Chapitre 10 : Flammes ardentes
Table des matières
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Chapitre 10 : Flammes ardentes
Partie 1
À Saania, capitale du Royaume Papal de Frantz…
« Vous dites que le royaume de Maluk est tombé ? »
Le Pape Benoît III, chef de lu Royaume et Souverain Pontife de la Sainte Lumière, avait reçu cette troublante nouvelle dans son bureau.
L’ecclésiastique vieillissant représentait la faction conservatrice de la nation, et il avait été élu il y a quelques années à peine. Et bien qu’il ait été ravagé par des crises de maladie, il avait gardé une forte croyance dans le Dieu de la Lumière pendant son mandat. L’Église de la Sainte Lumière prônait une frugalité honorable, en croyant qu’une vie de luxe était en opposition avec les enseignements de Dieu.
Bien sûr, les mêmes ecclésiastiques qui prêchaient ce genre de croyances recevaient souvent des pots-de-vin de la noblesse, qui les incitaient à faire pencher les préceptes en leur faveur. Le divorce, l’adultère et l’exploitation des masses avaient lieu dans les coulisses de l’église.
Le pape vieillissant n’avait pas le pouvoir d’imposer ses croyances à tous les membres du clergé, non pas parce qu’il n’avait pas l’autorité, mais parce qu’il n’avait pas la force nécessaire pour résister à l’opposition. La maladie et la vieillesse l’avaient affaibli, de sorte qu’il ne pouvait pas diriger l’église avec la même poigne de fer que ses prédécesseurs. Les prêtres corrompus le savaient, alors ils obéissaient à la doctrine de l’église en surface tout en façonnant des principes plus méchants dans l’ombre.
« Oui, Votre Sainteté. À en juger par les informations que nous avons reçues, une caravane a tenté d’entrer dans le Royaume de Maluk il y a trois semaines, mais les migrants à bord ont été attaqués par des monstres lors de leur inspection à la frontière. Heureusement, ils se sont échappés vivants. Après cela, ils ont engagé des aventuriers pour enquêter sur la ville de commerce de Maluk, Leen, et il s’est avéré qu’elle était complètement envahie par les mêmes créatures mystérieuses. », répondit le bras droit du pape, le cardinal Paris Pamphilj.
Le cardinal était un homme vraiment corrompu. Il avait autrefois fait partie de la faction réformiste, qui visait à rendre les enseignements de l’église plus souples. Lorsqu’il avait changé de position pour devenir conservateur, il avait demandé à tout le monde de se rappeler et de conserver les enseignements du passé. Avec l’aide des banquiers Schtraut du Syndicat de l’Est, il avait accédé au rang de cardinal.
Par la suite, il avait continué à se comporter comme s’il avait toujours fait partie du parti conservateur, gravissant habilement et avec éloquence les échelons jusqu’à devenir la main droite du pape. Tout comme les autres membres véreux de l’église, il acceptait des pots-de-vin et prêchait tout ce que ses nobles partisans voulaient faire entendre aux citoyens. Mais le pape Benoît III n’en savait rien et avait toujours une grande confiance en cet homme.
Pourtant, Paris n’avait toujours pas restitué les fonds qu’il avait empruntés aux banquiers du duché de Schtraut. Il en allait de même pour le pape, qui avait accepté un prêt de leur part dès sa nomination.
« Qu’en est-il de leur capitale, Siglia ? Est-elle aussi tombée ? » demanda le pape.
« Nous n’en sommes pas encore sûrs, mais la situation semble catastrophique. Nous ne pouvons pas contacter notre ambassadeur sur place, et je crains que l’absence d’efforts pour libérer une grande ville comme Leen ne signifie qu’une chose. »
« Si c’est vrai, nous aurions dû leur envoyer une équipe de secours plus tôt. Nous pensions que de simples monstres ne pourraient pas renverser un pays fort comme Maluk… c’est une grave erreur de notre part. Oh, Dieu de la Lumière dans les cieux, protège-nous tous. »
Le Royaume de Maluk avait envoyé une demande d’aide militaire au Pape, et ce dernier avait rapidement commencé à préparer son armée. La nation avait engagé des mercenaires, préparé un convoi de ravitaillement et dit ses prières. En fait, les préparatifs des renforts s’étaient déroulés sans problème.
Cependant, tout cela n’avait servi à rien. Alors que le Royaume Papal de Frantz se préparait lentement à partir, le royaume de Maluk avait été détruit par l’armée des monstres. D’un point de vue extérieur, tout s’était passé en un clin d’œil.
