Chapitre 18 : La reine des spectres mise à nue et la nuit sans fin
« ... Permettez-moi de nous présenter à nouveau. Nous sommes tous les trois membres du groupe qui avons vaincu le Seigneur-Démon. Si vous voulez, nous pouvons l’amener ici en secret et vous libérer de votre serment, » déclara Mylarka.
« Je vois... Vous êtes la Douce Catastrophe, le Requiem sans Voix et la Charmante Déesse de la Colère, hein ? » demanda Béatrice.
« Hahahaha~ ! Nous sommes bien connues ! » s’exclama Aileen.
En entendant son titre, Aileen avait rougi. En effet, elle était charmante même dans sa tenue de combat, mais il semblerait qu’elle ne pensait pas la même chose de son côté.
Mylarka n’avait pas mentionné mon nom pour préserver ma fausse identité. Béatrice avait peut-être vu que j’avais visité ce manoir en tant que Queue d’Argent pour préparer le logement... mais comme les morts-vivants étaient plus faibles pendant la journée, ce n’était peut-être pas le cas.
« Si vous laissez Yuma créer l’une de ses barrières, elle peut sceller votre pouvoir pour que vous n’attiriez pas de fantômes. De cette façon, même si les Stollen ne vivent plus ici, vous pouvez vivre avec quelqu’un... Sebas veut également cela, » déclara Mylarka.
« C’est exactement comme le dit Mademoiselle Mylarka. Si vous nous le permettez, nous aimerions utiliser ce manoir comme logement pour des clients, » répondis-je.
Béatrice avait l’air surprise et n’avait pas répondu pendant un certain temps.
Des larmes avaient coulé dans ses yeux et elles tombèrent en silence. Malgré sa nature incorporelle, elles étaient réelles. Elle avait dû s’imaginer qu’elle allait continuer à attendre ceux qui l’avaient abandonnée pour toujours.
Je ne pouvais même pas imaginer comment elle se sentait ou à quel point elle se sentait seule.
« Voulez-vous vraiment faire ça pour quelqu’un qui n’a fait que causer des ennuis aux autres ? » demanda Béatrice.
Yuma s’avança et se tint devant elle. Une aura purifiante enveloppait son corps à tout moment, mais la Reine des Spectres n’allait pas être en danger. « J’ai bien compris combien vous aviez envie de revoir votre maître. Il n’est pas encore temps que votre âme soit appelée au Ciel. »
« Ah... Aaah... ! » Béatrice était alors tombée à genoux, les mains cachant son visage, alors que les sentiments incommensurables qu’elle avait réprimés pendant si longtemps l’assaillaient. L’autre fille s’était agenouillée et l’avait enlacée.
Une prêtresse réconfortait une Reine des Spectres... Voir une scène aussi rare m’avait fait croire que la venue d’Yuma avait été la bonne chose à faire.
Comment aurais-je pu savoir qu’à l’intérieur de ces murs se cachait un tel secret ?
Même la raison de la présence de fantômes dépassait mes attentes.
Béatrice avait pleuré un moment, et après avoir réussi à se calmer, elle s’était redressée.
« Pardonnez-moi de vous montrer une apparence aussi honteuse. Je n’avais pas l’intention de pleurer devant vous…, » déclara Béatrice.
« Pleurer consomme votre pouvoir magique, n’est-ce pas ? Est-ce que ça va ? Vous avez l’air plus pâle, » demanda Yuma.
« Je sais que je ne suis pas en position de vous le demander, mais pourriez-vous me donner de l’énergie ? J’ai peur que la prochaine aube soit ma dernière, » déclara Béatrice.
Mylarka détestait ce sentiment, Aileen avait dit qu’il faisait froid, et le fait de drainer directement le pouvoir sacré d’Yuma aurait pu être fatal pour Béatrice.
J’étais le seul choix... ou plutôt, Aileen pouvait aussi le faire, mais elle me regardait déjà avec le pouce levé.
« Sebas peut même utiliser la magie de guérison, il a beaucoup d’énergie. Je suppose que ça ne lui ferait pas de mal de vous en prêter, » déclara Aileen.
