Chapitre 4 : Pendant un banquet en grande pompe
Partie 2
– Fin du 1er mois, 1553e année, Calendrier continental — Capitale royale Parnam —
C’était une journée lumineuse avec un ciel clair, bien que la neige tombée l’autre jour soit encore présente sur les toits.
L’événement de multimariage centré sur la cérémonie de Souma, Maria et Yuriga était en cours à Parnam. Souma et sa famille auraient préféré attendre le printemps pour se marier, mais en prévision des mouvements soudains de l’empire du Grand Tigre de Haan, ils avaient décidé d’organiser la cérémonie tant qu’ils le pouvaient.
À présent, les serviteurs de Souma se mariaient partout dans la capitale dans le cadre de cet événement.
Tomoko, la mère biologique de Tomoe, et Inugami, le commandant en second des Chats Noirs, étaient l’un de ces couples. Parmi les participants se trouvaient Jirukoma, Komain et quelques amis de Tomoko parmi les réfugiés qui s’étaient installés dans la nouvelle ville portuaire de Venetinova, ainsi que les loups mystiques impliqués dans la fabrication du miso et de la sauce soja de la marque Kikkoro. L’identité d’Inugami ayant été dissimulée, aucune de ses connaissances n’avait pu être présente. Cependant, il avait reçu une petite montagne de fleurs et d’autres cadeaux de la part de Kagetora et d’autres sympathisants des Chats Noirs.
Inugami portait un smoking, mais il n’avait pas enlevé son masque, ce qui faisait que ceux qui n’étaient pas familiers avec sa situation se figeaient de stupeur en le voyant. Tomoko s’était esclaffée en voyant la gêne qu’il ressentait.
« Félicitations ! Père, Mère. »
« Félicitations à vous deux. »
Rou, le petit frère de Tomoe, et son amie Lucy étaient venus les féliciter.
Rou était encore petit lorsqu’il était arrivé dans le royaume, mais il avait maintenant une dizaine d’années. Ayant perdu son père biologique à un jeune âge, et n’ayant pas de véritables souvenirs de lui, il avait depuis longtemps accepté le protecteur de la famille, Inugami, comme figure paternelle.
Lucy, quant à elle, était venue au nom de Tomoe. Elle avait apporté une corbeille de fruits coûteux en guise de cadeau.
« C’est de la part de Tomie. Elle dit qu’elle viendra en courant dès que ses fiançailles auront été annoncées. »
« Oh là là ! Merci. »
Tomoe était maintenant au château pour annoncer ses fiançailles avec Ichiha. Elle aurait aimé assister au mariage de sa mère biologique, mais ses fiançailles étaient une affaire d’importance nationale, alors Tomoko et Inugami lui avaient dit de ne pas s’en préoccuper.
Lucy se moqua d’elle-même. « Je te parie que Tomie va se précipiter ici avec son fiancé derrière lui. »
« Oh, mon… Oh, mon Dieu », dit Tomoko avec un doux sourire tandis qu’Inugami gémit de chagrin.
« Ce devrait être le plus beau jour de ma vie, et je n’ai pas l’ombre d’un regret quant à mes choix, mais… c’est dommage, je ne serai pas là pour assister à l’annonce des fiançailles de la petite sœur honorée. »
Lucy n’avait pu que rire poliment de la déception sincère d’Inugami.
« Ah ha ha… C’est sûr que tu as du mal à t’en sortir, hein ? »
« Qu’est-ce que tu veux dire ? » demanda Rou en penchant adorablement la tête sur le côté.
Lucy avait souri avec ironie et elle avait dit : « Je disais qu’il est pénible à gérer pour ce genre de chose. »
« Père, tu es un emmerdeur ! » s’écria Rou en levant les deux mains avec toute l’innocence d’un enfant. Il n’y avait aucune malice derrière ses paroles.
