Genjitsushugisha no Oukokukaizouki – Tome 15 – Chapitre 8

Bannière de Genjitsushugisha no Oukokukaizouki ☆☆☆

Chapitre 8 : Enquête

☆☆☆

Chapitre 8 : Enquête

Partie 1

Une semaine plus tard…

Hilde et Brad étaient venus au bureau des affaires gouvernementales pour rendre compte de l’évolution de la situation. Pour une raison inconnue, Merula était également avec eux.

La période de quarantaine était terminée pour les personnes concernées. Entre-temps, on avait enquêté sur l’itinéraire de Gerula, mais il n’y avait pas eu de nouvelles infections dans le pays. Même Gonzales, qui avait manifestement été en contact avec lui, allait bien. Tout cela semblait indiquer que cette maladie ne se transmettait pas d’une personne à l’autre.

Liscia et Hakuya les rejoignirent bientôt, puis Hilde expliqua d’abord comment Gerula était mort et comment Brad avait pratiqué une autopsie conformément à sa volonté. Même si c’était à sa demande et que le Roi du Royaume des Esprits avait donné son accord, c’était tout de même… horrible.

Ne supportant pas le silence, j’avais demandé : « Sa mort n’a pas été vaine, n’est-ce pas ? »

Hilde acquiesça. « Bien sûr que non. Nous avons appris beaucoup de choses grâce à son corps. Y compris à quel point cette maladie est pernicieuse ! »

« Eh bien… c’est une bonne chose. Et son corps ? »

« Nous avons obtenu les échantillons dont nous avions besoin et je l’ai embaumé », avait répondu Brad. « Extérieurement, il devrait être en bon état. J’aimerais que vous le rendiez à la famille endeuillée. »

« C’est un cadavre infecté, n’est-ce pas ? Ne doit-on pas l’incinérer ? »

« Ce n’est pas le genre de maladie pour laquelle quelqu’un pourrait contracter l’infection à partir d’un cadavre. Cela ne devrait pas poser de problème. »

« Ah oui ? Avez-vous trouvé quelque chose ? »

Hilde et Brad avaient tous deux hoché la tête, l’air pensif.

« Entre la façon dont Monsieur Gerula nous avait décrit ses symptômes et ce que Brad a découvert en examinant son corps, il y a des divergences dans nos conclusions. En d’autres termes, ce que Monsieur Gerula ressentait et ce qui se passait réellement ne correspondaient pas toujours. »

« Qu’est-ce que cela signifie exactement ? »

« Cette maladie a de nombreux symptômes, mais… » commença Hilde en feuilletant quelques papiers qu’elle tenait.

Probablement des dossiers cliniques.

« Ah ! voici un exemple », poursuit-elle. « Il a dit qu’il avait des démangeaisons ou des douleurs lancinantes dans la peau. Si l’on s’en tenait uniquement à ce qu’il m’a dit, j’aurais supposé qu’il s’agissait d’une sorte de réaction toxique. »

« Attendez, comme s’il avait été empoisonné ? »

N’est-ce pas une maladie ? Si c’est à cause du poison d’un monstre, cela expliquerait pourquoi il n’affecte que les guerriers…

« Non, nous ne pouvons pas l’affirmer avec certitude. Lors de mon enquête, je n’ai rien trouvé d’anormal au niveau de sa peau. Ce sont les organes qui ont subi les vrais dégâts. J’ai l’impression que les symptômes sont proches de ceux d’une infestation parasitaire », ajouta Brad.

Hilde acquiesça. « Lors de l’entretien, il semblait qu’il s’agissait d’une sorte d’empoisonnement. Lorsque nous avons examiné le corps, cela ressemblait plus à une infestation parasitaire. Dans ce cas, nous devrions supposer que les deux se produisaient en même temps. Les parasites à l’intérieur de son corps libéraient une sorte de poison. »

« Ce qui veut dire que… ce dont nous avons besoin, ce n’est pas d’un antidote, mais d’un vermifuge. Si nous ne nous occupons pas des parasites, nous ne pourrons pas résoudre le problème de fond », avais-je dit, mais Brad avait secoué la tête.

