Genjitsushugisha no Oukokukaizouki – Tome 18 – Chapitre 3

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Chapitre 3 : Les chemins du frère et de la sœur

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Chapitre 3 : Les chemins du frère et de la sœur

Partie 1

— Fin du 1er mois, 1554e année — Nuit — Château de Parnam —

Cela s’était produit à peu près au moment où l’ambiance de fête du Nouvel An avait commencé à s’apaiser. Alors que je faisais des heures supplémentaires au bureau des affaires gouvernementales comme tous les autres jours, j’avais senti une ombre se glisser derrière moi.

Aisha, qui était assise sur le canapé, la bouche pendante à moitié ouverte d’une manière un peu décevante, sauta soudainement sur ses pieds et posa la main sur la garde de son épée.

Dois-je la féliciter d’avoir été capable de me surveiller correctement alors qu’elle dormait au travail ? Ou me plaindre qu’elle n’aurait jamais dû s’endormir ? J’avais réfléchi.

Elle jeta un coup d’œil derrière moi et interpella l’intrus en disant : « Qui va là ? »

« C’est moi, mon seigneur », fit entendre la voix de Kagetora, chef des Chats Noirs, derrière moi.

Étant donné que c’était quelqu’un qui avait pu se faufiler à travers le réseau de défense du château de Parnam et s’approcher aussi près avant qu’Aisha ne le remarque, il n’y avait probablement personne d’autre que lui. C’est pourquoi j’étais resté calme même quand Aisha s’était levée d’un bond.

« As-tu quelque chose à signaler, hein ? Aisha. Pourrais-tu te tenir près de la porte et empêcher les gens de s’approcher ? »

« Oui, sire ! Compris. »

Les subordonnés de Kagetora, les Chats Noirs, allaient aussi monter la garde, alors j’étais juste très prudent. Une fois que nous avions été prêts, je l’avais regardé.

« Continue ? »

« Oui, monsieur. Les agents de l’Empire du Grand Tigre, qui fouinaient activement à l’intérieur de notre nation l’année dernière, ont réduit l’ampleur de leurs opérations depuis le début de cette année. Nous pensons qu’ils ont renoncé à manœuvrer à l’intérieur de notre pays. »

« Eh bien, nous avons bien écrasé toutes les graines d’agitation qu’ils auraient pu fomenter, après tout. »

Évidemment, il n’y avait aucun moyen de gouverner sans provoquer le mécontentement du peuple. Cependant, même si les gens étaient mécontents, nous pourrions maintenir le mécontentement à un niveau tel qu’ils ne voudraient pas prendre les armes pour remédier à la situation. Hashim voulait probablement susciter une rébellion du peuple contre l’État, mais les rebelles risqueraient leur propre vie.

À moins qu’ils n’aient souffert d’un régime sévère et qu’ils ne se soient retrouvés dans une situation si désespérée que c’était pour eux une question de vie ou de mort, ils ne se soulèveraient pas si facilement. Même s’il y avait des rebelles potentiels parmi le peuple, leurs amis et connaissances qui ne voulaient pas être tenus pour responsables de leurs actes pouvaient s’attendre à ce qu’ils les dénoncent avant qu’il n’en résulte quoi que ce soit.

Dans le dix-neuvième chapitre du Prince de Machiavel, « Qu’il faut éviter d’être méprisé et haï », il dit que « ceux qui conspirent contre un prince s’attendent toujours à plaire au peuple par sa destitution, mais quand le conspirateur ne peut que se réjouir de l’offenser, il n’aura pas le courage de prendre un tel parti », et aussi que « celui qui conspire ne peut pas agir seul, ni prendre un compagnon si ce n’est parmi ceux qu’il croit être des mécontents ».

En fin de compte, c’est en gouvernant de façon à ce que le peuple ait du mal à s’énerver qu’un roi sera sauvé. J’avais ma nouvelle femme, Maria, qui volait partout pour faire son travail philanthropique, absorbant les problèmes des impuissants et nous les rapportant pour que nous y remédions. Ce genre de petites choses s’était accumulé portant un coup douloureux aux manigances d’Hashim.

J’avais croisé les bras et j’avais regardé le plafond.

« Si je devais penser à quelqu’un d’autre qu’il pourrait agiter dans ce royaume, ce serait ceux qui pourraient vouloir le trône pour eux-mêmes ou ceux qui sont contre la tendance actuelle à la méritocratie. Mais la maison royale d’Elfrieden a été en grande partie anéantie à l’époque d’Elisha, et en ce qui concerne la maison princière d’Amidonia, Roroa et Julius sont tous deux des alliés dignes de confiance. »

« Il n’y a pas d’individus au sang royal qui pourraient se rebeller contre vous. »

« Oui. Quant aux nobles corrompus sur lesquels on pourrait compter pour se rebeller dans un moment pareil, je les ai tous purgés un an après avoir reçu le trône… Si je considère cela comme une préparation pour maintenant, je suppose que ça valait la peine d’avoir leur sang sur les mains. »

J’avais regardé mes propres mains. Je n’arrivais pas à croire que j’avais vraiment pris la bonne décision à l’époque, mais maintenant j’avais l’impression que c’était une bonne décision. Quand je pensais à la façon dont ces types auraient pu encore conspirer à ce stade… j’en avais des frissons. Eh bien, c’est quelque chose que je ne peux dire qu’avec le recul.

Après une longue pause, Kagetora acquiesça et dit : « Je suppose que oui. »

Nous avions partagé ensemble un moment de calme et de tristesse.

