Chapitre 5 : Peser la Nostalgie face au Futur
Table des matières
- Chapitre 5 : Peser la Nostalgie face au Futur – Partie 1
- Chapitre 5 : Peser la Nostalgie face au Futur – Partie 2
- Chapitre 5 : Peser la Nostalgie face au Futur – Partie 3
- Chapitre 5 : Peser la Nostalgie face au Futur – Partie 4
- Chapitre 5 : Peser la Nostalgie face au Futur – Partie 5
- Chapitre 5 : Peser la Nostalgie face au Futur – Partie 6
- Chapitre 5 : Peser la Nostalgie face au Futur – Partie 7
- Chapitre 5 : Peser la Nostalgie face au Futur – Partie 8
- Chapitre 5 : Peser la Nostalgie face au Futur – Partie 9
- Chapitre 5 : Peser la Nostalgie face au Futur – Partie 10
- Chapitre 5 : Peser la Nostalgie face au Futur – Partie 11
- Chapitre 5 : Peser la Nostalgie face au Futur – Partie 12
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Chapitre 5 : Peser la Nostalgie face au Futur
Partie 1
— Au milieu du 12e mois de l’année 1546 du Calendrier Continental.
La capitale royale était entièrement enveloppée dans une ambiance hivernale, et il y avait eu suffisamment de jours froids d’affilée pour que la neige commence à tomber. Il s’agissait d’un matin où je ne voulais pas vraiment sortir de sous mes couvertures chaudes.
« Aujourd’hui, j’ai des affaires importantes à faire dans la ville du château..., » j’avais dit ça, en soulevant le sujet tout en mangeant comme d’habitude un petit déjeuner avec mes quatre fiancées. « Ça m’aiderait si une femme venait avec moi. L’une d’entre vous est-elle intéressée ? »
« Est-ce que c’est pour le travail ? Il ne me semble pas que vous partez là-bas afin de jouer, » Liscia avait demandé ça en tant que représentante du groupe. Ce à quoi j’avais hoché la tête avec un sourire ironique.
« Malheureusement, c’est bien ça. Cette fois-ci, il s’agit d’une affaire importante, donc je dois m’en charger personnellement. »
« Je vois... je peux venir. Qu’en pensez-vous, les autres ? » demanda Liscia, posant cette question aux trois autres filles. C’était comme si elle avait déjà la dignité d’une Première Reine, réunissant toutes les autres sous elle.
Roroa fut la première à lever les bras au-dessus de sa tête en faisant un X. « Malheureusement, je crains que tu ne doives pas compter sur moi. Mon Chéri m’a déjà demandé de négocier avec la guilde des marchands. »
« Voulez-vous parler du fait de transformer les marchands d’esclaves en fonctionnaire ? » demanda Liscia.
« C’est bien ça. Chéri a déjà fait des marchands de métaux usagés des fonctionnaires et les fait travailler dans l’industrie du recyclage, ou quelque chose comme ça. Mais cette fois, ça ne va pas se faire si facilement... Les marchands de métaux usagés étaient comme des ramasseurs de déchets, donc ils ne faisaient pas partie d’une guilde. D’un autre côté, les marchands d’esclaves, bien qu’ils puissent être méprisés, sont des membres agréés d’une guilde. Si nous les retirons de la guilde et les mettons sous le contrôle de l’État, cela crée effectivement un monopole sur les esclaves. »
Roroa avait ramassé la salière alors qu’elle disait ça, puis elle avait continué. « Si c’était du métal ou du sel, il y aurait un précédent, mais je n’ai jamais entendu parler de quelqu’un qui créerait un monopole sur les esclaves avant aujourd’hui. Les esclaves ne sont pas quelque chose que vous produisez localement pour la consommation locale. Naturellement, ils viennent aussi d’autres pays. Si nous nationalisons la traite des esclaves, nous devrons également arrêter les flux provenant d’autres pays. En tant que fonctionnaires, leur salaire sera stable, mais ils ne feront jamais de l’argent en un tour de main. C’est pourquoi les marchands d’esclaves qui veulent avoir le gros lot iront dans d’autres pays. Il y aura aussi un peu de mécontentement. »
« Je suis prêt à accepter un peu de mécontentement à ce sujet, » dis-je.
Je me sentais bien avec les condamnés à des travaux forcés, mais je voulais mettre un terme à l’époque où les femmes et les enfants étaient vendus afin d’avoir moins de bouches à nourrir, et où l’on tenait pour acquis que l’enfant d’un esclave était aussi un esclave. Ce n’était pas seulement d’un point de vue humanitaire, c’était aussi pour rendre ce pays plus prospère dans son ensemble.
Cependant, Roroa, qui avait été chargée des négociations, avait un regard sombre sur son visage. « Chéri, je suis sûre que ton objectif est de réduire le système d’esclavage... mais je ne suis pas sûre qu’il y ait assez d’esclaves condamnés et d’esclaves économiques dans ce seul pays pour répondre à la demande. C’est un vrai problème. »
« Est-ce que ça va être trop difficile ? » demandai-je.
Roroa secoua la tête. « Je vais le faire. Car après tout, je veux voir ce monde sans esclavage dont tu m’as parlé. Un monde où toutes les personnes gagnent de l’argent, où tout le monde utilise l’argent, et tout le monde fait tourner l’économie... C’est le monde que je veux voir. »
J’avais un peu raconté à l’astucieuse Roroa l’histoire économique de mon monde. Je lui avais parlé de cette ère de révolution technologique où les marchandises avaient commencé à être produites en masse. Il y avait eu une demande du marché pour vendre ces produits, et donc il y avait eu un mouvement vers la libération des esclaves qui ne détenaient aucun actif afin de créer ce marché.
Naturellement, je savais qu’il y avait des personnes qui avaient combattu sous l’idéologie que toutes les personnes devraient avoir des droits égaux. Je ne pouvais pas nier le travail acharné des esclaves qui s’étaient battus pour gagner leur propre liberté, ou les efforts de ceux qui avaient souhaité qu’ils soient libres. Cependant, avec n’importe quel système, cela revenait toujours à savoir si ce système convenait ou non à l’époque où il existait.
La guerre entre le Nord et le Sud des États-Unis avait été qualifiée de guerre d’émancipation, mais c’était plutôt le Nord qui avait défendu l’idéal de libérer les esclaves afin d’obtenir un soutien contre les forces du Sud, qui comprenaient de nombreuses plantations. Ce qui avait autrefois été considéré comme un idéal impraticable avait été accompli au moment où cela s’alignait sur les faits de la situation.
Inversement, quel que soit l’idéal, si ce n’était pas dans l’air du temps, il sera foulé aux pieds.
En fin de compte, c’était une question liée à l’époque où nous vivons. Je voulais dire par là que même quand l’esclavage avait pris fin, nous aurions un conflit entre la classe capitaliste et les ouvriers qui nous attendaient dans la prochaine ère. Cependant, dans l’histoire que je lui avais racontée, Roroa semblait voir une nouvelle frontière.
« Ceci pourrait être un peu dur à tout faire, mais si nous évoluons ensemble avec l’Empire, cela peut être fait, » déclara-t-elle. « Si la moitié du territoire dirigé par l’humanité sur ce continent se déplace pour réduire l’esclavage, il sera difficile de nous repousser. Puis, quand il y aura une pénurie de main-d’œuvre, bien que cela inverse la cause et l’effet de ton histoire, mon Chéri, la technologie va devoir avancer pour combler le vide. »
« Je sais, » dis-je. « J’ai tout un chemin à parcourir pour en arriver là. Vous pouvez me laisser me charger de ça. »
« Je comptais bien sur ça, » déclara Roroa. « Parce que je vais faire ce que je peux de mon côté. »
J’avais hoché la tête. « Je compte sur vous. »
« Mwahaha. Dis-le encore, » déclara Roroa en riant.
Roroa et moi avions fermement bloqué nos bras ensemble. Je comptais vraiment sur Roroa pour gérer le front économique.
Maintenant, si Roroa ne pouvait pas le faire aujourd’hui, qu’en est-il d’Aisha ou de Juna ?
« Je suis désolée de devoir le dire, mais j’ai une réunion pour notre prochain programme de musique, donc je ne serai pas en mesure de vous accompagner, » déclara Juna.
« O-On m’a demandé de rejoindre les nouvelles recrues pour l’entraînement... » dit Aisha. « Bien sûr, si vous insistez, Sire, je vais mettre de côté mes engagements antérieurs pour être avec vous. »
« Non, je ne vais pas insister, » dis-je. « Hm... Enfin bon... »
Je ne veux pas vraiment emmener cette fois-ci une grande partie de mon entourage. Si j’avais beaucoup de monde avec moi, je mettrais l’autre partie sur ces gardes. Bien que, cela dit, je ne me sentais pas entièrement en sécurité sans gardes du corps. Je veux dire, Liscia allait après tout être avec moi.
Bien que Liscia ait plus de prouesses au combat que la garde moyenne, pensai-je.
Les Chats Noirs traitaient actuellement des opérations clandestines dans beaucoup d’autres pays, donc ils ne pouvaient probablement pas m’allouer du monde pour me servir de gardes. Si possible, j’avais voulu soit Aisha, qui avait la plus grande force de combat individuelle, soit Juna, qui pouvait aussi recueillir des renseignements, pour nous accompagner. Alors que je pensais à ça...
« Votre Majesté, pourrais-je faire une suggestion ? » La femme de chambre Serina, qui se tenait prête près du mur, avait fait une élégante révérence.
« Serina ? Avez-vous une opinion à ce sujet ? » demandai-je.
« Oui. Si vous cherchez un garde, il y a un individu que je pourrais vous recommander, » déclara Serina.
« Qui cela pourrait-il être ? » demandai-je.
« L’entraîneur personnel de Votre Majesté, Sire Owen, » répondit Serina.
« Arg... Le vieil Homme Owen, heu..., » murmurai-je.
Elle faisait référence au vieux général et chef de la Maison de Jabana, Owen Jabana. Il s’agissait d’un vieil homme cordial dont la personnalité était sérieuse et honnête au point d’être excessivement passionné. J’avais immédiatement aimé sa volonté d’exprimer une opinion et je l’avais pris comme conseiller et éducateur.
C’est vrai, il est un guerrier capable, et étant donné son poste, il n’aurait pas grand-chose à faire pendant que je serais parti, pensai-je. Il est toujours bruyant, et donc, je ne pense pas qu’il soit apte à sortir discrètement.
Alors que je considérais l’idée, Serina avait continué. « Vous devriez aussi prendre Carla de l’Unité des Femmes de Chambre avec vous. »
« Hein ?! Moi !? » Carla, qui se tenait à côté de Serina, avait crié due à la surprise.
« Carla est enrôlée dans l’Unité des Femmes de Chambre, mais elle est également l’esclave de Votre Majesté, » déclara Serina. « Parfois, dans ce genre de cas, vous devriez vraiment l’utiliser comme votre bouclier de ch... traitez-là comme un cheval. »
« Étiez-vous sur le point de dire bouclier de chair ? » protesta Carla. « Attendez ! Même maintenant que vous l’avez corrigée vers le cheval, c’est encore assez mauvais ! »
Serina l’avait alors fouettée avec la cravache de formation des femmes de chambre.
« Ah ! Oui, Madame ! Je vais servir avec sincérité et dévouement ! » Carla salua précipitamment.
Elle a été complètement brisée, hein...
« En tout cas, Carla, je compte sur vous, » dis-je.
« C-Compris, Maître, » dit-elle.
Donc, pour l’instant, il avait été décidé que quatre personnes, Liscia, Owen, Carla et moi irions à la ville du château tous ensemble.
Je me sentais déjà épuisé après avoir uniquement pris cette décision.
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Partie 2
Et ainsi, nous étions allés à la ville du château de Parnam.
Liscia, Owen, Carla et moi nous nous promenions dans la rue commerçante au milieu de la journée. Parce que nous étions là en secret, nous voyagions à pied et non en calèche.
« Gahaha! » Owen riait. « Je suis heureux que vous me choisissiez comme votre garde du corps, votre... »
« Tssss ! Owen... Combien de fois dois-je vous dire de ne pas m’appeler Votre Majesté au milieu de la ville comme ça ? » protestai-je.
« Oh, toutes mes excuses, » répondit-il.
La façon dont Owen avait ri sans avoir l’air le moins du monde coupable m’avait fait avoir mal à la tête. Owen semblait être de bonne humeur après avoir été choisi comme garde du corps, alors il était encore plus énergique que d’habitude.
« Cette fois, nous sommes ici en secret... alors, s’il vous plaît, je vous en supplie..., » dis-je.
« Mais bien sûr, je suis bien conscient de cela, » explosa Owen.
Était-il vraiment ? Pour un groupe qui essayait d’être discret, nous nous étions démarqués d’une manière vraiment étonnante.
Il y avait moi qui portais les vêtements du voyageur de style Kitakaze Kozou qui était devenu ma tenue préférée quand je devais aller incognito. Il y avait Liscia portant l’uniforme d’étudiante qu’elle avait revêtu quand nous étions allés ensemble dans la ville du château, il y avait en plus Carla, la dragonewt, dans une tenue de femme de chambre et un vieil homme macho dans une armure légère portés par des aventuriers. Nous marchions tous ensemble. Pourrions-nous faire un ensemble plus dépareillé que ça ? Je ne pouvais pas reprocher aux passants de tourner la tête pour nous regarder chaque fois que nous avancions.
« Même un groupe d’aventuriers hâtivement rassemblés ressemblerait plus à un groupe unifié que nous..., » murmurai-je.
« Si vous aviez porté un uniforme d’étudiant comme la dernière fois, cela n’aurait-il pas mieux fonctionné ? » demanda Liscia. « Ce n’est pas comme si Sire Owen ne pouvait pas se faire passer pour un professeur dans sa tenue. »
« Du même coup, si vous vous étiez habillée comme une aventurière, nous aurions pu ressembler à un groupe d’aventuriers, » dis-je.
Pendant que nous nous disputions, nous avions tous les deux regardé la servante dragonne se tenant derrière nous.
« Qu-Quoi !? Pourquoi êtes-vous tous les deux en train de me regarder ? » cria Carla.
« De toute façon, Carla allait se démarquer, Hmm..., » acquiesça Liscia.
« Tout à fait. Je veux dire qu’après tout, elle porte cette robe de femme de chambre très révélatrice, » dis-je.
« Elle serait hors de propos, peu importe comment nous nous habillons, » déclara Liscia.
« N’êtes-vous pas terriblement méchant en sachant que je ne porte pas ça par choix ? » Carla protesta bruyamment, mais... c’est quand même une robe de femme de chambre.
Bien sûr, nous avions proposé qu’elle se change pour porter quelque chose d’autre, mais Serina n’avait pas voulu en entendre parler. L’uniforme de femme de chambre de Carla n’était pas le type classique avec une jupe longue, il s’agissait d’un type de robe à froufrous (ou, pour aller un peu plus loin, une tenue pour les filles dans les Cafés Maid). Serina était totalement une sadique quand on pense au fait qu’elle l’oblige à marcher ainsi dans la ville. Carla était rouge de honte depuis qu’elle était avec nous...
« À ce propos, Votre... Sire Kazuya, est-ce vraiment la route que vous voulez prendre ? » Owen avait demandé ça en étant quelque peu confus.
« Hm ? Oui, c’est bien par ici... Pourquoi cette question ? » demandai-je.
« Eh bien, c’est juste que... si je me souviens bien, ce chemin conduit à..., » commença-t-il.
« Ah ! ... C’est vrai, » Liscia semblait avoir aussi réalisé quelque chose, mais ne semblait pas vouloir le dire. « Si nous continuons sur cette route... »
... Oh, c’est ce que c’est, pensai-je. « Si nous continuons, nous irons dans les vieux bidonvilles, n’est-ce pas ? »
« Tout à fait, » répondit Owen. « Ce n’est pas un endroit où je voudrais vous emmener tous les deux. »
Même dans la capitale royale Parnam, il y avait un côté sombre. En raison de la grande population, il y avait ceux qui avaient réussi dans les affaires, ceux qui avaient gagné un bénéfice moyen, et ceux qui avaient échoué. Les bidonvilles étaient un endroit où ceux qui avaient échoué, mais qui n’étaient pas tombés assez loin pour devenir des esclaves dérivaient et travaillaient pour leur salaire journalier.
Beaucoup de maisons étaient de simples cabanes. Ces zones étaient insalubres et sujettes aux épidémies. Les personnes qui s’étaient rassemblées ici étaient d’origine douteuse, et le taux de criminalité était élevé.
De toute façon, c’était le genre d’endroit où il était.
« C’est déjà de l’histoire ancienne, » dis-je.
« Est-ce que cela a changé ? » demanda Liscia.
« Ce serait plus rapide de vous le montrer. Je veux dire par là que quand je réfléchissais à ce que je ferais dans l’avenir avec ces bidonvilles..., » j’avais fait un geste comme si j’avais quelque chose comme un tuyau dans mes mains pendant que je parlais. « ... J’ai rencontré quelqu’un qui était étrangement enthousiaste, en train de dire : “La saleté sera stérilisée !” »
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Partie 3
Quand nous étions arrivés dans l’ancien bidonville...
« Hein !? » Liscia pencha la tête sur le côté, en pleine confusion.
« Hein !? » Owen avait fait de même.
Quand elle avait vu leurs réactions, Carla l’avait aussi fait. « Y a-t-il quelque chose d’étrange ici, Liscia ? »
Même après que Carla avait perdu sa liberté et qu’elle était devenue une esclave, Liscia l’avait forcé à continuer à lui parler comme avant. Elles étaient toujours de bonnes amies. Ce serait un problème si cela se passait en public, mais je n’allais pas dire à Liscia comment se comporter en privé.
Toujours avec un regard vide présent sur son visage, Liscia avait répondu à Carla. « Hein !? ... Oh, c’est vrai. Je n’ai jamais été dans les bidonvilles avant, mais je suis surprise de voir à quel point c’est différent de tout ce que j’en avais entendu parler. »
« Qu’as-tu entendu ? » demanda Carla.
« Que c’était un endroit sombre, humide et moisi avec un ordre public déficient ! J’ai entendu la même chose, » expliqua Owen.
Il avait raison. Les bidonvilles avaient été comme ça auparavant.
« Tu sais, c’est vrai qu’ils n’ont pas l’air très luxueux, mais l’endroit me semble plutôt propre, n’est-ce pas ? » déclara Carla.
Ce que nous avions devant nous était une vue où des maisons qui ressemblaient à des blocs blancs de tofu étaient alignées. Pour le dire en termes compréhensibles par un public moderne, imaginez le type de maisons temporaires qui était installé dans une zone touchée par un tremblement de terre. Alors qu’elles étaient spartiates, il avait beaucoup de soleil et c’était bien lumineux. Elles étaient également bien ventilées, donc elles n’étaient pas trempées ou moisies. Certes, elles pourraient même devenir un peu trop sèches en hiver. Mais même ainsi, quand nous avions vu des enfants qui étaient par terre et qui jouaient, il était difficile d’imaginer que l’ordre public soit mauvais ici.
« Est-ce vraiment les bidonvilles ? » demanda Liscia.