« En tant que camarade, j’adorerais vous donner de la mienne, mais... désolée, je déteste ce sentiment de froid, » déclara Mylarka.
« J’apprécie l’idée. Puis-je avoir un peu de l’énergie de Monsieur Sebas, s’il est d’accord ? » demanda Béatrice.
Ça veut dire qu’elle allait juste me toucher, n’est-ce pas ?
Ce n’était pas un problème en soi vu que je pouvais récupérer cette petite quantité en une seule journée.
« D’accord. N’hésitez pas à venir vous-même vous servir, » dis-je.
« ... Dans ce cas, je viendrais vous voir plus tard. Avant ça, je dois aller me préparer, » sa silhouette avait commencé à s’estomper alors que je me demandais ce qu’elle voulait dire par là.
« Super ! Affaire classée. Je vais me coucher, » déclara Aileen.
« Eh, les filles, voulez-vous discuter dans notre chambre ? Maintenant qu’Yuma va mieux et tout…, » demanda Mylarka.
« Oui, j’adorerais. Sebas, prenez bien soin de Béatrice, » déclara Yuma.
Elles avaient quitté le grenier et étaient retournées dans la chambre où elles logeaient toutes.
J’avais regardé autour de moi et je n’avais vu qu’un bureau, des étagères et une lanterne.
J’avais bien deviné que les morts-vivants n’avaient pas besoin de dormir. J’avais ensuite fermé la porte et j’avais commencé à suivre les filles.
☆☆☆
Après avoir enlevé mon masque et pris un bain, je m’étais détendu dans ma chambre.
Cette longue journée était enfin terminée. Il ne me restait plus qu’à laisser Béatrice prendre une partie de mon énergie magique.
Elle se serait montrée une fois préparée, mais qu’est-ce qu’elle voulait dire par là ? J’avais bu du vin en y pensant, puis je m’étais jeté sur le lit.
Je ne pouvais sentir personne d’autre à proximité.
Comme la porte était fermée, je me demandais si Béatrice allait entrer par un mur, alors j’avais levé le haut de mon corps.
Puis, mon esprit s’était vidé.
Éclairée par la faible lumière de la lanterne, Béatrice se tenait devant moi tout en serrant son corps avec ses bras. Elle ne portait plus sa robe noire. Même si sa coiffure était la même, le négligé qu’elle portait était encore plus mince que celui de Mylarka.
« M-Madame Béatrice, qu’est ce que c’est que ces vêtements ? Si vous ne portez pas quelque chose par-dessus... ! » commençais-je en la regardant.
Elle avait souri et avait cligné un œil. Même si elle pouvait probablement flotter, elle s’était rapprochée en marchant, et au moment où elle avait éloigné ses bras de sa poitrine, j’avais réussi à voir son corps sous le tissu mince. Il avait la même couleur que celle d’un humain.
« C’est la première fois que je fais ça avec un homme, donc... puisque vous êtes un gentleman, Sebas... Non, Maître de guilde, j’ai pensé qu’en tant que Reine des Spectres, je devais être préparée correctement, » déclara Béatrice.
Elle connaissait ma véritable identité... Je pouvais arrêter de faire semblant d’être un majordome, alors je m’étais préparé au pire et j’étais retourné à mon état normal.
« Donc, tu m’as regardé depuis le début... et tu as joué avec ça ? » demandai-je.
Elle avait souri de nouveau et avait rougi face à mon changement de ton. Il s’agissait d’une morte vivante, mais en voyant ses gestes chaleureux, j’avais pensé qu’il y avait encore beaucoup de choses que nous ne savions pas sur eux.
« Je sais que tu ne voulais pas que les filles... ou plutôt, qu’Yuma soit au courant de ta véritable identité. Les deux autres savent déjà qui tu es, » déclara Béatrice.
« ... Je suis le Maître de la Guilde du Verseau d’Argent. Yuma ne se sentait pas bien, alors je voulais l’aider à sortir du marasme, » expliquai-je.
« Je pense qu’elle finira par le découvrir. Ne penses-tu pas qu’elle serait heureuse de le savoir ? » demanda Béatrice.
