taille.
« Oui ! J’aimerais pouvoir montrer ça à Linnet… »
« Oui… C’est ça. »
Les sentiments de Lysa pour Linnet n’avaient pas du tout diminué. La mort de Linnet était aussi la première de toutes les personnes qui m’étaient chères. Sa mort m’avait poussée à détruire le royaume de Maluk et nous avait menés là où nous étions aujourd’hui. Cela avait également été un tournant majeur pour Lysa.
« Y a-t-il quelque chose que je puisse faire pour toi ? Tu as été éloigné du village elfe pendant si longtemps. Tu dois avoir le mal du pays. », lui demandai-je.
« Non, je vais bien. Au début, marcher dans les villes et autres endroits si loin de la forêt me rendait anxieuse, mais vous avoir vous et Sérignan m’a beaucoup aidé. », dit-elle en secouant la tête.
Tu es une fille si courageuse, Lysa.
Moi-même, j’avais un peu le mal du pays. Je me demandais comment allaient mes parents, ce que faisaient mes amis, et comment les choses se passaient dans le jeu… Mais non, je venais à la plage pour laisser ces pensées s’envoler. Je les avais secouées et j’avais essayé de me concentrer sur le bon moment que je passe.
« Tu sais nager, Lysa ? »
« Oui, j’allais nager dans la rivière de temps en temps. »
« Alors, faisons la course. Le premier qui arrive à ce récif là-bas gagne ! »
Avec ça, j’avais commencé à nager rapidement vers le récif, avec Lysa qui s’était empressée de me suivre. La nage était tout simplement délicieuse, et je me sentais au sommet du monde. Le contraste entre la lumière chaude du soleil et l’eau froide remplissaient mon corps d’énergie. Toute la fatigue qui s’était accumulée en moi avait fondu.
« Aaah ! »
Ma tête heurta la surface. Je découvris alors que j’avais atteint le récif en premier.
J’ai gagné !
« Vous êtes rapide, Votre Majesté ! », s’exclama Lysa en me rattrapant.
« Comment aimes-tu ces pommes ? Très bien, rentrons et mangeons quelque chose. Tu dois avoir faim. », lui dis-je, en gonflant ma poitrine (manquante).
« Mm, pas vraiment. »
« Oh, c’est vrai. Tu ne manges pas. »
L’Essaim n’avait pas besoin de nourriture, mais il pouvait en apprécier la saveur.
« Eh bien, c’est très bien. Au moins, ça devrait avoir suffisamment bon goût pour que tu puisses en profiter. »
Sur cette note, nous avions toutes les deux nagé jusqu’au rivage.
« Comment était votre baignade, Votre Majesté ? », demanda Sérignan à mon retour.
« C’était amusant. J’aimerais aussi que tu y goûtes. »
« Oh, non. J’ai peur que la natation me dépasse… De toute façon, le barbecue a été préparé. Par ici, Votre Majesté. »
Sérignan insista sur le fait qu’elle ne savait pas nager, mais j’avais pensé que ce serait possible si elle utilisait sa Mimesis.
« Quel festin », avais-je lancé, un peu surpris.
Notre barbecue ressemblait à une grande fête étalée sur toute la plage. L’odeur du charbon de bois brûlé remplissait l’air, me mettant en appétit. Il ne manquait plus que l’arôme de la viande rôtie.
« Essaims Mascarades, Essaims Éventreurs, vous vous joignez à nous. »
« Nous le ferons si c’est ce que vous désirez, mais cela pourrait entraver notre veillée. »
« Ça ne me dérange pas. De toute façon, les seuls qui viendraient ici sont des pirates. »
C’est vrai, les pirates. D’où venaient-ils ? Avaient-ils une cachette à proximité où ils planquaient tout leur butin ? Je suppose qu’ils avaient probablement un drapeau noir avec un crâne dessus.
Dans mon esprit, les pirates étaient pratiquement des personnages de conte de fées. J’avais vu dans les actualités des histoires sur le problème des pirates en Somalie, mais je n’avais jamais entendu dire qu’ils constituaient une menace au Japon.
Pourtant, les pirates étaient un concept vieillissant qui appartenait au domaine du folklore : des hommes de mer sauvages, vaillants et imprudents qui construisaient des montagnes de trésors, se cachaient dans des forteresses secrètes et se battaient avec des coutelas. C’était ainsi que je les imaginais.
« De toute façon, faisons cuire de la viande », avais-je déclaré tout en balayant cette pensée.