Puis, comme pour dissiper cette émotion, j’avais secoué la tête.

« Eh bien, s’il y a moins de pression sur nous, c’est mieux ainsi. Nous devons juste nous préparer à la guerre à venir, pour être prêts à tout. Et peut-être… que nous aurons besoin d’un coup de main de la part des “morts”, tu sais ? » Je plaisantais tout en jetant un regard significatif en direction de Kagetora.

Kagetora, cependant, ne remua pas le moins du monde. « Il n’y a pas lieu de s’inquiéter, mon seigneur. La force des jeunes de ce pays grandit de jour en jour. Il ne sera pas nécessaire de s’accrocher à des absurdités telles que le retour des morts à la vie. »

« Ah oui ? »

En entendant la voix lourde de Kagetora dire qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter, je n’avais pas pu m’empêcher de penser que tout allait vraiment bien…

« Votre Majesté ! Quelqu’un arrive ! », Aisha parla soudainement depuis l’endroit où elle se tenait devant la porte.

Avant que je puisse faire signe à Kagetora avec mes yeux, il avait déjà disparu. Il a vraiment peaufiné son numéro de ninja.

Au bout d’un certain temps, on frappa avec hésitation à la porte du bureau.

« Entrez », avais-je appelé, et Yuriga entra. Elle nous regarda, Aisha et moi, comme si elle était sur le point de dire quelque chose, mais qu’elle hésitait à le faire.

« Qu’est-ce qu’il y a, Yuriga ? »

Elle sembla retrouver sa détermination et leva les yeux.

« S-Souma ! Je veux que tu me laisses rentrer chez moi ! »

 

◇ ◇ ◇

L’histoire se déroule environ deux mois en arrière, vers la fin de l’année précédente…

Dans le vestiaire du stade polyvalent de Parnam qui avait été construit récemment, Yuriga pencha sa tête alors qu’elle portait encore son uniforme de mage footballeur. Il y a peu de temps encore, son équipe, les Dragons Noirs de Parnam, affrontait les Doldons de la Cité Lagune pour décrocher la première place de cette saison de football mage. C’était un match important qui déterminait le grand vainqueur.

Argh. Nous avons perdu… Et nous avons aussi failli gagner…

Les deux équipes s’étaient disputé les points, et la question n’avait même pas été réglée après les prolongations, si bien que le match houleux s’était achevé par une séance de tirs au but qui s’était malheureusement terminée par le fait que les dragons noirs de Parnam aient laissé la victoire leur échapper.

Soudain, quelqu’un jeta une serviette sur la tête de Yuriga.

« Bon travail, reine. »

Brossant la serviette de côté, Yuriga lança un regard froid à son interlocuteur. « Pourrais-tu ne pas m’appeler ainsi, capitaine ? »

« Oh là là ! Tu n’aimes pas ça ? »

La capitaine de son équipe, qui avait également été l’aînée de Yuriga pendant son séjour à l’Académie royale, était une dragonnewt. Elle s’était assise à côté de Yuriga, apparemment indifférente.

« Ouf, on est passé très près, hein ? On a failli l’avoir. »

« N’es-tu pas frustrée, capitaine ? »

« Bien sûr que oui. Je m’étais enfermée dans une cabine de toilettes jusqu’à il y a peu. »

La capitaine était connue pour faire ce genre de blagues, alors pendant un instant, Yuriga pensa que c’était tout, mais en y regardant de plus près, le visage souriant de sa capitaine avait de légères traces de larmes au coin des yeux. Elles étaient toutes les deux aussi frustrées l’une que l’autre, mais en tant que chef d’équipe, elle faisait de son mieux pour ne pas le laisser paraître.

Yuriga serra les poings. « Notre équipe est assez bonne. Nous aurions pu gagner… alors je ne peux pas m’empêcher de penser aux choses que j’aurais dû faire différemment. »

« Oui, je sais. Et nous nous sommes fait mener en bateau par la stratégie peu orthodoxe des Doldons dans ce jeu. J’ai entendu des rumeurs selon lesquelles la duchesse Excel donnait des conseils lors de leur réunion stratégique pour s’amuser. »

« Argh ! Cette vieille — Hmmph ! »

Le capitaine s’empressa de couvrir la bouche de Yuriga pour arrêter l’insulte qui avait failli en sortir.

« Wôw ! Tu ne peux pas dire ça ! »

Il y avait des choses imprudentes à dire sur Excel, et la rumeur disait que si vous en prononciez une, elle apparaissait soudainement derrière vous. D’ailleurs, cette rumeur provenait d’une base de l’ancienne marine, car il lui avait été facile de l’entendre là-bas, mais il semblait que les histoires avaient pris de l’ampleur.

La capitaine retira sa main de la bouche de Yuriga et lui adressa un sourire. « Eh bien, nous devrons faire plus d’efforts la prochaine fois. Soulevons ensemble la coupe des vainqueurs l’année prochaine ! »

« L’année prochaine… Bien sûr. »

L’expression de Yuriga s’était assombrie aux mots « l’année prochaine ». C’est à ce moment-là que son frère, Fuuga Haan, attaquera ce pays. C’est ce que son mari, Souma, et les élites de ce pays pensaient et se préparaient.

