Joou Heika no Isekai Senryaku – Tome 1 – Chapitre 2

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Chapitre 2 : Plan B

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Chapitre 2 : Plan B

Partie 1

Le chef des esclavagistes prit un chariot et se dirigea vers la ville de Leen. Je l’avais accompagné. Un seul Essaim Éventreur était présent, il se tenait caché dans le chariot. Les portes de la ville recevaient un trafic constant de colporteurs, elles étaient donc laissées ouvertes.

Nous avions réussi à entrer dans la ville sans trop d’interrogations. Grâce à cela, notre cargaison — et l’Essaim Éventreur qui la gardait — était passée inaperçue alors que nous entrions dans Leen. Si nous avions été inspectés, j’avais prévu de calmer le garde en lui enfonçant rapidement un Essaim Parasite dans la gorge, mais il semblerait que mes inquiétudes étaient inutiles.

Au pire, j’aurais fait abattre les soldats par l’Essaim Éventreur et tourné le chariot de 180 degrés pour fuir Leen. En choisissant cette option, nous n’aurions plus jamais pu y retourner.

« Alors, où pourrais-je trouver le tailleur local ? »

Dans la grande ville de Leen, ma première tâche consistait à trouver un tailleur.

« Ahh, ça doit être là. »

En descendant la rue principale de Leen, nous avions trouvé un magasin qui exposait des vêtements élégants. Cela semblait être exactement le genre d’endroit que je cherchais. J’avais demandé à l’esclavagiste d’arrêter le chariot, puis nous étions descendus tous les deux, laissant l’Essaim Éventreur surveiller notre chariot.

« Bienvenue. Oh, c’est vous. L’esclavagiste. Que nous voulez-vous ? »

Alors que nous étions d’abord accueillis avec un sourire de vendeur, le commerçant changea vite d’attitude en voyant l’esclavagiste. Apparemment, les gens dans ce monde désapprouvaient ceux qui faisaient le commerce d’esclaves. C’était une bonne chose, j’étais heureuse d’apprendre que les citoyens de cette ville étaient des gens bien.

Inversement, si j’avais appris que ce monde accueillait l’esclavage, j’aurais été terriblement ennuyée.

« Je suis venu… pour vendre des vêtements. »

Le chef des esclavagistes était dominé par l’Essaim Parasite, ce qui signifie par le grand Essaim et par moi-même, le forçant à parler contre sa volonté. Normalement, il crierait à l’aide et supplierait d’être sauvé du monstre qui se trouvait dans son corps, mais au lieu de cela, il s’était mis à faire du troc avec l’employé.

« Des vêtements ? Vous voulez dire les choses que vous avez pillées aux elfes ? Personne ne veut des fils que vous avez arrachés à ces gens. Leurs vêtements sont bien trop miteux pour notre établissement. Nous ne vendons que des vêtements de la plus haute qualité. Maintenant, partez. Ouste, ouste. »

Après tout, il y avait une discrimination contre les elfes, même s’ils essayaient de vivre aussi bien qu’ils le pouvaient grâce aux bienfaits de la forêt. Je suppose que les humains de ce monde supposaient que les elfes étaient en quelque sorte des barbares. Comme c’est irritant.

« Non. Des vêtements que j’ai achetés… à un marchand. »

J’avais imaginé une histoire au préalable : il avait vendu des esclaves et avait reçu ces vêtements en guise de paiement. Cela pouvait paraître suspect, mais c’était la seule histoire plausible que j’avais pu trouver.

J’avais intensément prié pour que l’homme y croie. Debout à l’ombre du chariot, je ne pouvais transmettre mes souhaits que par les airs.

« Bien. »

Le commerçant avait fini par céder.

« Montrez-moi donc votre marchandise. »

Le chef des esclavagistes sortit un coffre rempli de vêtements du chariot et le posa sur le comptoir.

« C’est… »

Il sortit quelques robes d’apparence coûteuse, tissées avec des fils de soie par les Essaims Travailleurs. La boîte était remplie de dizaines de robes, allant de vêtements de tous les jours à des robes du soir qui n’auraient pas l’air déplacées pour un grand bal. Le commerçant les regardait avec admiration.