Le Royaume Papal avait donc l’intention d’envoyer des forces, mais avec quel degré d’urgence ? Des dignitaires corrompus comme Paris détournaient les fonds de l’expédition, et le pape lui-même n’avait pas pensé que la situation était si grave.
Après tout, les attaques de monstres étaient assez fréquentes et le royaume de Maluk avait de braves paladins bénis par le Dieu de la Lumière qui étaient plus que capables de détruire des bêtes indisciplinées. Chacun avait foi en ses capacités, y compris Paris et Benoît III.
Mais la réalité avait prouvé le contraire. L’armée de monstres avait englouti le royaume de Maluk. Maintenant, le Royaume Papal devait non seulement empêcher l’expansion de l’Empire de Nyrnal depuis le sud, mais aussi faire face aux créatures.
« Comment devrions-nous réagir à cela ? » demanda le pape, encore sous le choc.
« Nous devons d’abord nous faire une idée de l’état actuel du Royaume. Envoyer une armée alors que nous connaissons si peu l’ennemi, c’est-à-dire les mystérieuses bêtes qui ont attaqué Maluk, serait imprudent. Demandons aux aventuriers de faire la lumière sur ça. »
« Bien… Il y a peut-être des survivants. Augmentez la récompense des aventuriers et faites-les enquêter sur le Royaume. Dites-leur de découvrir ce qui s’est passé, et qui — ou quoi — était derrière l’attaque. »
Un aventurier, c’était un peu comme un demi-mercenaire. Mais contrairement aux mercenaires, les aventuriers ne formaient pas de grands groupes, préférant opérer par groupes de seize au maximum. C’était des spécialistes de la survie, capables d’explorer et d’infiltrer des zones interdites à la plupart des mercenaires. Leur tâche principale consistait à tuer des monstres.
La chasse aux monstres était une profession monopolisée par la guilde des aventuriers, et les mercenaires n’avaient pas le droit d’y participer. Ainsi, lorsqu’il s’agissait de combattre des monstres, les aventuriers avaient le plus d’expérience, de connaissances et de compétences.
« Nous devons également convoquer le Conseil international. Nous ne savons peut-être pas encore qui a attaqué le royaume de Maluk, mais qui que ce soit, il a suffisamment de pouvoir pour vaincre une nation très puissante. Nous serions imprudents de les affronter seuls. »
« Quoi qu’il en soit, je n’aime pas l’idée de demander de l’aide à l’Empire de Nyrnal. L’Empire a continuellement ignoré nos demandes de médiation pour la paix et a plutôt continué son agression, et maintenant l’ensemble du Sud est à leur portée. Je les vois seulement semer le conflit au sein du Conseil International. »
L’Empire de Nyrnal était la force la plus puissante du continent, et bien qu’il vénérait le Dieu de la Lumière, il avait souvent rejeté l’église qui se trouvait au centre de la religion. À maintes reprises, le pape avait tenté de négocier avec l’Empire afin de protéger les petites nations du sud, mais chaque fois, l’Empire avait plutôt poussé plus loin pour conquérir complètement ses adversaires.
En ce qui concernait le Royaume Papal de Frantz, l’Empire était une terre d’infidèles qui ne vénéraient le Dieu de la Lumière qu’en surface. C’était une nation d’un militarisme hautain qui aimait à commettre toutes sortes d’atrocités afin de s’étendre. Le peuple du Royaume Papal regardait l’Empire avec mépris, même si le Royaume Papal lui-même avait offert de l’aide aux nations du sud assaillies pour finalement les abandonner.
Non, la vérité était encore plus cruelle que cela : Paris avait essayé de profiter de la situation de ces pays pour leurs extorquer de l’argent, prétendant que le Dieu de la Lumière leur accorderait sa protection en échange de dons… et la somme qu’il demandait était toujours assez importante. En un sens, le Royaume Papal avait rongé les pays du Sud.
« L’Empire de Nyrnal partage également une frontière avec le Royaume de Maluk. Leur pays voisin a été conquis par une force inconnue, ils devraient donc s’efforcer d’agir et de se tenir à nos côtés. S’ils ne le font pas, ils pourraient être les prochains à être envahis », déclara Paris.
« C’est vrai. Il est temps qu’ils reconnaissent notre autorité. Nous sommes tous unis sous le Dieu de la Lumière. »
Le pape se fit une note mentale pour presser l’Empire d’accepter de former un front uni pendant le conseil. Sa puissance militaire ne pouvait bien sûr être niée. L’Empire tenait le sud unifié sous son contrôle, et il surveillait avec vigilance le nord pour lancer une possible invasion.