« Tout à fait. Ça va beaucoup mieux ainsi, n’est-ce pas ? » avais-je répondu, gonflant fièrement ma poitrine. « Quand je parlais du problème de l’assainissement dans la ville, j’ai travaillé dur pour que tout soit correct ici. »
« Le problème de l’assainissement ? » demanda Liscia. « Si je me souviens bien, vous l’avez mentionné que lorsque vous aviez interdit aux chariots d’emprunter toutes les routes, sauf les plus grandes, et lorsque vous avez aménagé le réseau d’aqueduc et d’égout, n’est-ce pas ? Est-ce que restructurer ces bidonvilles en faisaient également partie ? »
« Je suis content de vous voir vous souvenir de ça, » dis-je. « Tout à fait. Il est facile pour les bactéries pathogènes de prospérer dans des endroits sombres, humides et mal ventilés. En plus de cela, étant un bidonville, les résidents ne reçoivent pas une nutrition adéquate, donc il est plus facile pour eux de tomber malade. Si une épidémie avait commencé ici, cela aurait été un terrain fertile pour qu’elle s’y propage rapidement. »
« Bactéries pathogènes... J’ai l’impression d’avoir entendu ce mot auparavant, » déclara Liscia.
Elle et les autres me regardaient avec des visages qui semblaient dire. « C’est quoi ? Sont-ils savoureux ? »
« Hein !? Ne l’ai-je pas expliqué la dernière fois ? » demandai-je.
Ah ! En y repensant, j’ai utilisé le mot en parlant des bassins de sédimentation, mais je ne l’ai pas expliqué en détail, pensai-je. Dans ce cas... Je suppose que je dois commencer par expliquer comment les gens tombent malades.
« Eh bien..., » commençai-je. « Dans ce monde, il y a des petites créatures trop petites à voir pour l’œil, et elles existent en un nombre beaucoup trop grand pour pouvoir les compter, et elles sont dans l’air, le sol, dans nos corps — partout où vous pouvez l’imaginer. Ces minuscules créatures font pourrir les choses et causer des maladies. D’un autre côté, ils provoquent également la fermentation des aliments, et certains ont des effets positifs. »
En utilisant ma maigre connaissance de la science (souvenez-vous que j’étais un étudiant en sciences humaines), j’avais expliqué aux autres, dont Liscia ce que c’était que les bactéries et les micro-organismes. Je n’avais pas l’impression que tout allait bien, mais pour Liscia, qui savait que mes connaissances pouvaient être très en avance sur les universités de ce pays, elle semblait satisfaite que « Si Souma dit que ces créatures existent, alors elles existent probablement. »
L’étude de la médecine et de l’hygiène n’était pas particulièrement développée dans ce monde. Le facteur important quant à ce déficit était probablement l’existence de la magie blanche. La magie blanche augmentait la capacité du corps à guérir, lui permettant même de guérir des blessures graves. Elle pourrait même réattacher les membres coupés si elle était rapidement administrée.
Il semble que, à cause de cela, l’étude de la médecine et de l’hygiène n'avait pas été effectuée dans ce monde. C’est pourquoi, dans ce monde, il y avait très peu de personnes qui connaissaient l’existence des bactéries et des micro-organismes.
La magie blanche activait seulement la capacité naturelle du corps à se guérir, de sorte qu’elle avait le défaut de ne pas pouvoir guérir les maladies infectieuses ou les blessures des personnes âgées dont la capacité naturelle à guérir était diminuée. À cause de cela, jusqu’à tout récemment, l’utilisation de médicaments douteux et de remèdes populaires encore plus douteux avait été endémique quand il en était venu au traitement des maladies infectieuses. Quand j’avais abordé la question de l’hygiène, je pensais que quelque chose devait être fait à propos de cette situation problématique.
Mais avant que je puisse le faire, j’avais d’abord besoin que les personnes prennent conscience de l’existence de bactéries et de micro-organismes qu’elles ne pouvaient pas voir.
« Mais comment les personnes peuvent-elles être conscientes de quelque chose qu’elles ne peuvent pas voir ? » demanda Liscia.
« Dans ce monde, il y a des personnes qui connaissent les bactéries et les micro-organismes... ou plutôt, une race qui l’a fait, » dis-je. « Quand cette race se concentre sur leur “troisième œil”, ils peuvent voir des micro-organismes que vous ne pourriez normalement pas voir. J’ai donc demandé leur aide. »
« Un troisième œil... Voulez-vous dire la race aux trois yeux ? » demanda Liscia. Face à cela, j’avais hoché la tête.
La race aux trois yeux. C’était une race qui, comme on pouvait s’y attendre en raison de leur nom, avait trois yeux.
Ils vivaient dans les terres chaudes du nord du royaume. Leur trait distinctif était que, en plus des yeux standard gauche et droit, ils avaient aussi un troisième œil légèrement plus haut au milieu de leur front. Ce serait bien de les imaginer ressemblants à Ten Shin Han [1] ou à Hosuke Sharaku [2], mais ce n’était pas vraiment un globe oculaire comme ça. Cet œil était petit et rouge. En un coup d’œil, on aurait dit qu’une gemme y était intégrée.
Liscia laissa échapper un soupir. « Je suis étonnée qu’ils aient accepté d’aider. J’ai entendu dire que leur race déteste avoir des contacts avec des étrangers. »
« Il semblerait que la raison de leur xénophobie provient en fait de ce troisième œil, » déclarai-je.
Les trois yeux pourraient voir des choses que d’autres races ne pouvaient pas. Il semblait que c’était la raison pour laquelle ils avaient fini par rejeter les étrangers. Les trois yeux pourraient dire si quelqu’un avait une bonne hygiène ou pas en un coup d’œil. Cela en avait fait des monstres naturels, et ils avaient commencé à éviter autant que possible le contact avec d’autres races.
En plus de cela, avec ce troisième œil, les trois yeux avaient appris l’existence de bactéries. Ils savaient qu’elles étaient la cause de maladies qui ne pouvaient pas être traitées avec la magie blanche. Cependant, peu importe à quel point les trois yeux insistaient, les autres races qui ne pouvaient pas voir les bactéries ne les croiraient pas. Dans un monde rempli de superstitions, même s’ils avaient dit la vérité, il pourrait sembler qu’ils essayaient de jeter le monde dans le chaos avec une nouvelle théorie douteuse.
À cause de cela, les trois yeux étaient venus à détester le contact avec d’autres races, et ils avaient développé leur propre système indépendant de connaissances médicales et de pratiques uniquement présentes dans leur propre race. Quand il s’agissait de l’étude des maladies infectieuses en particulier, leur science médicale avait des siècles d’avance sur ce monde. Dans ce monde où l’on pensait que les hommes et les bêtes avaient vécu longtemps s’ils avaient atteint la soixantaine, les trois yeux qui avaient à l’origine la même espérance de vie vivaient maintenant jusqu’à quatre-vingts ans en moyenne.
« C’est ainsi que, en tant que personne qui savait que ce qu’ils disaient être la vérité, j’ai pu organiser des discussions et demander leur aide, » répondis-je. « Avec cela de fait, afin de démontrer leurs capacités, j’ai créé un système qui permettrait aux autres races de voir les bactéries et les micro-organismes. »
En d’autres termes, un microscope optique. Ce monde avait déjà des lentilles. (Après tout, ils avaient des lunettes.) Pour le reste, j’avais dessiné un diagramme de la façon dont je me souvenais vaguement qu’un microscope devait fonctionner, et les universitaires et les artisans en avaient créé un pour moi. Ce microscope optique avait prouvé que les trois yeux disaient la vérité.
« Mais franchement, les trois yeux sont vraiment incroyables, » dis-je. « Je n’aurais jamais imaginé qu’ils avaient déjà développé des antibiotiques. »
« Auntie-buy-ought-ex ? » demanda Liscia.
« Des substances qui empêchent les bactéries de se multiplier comme je vous le disais, » expliquai-je.
Je suppose que le fameux exemple serait la pénicilline. Je veux dire par là que même un étudiant en sciences humaines comme moi en avait entendu parler. (Bien que ce soit une connaissance que j’avais acquise dans un manga.) Elle avait été extraite d’une moisissure de couleur bleu-vert, du moins, je pense ?
Dans le cas des trois yeux, ils extrayaient les leurs d’une sorte spéciale de créature visqueuse qui pourrait vivre dans des conditions insalubres. Elles étaient une sous-espèce de geline, et elles avaient la même forme que les slimes métalliques de Dragon Quest. Elles n’avaient pas de nom, mais j’avais saisi cette chance pour les baptiser des « gelmedics ». De ce que j’avais pu entendre de ses effets, il n’y avait aucun doute qu’il s’agissait d’un antibiotique, mais alors qu’il était semblable à la pénicilline, il pourrait aussi être très différent.
À ce propos, les trois yeux appelaient simplement ce médicament « le médicament ».
Mais comme cela allait devenir confus à l’avenir, j’avais alors utilisé mon autorité en tant que roi pour lui donner le nom de « tri-oculine ». Il s’agissait d’un médicament de la race à trois yeux, donc je l’avais raccourcie à tri-oculine. Je veux dire par là que cela aurait été bien de l’appeler « la drogue » ou « la pilule »... mais, en tant qu’ancien Japonais, j’avais toujours pensé à des drogues complètement différentes.
« Cette... tri-oculine, qu’est-ce qu’il fait ? » demanda Liscia. « Cela empêche les bactéries de se multiplier, mais à quoi ça sert ? »
« C’est un remède contre les maladies infectieuses », dis-je. « En gros, vous pouvez le considérer comme un médicament miracle qui traite les maladies épidémiques et empêchera les plaies de s’infecter. »
« Traiter les maladies épidémiques !? Elle peut vraiment le faire !? » s’exclama Liscia.
Je ne pouvais pas blâmer Liscia d’avoir été surprise. Alors que les traitements médicaux de ce pays (en particulier, les traitements régénératifs) pourraient être, à certains égards, en avance sur la science moderne, dans l’ensemble, ils étaient au même niveau que le Japon à Période d’Edo. Quand il s’agit de maladies infectieuses, ils buvaient des thés médicinaux, en essayant d’atténuer les symptômes. Cependant, avec les antibiotiques, il était possible de traiter la cause sous-jacente des maladies dans une certaine mesure.
Liscia avait l’air surprise. « C’est terrible... On avait donc un médicament incroyable comme ça pendant tout ce temps... »
« Eh bien, les autres races ne reconnaissaient pas l’existence de bactéries et de micro-organismes, donc même si les trois yeux vous avaient dit que les antibiotiques pouvaient les combattre, vous ne les auriez probablement pas crus, » dis-je. « Si vous le regardez autrement, les trois yeux ont seulement pu trouver cette façon de combattre les bactéries parce qu’ils pouvaient les voir. »
« Alors, pouvons-nous produire en masse cette tri-oculine ? » demanda Liscia, désespérée d’entendre tout cela.
Oui, je pouvais comprendre comment elle se sentait. J’avais moi-même eu une réponse similaire lors de mes entretiens avec l’aîné des trois yeux. Cependant, Carla et Owen, qui nous surveillaient, étaient étonnés de la façon dont Liscia agissait.
J’avais fait un signe de tête à Liscia. « Nous n’en avons pas encore la capacité de le faire pleinement, mais nous augmentons lentement la production. En fait, je l’avais déjà distribué à l’armée lorsque la guerre avec Amidonia a éclaté. N’avez-vous pas remarqué ? »
« Heureusement, je n’ai jamais eu besoin d’en prendre..., » déclara Liscia. « Ah ! Maintenant que vous le mentionnez, je pensais que le nombre de morts était anormalement faible compte tenu du nombre de blessés dans cette bataille. Était-ce grâce à tri-oculine ? »
« Cela pourrait être le cas, » dis-je. « Après tout, les bactéries qui pénètrent dans une plaie et la rendent plus grave sont l’une des choses qu’elle peut aider à prévenir. »
« Incroyable..., » murmura-t-elle.
« De toute façon, les trois yeux ont décidé de donner leur pleine coopération, et le pays n’a pas l’intention d’être avare quand il s’agit de soins médicaux. Le plus gros goulot d’étranglement sera le nombre de tri-oculine dont ils peuvent extraire de la gelmedics, mais grâce à Tomoe, nous avons facilement résolu ce problème. »
Les créatures de type slime comme les gelins étaient en fait classé comme des plantes, et elle ne pouvait pas communiquer avec eux aussi bien qu’avec les animaux. Mais de leurs pensées, elle avait encore été capable d’apprendre leur environnement préféré et les conditions nécessaires à leur multiplication. Nous avions maintenant des gelmedics qui se multipliaient activement dans leurs lieux de reproduction optimum.
« Notre petite sœur est bien trop pratique, n’est-ce pas ? » ajoutai-je.
« C’est sûr qu’elle l’est, » déclara Liscia.
Le public avait commencé à appeler Tomoe, la Sage Princesse Louve. Étant donné les rhinosaurus, l’armée d’orangs-outans de Van, et maintenant les gelmedics... il n’y avait aucun doute qu’elle correspondait bien à ce nom.
« Et, sur cette note, notre pays est au beau milieu d’une révolution médicale et hygiénique, et une partie de cela a été de remettre en ordre ces bidonvilles, » dis-je. « Nous avons démoli les vieilles maisons pour améliorer l’accès à la lumière du soleil et le flux d’air. Pendant que nous y étions, nous avons éliminé les criminels et les drogues illégales, qui infestaient la région et qui diminuaient la population d’une manière différente. Nous avons fait déménager tous les résidents vers de nouvelles cabanes préfabriquées. Les cabanes sont petites et à l’étroit, mais elles sont gratuites. En plus de cela, en les faisant travailler pour nettoyer la ville, nous pouvons à la fois les soutenir financièrement et gérer l’hygiène de la ville. »
« Vous faites toutes sortes de choses, hein... Ne vous forcez-vous pas trop, n’est-ce pas ? » demanda Liscia, l’air préoccupé.
Je plaçai une main sur sa tête. « C’est un combat, oui... mais c’est gratifiant. Je peux voir la ville et le pays se reconstruire comme je le souhaite. Si le résultat est que plus de personnes sont souriantes à la fin, alors tant mieux. »
« Bon... D’accord, alors, » dit-elle. « Mais s’il y a quelque chose que je peux faire pour vous, alors dites-le-moi. »
« Bien sûr. Je compte sur vous, » déclarai-je.
Liscia et moi avions largement souri l’un envers l’autre.
Mais alors que nous étions de bonne humeur...
*
Pshhhh.
*
... soudain, nous avions entendu un bruit comme de l’air qui fuyaient de quelque chose.
Quand j’avais levé les yeux, je m’étais demandé ce que cela pouvait être, car j’avais vu quelqu’un avec un gros fût sur le dos et un cylindre métallique au bout d’un tuyau qui sortait de ce tonneau qu’il utilisait pour pulvériser une sorte de brume sur le sol.
Cette personne était une femme à l’aspect exotique avec une peau pas tout à fait aussi sombre qu’un elfe sombre, mais toujours brun, et les cheveux blonds. Elle semblait être dans la mi-vingtaine. Elle était probablement belle, et elle avait une silhouette galbée, mais avec le masque triangulaire qu’elle portait sur son visage et le baril en bandoulière, tout était gâché. Le front de cette femme affichait la présence du troisième œil unique à la race à trois yeux.
« Hehehe... Hohoho... Ahahahahahaha ! La saleté sera stérilisée ! » Après avoir fait ce rire en trois étapes, la femme avait pulvérisé avec enthousiasme le sol et les maisons avec une sorte de brume.
Cette scène trop incroyable avait laissé Liscia, Carla et Owen sans voix. Pour ma part, j’avais senti ma tête recommencer à me faire mal.
« Que faites-vous, Hilde ? » demandai-je avec lassitude.
Elle s’appelait Hilde Norg. En signe d’appréciation pour notre soutien et la rédemption de leur honneur, les trois yeux nous l’avaient prêtée pour aider à réformer notre système de santé. Elle était leur seule et unique « docteur ».
Notes
- 1 Ten Shin Han : Ten Shin Han (天津飯, Tenshinhan) est un combattant triclope apparaissant dans Dragon Ball lors du 22e Tenkaïchi Budokaï, avant d’occuper une place moindre dans Dragon Ball Z. Il est à considérer comme le premier rival sérieux de Son Gokû, mais il se fera rapidement supplanter par l’arrivée du démon Piccolo, et son rôle diminuera, cependant il ne cessera de s’entraîner et venir en aide à ses amis.
- 2 Hosuke Sharaku : Hosuke Sharaku (介 楽 介 介Sharaku Hōsuke) est le personnage principal du manga Osamu Tezuka et de l’anime The Three-Eyed One (Mitsume ga tooru).
☆☆☆
Partie 4
Dans ce monde, il y avait très peu de médecins dans le sens où un Japonais moderne penserait. Ceux qui avaient effectué la grande majorité des traitements médicaux étaient des mages blancs, et ceux qui administraient des remèdes à base de plantes pour aider à soulager les symptômes de la maladie étaient des hommes et des femmes charlatans.
Beaucoup de ces mages blancs étaient affiliés à l’église, et donc, la plupart des hôpitaux étaient également attachés aux églises. C’était pourquoi il était normal que les personnes de ce monde se rendent à l’église quand ils étaient malades, mais pour les trois yeux, c’était un peu différent.
Parce que leur technologie médicale était beaucoup plus avancée, ils pouvaient traiter la plupart des maladies et des blessures chez eux. Quand ils étaient tombés sur une maladie si grave qu’elle ne pouvait pas être traitée dans leur maison, alors ils devaient d’abord chercher un médicament préparé par le docteur. Naturellement, ce médecin était le premier expert de sa race, et elle ne pouvait donc préparer des médicaments que pour les cas les plus graves.
Celle là-bas qui pulvérisait un désinfectant (probablement de l’eau de chaux), Hilde, était la seule et unique médecin de sa race, et était considérée comme ayant un haut degré de connaissances médicales, même selon les normes des trois yeux. Cependant, avec la façon dont elle était maintenant habillée, elle ressemblait à un fermier qui pulvérisait des produits chimiques agricoles.
Jusqu’à maintenant, Hilde avait laissé éclater un rire fort et enthousiaste, mais maintenant elle affichait un sourire lugubre et avait une sombre aura autour d’elle. « Honnêtement... ne vous ai-je pas dit de ramasser les fientes de vos chats ? Parce que vous continuez à les laisser traîner à l’air libre, il y a des bactéries partout ! Oh, pour l’amour de Dieu ! Impur, sale ! »
Cette fois, alors qu’elle pulvérisait partout du désinfectant, elle tapa du pied avec indignation. Elle avait peut-être semblé émotionnellement instable, mais c’était une habitude pour Hilde.
Elle, avec sa connaissance de la pharmacologie et un œil pour les bactéries qui avaient été considérés comme excellents même selon les normes des trois yeux, avait également démontré une obsession pour la propreté qui était excessive même selon les normes de sa race. Au point qu’il était normal qu’elle se promène avec un désinfectant comme ça.
Ce n’était pas toujours bon de pouvoir voir trop de choses.
« Je vois que vous êtes toujours la même, Hilde, » dis-je.
« Hm ! Vous êtes... Qui êtes-vous ? » demanda Hilde.
J’avais enlevé mon chapeau conique afin de montrer mon visage.
