Genjitsushugisha no Oukokukaizouki – Tome 18 – Chapitre 6 – Partie 2

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Chapitre 6 : Pour qui te bats-tu ?

Partie 2

Leur rhétorique violente et belliqueuse était le reflet de l’incertitude qui les rongeait. Ces dernières années, l’État pontifical orthodoxe lunarien avait en effet connu des purges constantes. Tout commença avec la montée en puissance de Fuuga Haan.

Le groupe qui le soutenait s’était opposé à ceux qui le considéraient comme une menace. Tous ceux qui s’y étaient opposés, à l’exception de ceux qui avaient fui le pays, comme Marie et les saintes candidates, avaient été éradiqués en tant qu’hérétiques. Ainsi, après la guerre entre le Royaume du Grand Tigre et l’Empire du Gran Chaos, ceux qui voulaient simplement profiter de l’autorité de Fuuga et ceux qui le vénéraient étaient entrés en conflit. Les adorateurs menés par la sainte Anne l’avaient emporté, brûlant sur le bûcher ceux qui n’avaient voulu que se servir de lui.

En bref, le clergé de l’État papal orthodoxe avait été averti du sort réservé aux perdants de toute lutte politique. L’existence même d’un autre royaume de l’orthodoxie lunaire leur paraissait extrêmement menaçante. Si Souma battait Fuuga et que le royaume orthodoxe prenait de l’importance, ils pourraient être les prochains à être brûlés comme hérétiques. Leur peur et leur malaise les avaient poussés à agir et les zélotes s’étaient mis en mouvement sur leur ordre.

Lombard pouvait observer la façon dont ils se battaient depuis le camp principal des forces de l’Empire du Grand Tigre. L’unité de renforts qu’il dirigeait avec sa femme, Yomi, pour l’Empire du Grand Tigre, était restée dans le camp principal pour protéger Anne, qui était en réalité le commandant de cette armée. Ils étaient là uniquement pour surveiller les forces de l’État papal orthodoxe et n’avaient amené que quelques centaines d’hommes. Leur mission était de protéger Anne, le pilier central, et non de se battre en première ligne.

« Malgré tout le sang versé… Le moral des forces de l’État papal orthodoxe n’a pas baissé le moins du monde », murmura Yomi.

Lombard, qui se tenait à côté d’elle, acquiesça : « C’est terrifiant de les voir affronter des soldats expérimentés avec leur seule foi. Je ne voudrais pas me battre contre eux ni les mener au combat. »

« Même s’ils sont nos alliés ? »

« De tels hommes sont toujours turbulents. Il est impossible de les contrôler. S’ils perpétraient des massacres sur le territoire que nous conquérrions, il n’y aurait aucun moyen de le gouverner avec stabilité. Je suis sûr que le but de Sire Hashim n’est pas de prendre des territoires, mais de les laisser à l’état sauvage et d’attirer l’ennemi ici. »

« Alors, ce ne sont que des pions jetables ? »

Les plans d’Hashim ne prévoyaient pas que l’État papal orthodoxe s’enfonce si profondément dans la région d’Amidonia. Les zélotes n’avaient pas peur de la mort, mais ils ne pouvaient pas effectuer de manœuvres militaires avancées. Même s’ils s’enfonçaient plus profondément dans la région, leurs lignes de ravitaillement ne pourraient pas les suivre. Hashim espérait probablement qu’ils mourraient glorieusement tout en réduisant les forces de l’ennemi et en attirant son attention.

Preuve en est, lorsque Lombard et Yomi avaient été envoyés en observation, la seule chose contre laquelle on les avait mis en garde était de ne pas trop se forcer au point de provoquer un effondrement total.

Yomi regarda en direction du camp principal de l’État papal orthodoxe.

« Est-ce que Madame Anne… comprend cela ? »

« Je pense que oui. Elle le sait, mais elle attise quand même les fanatiques. »

« Cela me fait de la peine de regarder le visage de Madame Anne maintenant. Elle est exactement comme Sami l’était ce jour-là », dit-elle, son expression s’assombrissant.