Merci, mes doux petits Essaims Travailleurs. Votre travail est apprécié !

« C’est incroyable », dit le commerçant, en examinant attentivement les robes.

« Je n’ai jamais vu de vêtements comme ceux-là. Les nobles vont se les arracher. »

Il était carrément fasciné par le toucher agréable des fibres et par la complexité des motifs.

« Combien… allez-vous les acheter ? » demanda l’esclavagiste.

« Pour des vêtements comme ceux-ci ? Vingt mille floria semblent être une somme correcte. »

Très bien, il est temps de faire un peu de bon vieux marchandage.

Après avoir interrogé les elfes à ce sujet, j’en avais conclu que je vendrais les robes pour au moins 30 000 floria. Mais c’était la première fois que je marchandais, donc je n’étais pas sûre de bien le faire… mais je devais faire ce que je pouvais. Nous avions besoin d’autant d’argent que possible, et nous devions l’obtenir légalement.

« Trop peu. Vous pouvez… payer plus cher. Si vous ne me donnez pas quarante mille, j’irai dans un autre magasin. »

« Bien. Trente mille floria, alors. Je ne les prendrai tous pour cette somme, et pas un seul floria de plus. »

Je m’attendais à ce que les négociations durent plus longtemps que ça, mais elles s’étaient terminées en un clin d’œil.

« Aucune objection. C’est… conclu », dit l’esclavagiste, qui poussa ensuite le coffre vers le commerçant.

Nous aurions probablement pu négocier davantage, mais l’échec des négociations ici pourrait avoir un impact sur nos affaires à l’avenir. Même en considérant qu’il aurait pu nous tromper à cause de notre inexpérience, nous aurions dû quand même faire un compromis pour 30 000 floria.

« Voilà, trente mille floria. Prenez-les. »

Après avoir accepté le coffre, le commerçant remit au chef des esclavagistes un sac rempli de pièces de monnaie et porta avec enthousiasme le coffre à l’arrière du magasin.

C’était la première étape de mon plan.

Mon intention initiale était de donner ces robes aux elfes et de les faire aller à Leen pour les vendre, mais ils semblaient craindre la ville et refusaient de s’en approcher. Je pouvais certainement comprendre pourquoi. Avec des gens comme les esclavagistes dans les environs, il était tout à fait naturel que les elfes ne souhaitent pas aller à cet endroit.

Les enseignements d’un soi-disant Dieu de la Lumière déclaraient que les dieux de la nature, que les elfes habitant la forêt vénéraient, étaient des divinités maléfiques. Les elfes étaient traités comme des hérétiques et des barbares, marqués comme des cibles que les esclavagistes pouvaient « légalement » capturer et vendre pour de l’argent. Je me souciais peu de religion, mais même moi, je croyais que les gens devaient être libres de vénérer qui ils voulaient ou ce qu’ils voulaient.

Ce n’était pas comme si l’Arachnée était assez faible pour dépendre d’un quelconque dieu. La seule que l’Essaim vénérait était sa reine. Pour leur reine, ils offraient leur vie ou tuaient pratiquement n’importe quelle cible. L’essaim d’Arachnée n’avait pas besoin du pardon d’un dieu quelconque. Le pardon de leur reine était tout ce dont ils avaient besoin, et leurs actions étaient toujours dictées par sa volonté à travers la conscience collective.

Pour le moment, il ne semblait pas que j’aie à m’inquiéter de la possibilité que l’Essaim se révolte contre moi.

« Très bien, c’est l’heure de la prochaine étape de notre voyage de shopping. Et c’est important », avais-je dit, ce qui avait incité l’homme sous mon contrôle à conduire le chariot jusqu’à notre prochaine destination.

Et cette destination était…

« La viande ! De la viande fraîche et bon marché ! Achetez de la viande de la meilleure qualité ici ! »

Oui, nous nous étions rendus chez le boucher.