« Incidemment, qu’en est-il des elfes ? Notre rapport dit que les monstres proviennent du centre de la forêt des elfes. »
« Pour autant que nous sachions, ils suivent toujours la voie des hérétiques. Ils n’ont pas accepté le Dieu de la Lumière dans leur cœur, et au lieu de cela, ils lèvent les yeux vers leurs dieux sauvages de la forêt et leur offrent de fréquents sacrifices. Il n’y a aucun espoir de les sauver avec nos enseignements. Ces moutons, si vous pouvez les appeler ainsi, resteront perdus. »
Comme beaucoup d’autres humains, les habitants du Royaume Papal considéraient les elfes comme des sauvages. En fait, ils étaient à l’origine de nombreuses rumeurs infondées sur les elfes, qui avaient été propagées pour renforcer le Dieu de la Lumière en tant que seule véritable divinité.
Bien sûr, tout le monde ne les croyait pas. Certains elfes avaient pu vivre dans l’Empire de Nyrnal, même si c’était de façon médiocre, grâce au commerce. Ils avaient également des droits de citoyens dans le duché de Schtraut, même s’ils faisaient partie de la classe sociale la plus basse. Seuls le Royaume Papal et le royaume de Maluk refusaient complètement de donner des droits aux elfes.
« Quand devrions-nous tenir le Conseil international ? »
« Je dirais quand nous aurons fini de prendre les dispositions nécessaires avec l’Empire. Nous devons arranger les choses correctement pour qu’elles ne causent pas de chahut. Nous devrons cependant peut-être leur donner une certaine… incitation à le faire. Approuvez-vous, votre Sainteté ? »
« Oui, c’est bien. L’argent est une évidence dans les négociations. »
Les mots seuls ne convaincraient pas l’Empire, il faudrait donc beaucoup d’argent dans des moments comme celui-ci. Si on lui en donnait suffisamment, l’ambassadeur de Nyrnal permettrait au conseil de procéder sans être dérangé.
« Alors, j’irai droit au but. »
« Attendez. Déployer des aventuriers, c’est bien, mais ne devrions-nous pas aussi mener notre propre enquête ? »
« Faites-vous référence à la quatrième section de recherche mystique ? »
« Oui. Nous devrions leur demander d’enquêter sur l’Empire de Nyrnal, les elfes et le Royaume de Maluk. »
La Division de Recherche Mystique était responsable des renseignements dans le Royaume Papal. Elle était divisée en sections, la quatrième s’occupant des renseignements top-secret sous couverture. Ils s’occupaient de ce qu’on appelait le « sale boulot », qui parfois incluait même des assassinats.
« Compris. Je vais donc leur faire mener une enquête secrète. »
« S’il vous plaît, faites-le. »
Et ainsi, le Royaume Papal de Frantz commença à opérer en secret… mais ils n’étaient pas les seuls à faire des préparatifs.
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Partie 2
La nouvelle du destin tragique du royaume de Maluk avait également atteint Doris, capitale de la prospère nation emplie de mines d’or connue sous le nom de duché de Schtraut.
« Le Royaume de Maluk… a été détruit !? »
César de Sharon, le treizième Duc de Schtraut, ne pouvait pas contenir son choc.
L’expression de l’homme d’âge moyen était déformée par la tristesse et l’incrédulité. C’était comme s’il venait d’être averti de la fin du monde. Seule une nouvelle de ce niveau pouvait susciter une telle réaction de la part du chef du duché.
« J’en ai bien peur, Seigneur. Il semblerait qu’ils aient été attaqués par des créatures mystérieuses. Même leur capitale, Siglia, a été renversée. Nous ne pouvons pas actuellement entrer dans le pays. Ces monstres rôdent également le long des frontières, et ils attaquent à vue tout envahisseur. », déclara son Premier ministre, le cardinal Charon Colbert.
Le Premier ministre était le plus fidèle subordonné de César. Il était cardinal de l’Église de la Sainte Lumière et connaissait également les questions d’État. Sa vaste expérience en politique et en diplomatie avait grandement soutenu l’administration de César.
César était reconnaissant que Charon ait pris ces distances avec le Royaume Papal, le centre de leur religion, car il pouvait exprimer ses opinions avec une relative neutralité. La plupart des autres cardinaux étaient trop profondément enracinés dans le Royauté Papal pour être aussi francs.
« Aaah, quelle horreur. De penser que nous venons de perdre le royaume de Maluk à cause de quelque chose d’aussi… inexplicable. J’avais espéré que leur puissance militaire aurait un effet dissuasif sur l’Empire de Nyrnal, mais hélas… », se lamentait César.
