Chapitre 4 : Fausse célébration
Point de vue du Duc Rosais
Cette canaille de Maxwell est encore en train de faire du grabuge…
Dans la capitale royale du royaume de Lamperouge, dans le bureau des offices royaux.
Moi, Burt Rosais, l’actuel chef de la maison de Rosais, avait lu le contenu de la lettre envoyée par la maison Maxwell et je m’étais mis à grogner.
« Je présente mes sincères félicitations pour le mariage du prince Sullivan dans la famille du baron Nommes. »
Félicitations… c’était ce que disait la lettre, mais il s’agissait, à toutes fins utiles, d’une menace.
La malveillance contenue dans cette courte phrase était si intense que je ne pouvais pas, en tant que chancelier du royaume, m’empêcher d’être impressionné par sa ruse.
Il y avait environ un mois, ma fille bien-aimée Marianne avait appris par le prince héritier Sullivan que leurs fiançailles n’avaient plus lieu d’être. La raison était qu’il aimait en fait quelqu’un d’autre… c’était vraiment enfantin.
L’expéditeur de cette lettre, Dyngir Maxwell, n’était autre que le fiancé de la maîtresse du prince Sullivan, Selena Nommes.
La responsabilité des fiançailles rompues incombait exclusivement à Sullivan.
Sullivan continuait apparemment de répéter qu’il avait trouvé le véritable amour, tout en se plaignant pathétiquement que Marianne n’était pas faite pour être sa fiancée.
En tout cas, il avait posé les mains sur une autre femme malgré ses fiançailles, il n’y avait donc aucun doute qu’il était en faute. La femme sur laquelle il avait posé les mains était elle aussi fiancée.
Peu importe le nombre d’excuses que cet abruti de prince héritier pouvait trouver, abuser de l’autorité de la famille royale pour enlever la fiancée d’un vassal le marquerait d’infamie.
« Hum, chancelier… pouvons-nous faire quelque chose à ce sujet… ? »
Ce ton pitoyablement faible n’avait été produit par nul autre individu que celui ayant l’autorité royale… Sa Majesté le roi.
Cet homme âgé, bien trop faible de volonté pour sa position, avait deux fils, mais il favorisait surtout son premier né, Sullivan. Il me regardait avec une expression pleine d’inquiétude pour l’avenir de ce dernier.
Sa Majesté, le roi Saloucha Lamperouge, était un homme plutôt ordinaire par rapport à son rang.
Il n’avait pas d’exploits militaires impressionnants à son actif ni assez de sagesse pour qu’on s’en souvienne. Son seul point positif était qu’il était bien conscient de ses capacités limitées.
Il n’avait jamais imposé son opinion sur des questions politiques ou militaires, écoutant toujours attentivement les opinions de son entourage.
Néanmoins, on peut aussi dire qu’il ne peut rien décider tout seul.
Tout en le jugeant sévèrement sur le plan mental, j’avais répondu à la question du roi.
« Rien, j’en ai peur. Maxwell, la victime de cette série d’événements, demande que le “mariage du prince Sullivan avec la famille du baron Nommes soit célébré”. Notre seule option est que le prince se marie effectivement dans la famille Nommes. »
Indépendamment de ce qu’ils pensaient réellement, en apparence, la victime renonçait à ses droits, de sorte qu’ils ne pouvaient pas être niés.
« Quoi qu’il en soit, si cela arrive… »
Le roi hésita et bafouilla.
Sullivan se marierait dans la famille du baron Nommes — même sa médiocre intelligence avait saisi le terrible châtiment que c’était.
Un baron était effectivement un noble, mais son statut était extrêmement proche de celui d’un roturier. Le territoire sur lequel un baron pouvait régner se résumait à un ou deux villages au maximum, avec des recettes fiscales minimales.
Une telle maison ne pouvait naturellement pas mener une vie somptueuse. Sullivan ne pourra jamais supporter le fait qu’il doive se marier dans une telle famille, vu que, en tant que membre de la famille royale, il avait vécu toute sa vie dans le luxe.
De plus, les Nommes étaient les vassaux de la maison Maxwell et leur devaient même de l’argent. Ils devaient obéir à presque tous les ordres de la maison Maxwell. En cas de conflit armé, ils seraient probablement envoyés en première ligne.