Y aura-t-il encore des matchs de football mage l’année prochaine ? Que penseraient les gens de sa présence dans l’équipe, elle, la petite sœur de Fuuga Haan ? C’était déprimant d’y penser. Mais en même temps, elle voulait protéger sa vie dans ce pays. Pour cette raison, Yuriga savait qu’il y avait des choses qu’elle seule pouvait faire. Elle comprenait la politique actuelle de Souma. En gardant cela à l’esprit, Yuriga pensa à un geste décisif qu’elle pourrait faire.

Afin d’accéder à un avenir radieux… Je retournerai chez mon frère ! Temporairement !

Yuriga décida de se résoudre à un retour temporaire chez elle, dans l’empire du Grand Tigre.

 

◇ ◇ ◇

« Je veux que tu me laisses rentrer chez moi ! »

Aisha et moi avions tous deux douté de nos oreilles en entendant sa demande soudaine.

Même lorsqu’elle se disputait avec Liscia ou l’un des autres et que les choses devenaient délicates, quelqu’un intervenait toujours pour arbitrer la situation. Nous pouvions généralement compter sur Juna pour arranger les choses, et les rares fois où Juna se mettait en colère, tout le monde se rendait compte que la famille était en crise et s’efforçait de la mettre de bonne humeur. La famille maintenait l’harmonie de cette façon, et nous n’avions jamais entendu parler de ce genre de choses auparavant. Même si c’était en partie parce que le château de Parnam était la maison de Liscia.

Je me disais, hébété, que cette phrase faisait des dégâts quand on l’entendait de la bouche d’un proche… Aisha reprit ses esprits la première et se rapprocha de Yuriga, puis la saisit par les épaules.

« Tu ne devrais pas prendre de décision hâtive, Yuriga ! Un divorce royal n’est pas une mince affaire ! S’il y a quelque chose qui ne va pas avec Sa Majesté, je l’obligerai à y remédier, alors s’il te plaît, reconsidère ta décision ! »

Nous supposons que j’ai fait quelque chose !? Oh… non, peut-être que j’ai fait quelque chose ? Pendant que je contemple mes actions passées, Aisha secoua Yuriga par les épaules.

« S’il te plaît, reconsidère ta décision, Yuriga ! »

Yuriga cligna rapidement des yeux tandis que sa tête tremblait d’avant en arrière. « Hein ? Le divorce ? De quoi parles-tu, Aisha ? »

À en juger par son regard vide, il semblerait qu’il y ait eu un malentendu. Nous avions respiré profondément pour nous calmer, et Yuriga s’était bruyamment raclé la gorge.

« Je suis désolée… Dans ma précipitation, je ne me suis pas assez bien expliquée. Quand je dis que je veux rentrer chez moi, ce n’est pas parce que je veux divorcer. Je veux dire que je veux retourner temporairement dans l’Empire du Grand Tigre pour rencontrer mon frère. J’espérais obtenir ta permission pour cela aujourd’hui. »

« Un retour temporaire à la maison… ? À un moment pareil ? »

J’avais senti mes sourcils se froncer. Tous les membres de ma famille et les dirigeants de ce pays savaient que Fuuga nous attaquerait au cours de l’année. La décision de Yuriga avait dû être prise en tenant compte de ce fait. Sa résolution était ferme, elle n’était pas ébranlée du tout, en voyant le regard dur sur mon visage.

« C’est parce que c’est un moment comme celui-ci que j’ai décidé qu’il y a des choses que je suis la seule à pouvoir faire. »

« D’accord… Écoutons ce que tu as à dire. »

« Hein ? Es-tu d’accord ? » demanda Aisha.

J’avais acquiescé. « Tu as une idée en tête, n’est-ce pas ? Écoutons d’abord ce que c’est. »

« Merci. » Yuriga incline légèrement la tête. Puis, levant à nouveau le visage, elle me regarda dans les yeux. « J’y ai beaucoup réfléchi de mon côté. Si le combat contre mon frère est inévitable, peut-être pourrons-nous l’écourter ? Si la guerre s’éternise, les deux camps ne feront que subir davantage de pertes et s’épuiseront. Lorsque je me suis demandé si je pouvais faire quelque chose pour éviter un conflit prolongé, une idée m’a traversé l’esprit. »

« Et c’est… ? » demandai-je.

« Mettre une limite de temps aux ambitions de mon frère. » Yuriga acquiesça. « S’il y a une limite de temps, comme dans un match de foot mage, nous pourrons diminuer les dégâts dans ce pays. »

« Hmm, j’ai compris, mais pas tout à fait… Tu parles d’une trêve hivernale ou de quelque chose de ce genre ? »

« Non, je ne pense pas à quelque chose où il attaquera à nouveau une fois qu’il fera chaud l’année prochaine. S’il va attaquer cette année, je veux mettre mon frère dans une situation où s’il ne gagne pas, il n’aura jamais d’autre chance. »

C’est logique. Et tu pourrais dire que c’est une limite temporelle à ses ambitions…

« Si tu parlais de lui porter un coup paralysant dont il ne pourra pas se remettre dès la première bataille, alors je comprends. C’est ce que nous cherchons à faire, après tout. Mais à en juger par ta façon de parler, ce n’est pas ton but, n’est-ce pas ? »

« D’accord. Pour argumenter, même si mon frère n’attaque pas cette année, mon idée le mettra dans une situation où, à partir de l’année prochaine, il ne pourra plus rêver de conquérir le continent. Je veux mettre fin à ses ambitions dès cette année, que la guerre arrive ou non. »

« Est-ce possible ? »

« Je ne peux pas l’affirmer avec certitude, bien sûr. Mais je pense que ce sera suffisamment efficace pour que ça vaille la peine d’essayer. Et c’est quelque chose que seule moi, en tant que sa petite sœur, je peux faire. »

C’est ainsi que Yuriga me révéla son plan…

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Partie 2

Au début, j’étais très sceptique quant à l’efficacité de cette méthode. Mais en l’écoutant, j’avais vite pensé que c’était peut-être une bonne idée. Ce qui m’avait le plus impressionné, c’est que ce plan était basé sur une leçon que Yuriga avait apprise dans la ville seadienne de Haalga. Même si ses efforts se révélaient vains, ils ne manqueraient pas d’enfoncer un autre coin étroit dans les ambitions de Fuuga, qui, malgré cela, ne renoncerait pas.