« Oui. Comme vous le savez, notre armée est surtout là pour faire figuration. »
Charon haussa les épaules et poussa un soupir.
« J’espérais que l’Empire ne nous attaquerait pas tant que nous nous accrocherions à Maluk. »
« Tout à fait. Savez-vous à quel point nous avons soutenu l’armée de Maluk ? Nous sommes peut-être riches en ce moment, mais qui peut dire quand nous nous retrouverons sur le déclin. La valeur de l’argent pourrait chuter soudainement, ou l’Empire pourrait nous attaquer. Nous les avons soutenus afin de nous préparer à de tels moments. »
Le duché de Schtraut s’était épanoui financièrement et avait formé une union de guildes qui constituaient en fait le pays. De nombreuses nations avaient une dette considérable envers l’Union des syndicats de l’Est, et la somme totale de ses réserves en devises était la plus importante du continent.
L’Union des syndicats de l’Est avait accordé de nombreux prêts, en particulier au Royaume Papal de Frantz. Tout le monde, du pape aux diacres, avait une sorte de dette à rembourser à l’Union syndicale de l’Est, qui avait pratiquement son propre territoire autonome. Mais il n’y avait pas que le Populat, de nombreux autres pays, et même le Duché lui-même, devaient de l’argent aux banquiers. L’Empire de Nyrnal lui-même avait une dette non négligeable envers eux.
La direction du duché était décidée par élection, et César avait été élu à son poste il y a quelques années. Alors qu’il était duc en titre, ses richesses correspondaient à celles de l’empereur de Nyrnal. En termes de ressources, il était effectivement un roi.
Ce mode de gouvernement basé sur les élections était également pratiqué dans l’Union des syndicats de l’Est, situé dans le coin sud-est du continent. Il s’agissait d’une forme limitée de démocratie dans laquelle des maîtres de guilde choisis, des nobles et des citoyens fortunés se voyaient accorder le droit de vote. La vraie démocratie ne faisait pas encore partie de ce monde, car elle n’était pas nécessaire.
Le duché de Schtraut avait une population suffisamment forte pour maintenir ses demandes intérieures et de nombreuses dettes à recouvrer auprès d’autres pays, tant qu’elle resterait debout, cette nation ne connaîtra probablement jamais l’effondrement économique.
Mais aussi riche soit-il, le duché de Schtraut était confronté à un seul problème : son armée était faible. Extrêmement faible. Les chefs des guildes de marchands, qui avaient le droit de vote, étaient catégoriques quant à l’investissement dans le commerce — où les rendements monétaires étaient importants — plutôt que dans l’organisation suceuse d’argent qu’était l’armée.
À cause de cela, le duché de Schtraut n’avait en fait aucune armée à sa disposition. Il disposait d’une flotte navale, dont l’objectif était d’étouffer l’activité des pirates dans une anse de la légendaire île d’Atlantica, mais ses forces terrestres étaient la risée de tous.
Mais les choses n’allaient pas si mal que ça. Ils disposaient d’une force de frappe qui utilisait le terrain montagneux le long des frontières du duché. Ils avaient également de l’argent à disposition, ce qui leur permettait d’engager les forces armées d’un autre pays ou des groupes de mercenaires en cas de besoin.
Mais cela n’était possible qu’en temps de guerre, car les banquiers et les chefs de guilde étaient opposés au maintien d’une grande armée en temps de paix. Si l’Empire de Nyrnal lançait une attaque-surprise, la seule chose qui protégerait la fortune du pays serait la force de frappe des montagnes, ses troupes compétentes, mais peu nombreuses.
À cette fin, le duché de Schtraut avait noué des relations amicales avec le royaume de Maluk et avait l’intention de créer une alliance militaire avec lui. L’armée de Maluk était l’une des plus importantes du continent en termes de taille, et conclure une alliance avec eux rendrait même l’Empire de Nyrnal hésitant à attaquer le duché.
La sécurité par le nombre, comme on dit.
C’était la politique que César avait préconisée, et il avait tenté le royaume de Maluk avec de grosses sommes d’argent. Ils étaient sur le point eux aussi de former une alliance. Son plan de plusieurs années n’était qu’à un pas de se réaliser.
Mais l’attaque des monstres contre Maluk avait réduit tout cela à néant.
Les banquiers et les maîtres de guilde s’étaient opposés à son alliance avec le royaume de Maluk, certains préféraient une alliance avec le Royaume Papal, et d’autres soutenaient qu’il n’y avait aucune menace à craindre. Maintenant, ils allaient probablement défendre sa position politique, quitte à ternir sa réputation.
