Genjitsushugisha no Oukokukaizouki – Tome 18 – Chapitre 2

Bannière de Genjitsushugisha no Oukokukaizouki ☆☆☆

Chapitre 2 : Le Nouvel An dans les deux camps

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Chapitre 2 : Le Nouvel An dans les deux camps

Partie 1

— Fin de la 1553e année, calendrier continental —

Les habitants de chaque pays organisaient de grandes fêtes pour célébrer la fin de l’année, qui resterait dans les mémoires comme celle de la libération du Domaine du Seigneur-Démon. Libérés de l’inquiétude qui les hantait depuis des décennies, ils rêvaient sans doute d’un avenir plus radieux. Dans notre pays, Juna dirigeait les préparatifs de la bataille de chansons annuelle (celle-ci n’était pas destinée à la recherche, mais ressemblait plutôt à la bataille de chansons rouge et blanche du nouvel an).

Cependant, contrairement à l’humeur festive de la population, les dirigeants politiques et militaires des pays de l’Alliance maritime ne pouvaient pas se permettre d’être dans un tel état d’esprit. Avec le durcissement de l’opinion publique dans l’Empire du Grand Tigre, le Royaume de Friedonia était certain qu’une invasion de l’Alliance maritime était imminente. Ils avaient fait part de ces inquiétudes à leurs trois alliés — la République de Turgis, le Royaume de l’Archipel du Dragon à Neuf Têtes, le Royaume d’Euphoria — ainsi qu’au Royaume des Chevaliers dragons de Nothung, qui se trouvait en dehors de l’alliance mais avait récemment interagi avec eux dans le cadre de leurs activités de livraison.

Il fallait que les autres participent à l’élaboration du plan, alors j’avais pris le temps d’expliquer ce que j’avais entendu dans les profondeurs du domaine du Seigneur-Démon, notamment comment ce monde avait vu le jour et ce qu’était l’hémisphère nord.

Aujourd’hui, j’avais une réunion avec Kuu, Shabon et Jeanne — les chefs d’État des quatre nations de l’Alliance maritime — à distance grâce aux joyaux de diffusion. Une fois que tout le monde fut prêt, j’avais pris la parole en premier.

« Très bien, commençons cette réunion. »

« Ookyakya. »

« Oui. »

« D’accord. »

Une fois que je vis les trois autres acquiescer, je hochais la tête et je me tournai vers Kuu.

« Tout d’abord… Kuu. »

« Hm ? Qu’est-ce qu’il y a, mon frère ? »

« J’ai appris que tu vas bientôt être père de quatre enfants. Félicitations. »

« Ookyakya. Tu me mets dans l’embarras. » Kuu se gratta l’arrière de la tête, tandis que Shabon et Jeanne se joignirent à lui pour le féliciter à leur tour.

Il était encore sous le coup de l’émotion en devenant soudainement père de quatre enfants. En fait, Kuu n’avait appris la grossesse de Taru et de Leporina que l’autre jour. De plus, Leporina était apparemment enceinte de triplés, son ventre ayant déjà atteint une taille considérable. La race des lapins blancs étant connue pour sa fécondité, il aurait pu le voir venir.

Essayant de remettre les choses sur les rails, Kuu sourit et secoua la tête.

« Eh bien, c’est comme ça. Avec quatre enfants, au moins certains d’entre eux s’entendront avec les tiens, mon frère. Faisons en sorte qu’ils soient fiancés à Kazuha, Enju ou Kaito. »

« Tu t’avances alors qu’ils ne sont même pas encore nés… »

Il y aurait un écart d’âge de six ans avec Kazuha… C’était bien dans la fourchette acceptable pour ce monde, mais je voulais éviter un mariage avec lequel les parties concernées n’étaient pas d’accord.

« Eh bien… » commença Kuu en secouant la tête. « Maintenant que tu nous as dit à quel point ton sang de vieille humanité est important, frangin, la République veut un morceau de cette lignée pour elle-même. L’Archipel du Dragon à Neuf Têtes a les fiançailles entre Cian et Sharan, tandis que le Royaume d’Euphoria a juste besoin que tu aies un enfant avec leur ancienne impératrice. En tant que chef de la République, je ne peux pas accepter que nous n’obtenions rien. »

Je comprends ce qu’il veut dire… J’aurais ressenti la même chose à la place de Kuu.