« Hrmm... Je pense que ce serait efficace », dis-je en croisant les bras. « Mais… Je veux aussi avoir l’avis d’Hakuya.

« Oh ! J’ai déjà consulté Monsieur Hakuya. Il a posé un certain nombre de conditions, mais il a reconnu que cela valait la peine d’essayer. Il a dit que c’était à toi de prendre la décision définitive. »

Elle l’a déjà fait valider ça, hein ? Elle n’avait pas étudié aux côtés de Tomoe et d’Ichiha pour rien. J’aurais dû m’attendre à ce qu’elle fasse preuve d’une telle vivacité d’esprit.

« D’accord. Quelles étaient les conditions ? »

« Afin de m’assurer qu’il m’est permis de revenir dans cette contrée et que la clé de cette entreprise résidait dans la possibilité de rencontrer mon frère et de converser avec lui, il ne m’est donc pas possible de m’accrocher à l’idée que cette entrevue ait lieu au château de Haan. »

— Oui, c’est de cela qu’il faudrait s’inquiéter.

Si Yuriga, venue dans notre pays pour se marier, se rendait nonchalamment au château de Haan, elle aurait l’excuse parfaite pour nous accuser. Les différends entre les membres de la famille royale servaient à justifier les conflits depuis au moins la guerre de Troie. Ils pourraient faire courir le bruit que Yuriga s’est enfuie parce que j’ai été dur avec elle, ou quelque chose du genre. Même si Yuriga elle-même disait le contraire, la vérité pourrait être écrasée et elle ne serait pas autorisée à revenir ici.

« Qu’en penses-tu, Yuriga ? »

« J’ai pleinement conscience que mon retour pourrait avoir des retombées fâcheuses pour nous. C’est pourquoi, même si je retourne dans mon pays d’origine, j’aimerais organiser une rencontre avec mon frère quelque part près de la frontière. »

« Hmm ? Tu vas amener Fuuga jusqu’à notre frontière ? » Je doutais qu’il prenne la peine de venir dans un pays qu’il prévoyait d’attaquer. « Je ne le vois pas accepter ça… »

« Tu as raison. C’est pourquoi j’ai prévu de nous retrouver près d’une autre frontière. »

Yuriga pointa du doigt la carte du monde posée sur la table, et plus précisément le point le plus au nord du continent de Landia.

« Oh ! Près de Haalga, donc ? »

« Oui, pour l’instant, elle est effectivement sous la supervision conjointe de l’Alliance maritime et de l’Empire du Grand Tigre. Je pense appeler mon frère pour qu’il me rejoigne dans cette région désertique. Être près d’Haalga est pratique pour mon plan, après tout. »

« Tu as peut-être raison, mais c’est assez loin. Comment expliques-tu les conditions de ton retour dans ce pays ? »

« Le Seigneur-Démon… non, Madame Mao peut utiliser la magie pour transporter les gens, comme la Mère Dragon, n’est-ce pas ? Si elle veut bien m’aider, ma sécurité est garantie. »

Le plan tenait même compte des capacités surpuissantes de Mao.

Yuriga avait un air légèrement inquiet.

« Mais… cela suppose que Madame Mao soit prête à m’aider. Elle est neutre, alors si elle refuse de nous aider, je n’aurai d’autre choix que d’abandonner le plan. »

En effet… Si la sécurité de Yuriga n’est pas assurée, je ne peux pas lui donner l’autorisation, ai-je pensé, puis je répondis : « Eh bien, on peut toujours demander. »

« Hein ? » Yuriga me fixa d’un regard vide, et je me tournai vers Aisha.

« Aisha, peux-tu ouvrir le kamidana pour moi ? »

« Oui, sire. J’ai compris. »

Aisha s’étira pour atteindre le kamidana de style japonais que j’avais installé en hauteur dans le bureau des affaires gouvernementales, puis elle ouvrit les portes du petit sanctuaire qui s’y trouve. Je l’avais fabriqué moi-même avec mes talents de menuisier amateur. À l’intérieur se trouvait le magatama rouge que Mao m’avait offert ce jour-là.

Pendant ce temps, j’avais activé un récepteur. Yuriga regardait sans savoir ce qui se passait.

Je me plaçai devant le kamidana, je tapai dans mes mains tout en faisant face au magatama.

« Mao. Si tu m’entends, pourrais-tu te montrer ? »

« Vous m’avez appelée, Seigneur Souma ? »

Entendant une réponse immédiate, je me tournai vers le récepteur simple où l’image de la DIVAloid Mao était projetée.

Ce magatama, Mao me l’avait donné à la place d’une tablette mortuaire, car j’avais été séparé de mon monde d’origine sans pouvoir emporter le moindre souvenir de ma famille. Elle m’avait dit qu’il contenait mes données biologiques, mais il avait d’autres fonctions que le simple stockage de données : il permettait également de contacter Mao.