Vous voyez, mon plan B était le suivant : je vendrais des vêtements fabriqués par mes Essaims Travailleurs et je les utiliserais pour acheter de la viande. C’était le plan d’expansion le plus pacifique et le plus ennuyeux de l’histoire des plans d’expansion. Mais l’Essaim semblait l’approuver, car il n’y avait pas de conflit dans la conscience collective.

Savoir qu’ils étaient d’accord avec mon idée avait été un énorme soulagement. Je n’étais pas sûre de ce que j’aurais fait s’ils avaient commencé à attaquer des gens au hasard. C’était un obstacle à ma politique d’expansion pacifique.

Mais il y avait d’autres obstacles potentiels. Par exemple, le chef des esclavagistes pouvait être arrêté par les forces de l’ordre de la ville en raison de son statut social, ou bien l’on pouvait nous interdire l’accès à Leen. Un autre obstacle était la possibilité de ne pas être capable de vendre les vêtements, ou de ne pouvoir les vendre qu’à bas prix.

Enfin, l’Essaim pouvait refuser mon approche passive et se rebeller, puis attaquer au hasard la région environnante. Avec le recul, je n’aurais probablement pas dû m’inquiéter de cela.

La reine était le noyau de la colonie, et la colonie ne pouvait pas s’opposer à la volonté de la reine. L’essaim resterait éternellement fidèle à la reine… c’est-à-dire à moi. Je pourrais le dire avec confiance maintenant, mais cela ne signifiait pas que j’allais ne prendre aucune mesure de prudence. Je craignais toujours de finir par mériter leur colère, d’une manière ou d’une autre.

Mais cela suffirait pour l’instant. Au moins, ils me sont fidèles pour le moment.

Bref, passons.

« Donnez… de la viande », dit l’esclavagiste en descendant du chariot.

« Oui, mon ami. Qu’est-ce que vous cherchez ? »

« Autant de viande que cela peut acheter. Toute la viande. »

Il avait donné le sac de 30 000 floria qu’il avait reçu plus tôt sur le comptoir.

Le boucher avait l’air perplexe.

« Organisez-vous une fête ou quelque chose comme ça, monsieur ? »

« Est-ce… important ? Donnez-moi… de la viande. »

C’était, pour ainsi dire, effectivement un festin, car la viande serait engloutie. Mais mentionner nos véritables motivations ici était probablement une mauvaise idée.

« Euh, je ne suis pas sûr de pouvoir vous en donner pour votre argent… »

« De la viande non transformée fera aussi l’affaire. »

Ce que nous faisions était en fait la même chose que d’aller chez le boucher du quartier et de déposer de grosses liasses de billets sur son comptoir, en exigeant tout ce qu’il avait. C’était une idée assez folle, et je n’aurais pas été surprise si le plan m’avait explosée au visage à ce moment-là.

« Même avec la viande non transformée, il n’y en aura que pour quinze mille floria », déclara le boucher, toujours déconcertés.

« Si vous avez besoin d’autant de viande, vous devrez aussi aller dans d’autres magasins. »

Je me sentais un peu mal pour ce type.

« Dans ce cas, je vais tout acheter pour quinze mille floria. »

« D’accord. Je vais tout préparer, donnez-moi juste quelques instants. »

C’était un autre compromis, mais je n’avais pas vraiment d’autres options. Je dépenserais 15 000 ici, et les 15 000 autres ailleurs.

« Tenez, quinze mille floria de viande. »

Le boucher chargea une caisse pleine de viande sur le comptoir.

« Vous n’avez pas précisé quel genre de viande vous vouliez, alors j’en ai mis de toutes les sortes. »

Cela faisait beaucoup de viande. Et j’étais une vraie carnivore. Steaks de Hambourg, viande grillée, ragoût de bœuf, etc. La viande était ma nourriture principale, mais en manger autant me faisait grossir.

De plus, il n’y avait aucun moyen de la garder fraîche jusqu’à la base. N’ayant pas le choix, je fais mes adieux à mes rêves de steaks et de hamburgers en pleurant. Mais les hamburgers que maman faisait étaient vraiment les meilleurs.

