Jinrou e no Tensei – Tome 8 – Chapitre 8 – Partie 20

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Chapitre 8

Partie 20

Tokitaka m’avait jeté un regard confus, et j’avais essayé d’expliquer au mieux de mes capacités.

« Le huitième mage a bel et bien existé, mais lorsque vous avez lancé le sort pour interférer avec le Torii, cela a changé. Au lieu d’échouer complètement, le sort a interagi avec le Torii de telle manière que votre huitième membre a été effacé de l’histoire, donnant l’impression qu’il n’a jamais existé. »

Quant à savoir où ce huitième membre s’est retrouvé, je n’en avais aucune idée. Peut-être a-t-il été aspiré dans le Grand Torii du Divin et envoyé dans un autre monde, ou peut-être a-t-il simplement été anéanti ? Compte tenu de la puissance de cet artefact, c’était un miracle que les résultats n’aient pas été plus désastreux. Je me sentais mal pour le seul gars qui a été sacrifié, mais c’était un soulagement que Wa n’ait pas accidentellement déclenché une calamité sur le continent. Cela étant dit, cette tentative avait coûté à Wa plus qu’un seul de leurs mages.

« Comme Lord Parker l’a si astucieusement souligné plus tôt, notre sort raté a également fait craquer le rocher. Le Grand Torii du Divin ne s’activera plus et nous ne savons pas comment le réparer. Je suis sûr que vous avez remarqué qu’aucun mana ne traverse la porte. »

« Oui, je peux le sentir. »

S’il était juste en sommeil, j’aurais ressenti un filet de mana résiduel, un peu comme la façon dont un ordinateur en mode veille consomme encore un peu d’électricité. Mais cet artefact était complètement mort. Il n’y avait pas du tout de mana. Si par hasard la Cour des Chrysanthèmes avait effectivement réussi à appeler un autre réincarné à travers la porte avec leur sort, ils n’avaient aucun moyen de savoir où cette personne se trouvait maintenant.

« S’il y avait un autre réincarné dans ce monde, nous le saurions. Mais puisque nos astrologues n’ont senti aucun changement dans les étoiles, l’invocation a aussi dû échouer », marmonna Tokitaka, semblant lire dans mes pensées. Mais cela m’avait fait réfléchir dans une autre direction.

Si cette porte de transmigration pouvait interférer avec le passé, cela n’expliquerait-il pas l’apparition d’une autre réincarnation historique ? L’escrimeur esclave qui s’est échappé de Rolmund il y a 300 ans, Draulight. Et si les mages de Wa avaient réussi, mais qu’au lieu d’invoquer une réincarnation, ils avaient envoyé l’un des leurs pour se réincarner dans le passé ? Cela semble tiré par les cheveux, mais c’est la seule façon d’expliquer les compétences modernes d’alpinisme de Draulight.

Remarquant mon expression pensive, Tokitaka demanda : « Est-ce que quelque chose ne va pas ? »

« Non, ce n’est rien. Je me demandais juste si ma magie pourrait être capable de découvrir quoi que ce soit sur les Torii. »

Si ma théorie était correcte, alors cet appareil était plus dangereux que je ne le pensais initialement. Envoyer des réincarnations dans le passé comportait le risque de modifier l’histoire, et donc de modifier le présent et l’avenir. C’était pour le mieux si cet artefact n’était plus jamais activé. Levant les yeux vers le Grand Torii du Divin, j’avais pensé : « Alors cette porte ne pourra plus jamais être activée ? »

« Correct. Malheureusement… » Tokitaka se tourna également vers la porte, l’air maussade.

« Hé, Veight, je ne pense pas que nous puissions réparer cela, mais nous devrions certainement essayer de l’analyser. Je parie que si nous rassemblions le Maître et tous ses disciples, nous pourrions au moins comprendre quelque chose ! » La voix joyeuse de Parker résonna dans le sanctuaire, dissipant l’humeur pensive.

J’avais chassé Parker du rocher, puis je m’étais retourné vers Tokitaka.

« Qu’est-ce que la Cour compte faire de ce torii maintenant ? » avais-je demandé.

