Chapitre 14 : Les fous ne cessent jamais de faire naufrage
Point de vue Sullivan Nommes
J’avais suivi Zaill profondément dans les ruelles de la ville jusqu’à ce que nous arrivions à un petit bar isolé.
« L’endroit peut sembler petit, mais ils servent du vin très fin. C’est le genre d’endroit que seuls les connaisseurs fréquentent, nous pourrons donc boire en toute tranquillité. »
« Hmm, bien. Pas mal du tout. »
Nous étions entrés dans le bar faiblement éclairé et j’avais remarqué qu’il n’y avait pas d’autres clients. Un homme aux cheveux blancs essuyait des verres derrière le comptoir.
« Asseyez-vous ici, s’il vous plaît. Patron, servez votre meilleur vin à mon honorable invité. »
Le vin qui m’avait été servi était de la même marque que celui que je buvais souvent dans la capitale.
J’en avais bu une gorgée et les souvenirs de ma vie dans la maison royale refirent surface, me remplissant de nostalgie.
« Prenez-en un autre, s’il vous plaît. »
« O-oui… »
Encouragé par Zaill, je buvais verre après verre de ce doux nectar.
« Délicieux… et tellement nostalgique. Je pouvais boire ça tous les jours avant… pourquoi les choses ont-elles tourné comme ça… ? »
De plus en plus pompette, j’avais commencé à parler de mon insatisfaction de ma vie actuelle et de ma haine envers Dyngir Maxwell.
Zaill écoutait chaque mot que je disais, sans le moindre signe d’agacement.
« Quelle tragédie avez-vous vécue… vous écouter me fait mal au cœur. »
Lorsque j’avais fini par cesser de me plaindre, Zaill attendit le meilleur moment pour me consoler.
« Une tragédie, en effet, vous avez raison.… »
J’avais pu laisser sortir ma frustration pour la première fois depuis longtemps. Cela faisait des mois que je ne m’étais pas senti aussi léger. J’avais continué à boire de bon cœur et l’alcool s’était agréablement emparé de tout mon corps.
« Les rumeurs étaient donc vraies… Dyngir Maxwell ne considère pas la famille royale avec le respect qui lui est dû. »
« Oui ! Cet homme ne mérite pas son titre de noble !! »
« J’ai entendu dire que les nobles les plus puissants des Quatre Maisons ont tendance à agir de manière hostile envers la maison royale. Si on ne s’occupe pas d’une telle situation, ils mépriseront de plus en plus la maison royale et finiront par créer un foyer de rébellion. Quelque chose doit être fait pour préserver l’avenir du royaume… mais… »
« Vous avez parfaitement raison. Mais que pourrait-on faire… ? »
Je tenais mon menton, plongé dans mes pensées.
Le problème ne concernait plus seulement moi.
Si ce rustre perfide était autorisé à agir librement, l’avenir du royaume serait en grand danger.
Oui ! Si cet homme n’est pas éliminé, ce pays tombera en ruine ! Il faut le faire maintenant, pour le bien du royaume de Lamperouge.
« D’une manière ou d’une autre… si nous pouvions éliminer Dyngir Maxwell… le faire assassiner, peut-être… »
Ce n’était qu’après avoir prononcé ces mots que j’avais réalisé leur gravité.
J’en avais vraiment trop dit. Si quelqu’un m’entendait, c’était moi qui risquais d’être éliminé.
Je m’étais empressé de regarder autour de moi, mais heureusement, il n’y avait pas d’autres clients dans le bar.
Le propriétaire avait également disparu à l’arrière du magasin, si bien que mes paroles imprudentes n’avaient été entendues que par Zaill.
« Je suis désolé, oubliez tout ce que j’ai dit ! »
« Non, je ne peux pas faire ça. Mais je pense que c’est une excellente idée. »
« Vous le pensez vraiment ? »
Je ne m’attendais pas à ce qu’il soit d’accord.