Elle porta une main à sa poitrine en se remémorant sa sœur jumelle, avec qui elle était séparée. Voir Anne agir comme une poupée sans âme dans son rôle de sainte rappelait à Yomi l’époque où Sami avait été abattue par la perte de son père adoptif qu’elle aimait tant.

Lombard fit preuve d’une douce compassion envers Yomi, tandis que les souvenirs affluaient dans son esprit.

Pendant ce temps, dans le camp principal de l’État papal orthodoxe, Anne observait la bataille, l’expression vide.

Les croyants se battaient avec une foi pour leur Dieu et pour elle, leur sainte, alors qu’ils étaient blessés et tombaient. Anne n’avait pas sourcillé devant ça. Pour se protéger, elle n’avait d’autre choix que de devenir une marionnette sans âme. Anne ne voulait pas commander les soldats toute seule. C’était une tâche qui incombait aux clercs militants. Elle se contentait d’être leur sainte et de leur ordonner de se battre. Elle croyait que c’était la tâche que le ciel lui avait confiée.

Un changement se produisit sur le champ de bataille, sous ses yeux. Les croyants s’étaient précipités avec insouciance jusqu’à maintenant, mais leurs mouvements devinrent soudain étranges.

Il se passait quelque chose. Anne le sentait.

Une voix chantante de faible intensité dérivait en ce moment comme portée par le vent.

« Est-ce une chanson ? »

Au début, la voix était suffisamment calme pour se perdre dans le vacarme du champ de bataille, mais elle s’amplifia progressivement jusqu’à ce qu’elle puisse en distinguer les paroles. C’était un hymne orthodoxe lunaire.

Les voix étaient portées jusqu’ici depuis le camp du royaume de Friedonia.

Cette chanson avait-elle pour effet d’émousser les mouvements de ses zélotes sur le champ de bataille ? Elle vit une grande boule d’eau se former à l’opposé des forces de Friedonia. C’était celle utilisée pour afficher les images provenant d’un joyau de diffusion. Alors qu’Anne s’en rendait compte, l’image de Marie, qui avait fait défection pour se réfugier dans le royaume de Friedonia, apparut.

« Bonjour à toutes et à tous. Est-ce que vous m’entendez ? » dit Marie en regardant devant elle. « Je m’adresse à tous les croyants de Lunaria qui se battent sur le champ de bataille. Et à toi, Anne… Sainte orthodoxe lunarienne. »

Anne sursauta lorsque son prénom fut mentionné. Malgré la distance, elle avait l’impression que Marie était là, à ses côtés.

« Ma voix te parvient-elle ? »

Dans une pièce d’une forteresse située un peu au sud du champ de bataille, Marie se tenait devant un écran, les yeux fixés devant elle.

« Je suis sûre que vous, les fidèles, nous considérez comme des hérétiques pour avoir accepté la protection du royaume de Friedonia, parce que les clercs en qui vous croyez vous l’ont dit. Mais pouvez-vous encore y croire en entendant cette chanson ? »

Marie se tut et l’on entendit un hymne de l’orthodoxie lunaire.

C’était la chorale des filles de Lunaria, composée de candidates à la sainteté qui avaient fui le pays avec Marie. Depuis que l’on avait découvert que les chansons pouvaient servir à créer une image magique, augmentant ainsi son pouvoir, le royaume de Friedonia étudiait le lien entre les chansons et la magie.

L’orthodoxie lunarienne utilisait un art secret appelé Soins de Zone, et ils avaient découvert que les blessés qui chantaient en même temps que la chanson voyaient les effets curatifs de la magie de récupération augmentés. En conséquence, le royaume de Friedonia avait mis en place un programme de diffusion au cours duquel la chorale des filles de Lunaria chantait en permanence, en faisant tourner les membres pour qu’elles puissent se reposer si nécessaire. Cette chanson était diffusée dans tous les centres médicaux des champs de bataille, et Marie la jouait maintenant pour soigner les blessés.