« Très bien. Une fois que tes enfants seront nés et auront un peu grandi, faisons-les tous se rencontrer. S’il y a des paires qui s’entendent bien, alors je pense que c’est bien d’organiser un mariage pour eux. »

« Ouais ! Je t’en tiendrai rigueur, mon frère », dit Kuu avec un large sourire.

Jeanne acquiesça. « C’est vrai, nous aimerions aussi le sang de la vieille humanité. Lorsque tu auras des enfants avec ma sœur, nous aimerions en adopter un. »

« Tu t’avances aussi, madame Jeanne… »

« Oh ! Jeanne va très bien, mon frère. »

Maintenant que j’y pense, c’est ma belle-sœur. Après Tomoe, elle est donc ma deuxième belle-sœur.

« Quoi qu’il en soit… Je dois m’excuser, Jeanne, d’avoir appelé Hakuya si souvent alors que vous venez de vous marier. »

« Je comprends. » Jeanne sourit ironiquement et secoua la tête. « Tu n’as pas vraiment le choix vu la situation actuelle. »

« Ça fait du bien de t’entendre dire ça… »

« Honnêtement, ce n’est pas mon mari qui me préoccupe… Sir Hakuya étant hors du pays, je m’inquiète davantage des bêtises que Trill pourrait commettre. Elle travaille d’arrache-pied pour mettre au point quelque chose qui lui permettra de se défouler après avoir été séparée de Madame Genia. »

La princesse foreuse est toujours la même, hein ? m’étais-je dit.

Jeanne pousse un soupir d’épuisement. « Tout à l’heure, elle disait : “De devoir défendre le château, ça manque d’allure ! Ne serais-tu pas d’accord pour dire que ce serait bien d’avoir un château capable d’écraser complètement nos ennemis ?” et puis elle a commencé à remodeler les murs du château. »

« D-D’accord… »

« Cela dit, Sir Hakuya passe en revue ses inventions et récupère celles qui pourraient être utiles, alors elle a apporté des contributions majeures à la technologie de notre pays… »

« Ookyakya ! Mlle Trill est toujours aussi divertissante, à ce que je vois ! J’aimerais beaucoup qu’elle vienne dans notre pays et qu’elle nous aide à remodeler la ville que nous avons volée à Zem ! »

« Elle est toute à toi », dit Jeanne avec un geste comme si elle lui passait quelque chose.

Bien que Trill et Kuu se soient rencontrés pendant la construction du tunnel, on sentait qu’ils pouvaient former une combinaison dangereuse.

« Sir Souma… »

« Hm ? »

À ce moment-là, Shabon, qui écoutait tranquillement depuis tout ce temps avec une expression sereine, se redressa et inclina la tête vers moi.

« Je dois m’excuser pour la façon dont la flotte de mon pays s’est déshonorée pendant la campagne contre le domaine du Seigneur-Démon. »

« Oh… Ça, hein ? »

Lorsque nous avions envoyé une flotte au domaine du Seigneur-Démon à la demande de Fuuga, Shabon avait envoyé une flotte de l’Archipel du Dragon à Neuf Têtes pour nous escorter. Cependant, lorsque nous avions rencontré l’arme humanoïde Jangar, l’un des navires de l’Archipel du Dragon à Neuf Têtes n’avait pas tenu compte des ordres de ne rien entreprendre et avait attaqué Jangar, ce qui avait déclenché les hostilités. Nous avions perdu un porte-îles dans cette bataille, et les pertes n’avaient pas été négligeables.

J’avais déjà reçu une excuse de sa part depuis mon retour au Royaume, mais c’était la première fois qu’elle le disait à titre officiel.