Sans grande surprise, elle avait dit : « Oh, c’est juste le roi, hein, » et était retournée au travail de pulvérisation du désinfectant.
« M’appeler “juste” le roi est un peu méchant, » dis-je. « C’est techniquement une position importante. Vous en rendez-vous compte ? »
« Alors, ne pourriez-vous pas peut-être mettre la tenue appropriée ? » demanda-t-elle. « Je pensais que vous étiez un clochard. »
Elle était aussi dure que jamais. J’avais une image de médecins qui étaient durs même dans mon Ancien Monde, et il semblerait que les choses soient pareilles ici. Hilde en particulier n’était pas du genre à se soucier beaucoup de la position de la personne avec qui elle parlait.
La philosophie de Hilde était : « La maladie nous frappe tous, gentils ou méchants, riches et pauvres, hommes et femmes, indépendamment de la race. Alors, devant un médecin comme moi, tous les patients sont égaux. »
Apparemment, c’était son argument.
« De toute façon... Hilde ! Laissez-moi vous les présenter, » commençai-je. « Les deux dames sont... »
« Je sais qui elles sont, » déclara Hilde avec un soupir, comme si c’était un fait qu’elle savait qui elles étaient. « Elles sont célèbres, n’est-ce pas ? La princesse et la fille de l’ancien général de l’Armée de l’Air, non ? »
« Hein !? Qu’en est-il de Sire Owen ? » demandai-je.
« Je ne veux rien savoir de ce vieil homme sale, » déclara Hilde.
« Quoi ?! » protesta Owen. « Qui appelez-vous sale !? Je prends correctement soin de me toiletter ! »
« Restez loin, crétin musclé ! J’espère que vous vous êtes lavé correctement !? » cria Hilde.
Pshhhh.
« Hé ! Maintenant, petite fille, ne pulvérisez pas cette brume bizarre sur moi ! Vous savez, je suis propre. Chaque jour, je verse de l’eau sur mon corps nu, puis je me frotte avec une serviette sèche ! » cria Owen.
J’avais été soudainement forcé d’imaginer un homme macho se baignant nu dans la lumière naissante du matin. Ouais... On se sentait sale juste en l’imaginant. Peut-être qu’elles s’imaginaient une scène similaire, car Liscia et Carla semblaient prêtes à vomir.
Nous avions l’impression que si nous restions sur ça plus longtemps, cela allait aggraver l’état mental de tout le monde, alors il était temps de changer de sujet.
« A-Au fait, Hilde, que faites-vous ici aujourd’hui ? » demandai-je.
Ma tentative forcée de changer de sujet avait été interrompue par Hilde.
« Si je laisse les habitants d’ici à eux-mêmes, tout cela deviendra insalubre en un rien de temps, » déclara Hilde. « Je fais des visites régulières pour les instruire sur l’hygiène et désinfecter la zone. »
« Ça a du sens..., » dis-je. « Au fait, votre partenaire est-il avec vous aujourd’hui ? »
« Ne l’appelez pas mon partenaire, » Hilde cracha ces mots, apparemment agacée. « Si vous cherchez Brad, il est “dehors”. Il a dit : “Si je dois examiner des porcs engraissés, je préférerais de loin traiter les chiens sauvages non contaminés...” ou de telles absurdités. »
« ... Je vois que lui non plus ne changera jamais, » dis-je.
« Peut-être que vous pourriez aussi le lui dire, sire, » dit-elle. « Ce type cherche toujours à faire la leçon aux jeunes médecins par-dessus moi. »
« J-Je vois..., » dis-je.
Le Brad qui était venu dans notre conversation était l’autre médecin agissant en binôme avec Hilde pour faire avancer la réforme du système médical de ce pays. Son nom complet était Brad Joker. C’était un humain, et ses compétences en tant que médecin étaient bonnes, mais... sa personnalité était un peu problématique.
Je ne peux pas voir Brad comme étant un jour capable d’expliquer les choses aux autres. Montrer des compétences pratiques sur le terrain serait une bonne chose pour ses juniors, mais Hilde devra être celle qui tiendra ces conférences..., pensai-je.
« Hé, m’écoutez-vous S-I-R-E ? » s’écria Hilde.
« Je-je comprends, » déclarai-je. « Je vais au moins essayer de lui parler. »
Si elle comptait me presser ainsi avec ce sourire en colère, je devais juste hocher la tête et être d’accord avec elle.
« Alors ? Que font le roi et ses proches ici ? » demanda Hilde.
« Oh... j’avais l’intention de rendre visite au chef des loups mystiques, » dis-je. « Pendant que j’y suis, j’ai pensé que je pourrais fourrer ma tête dans le centre de formation professionnelle où j’ai affecté Ginger. »
« Oh, c’est le genre de sujets dont il était question, » Liscia frappa dans ses mains comme si elle comprenait enfin quelque chose.
Oh ! Maintenant que j’y pensais, je ne lui avais pas dit ce que nous faisions, n’est-ce pas ?
« Mais, une fois que j’aurais pu faire que l’ancien loup mystique me fasse une connexion pour moi, j’ai l’intention d’aller “dehors”, » ajoutai-je.
« Ohh, vous allez “dehors”, n’est-ce pas Sire ? » demanda Hilde. « Dans ce cas, peut-être, que je vais vous suivre ! »
« Hein ? Pourquoi donc ? » demandai-je.
« Cela devrait être évident. C’est bien évidemment pour apprendre à vivre à cet idiot obsédé par les examens, » répliqua Hilde.
Hilde avait beau avoir un sourire bien visible sur le visage, ses yeux ne souriaient pas.
« E-Eh bien... Essayez juste de ne pas aller trop loin, d’accord ? » demandai-je nerveusement.
« Euh, vous n’arrêtez pas de parler de “dehors”, mais qu’est-ce que ça veut dire exactement ? » Carla avait levé la main avec hésitation et avait demandé ça.
« Si nous parlons en dehors de la perspective d’être à l’intérieur de la ville, cela ne peut signifier que l’extérieur des murs, » déclara froidement Hilde.
« Par l’extérieur des murs... pourriez-vous dire... ? » Liscia semblait avoir compris quelque chose et elle avait l’air de réfléchir à quelque chose.
Ouais... C’était probablement exactement ce qu’elle imaginait.
Quoi qu’il en soit, notre groupe était composé d’un voyageur étranger, d’une étudiante, d’une servante-dragon et d’un homme macho qui maintenant avait été rejoint par une femme médecin.
... Ouais. Ce groupe avait de moins en moins de sens.
☆☆☆
Partie 5
Notre premier arrêt était l’établissement de formation professionnelle que Ginger gérait.
La distillerie Kikkoro des loups mystiques, qui produisait du miso, de la sauce soja et du saké, entre autres produits, se trouvait dans les anciens bidonvilles, ainsi que le centre de formation professionnelle de Ginger. Les deux avaient exigé beaucoup de place, et cela avait été le seul endroit approprié.
Bien que cela soit allé de soi pour le centre de formation, la distillerie de Kikkoro avait également vu les changements comme un moyen de sécuriser ses travailleurs, donc ce n’était pas un mauvais endroit. Cela seul avait déjà valu la peine d’avoir restauré la zone.
Le centre de formation professionnelle était entouré de murs de briques et il y avait un certain nombre de bâtiments à l’intérieur de l’enceinte. L’endroit venait d’ouvrir et ils enseignaient aux candidats seulement la lecture, l’écriture et l’arithmétique, mais l’intention était d’expérimenter toutes sortes d’idées différentes à l’avenir, de sorte que le nombre de bâtiments allait augmenter.
Quand nous étions entrés par la porte d’entrée principale, un certain nombre d’enfants était en train de partir.
« Au revoir, Madame San ! »
« Au revoir ! »
Ils devaient peut-être tous avoir environ dix ans. Ils n’étaient pas bien habillés ou soignés, mais ils semblaient pleins d’énergie.
Au moment où nous avions regardé à travers la porte, l’ancienne esclave de Ginger qui était maintenant sa secrétaire, Sandria, saluait les enfants. « Au revoir, les enfants. Prenez soin de vous. »
Le léger sourire avec lequel elle les voyait était doux, et c’était très différent du comportement colérique qu’elle avait eu lors de notre première rencontre.
Alors, elle peut aussi faire une expression comme ça, hein..., pensai-je.
Pendant que je pensais ça, Sandria m’avait remarqué et m’avait salué avec respect. « Votre Majesté, comme c’est bon de votre part de venir nous rendre visite. »
« Hé, Sandria, » dis-je. « Est-ce que Ginger est là ? »
« Il est dans son bureau. Je vais vous montrer le chemin, » déclara-t-elle.
Nous avions suivi Sandria dans l’un des bâtiments.
C’était un design simple et carré sans fioritures, mais on pouvait dire que cette bâtisse avait beaucoup de pièces même depuis l’extérieur. Il aurait ressemblé à un hôpital ou une école pour une personne moderne du Japon.
Nous avions été conduits devant une salle au premier étage de ce bâtiment avec une pancarte qui disait : « Bureau du directeur ». Lorsque Sandria informa l’occupant qu’il avait des visiteurs et ouvrit la porte, Ginger, qui était apparemment en train de faire du travail de bureau, se leva précipitamment.
« Votre Majesté, cela fait un moment, » déclara Ginger en se précipitant vers nous. Contrairement à Sandria, il l’avait fait timidement, et il semblait qu’il se sentait toujours tendu quand il me parlait.
« Pas besoin d’être si raide, » dis-je. « Je suis celui qui s’impose ici. »
« N-Non... Ce n’est pas une obligation quelconque..., » balbutia-t-il.
« Votre secrétaire a la tête haute, n’est-ce pas ? » commentai-je.
« Parce que ma loyauté appartient seulement au Seigneur Ginger, » dit nonchalamment Sandria en se déplaçant vers le côté de Ginger.
Ceci aurait dû être une déclaration irrespectueuse, mais il y avait quelque chose dans son comportement qui ne me laissait pas le prendre comme ça. Elle était comme la servante de Liscia, Serina, ou le représentant public de la compagnie de Roroa, Sébastien. Les personnes qui avaient trouvé le maître qu’elles devaient servir pour le reste de leur vie avaient une intensité unique. C’était comme s’ils pouvaient faire face au roi lui-même au nom de leur maître.
« Ginger, laisse-moi faire les présentations, » dis-je. « Voici ma fiancée, Liscia. »
« Bonjour. Je suis Liscia Elfrieden, » Liscia sourit et s’inclina, forçant Ginger à se redresser.
« La-La princesse !? Me-Merci d’être venue visiter notre humble établissement ! Je-je suis... Ah, non ! Je suis celui qui s’appelle Ginger Camus. Avec plus de soutien que je ne mérite de la part de Sa Majesté, j’ai pu devenir le directeur de cette installation... »
« Hé hé ! Pas besoin d’être si tendu. C’est un plaisir de vous rencontrer, Ginger, » déclara Liscia.
« P-Pour moi aussi, ma’ame ! » Ginger prit la main de Liscia avec raideur et la secoua.
« On dirait presque que vous êtes plus tendue que la première fois que vous m’avez rencontré..., » murmurai-je.
« Je suis sûr qu’il est, » déclara Carla. « Jusqu’à ce que vos fiançailles avec elle soient annoncées, Maître, Liscia était quelque chose comme ce que nous appelons maintenant une Lorelei pour les habitants du royaume. Cette fleur inaccessible, la princesse qui était si haute au-dessus de lui qu’elle pourrait aussi bien être au-dessus des nuages, est maintenant juste devant ses yeux. On ne peut pas le blâmer d’être tendu. »
L’explication de Carla avait du sens pour moi. Les membres de la Maison Royale, surtout une princesse ou une reine... étaient comme des idoles nationales à leur manière. J’avais vu l’énorme fièvre qui s’était emparée de l’Angleterre quand une nouvelle princesse était née là-bas et que cela avait été annoncé dans les nouvelles. Même au Japon, les nouvelles concernant la Maison Impériale et celles liées à la famille impériale avaient toujours reçu beaucoup d’attentions.
Après cela, j’avais également présenté Carla et Owen. Puis, quand j’allais présenter Hilde...
« Hilde et moi nous connaissons déjà, » déclara Ginger. « Elle effectue des examens médicaux gratuits aux enfants qui viennent ici. Ça a vraiment été une aide précieuse. »
Ginger inclina la tête vers elle, provoquant une expression maladroite du côté d’Hilde.
« Hmph. Ces gamins sont sales, c’est tout. Qui sait quelles maladies ils transportent, » déclara Hilde.
« Vous dites cela, mais vous venez toujours nous rendre visite une ou deux fois par semaine, » déclara Sandria. « Si les enfants se blessent, vous les soignez. Je pense que, malgré tout ce que vous dites, vous aimez vraiment les enfants, n’est-ce pas ? »
« Sandria... Si vous en dites trop, je vous coudrais la bouche, compris ? » s’écria Hilde.
« Oh, pardonnez-moi, » Sandria s’excusa nonchalamment pendant que Hilde la regardait fixement.
Et bien... en regardant tout à l’heure la manière d’agir d’Hilde, cela m’avait fait me rappeler de la vieille dame de la boulangerie du quartier où j’avais vécu il y a longtemps. Chaque fois que les enfants s’approchaient d’elle, elle disait : « Regarde comme les visiteurs sont bruyants », en adoptant une attitude aigre, mais ensuite elle ajoutait : « Quels petits garçons affamés que tu es », et donnait souvent des restes de petits pains sucrés. Maintenant que j’y repensais, cela avait été sa manière de masquer sa timidité.
Hilde grogna. « Je vais attendre dehors jusqu’à ce que vous ayez fini de parler. »
« Juste pour que vous le sachiez, les enfants sont tous rentrés chez eux, » déclara Sandria.
« Taisez-vous, Sandria ! Qui a dit que je voulais jouer avec les enfants ? » s’écria Hilde.
« Je n’en ai pas dit autant..., » dit Sandra.
« Pfff ! » Quand Hilde fut partie en claquant violemment la porte derrière elle, nous l’avions tous regardée avec des sourires ironiques.
... Maintenant. Il était temps de se remettre sur les rails.
Liscia, Ginger, Sandria et moi nous étions tous à une table de conférence. Liscia et moi étions assis d’un côté, avec Ginger et Sandria assis en face de nous. Carla et Owen se tenaient derrière nous.
Liscia leva la main. « Hmm. J’ai beaucoup de questions... Que faites-vous exactement ici ? »
« Pour le moment, nous apprenons aux candidats à lire, à écrire et à faire de l’arithmétique, » répondit Ginger avec un doux sourire.
« Est-ce que c’est quelque chose comme une école ? » demanda Liscia.
« Tout à fait, » répondit-il. « Il s’agit d’une école où tout le monde peut venir apprendre, et cela indépendamment de la classe. »
Dans ce pays, il y avait déjà des établissements d’enseignement appropriés. L’uniforme de Liscia appartenait à l’Académie Royale des Officiers, et il y avait aussi l’Académie Royale, qui formait des chercheurs dans tous les domaines, ainsi que l’École des Mages, spécialisée dans l’étude de la magie. Cependant, ces établissements d’enseignement étaient presque exclusivement pour les enfants des chevaliers et de la noblesse. Il n’y avait pas d’écoles générales destinées à enseigner aux personnes ordinaires. Ce centre de formation professionnelle servait de banc d’essai pour ce genre d’école générale.
« Et aussi, ce n’est pas seulement pour les enfants, » déclara Ginger. « Les adultes peuvent aussi apprendre ici. »
« Les adultes également ? » demanda Liscia.
« Il y a beaucoup d’adultes qui disent ne pas savoir lire, écrire ou faire de l’arithmétique, » déclara-t-il. « Plus leurs antécédents sont pauvres, plus il est probable que ce soit le cas. Nous fournissons aussi à ces personnes un endroit pour apprendre ici. Pendant la journée, les enfants apprennent, puis la nuit, les adultes qui ont fini de travailler pendant la journée viennent ici pour étudier. »
« Hm, donc vous les avez correctement séparés dans des périodes séparées..., » constata Liscia.
« C’était l’idée de Sa Majesté de mettre en place une période de nuit pour que les adultes apprennent, » déclara Ginger.
Ça n’avait pas vraiment été mon idée. Je venais simplement de recréer les écoles de nuit que nous avions dans l’autre monde.
Ginger avait rassemblé ses mains devant sa bouche. « C’est tout ce que nous pouvons faire pour le moment. Cependant... à partir de maintenant, nous serons en mesure de faire de plus en plus. N’est-ce pas, Sire ? »
Ginger avait tourné la conversation vers moi, alors j’avais fermement hoché la tête. « Tout à fait. À partir de maintenant, j’ai l’intention de vous faire enseigner des sujets plus spécialisés. Par exemple, former des aventuriers à explorer des donjons et à protéger les individus, transmettre des techniques de génie civil, travailler avec Hilde et son équipe pour former de nouveaux médecins, étudier les moyens d’améliorer notre agriculture, la foresterie et la pêche... Oh, aussi, j’aimerais un endroit pour former également des chefs. »
« C’est un assez large éventail de sujets..., » dit Liscia.
Je pense que vous avez compris maintenant que j’en avais dit beaucoup, mais le centre de formation que je voulais créer était une école professionnelle. Ou alors, cela pourrait être peut-être quelque chose comme une université composée de départements spécialisés.
L’objectif principal de l’étude académique dans ce monde était soit magique ou soit lié aux monstres. La magie pourrait être appliquée avec une certaine polyvalence à un certain nombre de domaines, et elle avait aussi des liens avec la science et la médecine. Quant à l’étude des monstres, depuis l’apparition du Domaine du Seigneur-Démon, c’était devenu l’un des sujets de recherche les plus importants.
Avant cela, les monstres qui étaient apparus seulement dans les donjons avaient été les sujets de ce genre de recherche. Cependant, après l’apparition du Domaine du Seigneur-Démon, le nombre et la variété des observations de monstres avaient été multipliés par dix. Des recherches sur le sujet avaient été menées à la hâte afin de trouver une solution au problème. En outre, la recherche sur les matériaux qui pourraient être récoltés à partir de monstres était indispensable pour le développement des technologies.
Ce genre de recherche sur la magie et les démons se faisait principalement à l’Académie Royale. Il était certainement vrai que les résultats de ce type de recherche de pointe pourraient conduire à de nouveaux développements dans d’autres domaines académiques.
Cependant, et c’était peut-être mon sentiment en tant que personne parlant japonais, j’avais pensé qu’il y avait des découvertes incroyables et révolutionnaires qui attendaient d’être trouvées dans une recherche qui, en un coup d’œil, semblait de prime abord inutile. C’était comme quand des techniques qui avaient été polies et raffinées dans les usines du centre-ville sans attirer beaucoup d’attention pouvaient alors permettre finalement de produire des pièces indispensables pour un vaisseau spatial.
Peu importe le sujet, si vous l’aviez maîtrisé, vous étiez de première classe. Si vous pouviez devenir le numéro un, vous pourriez devenir le seul.
C’était pourquoi je voulais créer un endroit où les sujets qui avaient été négligés par ce monde — l’éducation, le génie civil, l’agriculture, la foresterie et la pêche, la cuisine et l’art — pouvaient faire l’objet d’études spécialisées et être enseignés aux autres. Et puis, si nous pouvions voir des résultats dans un domaine donné à partir de notre expérience dans ce centre de formation, nous construirions un centre de formation (à ce stade, plus ou moins une école professionnelle) pour ce sujet dans une autre ville.