« Gwah ! »
Inugami était à terre, comme un boxeur mit KO après un coup critique. C’était tellement drôle que tout le monde, y compris Tomoko, éclata de rire.
◇ ◇ ◇
Pendant ce temps, dans un autre lieu de mariage, Mio Carmine — fille de Georg, ancien général de l’armée — organisait une cérémonie avec son marié, Gatsby C. Carmine.
Le père d’Halbert, Glaive (en raison de son lien avec Georg), l’entraîneur personnel de Souma, Owen, et d’autres militaires ayant des liens avec le père de Mio étaient présents. Du côté de Colbert, il y avait son ami Julius et sa femme Tia, ses collègues du ministère des Finances, et les Loreleis comme Nanna et Pamille qu’il aidait toujours. Il était sans doute inhabituel que les invités des mariés se répartissent aussi nettement entre les membres de l’aile militaire et ceux de l’aile bureaucratique/culturelle du pays.
« Bon, ça y est, c’est parti ! »
« Wôw ! Madame Mio !? Tu l’as lancé trop haut ! »
Une fois la cérémonie terminée, Mio était tellement ravie d’être liée à Colbert en tant que mari et femme qu’elle lança le bouquet de toutes ses forces. Les femmes présentes avaient pour objectif d’attraper le bouquet et d’obtenir un peu de ce bonheur conjugal pour elles-mêmes. Cependant, le bouquet vola si haut qu’elles décidèrent que son point d’atterrissage serait trop dangereux, et elles se dispersèrent toutes.
Julius s’était tenu la tête en raison de l’exaspération avant de se tourner vers Lauren, la femme de Jirukoma, qui était présente en tant que garde du corps de Tia.
« Madame Lauren, voulez-vous s’il vous plaît ? »
« Oui, monsieur », répondit Lauren avant de se précipiter vers le point d’atterrissage et d’attraper le bouquet. « Je suis déjà mariée, alors… »
Elle lança doucement le bouquet vers les autres femmes. Celle qui l’attrapa fut Pamille Carol, de la race enfantine des kobitos. Pamille avait semblé stupéfaite pendant un moment avant d’esquisser un sourire tandis que les autres participants applaudissaient. Mio était si reconnaissante envers Julius et Lauren pour leur réaction rapide qu’elle inclina la tête à plusieurs reprises.
Une ombre observait de loin les bruyantes festivités du mariage : le commandant des Chats Noirs, Kagetora. Il n’était absolument pas lié à la mariée, mais il hocha la tête d’un air satisfait lorsqu’il vit que le grand jour de Mio était célébré par un grand nombre de ses amis et de ses connaissances.
« Tu pourrais regarder de plus près, pas loin d’ici, tu sais ?
« … ! » Kagetora s’était crispé face à cette voix soudaine.
À un moment donné, la femme de feu Georg, la mère de Mio, était apparue à ses côtés. La soudaineté de son apparition aurait fait honte à ses agents secrets.
Kagetora regarda la cape noire dans laquelle il était enveloppé.
« Cette cape possède une magie qui est censée interférer avec la perception que les gens ont de moi… » dit-il à voix basse.
La femme rit. « J’ai simplement vérifié où tu semblais le plus susceptible d’être. J’ai cru que tu n’étais pas sans cœur au point de ne pas venir, mais tu n’as pas pu te résoudre à t’approcher davantage. J’ai supposé que tu n’observerais dans l’ombre, ni trop près ni trop loin. »
« Tu me surprends… » L’expression de Kagetora tressaillit sous le masque. C’était parce qu’il avait honte de son immaturité, et qu’il était impressionné par les prouesses de cette femme.
Mio les remarqua et leur fit un signe de la main en souriant largement.
La magie d’altération de la perception n’était pas parfaite. Si quelqu’un était avec lui et qu’ils remarquaient cette personne, ils pouvaient le voir aussi. Était-ce seulement sa mère que Mio saluait ? Ou peut-être…
La femme fit signe à Mio, en chuchotant : « Avec Mio qui s’est trouvé un homme bien, c’est un souci de moins à gérer pour notre maison. »
« Tu parles comme s’il y en avait d’autres… »
« Oui. Il y en a encore un particulièrement grand », lui déclara la femme en souriant.