« Quinze mille floria. »

L’esclavagiste remit l’argent au boucher.

« Merci pour votre soutient. Profitez de votre fête, monsieur. »

Oh, nous le ferons. Ce sera un beau banquet.

Nous étions allés chez quelques autres bouchers, dépensant les 15 000 floria restants pour acheter plus de viande ainsi que de la literie et des meubles pour rendre mon espace de vie un peu plus accueillant.

Les Essaims Travailleurs pouvaient produire des draps plus doux que la soie, mais faire un lit confortable était au-delà de leurs capacités. Tout ce qu’ils pouvaient faire était de meubler mon lit avec de la paille. Mais à partir d’aujourd’hui, je pourrais enfin dormir à nouveau dans un lit confortable.

« Ouf… »

Après avoir voyagé dans une ville inconnue et avoir marchandé les prix, je m’étais sentie un peu fatiguée.

« C’est assez pour aujourd’hui. Acheter trop nous ferait paraître suspect… bien qu’il soit peut-être trop tard pour cela. »

Sur ce, nous avions fait demi-tour vers la base de l’Arachnée. C’était la fin de cette journée. Du moins, ça aurait dû l’être.

***

Partie 2

Je m’étais détendue dans le wagon, laissant le chef des esclavagistes tenir les rênes. En m’enfouissant le visage dans ma literie nouvellement achetée, j’avais profondément respiré son agréable parfum. Apaisée par cette odeur fraîche, et rassuré par la présence de l’Essaim Éventreur qui veillait sur moi, je m’étais mise à somnoler.

Mais je ne savais pas quoi faire ensuite. J’avais acheté une grande quantité de viande chez les bouchers de la ville, ce qui me permettrait d’augmenter considérablement le nombre d’essaims, mais à quoi allais-je les utiliser ?

L’essaim croyait que je les guiderais vers la victoire. Mais la victoire sur quoi ? Souhaitaient-ils conquérir le monde entier ? Ou y avait-il une autre sorte de triomphe qu’ils souhaitaient ? Quel genre d’objectif voulaient-ils que j’atteigne ?

Tout ce que je pouvais entendre dans la conscience collective, c’était des voix criant à la victoire, mais aucune d’entre elles ne décrivait ce que cette victoire représentait. Ils avaient simplement dit qu’ils souhaitaient que la reine de l’Arachnée — moi-même — les mène à la victoire. En réponse, je ne pouvais donc que me tourmenter pour tenter de comprendre ce que cela signifiait.

Même ma tentative était transmise à l’essaim par la conscience collective. Ils continuaient quand même à crier victoire. Mais s’ils ne savaient pas comment définir cette victoire, qu’est-ce que j’étais censée faire ?

« Dis-moi, Essaim. »

J’avais levé mon visage des couvertures, en regardant l’essaim qui veillait sur moi.

« Que veux-tu que je fasse ? »

L’essaim Éventreur avait légèrement incliné la tête dans un geste qui impliquait qu’il ne comprenait pas tout à fait ce que je demandais.

« Ce que nous désirons ardemment, c’est la victoire, Votre Majesté », répondit-il.

« Mais de quelle sorte de victoire s’agit-il ? Une conquête du monde ? La formation d’une nation ? »

J’aurais pu demander directement à la conscience collective, mais j’avais préféré parler face à face. Je voulais entendre ce que l’Essaim avait à dire. Il était peut-être lié à la conscience collective, mais à l’heure actuelle, cet individu était séparé des autres, remplissant la tâche de défendre la reine. Peut-être que sa réponse serait différente.

Quel genre de victoire cherche-t-il exactement ? Souhaite-t-il conquérir ce monde après tout ? La « victoire » consiste-t-elle à former un empire d’Arachnée ? Y a-t-il d’autres conditions de victoire auxquelles je n’ai pas pensé ?

