Chapitre 12 : Résolution
Partie 1
Ce soir-là, j’avais reçu un rapport indiquant que Hashim était arrivé avec la cavalerie-wyverne que Fuuga avait envoyée pour aller le chercher.
Nous commencerons immédiatement les pourparlers de paix entre le Royaume de Friedonia, l’Empire du Gran Chaos et le Royaume du Grand Tigre. Afin d’éviter toute confusion, nous établirons un camp entre les forces de Friedonia et celles du Royaume du Grand Tigre, et nous limiterons les délégations de chaque côté.
Les deux camps étaient sur les dents, et il était clair qu’ils étaient prêts à charger dès qu’il arriverait quoi que ce soit à l’un de leurs dignitaires. Dans cette situation tendue, voici qui avait été choisi pour chaque délégation : Le Royaume de Friedonia m’avait envoyé, ainsi que Hakuya et Aisha. L’Empire avait envoyé Maria et Jeanne. Le royaume du Grand Tigre avait envoyé Fuuga, Mutsumi, Hashim et la traîtresse Lumière. Le vieux général Gaifuku était également venu, en tant que garde du corps.
Comme le Royaume et l’Empire étaient déjà considérés comme étant du même côté, l’équipe du Grand Tigre avait la taille de nos deux équipes réunies. J’avais d’ailleurs dit à Fuuga de laisser Krahe en dehors de tout ça, car il ne ferait que compliquer les choses.
« Lumière… » murmura Jeanne en apercevant son ancienne camarade de l’autre côté.
Jeanne avait considéré Lumière comme une amie proche, alors Jeanne ne savait pas comment se sentir par rapport au fait qu’elle avait pris le parti de Fuuga plutôt que celui de sa sœur. Hakuya posa sa main sur le dos de Jeanne, la soutenant doucement.
Lumière, quant à elle, n’avait pas sourcillé. En fait, elle avait une expression si sérieuse sur le visage qu’on aurait pu croire qu’elle réprimait ses propres sentiments. Elle avait fait cela pour insister fièrement sur le fait qu’elle n’avait rien fait de mal.
À l’intérieur du camp, nous avions été répartis dans nos équipes respectives, et tout le monde avait pris place, sauf Aisha et Gaifuku. De là où j’étais assis, Hakuya était en face d’Hashim, Jeanne était en face de Lumière à ma gauche, et il y avait une carte de l’Empire entre les deux.
« J’aimerais passer directement à la détermination des frontières pour après la guerre », commença Hashim, et Hakuya hocha la tête.
« Très bien. Madame Jeanne, madame Lumière, ça va ? »
« “Oui.” »
Et c’est ainsi qu’ils commencèrent tous les quatre à discuter de nos domaines respectifs. Je faisais confiance à Hakuya pour négocier à ma place, tandis que Fuuga faisait négocier Hashim pour lui. Ils étaient tous les deux intelligents, alors ils trouveraient probablement un compromis décent. Ils allaient intégrer les régions de l’Empire qui avaient fait défection dans le Royaume du Grand Tigre. Ensuite, il s’agirait de régler les moindres détails.
Pendant que les personnes les plus intelligentes de la pièce négociaient, Maria, Fuuga, Mutsumi et moi avions discuté de ce qui allait se passer à partir d’ici dans un sens plus large.
« Je ne comptais pas sur ton intervention maintenant », déclara Fuuga, l’air exaspéré, mais j’avais simplement haussé les épaules.
« Mon alliée était en danger. Je ne pouvais pas la laisser à l’abandon. »
« Même si tu aurais pu obtenir le monde entier si tu l’avais fait ? ».
« Contrairement à toi, je ne veux pas le monde. »
« Hum… » Mutsumi, qui avait écouté, leva la main. « Vous l’avez appelée votre alliée, mais quand le royaume et l’empire ont-ils formé une alliance ? ».
« L’alliance secrète s’est faite peu de temps après mon arrivée dans ce monde, donc… depuis 1546, je crois ? ».
« Hein ?! C’était il y a si longtemps… ? »
Alors que les yeux de Mutsumi s’écarquillèrent, Maria gloussa.
« Oui. Souma a été un allié fiable depuis lors. »
« Ha ha ha, vous avez vraiment réussi à m’avoir. J’ai sous-estimé la force des liens entre le royaume et l’empire. » Fuuga se gratta la tête. Cela faisait un moment que je ne l’avais pas vu sans son casque.
Puis il jeta un regard combatif à Maria.
« Attendez… Vous vous êtes coupé les cheveux ? Ça a l’air bien. »
« Merci. Ils étaient lourds. J’ai l’impression d’être soulagé d’un poids. »
« Est-ce que vous avez coupé les gars du nord de la même façon ? »
« Hee hee, je n’ai aucune idée de ce que vous voulez bien vouloir dire ».
Fuuga fit une grimace, tandis que le sourire de Maria était détendu, mais avait une intensité mystérieuse. Mutsumi et moi avions observé, avec des sueurs froides, ces deux personnages massivement charismatiques qui s’affrontaient. C’était comme être jeté dans une cage avec un lion et un ours.
Je dois servir de médiateur entre ces deux-là… ? J’avais l’impression que j’allais être submergé par la position dans laquelle je me trouvais, mais je devais me ressaisir.
Soudain, Fuuga prit la parole, interrompant le fil de mes pensées.