« Je ne veux pas... mais tu as sûrement raison. Je veux que cet endroit serve d’installation de loisirs pour ma guilde, et je veux également inviter Yuma à nouveau à l’avenir... Ce serait bizarre d’agir comme majordome quand elle est là, donc je devrai lui dire la vérité tôt ou tard, » avouai-je.
« Ce serait un gâchis de ne plus jamais te voir comme un majordome masqué. Je trouve que cela te va très bien. » Tout en disant cela, elle avait pris le masque que j’avais mis sur la table de chevet et avait essayé de le porter...
C’était comme si elle jouait avec moi.
Après l’avoir remis à sa place, elle s’était dirigée vers moi, puis elle m’avait tendu la main.
« Toujours... Je ne me lasserai pas de te voir sans lui, » déclara-t-elle.
« Je ne pense pas que ce soit le cas. Mes camarades sont bien plus belles que moi, » répondis-je.
« Tout le monde s’intéresse à quelqu’un. Par exemple, j’aime ton visage, Queue, » murmura-t-elle en me regardant.
« Je pensais à la façon dont tu allais drainer mon énergie... Tu n’agiras pas comme un succube, n’est-ce pas ? » demandai-je.
Elle n’avait pas répondu alors qu’elle s’était approchée, puis ses mains s’étaient posées sur mes vêtements de nuit et avaient commencé à détacher les boutons.
« ... Ça te dérangerait-il de répondre à ma question ? » demandai-je.
« Je ne te toucherai qu’aujourd’hui. Tu ne ressentiras aucune douleur, mais... si je n’utilise que mes paumes, cela prendra beaucoup trop de temps..., » murmura-t-elle.
« Il y a beaucoup de choses que tu peux toucher, mais... es-tu sûre de vouloir le faire ? Nous venons juste de nous rencontrer, » demandai-je.
Je commençais clairement à imaginer ce qu’elle allait faire.
Elle était déjà à mon troisième bouton quand elle avait touché le ruban présent sur sa poitrine.
Si elle l’avait tirée jusqu’au bout, je l’aurais probablement vue toute nue.
« Même si je suis une Reine des Spectres, passer chaque nuit des dix dernières années seule dans un manoir où les fantômes se rassemblent m’a fait me sentir tellement seule..., » déclara Béatrice.
« ... je vois. Alors, je n’ai pas d’autre choix, » répondis-je.
À ce moment-là, j’avais compris mon erreur stupide réalisée bien avant ça.
Je pensais que puisqu’elle n’avait pas de corps tangible, elle n’aurait pas voulu coucher avec moi, mais j’avais vite constaté que j’avais tort.
Mais maintenant, il était trop tard.
Je lui avais déjà donné la permission de le faire par elle-même, et je ne pouvais pas revenir en arrière. Je n’allais certainement pas revenir sur ma promesse. J’étais quand même une personne qui respecte ça.
Elle avait détaché le ruban avec un mouvement doux. Son déshabillé s’ouvrit et révéla son corps blanc, presque transparent, qui était maintenant presque complètement nu.
« J’aimerais que tu partages ton énergie avec moi pendant toute la nuit. Puisque nous n’avons pas d’arrières pensés, les autres n’y verront pas d’inconvénient, » elle avait déclaré ça nonchalamment et avait ensuite levé les mains pour défaire sa coiffure.
« Tu n’as pas besoin de l’enlever maintenant. Faisons ça plus tard, au cas où..., » dis-je.
« ... D’accord. Si c’est ce que tu veux, Maître Queue..., » me répondit-elle.
Comment pouvait-elle m’appeler avec un tel respect alors que je venais de lui dire cela sur un ton aussi suppliant ?
Quand un homme avait l’impression que l’autre partie écoutera tout ce qu’il dirait, il n’y avait aucune chance de l’arrêter. Je ne faisais pas exception, mais en pensant aux trois filles qui dormaient sous ce même toit, j’avais pu à peine garder mon sens du devoir.
« On va juste dormir ensemble, d’accord ? Et tu prendras mon énergie, n’est-ce pas ? » demandai-je.
« Oui. Je n’ai besoin que de te toucher, mais un autre pas pourrait être nécessaire..., » répondit Béatrice.