Mao est une intelligence artificielle. Si je l’activais, elle pouvait répondre instantanément. Elle n’avait pas besoin de temps de repos ni de sommeil, et pouvait donc participer aux réunions radiodiffusées avec les dirigeants d’autres pays sans avoir à modifier son emploi du temps. Elle n’avait pas non plus de corps physique, mais tant que j’avais le magatama et un support sur lequel elle pouvait se projeter, nous pouvions communiquer à tout moment.

Cette fonction avait été ajoutée à la demande de Mao, au cas où il y aurait un autre bogue de son côté qui nécessiterait mon autorisation (ou celle de ma lignée) pour le corriger. Mao étant une IA sans forme corporelle, on peut dire qu’en l’appelant dans cette pièce, elle était en fait « ici ».

Je me tournai vers Mao, qui affichait un air de confusion sur son visage à mon appel soudain.

« Mao. Je veux que tu décides si quelque chose est possible ou non. »

« Hmm ? Qu’est-ce que ce serait ? »

J’avais expliqué à Mao le plan de Yuriga. « Alors, tu penses pouvoir nous aider ? »

« Bien sûr, je peux. »

Une fois la situation expliquée, Mao accepta sans hésiter. C’était si facile que Yuriga et moi nous étions regardés, stupéfaits.

« Es-tu sûre ? Tu n’interviens pas dans les conflits de ce monde, n’est-ce pas ? Mais dans ce cas, je ne suis pas certain que cela compte comme une intervention. »

« C’est exact. Tiamat et moi ne sommes pas habilités à prendre part aux guerres entre les nouvelles races humaines… Pas même si elles mettent votre vie en danger, Seigneur Souma. Si c’est le choix de la nouvelle humanité, alors nous sommes programmés pour ne pas pouvoir intervenir. Je ne peux pas non plus envoyer des renforts pour aider dans une guerre entre les nouvelles races de l’humanité, ni transporter des fournitures ou des personnes impliquées dans une telle guerre. »

Mao s’excusa, puis releva rapidement la tête.

« Cependant, ce que vous m’avez demandé n’entre pas en conflit avec cela. La guerre n’aura pas encore éclaté à ce moment-là; tout ce que je ferai, c’est garantir la sécurité de Yuriga et fournir un lieu pour la rencontre. Son plan n’affecterait pas directement la guerre, n’est-ce pas ? »

« Oui, c’est exact », répondit Yuriga en hochant fermement la tête. « Ce que je veux faire n’aura probablement aucune influence sur la guerre qui pourrait éclater entre l’Alliance maritime et le Royaume du Grand Tigre. Avant que mon frère ne fasse quoi que ce soit, je veux rentrer brièvement chez moi pour discuter avec lui. En clair, c’est tout ce qu’il y a à faire. Et vous ne feriez que fournir un endroit où nous pourrions parler, mon frère et moi, sans que personne n’interfère. »

« Et vous ne mentez pas ? » insista Mao.

« Je le jure sur mon nom de Haan », affirma Yuriga.

Mao acquiesça et répondit : « Alors, il n’y a pas de problème. Voulez-vous que je vous transporte immédiatement à Haalga ? »

— Oh, elle peut déjà le faire ? Tout comme pour Madame Tiamat, les êtres qui peuvent utiliser la magie de transport existent à un niveau totalement différent.

Yuriga secoua la tête à cette proposition : « Non, je dois encore me préparer. Je viendrai vous voir quand ce sera terminé. »

« Oh, je vois… Eh bien, une fois que la guerre aura commencé — ou si elle est sur le point de le faire — il se peut que je ne puisse plus vous aider, alors comprenez-moi bien. »

« Je sais. Je serai prête avant cette date. »

« J’ai compris. Je vais donc y aller. »

Sur ce, l’image de Mao disparut et le récepteur s’arrêta.

Comme le magatama n’avait pas réagi, j’ai demandé à Aisha de fermer les portes du kamidana. Après avoir réglé tout cela, je me tournai vers Yuriga.

« Bon, en supposant que nous ayons l’aide de Mao, qu’en est-il des autres préparatifs que tu as mentionnés ? »

« Oh ! Il y a quelque chose que je veux que tu prépares pour moi quand je rencontrerai mon frère. »

« Qu’est-ce que c’est ? »

Yuriga me demanda de lui prêter quelque chose. J’avais écarquillé les yeux en voyant ce qu’elle voulait.

« Tu veux ça ? — L’amener avec toi ne va-t-il pas te demander un effort considérable ? »

« Il n’est pas nécessaire que ce soit la totalité, bien sûr. Si je peux en emprunter un peu et le montrer à mon frère, je pense que ça l’aidera à me croire. »

Une partie seulement fera l’affaire ? Dans ce cas, oui, c’est possible. Je soupirai.

« Mais ce n’est pas dans notre pays maintenant. Il faudra que j’obtienne la permission de Shabon. »

« Eh bien… utilise le pouvoir de l’Alliance maritime. »

« À t’entendre, ça a l’air si facile… — D’accord. »

Je m’étais gratté la tête en hochant la tête. Si je lui expliquais la situation, Shabon approuverait sans doute.

J’avais alors regardé à nouveau Yuriga. Il y avait une lueur d’espoir dans ses yeux, comme si elle s’accrochait à moi. Mais en même temps, je sentais aussi une détermination à aller jusqu’au bout de ses convictions.