Je regardai Zaill, surpris, et découvris une expression tout à fait sérieuse sur son visage barbu.
« Un assassinat… oui. Pour libérer ces terres orientales de ces imbéciles, il pourrait être nécessaire de prendre des mesures aussi extrêmes. »
« O-oui… je pense que oui. »
Le fait que Zaill soit d’accord m’avait rendu plus convaincu que c’était une très bonne chose.
J’avais essayé d’imaginer cet homme effondré sur le sol, blessé et ensanglanté. Je me sentirais tellement soulagé, si seulement…
« La mort de Dyngir Maxwell signifierait également que le fossé entre la famille royale et la maison Maxwell ne serait plus. Par conséquent, cela signifiera que votre retour à la capitale, Seigneur Sullivan, s’ouvrirait de lui-même. Il pourrait également y avoir la possibilité que vous deveniez le prochain Maréchal Maxwell. »
« Moi ? Hériter de la maison Maxwell !? Cela est impossible !! »
Même si le prochain en lice pour le titre de maréchal mourait, je ne pouvais pas croire que le poste me reviendrait.
« Non, il y a une possibilité, Seigneur Sullivan. »
Il n’y avait pas la moindre trace de plaisanterie dans le ton de Zaill. Calmement, il avait commencé à expliquer en détail.
« L’actuel Maréchal Maxwell n’a pas d’autres enfants que Dyngir. Il semble que sa femme vive au loin et je n’ai jamais entendu dire qu’il entretenait des amantes. Il n’y a également personne parmi ses proches parents en âge de lui succéder. En d’autres termes, si Dyngir Maxwell meurt, le maréchal n’aura d’autre choix que d’adopter un héritier d’une autre maison. »
« Hm, hmm. Je peux comprendre cela. Mais le maréchal me choisirait-il un jour ? »
Je savais bien qu’il n’y avait aucune chance pour que le Seigneur Maxwell me voie d’un bon œil.
Il n’était pas venu à ma cérémonie de mariage avec Selena, mais plus que ça, qui choisirait l’homme qui avait enlevé la fiancée de votre fils légitime ?
« Tout dépend de la façon dont vous choisissez de voir les choses, mon Seigneur. Parmi tous les descendants masculins des familles nobles de la province orientale, personne ne surpasse votre lignée, Seigneur Sullivan. Même le Seigneur Maxwell ne peut se permettre d’ignorer la lignée de la famille royale. »
« Si vous le dites comme ça… »
« De plus, si vous devenez le prochain Maréchal Maxwell, les provinces orientales tomberont sous l’influence du gouvernement central. Un développement que la famille royale et la maison Rosais trouveraient extrêmement attrayant. Ils apporteront certainement leur soutien sur tous les fronts pour que le Seigneur Maxwell vous adopte comme son héritier. »
« Je vois… »
Plus j’en entendais parler, plus ça me semblait être une très bonne perspective.
Ils m’avaient jeté dans ces provinces reculées, alors je les remboursais en devenant le dirigeant. J’allais gagner assez de pouvoir pour rivaliser avec la famille royale et la maison Rosais.
Quand je serais le prochain Seigneur Maxwell, même la maison Nommes, qui osait me traiter comme de la merde, se prosternerait devant moi comme des esclaves.
Mais plus que tout autre chose…
Je pourrais enlever la chose la plus précieuse promise à Dyngir Maxwell, l’homme qui m’avait tout volé.
C’était comme une belle musique à mes oreilles.
« Comment pouvons-nous trouver un assassin ? »
Je me sentais de plus en plus investi dans le plan, alors j’avais commencé à poser des questions concrètes à son sujet.
Contrairement à l’époque où je faisais partie de la famille royale, je n’avais pas de relations avec des assassins à l’heure actuelle.
Zaill s’était alors approché et avait murmuré quelque chose à mes oreilles.