« Je ne sais pas. Cependant, nous avons simplement un immense désir de victoire. Nous ne désirons rien d’autre que la victoire, et cela ne changera jamais. Nous sommes sûrs que vous serez en mesure de nous guider vers la victoire que nous désirons, Votre Majesté. Nous vous faisons confiance jusqu’au bout et nous souhaitons vous servir de mains et de pieds pour atteindre la victoire. Nous sommes certains que vous serez en mesure de nous guider, Votre Majesté. »

« Vous, les gars… »

La pression était là. L’Essaim me faisait entièrement confiance pour le moment, mais si je me trompais dans mon « commandement », il y avait le risque qu’il se révolte et me transforme plutôt en ingrédients pour la prochaine génération d’Essaims. Le fait d’être lié à leur conscience ne faisait qu’exacerber cette peur.

Malgré le fait qu’ils étaient mes insectes charmants et bien-aimés, ils restaient tout de même des monstres terrifiants. Je devais agir de manière à ne jamais les décevoir. Cela dit…

« C’est compliqué », chuchotais-je à personne en particulier.

Ça l’était vraiment. Dans le jeu, vous pouviez gagner parce que vous étiez face à quelqu’un d’autre. Mais mes recherches n’avaient pas abouti jusqu’à présent et ne s’étaient étendues qu’à une petite partie du monde. Les ennemis que j’avais étaient tout au plus les braconniers et les esclavagistes qui dérangeaient le village des elfes, et ils n’étaient pas de taille face à l’essaim.

Contre qui étais-je censé gagner ? J’avais besoin de mener mes adorables petits Essaims, mais vers quoi, exactement ? Qualifier cette situation de « compliquée » aurait été un euphémisme. Je n’avais pas d’ennemis à l’heure actuelle, pas de but concret. Que combattrais-je, et que gagnerais-je à me battre ? Contrairement au jeu, il n’y avait pas d’adversaire précis.

Soudain, la voiture s’était arrêtée.

« Qu’est-ce qui se passe ? »

J’avais jeté un coup d’œil à travers la toile du chariot pour voir ce qui nous avait fait nous arrêter.

Devant nous, plusieurs personnes vêtues d’une armure de cuir se tenaient en formation. Ils avaient des arcs courts à la main, et leurs flèches étaient encochées et pointées vers mon esclavagiste-marionnette. Je pouvais sentir le danger, il était clair à leurs yeux qu’ils étaient à la recherche de sang.

« Moisei ! »

Un homme, qui semblait être leur chef, éleva la voix vers l’esclavagiste.

« On dirait que tu as fait un vrai profit aujourd’hui, espèce de chacal ! Mais tu n’as pas oublié la dette que tu nous dois, n’est-ce pas ? »

Ugh. Non seulement c’est un esclavagiste, mais il a aussi une dette ? Il est vraiment inutile.

« Je vais prendre ta cargaison comme, euh, une petite garantie pour ta dette. »

Je ne pouvais pas les laisser faire ça. C’était ma précieuse cargaison, pas la sienne.

« Vérifiez chaque recoin de la chose ! Allez-y ! »

Les hommes étaient entrés pour inspecter notre cargaison.

C’est mauvais.

Je n’avais amené qu’un seul Essaim Éventreur avec moi aujourd’hui. Pendant que je réfléchissais à mes chances de succès, le groupe armé encercla le corps du chariot.

« Hein ? »

Un des hommes retira une caisse pleine de viande du toit.

« Mais qu’est-ce que c’est que ça ? Ce n’est que de la viande ! À quoi tu pensais ? ! »

« Oh ! Et tu as une belle esclave avec toi, aussi. Si on vend celle-ci, ça effacera complètement ta dette, hein ? »

Ils m’avaient aussi trouvée, et apparemment ils pensaient que j’étais une esclave. Ils ne pouvaient pas imaginer que ma relation avec l’esclavagiste était tout le contraire. Je n’étais pas restée immobile pour ne pas provoquer les hommes, mais plutôt pour les regarder avec dégoût.