« Ceux qui ont désobéi aux ordres seront punis en vertu des lois de notre pays, mais je dois m’excuser pour les échecs de ceux qui sont sous mon commandement. »

« Relevez la tête, Shabon. Nous n’avions pas prévu cette situation. C’est de ma faute si j’ai laissé Fuuga me pousser à expédier la flotte. J’ai entendu dire que la plupart des morts se trouvaient dans la flotte de l’Archipel du Dragon à Neuf Têtes, alors si vous dites que vous vous en êtes déjà occupé, je n’ai plus rien à dire à ce sujet. »

« Nous vous remercions de l’attention que vous portez à cette question. »

« Le plus important pour l’instant, c’est que j’ai une faveur à vous demander à tous les trois. »

« Tu parles de Fuuga Haan, n’est-ce pas ? » demanda Kuu.

« Oui. » J’avais acquiescé. « Il est plus ou moins garanti que nous devrons livrer une bataille décisive contre l’Empire du Grand Tigre l’année prochaine. »

« C’est ce que m’a dit le seigneur Hakuya. Il dit qu’il est presque certain qu’ils envahiront le royaume de Friedonia », dit Jeanne, ce qui fit pencher la tête de Kuu sur le côté.

« Ookya ? Est-ce qu’on peut dire ça de façon aussi catégorique ? Mon pays est limitrophe de l’ancien État mercenaire de Zem, mais il est loin de la patrie de l’ennemi, et le royaume de l’Archipel du Dragon à Neuf Têtes se trouve de l’autre côté de la mer. Il est logique que nous ne soyons pas les cibles ici, mais le royaume d’Euphoria ne doit-il pas s’inquiéter lui aussi ? »

« Cela prendrait trop de temps. Tant que nous avons le plan dont je vous ai parlé, le temps joue en notre faveur. Si Fuuga lance une véritable offensive vers le royaume d’Euphoria, nous la perturberons avec tout ce que nous avons. Pendant que Fuuga s’occupera de cela, il manquera probablement de temps… Ce ne serait pas agréable pour Jeanne, car son pays serait envahi, mais dans l’ensemble, on ne peut pas demander une meilleure issue que celle-là. »

Après avoir dit tout cela, je laissais échapper un soupir avant de continuer.

« Mais cet homme s’est élevé aussi haut parce qu’il a flairé le danger. C’est inhumain, du niveau d’une bête sauvage. Il doit se rendre compte que nous préparons quelque chose. J’ai entendu dire que les agents secrets qui rendent compte directement à Hashim sont devenus plus actifs ces derniers temps. »

« Voulez-vous dire qu’il va découvrir ce plan et envahir le royaume de Friedonia pour l’écraser ? » demanda Shabon.

« Oui, » répondis-je en hochant la tête. « Mais c’est moins qu’il le détectera et plus probablement qu’il pensera simplement qu’il se passe quelque chose. Une guerre rapide et décisive, c’est ce que nous souhaitons le moins en ce moment. Et comme c’est le cas, c’est la politique que Fuuga poursuivra sans hésiter. Si nous espérons qu’il prendra les choses dans une autre direction et que nous nous relâchons dans nos préparatifs en conséquence, il pourrait bien tout engloutir. »

« Ookeekee... Un sacré coup de malchance pour être né à la même époque que lui, hein ? » dit Kuu avec un sourire crispé.

Tu l’as dit.

Dans une certaine adaptation du manga Romance des Trois Royaumes, il y a une scène dans laquelle, après avoir été déjoué par Kongming, Zhou Yu dit : « Pourquoi le Ciel a-t-il donné naissance à Zhou Yu, puis donné naissance à Kongming à la même époque ? » avant de mourir dans un accès de colère. Si j’avais été obligé d’affronter Fuuga tout seul, j’aurais peut-être ressenti la même chose.

« Mais nous ne sommes pas seuls face à Fuuga. »

Nous avions des liens construits et cultivés avec d’autres personnes. Certains de nos camarades étaient des amis de la première heure, tandis que d’autres, comme Castor, Julius et Mary, avaient déjà été des ennemis. À un moment donné, tous ces gens avaient formé une alliance informelle, et avant même que l’un d’entre nous s’en rende compte, nous coopérions pour atteindre le même objectif. C’est ce qui fait la force de l’Alliance maritime.