« Un vermifuge ne suffira pas. De toute façon, cela ne fonctionne que lorsque les insectes se trouvent dans les organes digestifs. Malheureusement, je n’en ai pas trouvé dans les organes digestifs. »

« Hein ? Alors où étaient-ils ? »

« C’est la raison pour laquelle nous avons amené Merula ici pour qu’elle l’explique, » dit Hilde en la poussant vers l’avant.

« Monsieur Souma. Vous avez demandé à Genia d’enquêter sur le magicium, n’est-ce pas ? Je le sais parce que j’étais là à l’époque. »

« Ah, oui, c’est vrai. »

Lorsque la possibilité que le magicium soit une nanomachine s’était présentée, j’avais demandé à Genia et Merula de donner la priorité à la recherche du minerai de malédiction, qui pourrait être une masse de ces nanomachines.

« La magie curative est le travail de nanomachines à l’intérieur du corps. Lorsque j’ai entendu cette idée, je me suis posé des questions, et Genia et moi en avons parlé. Si le magicium ou les nanomachines sont à l’intérieur du corps, où sont-ils ? »

« Où ? »

« Je pense que plus ils sont petits, moins ils peuvent avoir d’impact. Pour qu’une petite chose exerce un grand pouvoir, il faudrait qu’un grand nombre d’entre elles se rassemblent. Pour guérir des blessures, le magicium présent dans le corps doit être rassemblé rapidement. En d’autres termes, il faut qu’il y ait une sorte de grand chemin. Et s’il s’agit de chemins tracés sur l’ensemble du corps… »

Merula posa sa main sur un schéma du corps humain qu’elle avait préparé.

« Les vaisseaux sanguins. Le magicium circule dans notre sang. C’est mon idée et celle de Genia. »

« Je vois… »

Les nanomachines circulent dans le corps par le biais de la circulation sanguine, hein ? Selon le point de vue que l’on adopte, l’idée d’un corps étranger comme les nanomachines dans le sang peut faire froid dans le dos, mais si ce monde se situe dans un futur lointain, c’est possible.

Merula poursuivit : « Et maintenant, nous avons cette maladie, la Malédiction du Roi des Esprits. Elle rend les personnes infectées incapables d’utiliser la magie et fait en sorte que la magie de guérison ne fonctionne plus sur elles. On pourrait considérer que cela a un effet sur le magicium présent dans leur corps. Et nous pensons que le magicium se trouve dans le sang. »

« Donc, en gros, les insectes sont dans leur sang », conclut Hilde en sortant deux petites bouteilles contenant un liquide rouge foncé. « L’un est le sang de Monsieur Gerula, affecté par la malédiction du Roi des Esprits. L’autre est le sang sain de Madame Merula. Avec mon troisième œil, j’ai pu voir des insectes se tortiller. »

Des insectes dans le sang… Ah !

« Comme la douve du sang ou les vers pulmonaires du rat ! »

« Qu’est-ce que c’est ? » demanda Liscia.

« Ils étaient à l’origine de maladies endémiques dans le monde d’où je viens. Les parasites pénétraient dans le corps par la peau, vivaient et se reproduisaient dans les vaisseaux sanguins, et finissaient par ronger leur hôte jusqu’à ce que la personne meure… C’est une maladie horrible. Il y a vraiment des parasites qui peuvent vivre dans les vaisseaux sanguins. »

Merula acquiesça à mon explication. « Je ne connais pas le cas précis dont vous parlez, mais si vous dites que des insectes dans le sang pourraient affecter le magicium, je peux comprendre que cela puisse provoquer des symptômes d’empoisonnement. Si le magicium est si petit que même la race des trois yeux ne peut le voir, alors nous ne savons pas de quoi il est fait. Et s’ils perdent leur fonction et deviennent des corps étrangers flottant dans l’organisme… »

« Oui, ça ne peut pas être bon pour nous. »

J’en étais un peu convaincu. Je ne savais pas de quoi les nanomachines seraient faites, mais s’il s’agissait de métal, les laisser flotter dans le corps pourrait provoquer une réaction toxique.