« Aussi regrettable que cela puisse paraître, notre nation n’a pas les connaissances magiques pour le restaurer. S’il s’agissait d’un cercle magique en deux dimensions, nous aurions peut-être pu faire quelque chose, mais… »

Tokitaka fit un geste triste vers le rocher. J’avais le sentiment que cet artefact était antérieur à l’ancienne dynastie. Les cercles magiques étaient comme des programmes informatiques constitués de circuits magiques physiques. Ils possédaient à la fois les qualités matérielles et technologiques, ce qui les rendait très délicats. Ajouter une troisième dimension avait rendu le tout encore plus compliqué.

Cependant, si nous essayions tous d’aborder le problème avec le Maître, il y avait une chance que nous puissions déchiffrer cette chose. Chacun de ses disciples était maître dans son domaine. De plus, nous possédions tous des connaissances que les humains normaux ne pourraient jamais obtenir. Parker avait raison, il était possible que nous puissions analyser et reconstruire cet artefact. Mais si cela pouvait vraiment interférer avec le passé, c’était trop dangereux d’y toucher.

À titre d’exemple extrême, si nous créons une nouvelle copie, alors Wa pourrait l’utiliser pour s’assurer que l’ancien Seigneur-Démon et moi naissions ici en tant qu’humains plutôt qu’en tant que démons. Tous les efforts que j’avais déployés pour faire de Meraldia et de Rolmund de meilleurs endroits seraient effacés. Il était également fort probable que le fondateur de Meraldia, Draulight, soit issu des erreurs de Wa, donc si celles-ci étaient rectifiées, Meraldia pourrait ne jamais voir le jour. Ce qui signifie qu’Airia… et Garsh et Forne ne seraient jamais nés.

Ce n’était pas tout. Si mes origines et celles du précédent Seigneur-Démon étaient réécrites, je ne rencontrerais jamais le Maître ou l’un des démons excentriques que j’aimais tant. Merde, il était possible que je ne rencontre même pas l’ancien Seigneur-Démon. Tout ce que j’avais construit en tant que Veight le loup-garou serait effacé. Je ne m’en étais pas rendu compte jusqu’à présent, mais je me suis plutôt attaché à ma nouvelle vie, hein ?

Au cours de ma vie passée, je m’en foutais si quelqu’un réécrivait toute mon histoire. Mais les choses étaient différentes maintenant. J’en étais venu à aimer ma vie de loup-garou, plus que ce à quoi je m’attendais.

J’avais levé les yeux vers Tokitaka et j’ai dit : « Il y a beaucoup de choses auxquelles je dois réfléchir. Cela vous dérangerait-il de me laisser seule quelques minutes ? »

« Bien sûr. Nous ne sommes pas pressés, prenez autant de temps que vous le souhaitez. »

Même si c’était le plus grand secret de Wa, Tokitaka semblait n’avoir aucun problème à me laisser seul avec ça. D’un geste désinvolte, il descendit le long escalier de pierre.

Une fois que j’étais seul, j’avais regardé entre le Torii et le rocher. Il valait mieux que cet artefact ne soit plus jamais activé, pour le bien du monde que je connaissais et que j’aimais. L’armée démoniaque, Meraldia et Rolmund avaient finalement commencé à avancer dans une direction positive. Je ne pourrais pas le supporter si tout cela était écrasé.

Mais s’assurer que cet artefact restait impossible à faire fonctionner signifiait qu’aucune réincarnation n’apparaîtrait dans ce monde. Je serais le dernier réincarné du Japon. Plus jamais je n’aurais de conversations comme celles que j’ai eues avec l’ancien Seigneur-Démon.

« De quelle époque êtes-vous vraiment, Seigneur-Démon ? »

« Je crois que je t’ai dit que je n’accepterais pas de telles questions, Veight. »

« Je sais, mais… Oh ouais, as-tu déjà visité Tokyo ? »

« Je l’ai fait en effet. Assez souvent en fait. »

« Bien. Puisque vous connaissez le nom de Tokyo, vous devez être né après la restauration Meiji. »

« Faut-il que tu sois si fouineur ? Même si j’admets que ta capacité à m’arracher des informations comme ça est assez impressionnante. »