Je pousse mon poing vers eux trois pour montrer mon enthousiasme.

« Nous travaillerons ensemble pour surmonter cette difficulté et fermer le rideau sur l’ère de Fuuga, et retirons-le de sous les feux de la rampe. Montrons-lui ce que nous avons construit et à quel point c’est résilient. »

« Ouais ! J’ai envie de me battre ! »

« «  Oui ! » »

Kuu, Shabon, Jeanne et moi avions tous levé le poing en poussant un hourra.

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À peu près au même moment, Fuuga fêtait aussi la nouvelle année au château de Haan…

Après son retour du domaine du Seigneur-Démon, il a passé du temps à consolider les choses sur le plan intérieur. Le domaine du Seigneur-Démon était désormais entièrement libéré et sous le contrôle de l’empire du Grand Tigre, à l’exception de la ville située à l’extrémité nord du continent où vivaient les Seadiens.

Quiconque observait la situation correctement pensait probablement qu’il avait été acquis un tas de terres en friche. Cependant, pour beaucoup des siens, ainsi que pour les réfugiés qui pouvaient enfin retourner dans leur pays, cela ressemblait à un brillant accomplissement. Même si le long et pénible travail de reconstruction attendait ces fêtards, ils s’attelleraient à la tâche avec allégresse. Et ceux qui auraient voulu se plaindre s’étaient abstenus de le faire. La puissance du charisme de Fuuga était écrasante.

Des troupes furent envoyées sur ses nouvelles terres et se mirent au travail pour débarrasser le continent de Landia des monstres restants. Il était impossible de les éliminer complètement, car il existait encore des donjons, mais leur nombre n’augmenterait pas depuis que Souma et Mao avaient fermé la porte.

Le domaine de l’humanité allait certainement s’étendre davantage. Mais la simple chasse aux monstres ne présentait que peu d’intérêt pour les astuces de planification de Hashim, le stratège de Fuuga, et la tâche avait donc été confiée à Shuukin et à d’autres serviteurs compétents.

Fuuga, quant à lui, profitait de l’occasion pour passer du temps avec sa femme Mutsumi. À la réflexion, il s’agissait peut-être de la période la plus paisible de la vie de Fuuga jusqu’à présent. La période qu’il avait vécue avant ça avait été autrement remplie de violence.

Cependant, la paix n’était pas satisfaisante pour le grand homme.

Le soir, dans sa chambre, Fuuga s’était assis sur une chaise, nu de la taille jusqu’en haut, et il polissait son sabre. Son arme préférée était le Zanganto, une lame qui brise les rochers et qui ressemble à la lame en forme de croissant du dragon vert. Il était rare qu’il dégaine cette épée qui pendait à sa hanche, mais au cours des longues heures qu’il passait à se battre, elle parvenait tout de même à s’ébrécher ici et là.

« Tu ne peux pas dormir… ? »

Fuuga se tourna vers la voix soudaine. Mutsumi était assise dans son lit, une couverture enroulée autour d’elle et rien en dessous.

Avec un sourire en coin, il se tourna vers elle et lui déclara : « Désolé. T’ai-je réveillée ? »

« Non… J’étais en train de m’assoupir quand j’ai réalisé que mon mari n’était pas à côté de moi. »

« Oui. Je me sens bien réveillé pour une raison ou une autre. »

Fuuga brandit son épée à la lumière de la lune qui brillait à travers la fenêtre. La lame polie reflétait son visage et la cicatrice que lui avait offerte Gauche, le frère de Mutsumi.

Il soupira. « Quand c’est trop calme, je n’arrive pas à me poser. J’ai l’impression que je devrais faire quelque chose. »

« Madame Lumiere te dirait probablement de l’aider avec les affaires internes, » dit Mutsumi.