Pour cela, il faudrait d’abord élever le niveau moyen d’éducation dans le royaume, et c’était pourquoi nous commencions par enseigner la lecture, l’écriture et l’arithmétique au niveau élémentaire.
J’avais demandé à Ginger. « Eh bien, qu’en pensez-vous ? Comment vont les choses avec le centre de formation ? »
« Eh bien... nous faisons un bon travail de rassemblement pour les enfants de moins de douze ans, » déclara Ginger. « Je dirais que le système de repas scolaires que vous avez proposé a bien fonctionné. Il y a des moments où ça devient trépidant, mais nous avons créé un cycle où ils se présentent, ils étudient, ils prennent un bon repas, puis ils rentrent à la maison. »
« Un système de repas scolaires ? » demanda Liscia.
« Si des enfants de moins de douze ans viennent ici et étudient, ils reçoivent des repas gratuits, » déclarai-je. « S’ils étudient ici, ils peuvent manger. Une fois que cela sera largement connu, les enfants de familles en difficulté financière seront plus susceptibles de venir ici et d’étudier. Beaucoup de leurs tuteurs trouvent qu’il est préférable de les envoyer ici pour étudier et économiser l’argent nécessaire pour les nourrir que de forcer les enfants à travailler pour le peu d’argent qu’ils peuvent obtenir. Et en plus, s’ils étudient correctement, ils pourront peut-être échapper à la pauvreté à l’avenir. »
« Hmmm, » dit Liscia. « C’est un système bien pensé. Est-ce que c’est quelque chose qu’ils font aussi dans votre monde, Souma ? »
« Tout à fait, » dis-je. « Il s’agit d’une méthode souvent utilisée pour fournir un soutien dans les pays pauvres. »
Liscia semblait impressionnée, mais l’expression de Ginger était plus obscure.
« C’est vrai, on fait du bon boulot en suscitant l’adhésion des enfants, » déclara Ginger. « Cependant, inversement, il est difficile de rassembler les adultes, qui ne sont pas couverts par le système de repas scolaires. Nous faisons ce que nous pouvons en leur apprenant le soir une fois que leur travail est fini, mais... ils nous disent “J’ai vécu toute ma vie sans pouvoir lire, écrire ou faire de l’arithmétique. Pourquoi devrais-je apprendre maintenant ça ?” et ils ne nous donnent même pas une chance. »
« Eh bien ! S’ils n’ont jamais eu d’éducation, je peux parfaitement comprendre qu’ils pourraient penser de cette façon, » dis-je.
C’est seulement en recevant une éducation qu’on était capable de comprendre la valeur d’une telle éducation. Alors que les enfants peuvent demander : « Pourquoi étudions-nous ? » quand ils deviennent adultes, ils pensent : « Pourquoi n’ai-je pas étudié davantage ? » S’ils pouvaient avoir ce genre de regret, c’était parce qu’ils avaient étudié quand ils étaient des enfants.
« Bon. Les éclairer sur la valeur de l’éducation est une partie de notre travail, » dis-je. « Je vais bien trouver quelque chose pour aider ça. »
« S’il vous plaît, Sire, » déclara Ginger.
Ginger et moi avions naturellement serré la main de l’autre.
Finalement, après avoir parlé d’un certain nombre de choses, Ginger et Sandria nous avaient vu partir, et nous avions quitté le centre de formation.
La prochaine destination que nous avions était la distillerie de Kikkoro, non loin des terrains d’entraînement.
Cette distillerie, qui utilisait un hexagone avec le personnage de loup au centre comme marque, était dirigée par des loups mystiques comme Tomoe, et produisait de la sauce soja, du miso, du saké et du mirin.
Ici, nous avions rencontré une autre personne que je connaissais.
Quand nous étions entrés dans le parc, il y avait un homme dodu portant des vêtements à manches courtes malgré le froid d’hiver.
« Hm ? Poncho ? » demandai-je.
« Tiens !? Votre Majesté ! Bonne journée à vous, » déclara-t-il.
Quand il nous avait remarqués, Poncho baissa la tête vers moi. Peut-être s’était-il habitué à l’idée qu’il était seulement supposé s’incliner une fois. Avant, il avait constamment sa tête baissée.
« Que faites-vous ici, Poncho ? » demandai-je.
« Oh, c’est vrai ! Écoutez-moi, Sire ! » Poncho marcha péniblement jusqu’à moi.
« Wôw ! Vous vous rapprochez trop de moi ! » m’exclamai-je. « ... Qu’est-ce qui se passe, si soudainement ? »
« Enfin, enfin, c’est achevé ! Cette “sauce” que vous m’avez demandé ! » Le poncho, généralement timide et réservé, était incroyablement excité, et il tendit vers moi une bouteille remplie d’un liquide noir.
La sauce que j’avais demandée ?
... Ah !
« Vous ne voulez pas dire que c’est finalement prêt, n’est-ce pas ? » demandai-je.
« S’il vous plaît, goûtez-la par vous-même, » déclara Poncho.
« Bien sûr ! » J’avais versé quelques gouttes de liquide noir sur le dos de ma main, puis je les avais léchées.
Il avait une saveur de légume ou de fruit et un parfum épicé. Il n’y avait aucun doute, c’était ce qu’on appelait la sauce en japonais. Cependant, contrairement à la sauce Worcestershire ordinaire, il avait une forte douceur et acidité, avec une profondeur de saveurs.
C’était vraiment le genre de sauce qui allait avec yakisoba, une sauce pour les plats à base de farine.
« Le goût de la sauce... est la saveur d’un garçon, » remarquai-je en citant un certain manga gastronomique.
« De quel genre d’absurdité parlez-vous maintenant ? » Liscia avait dit ça en levant ses yeux vers le ciel, me ramenant à mon sens.
« C’est juste que la sauce que nous recherchions depuis si longtemps est enfin prête, alors j’ai été rempli d’émotion, » dis-je.
« E-Est-ce c’est si important que ça !? » demanda Liscia.
« Bien sûr ! Parce que, avec cela, je peux faire des yakisobas, okonomiyaki, monjayaki, takoyakis et sobameshis. Elle est aussi bonne sur les plats frits seuls. »
« Je sais à peine quel est l’un des plats que vous venez de nommer..., » murmura Liscia.
« Je les ferai bientôt pour vous, » dis-je. « Et je peux déjà dire que même s’il y a des restes, je suis sûr qu’Aisha les fera disparaître pour nous. »
Mais, enfin... nous avions perfectionné cette sauce parfaite pour les plats à base de farine.
Ce fut un long processus. Il y avait déjà eu une sauce semblable à la sauce Worcestershire dans ce monde, mais ce n’était pas le genre de sauce épaisse qui fonctionnerait bien avec yakisoba. J’avais pensé que je pouvais en quelque sorte en créer une, et j’avais tenté de la concevoir de façon empirique, mais sans connaissance réelle des sauces, il s’était avéré être au-delà de ma personne. C’est pourquoi j’avais fini par créer ces petits pains à spaghetti avant les petits pains yakisoba. J’avais à moitié abandonné le développement, mais il semblait que Poncho l’avait continué pour moi.
« Je suis impressionné que vous ayez pu le recréer, » lui dis-je. « En plus, vous ne l’aviez jamais goûté vous-même avant aujourd’hui, n’est-ce pas ? »
« J’ai eu les mots de Votre Majesté, “C’est plus épais que la sauce Worcestershire ordinaire, douce, et je pense que c’est un peu plus aigre”. Le fait de savoir qu’il y avait un plat de nouilles, “yakisoba”, où vous verseriez la sauce et la mélangiez, ainsi que le souvenir du plat de pâtes que vous appelez spaghetti napolitain, m’ont donné les indices dont j’avais besoin. »
« Les spaghettis ont fait ça ? » demandai-je.
« Oui, c’est bien ça, » répondit-il. « Ce spaghetti utilise la sauce tomate appelée ketchup que j’ai développée avec vous, n’est-ce pas, Sire ? Je savais que le ketchup allait bien avec les plats de nouilles, alors j’ai pensé que quelque chose de semblable au ketchup aurait pu être utilisé avec ce plat de nouilles appelé yakisoba. »
« Ahh !! » criai-je.
Je venais maintenant de comprendre. Cette saveur sucrée et acidulée provenait des fruits et des légumes ! En d’autres termes, cette sauce à base de farine avait été faite en ajoutant de la sauce tomate et d’autres ingrédients à une sauce épaisse Worcestershire. Poncho avait un sens incroyable du goût pour être capable de le comprendre par lui-même.
« Puis, pour donner au mélange de la sauce tomate et du Worcestershire une plus grande profondeur de saveur, j’ai essayé d’ajouter la sauce soja et le mirin produits ici à la distillerie de Kikkoro. Hum... Qu’en pensez-vous ? » demanda-t-il avec un ton hésitant.
J’avais mis mes mains sur les épaules de Poncho, « Poncho... vous avez bien fait. »
« Sire ! Vous êtes trop gentil ! » déclara Poncho.
« Maintenant, cette sauce peut-elle être produite en série ? » demandai-je.
« Il semble que la distillerie de Kikkoro effectuera le travail pour nous, » déclara Poncho.
C’était merveilleux. Maintenant, je pourrais écrire une autre page dans l’histoire culinaire du royaume. Alors que Poncho et moi avions commencé à parler avec enthousiasme du thème des sauces, les autres membres du groupe... en particulier les femmes, Liscia, Hilde et Carla... nous regardaient, en levant les yeux vers le ciel.
« Souma n’est pas un gros mangeur, mais parfois, il peut être très pointilleux sur les détails les plus étranges, » déclara Liscia. « Je me demande pourquoi c’est ainsi. »
« Princesse ! C’est simplement à ça que ressemblent les hommes, » déclara Hilde. « Ils versent une passion inutile dans des choses que les femmes ne comprennent pas, et ils ne pensent pas au mal qu’ils vont faire. Ce sont des créatures très bizarres. »
« Vous parlez comme si vous aviez une expérience personnelle avec ça, » dit Carla. « Connaissez-vous quelqu’un comme ça, Madame Hilde ? »
« Ne posez pas de questions sur ce que vous ne devriez pas faire, petite fille dragonewt, » éructa Hilde. « Sinon, vous savez, je vais vous faire fermer la bouche. »
« O-Oui, madame ! Je ne vous demanderai rien de plus, d’accord !? » Carla salua précipitamment, ayant apparemment été infectée par une partie du style parlant de Poncho quand elle l’avait fait.
Et, bien, j’étais excité par le résultat inattendu, mais il était temps d’accomplir mon réel objectif ici. Je m’étais donc séparé de Poncho et ensuite, dans le bureau du directeur de la distillerie de Kikkoro, j’avais rencontré l’aîné des loups mystiques qui était aussi le directeur de cet endroit.
Nous nous étions assis en face de lui dans le même arrangement que lorsque nous avions rendu visite à Ginger. Les cheveux blancs de l’aîné, les sourcils blancs et la barbe blanche étaient tous longs et épais, me rappelant un bichon maltais (une race de chien tout blanc). Sauf qu’à l’intérieur de tous ces cheveux, il y avait un vieil homme. « Nous, les loups mystiques, sommes infiniment reconnaissants à Votre Majesté pour votre protection, la construction de cette distillerie de Kikkoro, et tous vos autres soutiens. Je vous remercie au nom de mon peuple. »
« C’est bon, » dis-je. « La petite Tomoe fait aussi beaucoup pour nous. D’ailleurs, c’était une chance que des gens comme vous qui savaient comment cultiver du riz et produire de la sauce soja, du miso, du mirin, du saké et d’autres vins soient arrivés. Je peux manger de la nourriture savoureuse et je peux aussi nourrir d’autres personnes grâce à ça. »
« Vous êtes très gentil de dire cela, » déclara l’aîné. « Maintenant, Sire, pour quelle raison êtes-vous venu ici aujourd’hui ? »
« Eh bien... Je pensais qu’il était temps que nous résolvions le problème à l’extérieur, » répondis-je.
« Par “dehors”, vous voulez dire... le camp de réfugiés ? » demanda-t-il.
Je hochai silencieusement la tête.
Quand j’avais été convoqué dans ce monde, ce pays avait été confronté à un grand nombre de problèmes. La crise alimentaire, les nobles corrompus agissants contre l’État, les pays voisins qui complotent pour envahir, comment il fallait interagir vis-à-vis du Seigneur-Démon, notre relation avec l’Empire..., la liste pouvait continuer encore longtemps.
Cependant, je sentais que la grande majorité de ces problèmes avaient maintenant été résolus. Nous avions traversé la crise alimentaire d’une façon ou d’une autre, et la situation intérieure semblait bonne. Nos ennemis étrangers avaient été emportés plus loin, et quand il s’agissait du Seigneur-Démon, nous avions formé une alliance secrète avec l’Empire pour gérer cette affaire ensemble. J’avais travaillé sur tous les problèmes un par un, et le dernier était celui de ce camp de réfugiés.
En dehors des murs du château qui entouraient Parnam, il y avait un village de réfugiés qui avait dérivé du nord après l’apparition du Domaine du Seigneur-Démon.
Je l’avais appelé un village, mais c’était vraiment juste un groupe de tentes et de masures concentrées en un seul endroit. Parmi les nombreuses races qui composaient les réfugiés, j’avais été capable de rehausser le statut des loups mystiques au nom de l’utilisation de leurs talents spéciaux, mais ils ne représentaient qu’un petit pourcentage de la population réfugiée globale. Même maintenant, de nombreux réfugiés vivaient encore dans ce camp de réfugiés.
Techniquement, même lorsque les choses étaient devenues chaotiques, une aide alimentaire de base leur avait été fournie tout le temps, mais ils ne pouvaient pas rester plus longtemps ici. Il y avait des problèmes d’hygiène, et si je les soutenais trop longtemps, cela créerait des frictions avec les habitants de ce pays.
Si possible, je voulais que les autres choisissent de vivre comme des personnes de ce pays, tout comme les loups mystiques, mais... il semblerait que ce serait difficile. Leur souhait était de retourner dans leurs pays d’origine. S’ils acceptaient la citoyenneté dans ce pays, ce serait comme s’ils renonçaient à retourner dans leur pays d’origine.
Pour ces individus qui souhaitaient qu’un jour la menace du Domaine du Seigneur-Démon soit balayée, leur permettant de retourner dans leurs terres, ce n’était tout simplement pas quelque chose qu’ils pouvaient accepter. J’avais envoyé mes vassaux dans le camp des réfugiés pour qu’ils négocient un certain nombre de fois, mais ils avaient toujours été repoussés.
« Nous voulons retourner dans notre patrie, » avaient-ils dit. Ou encore, « Restons ici, jusqu’à ce que ce moment arrive. »
J’avais compris ce qu’ils ressentaient quand ils avaient dit ces choses, donc je ne pouvais pas être trop ferme avec eux. Cependant, il n’y avait maintenant plus de temps pour ça.
« Le froid de l’hiver ne fera que devenir plus dur à partir d’ici, » dis-je. « S’ils restent dans des tentes et des taudis, les plus faibles d’entre eux, donc les enfants et les personnes âgées, seront les premiers à mourir de froid. Avant que cela n’arrive, je veux y aller personnellement et les pousser à prendre une décision. »
« Sire..., » déclara l’aîné.
« Pour ce faire, je voudrais que vous envoyiez d’abord un messager au camp de réfugiés, » dis-je. « Demandez au messager de leur dire que je viens. Il est peu probable que le chaos éclate de cette façon. »
« Je comprends, » l’aîné se leva de son siège puis s’agenouilla sur le sol, inclinant grandement la tête vers moi. « Nous, les loups mystiques, avons déjà été sauvés par la main de Votre Majesté. Si c’est possible... nous vous demandons aussi de sauver le reste de nos camarades. »
« Eh bien... j’ai l’intention de faire tout ce que je peux, » dis-je alors que l’aîné posait son front contre le sol et me suppliait.
« Pourquoi ne diriez-vous pas plus clairement, “Laissez-moi faire !” ? » déclara Liscia, mais il semblerait que ce serait prendre la tâche à la légère.
« Je vais essayer de les persuader, mais... celui qui prendra la décision finale n’est pas moi, » expliquai-je. « Ce sont eux qui devront décider de leur avenir. Une fois que je recevrai cette décision, cela décidera comment je vais traiter avec eux. Même si cela les obligera à voir la dureté de la réalité. »
« Souma..., » Liscia avait un regard inquiet sur son visage, mais il n’y avait pas moyen de l’éviter.
Espérons... qu’ils agiraient face à leur réalité, et non pas avec leurs idéaux, quand ils prendront la décision.
☆☆☆
Partie 6
En dehors des murs du château qui entouraient Parnam, le camp de réfugiés se trouvait dans un champ à une centaine de mètres de là. Les tentes et les masures étaient éparpillées au hasard et il y avait des champs de légumes sommaires dans certaines zones du camp. C’est là que les quelque huit cents réfugiés vivaient durement.
Il y avait plusieurs races ici, des humains, des elfes, des hommes-bêtes et aussi des nains. Cela montrait à quel point les pays avaient été dévastés par les conséquences de l’apparition du Domaine du Seigneur-Démon et combien de peuples avaient été forcés à fuir.
Ils avaient établi un camp ici, et avaient vécu un mode de vie presque primitif, partageant les ressources et les approvisionnements du royaume qui leur était fourni, puis chassant et cueillant pour compenser ce qu’ils n’avaient pas.
Normalement, la chasse et la recherche de nourriture exigeaient la permission du pays, mais l’ancien roi, Albert, les avait laissés à eux-mêmes. J’avais moi-même continué cette approche après avoir pris le trône. J’avais eu une montagne de problèmes à traiter bien plus importants que les réfugiés, alors mon seul choix avait été de leur donner un minimum de soutien tout en les laissant seuls.
Peu importe comment je le voyais, je ne pouvais pas appeler ce qu’ils avaient de bonnes conditions de vie, mais ils recevaient au moins un soutien, ce qui valait mieux que rien.
La situation des réfugiés sur ce continent était dure. Les seules nations qui pouvaient se permettre de laisser seuls les réfugiés étaient des pays comme le nôtre ou l’Empire, qui avait un certain pouvoir national en réserve. J’avais entendu dire que dans les pays limitrophes du Domaine du Seigneur-Démon, ils étaient enrôlés de force et envoyés en première ligne. Alors que d’autres pays les faisaient travailler comme des esclaves. Ils avaient donc une main-d’œuvre bon marché pour les mines. Et le tout était fait sous prétexte qu’ils abritaient ces réfugiés.
Que les réfugiés se dirigeaient vers un pays aussi éloigné du Domaine du Seigneur-Démon que le nôtre démontrait seulement qu’il n’y avait aucun refuge valable ailleurs sur ce continent.
J’avais traversé ce camp de réfugiés avec un jeune homme que les loups mystiques avaient envoyé comme guide.
Le paysage ici m’avait rappelé les bidonvilles qui étaient encore présents il y a peu de temps. Un coup d’œil sur l’état des personnes était suffisant pour montrer à quel point les conditions sanitaires étaient mauvaises. Leurs vêtements étaient en lambeaux et leurs corps étaient couverts de poussière et de terre.