Il était possible que son poste de Duc de Schtraut prenne fin avant la fin de son mandat. Telle était l’autorité des banquiers et des maîtres de guilde, même s’ils étaient des traîtres au pays, séduits par les opportunités commerciales lucratives du Royaume Papal et de l’Empire.
« Serait-il impossible de s’allier avec le Royaume Papal de Frantz à ce stade ? Je crois que nous en avons déjà discuté une fois. », murmura César.
Charon secoua la tête.
« Je crains que l’atmosphère religieuse du Royaume Papal ne soit trop forte. Les maîtres de la guilde s’y opposeront sans doute. Ils sont intéressés par l’argent, mais ils se soucient peu de Dieu. De plus, former une alliance avec le Royaume Papal nous obligerait à ouvrir à nouveau nos coffres. Ce pays est après tout le siège du pape, qui parle au nom du Dieu de la Lumière… et ils ont besoin de beaucoup de dons. Ils utilisent leur autorité religieuse comme monnaie d’échange pour obtenir de l’argent, un peu comme l’Empire utilise ses wyvernes. »
« Pour que les maîtres de la guilde et les banquiers ne financent pas une alliance avec eux ? »
« Ils s’y opposeraient probablement, oui. »
« Ils s’opposeraient à tout ce que nous pourrions proposer, les salauds. C’est comme si leur seul rôle dans le monde était de s’opposer. Quoi qu’il en soit, nous avons absolument besoin d’un pays avec lequel nous pouvons nous allier. Nous avons besoin d’une armée pour dissuader l’Empire de Nyrnal. Et qui plus est… »
« On ne sait pas quand les mystérieuses créatures qui ont attaqué Maluk pourraient nous attaquer. N’est-ce pas, Seigneur ? »
C’était exactement ça. Le royaume de Maluk était leur voisin, il était donc naturel de penser que le duché lui-même pourrait être le prochain. Le duché avait actuellement sa force de frappe déployée le long des zones frontalières, et ils recherchaient avec anxiété les monstres qui feraient leur apparition depuis l’ouest. Les soldats avaient juré de protéger le pays de leur vie et ils étaient restés vigilants malgré leur crainte de l’arrivée des monstres.
« Précisément. Vaincre des monstres est une chose, mais je ne voudrais pas que ma mort soit causée par eux. »
César récupéra des documents concernant la défense de leur frontière avec Maluk.
« Nous devrions rapidement renforcer la frontière Schtraut-Maluk et mettre nos hommes en alerte. Engager des mercenaires et des aventuriers aussi, si nécessaire. Les fonds qui seraient allés à notre alliance avec Maluk devraient couvrir les coûts. »
« Dois-je m’assurer que les maîtres de la guilde comprennent la gravité de la situation ? »
« Oui. Si besoin est, nous pouvons aussi faire appel aux elfes. Les Nyrnals sont une menace, mais les monstres capables de faire tomber une nation sont tout aussi effrayants. »
La discussion entre César et Charon se poursuivit alors que tous deux décidaient de la ligne de conduite du duché.
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Partie 3
L’Empire de Nyrnal régnait sur les régions du sud, et en tant que capitale impériale de la plus grande nation du continent, Vejya était maintenue de manière appropriée. Les rues étaient assez larges, avec des bureaux de guilde de chaque côté, la frappe des enclumes retentissant sans cesse. Les murs de la ville étaient les plus grands du continent, et au sommet d’entre eux flottait la bannière de l’Empire : un dragon rouge brandissant une épée.
Mais ce n’était pas seulement le symbole de l’Empire, c’était aussi le symbole de sa puissance sur les autres pays. Le dragon rouge était une wyverne, une bête à écailles capable de s’élever librement dans les cieux, infligeant la mort à ses ennemis. Il ressemblait aussi à un vautour cramoisi, dévorant la chair des morts sur le champ de bataille.
Grâce à ses wyvernes, l’Empire de Nyrnal avait envahi les pays du sud les uns après les autres, les engloutissant pour en faire un grand empire. Il y a seulement quatre ans, l’Empire de Nyrnal n’était qu’un des nombreux pays du sud, mais l’apparition soudaine des wyvernes lui avait permis de s’élever au rang de grande puissance.
Les autres nations voyaient toutes l’Empire comme un nouveau venu suspect, pensant qu’il avait encore faim de territoire. Le royaume de Maluk avait construit une grande forteresse près des rives de la rivière Themel, bien qu’elle ait été détruite lors d’une attaque récente. Le duché de Schtraut s’était rapidement rapproché de Maluk dans l’espoir de former une alliance qui dissuaderait l’Empire. Quant au Royaume Papal de Frantz, il avait fait appel à l’Empire au nom du Dieu de la Lumière, faisant pression sur la grande nation pour contenir ses hostilités.