Marie reprit la parole : « Comme vous le savez, ce chant est un hymne de l’orthodoxie lunaire. Il n’y a pas de différence entre l’orthodoxie de l’État papal et celle du royaume. Qu’y a-t-il donc de si différent chez nous que vous nous appelez hérétiques ? La Lunaria en laquelle nous croyons est une seule et même chose. Le fondement de l’orthodoxie lunaire est de sauver les faibles et de s’entraider. Nos croyances n’ont pas changé. La seule différence concerne le fait de savoir si nos protecteurs sont le royaume de Friedonia ou l’empire du Grand Tigre. »

À ce moment-là, le regard de Marie se durcit.

« Ceux d’entre vous qui regardent cette émission comprennent-ils les différences qui existent entre nous ? Ou bien, ce que vous savez est-il simplement vrai parce que vos évêques et vos prêtres vous l’ont dit ? »

Bien qu’il ait été mentionné précédemment que les zélés étaient plus agressifs envers les hérétiques qu’envers les païens, cela ne s’appliquait qu’à la classe dirigeante, qui incitait ceux qui sont en dessous d’elle. Les croyants de base n’avaient pas bien réfléchi à la question. On leur disait de tuer les hérétiques, alors ils le faisaient, croyant que c’était la vérité. Les supérieurs leur avaient dit qu’ils pouvaient faire ce qu’ils voulaient aux hérétiques, et que tout acte contre eux, aussi inhumain soit-il, était justifié.

Mais lorsqu’on leur demande d’expliquer les raisons de la persécution, ils sont soudain moins sûrs d’eux. S’ils leur était demandé d’expliquer la différence entre le nestorianisme, l’arianisme et l’athanasianisme, ou entre le theravada et le mahayana, ils ne sauraient pas répondre s’ils n’avaient pas étudié ces sujets. Les seules personnes obsédées par de telles différences étaient les responsables qui craignaient de perdre leur autorité.

En présentant le cantique de cette manière, Marie s’attaquait directement à la psychologie des soldats de la foi. Ils ne voulaient pas entendre raison, mais le chant leur était familier. Une fois qu’ils étaient prêts à l’entendre, il y avait une chance que la voix de Marie parvienne jusqu’à eux.

« Que ceux qui font partie des forces de l’État pontifical orthodoxe lunaire entendent notre hymne. »

Ce plan venait du Premier ministre à la robe noire, qui savait manier les méandres du cœur. Maintenant qu’ils soupçonnaient leurs adversaires d’être également des croyants de la même Lunaria, même ceux qui avaient pu auparavant sacrifier leur vie de façon insouciante commençaient à avoir des doutes qui émoussaient leur ardeur. Le poids du péché de meurtre, qu’ils avaient oublié dans leur ferveur, leur semblait à nouveau très réel. La plupart des zélotes n’étaient que des gens ordinaires poussés à servir. Le stress mental qu’ils subissaient devait être incroyable.

En pratique, la chanson ralentissait considérablement les manœuvres des zélotes. Marie ne pouvait pas le voir, elle était loin du champ de bataille, mais elle parlait avec conviction.

« Dans ce pays, j’ai appris que la foi est pour les vivants, pas pour les morts. Elle est là pour soutenir les gens dans les moments difficiles, et elle ne doit en aucun cas être utilisée pour pousser les gens à la folie. N’est-ce pas, sainte Anne ? »

Marie s’adressait à Anne comme si elle était à ses côtés.

« À qui s’adresse votre foi ? »

Anne n’avait pas de mots.