« Alors, comment comptes-tu régler les choses ? » demanda Fuuga en posant sa joue sur la paume d’une main. « Nous pouvons les laisser discuter des frontières, mais qu’adviendra-t-il de l’Empire à partir de maintenant ? La Déclaration de l’humanité est pratiquement morte à ce stade. Maria… ou dois-je plutôt demander à Souma ? Quels sont tes projets pour l’Empire ? »
« C’est sans doute à Maria de le dire. »
Je regarde Maria. Elle acquiesça en silence.
« Tout d’abord, je dissous la Déclaration de l’humanité. Vous aurez le contrôle du nord du continent, tandis que l’Union maritime s’étendra au sud. Notre pays participera également à l’Union maritime, de sorte que l’ère stagnante qui nécessitait la Déclaration de l’humanité est déjà révolue. Dans le même temps, mon pays abandonnera complètement nos anciens États vassaux que sont la République fédérale de Frakt et le Royaume de Meltonia. »
« Vous vous retirez de la représentation de l’humanité ? Souma, Maria, vous avez tous les deux la force de vous emparer du monde. Pourquoi êtes-vous si passives dans la recherche de la gloire ? Je n’arrive pas à comprendre », dit Fuuga avec mépris, les sourcils froncés.
Maria esquissa un petit sourire et répondit : « Il n’est pas bon de laisser votre portée dépasser votre emprise. Mes souhaits sont plus petits, mais pas moins importants. »
« Les souhaits que vous avez non pas en tant qu’impératrice Maria, mais en tant que Maria tout court ? »
« Oui. »
Maria acquiesça fermement et Fuuga laissa échapper un rire franc.
« Vous avez des yeux inébranlables comme ceux de Mutsumi. Je ne peux pas désapprouver cela. »
« Merci. »
« Alors, qu’en est-il de l’Empire lui-même ? »
« Les gens qui se sont soumis à vous et les terres qu’ils gouvernent ne reviendront pas vers nous, j’en suis sûre… Avec la fin de la Déclaration de l’humanité, mon pays est grandement diminué. Je ne pense plus qu’il soit approprié de l’appeler l’Empire du Gran Chaos. Désormais, nous serons le royaume d’Euphoria. J’abdiquerai le trône, et ma jeune sœur Jeanne me remplacera en tant que reine. »
« Quoi… ? »
Le démantèlement d’un empire, la fondation d’un nouveau royaume, l’abdication de Maria, le couronnement de Jeanne… Même Fuuga devait être surpris, en recevant tout cela en même temps.
« Le royaume d’Euphoria ? N’était-ce pas le nom du pays détruit par l’empereur Manas ? » demanda Mutsumi.
« Oui », répondit Maria en hochant la tête.
L’Empire du Gran Chaos avait été fondé lorsque Manas Chaos, le roi Chaos, avait annexé la patrie de sa femme, le royaume d’Euphoria. J’avais entendu dire qu’il se sentait peut-être coupable de l’avoir fait parce que Manas avait hérité du nom Euphoria de la terre qu’il avait détruite. Est-ce pour cette raison que les empereurs suivants avaient utilisé le nom d’Euphoria ?
En fait, Maria avait l’intention de restaurer le royaume d’Euphoria. L’ancien royaume était situé au nord-ouest de l’Empire, il ne s’agissait donc d’une restauration que de nom. Mais ce serait suffisant pour conserver les nobles et les chevaliers qui suivaient les traditions de ce pays.
Hakuya, Jeanne et moi avions tous été surpris lorsque nous avions entendu cela. À quel point Maria s’était-elle préparée à une telle conclusion ?
« Que se passera-t-il pour vous après votre abdication ? Vous vous retirez pour prendre la responsabilité de cette guerre, c’est ça ? ».
« Eh bien… »
« Je la prendrais sous mon aile », avais-je répondu à Fuuga au nom de Maria. « Pendant que Madame Maria se retire pour prendre des responsabilités, c’est nous qui prendrons sa garde. Je ne laisserai personne poser la main sur elle, Fuuga. Pas même toi. »
Fuuga et ceux qui s’étaient soumis à lui voulaient probablement capturer Maria et la persécuter politiquement afin de rendre les terres qu’ils avaient prises plus faciles à gouverner. S’ils la soumettaient à un tribunal, en se vantant bruyamment de la justesse de leurs propres actions, cela ferait une excellente propagande. Mais je n’allais pas les laisser faire.
« Je suis d’accord pour que ce soit une victoire pour toi sur le papier, au moins. Le royaume du Grand Tigre a pu s’assurer des ressources humaines, et moins les morts pendant les escarmouches, vous n’avez rien perdu. Mais si vous comptez exiger la garde de Maria, des réparations ou quoi que ce soit d’autre, cela changera. »
« Tu crois que tu pourrais gagner un combat contre moi… ? » Fuuga me lança un regard noir. Il était effrayant, mais j’avais tenu bon.
« Parfaitement. Ou forcer une égalité qui ne ferait que nous blesser tous les deux si je n’y parvenais pas. Tu perdrais ta “victoire” si cela arrivait. Cela devrait être un coup douloureux pour toi, alors que la victoire constante est ce qui te permet de rassembler les gens. »
« Oui, tu marques un point. »
Oh, il l’a donc compris lui-même ? C’est un soulagement.
merci pour le chapitre