Et pourtant, aucun d’eux n’avait des yeux qui semblaient morts à l’intérieur. Chacun d’eux avait des yeux remplis de vitalité.
« C’est sordide, mais... ils ont tous cette étrange force dans leurs yeux, » déclara Hilde, qui s’était couvert le nez et la bouche avec un linge depuis que nous étions entrés dans le village. Ce n’était pas une scène facile à regarder pour un monstre de propreté.
Liscia, ainsi que les autres personnes dans le lieu, avaient tous des regards peinés présents sur leurs visages.
« Ils sont venus ici de loin au nord avec seulement la volonté de vivre, » dis-je. « Je suis sûr que les personnes ici sont probablement beaucoup plus hardies que nous ne l’imaginons. ».
Les individus qui faisaient face à des difficultés, et qui ne pouvaient rien faire en temps de guerre ou de catastrophes naturelles, mais qui refusaient toujours de céder au désespoir, avaient une force unique. Pourtant, cette force... pouvait aussi être un danger. Alors que cela renforçait leur volonté de se rassembler et de surmonter la situation, la conscience de groupe pouvait devenir trop forte et affaiblir leur sens de l’individualité.
Si la silhouette d’étrange chef apparaissait à des moments comme celui-ci, le groupe dans son ensemble pourrait facilement être influencé par les opinions de cette personne. Je ne voudrais absolument pas que quelqu’un en rapport avec l’État Papal de Lunaria entre en contact avec eux.
Pendant que je pensais à ça, Liscia avait parlé. « Au fait... Kazuya. Vous avez dit que vous leur avez apporté votre soutien, mais qu’avez-vous fait ? »
Elle avait failli m’appeler Souma tout à l’heure, mais en vue de la situation, je lui avais demandé de ne pas utiliser mon nom (enfin, c’était mon nom de famille, pour être précis) autant que possible.
« Ce n’était pas grand-chose, mais nous avons fourni entre autres nécessités de base des denrées alimentaires et du bois de chauffage. Et nous avons également commandé à la guilde des aventuriers de garder cet endroit en tant que quête permanente, » dis-je.
« Je comprends pour la fourniture de nourriture, mais pourquoi engager les aventuriers comme gardes ? » demanda-t-elle.
« Ces personnes ne sont pas des citoyens de ce pays, » répondis-je. « De plus, ils ont perdu leurs propres pays, qui se tenaient généralement derrière eux et les défendaient. Par exemple, si des civils de notre pays ont été massacrés sans motif dans un pays étranger, et que les coupables étaient restés impunis, je soumettrais une plainte à ce pays en tant que roi, et placerais des sanctions sur eux si la situation le méritait. Cela fonctionne aussi dans l’autre sens. En d’autres termes, cela créerait un incident international. La possibilité que quelque chose provoque un incident international est une force de retenue qui empêche nos citoyens d’être punis pour leurs crimes dans un autre pays. Mais... »
J’avais fait une pause et j’avais regardé les personnes dans le camp.
J’avais alors continué. « Il n’y a pas de force des contraintes quand il s’agit de personnes qui n’ont pas de pays à eux. Vous aurez des individus qui pensent faussement, “Si cela ne cause pas un incident international, alors ça va”. Ce n’est pas parce que cela ne causera pas un incident international qu’ils ne seront pas jugés selon les lois de ce pays, mais cela peut encore réduire assez les obstacles psychologiques pour commettre un crime pour que certaines personnes le fassent. C’est précisément pourquoi je veux que les réfugiés se dépêchent et se naturalisent en tant que citoyens de ce pays. »
S’ils le faisaient, je pourrais leur offrir un abri et les traiter comme mon propre peuple. Cependant, j’étais bien conscient que cela ne serait pas aussi simple que cela semblait. Dans ce monde, tous ne pourraient pas être résolus par la raison.
« Quand le cœur des individus est impliqué, les choses deviennent vraiment difficiles, » dis-je.
« C’est bien le cas..., » Liscia acquiesça.
Nous avions soudainement entendu des cris de l’intérieur du village. En même temps, il y avait le son du métal sur le métal.
Liscia fronça les sourcils. « On dirait que quelqu’un se bat. Plusieurs personnes... selon moi. »
« Allons-y, » dis-je.
Tout le monde s’était précipité vers le son de l’agitation.
☆☆☆
Partie 7
Quand nous avions atteint le centre de l’agitation, il y avait un groupe d’hommes et de femmes qui semblait être un groupe d’aventuriers qui, avec une poignée d’habitants du village, se battaient contre plus de dix hommes qui semblaient être des mercenaires. Les aventuriers comprenaient un jeune épéiste, un artiste martial macho, une femme maniant une épée courte qui ressemblait à une voleuse, et une belle mage.
... Attendez, c’était beaucoup de visages familiers.
Donc, Juno et son groupe ont pris cette quête, hein ? pensai-je.
Dece l’épéiste, Augus le bagarreur, Juno la voleuse, et Julia, la mage. Il s’agissait des membres du groupe avec lesquelles j’avais souvent travaillé quand j’avais envoyé le Petit Musashibo à l’aventure.
« Qu’est-ce qui a causé toute cette agitation ? » Owen avait demandé ça à un homme qui tremblait à proximité.
« C-Ces hommes sont soudainement venus ici, et ils essayaient d’enlever les enfants ! » répondit l’homme. « Ils ont même frappé avec leurs épées les adultes qui ont essayé de les arrêter ! Après cela, ils se sont battus avec les aventuriers qui ont entendu le bruit et se sont précipités ici ! »
Les adultes avaient été frappés ? Quand j’avais regardé dans l’un des coins, je pouvais voir un homme ensanglanté qui était traité par le prêtre, Febral.
J’avais rapidement donné des ordres. « Carla et Owen, allez soutenir les aventuriers. »
« Compris, Maître ! » répondit Carla.
« À vos ordres, » répliqua Owen.
« Hilde, je veux que vous aidiez ce prêtre là-bas, » continuai-je. « Liscia, vous restez ici pour d’autres instructions. »
« Bien bien. Je suppose que je vais devoir le faire, » déclara Hilde.
« Arggg... d’accord, » confirma Liscia.
Carla et Owen s’étaient immédiatement précipités vers le centre et Hilde s’était dirigée vers les blessés. J’allais préparer l’une de mes poupées, au cas où cela deviendrait nécessaire, mais j’avais alors réalisé que je n’avais pas apporté de poupées aujourd’hui. Bon... Je les avais laissées derrière parce que j’avais pensé qu’elles représentaient trop de bagages pour un court voyage à l’extérieur des murs du château. J’avais dégainé l’épée que je portais et qui était un peu plus une décoration pour moi et j’avais pris une position de combat.
« Pouvez-vous vous battre si vous le devez ? » me demanda Liscia alors que sa rapière était prête.
« Je ne sais pas trop, » ai-je admis. « Ces derniers temps, Owen m’a mis à l’épreuve, mais il dit que je n’étais toujours pas mieux qu’une toute nouvelle recrue. »
« Ce n’est pas très rassurant, » déclara-t-elle. « Pourtant, d’après ce que je peux dire, ils ont le nombre de leur côté, mais aucun d’entre eux n’est particulièrement fort. Mais je doute que l’un d’eux soit en dessous du niveau d’une nouvelle recrue. Si c’est le cas, alors cachez-vous derrière moi. »
« Agir d’une manière pathétique comme ça... je suppose que je vais devoir le faire, » dis-je.
Je n’aimais pas être faible, mais si je m’en mêlais, j’allais probablement causer des problèmes à mon peuple. J’étais dans une position où je ne pouvais pas me permettre de me blesser, même légèrement. C’était ce que je pensais, mais...
« Ah ! » criai-je.
« Attendez ! » cria-t-elle. « Pourquoi allez-vous vers la mêlée juste après que nous en ayons parlé !? »
J’avais entendu la voix de Liscia derrière moi, mais je ne m’étais pas arrêté. Juno avait été malchanceuse. Elle avait cogné sa jambe contre un bâton qui lui avait été lancé dessus et elle avait trébuché. C’était alors que l’un des hommes qui avait eu ses cheveux sous forme d’une crête iroquoise qui avait essayé de l’attaquer. En courant vers eux, j’avais ramassé un morceau d’une planche de bois tombé par terre.
« Juno, baissez-vous ! » J’avais crié ça et j’avais jeté la planche à l’homme comme un frisbee.
« Hein !? Uwah ! » Juno avait crié tout en se baissant.
Le porteur de crête avait été frappé par la planche volante. Parce que l’attaque l’avait complètement pris par surprise, il n’avait pas pu couper la planche proprement et avait fini par la pulvériser à moitié. Grâce à ça, on aurait dit que les éclats de bois avaient pénétré dans les yeux de porteur de crête.
« Argg! Merde ! » Il pressa l’une des mains sur ses yeux, agitant son épée avec frénésie alors qu’il reculait.
J’avais utilisé cette ouverture pour combler le fossé entre nous deux. Puis, sa vision devait avoir été récupérée, parce qu’il venait vers moi.
Calme-toi ! Une passe d’armes ! pensai-je. J’ai seulement besoin de tenir pendant une attaque et après ça, Juno se sera remise sur pieds ! Je dois me souvenir des bases qu’Owen a gravées en moi !
Mon adversaire leva son épée au-dessus de sa tête. Il allait essayer de m'ouvrir la tête en deux.
J’avais amené mon pied gauche en diagonale avant et j’avais pris position avec mon épée au-dessus de ma tête horizontalement, le tranchant incliné légèrement vers le sol. Dans l’instant suivant...
*Clingg !!*
Le son du métal qui frappait le métal retentit, puis, avec un bruit de frottement, l’épée de mon adversaire glissa le long de ma lame et fut déviée vers le sol à ma droite.
Je l’ai fait... je l’ai fait, pensai-je. Mes mains étaient engourdies, mais j’avais réussi à bloquer l’attaque !
« « Ne restez pas là ! » » Liscia et Juno crièrent toutes les deux.
Tandis que mon adversaire essayait de reprendre pied, Liscia et Juno lui firent simultanément des coups de sabre. Et il s’effondra sur le sol.
Une fois qu’elle avait confirmé que son adversaire ne bougeait plus, Liscia m’avait attrapé par le devant de ma chemise. Puis elle m’avait tiré près de son visage. « À quoi pensiez-vous en chargeant comme ça !? »
Elle semblait furieuse, mais de près, je pouvais voir des larmes dans les yeux de Liscia.
« Oh, Hmm... désolé..., » dis-je.
« Non. Pas de “Désolé” ! » répliqua-t-elle. « Vous m’avez presque fait avoir une crise cardiaque. Si quelque chose devait vous arriver... que ferais-je... que ferions-nous tous... ? »
Quand j’avais entendu la voix de Liscia se briser en raison de l’émotion, je pouvais sentir à quel point elle avait été inquiète pour ma sécurité. Le mélange de bonheur et de culpabilité m’avait fait mal à la poitrine.
« Mais, vraiment, je suis désolé, » dis-je. « Quelqu’un que je connais a été attaqué, alors j’ai bougé sans réfléchir... »
« Hé ! Vous ! »
J’avais été soudainement saisi par la peau du cou et traîné dans la direction opposée. Quand je m’étais retourné, Juno me regardait avec un regard empli d’une très forte suspicion à mon égard.
« Vous m’avez appelé Juno, n’est-ce pas ? » s’écria-t-elle. « Comment connaissez-vous mon nom ? »
« Eh bien... Non... Je suis, Hmm, » balbutiai-je.
« Arrêtez, Som... Kazuya, » Liscia me dévisagea, l’air contrarié pour une raison différente d’avant. « Qui est cette fille ? »
Elle m’avait presque appelé Souma pour une seconde fois, mais avec Juno juste à côté de nous, elle avait changé de nom.
Oui, ça avait été une bonne idée. Maintenant, je voulais juste qu’elle ne me regarde pas si fortement.
J’étais pris en sandwich entre deux jolies filles, avec toutes les deux qui me regardaient fixement. Certaines personnes pourraient être jalouses de cette situation, mais malheureusement, je n’étais pas équipé des bons fétiches pour l’apprécier pleinement.
Cette situation... Comment pourrai-je vraiment l’expliquer ? Me demandai-je. Ou plutôt, par où devais-je même commencer ? dois-je commencer par dire que c’est moi qui me trouvais à l’intérieur du Petit Musashibo (ou, plus précisément, le contrôlait à distance) ?
Le regard de Juno s’était déplacé sur Liscia. Quelque chose avait dû attirer son attention, car elle l’inspectait de près. « Hé, j’ai l’impression de vous avoir déjà rencontré quelque part auparavant. »
« Hein !? » demanda Liscia. « Ah ! »
Liscia tira avec force sur mon bras, puis me murmura à l’oreille. « Cette fille, n’est-ce pas elle qui était à ce banquet ? »
Hein !? Oh ! Maintenant que j’y avais pensé, Liscia avait rencontré Juno, n’est-ce pas ? Liscia avait reconnu Juno, mais à en juger par la réaction de Juno, elle ne savait pas qui était Liscia. C’était probablement parce que Liscia était légèrement déguisée en ce moment.
Juno mit ses mains sur ses hanches, faisant un visage en colère. « Qu’est-ce que vous murmurez tous les deux ? Cela me semble suspect. »
« Non, ce n’est vraiment pas du tout suspect..., » dis-je.
Quand Juno m’avait regardé avec ses yeux inflexibles, c’était devenu un peu gênant d’être là. C’était là que Carla et Owen, qui avaient fini d’éliminer les brigands, revinrent près de moi.
« Que faisiez-vous, maître !? » cria Carla. « Pourquoi êtes-vous allé vers l’avant comme ça ? »
« Gahaha! » riait Owen. « J’ai vu ça. Les techniques d’épée que je vous ai enseignées sont très utiles, n’est-ce pas ? »
Voyant cela comme ma chance de sortir de l’atmosphère actuelle, je m’étais glissé hors du centre du sandwich Liscia-Juno et je m’étais précipité vers eux deux.
« Ah ! Hé ! Je veux une explication correcte ! » Juno me parla après ça.
Tout en ignorant les plaintes de Juno, j’avais demandé à Carla et Owen. « Vous deux, bon travail. Alors, qui étaient ces personnes-là ? »
« D’après ce que j’ai pu comprendre, il semblerait que cela soit un marchand d’esclaves et des hommes qui sont à son service, » répondit Carla.
« Un marchand d’esclaves ? » répétai-je.
« Maître, vous avez récemment nationalisé le commerce des esclaves, » expliqua-t-elle. « J’ai entendu dire que vous aviez aussi rendu les examens de qualification plus rigoureux. Cela a poussé les marchands d’esclaves d’autres pays à sortir du pays, et les esclavagistes de notre propre pays qui n’ont pas réussi à se qualifier partaient aussi pour d’autres pays. Ceux-ci étaient un groupe d’esclavagistes qui ont échoué à l’examen de qualification. »
L’autre jour, j’avais transformé les marchands d’esclaves en fonctionnaires. Je ne pouvais pas encore abolir le système de l’esclavage, mais pour en faire quelque chose qui n’existait que de nom, je travaillais pour que les esclaves ne soient plus traités comme des objets, mais qu’ils soient traités comme des ouvriers et de véritables individus. Pour y arriver, j’avais fait en sorte que les esclavagistes qui traitaient leurs esclaves comme des objets et qui en abusaient échouaient à l’examen de qualification.
« Mais pourquoi des personnes comme ça attaqueraient les réfugiés ? » demandai-je.
« Afin de financer leur voyage à l’étranger, ils voulaient sans aucun doute enlever des femmes et des enfants qui semblaient pouvoir vendre un bon prix, » déclara Carla. « Mais parce que les réfugiés ne sont pas des habitants de ce pays, ils ont dû penser que les fonctionnaires n’agiraient pas de manière proactive pour les protéger. »
« Comme si nous ne le ferions pas !? » criai-je.
« Je-je ne suis pas celle à qui vous devez dire ça, » dit Carla avec un regard troublé présent sur son visage. Cela me ramena à mes sens. C’est vrai, ce n’était pas quelque chose que je devais dire à Carla.
« Je suis désolé, » dis-je. « Je suis désolé d’avoir perdu mon sang-froid là-bas. »
« Non..., » commença Carla.
« Carla, je suis désolé, mais pourriez-vous retourner au château et rapporter ce qui s’est passé ici à Hakuya ? » demandai-je. « Je suis sûr qu’il enverra un avis à ceux qui ont besoin de savoir et qu’il réfléchira tout de suite sur les mesures nécessaires. »
« Oui, Sire. J’ai compris, » déclara Carla.
Aussitôt qu’elle eut déclaré cela, Carla déploya ses ailes et s’élança dans les airs, volant vers le château à toute allure. À cet instant, j’avais aperçu son porte-jarretelles, alors j’avais rapidement regardé ailleurs.
Eh bien, je n’ai rien vu de bien important. Alors, s’il vous plaît, Liscia, ne me regardez pas comme ça, pensai-je.
Puis, à peu près exactement au moment où Carla avait décollé, Hilde était revenue. « Nous avons fini de soigner les blessés. Ce sont des blessures mineures, mais c’est probablement dû au travail rapide de ce prêtre. Leurs vies ne sont pas en danger. Les blessures ont déjà été fermées avec de la magie. »
« Je vois... C’est une bonne chose..., » dis-je.
« Mais qu’allez-vous faire ? » demanda Hilde. « On dirait qu’une foule s’est rassemblée ici. »
Au moment où j’avais regardé autour de moi, il y avait des réfugiés qui avaient commencé à se rassembler quand ils avaient entendu l’agitation. Nous avions réussi à garder un profil bas jusqu’ici, donc je ne voulais pas me démarquer maintenant.
J’avais appelé Owen et Liscia. « Laissons les aventuriers remettre ces personnes-là aux autorités. De notre côté, nous irons rencontrer le chef du village comme prévu. »
« Compris, Sire, » déclara Owen.
« Ne voulez-vous rien faire à propos de Juno ? » demanda Liscia.
« Je ne vois pas de bon moyen d’expliquer cette situation, » dis-je. « D’ailleurs, il serait probablement mauvais de lui sortir que le roi était celui qui était à l’intérieur de Petit Musashibo depuis le début. »
« C’est vrai, si les habitants découvraient que le roi jouait avec des poupées, ce n’est pas vraiment digne, » Liscia hocha la tête, apparemment satisfaite de ma décision.
Après ça, nous étions partis de là en toute hâte.
« Ah, hé ! Attendez ! » Juno m’avait crié dessus quand elle remarqua que je partais, mais je n’allais pas l’attendre.
Au revoir !
Non, attendez, elle était la voleuse ici.
☆☆☆
Partie 8
Après avoir laissé la fin de la résolution du problème à Juno et à son groupe, nous nous étions dirigés vers le centre du camp des réfugiés afin d’accomplir notre objectif initial qui était de rencontrer le chef. Après avoir suivi notre guide pendant un certain temps, nous avions finalement été conduits dans une grande tente qui ressemblait à une yourte mongole ou un tipi.