Mais ce grand pays les avait tous ignorés. En tant que plus grande force du continent, l’Empire s’était enflé de dignité et de fierté… et il avait l’intention d’aller plus loin encore. L’ambition démesurée de l’Empire de Nyrnal était de régner sur l’ensemble du continent, en unissant tous ses territoires sous la bannière du dragon rouge.
En tant que joueur le plus puissant, l’Empire avait lui aussi entendu parler du destin du royaume de Maluk.
« Selon les informations que nous avons reçues du Troisième Secrétariat Impérial, les monstres ont complètement conquis le Royaume de Maluk. Nous avons perdu le contact avec l’ambassade en Siglia, et les autres villes de Maluk semblent toutes être envahies par les monstres. », rapporta Bertholdt von Bülow, un homme d’une trentaine d’années.
Ce type au nez crochu était le secrétaire en chef du cabinet, et il gérait toutes les tâches et obligations de l’empereur. N’étant entré en fonction que sous le règne de l’empereur précédent, l’homme était entouré de mystère, ce qui avait conduit de nombreuses organisations à enquêter sur ses antécédents.
Certaines des personnes qui s’étaient penchées sur lui étaient des espions employés par des nobles de l’Empire, d’autres provenaient du bureau des affaires extérieures du duché de Schtraut et de la quatrième section de recherche mystique de la Royauté Papal de Frantz. L’union des syndicat de l’Est avait également fait ses propres recherches sur son passé. Tous ces groupes avaient cherché à savoir comment cet homme s’était hissé à la position de bras droit de l’empereur, mais leurs tentatives avaient échoué.
Tout ce qu’ils savaient, c’était que juste après l’apparition de cet homme, l’Empire de Nyrnal avait commencé à propager les feux de la guerre dans le sud.
« Je vois. Le grand royaume de Maluk a été détruit par des monstres mystérieux… Quelle pathétique excuse pour un pays ! Il semble que leur militarisme n’était qu’un prétexte. Si c’était le cas, alors nous aurions dû les attaquer plus tôt. »
Ces paroles méprisantes venaient de Maximillian von Leuchtenberg. Cet homme d’âge moyen avait unifié le sud et fait de l’Empire de Nyrnal une nation redoutée par le reste du monde. Il y a cinq ans, Maximillian avait hérité du trône de l’ancien empereur, Friedrich III. Et avec son accession au pouvoir, il avait commencé la guerre d’unification, au cours de laquelle Nyrnal avait dévoré les pays du sud.
Les autres grandes puissances méprisaient cet homme, et son existence était particulièrement détestée par le Royaume Papal de Frantz, qui le déclarait semblable à un diable. Il était également tristement célèbre dans le duché de Schtraut, où les gens chuchotaient qu’il était né dans les fosses de l’enfer, comme un démon, et qu’il était monté à la surface du monde pour le conquérir. Les banquiers du duché avaient même proposé de soutenir les dissidents au sein de l’Empire, dans l’espoir de le faire tomber de son trône.
Les deux pays n’avaient cependant pas réussi à usurper l’empereur Maximilien, et son appétit de conquête était plus vorace que jamais. En utilisant les wyvernes qui constituaient l’épine dorsale de son armée, et les innombrables complots astucieux concoctés par Bertholdt, il avait conquis le sud avec facilité. Les citoyens de l’Empire le vénéraient comme un héros, tandis que les autres grandes puissances et les nobles qui avaient dû fuir leurs terres du sud l’abhorraient comme une vile créature qui comptait sur les vautours à écailles pour réussir.
Mais au fait, pourquoi Maximillian avait-il commencé sa guerre ? Peu de gens connaissaient la réponse à cette question. Était-ce par pure ambition ? Avait-il commencé la guerre à cause d’un complexe héroïque enfantin ? Ou ces invasions étaient-elles des mouvements méticuleusement planifiés qui avaient façonné l’avenir de Nyrnal ? Quelle qu’en soit la raison, il y avait un sentiment d’impatience face à ses actions. L’homme que l’on pourrait appeler le plus grand souverain du continent était poussé par quelque chose, bien que personne ne sache quoi.
Une seule chose était certaine : Maximillian n’était pas satisfait de son absorption des pays du sud, il allait donc finir par étendre son influence vers le nord. Ses centaines de milliers de soldats portaient haut leur bannière de dragon rouge, attendant leur chance de frapper.