Kagetora détourna le regard, incapable de dire quoi que ce soit en réponse.
◇ ◇ ◇
Ce même jour, Valois, la capitale du royaume d’Euphoria, était en plein milieu de ses propres festivités. La reine Jeanne et le Premier ministre Hakuya se mariaient.
Hakuya se marierait avec sa famille en tant que consort royal, et son nom serait donc Hakuya Euphoria à partir de ce jour.
Au moment où la cérémonie allait commencer, Jeanne, qui portait la traditionnelle robe de mariée impériale, sourit à un Hakuya qui se tenait à côté d’elle.
« Le blanc te va bien aussi », fit-elle remarquer.
« J’ai quand même du mal à me calmer. »
Le Premier ministre à la robe noir porte normalement des vêtements noirs, comme on peut s’y attendre d’après son sobriquet. Mais il ne pouvait évidemment pas porter du noir à son propre mariage, alors il était vêtu d’un smoking blanc pur.
Jeanne enroula son bras autour de celui d’Hakuya qui se tenait maladroitement, puis reposa sa tête sur son épaule.
« Combien de fois ai-je rêvé de ce jour ? Je pensais que ce ne serait jamais plus qu’un rêve. »
Hakuya posa doucement sa main sur celle de Jeanne et dit : « C’était la même chose pour moi. J’ai attendu avec impatience le jour où je pourrais être avec toi comme ça. »
« Ah ha ha… Mais je n’aurais jamais pensé être une reine quand cela arrivera ! »
« Je dois aussi être d’accord sur ce point. »
Alors qu’ils en riaient tous les deux, Trill s’était interposée, courroucée par cet étalage romantique. « Hum… Pourriez-vous garder ce genre de choses pour plus tard ? Vous savez, sur votre temps libre, quand la cérémonie sera terminée ? »
Cela les ramena à la raison et ils s’éloignèrent rapidement l’un de l’autre.
Trill se racla bruyamment la gorge pour tenter de passer à autre chose, puis releva les coins de sa jupe et fit une révérence. « Félicitations. Grande sœur Jeanne, grand frère Hakuya. »
« Oui. Merci, Trill. »
« Merci, Lady Trill. »
Une fois que les deux l’eurent remerciée, Trill leva les yeux et sourit.
« Grand frère, s’il te plaît, occupe-toi de Grande sœur pour moi. »
« Oui. Bien sûr que je le ferai. »
« Quand elle se met en colère, essaie de la calmer, veux-tu ? »
« Oui », répondit-il par réflexe. Au bout d’un moment, il marmonna : « Hm ? »
Trill gloussa.
« À partir de maintenant, quand je causerai un problème et que Grande Sœur me donnera du fil à retordre pour cela, je viendrai courir vers toi pour que tu me protèges. Tu protégeras ta petite belle-sœur chérie, n’est-ce pas ? »
« Trill ! » cria Jeanne, ce qui fit que Trill se cacha rapidement derrière Hakuya.
« Écoute, c’est à toi de jouer maintenant, grand frère. »
« Attends, Trill ! Ce n’est pas juste de ta part d’utiliser Sir Hakuya comme bouclier ! »
« Bon sang… » gémit Hakuya, coincé entre deux des sœurs Euphoria.
Il avait eu de nombreuses occasions de voir Souma se faire démolir par ses fiancées (aujourd’hui épouses) lorsqu’il était dans le royaume de Friedonia. S’il avait su qu’il serait lui-même confronté à cette situation, il aurait dû profiter de son séjour à Friedonia pour apprendre comment Souma gérait les querelles de famille.
Hakuya regrettait maintenant de ne pas l’avoir fait.
merci pour le chapitre