On sait que le cadmium est à l’origine de la maladie d’itai-itai et que le mercure organique est également à l’origine de la maladie de Minamata… C’était encore vague, mais nous commencions à voir le tableau complet de la Malédiction du Roi des esprits. Non, attendez…

« Si vous saviez ce que sont les parasites, ne pourriez-vous pas les traiter, Hilde ? »

Je crois me souvenir que si nous connaissions la nature des parasites et les dégâts qu’ils causent, il était censé être possible de les traiter avec de la magie de lumière. Et qu’elle pourrait être la cible de théocraties à cause de cela.

Depuis que j’avais reçu ce rapport, j’avais donné une formation médicale aux mages de lumière qui voulaient devenir médecins dans notre pays, et je m’étais efforcé d’augmenter le nombre de personnes capables de faire les mêmes choses qu’Hilde. Même si c’était encore secret, leur nombre augmentait régulièrement.

Hilde secoua la tête, déçue. « Même avec ma magie, je ne pourrais pas soigner Gerula. »

« Il semble plus probable que la magie de Madame Hilde utilise le magicium à l’intérieur du corps pour éliminer les parasites. Une fois que ce magicium a été rendu inactif par les insectes… Je pense qu’il n’y a plus rien à faire », expliqua Merula.

« Je vois… »

Il était trop tard pour Gerula, alors, hein ? Non… Mais quand même…

« S’ils ont encore des symptômes limités, ne pourrions-nous pas les sauver ? Si le magicium dans leur corps fonctionne encore, ne pourrait-on pas l’utiliser pour éliminer les parasites ? »

« Oui. C’est possible », déclara Merula, d’accord avec mes spéculations.

La mort de Gerula n’avait pas été vaine, tant s’en faut. J’avais eu l’impression que nous voyions la lumière au bout du tunnel.

« Alors, Votre Majesté ! » Hilde s’était soudain rapprochée de moi. « Pour le confirmer, pourriez-vous nous laisser aller là où se trouvent les patients ? »

Voyant à quel point elle était sérieuse, je m’étais gratté la tête.

Je comprends ce qu’elle ressent et j’en vois la nécessité. Quand je pense au risque qu’il leur arrive quelque chose à tous les deux, je ne peux pas donner mon accord si facilement.

« Nous comprenons ce que vous ressentez, mais nous ne pouvons pas permettre cela », déclara Hakuya alors que je réfléchissais à la question. « Vous êtes les deux leaders du monde médical du royaume. Ce serait une grande perte si quelque chose devait arriver à l’un d’entre vous. Et s’il y avait une épidémie ici pendant votre absence ? Vous ne seriez pas en mesure de la traiter, Madame Hilde. »

Hilde n’avait pas tardé à répliquer.

« Ce sera parfait. L’une des principales politiques du roi a été d’augmenter le nombre de personnes capables de guérir les maladies parasitaires avec la magie de lumière, comme je le fais. J’expliquerai tout sur ces insectes avant de partir, donc même s’il y a une épidémie ici, ils devraient être capables de la traiter. »

« Mais — ! »

« Non, dans ce cas, je pense que nous devrions faire ce que dit Hilde, » dis-je en coupant la parole à Hakuya, maintenant que j’avais mis de l’ordre dans mes idées.

Hakuya m’avait regardé dans les yeux.