À l’heure actuelle, l’empereur Maximillian digérait encore les nouvelles de la destruction de Maluk par l’Arachnée. Il était tout naturel qu’il le fasse, car Maluk avait été sa prochaine cible de conquête.
« Non, Votre Majesté. Apparemment, ces monstres possèdent une force terrifiante. Nos éclaireurs ont engagé les créatures près de la frontière, et leurs attaques ont été pour la plupart inefficaces. L’ennemi était si anormalement rapide que nos hommes ont été forcés de battre en retraite. », dit Bertholdt.
« Hmm. »
Maximillian se frottait le menton.
« Nous ne pouvons donc pas sous-estimer l’ennemi… Il est clair qu’ils sont plus que de simples monstres. »
Quelques éclaireurs armés avaient traversé la rivière Themel sur ordre de Bertholdt et avaient tenté de combattre les forces défensives de l’Arachnée. Ce n’était qu’une petite escarmouche, mais il s’agissait toujours d’un combat unilatéral en faveur de l’Arachnée.
« Nous avons besoin de plus d’informations sur ces monstres. Analysez tous les renseignements que nous avons recueillis jusqu’à présent, et découvrez-en plus si vous le pouvez. Nous devons nous renseigner sur ces créatures plus rapidement que n’importe quel autre pays. Je peux voir ces monstres bouleverser tout l’équilibre politique du continent. »
Maximillian pouvait sentir que c’était plus qu’une poignée de monstres qui se déchaînaient… que cela allait devenir un conflit qui allait embraser l’ensemble du continent.
« Selon vos désirs, mon seigneur. Je vais demander au Troisième Secrétariat Impérial de rassembler des informations. », dit Bertholdt en inclinant la tête.
Le Troisième Secrétariat Impérial était un département qui s’occupait à la fois des opérations secrètes de nature diplomatique et de la collecte de renseignements, il était comparable à la Quatrième Section de Recherche Mystique du Royaume Papal. Lors de l’unification du Sud, ses membres manipulaient les informations pour empêcher les différents pays de former un front rebelle contre Nyrnal, dissolvant ainsi leurs relations en répandant rumeurs et méfiance.
« Quant à votre rapport sur le Royaume Papal, ils ont évidemment l’intention d’utiliser cette situation pour unir tout le monde au nom du Dieu de la Lumière. De plus, je ne doute pas qu’ils profiteront du tumulte actuel pour s’emparer de toutes les armées du continent. Nous ne pouvons pas le permettre. »
Maximillian avait déjà appris que le Royaume Papal de Frantz avait l’intention de réunir le Conseil international, et il soupçonnait qu’il prévoyait de forcer toutes les autres grandes puissances à renoncer à leurs forces armées sous un prétexte ridicule.
« Nous n’avons pas encore reçu de nouvelles du Royaume, mais vous pensez qu’ils pourraient comploter quelque chose ? »
« Oui, je le soupçonne. Ils se sont plaints à plusieurs reprises de notre unification du Sud. Il est peu probable qu’ils restent assis tranquillement pendant que cette monstrueuse affaire se prépare. Ils débiteront leurs absurdités sur le Dieu de la Lumière et se déplaceront à leur guise. »
« Je suis tout à fait d’accord. Pour de soi-disant hommes saints, ils ne sont guère dignes de confiance. »
Le Royaume Papal essayait en effet de réunir le Conseil international, bien qu’on ne sache pas encore s’il allait prendre le contrôle des autres puissances militaires.
« De plus, le Royaume Papal essaie probablement de corrompre nos diplomates. Faites savoir que toute personne ayant accepté un pot-de-vin sera pendue. »
« Comme vous voulez, mon seigneur. »
De toute évidence, Maximillian avait vu une tentative du Royaume Papal de corrompre ses hommes.
« Les officiers du ministère des Affaires étrangères ne sont peut-être pas les seuls, leurs serviteurs peuvent aussi être soudoyés pour obtenir des informations. Pendez tous ceux qui ont accepté un pot-de-vin, quelle que soit sa provenance. Nous ne pouvons pas être trop prudents, alors ne faites pas d’exceptions. Quiconque tente de tromper l’Empire de Nyrnal doit être puni d’une mort rapide. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons maintenir notre intégrité. »
« Entendu. »
Comme Maximillian l’avait dit, on ne savait pas qui aurait pu essayer de soudoyer ses citoyens pour obtenir des informations. Lorsqu’il s’agissait de discussions cruciales sur l’État, on ne savait pas combien de personnes pouvaient être impliquées. Même les personnes au statut social le plus bas pouvaient entendre quelque chose de crucial ou tomber sur un document important.