Au moment où nous étions entrés dans la tente, nous vîmes qu’il y avait un grand homme. Il était assis les jambes croisées avec les deux mains sur le sol, inclinant la tête vers nous. Il s’agissait d’une pose que j’avais souvent vue dans les dramas d’époque effectuée par des vassaux face à leurs seigneurs.
Le grand homme, qui avait l’air d’avoir une trentaine d’années, portait, si je devais le décrire simplement, des vêtements qui me semblaient être proches des vêtements amérindiens ou un style très proche. Il avait un physique bronzé et musclé, et bien qu’il faisait déjà assez froid, ses vêtements de cuir étaient sans manches. Il portait une peinture qui semblait magique sur son visage.
Derrière lui, il y avait une fille qui portait une tenue similaire et qui était assise dans la même position. Son âge n’était probablement pas si différent de celui de Liscia ou de Roroa. Elle était une fille mignonne avec des cheveux brun foncé et empli d’une simplicité rustique. Il y avait une ressemblance quant à leurs visages, donc ces deux-là pourraient être frères et sœurs.
« Je vous remercie d’être venu, Grand Roi de Friedonia, » avait déclaré l’homme.
« S’il vous plaît, pourriez-vous ne pas m’appeler Grand Roi ? » demandai-je. « Je n’aime pas vraiment ce genre de choses. »
Je m’étais alors assis devant l’homme imposant. Ce n’était pas sur une chaise, mais directement sur le tapis qui avait été déployé là. Il s’agissait d’une chose familière pour un Japonais.
En raison de la sensation, je pouvais dire qu’il y avait probablement des planches de bois sous le tapis. Le tapis ne semblait pas avoir été déployé directement sur la terre.
Liscia était assise à côté de moi, tandis qu’Owen, Hilde et Carla, qui étaient déjà de retour, étaient assis derrière nous en attendant.
L’homme avait alors dit : « Je vois..., » avec un regard pensif clairement visible. « Alors, comment dois-je vous appeler ? »
« Roi Souma... Votre Majesté... appelez-moi comme vous voulez..., » dis-je.
« Compris, Roi Souma. Je m’appelle Jirukoma. Je suis le chef de ce village des réfugiés. J’ai entendu dire que vous veniez d’aider certains de nos membres ici, et pour cela, je vous remercie du fond du cœur. » Jirukoma baissa fortement la tête.
« Je suis Souma Kazuya, celui qui joue le rôle du roi de ce pays, » dis-je. « Ceux qui les ont aidés étaient les aventuriers que nous avons déployés ici. Si vous voulez remercier quelqu’un, remerciez-les. »
« Je ne le vois pas ainsi. Les aventuriers sont ici grâce à votre soutien, » déclara Jirukoma. « Je vous remercie pour cela, et les fournitures que vous nous avez données. »
« J’accepte vos remerciements, » dis-je. « Mais, vous savez, je ne suis pas venu ici aujourd’hui pour que vous puissiez me remercier. Est-ce que vous vous en rendez compte ? »
L’expression de Jirukoma se raidit. Il devait savoir la raison qui faisait que j’étais ici. Après tout, il avait déjà parlé plusieurs fois avec les émissaires que j’avais envoyés pour discuter de cette question.
« Je suis venu ici pour vous pousser à prendre une décision, » dis-je. « Avez-vous écouté les conseils de mes émissaires ? Maintenant que je suis venu en personne, aujourd’hui est le jour où vous devez prendre votre décision. Laquelle choisirez-vous ? »
« C’est... ! » commença la fille.
« Arrête, Komain, » déclara l’homme.
« Mais, mon frère ! » répondit-elle.
La fille avait essayé de se lever, mais Jirukoma lui avait fait signe d’arrêter.
Le nom de cette fille était Komain, Hmm. Ils étaient apparemment frères et sœurs, tout comme je l’avais pensé.
Jirukoma lui avait alors dit. « Nos paroles vont décider du sort de tout le monde se trouvant dans ce village. Nous ne pouvons pas être prompts à nous mettre en colère. »
« ... je comprends, » Komain se rassit.
Pendant un instant, Owen et Carla s’étaient préparés pour se battre, mais Komain avait déposé les bras, et pour ainsi dire, ils s’étaient aussi calmés.
Une atmosphère pesante était tombée sur nous tous.
Peut-être par souci pour cela, Liscia avait parlé. « Souma, je voudrais que vous m’expliquiez la situation... »
« D’accord... Je veux que le problème des réfugiés soit dès maintenant résolu, » dis-je. « Parce qu’il n’y aura pas de bonne chose qui en résultera, ni pour notre pays ni pour les personnes qui vivent ici, si nous laissons les choses comme elles sont en ce moment. Voilà pourquoi j’ai forcé les réfugiés à prendre une décision. »
« Une décision ? » demanda-t-elle.
J’avais fait un profond hochement de tête, puis l’avais clairement déclaré. « Ils peuvent soit abandonner leur désir de rentrer chez eux et devenir des résidents de ce pays, ou ils peuvent partir. »
☆☆☆
Partie 9
Pour les réfugiés qui avaient perdu leurs maisons à l’apparition du Domaine du Seigneur-Démon, leur véritable désir était de retourner dans leurs terres et de reprendre la vie qu’ils avaient autrefois.
Cependant, dans la situation actuelle, il n’y avait aucune indication de quand, ou même si cela serait possible un jour.
L’incursion majeure qui avait été lancée dans le Domaine du Seigneur-Démon s’était soldée par un échec, instillant une peur du Domaine du Seigneur-Démon dans les forces de l’humanité.
Même la plus grande nation du côté de l’humanité, l’Empire Gran Chaos, était peu enthousiaste à l’idée d’une autre invasion. Les nations s’étaient donc uniquement concentrées sur le fait d’empêcher le Domaine du Seigneur-Démon de s’étendre.
Même si, à un certain moment dans le futur, quelque chose allait améliorer cette situation, ça ne serait pas dans les prochains jours. Cela ne serait pas non plus dans les prochains mois. Même après des années, il pourrait encore être difficile que cela change.
Dans un tel cas, que devraient faire les réfugiés en tant que réponse ? Devait-il continuer à prier pour leur retour tout en ne prêtant pas allégeance à un pays pendant qu’ils restaient dans un pays étranger ?
... Ce n’était pas bon. Ce genre d’arrangement déformé était sûr de causer des problèmes plus tard.
« L’ancien roi a fermé les yeux sur votre présence, » dis-je. « J’ai eu une montagne d’autres problèmes à traiter, donc j’ai continué ainsi jusqu’à aujourd’hui. J’ai même fourni un peu de soutien. C’était le maximum que je pouvais vous allouer dans une telle situation même si vous devez penser que c’était faible. »
Jirukoma n’avait rien dit face à ça.
« Mais maintenant, après que des solutions à tous les autres problèmes aient été mises en place, je dois aborder celui-ci, » continuai-je. « Nous ne pouvons pas simplement vous fournir un soutien pour toujours, et le fait que vous restez ici illégalement est un problème. Nous avons fermé les yeux jusqu’à présent, mais chasser et collecter des ressources sans permis est contraire à la loi. Si nous tolérons ces actes illégaux, nous sommes sûrs d’attiser le ressentiment de la population de ce pays. »
Parce qu’ils n’appartenaient pas à ce pays.
Pour l’instant, il y avait encore un air de sympathie pour eux parce qu’ils avaient perdu leurs pays quand le Domaine du Seigneur-Démon était apparu. Cependant, le temps était du temps. Vous ne pourriez jamais dire quand les vents pourraient tourner.
Ils n’avaient aucune perspective de pouvoir rentrer chez eux avant longtemps. Si nous soutenions les non-citoyens indéfiniment, et continuions à négliger leur comportement illégal, il ne faudrait pas longtemps avant que le ressentiment du peuple se mette à bouillir contre eux. Dans le pire des cas, il pourrait y avoir des affrontements entre les habitants du pays et les réfugiés.
« C’est pourquoi j’ai poussé les personnes ici afin qu’elles prennent une décision, » dis-je. « Ils peuvent renoncer à retourner dans leur pays et devenir des habitants de ce pays, ou ils peuvent choisir de ne pas renoncer au retour et de quitter ce pays en tant que peuple d’une terre étrangère. Je suis ici aujourd’hui pour leur faire faire ce choix. »
« Mais, Souma, c’est..., » murmura Liscia.
Liscia avait un regard douloureux sur son visage, mais je secouai silencieusement ma tête.
« Vous pouvez penser que c’est cruel, mais c’est nécessaire, » répondis-je finalement.
Dans le monde d’où je venais, il y avait un livre qui comparait un Commonwealth à un monstre et son peuple à d’innombrables écailles qui le recouvraient. Sur la couverture de ce livre, le monstre avait été représenté comme une personne plus grande qu’une montagne.
« Un pays est finalement... quelque chose comme une personne géante, » dis-je. « Et les habitants sont des miroirs qui se reflètent. Si quelqu’un vous aime, vous pouvez les aimer en retour, et vous aurez envie de les protéger, peu importe ce qui se passe. S’ils sont indifférents envers vous, vous leur serez indifférent. Et à moins d’être un saint, vous ne pouvez pas aimer quelqu’un qui vous déteste. »
« Les pays sont aussi ainsi... est-ce que vous voulez dire par là ? » déclara Jirukoma gravement.
Je hochai la tête.
Je pouvais clairement voir que, si les choses continuaient comme elles étaient, les personnes seraient insatisfaites. Voilà pourquoi je devais tout faire pour les assimiler alors que ces personnes étaient toujours sympathiques. Il s’agissait d’un état multiracial. Comparé à un état dominé par une race, le terrain pour les accepter était relativement fertile. Cependant, cela dépendait du fait que les réfugiés puissent accepter de devenir membres d’un État multiracial.
J’avais parlé de ça quand j’avais signalé la faille dans la Déclaration de l’Humanité, mais quand le nationalisme ethnique devient trop fort, il peut être la cause de la guerre civile.
« Si vous, monsieur Jirukoma, et votre peuple tenez obstinément à l’idée de retourner dans votre pays, et que vous dites que vous ne pouvez pas vous identifier à ce pays, alors je serai forcé de vous exiler, » annonçai-je.
Jirukoma avait fait grincer ses dents de derrière. « Tout ce que nous voulons, c’est retourner dans notre patrie. »
« Je comprends parfaitement ce sentiment, » dis-je. « Je m’en fiche si vous avez à ce sentiment dans votre propre cœur. Si par la suite, la situation s’améliorait, vous permettant ainsi de revenir dans votre ancien pays, ça ne me dérangerait pas si vous le faites à ce moment-là. Cependant, au moins pendant que vous êtes dans ce pays, j’ai besoin que vous ayez l’impression que vous êtes un membre de ce pays. Si vous ne pouvez pas faire ça, je ne peux pas vous laisser rester ici. »
Jirukoma était à court de mots.
Komain, qui était restée silencieuse jusqu’à ce moment-là, se leva. « Qu’est-ce que... vous en savez ? »
« Arrête, Komain ! » ordonna Jirukoma.
« Non, frère, je vais dire ce que je pense ! » cria Komain. « Vous êtes le roi de cette terre, n’est-ce pas ? Vous avez votre propre pays ! La douleur de perdre votre pays est quelque chose que vous ne pourriez jamais... »
« Je comprends parfaitement ce sentiment ! » je lui avais ainsi coupé la parole.
Komain criait de rage, mais je la regardais droit dans les yeux et parlais calmement.
« Vous avez dû entendre que j’ai été invoqué ici depuis un autre monde, » dis-je « Pour ma part, il s’agit d’un voyage sans retour possible. Contrairement à vous, qui avez au moins un peu d’espoir, je n’ai aucun moyen de revenir dans mon pays. Voilà pourquoi je peux parfaitement comprendre la douleur de perdre votre patrie. »
« Argg..., » Komain n’avait pas trouvé de mots pour me répondre.
Liscia abaissa son visage à ce moment-là. Étant donné le genre sérieux qu’elle était, Liscia se sentait probablement coupable que c’était son père, même s’il l’avait fait à la demande de l’Empire, qui m’avait arraché à ma patrie.
« Ce désir de rentrer chez soi... C’est difficile de l’effacer, je le sais parfaitement, » dis-je. « La terre de notre naissance est spéciale pour chaque personne. C’est quand nous perdons quelque chose que nous avons tenu pour acquis que nous sommes d’abord forcés de voir à quel point c’était précieux. Il est facile de dire que c’est une histoire qui se joue encore et encore, mais ce n’est pas si facile de l’accepter logiquement comme ça. »
« Souma..., » murmura Liscia. Son cœur était clairement douloureux en ce moment.
J’avais alors placé ma main sur la sienne. Les yeux de Liscia s’ouvrirent en raison de la surprise. J’avais ensuite souri à Liscia afin de la rassurer.
« Mais... dans mon cas, j’avais Liscia ainsi que d'autres personnes, » continuai-je. « J’avais des personnes qui seraient toujours à mes côtés et me soutiendraient. J’avais des personnes qui pensaient à moi. J’ai travaillé désespérément au nom de ce pays afin de répondre à leurs sentiments. Pendant que je faisais ça, à un moment donné, j’ai commencé à penser que ce pays était le mien. Au point où je pouvais penser que, si j’avais perdu ce pays, je serais probablement aussi triste que je l’étais lorsque j’ai perdu ma patrie d’origine. »
En fin de compte, une patrie était une connexion. C’était un lien entre la terre et les gens qui y vivaient. Si quelque chose pouvait combler le trou laissé en le perdant, il faudrait qu’il y ait une autre connexion.
Komain s’assit, sa force ayant disparu, et pencha la tête. Ce n’était pas quelque chose qu’elle serait capable d’accepter immédiatement. Mais ils ne pouvaient pas aller de l’avant en restant immobiles.
« C’est pourquoi je veux faire pour vous ce que Liscia et les autres personnes proches de moi ont fait pour moi, » dis-je avec douceur. « Si vous voulez aimer ce pays et en devenir membre, ce pays vous acceptera. »
« Pour être précis... comment va-t-il nous accepter ? » Les yeux de Jirukoma devinrent plus sévères, m’interrogeant pour trouver ma véritable intention. « Je sais qu’il est incroyablement impoli de vous le demander quand vous nous offrez de nous accepter. Cependant, nous avons vu et entendu de nombreuses réalités difficiles sur notre chemin jusqu’ici. Il y avait des pays qui prétendaient accepter les réfugiés, puis les ont mis au travail en leur faisant faire le travail dur dans les mines pour un salaire peu élevé. Il y avait des pays qui les ont envoyés se battre en tant que soldats sur la ligne de front dans la bataille contre le Domaine du Seigneur-Démon. Les façons dont ils ont été traités étaient nombreuses et variées. »
« J’ai entendu ça, oui..., » dis-je. « Bien que je ne puisse voir que ces plans comme étant des plus stupides... »
« Ce sont de stupides plans ? » demanda Jirukoma.
« Tout à fait. Tout d’abord, les envoyer en première ligne est le plan le plus stupide d’entre tous, » dis-je. « La défense nationale est la base de tout état. S’ils confient cela à des étrangers, ils finiront par faire face à une grave crise nationale. »
Il y avait eu de nombreux exemples de cela dans l’histoire de la Terre. Par exemple, pendant la période des migrations, l’Empire Romain d’Occident avait essayé d’utiliser les peuples germaniques qui s’étaient installés pacifiquement dans l’empire pour s’occuper des envahisseurs germaniques, et ils avaient centré leurs forces sur les mercenaires allemands. En conséquence, leurs armées s’étaient germanisées et avaient été détruites par le commandant mercenaire germanique Odoacer.
En outre, sous la dynastie chinoise des Tang, le fait de donner le pouvoir à An Lushan, qui avait des origines Sogdien et Göktürk, avait conduit à une rébellion qui avait raccourci la vie du pays.
« Les traiter comme des esclaves est un plan tout aussi stupide, » dis-je. « Cela ne fera qu’alimenter l’animosité des réfugiés. Que feront-ils si les réfugiés irrités complotent une rébellion ou des attaques terroristes ? Ils cultivent seulement les graines d’une catastrophe dans leur propre pays. »
« Alors... qu’en est-il de la politique de l’Empire Gran Chaos ? » m’avait demandé Jirukoma, me regardant droit dans les yeux alors qu’il le faisait.
Je m’étais gratté la tête. « C’est dans le genre de Madame Maria d’adopter ce genre de politique. »
L’Empire avait accueilli un nombre considérable de réfugiés. L’Empire leur avait fourni des terres incultes dans leur pays, suivant une politique de reconnaissance des réfugiés en tant que résidents temporaires s’ils travaillaient pour le cultiver. En d’autres termes, ils avaient créé des villages de réfugiés, leur permettant de se gérer eux-mêmes. S’ils étaient en mesure de subvenir à leurs besoins, cela ne faisait pas de mal aux coffres de l’Empire, et s’ils pouvaient revenir au nord à une date ultérieure, ils laisseraient derrière eux toutes les terres qu’ils avaient cultivées. De toute façon, l’Empire ne pouvait pas perdre.
Eh bien, c’était probablement comme ça que Maria l’avait vendu aux personnes autour d’elle. C’était une femme si douce qu’elle avait été appelée une sainte. Dans son cœur, elle l’avait probablement fait parce qu’elle s’était sentie désolée pour les réfugiés. En les rendant autosuffisants, elle leur avait permis de rester dans l’Empire sans renoncer à leur désir de rentrer chez eux. Même s’ils ne pouvaient pas rentrer chez eux, parce que leur territoire était à l’intérieur de l’Empire, elle pensait probablement qu’ils s’assimileraient naturellement aux habitants de l’Empire.
C’était l’approche opposée à ce que je faisais maintenant, faisant que les réfugiés abandonnent leur désir de retourner chez eux et les obligent à assimiler.
Mais...
« Désolé, mais... c’est une politique que notre royaume ne peut pas adopter, » dis-je.
« Pourquoi ? » demanda Jirukoma.
« Car elle est extrêmement dangereuse, » répondis-je.
S’ils leur donnaient des terres incultes et les faisaient développer, cela ne blessait pas les coffres de l’Empire. Aussi longtemps que le pouvoir de l’Empire ne faiblira pas, les réfugiés leur obéiront et se sentiront probablement endettés envers eux. Si cela durait cent ans, on pouvait s’attendre à ce qu’ils s’assimilent progressivement à la population locale.
Cependant, il n’y avait pas de possibilités de savoir que l’époque changerait.
C’était la nature de notre monde que le pouvoir que nous détenions aujourd’hui pourrait être perdu demain. Si le pire devait arriver, et que quelque chose provoquait l’affaiblissement de l’autorité de l’Empire, que feraient les réfugiés en réponse ?
« C’est la terre qu’ils cultivaient à la sueur de leurs propres fronts, » dis-je. « Ne pourraient-ils pas avoir l’impression que c’était la leur ? Ce n’est pas un problème avec la génération qui aspire à rentrer chez eux. Ils ressentiraient probablement un attachement plus fort à leur patrie qu’à la terre qu’ils ont cultivée. Cependant, qu’en est-il de la prochaine génération ? La génération qui est née là et n’a jamais connu leur patrie ? Seraient-ils capables d’accepter le fait que la terre que leurs pères ont suée pour s’ouvrir au développement ne leur a été que prêtée par l’Empire ? Ne penseraient-ils pas que c’est leur propre pays ? »
Dans l’histoire de la Terre, il y avait eu le cas des Serbes. Lorsque le Royaume de Serbie avait été détruit par l’Empire ottoman, de nombreux Serbes avaient fui vers l’Empire des Habsbourg (l’Empire austro-hongrois). L’Empire des Habsbourg avait activement accueilli les Serbes. Ils les avaient fait aménager des terres près des lignes de front avec les Ottomans, en les utilisant comme des soldats coloniaux pour défendre ces lignes de front. Les Serbes avaient développé la frontière en combattant les Ottomans. Cet environnement hostile avait engendré un fort désir d’autonomie chez les Serbes, développant un terrain fertile pour le nationalisme ethnique.