« Je pense que ton plan est intéressant, Yuriga. Je suis sûr qu’il va perturber Fuuga et potentiellement mettre une limite temporelle à ses ambitions… mais tu ne peux pas t’attendre à beaucoup plus que ça. Comme, disons, que Fuuga mette de côté son objectif d’unir le continent. »

Yuriga réagit avec un silence stupéfait.

Oui… je me suis dit que c’était ça.

Il n’y avait pas de mensonge dans ce que Yuriga nous avait dit. Mais j’avais l’impression que ses légers espoirs étaient à l’origine de son plan. L’idée que peut-être, peut-être, elle pourrait arrêter l’invasion imminente. Même si cette chance était si faible qu’elle était presque impossible, elle ne pouvait pas s’empêcher de la poursuivre.

« Il n’y a probablement même pas une chance sur un million que Fuuga change sa façon de vivre. »

« … »

« Mais tu veux quand même le faire, n’est-ce pas ? »

« … Oui. » Yuriga acquiesça fermement. « Je doute aussi que mon frère change soudainement sa façon de vivre à ce stade. Mais… Je veux lui montrer qu’il y a une autre façon de faire. Qu’il y a un avenir où les choses ne se règlent pas par la bagarre. Même si c’est quelque chose qu’il ne choisira jamais, je veux qu’il le voie. Et s’il y a ne serait-ce qu’une chance sur un million — non, une chance sur un milliard — qu’il choisisse une autre voie, je veux la lui montrer. Voilà ce que je ressens ! »

Elle luttait contre les larmes. Ses paroles étaient puissantes. Je pouvais sentir la détermination de Yuriga s’infiltrer en eux.

« Je pense que ces espoirs te trahiront. »

« Mais même ainsi ! »

« Je vois… »

Si elle était aussi déterminée, je n’avais plus rien à dire.

Je pris une grande inspiration, puis, sur le ton le plus doux que j’avais pu trouver, je lui annonçai : « Essaie et vois ce qui se passe. Fais ce que tu crois être le mieux. »

« Oh ! Merci ! » Les paroles de Yuriga étaient teintées d’allégresse.

Je l’avais regardée avec une expression sérieuse et je lui déclarai : « Mais s’il te plaît, promets-moi juste une chose. »

« Qu’est-ce que c’est… ? »

« Même si les choses ne se déroulent pas comme tu le souhaites, tu dois revenir ici. Tu fais partie de la famille maintenant, et c’est ta maison. Au moins, promets-moi cela. »

« C’est vrai ! Tu ne peux pas ne pas rentrer à la maison ! » Aisha m’avait soutenu.

Bien sûr, j’avais prévu de demander à Mao de la transporter chez elle, qu’elle le veuille ou non, une fois qu’elle aurait terminé. Cela ne servait à rien d’arracher une promesse verbale, mais je voulais lui communiquer nos sentiments comme il se doit.

Après m’avoir jeté un regard noir pendant une seconde, Yuriga répondit : « Oui ! » Souriant avec des larmes au coin des yeux, elle ajouta : « Et si ça ne marche pas, laisse-moi pleurer contre ta poitrine. »

☆☆☆

Partie 3

Un mois environ s’était écoulé.

Yuriga et Fuuga se tenaient face à face devant les portes de Haalga, une ville seadienne située à l’extrémité nord du continent. Fuuga n’avait que Mutsumi avec lui, mais ses troupes se tenaient à une courte distance. Yuriga, quant à elle, avait Kagetora dans son dos.

Pour montrer que cette réunion se déroulait avec l’accord de Yuriga, Souma avait demandé au reste des Chats Noirs de rester dans l’ombre. La seule présence de Kagetora laissait entendre qu’elle avait d’autres gardes invisibles pour tenir l’autre camp en échec.

« Je ne m’attendais pas à ce que tu m’appelles ici. »

« Cela fait un moment que nous ne t’avons pas vue, Yuriga. »

Fuuga et Mutsumi s’inclinèrent devant elle.

« Oui, cela fait longtemps, frère et grande sœur Mutsumi. Merci d’avoir fait tout ce chemin. »

« Oh, tu peux laisser tomber les formalités », dit Fuuga sans ambages. « De toute façon, tu as quelque chose à me dire, n’est-ce pas ? »

« Oui, j’ai besoin que tu entendes ceci, mon frère. »

Yuriga regarda son frère droit dans les yeux. Son regard pouvait intimider presque tout le monde, mais pas sa petite sœur. Même si Fuuga se préparait à engloutir le monde, Yuriga pouvait se tenir devant lui seule. En la revoyant, il sentit sa détermination.

« Hein ? Tout de suite ? Tu es pleinement consciente des risques encourus en te présentant devant nous en tant qu’épouse de Souma. »

Fuuga la mettait à l’épreuve, mais elle ne fléchit pas.

« Oui », répondit-elle. « Parce que je pense que ce sera le seul moment où je pourrai te parler. »

« La façon dont tu dis ça, on dirait que tu n’as pas l’intention de rentrer à la maison. »

« Je suis déjà mariée à Souma. Si j’ai une maison, c’est désormais le château de Parnam. »

« Des paroles de dur à cuire. Tu sais que Hashim veut te mettre en garde à vue… »

« Le grand frère Hashim le ferait certainement aussi. Est-ce que ça va aller ? » demanda Mutsumi, inquiète.