« Voilà, Votre Majesté. Les brochettes sont prêtes. »
Roland et les Essaims Mascarades avaient embroché de la viande et des légumes ensemble. Nous avions placé une grille de barbecue au-dessus du feu et nous avions posé les brochettes dessus. Très vite, un parfum appétissant s’était répandu dans l’air.
« Ont-ils fini ? », me suis-je demandé à voix haute, en en ramassant une.
Je l’avais recouverte d’un peu de sauce barbecue maison et j’en avais pris une bouchée.
« Mmm… Délicieux. Aaah, un barbecue sur une belle plage… Quel bonheur ! »
Pendant un instant, j’avais pu oublier toutes les guerres.
« Vous devriez aussi en prendre une », avais-je ajouté.
« Je vais essayer. »
Sérignan s’était servie maintenant que j’en avais déjà pris.
L’Essaim n’avait pas besoin de nourriture, mais Sérignan, Lysa et Roland étaient tous humains à l’origine et donc capables d’expérimenter et d’apprécier la saveur. Sérignan aimait manger de la viande, et elle n’était pas difficile.
C’est une brave fille.
« Alors ? Est-ce que ça te plaît ? »
« Oui ! C’est délicieux ! »
Et bien qu’elle soit un essaim, Sérignan aimait vraiment manger. En la regardant, je m’étais souvenue qu’elle avait volontiers dévoré les sandwiches que j’avais faits il y a quelque temps. Cela me donnait envie de lui donner toutes sortes de plats. C’était le moins que je puisse faire pour ce chevalier diligent qui combattait en mon nom.
« Et toi, Lysa ? »
« Oui, c’est bon. Mais manger dans un endroit comme celui-ci est vraiment une tout autre expérience. »
Au départ, je pensais que Lysa et les elfes seraient opposés à la consommation de viande, mais il s’était avéré que les elfes de ce monde n’avaient aucun problème avec ça. Lorsque je visitais leur village, ils partageaient souvent avec moi leur viande préservée. Ils n’avaient pas le droit de chasser plus de viande qu’ils ne pouvaient en manger, mais cela faisait partie de leur croyance en la coexistence avec la nature.
Les elfes ne faisaient vraiment qu’un avec la nature d’une manière qui était complètement étrangère aux gens vivant dans d’autres sociétés. Je ne comprenais vraiment pas pourquoi une race pacifique et saine comme la leur était considérée comme une tribu sauvage. Ils se contentaient de vivre dans la forêt et ne souhaitaient rien de plus que cela.
« Ce genre de nourriture ne sort pas de l’ordinaire pour toi, n’est-ce pas, Roland ? », demandai-je en me tournant vers lui.
« Non, mais manger sur la plage, c’est nouveau pour moi. »
Roland était à l’origine un noble, il était donc habitué à la cuisine de luxe, mais même lui n’avait pas l’habitude de faire un barbecue sur la plage. J’étais un peu déconcertée.
« Maintenant, le problème se trouve dans cette mer même… », avais-je murmuré.
J’étais venue ici pour ne pas penser à la guerre, mais mes pensées avaient dérivé toutes seules.
« Combien de navires avons-nous ? »
« Nous avons un grand voilier, deux navires de taille moyenne et une dizaine de navires marchands qui ne sont pas adaptés à la haute mer », répondit Roland.
Beaucoup de nos navires utilisables avaient été endommagés ou coulés lorsque nous avions débarqué à Doris, ne nous laissant qu’une poignée de bateaux utilisables. Nous n’avions que trois navires capables de se déplacer librement dans l’océan, ce qui signifiait que la recherche des pirates dans ces vastes eaux était effectivement impossible.
« Les Essaims Travailleurs ne peuvent-ils pas construire un navire ? », demanda Lysa.
« Ils n’ont aucune connaissance en matière de construction navale, je ne pense donc pas qu’ils en seraient capables. »
Même les Essaims Travailleurs, aussi compétents qu’ils soient, ne pourraient pas nous sortir de là. J’avais passé un certain temps à me creuser la tête pour trouver une solution.
« Je crois que j’ai une idée », avais-je enfin dit.
Fondamentalement, il nous fallait juste conquérir le fief des pirates. J’avais réalisé que ce serait beaucoup plus simple que je ne l’avais pensé au départ.
« Très bien, mangeons. Une fois que nous aurons fini de nettoyer ici, nous nous mettrons au travail sur nos plans contre ces pirates. »
On ne pouvait pas rester les bras croisés et les laisser piller nos ressources tout le temps. J’avais besoin qu’ils se calment et se tiennent tranquilles… et peut-être que nous pourrions sécuriser davantage nos côtes dans le processus.