« Seigneur Sullivan, avez-vous déjà entendu parler de ceux qu’on appelle “Crocs d’Acier” ? »
En entendant ce nom, je n’avais pas pu m’empêcher de froncer les sourcils.
« Vous n’êtes pas sérieux ! Ce n’est qu’une légende, non ? »
« Crocs d’Acier » était le nom d’une légendaire bande d’assassins, dont la rumeur disait qu’elle était présente dans le royaume de Lamperouge depuis plus de 50 ans.
Certains disaient qu’ils étaient des tueurs sans cœur, sans chef fixe, qui tuaient n’importe qui pourvu qu’ils soient suffisamment payés.
Certains disent qu’ils étaient à l’origine de la plupart, sinon de tous les assassinats de personnalités importantes du royaume et qu’ils tueraient même des membres de la famille royale sans hésiter.
D’autres disaient que ses membres n’étaient pas des êtres humains, mais des démons mangeurs d’hommes vivant depuis l’âge des civilisations magiques.
À cause de ces rumeurs incroyables, les parents s’en servaient pour que leurs enfants se comportent bien : « si tu fais de mauvaises choses, les Crocs d’Acier t’attraperont et te mangeront tout entier ! »
« En effet, les rumeurs sont des rumeurs. Il y a beaucoup de bêtises qui circulent. »
Zaill avait d’abord exprimé son accord, puis avait poursuivi.
« Cependant, monseigneur… bien que les rumeurs puissent être exagérées, les “Crocs d’Acier” existent réellement. Gardez ça pour vous, mais… j’ai un moyen de les contacter. »
« Quoi ? »
« Si vous le souhaitez, Seigneur Sullivan, je peux vous présenter… »
Je n’en croyais pas mes oreilles.
Je pensais que les « Crocs d’Acier » n’étaient qu’une légende, comme les dragons. Et même si on me disait qu’ils étaient réels, je ne pouvais pas l’accepter.
« Oh, s’il vous plaît pardonnez-moi, mon seigneur. Je comprends vos sentiments de doute. Je suppose que quelqu’un d’aussi sage et noble que vous, Seigneur Sullivan, ne croirait jamais les paroles d’un homme que vous avez rencontré aujourd’hui pour la première fois. »
« Ah, n-non, je ne voulais pas dire ça… »
« Mes plus profondes excuses, vraiment. S’il vous plaît, oubliez mes divagations d’ivrogne. »
« Hm, hmm… »
Zaill mit fin à la conversation et prit une gorgée de son verre.
Ses mots, cependant, ne quitteraient pas mes pensées.
À moins que Dyngir Maxwell ne soit tué… Je ne peux pas échapper à ma situation actuelle, non ? Vais-je finir ma vie en tant qu’héritier de la maison Nommes… ? Moi, le prince héritier, devrais-je vivre en tant que simple baron… ?
Cela ne pouvait être autorisé. Même si je devais me fier à un conte de fées, je n’avais pas l’intention de passer le reste de mes jours dans ces provinces… Je n’aurais peut-être pas la chance de remettre les pieds dans la capitale…
Comment pourrais-je accepter une telle vie ?
« Zaill, mon brave… Pourriez-vous me donner plus de détails à ce sujet… ? »
« … Seigneur Sullivan ? »
« Je ne peux pas confier la province de l’Est à un individu dangereux comme Dyngir Maxwell !!! Ce pays n’est pas fait pour que quelqu’un comme lui s’amuse ainsi ! »
Les mots que j’avais prononcés ensuite scellèrent mon destin à jamais.
« Dyngir Maxwell doit mourir ! Pour cela, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir, même m’en remettre aux contes de fées ! !! »
À ce moment-là, je n’avais pas la moindre idée de la façon dont cette décision allait affecter mon avenir…
merci pour le chapitre
Mdr la description des « Crocs d’acier » resemble tellement a celle de Kaïser Sauzé.
Penser voir un hommage a Usual Suspects ici… 🤣