« On va vraiment le faire ? Je plaisante, c’est tout. Ce n’est pas comme si je ne pouvais pas... ! » commençai-je.
Au moment où j’avais essayé de plaisanter pour retrouver un peu de sang-froid, elle avait glissé ses doigts derrière mon cou.
« Viens-tu de le faire ? » demandai-je.
Elle avait hoché la tête et avait porté ses doigts à sa bouche. « Mhhhh... C’est si doux. Mais cela ne suffira pas à soutenir mon corps… »
« Je vois... on ne peut pas faire autrement. Prends donc tout ce dont tu as besoin, » déclarai-je.
« Ne t’inquiète pas de ça, nous avons encore beaucoup de temps avant l’aube, » me répondit Béatrice.
« Avant l’aube... ? N’est-ce pas un peu trop ? » demandai-je.
Elle n’avait pas répondu, même s’il s’agissait d’une question importante.
Cette fois, ses mains étaient passées de mon cou à ma clavicule et avaient commencé à détacher d’autres boutons.
« Je le savais depuis le début, même si tu l’as caché sous tes vêtements... Tu as le corps le plus travaillé parmi tes camarades…, » murmura-t-elle.
« Je ne suis qu’un ivrogne, je néglige ma santé et j’ai même arrêté de m’entraîner, » répondis-je.
Même si j’aimais la sensation agréable d’être pompette, j’éliminais toujours les toxines de l’alcool, donc je n’avais pas de ventre de bière, mais mon travail quotidien n’était pas suffisant pour forger mon corps comme ça.
Habituellement, je lance la magie de soutien sur moi-même pour que mes muscles soient toujours dans de bonnes conditions, et cela même lorsque j’étais assis sans rien faire au comptoir. Pour quelqu’un comme moi qui avait tendance à tout trouver gênant, prendre la chance d’apprendre la magie de soutien quand j’étais encore enfant était un don du ciel.
« ... Dois-je totalement me déshabiller ? » demandai-je.
« Plus nos corps se touchent, mieux cela sera…, » répondis-elle.
Vu ce que j’avais déclaré avant, j’avais décidé de ne plus rien dire.
Elle s’était penchée et s’était pressée contre moi.
Même si elle pouvait passer à travers des objets, je pouvais clairement sentir son contact... et c’était chaud. Peut-être qu’il faisait froid seulement quand les morts vivants drainaient l’énergie par la force.
Je pouvais presque sentir ses battements de cœur. Quelque deux choses de doux à peu près de la taille d’une main étaient pressées contre ma poitrine. Elle avait presque l’air humaine.
« Donc, les Reines des Spectres ont des corps tangibles... il y a beaucoup à savoir sur ta race, » déclarai-je.
« Quand je recharge mon pouvoir magique, je peux garder cette forme. Je suis sûre que tu penses que les morts-vivants n’ont pas de corps chauds, mais il est possible de régler notre température selon nos désirs... Maître Queue, tu es si chaleureux..., » murmura-t-elle à mon oreille.
« Ne pouvais-tu pas dire ça à Mylarka ? Elle déteste ce sentiment de froid, » demandai-je.
« Quelle est ta relation avec elle ? Tu devrais avoir approfondi tes liens avec elle en tant que membres du groupe, mais... tu n’avais pas l’air si proche que ça, » déclara Béatrice.
« Je me fâcherai si tu mets ton nez là où il n’a rien à faire. Et bien, nous sommes juste amis... Pourquoi as-tu l’air si heureuse d’un coup ? » demandai-je en la voyant afficher d’un coup un large sourire coquin.
« Hehe... c’est une affaire personnelle, donc je vais garder ça secret, » me répondit-elle d’une manière coquette.
Je voulais vraiment aider la jeune femme qui ne voulait pas être convoquée, celle qui était liée à ce manoir et qui était maintenant couchée sur mon corps, mais je me demandais comment les événements avaient pu me conduire jusque là.
Pendant que je fouillais mon esprit à la recherche d’une réponse, je priais pour que l’aube lointaine brise bientôt cette nuit sans fin.
Merci pour le chapitre
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Merci pour le chapitre 🙂