Avec le temps, le concept nationaliste de la Grande Serbie était apparu, provoquant l’incident de Sarajevo qui avait déclenché la Première Guerre mondiale et détruit l’Empire des Habsbourg.
En outre, les politiques serbes centrées sur le nationalisme serbe avaient provoqué la montée du nationalisme dans d’autres groupes ethniques. Leur conflit avec le nationalisme croate, en particulier, avait été horrible avec des massacres des deux côtés.
Les réfugiés étaient un groupe multiracial, mais ils développeraient probablement un sentiment d’identité commune à travers les joies partagées et les chagrins. Cette identité commune pourrait prendre un visage nationaliste qui séparait les réfugiés des autres habitants. L’Empire Gran Chaos avait été pris dans les étincelles qui pourraient éventuellement déclencher ce genre de situation horrible dans le futur.
Jirukoma fronça les sourcils. « Croyiez-vous que la politique de l’Empire soit une erreur ? »
« Non... je n’irais pas aussi loin, » dis-je. « C’est une différence dans nos façons de penser. Madame Maria a choisi sa politique parce qu’elle croit que c’est la meilleure possible dans sa situation. Je ne peux pas le choisir parce que je crains que ce soit la pire possible. C’est tout ce qu’on peut en dire. »
J’avais remarqué cela avec la Déclaration de l’Humanité : l’Empire avait tendance à choisir des politiques avec un rendement élevé même si elles comportaient également un risque élevé caché à l’intérieur de celles-ci. Pendant ce temps, notre royaume se concentrait moins sur les rendements et plus sur la gestion des risques dans les politiques que nous avions choisies.
Aucune des deux approches n’était intrinsèquement meilleure. C’était une question qui était plus adaptée à l’époque dans laquelle nous vivions, et c’était quelque chose que nous apprenions seulement après les faits et sur la durée.
« Alors, Votre Majesté, qu’entendez-vous faire avec nous ? » demanda Jirukoma. « Vous voulez que nous renoncions à rentrer chez nous et devenions des habitants de ce pays, et que nous partions si nous ne le voulons pas. Vous ne nous ferez pas cultiver la terre, vous ne nous enrôlerez pas ou ne nous asservirez pas... Qu’est-ce que vous avez l’intention de faire avec nous ? »
Jirukoma haussa la voix pour la première fois. Même Komain, qui avait attendu cette explosion, avait frissonné quand il l’avait fait.
Jirukoma portait le sort de tous les réfugiés ici sur ses épaules. Cette intensité était quelque chose qui lui était prêté par le poids de son fardeau. Cependant, je portais moi aussi un lourd fardeau.
« ... Owen, » dis-je.
« Oui, Sire, » déclara Owen.
« Allez me chercher la chose dont nous avons discuté avant ça, » ordonnai-je.
« Compris, » répondit-il.
Owen était allé me chercher un long tube. Il était environ deux fois plus épais que le type de tube dans lequel vous alliez obtenir un diplôme, et plus de cinq fois plus long. À l’intérieur se trouvait un grand morceau de papier roulé dans un cylindre. J’avais déployé ce papier devant tout le monde. Quand ils virent ce qui était tracé sur ce papier, les yeux de Jirukoma et de Komain s’étaient élargis.
« Est-ce que c’est... une ville ? » demanda Jirukoma.
« Tout à fait, » dis-je. « Il s’agit d’une nouvelle ville en construction sur la côte. Son nom est Venetinova. »
Je leur avais montré une carte de la nouvelle ville, Venetinova, que j’avais construite comme un point stratégique pour le transport et le commerce afin d’accélérer la distribution.
« C’est une ville que j’ai construite en même temps que j’ai déployé un réseau de transport quand je suis arrivé dans ce royaume, mais cela n’est que récemment que des personnes peuvent y vivre, » dis-je. « Jusqu’à présent, nous avons seulement créé le quartier résidentiel, le quartier commercial et le port de commerce. À partir de maintenant, il y aura plus d’institutions ajoutées, et je prévois de la développer comme une ville à la pointe de la culture. En outre, nous allons bientôt lancer un appel aux résidents. »
J’avais regardé Jirukoma et Komain et j’avais dit : « Je pensais à inclure les réfugiés dans ce groupe de résidents. »
Mes paroles avaient fait déglutir Jirukoma et Komain.
« Si vous renoncez pour le moment à retourner dans votre patrie et que vous devenez un peuple de ce pays, je ferais préparer des résidences pour vous, » dis-je. « Comme il s’agit d’une nouvelle ville, il y aura beaucoup de travail. Cela va du travail physique comme l’industrie du transport jusqu’aux employés dans les magasins. Pendant un certain temps, je continuerai à fournir un soutien financier. Si vous devenez membres de ce pays et travaillez honnêtement tout comme l’ont fait les loups mystiques, je suis prêt à vous donner un endroit où vous ne mourrez pas de faim et vous n’aurez jamais froid. »
« C’est..., » murmura Jirukoma.
Les expressions de Jirukoma et Komain tremblaient.
C’est bizarre pour moi de le dire moi-même, mais je me demande à quoi je ressemble pour les yeux de Jirukoma et de Komain en ce moment, pensai-je. Suis-je un sauveur tendant la main vers eux quand ils en ont le plus besoin... ou un diable qui essaie de les tromper avec des mots doux ?
Jirukoma et Komain avaient ouvert la bouche pratiquement au même moment.
« Pouvez-vous vraiment nous offrir quelque chose de si merveilleux ? » s’écria Jirukoma.
« Ce que vous nous offrez est horrible ! » cria Komain.
Jirukoma et Komain se retournèrent afin de se regarder. Les deux membres de la fratrie semblaient être plus surpris que quiconque présent ici, et bien qu’ils aient parlé en même temps, leurs opinions étaient totalement opposées.
« P-Pourquoi dis-tu ça, frère !? C’est la même chose que s’il disait : “Voici un bon appât. Alors, maintenant, remuez votre queue pour moi” ! » cria Komain.
« Komain, » déclara Jirukoma. « Sa Majesté nous offre les fondations pour soutenir nos modes de vie. Sans la nécessité de cultiver la terre nous-mêmes comme dans l’Empire Gran Chaos. »
« Même ainsi, comment peut-il exiger que nous renoncions à rentrer à la maison !? Cela ne te dérange-t-il pas ? » demanda Komain.
« Si nous pouvons mettre de côté cette frustration, il dit qu’il nous empêchera de mourir de faim ou de geler, » déclara Jirukoma. « Ne comprends-tu pas à quel point cela est important pour les réfugiés ? »
Le frère et la sœur avaient deux visions complètement opposées de mon offre... C’était probablement comme ça.
« Ce n’est pas une surprise que vous ne soyez pas d’accord, » dis-je. « Je pense moi-même que cette proposition pourrait être considérée comme très douce ou très cruelle. Il n’y a aucune garantie que deux personnes regardant la même chose parviennent nécessairement à la même opinion. Ce que quelqu’un va penser, que c’est gentil ou méchant dépendra de la façon dont cette personne regarde et se sent à propos des choses. »
Ils étaient tous les deux silencieux.
J’avais pris une profonde inspiration, puis j’avais posé ma main sur la carte. « C’est le mieux que je puisse faire pour vous maintenant. Maintenant, tout ce que je peux faire, c’est espérer que vous prendrez la main que je vous ai tendue. À partir d’ici, c’est à vous de décider. »
Après que j’eus dit ça, Jirukoma avait gémi dû à sa détresse. « Il y a ceux dans ce village qui resteront déterminés à rentrer chez eux. »
« Voulez-vous dire... tout comme votre petite sœur ? » demandai-je.
« Non ! Komain est flexible ! » répondit-il. « Elle s’est seulement opposée plus tôt afin de représenter les personnes vivant dans ce village qui ne peuvent pas abandonner leur sentiment pour leurs patries ! »
« M-Mon frère..., » murmura Komain.
« Je suis sûr que c’est la vérité, » déclara Jirukoma. « La raison pour laquelle tu as dit que c’était horrible était en considérant le point de vue pour ceux que tu connais. Parce que tu... es une fille qui comprend la douleur des autres. »
« Arg..., » Komain devint silencieuse après ça. Avait-il touché dans le mille ?
Jirukoma se redressa et baissa la tête. « Nous sommes profondément reconnaissants pour votre gentillesse, Sire. Ce n’est pas quelque chose que je peux moi-même décider, alors j’aimerais rassembler d’autres personnes du village pour en discuter. »
« Je crois que je vous ai dit que j’étais venu ici en personne pour vous pousser à prendre une décision, n’est-ce pas ? » demandai-je.
« Je le sais. Cependant, je veux persuader autant que possible de prendre la main que vous avez gentiment tendue, Sire, » répondit-il. « Même si... cela devrait signifier la séparation des réfugiés. »
J’étais resté silencieux face à ça.
Scinder les réfugiés. En d’autres termes, ceux qui ne pourraient pas l’accepter devraient être chassés.
Était-ce la meilleure des choses que je pouvais faire pour l’instant ? Si je les bousculais trop, il n’en résulterait rien de bon.
« Mais il ne reste plus beaucoup de temps, » dis-je. « Même si je peux repousser la recherche de résidents, vous savez bien que je ne peux pas repousser le changement de saison. L’hiver a déjà commencé. »
Une saison avec un manque de préparation signifierait geler à mort. Les enfants et les personnes âgées, ceux qui avaient le moins de résistance, seraient les premiers à mourir. Si possible, je voulais qu’ils prennent leur décision à un stade où ils pourraient être complètement déplacés avant qu’on ne soit trop profondément dans l’hiver.
Jirukoma inclina profondément la tête encore une fois. « Oui, Sire ! J’en suis bien conscient. »
« Bon, alors dans ce cas ça va, » dis-je.
Le reste était à eux. Quelle que soit leur décision, je devrais prendre une réponse appropriée.
Si possible, je ne voulais pas avoir à montrer mon côté froid...
☆☆☆
Partie 10
C’était arrivé quand l’on commençait à avoir l’impression que les pourparlers étaient finis pour aujourd’hui.
C’était à ce moment-là qu’un homme en blouse blanche avait fait irruption avec rudesse dans la tente.
Il s’agissait d’un humain avec des yeux perçants qui semblaient être dans la mi-vingtaine. Ce qui était distinctif chez lui, c’était ses cheveux décoiffés qui, malgré son jeune âge, étaient d’un blanc immaculé jusqu’à la racine.
« J’ai entendu que Hilde était là, » dit l’homme d’un ton brusque.
Carla et Owen tenaient prudemment leurs poignées d’épée.
L’homme n’avait même pas fait attention à eux. Quand il aperçut Hilde, il se dirigea brusquement vers elle.
Hilde se leva, regardant droit vers le visage de l’homme. « Brad ! Comment osez-vous pousser l’enseignement des cours sur ma personne !? »
Le nom de cet homme aux cheveux blancs était Brad Joker. Avec Hilde, il était l’autre médecin qui soutenait la révolution médicale de ce pays.
Brad ne prêta pas attention aux plaintes de Hilde, la saisissant soudainement par le bras.
« Attends, que faites-vous ? » cria Hilde. « Ce n’est pas comme ça qu’on traite correctement une femme. »
« Si vous voulez vous plaindre, je l’entendrai plus tard, » s’exclama-t-il. « Désolé... Mais j’ai besoin que vous m’aidiez. »
Peut-être qu’elle sentait quelque chose de sérieux dans les yeux de Brad, parce que Hilde avait maintenant un regard sérieux sur son visage. « Quelque chose est arrivé ? »
Brad lâcha le bras qu’il tenait, puis acquiesça calmement. « Oui. Nous avons un cas urgent. »
***
Brad Joker était le Médecin traître.
Sur un continent où presque tout le monde dans la profession médicale était un praticien de la magie blanche (magie de récupération qui fonctionnait en activant les systèmes du corps), il était le seul chirurgien de ce pays. Il avait tenté de traiter des maladies graves sans recourir à la magie, en utilisant uniquement des examens médicaux et des interventions chirurgicales.
« Même sans se cramponner aux dieux, les personnes peuvent se guérir par leur propre pouvoir. » C’était le point de vue personnel de Brad.
Sur ce continent, les individus avaient tendance à voir la magie blanche comme « la bénédiction des dieux », en particulier dans l’Orthodoxie Lunaire, où elle était considérée comme sacrée. Cela en avait fait une opinion assez dangereuse à tenir.
Brad avait erré à travers de nombreux champs de bataille dans de nombreux pays différents. Il prenait en charge les restes de soldats inconnus morts au combat, disséquant leurs corps pour étudier les structures des corps des différentes races. Il avait développé son propre champ de traitement chirurgical indépendant qui utilisait l’anesthésie et les opérations.
Il avait également approché la connaissance de la race à trois yeux sans préjugés et l’avait absorbée. Il connaissait parfaitement l’existence des micro-organismes et les effets des antibiotiques, et il avait appliqué ces techniques à son travail.
Ses compétences étaient telles qu’il serait juste de les appeler pieux. (Bien que, pour Brad détestant Dieu, cela apparaîtrait comme sarcastique.) Le facteur le plus important dans tout cela était qu’il avait été capable de guérir des tumeurs malignes, qui avaient été impossibles à traiter en utilisant la magie blanche, en les enlevant par une opération chirurgicale.
« La lumière n’est pas la seule chose qui peut guérir les gens. L’obscurité peut aussi réconforter. »
On dirait qu’il avait eu un cas de syndrome d’école secondaire quand il l’avait dit comme ça, mais je pourrais sympathiser. J’avais demandé son aide, mais ça n’avait pas été facile de le convaincre.
Je voulais dire par là...
« J’ai cherché ce pouvoir (chirurgie) pour que je puisse sauver les pauvres qui ne pouvaient pas se payer un traitement et les personnes dans les régions reculées où il n’y a pas de mages blancs. Je n’ai aucun intérêt pour l’argent, le pouvoir, etc. ».
... était ce qu’il m’avait dit.
Maintenant, quant à savoir comment j’avais réussi à le faire coopérer. Je l’avais approché... Hmm, négocié avec lui... en n’utilisant pas l’argent, ou le pouvoir, mais les objets.
Pour être précis, afin que tout le monde dans le royaume ait un accès facile aux soins médicaux, j’avais créé un système national d’assurance-maladie comme celui de mon monde et j’avais promis que le meilleur forgeron du pays forgerait un scalpel, des aiguilles à suturer et un équipement médical complet pour lui. Ensuite, en arrangeant un système où il serait un collaborateur, et non pas un vassal, il avait finalement accepté de coopérer.
Jusqu’à présent, je l’avais fait travailler avec Hilde pour guider le système médical de ce pays.
Sa collecte de cadavres et ses dissections avaient offensé beaucoup de personnes, alors il était considéré par beaucoup comme un hérétique dans le monde médical. La partie la plus difficile de l’embauche était de se débarrasser de ce préjugé présent contre lui. Et vu la façon dont il agissait, je ne pouvais, après tout, pas compter sur lui pour lui-même se défendre.
N’ayant pas d’autre choix, je lui avais fait examiner une personne importante qui avait beaucoup de connexion dans ce pays et qui souffrait d’une maladie. En lui faisant soigner une maladie que l’on croyait impossible à traiter, j’avais fait reconnaître par cette personne ses compétences.
Une fois que les personnes savaient que quelque chose était efficace, leurs opinions changeraient rapidement. Le nombre de médecins désireux d’apprendre la chirurgie avait également commencé à augmenter. Cela étant dit, en soignant cet important membre de l’exécutif, il avait aidé à faire un rétablissement complet de sa spécialité, et nous formions maintenant de nouveaux chirurgiens dans ce pays.
Pour ma part, j’étais en train de me dépêcher de retravailler les lois et de délivrer des licences chirurgicales afin que les faux chirurgiens qui n’avaient pas les compétences nécessaires n’apparaissent pas. Au début, je n’aurais besoin que de licences pour la chirurgie. Finalement, j’avais l’intention de faire que pour les traitements avec la magie blanche et tout ce qui touche à la pharmacologie nécessite aussi des licences.
Bref, revenons à l’histoire.
Quand elle avait entendu parler du cas urgent, l’expression de Hilde était devenue sérieuse comme si quelqu’un avait basculé un interrupteur. « Parlez-moi du patient. »
Elle avait vraiment le visage d’un médecin maintenant. C’était une professionnelle entre tous.
Brad avait clairement expliqué la situation à Hilde. « Il s’agit d’une femme enceinte de ce village. Elle a déjà perdu ses eaux. Le bébé pourrait naître à tout moment, mais la position du fœtus est mauvaise. Il est allongé avec le dos contre la sortie de l’utérus de sa mère. »
« Placement transversal, hein... C’est inhabituel et dangereux..., » déclara-t-elle.
Je n’avais pas compris ce qu’ils disaient, mais j’avais compris que ça allait être une naissance difficile.
« Semble-t-il que la sage-femme a déjà abandonné, » déclara Brad.
« Eh bien, je ne suis pas surprise par ça, » déclara Hilde. « Il va se faire bloquer par l’os du bassin. Normalement, la mère ou l’enfant... l’un d’entre eux devrait être sacrifié dans le cas présent. Afin de sauver les deux... »
« Oui... Une incision chirurgicale est probablement la seule option, » compléta Brad.
Incision chirurgicale... Oh, une césarienne ! Mais Hilde le regardait comme si elle doutait de ça.
« Pouvez-vous faire ça ? » demanda-t-elle. « J’ai entendu dire que le taux de survie des mères dont l’utérus est ouvert est inférieur à vingt pour cent. »
« Il y a une raison très claire pour laquelle ce taux de survie est si bas, » répondit Brad.
« Oh... Et qu’est-ce que ça serait ? » demanda Hilde.
« Ni vous ni moi n’avions effectué la procédure, » déclara Brad, comme si c’était une évidence.
Quand il parlait avec une telle confiance, Hilde fronça les sourcils. « Vous dites les choses les plus incroyables comme si elles n’étaient rien... »
« C’est une question de fait, » dit-il. « Pour être plus précis, c’est parce qu’ils manquent de mes compétences et de la connaissance des trois yeux concernant les maladies infectieuses. Leur processus consiste seulement à ouvrir le ventre, à retirer le fœtus, à refermer la plaie, puis à la guérir avec de la magie blanche. Ils n’ont pas d’anesthésique, donc la mère enceinte souffre. Leur technique d’incision et de suture est sous-développée, donc même s’ils utilisent la magie blanche, la plaie ne se ferme pas correctement et le patient meurt dû aux saignements. Ils n’ont pas vos antibiotiques, donc il est facile pour le patient de développer une maladie infectieuse après la procédure. Voilà pourquoi le taux de survie est faible. »
Brad tendit une main à Hilde.