Sullivan deviendrait ainsi le subordonné de l’homme qu’il avait mis en colère en lui volant sa fiancée : une vie de tourment l’attendrait. Y avait-il une punition plus terrifiante que celle-là ?
Le roi semblait vouloir dire quelque chose, alors je l’avais encouragé à parler. Les mots avaient commencé à jaillir de sa bouche.
« Hmgh… hmm… je sais… je sais ce que Maxwell veut dire… mais n’est-ce pas trop… ? Qu’un membre de la famille royale se marie dans la maison d’un baron… il ne pourrait y avoir pire humiliation. Sullivan a déjà été déshérité… pourquoi ce pauvre garçon doit-il subir un sort aussi cruel ? »
« … que la punition ne suffit pas. Du moins, c’est ce que Maxwell semble penser. »
Un jugement avec lequel ma maison Rosais est entièrement d’accord.
Dans la lettre envoyée à la maison de Maxwell, il était écrit que Sullivan serait sévèrement puni. Sa Majesté, le roi faible et gentil, n’avait cependant pas l’intention d’administrer une punition stricte à son fils.
Le rang de Sullivan fut rétrogradé à celui de vassal de la famille royale, mais selon la situation, cela n’équivalait pas à une punition très sévère.
Car il pourrait être adopté par un marquis sans héritiers et mènerait ainsi une vie stable.
Ils ont probablement compris que le roi n’était pas assez strict pour punir réellement Sullivan… mmph, bien que ce soit une question gênante, c’est un développement favorable pour moi en tant que Rosais.
La famille Rosais était également victime de cette série d’événements et avait été tout aussi insatisfaite de la tape sur les doigts que Sullivan avait reçue.
Malgré notre insatisfaction, nous avions été contraints d’accepter cette conclusion, car, en tant que représentant des familles nobles centrales, il était de notre devoir de minimiser toute menace à la stabilité de la capitale.
Cependant, le visage de ma précieuse fille avait été maculé de boue… en tant que père, j’aimerais au moins mettre en pièces cet idiot d’ancien prince héritier.
« Quoi qu’il en soit… oh oui, chancelier, si vous vous inclinez personnellement devant Maxwell, alors… »
C’était la proposition que le roi avait faite.
« Je devrais… faire ça, pour le bien de Sullivan ? »
« Oui, un roi ne peut pas courber la tête devant ses vassaux, mais si vous, le chancelier, le faite, alors… peut-être… »
J’avais regardé le roi avec toute l’intention meurtrière que je pouvais rassembler, et ses paroles s’étaient avérées vaines.
« Permettez-moi de vous le demander une fois de plus, Votre Majesté. Je devrais jeter mon orgueil et baisser la tête, pour l’homme qui a trahi ma fille ? »
« Gh… »
Le roi semblait enfin comprendre l’énormité de sa bévue.
Tel père, tel fils…, soupirais-je mentalement.
Sa Majesté ne prononçait pas de telles absurdités normalement. Mais, comme Sullivan, il avait apparemment tendance à laisser ses émotions prendre le dessus par moments.
S’il souhaitait vraiment protéger son fils, il devrait le faire, même au prix d’offenser les nobles Maxwell ou Rosais. Avait-il si peur de nous ? Cependant, sa lâcheté le rendait idéal pour diriger ce royaume. Un roi vraiment compétent serait mal vu par les Quatre Maisons.
Dans le royaume de Lamperouge, les quatre maisons maréchales qui protégeaient les frontières dans les quatre directions cardinales jouissaient d’un pouvoir considérable. Elles étaient normalement appelées les Quatre Maisons.
La véritable capacité d’un roi dans ce pays se mesurait à sa capacité à gouverner sans se faire ennemi des Quatre Maisons.
Sa Majesté le roi était trop faible pour être le dirigeant d’une nation.
Mais à cause de cela, les privilèges et l’autorité des Quatre Maisons n’étaient pas menacés. Il était considéré comme une figure de proue facile à manipuler.
Les rois vraiment capables ne durent jamais longtemps, après tout… Sullivan devrait se considérer comme chanceux de n’avoir eu aucun accident malheureux…
Les Quatre Maisons ne devaient pas être contre vous.
Les rois enterrés dans les ténèbres à cause d’eux étaient trop nombreux pour être comptés.
merci pour le chapitre