Lumiere travaillait probablement plus dur que quiconque pour que les territoires étendus contribuent à la puissance nationale de l’Empire du Grand Tigre le plus rapidement possible. Fuuga comprenait cela, mais même s’il n’était pas vraiment mal adapté aux affaires domestiques, il ne trouvait pas ce travail satisfaisant. Contrairement à Souma ou à Maria, il ne faisait jamais d’heures supplémentaires et ne dormait jamais dans son bureau des affaires gouvernementales. Ce travail incombait à Lumière et Kasen, qui avaient été chargés de l’assister.

« Je leur suis reconnaissant. Courir sur le champ de bataille me convient mieux. »

« Même maintenant que tu es un empereur, tu es toujours un guerrier dans l’âme, chéri », murmura Mutsumi en gloussant.

Elle enroula la couverture autour de son corps nu et se leva du lit. Elle s’approcha de Fuuga par derrière et l’entoura de ses bras.

« Je sais qu’il fait chaud dans ces régions, mais les nuits sont encore fraîches », dit-elle en invitant Fuuga à la rejoindre à l’intérieur de la couverture. Il ne résista pas vraiment.

« Oui. Désolé pour ça. »

« Non, non. Je ne peux pas laisser mon chéri attraper un rhume alors qu’il veut continuer à foncer. »

Fuuga prit un air légèrement troublé lorsqu’elle déclara cela. « Même si le seul endroit où il me reste à aller… est vers le sud ? »

« Je suppose que oui… »

Au sud de l’Empire du Grand Tigre se trouvaient les pays de l’Alliance maritime. La petite sœur de Fuuga, Yuriga, y résidait, tout comme les frères et sœurs de Mutsumi — Ichiha, Nike et Sami. Mutsumi l’avait compris, bien sûr. Mais quand même… elle se blottissait contre la joue barbue de Fuuga.

« Si tu dis que tu vas continuer, je t’accompagnerai, jusqu’à ce que j’ai pu voir à quelle fin ton récit épique aboutit. »

« Ah oui ? »

Il toucha la joue de Mutsumi, qui était à côté de son visage. Ils passèrent ensuite un certain temps à se serrer l’un contre l’autre.

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Partie 2

— 1er mois, 1554e année, calendrier continental —

C’est ainsi que la nouvelle année arriva. Le peuple de l’Empire du Grand Tigre l’accueillit avec une incroyable allégresse. Se prélassant dans la gloire que leur empereur Fuuga Haan, le plus grand homme de cette génération, ait réussi à libérer le Domaine du Seigneur-Démon l’année précédente, ils attendaient avec impatience de voir quelles merveilles cette nouvelle année leur apporterait.

« Quelqu’un peut-il arrêter la marche de notre empereur ? Est-ce qu’un ennemi peut arrêter notre empereur ? » Ces paroles de chansons résonnaient dans l’air tandis que les gens buvaient et faisaient la fête.

Il y avait également eu une fête luxueuse au château de Haan. Fuuga, qui s’était plaint d’avoir du mal à manger et à boire lorsqu’il était sur le trône, était assis sur un large tapis fantaisie avec Mutsumi et ses vassaux. Il était à la tête du groupe, et les célèbres généraux de l’Empire du Grand Tigre étaient assis en ligne de part et d’autre de lui. La scène digne ressemblait à quelque chose sorti d’un mandala, mais tout le monde n’était pas présent.

« Oh, je ne vois pas le jeune Kasen », dit Gaten, l’homme le plus élégant de l’Empire du Grand Tigre et le Drapeau du Tigre. Comme Gaten taquinait toujours le plus jeune général, Kasen, l’Arbalète du Tigre, il fut le premier à constater son absence.

Le bras droit de Fuuga, Shuukin, l’Épée du Tigre, sourit ironiquement et l’informa : « Kasen travaille avec Madame Lumiere. Il a dit : “Si Madame Lumiere travaille pendant le Nouvel An, alors en tant qu’assistant, je ne peux pas me reposer quand elle travaille”. »

Les bureaucrates n’avaient pas eu le temps de se reposer le jour de l’an. Ils se battaient du mieux qu’ils pouvaient pour conserver leurs terres agrandies, comme l’avaient fait les bureaucrates de Parnam un an après la convocation de Souma. Hashim n’assistait pas non plus à la fête, car il était occupé à ourdir son prochain stratagème.