Donc, eux aussi sont des esclavagistes. En d’autres termes, des racailles qui valent moins que le plus mauvais chien. La société tire-t-elle un quelconque bénéfice de ce genre de gens ? Même si les esclaves ne sont pas illégaux dans ce monde, je ne peux voir en eux que des déchets vils et offensants.

« Hé, patron, si on la vendait… »

« Attendez une seconde… n’y a-t-il rien de bizarre là derrière ? »

Le voyou était tellement concentré sur moi qu’il ne l’avait pas vu.

Oui, l’Essaim Éventreur se tenant derrière moi.

Une fraction de seconde plus tard, les faux de l’Éventreur tranchèrent la tête du voyou qui s’était penchée dans le carrosse, faisant jaillir le sang de son moignon comme une fontaine. Celui-ci avait giclé, puis s’était arrêté, puis avait giclé à nouveau, correspondant aux derniers battements de cœur de l’homme. D’une certaine manière, c’était presque comique.

En quoi la mort était-elle comique, me direz-vous ? Eh bien, c’était des esclavagistes. Le même genre d’ordures qui tuaient et kidnappaient les enfants elfes. Et comme ma conscience était liée à l’esprit collectif de l’Essaim, je pouvais en tuer des centaines sans ressentir le moindre sentiment de culpabilité.

J’avais déjà décidé qu’il n’y avait rien de mal à tuer des gens comme eux.

« Quoi… ? Qu’est-ce que tu as fait ? ! »

« Boss ! C’est un monstre ! Il y a un monstre ici ! »

Les hommes armés avaient été pris de panique lorsque l’Essaim Éventreur déchira le toit du chariot et en était ressorti, puis chargea sur eux. Je n’avais pas eu besoin de donner d’ordres. Tout ce que j’avais à faire était d’informer la conscience collective que ces hommes étaient dangereux.

« Merde ! Tirez ! Tuez cette foutue chose ! »

Le patron des ruffians tira avec son arc court vers l’Essaim Éventreur, mais la flèche avait simplement rebondi sur son exosquelette. Le claquement métallique de la flèche fut bientôt suivi par des cris.

« Putain de monstre ! »

Les cinq autres avaient réalisé que leurs flèches étaient inutiles, et sortirent aussitôt des hallebardes et des claymores pour défier l’Éventreur. Les flèches étaient peut-être déviées comme si elles n’étaient rien, mais ces lourds morceaux de métal occasionnaient des dégâts.

Les bras de l’Essaim, qui ressemblaient à des faux, furent arrachés et ses crocs enfoncés. Plus l’Éventreur se battait, plus il était en lambeaux, et sa forme finissait par être irrémédiablement mutilée. Alors même qu’il était mourant, il agitait ses faux dans une tentative désespérée de me protéger, mordant mortellement l’ennemi avec ses crocs et l’étourdissant avec son dard venimeux.

C’est assez. Tu peux arrêter maintenant.

Du moins, c’était ce que je voulais dire, mais j’avais été trop lâche. Au lieu de cela, j’avais laissé l’Essaim Éventreur mourir à ma place. C’était le choix rationnel pour défendre la reine — mais malgré cela, des mots de condamnation et de culpabilité firent surface dans mon cœur.

L’Éventreur déchiqueta les ruffians restants, les poignardant avec son dard. Ce fut une bataille vraiment sauvage. Mais l’ennemi riposta avec défi, blessant gravement l’Éventreur. Je pouvais sentir son impatience à travers la conscience collective.

« Repliez-vous ! Bougez, bougez ! »

Finalement, l’Éventreur coinça les trois membres restants du groupe, mais ils avaient immédiatement fui la scène. Ils montèrent sur leurs chevaux et galopèrent le long de la voie principale pour s’échapper.

« Essaim Éventreur ! »

Maintenant que les combats avaient cessé, je m’étais précipitée à ses côtés.