« Tout ira bien », répondit Yuriga en hochant la tête. « J’ai pris des dispositions pour m’évader, au cas où. »

« Hé hé ! » Fuuga laissa échapper un petit rire. « Tu es vraiment devenue forte. Notre petite Yuriga a tellement grandi. »

Ils avaient tous l’air détendus et, si l’on avait enlevé le grand homme au masque de tigre noir inquiétant, on aurait dit trois frères et sœurs en train de discuter à bâtons rompus.

« Et ? » dit Fuuga en posant une main sur sa hanche. « Qu’est-ce que tu veux que j’entende ? »

« Quelque chose que je pense que tu voudrais entendre…, » Yuriga leva la main droite. Les portes d’Haalga s’ouvrirent alors, laissant entendre un grondement tandis que le sol sablonneux commençait à trembler.

Finalement, quelque chose d’énorme fut amené à travers les portes et transporté derrière Yuriga. Alors que Fuuga et Mutsumi écarquillaient les yeux, Yuriga les fixa, le regard inébranlable.

« Je voulais te montrer ceci. Tu devrais déjà le connaître, car c’était mentionné dans mes rapports », dit-elle en désignant l’objet derrière elle. « Ce que je veux te dire, c’est à propos du monde où cette chose est née. »

 

◇ ◇ ◇

Quelques jours après son départ pour le nord, Yuriga rentra au royaume de Friedonia saine et sauve. Bien que des mesures adéquates aient été prises pour assurer sa sécurité, c’était presque décevant de la voir revenir si facilement de son court voyage. Cependant, je ne pouvais pas être certain que son état d’esprit était aussi détendu.

J’avais entendu dire qu’elle arriverait bientôt au château de Parnam, alors j’étais resté au bureau des affaires gouvernementales pour travailler en attendant. Dans son état actuel, j’avais pensé qu’il serait préférable de ne pas l’accueillir avec trop d’inquiétude ni de la laisser seule. J’en avais discuté avec Liscia et Tomoe, et nous avions convenu qu’il valait mieux l’accueillir comme d’habitude.

Même si je faisais régulièrement des heures supplémentaires au bureau… J’avais entendu frapper à la porte.

« Entre, » dis-je.

« Désolée de te déranger », répondit Yuriga en entrant, les yeux baissés.

Une fois à l’intérieur, Aisha referma tranquillement la porte derrière elle, ne laissant que Yuriga et moi.

« Bienvenue à la maison, Yuriga. »

Elle inclina la tête, les yeux toujours baissés, et dit : « Je suis revenue. »

Le ton de sa voix était normal. Mais je ne pouvais pas voir son expression. Inquiet, je m’étais levé de ma chaise et elle marcha lentement vers moi.

« Je pense que j’ai réussi à enfoncer un coin dans le cœur de mon frère. »

— Uh-huh.

« Il ne peut plus s’enfuir, même s’il n’en a jamais eu l’intention, je suis sûre. Mais maintenant, il devra tout miser sur une bataille du tout ou rien, sans seconde chance. »

« Je vois. »

« Mais… »

Je m’approchai d’elle et Yuriga leva le visage. De grosses larmes commencèrent à rouler sur ses joues.

Alors qu’elle pleurait ouvertement, se mordant les lèvres, Yuriga déclara : « Je n’ai pas pu… Je voulais faire en sorte que mon frère choisisse une autre voie que celle du combat. Je voulais l’arrêter, si je le pouvais. Mais ça n’aurait jamais marché. »

J’avais doucement passé mes bras autour de ses épaules et l’avais serrée contre moi. Elle sanglota bruyamment dans ma poitrine.

« Et si ça ne marche pas, laisse-moi pleurer sur ta poitrine. » Me souvenant de ces paroles, j’avais tenu ma promesse ce jour-là, mais cela ne m’avait fait que de la peine. Elle devait être frustrée. Yuriga voulait que Fuuga s’arrête, même si elle savait que c’était absolument impossible. Elle avait quand même voulu s’accrocher à un espoir vain. Et quand, comme on pouvait s’y attendre, cela n’avait pas marché, elle ne pouvait pas faire comme si de rien n’était.

Je lui avais frotté le dos comme on le fait pour apaiser un bébé, mais…

« Ne me traite pas comme une enfant ! » hurla Yuriga en me poussant contre la poitrine. « Je suis ta femme ! Si tu veux me réconforter, fais-le comme un mari doit le faire ! »

J’avais grimacé en recevant son regard noir. Elle avait le visage d’une femme indépendante. Lorsque je l’avais rencontrée pour la première fois, elle avait l’air d’une collégienne, mais elle avait depuis longtemps dépassé ce stade.

« Compris. »

J’avais fait le tour de Yuriga et je l’avais serrée fort dans mes bras pendant qu’elle continuait à sangloter. Elle ne voulait sans doute pas que je voie son visage dans cet état.

Nous étions restés ainsi un moment, dans une pièce où personne ne risquait de nous interrompre.

 

◇ ◇ ◇

L’histoire se déroule juste après la rencontre entre Fuuga et Yuriga.

Après leur entretien, Fuuga et Mutsumi étaient retournés à leur camp militaire, où ils avaient été accueillis par leur conseiller, Hashim. Bien qu’il ait été difficile d’imaginer que Yuriga puisse nuire à Fuuga, il était évident qu’elle soutenait le royaume de Friedonia. Le conseiller se méfiait donc des manœuvres de Souma.