« C’est un travail difficile, n’est-ce pas ? » Gaten haussa les épaules. « Les stratégies de Sire Hashim et les politiques de Madame Lumiere sont ce qui soutient tout maintenant. Je leur tire ma révérence. Surtout à Madame Lumiere, qui nous pose des bases solides malgré son statut de nouvelle venue, et à Kasen, qui aide la génie dans son travail. »

« Oui. Ils vont être indispensables à l’empire du Grand Tigre à partir de maintenant », affirma Shuukin. « Les guerriers capables peuvent être remplacés. Ils sont probablement plus importants que nous. »

« Hmm. Si on en arrive là, il faudra que je les défende au prix de ma vie. » En s’imaginant mourir pour Kasen, Gaten gloussa. « Je suppose que ce n’est pas une mauvaise façon d’en finir. »

Cela allait à l’encontre de son sens du dandysme de risquer sa vie pour un autre homme, mais voir l’air choqué sur le visage de Kasen alors que la vie se vidait hors de lui n’était pas une proposition terrible.

« Hé ! Seigneur Shuukin ! Ce plat est aussi délicieux ! » intervint une jeune fille en sortant la tête de l’ombre de Shuukin. C’était Elulu, la fille de Garula Garlan, du royaume spirituel de Garlan.

En regardant le sourire impeccable sur son visage alors qu’elle entassait un tas de nourriture dans son assiette, Shuukin était à la fois charmé et déçu de voir à quel point elle était incroyablement décontractée. Elulu ne semblait pas intimidée, même lorsqu’elle était assise parmi les hommes crasseux qui constituaient les serviteurs de Fuuga.

« Vous avez des mets délicats qui viennent de partout, n’est-ce pas ? C’est bien approprié pour l’empire du grand tigre. Une nourriture aussi diversifiée que vos terres sont vastes. Et tout cela est délicieux. »

« Elulu… pourrais-tu peut-être te calmer un peu ? » dit Shuukin en soupirant. « Je ne t’ai laissé venir que parce que tu ne voulais pas en démordre, alors essaie de te tenir un peu, s’il te plaît. »

« Okaaay. »

Il était difficile de dire si elle avait compris le message ou non d’après sa réponse.

Grâce à l’attachement d’Elulu à Shuukin ainsi qu’à ses liens avec le gouvernement indépendant de l’île du Père du Royaume des Esprits, elle s’était vu confier le contrôle du nord-ouest de l’Empire du Grand Tigre. Ce n’est pas seulement que l’île du Père était effectivement sous son contrôle, elle commerçait aussi avec l’île Mère, qui s’engageait sur la voie de la libéralisation.

La façon dont elle gouvernait pouvait sembler faible à Fuuga ou à Hashim, mais en tant que nation insulaire, si les deux îles du Royaume des Esprits rejoignaient l’Alliance maritime, cela placerait l’ensemble du littoral de l’Empire du Grand Tigre sous leur contrôle. Il en serait de même si l’Empire du Grand Tigre tentait de les supprimer par la force. Sans la capacité de contrôler les mers, si l’Alliance maritime leur coupait l’accès à la mer, le groupe de débarquement de Haan serait facile à affamer.

Si cela devait arriver, il serait préférable d’utiliser l’amitié d’Elulu avec Shuukin pour les garder proches. De cette façon, les îles seraient préservées en tant que pays indépendant sur lequel Souma ne pourrait pas facilement mettre la main. En fait, la proximité entre Shuukin et Elulu était la meilleure chose que les deux nations puissent espérer.

En raison de leur relation, Shuukin avait dit à Elulu qu’il irait au château de Haan pour le Nouvel An, mais elle avait obstinément insisté pour y aller aussi.