Nous avions l’habitude de discuter comme ça tout le temps quand il était vivant. Si j’étais honnête avec moi-même, nouer des relations commerciales avec Wa n’était qu’un prétexte. La vraie raison pour laquelle j’avais fait tout ce chemin jusqu’au bord du continent était parce que j’avais couru après l’ombre de l’ancien Seigneur-Démon. Ici, dans ce pays de réincarnations, j’espérais trouver des indices pour savoir s’il s’était réincarné ou non, et si oui, où. Mais tout ce que j’avais découvert, c’était cet ancien artefact n’étant plus fonctionnel. Et puisque j’avais décidé de ne pas le réparer, il n’y avait aucun moyen pour moi de continuer à courir après l’âme du Seigneur-Démon. J’étais bel et bien seul.

L’isolement et la solitude m’avaient submergé. Je n’avais pas d’autre choix que de continuer en tant que seul réincarné de ce monde. Il n’y en avait plus d’autres vivants, et il n’y avait pas d’être tel un Dieu qui en envoyait plus dans ce monde. C’était une machine irréfléchie qui m’avait amené ici.

S’il y avait eu un dieu quelconque, j’aurais au moins pu lui parler. En vérité, j’avais nourri le faible espoir que quelque chose m’avait amené ici dans un but plus important, comme dans ces histoires où le héros est convoqué pour vaincre un grand mal, ou le protagoniste se voit accorder une seconde chance dans la vie à cause de tous les regrets qu’il avait avant de mourir. Mais il s’est avéré que mon apparition ici n’était due à aucune de ces raisons. Aucune grande quête ne m’avait été confiée et personne ne m’avait cru digne d’une seconde chance. Ce n’était qu’une coïncidence si ce morceau de ferraille avait ramassé mon âme et m’avait déposé ici. Ma réincarnation n’avait aucun sens.

« Ce qui signifies que…, » marmonnai-je doucement en caressant la surface du rocher.

La pierre fraîche était agréable au toucher. Je suis libre de vivre ma vie comme je l’entends. J’étais complètement coupé de mon ancienne vie, mais cela signifiait aussi que je n’avais plus à être enchaîné par mon passé.

« Je peux faire ce que je veux. »

Pour moi, cela signifiait continuer à servir en tant que vice-commandant du Seigneur-Démon. Honnêtement, cela avait été un peu un soulagement. Malheureusement, cela signifiait que ma position était sur le point de devenir encore plus compliquée. J’avais une dette envers Wa pour m’avoir réincarné dans ce monde, et j’avais personnellement ressenti le désir d’aider les gens de ce pays. Sans eux, je n’aurais jamais connu la joie de cette vie. Les anciens réincarnés avaient contribué au développement de Wa, et je voulais aussi faire ce que je pouvais pour eux. Ce serait dommage si je brisais la séquence et faisais honte au nom de mes ancêtres.

Cela mis à part, c’est assez triste de savoir que je ne reverrai plus jamais l’ancien Seigneur-Démon. Pourquoi avez-vous dû partir et mourir si tôt ? Vous étiez le patron idéal, le Senpai idéal, et bien… le genre de père que j’ai toujours voulu. N’auriez-vous pas pu rester un peu plus longtemps ? Il y avait tellement de choses que je voulais faire avec vous.

J’avais tapoté le rocher plusieurs fois, puis je m’étais levé.

Bon, c’est assez. Il y avait une tonne de choses que je devais faire, et beaucoup plus que je voulais faire. Je m’étais incliné devant le Torii et j’avais fait mes adieux au vieux Seigneur-Démon. Je vais continuer à faire de mon mieux pour aider ce monde en tant que vice-commandant du Seigneur-Démon. Vous pouvez vous reposer en sachant que nous avons hérité de votre rêve. Je prie pour qu’un jour, d’une manière ou d’une autre, vous vous réincarniez à nouveau. J’espère que vous pourrez vivre une vie plus paisible la prochaine fois. Nous nous reverrons certainement, que ce soit dans ce monde ou dans l’autre.

Époussetant ma cape, j’avais tourné le dos à la porte et j’avais dit à Tokitaka — qui sans aucun doute me regardait depuis l’ombre : « Rentrons. Il y a encore beaucoup de travail à faire. »

Je ne regarderai plus en arrière.

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