« Seigneur Fuuga. Qu’est-ce que Dame Yuriga avait à dire ? Est-ce qu’elle manigance quelque chose ? »

« Hmm ? Je n’ai pas l’impression qu’il y ait eu un complot ou quoi que ce soit d’autre », répondit Fuuga en sautant du dos de Durga. Il aida Mutsumi à descendre de son cheval, puis poursuivit : « Quant à ce qu’elle a dit, c’était juste à propos du monde des Seadiens. »

« Le monde des Seadiens ? »

À quoi ressemblait la vie dans le nord, là où les Seadiens auraient résidé avant d’être transférés dans ce monde ? Pourquoi Yuriga s’était-elle donné tant de mal pour en parler à Fuuga ? L’esprit d’Hashim s’emballa en explorant un certain nombre de possibilités, mais aucune réponse claire n’émergea, à son grand dam.

Fuuga haussa les épaules et dit : « Ça ne sert probablement à rien d’y penser. Je doute qu’il y ait une arrière-pensée derrière les propos de Yuriga. »

« En êtes-vous certain ? »

« Oui. Eh bien… elle m’a tout de même servi une forte dose de poison. »

« Quoi ? — Du poison ? »

Les yeux d’Hashim s’écarquillèrent devant ce mot troublant qui s’était soudain invité dans la conversation, mais Fuuga l’écarta en riant.

« Pas du vrai poison, évidemment. Ce que Yuriga a apporté, c’est… Appelons ça une toxine du cœur. C’est une information qui agit comme un poison à retardement et qui affectera lentement ma passion. C’est un poison qui n’agit que sur moi et que seule elle, en tant que petite sœur, peut fabriquer. Bon sang. On dirait qu’elle s’est finalement vraiment prise d’affection pour Souma. »

Hashim fronça les sourcils tandis que Fuuga se remit à rire.

« Des informations toxiques ? Allez-vous bien ? »

« Non, ça a eu plus d’effet que je ne le pensais. » Fuuga se gratta la tête, comme pour demander : « Alors, qu’est-ce que je fais maintenant ? » Même le calme et le sang-froid d’Hashim étaient perturbés de le voir agir de la sorte.

« Je n’ai aucune idée de ce qui a pu se passer, car je ne faisais que regarder à distance, mais est-ce que cela a un rapport avec cette chose que Yuriga a sortie ? » demanda Hashim.

« Non, ce n’est pas important. Elle l’a probablement traîné jusqu’ici pour nous expliquer les choses. »

« Qu’est-ce qui se passe ici… ? » Frustré de voir Fuuga tourner autour du pot, Hashim regarda Mutsumi.

Avec une expression un peu triste, elle répondit : « Je soupçonne que Yuriga avait espéré empêcher le Seigneur Fuuga et Sir Souma de se battre… Même si elle voit aussi une collision inévitable entre l’Empire du Grand Tigre et le Royaume de Friedonia, elle espérait sans doute montrer un autre avenir au seigneur Fuuga. Et même s’il n’a pas pu donner suite à ses souhaits, cela a tout de même profondément marqué le cœur du Seigneur Fuuga. »

« Oui, ça résume bien la situation », dit Fuuga en hochant la tête. « J’ai aussi eu un aperçu des pensées de Souma lors de ma conversation avec Yuriga. Il ne prévoit pas de se battre contre nous, mais contre quelque chose d’encore plus grand, et il prévoit de gagner. »

« Hmm ? Qu’est-ce que ça veut dire ? »

« Désolé, je ne pense pas pouvoir le formuler clairement pour l’instant, alors je t’expliquerai plus tard. Quoi qu’il en soit, si nous ne faisons rien, je ne pourrai pas défier Souma. En plus, il y a le poison de Yuriga. Il semblerait que je n’aie qu’une seule chance d’affronter Souma et ses hommes. Si je ne parviens pas à gagner de façon décisive, alors je ne pourrai plus jamais les battre. »

« La guerre à venir décidera donc de tout, dis-tu ? » L’expression d’Hashim était devenue sinistre.

Fuuga acquiesça : « Exactement… Bien que le poison de Yuriga me visait spécifiquement, si quelqu’un prenait ma place, il pourrait sans doute s’y reprendre à deux fois. »

« Vous plaisantez certainement. Cette grande nation serait ingérable sans votre grandeur. »

« Oui. C’est pourquoi la prochaine bataille sera le pari d’une génération. » Fuuga sourit, un regard féroce dans les yeux.

Plus l’ennemi était grand et coriace, plus il se sentait vivant en le combattant. C’était sa nature, et c’est ce qui avait fait de lui l’homme qu’il était devenu. Tant qu’il garderait cette expression sur le visage, le charisme de Fuuga convaincrait ses partisans que personne ne pourrait l’arrêter.

Fuuga frappa ses poings l’un contre l’autre pour se donner de l’élan : « Bon, on perd du temps. Même si nous ne sommes pas tout à fait prêts à partir, ce serait une mauvaise nouvelle que de les laisser se préparer complètement pour nous. Qui créera l’avenir de ce monde ? Moi ou Souma ? Allons dans son château de Parnam et découvrons la réponse ! »

« Oui ! »

« Par votre volonté. »

Mutsumi et Hashim saluèrent Fuuga.

Ils partirent précipitamment pour le château de Parnam et Fuuga jeta un coup d’œil vers Haalga, où il avait rencontré sa sœur.

« Je suis désolé, Yuriga. » Je vais suivre ma propre voie. Et il semblerait que tu aies aussi choisi ta voie. Courons sur notre chemin respectif pour ne pas regretter nos choix.

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