« Je veux voir plus de choses dans le monde. Notre pays est devenu isolationniste à cause des différences et de la concurrence entre les différentes races, mais les temps ont changé. »

Souma, du Royaume de Friedonia, croyait en la méritocratie et embauchait les gens sans tenir compte de leur race ou de leur nationalité, si bien que les autres nations de l’Alliance maritime avaient été influencées pour faire de même. Les anciennes hostilités entre les différentes races s’étaient apaisées en conséquence. Ce sentiment était partagé dans l’Empire du Grand Tigre, dont la cohésion était assurée par le charisme écrasant de Fuuga. Il pouvait y avoir des conflits entre les nations ou les idéologies, mais les conflits interraciaux avaient pour ainsi dire disparu.

« Lors de l’incident de la maladie de l’insecte magique, mon pays d’origine a enfin compris qu’il ne pouvait pas continuer à se renfermer sur lui-même. Je veux voir plus de choses dans le monde. Je crois que ce sera mieux pour le peuple haut elfe. »

Elulu avait parlé sérieusement de son pays, impressionnant Shuukin et Gaten par sa prévenance. Malgré toutes les preuves du contraire, elle était encore une princesse.

« En plus, il y a toute cette nourriture savoureuse dans le vaste monde. Je manquerais quelque chose si je ne savais pas », dit-elle en jetant un fruit dans sa bouche, avec sa tige et tout le reste.

« Tu viens de tout gâcher, Elulu. »

Shuukin se serra la tête en voyant à quel point Elulu avait peu changé, tandis que Gaten riait de voir la célèbre épée du tigre courir à sa merci.

Alors que d’autres personnes fêtaient la nouvelle année, Lumiere, qui était devenue la plus haute bureaucrate de l’Empire du Grand Tigre, faisait face à une charge de travail meurtrière aux côtés de ses bureaucrates.

Ils s’étaient arrangés pour que des gens soient positionnés sur les nouvelles terres qui avaient été le domaine du Seigneur-Démon. Leur objectif était de relier les terres par des routes pour l’expédition des fournitures. Ces routes seraient également utilisées pour voyager entre elles afin d’éliminer les monstres et d’assurer la sécurité des terres.

Elle mettait à profit tout ce qu’elle avait appris en servant sous les ordres de Maria dans l’Empire du Gran Chaos. Maria avait été partiellement influencée par la façon dont Souma gouvernait, et on peut donc dire que Lumière était capable de gouverner d’une façon qui était un hybride du Royaume de Friedonia et de l’Empire du Grand Chaos.

Le seigneur Fuuga envisage un conflit avec l’Alliance maritime. Si je ne consolide pas le pays au moins un peu avant qu’il ne bouge… alors ma présence ici n’aura plus de raison d’être.

Lumiere avait abandonné Maria pour rejoindre Fuuga parce qu’elle rejetait la position de Maria selon laquelle il faudrait beaucoup de temps pour changer le monde pacifiquement. Elle pensait au contraire que s’il existait un moyen de résoudre un problème, il fallait le faire immédiatement, même s’il s’agissait d’une solution violente. C’est ainsi que la menace que le domaine du Seigneur-Démon faisait peser sur l’humanité avait été résolue. Cependant, Lumiere comprenait aussi que parce que Fuuga avait résolu le problème si rapidement, il ne pouvait pas s’arrêter là. La vitesse à laquelle le pays avait été construit l’avait rendu fragile. Ils avaient toujours besoin d’un ennemi pour les unir, sinon, ils risquaient de s’effondrer en un rien de temps.

Je suis sûr que Lady Maria aurait détesté ça… Si nous avions les moyens de nous arrêter une fois le problème résolu, nous n’aurions pas commencé, même si nous avions le pouvoir de régler le problème en lui-même.

Ce n’est pas comme si Lumiere n’avait pas compris les idéaux de Maria auparavant, Lumiere avait juste été frustrée par sa passivité. Maintenant, dans sa position actuelle, Lumiere pensait pouvoir s’aligner un peu plus sur la façon de penser de Maria. Cependant, étant donné son penchant pour la précipitation, cela n’aurait peut-être pas changé le résultat.

Il est trop tard pour cela… J’ai choisi ce chemin pour moi, alors je dois le suivre.