« Tu ne vas pas bien, n’est-ce pas ? »

Le corps de l’Éventreur avait été mutilé. Les hallebardes lui avaient arraché les jambes, et le coup d’une claymore lui avait fendu la tête. Les Essaims Éventreurs étaient des unités de combat initialement destinées aux ruées de début de partie, et en tant que telles, elles n’étaient pas si puissantes. Si l’ennemi déployait des unités qui avaient amélioré leurs défenses et autres, elles pouvaient être vaincues assez rapidement.

Et pourtant, j’avais imposé une telle responsabilité.

« Votre Majesté… Êtes-vous indemne ? »

« Je vais parfaitement bien. Mais toi… »

L’Essaim Éventreur s’inquiétait déjà pour moi.

« Soyez rassurés. Nous sommes tous en un, et un en tous. Ma conscience restera dans le collectif, nous n’avons donc pas à craindre la mort. Ce qui nous effraie le plus, c’est la possibilité que vous tombiez dans un piège, Votre Majesté… Et donc, vous voir en sécurité nous met à l’aise… »

Après avoir prononcé ces dernières paroles, l’Essaim Éventreur quitta ce monde.

Non, il n’était pas parti. Sa volonté était restée dans la conscience collective formée entre moi et les innombrables autres Essaims.

C’est vrai, l’Essaim n’avait pas connu la mort. Jusqu’à l’extermination du tout dernier de leur espèce, la conscience de cet unique Essaim serait préservée au sein du groupe comme un simple scintillement dans une flamme éternelle. Le noble désir de cet Essaim s’attarderait dans la conscience collective, partagée par ses frères et transmise à la génération suivante de l’Essaim.

D’une certaine manière, les Essaims étaient immortels. Tant que la reine qui leur servait de noyau et que la conscience collective restait en place, leur présence persistait même si leur forme physique mourait. La volonté de ce brave Essaim qui avait combattu pour défendre sa reine ne disparaîtra jamais.

« Je suis désolée. Je ne peux toujours pas l’accepter. »

J’avais creusé un trou dans le sol au bord de la route avec l’aide de ma marionnette, et nous avions enterré le corps de l’essaim. À ma manière, j’avais pleuré sa mort. L’essaim n’avait pas besoin de prières, mais à ce moment, j’en avais ressenti le besoin.

Et c’était vrai. La volonté de l’Éventreur qui était mort s’attardait dans la conscience collective. Elle serait transmise à un autre Essaim et réapparaîtra un jour devant moi, en jurant une fois de plus son allégeance. C’était la force du collectif de l’Arachnée.

Quant à moi, cependant, j’étais un individu avec mon propre ensemble d’émotions, et je n’étais pas assez volage pour accepter simplement qu’un autre prenne sa place. Il s’était battu courageusement jusqu’au bout, et je ne pouvais accepter que ses efforts soient anéantis.

Je venais d’être témoin d’une mort. C’était, en gros, le premier sang qui avait été versé sous ma domination. C’était aussi la première haine réelle et brûlante que j’avais jamais ressentie. Le premier regret profond que j’avais jamais connu. La miséricorde la plus passagère que j’avais jamais eue. Je ressentais une tempête d’autres émotions que je ne pouvais pas exprimer par des mots.

Mon conflit intérieur traversait la conscience collective de l’Arachnée, mais l’Essaim ne semblait pas y consentir. Peut-être était-ce dû au fait qu’un seul Essaim Éventreur avait été tué. Si nous devions partir en guerre, des centaines d’entre eux seraient sacrifiés. Le fait de voir cela se produire pour la première fois m’avait rendue très émotive. La première mort d’un de mes Essaims m’ébranla jusqu’au plus profond de moi-même.

Un autre sentiment commença à s’épanouir en moi, alors même que mon cœur était presque submergé par la conscience collective. Cela m’avait soulagée du chagrin causé par cette seule unité et m’avait inspiré à la place.

« S’ils nous frappent, nous riposterons. J’hériterai de ta volonté », ai-je dit en déposant des fleurs sur la modeste tombe de l’Éventreur.

De retour à notre base, j’avais commencé à préparer la vengeance que j’allais exiger en son nom.

Oui, j’ai enfin trouvé un ennemi à vaincre.

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