« Même par moi-même, je peux porter le taux de réussite à 80 %, » déclara-t-il. « Cependant, si vous êtes à mes côtés pour la gestion de l’hygiène, nous pouvons atteindre un taux incroyablement proche de cent pour cent. »
« Bon sang, ça ne me laisse pas beaucoup de choix, n’est-ce pas ? » Hilde se gratta l’arrière de la tête avant de prendre la main de Brad. « Face à un médecin, tous les patients sont égaux. C’est pourquoi les médecins ne doivent pas être difficile concernant qui ils traitent. »
« Je vous remercie, » répondit Brad. « Vous avoir là est aussi bien que d’avoir une centaine de quelqu’un d’autre. »
Hilde se tourna pour faire face au reste d’entre nous. « Votre Majesté ! Chef des réfugiés ! Vous avez tous entendu. Désolé, mais nous voudrions emprunter vos subalternes pour cela. »
« D’accord. Bien sûr que vous pouvez, » dis-je.
« Bien sûr, » déclara Jirukoma. « Nous sommes une famille. C’est le devoir du chef de défendre sa famille. »
« Merci, » déclaré Hilde. « Fille Dragonewt ! »
« M-Moi !? » Carla avait un peu sursauté quand elle lui avait parlé.
« Allez aussi vite que possible au laboratoire médical de la capitale, » ordonna Hilde. « Rapportez l’équipement et les fournitures médicales pour nous. Si vous demandez mon sac noir, les chercheurs sauront ce que vous voulez dire. Vous pouvez simplement apporter le sac tout entier. »
« J-J’ai compris, » Carla sortit de la tente.
Ensuite, Hilde avait regardé Jirukoma. « Chef des réfugiés, je veux emprunter cette tente. Il est préférable de la déplacer vers l’endroit le plus hygiénique que nous puissions avoir. »
« Ça ne me dérange pas, » déclara Jirukoma. « Utilisez ce que vous voulez. »
« Aussi, nous chercherons quelqu’un avec le même sang que la mère, alors rassemblez les réfugiés dans la zone, » demanda Hilde.
« Compris, » déclara Jirukoma
J’avais appris cela plus tard, mais ce monde avait aussi des types de sang A, B, et O (bien que leur schéma de dénomination soit différent). Mystérieusement, même entre les races, si les groupes sanguins correspondaient, ils pourraient presque toujours être utilisés pour des transfusions sanguines. J’avais dit « presque toujours » parce qu’il y avait des groupes sanguins qui ne pouvaient pas recevoir de transfusions, quel que soit le groupe sanguin utilisé. Peut-être que cela pourrait être parce qu’il y avait aussi des groupes sanguins Rh positif et négatif dans ce monde.
« Ensuite, vous savez quelque chose concernant l’hygiène, n’est-ce pas, Sire ? » demanda Hilde. « Expliquez-le au chef ici et à son peuple. Je veux que l’environnement dans lequel nous travaillons soit aussi propre que possible. Et aussi, faites bouillir beaucoup d’eau pour nous. Nous voulons désinfecter nos outils. »
« Allons-y ! Liscia, Owen, faisons cela ! » déclarai-je.
« D’accord ! » répondit Liscia.
« Compris ! » confirma Owen.
« L-Laissez-moi aussi vous aider, » s’exclama Komain.
Komain nous avait suivis, installant des choses à l’intérieur de la tente et nous aidant à faire bouillir beaucoup d’eau. Sans égard pour nos positions respectives, chacun d’entre nous avait durement travaillé pour faire ce que nous pouvions.
Ceux qui pouvaient faire quelque chose l’avaient fait.
D’une certaine manière, j’avais l’impression que nous incarnions l’état actuel de ce pays.
☆☆☆
Partie 11
Une fois les préparatifs terminés, il ne nous restait plus rien à faire.
À l’intérieur de la tente, Brad et Hilde avaient dû maintenant commencer à effectuer la procédure. Je pouvais entendre la respiration larmoyante de la mère se trouvant à l’intérieur. Tout ce que nous pouvions faire était d’attendre à l’extérieur de la tente jusqu’à ce que la procédure se termine.
Liscia, qui regardait la porte, parlait d’une voix inquiète. « J’ai entendu dire qu’ils tranchaient le ventre de la mère. Est-ce qu’elle va bien ? »
« Si c’est tout ce que vous avez entendu, ça ressemble à un crime bizarre, n’est-ce pas ? » dis-je. « Mais vous n’avez aucune raison de vous inquiéter. »
J’avais mis une main sur la tête de Liscia.
« Les césariennes sont des opérations couramment utilisées pour les accouchements difficiles dans le monde d’où je viens, et le taux de femmes qui meurent en couches est assez bas, » déclarai-je. « La grande majorité des personnes ne pensent même pas au fait qu’une femme enceinte puisse mourir quand elle accouche. Ils supposent simplement que l’enfant naîtra bientôt. »
« Le monde d’où vous venez est aussi incroyable que jamais, Souma, » murmura Liscia.
« Oui, un peu, » dis-je. « Et aussi... ces deux-là peuvent faire quelque chose de semblable à la médecine de mon pays. Eh bien, mon monde manque de magie blanche, donc ce n’est pas facile de faire une comparaison directe. » Je m’étais tourné vers Jirukoma, qui se tenait à côté de moi. « Quand est-il du mari de la mère ? »
« Nous ne savons pas s’il est mort ou vivant, » répondit-il. « Il semblerait qu’ils ont été séparés en s’échappant du Nord. Pourtant, elle a dit qu’elle était déterminée à donner naissance à l’enfant se trouvant déjà dans son ventre et qu’ils attendraient ensemble le père. »
« Je vois..., » dis-je.
Les mères avaient toujours été fortes. Il semblait que c’était vrai dans n’importe quel monde.
« Pour les habitants de ce village, l’enfant en elle est de l’espoir, » déclara Jirukoma. « Cela nous a donné le sentiment que nous ne perdrions pas seulement des choses. C’est pourquoi nous avions tous décidé que le village entier élèverait l’enfant ensemble, avec amour. »
« Je vois... Hé, Jirukoma ! » je m’étais retourné pour lui faire face. « Je sais à quel point Brad et Hilde sont compétents. C’est pourquoi je suis sûr que la mère et l’enfant survivront. Dans cet esprit, je veux dire quelque chose. »
« ... Qu’est-ce que c’est ? » demanda-t-il.
« Cet enfant sera né dans ce pays. Ce pays est où il va grandir. Il appellera ce pays sa patrie, n’ayant jamais connu la terre de ses ancêtres, » déclarai-je.
Jirukoma ferma les yeux et resta silencieux. Il semblait avoir compris ce que j’essayais de dire.
« Vous avez dit que vous l’élèveriez comme l’enfant de tout le village, avec amour, n’est-ce pas ? » demandai-je. « Eh bien, il n’est pas nécessaire de forcer un enfant qui ne sait rien à hériter de votre chagrin. Vous pouvez décider vous-même de rester dans ce pays ou de partir. Cependant, c’est un peu aller trop loin de forcer un enfant qui a la possibilité de prendre cette terre comme sa patrie au lieu de vivre comme l’un des habitants d’une terre en ruine. »
« Vous n’avez pas besoin d’en dire plus, » dit-il calmement.
« Frère..., » murmura Komain.
Jirukoma plaça une main rassurante sur l’épaule d’une Komain inquiète. « J’ai pris ma décision. Je confierai le rôle de chef à Komain. »
« Q-Qu’est-ce que tu dis, mon frère ? » cria-t-elle.
« Qu’avez-vous prévu de faire ? » demandai-je.
Jirukoma laissa échapper un soupir empli de tristesse. « Pour être francs, les habitants de ce village sont fatigués d’errer. Si ces personnes épuisées peuvent appeler cette terre leur maison, je pense que c’est une chose merveilleuse. Cependant, il y a une poignée d’extrémistes qui ne peuvent pas renoncer à retourner dans leur pays d’origine et qui essaient actuellement de prendre le contrôle de pas mal de monde. » Jirukoma se tourna vers le ciel du nord. « Je pense que je vais prendre ces quelques durs et tenter de retourner dans le nord. Nous allons nous porter volontaires pour aller dans un pays à la recherche de soldats et attendre en première ligne le temps de venir récupérer notre patrie. »
« Frère ! » Komain attrapa les bras de son frère, comme si elle essayait de le maintenir en place. « Ce village a besoin de toi, Grand Frère ! Je suis celle qui a dit que la proposition du roi est cruelle ! Je vais donc prendre ce rôle ! »
« Tu ne peux pas, » répondit-il. « La raison pour laquelle tu as senti que la proposition de Sa Majesté était cruelle était parce que tu te soucies des habitants du village, n’est-ce pas ? Avec un cœur comme ça, tu seras un meilleur chef de la communauté que je le suis. »
« Mais n’as-tu pas dit que la proposition du roi était merveilleuse ? » cria-t-elle.
« Je sais simplement mieux masquer mes vrais sentiments que tu peux le faire, » Jirukoma effleura doucement les mains de Komain. « Dans mon cœur, je ne peux pas abandonner le fait de vouloir retourner dans notre patrie. Cependant, j’ai été chargé d’être le chef de ce village. Voilà pourquoi j’ai mis un poids sur ses sentiments, les enfonçant profondément dans ma poitrine. »
« Mon Frère..., » dit-elle.
« Cependant, il n’y a plus besoin de ça. Sa Majesté a dit que si les personnes du village aiment ce pays, ce pays est prêt à les accepter, » déclara-t-il. « Les personnes ont atteint une terre où ils peuvent trouver la paix et la sécurité. Cela signifie que mon travail est déjà terminé. Je peux ressentir librement ses sentiments maintenant. »
Komain pleurait, mais Jirukoma lui sourit. Cette expression était déjà remplie de résolution.
Bon sang...
J’avais alors dit. « Ne faites pas pleurer votre petite sœur, espèce de fou. »
« Je n’ai pas de réponse à cela, » dit-il. « S’il vous plaît, prenez soin de Komain et des autres pour moi. »
« La seule chose sur laquelle je suis bon est la gestion de la paperasse, » avais-je admis ça. « Si quelque chose peut vraiment les protéger, c’est le pays lui-même. »
« Alors, s’il vous plaît, faites en sorte que ce pays résiste à l’épreuve du temps, » déclara-t-il. « Pour que personne ne puisse le détruire. »
« ... j’essaierai, » répondis-je.
C’était à ce moment-là que nous avions entendu un faible cri provenant de l’intérieur de la tente.
Pendant que je me demandais ce que c’était, Liscia avait crié : « Il est né ! »
« Ohh ! Alors c’était le cri d’un bébé, hein ? » demandai-je. « J’ai toujours pensé que ça serait plus fort, plus aigu... »
L’enfant est né en toute sécurité. Maintenant, en ce qui concerne la mère..., pensai-je.
Nous avions regardé l’entrée de la tente, en priant pour le bien-être de la mère.
☆☆☆
Partie 12
... Une semaine plus tard.
« Trop mignonnnnnn, » déclara Liscia.
« I-Il est si doux..., » murmura Komain.
« Liscia, l-laisse moi aussi le voir, » protesta Carla.
Le bébé aux oreilles pointues dormait dans les bras de sa mère, et Liscia, Komain et Carla se mettaient devant le bébé à tour de rôle.
Ce jour-là, il y a une semaine, Brad nous avait dit que la procédure avait été un succès, mais nous n’avions pas été en mesure de les rencontrer le jour où cela s’était produit. C’était pourquoi nous avions hâte de voir comment ils allaient, et nous venions donc rendre visite avec le même groupe qu’à l’époque.
Je voulais voir le bébé de près, mais toutes les trois saturaient la zone devant le bébé et je ne trouvais nulle part où aller.
E-Était-ce à ça que ressemblait l’amour maternel... ?
« Ahh, mes compagnons semblent faire une scène, » dis-je. « Désolé pour ça. »
La mère de l’enfant avait souri. « Non, nous avons de la chance que la princesse et les autres adorent mon enfant comme ça. »
La mère était une calme femme-bête à oreilles de chat. J’étais soulagé de la voir en si bonne santé. Son rétablissement ne semblait pas aller poser de problème.
La mère avait tenu la main du bébé. « Nous avons vraiment de la chance. Je veux dire par là que nous avons même Sa Majesté qui est concernée par notre situation. »
Nous avions révélé nos identités à la mère. Mon visage et celui de Liscia étaient tous les deux largement connus, il semblait donc futile d’essayer de garder le secret. Au début, la mère avait été terrifiée (presque comme après que Maître Koumon ait sorti son sceau), mais maintenant, elle s’était largement habituée à nous.
« Eh bien, je suis d’accord avec vous que l’enfant a de la chance, » dis-je. « En fait, incroyablement chanceux. Après tout, il est né quand, non seulement un, mais les deux plus grands médecins de ce pays étaient ici ensemble. »
« C’est vrai, » dit-elle. « Ils ont sauvé mon enfant, mais ils m’ont aussi sauvé. »
C’était une pure coïncidence que Hilde ait visité le village ce jour-là. Parce qu’elle nous avait rencontrés par hasard dans les anciens bidonvilles, parce que nous avions des choses à traiter dans le village de réfugiés, et parce que Hilde avait décidé de nous suivre, les deux grands médecins étaient tous les deux présents. Si l’enfant était né un jour plus tôt ou un jour plus tard, elle n’aurait pas pu recevoir les soins de ces grands médecins. Quand j’y avais pensé, cet enfant avait même sauvé la vie de sa mère.
« Presque comme un dieu de Fuku..., » murmurai-je.
« Fuku... ? » demanda-t-elle.
« C’est un mot de mon monde. Cela signifie la bonne fortune, ou le bonheur, » répondis-je.
« Le bonheur... Hum, Votre Majesté ? » La mère s’était précipitée vers moi. « Ce nom, Fuku. Pourriez-vous le donner à cet enfant ? »
« Hm ? Vous ne demandez pas si vous pouvez lui donner ce nom, mais pour que je lui donne ce nom ? » demandai-je.
Liscia tenait l’enfant dans ses bras. Elle m’avait alors expliqué. « Dans ce monde, quand une personne de haut rang ou une grande personne vous donne votre nom, on croit que vous recevrez une partie de leur grandeur. Alors, s’il vous plaît, donnez ce nom à l’enfant. »
Eh bien, je suppose que je n’ai eu aucun problème avec ça, pensai-je.
« Est-ce un garçon ? » demandai-je.
« Oui, » répondit la mère.
« Eh bien, son nom sera alors Fuku. Élevez-le pour qu’il puisse être en bonne santé, » dis-je.
Après que j’eus dit ça et que je lui ai tapoté la tête, le petit Fuku avait laissé échapper un joli petit son de bébé et avait hoché la tête avec les yeux toujours fermés.
M’avait-il répondu pendant son sommeil ? Ce gamin... il pourrait être une grosse affaire quand il sera grand. Alors que je pensais ça, Liscia avait attentivement regardé mon visage.
« Qu-Quoi !? » demandai-je.
« Les bébés des autres sont gentils et tout, mais avoir notre propre bébé serait tellement mignon, non ? » demanda-t-elle, faisant des regards significatifs dans ma direction.
Ahh, ouais... Cela signifiait probablement exactement ce que je pensais. Hakuya et Marx lui disaient que nous devions déjà produire un héritier. Maintenant que le pays s’était stabilisé, ils faisaient probablement encore plus pression sur elle.
« Oui... Vous avez raison, » dis-je timidement. « Nous avons établi la méthode pour les naissances par césarienne et nous avons de plus en plus de spécialistes en obstétrique et en gynécologie. Ce serait sans danger pour vous d’accoucher n’importe quand maintenant. »
Les yeux de Liscia s’étaient écarquillés. « Je pensais que vous alliez à nouveau déguerpir. »
« Maintenant, écoutez... d’accord, oui, ça fait grandement partie de ça, » dis-je. « Parce que je suis prêt à être votre mari, mais je ne suis pas encore prêt à être père. »
« Oh ! Vraiment... Je vois..., » répondit-elle.
Je voulais pouvoir progressivement avancer dans mes relations romantiques avec Liscia ainsi que les autres filles proches de moi. Mais, pour augmenter le nombre des membres de la famille royale qui avaient précipitamment décliné dans la lutte de succession après la mort de l’avant-dernier roi, le chambellan, Marx, avait insisté. « Je ne tolérerai pas que vous utilisiez des méthodes de contrôle de naissances jusqu’à ce que vous produisiez au moins un enfant ! » Vous pouviez maintenant voir pourquoi j’étais très prudent.
« Eh bien ! À part ça, le taux très élevé de mortalité pendant l’accouchement dans ce monde m’avait énormément préoccupé, » dis-je.
Quand j’avais examiné la population de ce pays, j’avais été surpris du taux de mortalité des nouveau-nés et des femmes enceintes. Dans le Japon moderne, alors que nous pourrions nous inquiéter de savoir si le bébé allait naître en toute sécurité, nous avions rarement pensé à la mère qui pourrait mourir en couches. Cependant, il semblerait que, dans ce pays, les femmes enceintes mourraient relativement souvent. S’il y avait un millier de femmes enceintes, une grosse poignée d’entre elles allaient mourir. Dans ce pays qui manquait d’une étude formelle de l’obstétrique et de la gynécologie, les femmes enceintes mettaient littéralement leur vie en danger pour donner naissance.
En tant que roi, on me disait de produire beaucoup d’enfants avec plusieurs femmes. Si un enfant était né à Liscia, Aisha, Juna ou Roroa, et que je devais perdre l’une d’elles pendant la naissance... Je ne pourrais pas supporter ça.
« Afin de m’assurer que cela ne se produise pas, je devais limiter au maximum le risque de perdre un membre de ma famille, et donc, j’ai énormément poussé sur tout ce qui concernait les réformes médicales, » avouai-je. « Cela pourrait être un abus de mon autorité... »
« C’est correct, n’est-ce pas ? Le résultat est que vous avez fini par aider tout le monde, » Liscia enroula son bras autour du mien. « H-Hé ! Souma. Si faire des bébés est correct maintenant, voulez-vous essayer de travailler dessus ce soir ? »
Quand Liscia avait dit cela, en remuant timidement, je ne pouvais pas m’empêcher de l’aimer. Mais, comme je l’avais déjà dit, je n’avais pas réussi à me convaincre que je devrais être un père, alors j’avais dû tourner la tête et détourner le regard.
« Oh ! Hmm... Après tout, pensez-vous que vous pourriez attendre un peu plus longtemps ? » demandai-je.
« Bon sang ! Vous êtes encore un froussard à la fin ! » cria Liscia.
Quand Liscia haussa la voix, cela fit sursauter Fuku et il commença à faire des histoires. « Wah... Wahhhhhhhh! »
Nous l’avions alors rendu à sa mère et avions essayé de l’amuser avec des grimaces. Owen avait essayé de se joindre à nous et de faire de même, mais son visage avait de nouveau surpris Fuku, le faisant pleurer bruyamment, produisant ainsi une situation encore pire.
Un jour, nous ferons une grande scène bruyante comme celle-ci dans le château royal, pensai-je.
Au milieu de ce bonheur bruyant, c’était ce que je pensais.