Changeant de vitesse, Lumiere baissa les yeux sur le document qui se trouvait devant elle. Soudain, la porte du ministère des Finances s’ouvrit et Kasen, l’Arbalète du Tigre, entra en poussant un chariot. Celui-ci n’était chargé de presque rien d’autre que de piles de papier.

« Madame Lumiere. J’ai rassemblé les papiers de tous les services concernés. » Kasen soupira en essuyant la sueur de son front.

Bien qu’elle ait regardé ce nouveau tas de travail avec un visage angoissé, Lumiere retrouva rapidement son calme et sourit. « Merci de t’être donné la peine, Kasen. »

« Non, ce n’était pas grand-chose », répondit Kasen en transportant les piles de papier jusqu’au bureau de Lumiere.

Elle laissa échapper un rire amer en acceptant la paperasse. « Ça m’aide beaucoup de t’avoir dans les parages, mais les généraux ne sont-ils pas réunis pour célébrer la fête du Nouvel An en ce moment même ? Pourquoi ne te joindrais-tu pas à eux ? »

« Non, c’est impossible. » Kasen secoua la tête. « Ça ne me conviendrait pas de te laisser tous faire le travail pendant que je profite d’un banquet. Laisse-moi t’aider aussi. »

« Oh… je vois. »

« Oui. Et, hé, regarde… »

Kasen quitta la pièce un instant et revint avec un chariot de service qui se trouvait devant la porte. Les niveaux supérieur et inférieur du chariot étaient chargés de plats somptueux. Les yeux de Lumiere s’écarquillèrent lorsque Kasen lui adressa le sourire malicieux d’un gamin qui venait de faire une farce.

« Pendant que je récupérais la paperasse, j’ai fait une descente dans les cuisines. Grignotons cela et redoublons d’efforts. »

« Hee hee. Allons-y. »Elle sourit doucement.

Alors qu’elle se sentait déconcertée par le comportement de Kasen, les sillons de Lumière disparurent sur son front.

Pourtant, ailleurs, également à la même époque…

Ayant délaissé la fête de fin d’année pour conspirer dans sa propre chambre, Hashim recevait un rapport de l’équipe de renseignement qui servait sous ses ordres.

Sans même regarder l’homme, Hashim demanda : « Comment ça se passe ? »

L’agent de renseignements inclina la tête et commença son rapport. « La formation de l’opinion nationale progresse rapidement. Les voix de ceux qui souhaitent voir Fuuga conquérir tout le continent grandissent de jour en jour. »

« Splendide. »

« Cependant… les résultats de nos opérations à l’intérieur du royaume de Friedonia ont été moins favorables. Les agents de renseignement au service du roi Souma sont tous plutôt compétents et profondément loyaux envers la famille royale. Il n’y a pas de faille dans laquelle nous pourrions nous faufiler. Nous soupçonnons que les infiltrer comme nous l’avons fait pour l’Empire du Gran Chaos s’avérera impossible. »

« Hmm… C’est inattendu. »

Hashim se remémora du visage de Souma. Il était banal, sans la majesté de celui de Fuuga ou le charme de celui de Maria, aussi fut-il surpris d’apprendre que Souma avait des agents aussi compétents. Hashim connaissait l’existence des services de renseignements friedoniens, bien sûr, mais il n’avait jamais pensé qu’ils pouvaient complètement faire échouer l’une de ses opérations. L’existence d’agents secrets suggérait un côté plus sombre de Souma. Quiconque entretiendrait un service de renseignements aussi puissant aurait une certaine part d’obscurité autour de lui.

« Je suppose qu’on ne peut pas juger un livre à sa couverture…, » murmura-t-il.

« Hein… ? »

« Non, c’est très bien. Évitez de pousser trop loin le royaume de Friedonia, concentrez-vous plutôt sur la réforme de l’opinion publique à l’intérieur de notre pays. »

« Oui, monsieur ! »

Une fois qu’il eut donné ses ordres à son subordonné, Hashim révisa sa compréhension de Souma.

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