Si le contenu d’un tel document ou d’une telle conversation devait être divulgué à un autre pays, l’Empire aurait une carte de moins en main dans le jeu de la diplomatie. L’Empire de Nyrnal n’ayant que peu de pouvoir de persuasion, il avait donc besoin de tous les avantages qu’il pouvait obtenir. Perdre ne serait-ce qu’un seul avantage pouvait être mortel.
« Et la rivière Themel ? »
« Construisez une forteresse là-bas et placez-y une partie de nos troupes. Retirez quelques unités des forces que nous avons envoyées au nord et faites-les se diriger vers la Themel pour commencer la construction. Pour ce que nous en savons, ces monstres peuvent traverser la rivière. Nous devons nous préparer à toute éventualité. Nous ne pouvons pas nous permettre de devenir aussi leur proie. »
La rivière Themel était un obstacle naturel, mais elle n’était pas infranchissable. Au cours de l’histoire, le royaume de Maluk l’avait traversée quatre fois, tandis que les pays du sud l’avaient traversée trois fois, ce qui avait respectivement conduit à des invasions du sud et du nord. Finalement, le royaume de Maluk avait réussi à tracer sa frontière la plus méridionale au niveau de la rivière Themel.
« Que ferons-nous alors concernant le duché de Schtraut ? »
« On devrait effectivement offrir un soutien militaire généreux à ce petit pays pitoyable. S’ils refusent, dites-leur que nous ne leur viendrons pas en aide même si les monstres traversent leurs frontières. Si les monstres sont assez puissants pour écraser Maluk, Schtrauts doit probablement trembler dans ses bottes et se prépare à fuir le continent au moment où nous parlons. En fin de compte, ils sont identiques à ces fous de l’Union des Syndicats de l’Est, qui ne pensent qu’à l’argent. »
Si le duché acceptait leur aide militaire, les forces de l’Empire seraient stationnées puis normalisées sur leur territoire, il s’agirait en fait d’une occupation militaire. L’Empire avait utilisé de telles méthodes lors de l’unification du Sud. Il allait forcer les pays neutres à se serrer les coudes entre les pays ennemis, puis stationner son armée au milieu sous prétexte d’assistance. L’Empire utiliserait ensuite cette armée pour prendre le pouvoir de l’intérieur. C’était une méthode de conquête vraiment vile.
C’était parce que l’Empire de Nyrnal préférait utiliser de telles méthodes que le duché de Schtraut la craignait tant. Ce pays quasi démocratique savait que l’Empire occuperait facilement ses terres, extorquerait ses citoyens et lui arracherait son indépendance en un clin d’œil.
« Vous croyez qu’ils fuiraient le continent ? Fuir serait facile. Si vous voulez bien m’excuser, mon seigneur, je vous dis de laisser les riches marchands devenir de pauvres migrants s’ils le veulent. », demanda Bertholdt.
« Le goût du désespoir les frappera bientôt, car ils seront confrontés à la simple vérité qu’il n’y a nulle part où fuir. Mais pour l’instant, nous devons d’abord nous assurer que le Royaume Papal danse pour nous. Et ils danseront. »
Tout d’abord, l’Empire de Nyrnal fera valoir ses exigences au sein du Conseil international. L’idéal serait qu’il prenne le contrôle des forces alliées nouvellement formées. Pour en tirer pleinement parti, l’Empire enverrait ensuite son armée dans chacune des autres grandes puissances. Même s’il ne pouvait pas prendre le contrôle immédiatement, l’Empire pourrait utiliser la dépêche de l’armée alliée comme monnaie d’échange et accroître son influence sur le continent.
« Et nous pouvons utiliser ce monstre pour prendre le contrôle de plus de territoires — le Duché, l’Union des Syndicats de l’Est, et le Royaume Papal… Il est impératif que nous unifiions l’ensemble du continent sous notre contrôle, et bientôt. Nous devons épargner à tous ceux qui vivent ici le sort qui est arrivé au Royaume de Maluk. »
Après tout, qu’est-ce qui serait le plus terrible, une guerre… ou ces monstres ?
« Au fait, qu’en est-il de Georgius ? »
Maximillian changea brusquement de sujet.
« Il est toujours en sommeil. Devrions-nous le réveiller ? »
« Selon la situation, cela peut être nécessaire », dit Maximillian, adossé au dossier de son trône.
« Dans des moments comme celui-ci, les terres des dragons peuvent avoir besoin de leur héros, l’Empire et Gregoria. »
Gregoria était une autre faction du jeu, comme Marianne… et c’était une terre de dragons.