Elle avait grandi en tant qu’orpheline. Elle avait toujours été seule, sans appartenance, et n’avait jamais eu besoin de personne. Cependant, lorsqu’elle avait été choisie comme sainte, les autres avaient enfin eu besoin d’elle et tout cela était devenu son identité. Sa désignation en tant que Sainte était un message du ciel lui disant qu’elle avait le droit d’exister dans ce monde. C’est pourquoi Anne avait joué le rôle de sainte que les autres attendaient d’elle. Même si les gens l’appelaient « poupée », elle croyait que c’était là sa raison d’être. Tant qu’elle serait une sainte, les gens auraient besoin d’elle. Si on lui demandait pour qui elle était, elle aurait pu répondre pour les gens… ou elle aurait dû pouvoir le faire.

Cependant, elle avait vu trop de sang pour cela. Ceux qui avaient été brûlés comme hérétiques, ceux qui étaient considérés comme des zélotes et qui étaient tombés au combat, croyant se battre pour Lunaria, croyant qu’elle était une sainte. Le visage de l’homme qui avait été amené devant elle sur une civière un jour, et qui s’était accroché à elle avec sa main tachée de sang. D’innombrables morts étaient gravées dans sa mémoire.

Non, je fais ça pour Lady Lunaria. Pour le Saint Roi… Anne pensait à des êtres plus hauts qu’elle. Elle essayait de justifier l’annulation de sa propre volonté en se convainquant que tout cela était conforme à leurs plus grands desseins. Cependant, elle n’avait jamais rencontré Lady Lunaria ni entendu ses révélations directement. Le Saint Roi Fuuga ne l’avait pas mal traitée, mais il semblait parfois la regarder avec pitié. Elle avait l’impression que ses yeux étaient les mêmes que ceux de Marie lorsqu’elle lui avait dit : « Viens avec moi. »

« Pour qui est votre foi ? » C’est maintenant qu’Anne réalisait qu’elle n’avait pas de réponse à la question de Marie.

C’est alors qu’un homme de grande taille apparut à côté de Marie. Il était barbu, le crâne rasé, et ne portait pas son habituel habit de moine décontracté, mais un splendide vêtement digne d’un archevêque.

Il se plaça à côté d’elle et prit la parole : « Ahh… Ahem. Adhérents de l’orthodoxie lunaire, m’entendez-vous ? Je suis Souji, le chef de l’orthodoxie lunarienne dans le royaume de Friedonia. Je sais que vous êtes occupés à vous battre, mais prêtez-moi une oreille un instant. »

Il s’agissait de l’archevêque Souji Lester de l’orthodoxie du royaume. La raison pour laquelle il l’appelait « orthodoxie lunaire du royaume de Friedonia » et non « orthodoxie lunaire du royaume » était probablement due au fait que Marie avait dit qu’il n’y avait presque aucune différence entre les deux.

« À l’époque où j’étais dans l’État papal orthodoxe, mon professeur et ses disciples disaient ceci : “Lady Lunaria est miséricordieuse. Elle tend la main du salut à tous, quel que soit le degré de péché. L’orthodoxie lunaire consiste à enseigner comment accepter cette main, et tous les fidèles seront emmenés auprès de Dame Lunaria après leur mort.” Avez-vous tous reçu un enseignement similaire ? »

Nous l’avons fait, pensa Anne. C’était exactement ce qu’elle avait appris, et c’est pour cette raison qu’elle pouvait croire en son existence de Sainte pour le bien de Lady Lunaria.

Souji se fit craquer la nuque, puis continua.

« N’est-ce pas un peu étrange ? Si Lady Lunaria est prête à pardonner à tous, quel que soit le degré de péché, et si tous les fidèles seront sauvés après la mort, quelle importance a notre façon de vivre ? Nous serons sauvés de toute façon, n’est-ce pas ? Cela signifie que tant que vous croyez, vous n’avez rien à faire pour votre foi. »

— Hein ? Ces mots avaient creusé le cœur d’Anne. Il s’agissait d’un argument absurde. Ce n’est qu’une interprétation personnelle de Souji.

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