« Êtes-vous sûr que c’est bon, sire ? »

« Avec une telle maladie, nos premiers pas seront cruciaux. Nous ne pouvions pas être négligents avant d’en connaître la nature, mais maintenant Hilde et les autres l’ont compris. Si nous savons à quoi nous sommes confrontés, nous devrions déployer tout ce que nous avons et essayer d’en finir le plus vite possible. »

Si vous ratez la première réaction, vous serez constamment sur la défensive. C’est ce que l’histoire de mon monde passé m’avait appris.

Hilde et Brad avaient acquiescé fermement.

« Le roi a raison, » dit Hilde. « Le temps est notre ennemi dans la lutte contre une telle maladie. »

« Oui », Brad acquiesça. « Heureusement, maintenant que nous savons de quel type de maladie il s’agit, nous pouvons protéger les personnes qui la traitent. Premier ministre à la robe noire… Pourriez-vous nous laisser faire, Hilde et moi ? »

Hakuya finit par céder et acquiesça.

☆☆☆

Partie 2

« Je comprends. Je n’ai pas les connaissances nécessaires pour gérer les questions médicales, alors je m’en remets à votre avis et à celui de Sa Majesté. »

« Désolé, Hakuya. Il fallait que tu fasses l’objection parce que je tardais à me décider », confiai-je.

« Ne vous en préoccupez pas. C’est le travail du Premier ministre. »

Il avait donc été décidé que Hilde et Brad se rendraient sur place. Une fois qu’ils seraient prêts, je les enverrais d’abord dans la ville portuaire que Fuuga nous avait indiquée, puis je lui demanderais de les aider à se rendre sur l’île Père.

« La question est de savoir qui envoyer avec eux… »

« Ne me dis pas que tu as l’intention d’y aller aussi, Souma ? » demanda Liscia, l’air incroyablement inquiet.

Pour dissiper ses inquiétudes, j’avais posé mes mains sur ses épaules et j’avais secoué silencieusement la tête.

« Non, je ne peux pas les accompagner pour l’instant. Cela me permettrait de prendre des décisions politiques sur place si elles s’avéraient nécessaires, mais… Je pense qu’il y a d’autres choses que je devrais faire. Des choses que je suis probablement le seul à pouvoir faire. »

« Vraiment ? »

« Oui, c’est vrai. Mais, comme je le disais, je veux envoyer notre meilleure équipe. Donc, pour commencer, je veux que Tomoe, Ichiha et Yuriga soient là. »

« Tomoe…, » souffla-t-elle, choquée. « Tu envoies les enfants !? N’est-ce pas trop dangereux ? »

Avec une expression sévère, j’avais hoché la tête et j’avais dit : « Oui, je sais que c’est dangereux. Mais… Hilde, comme cette maladie n’affecte que les guerriers, tu as supposé qu’elle provenait des monstres qu’ils combattaient, n’est-ce pas ? »

Lorsque je lui avais posé la question, Hilde avait hoché la tête.

« Hein ? Ah oui, c’est vrai. Quand on sait que les parasites vivent dans leur sang, je pense que c’est le contact avec le sang des monstres qui est à l’origine de l’infection. Il est possible que les parasites soient entrés par leur peau après que toutes les éclaboussures des monstres qui les ont tailladés et poignardés se soient déposées sur leur corps. »

« Dans ce cas, pour éviter la propagation de l’infection, nous voudrons savoir quels monstres — non, si nous pensons utiliser le système MPI, il vaudrait mieux demander “les monstres avec quelle partie”. Nous devons trouver la réponse immédiatement. Pour cela, les connaissances d’Ichiha en tant que spécialiste des monstres, ainsi que les capacités de Tomoe, seront des outils efficaces. »

« Je comprends, mais… pourquoi Yuriga ? » demanda Liscia.

« Nous les envoyons sur le territoire de Fuuga, après tout », dis-je en me grattant la tête. « Si sa petite sœur est dans les parages, cela devrait permettre à son peuple de garder le contrôle. Même si certains hommes ne sont pas coopératifs parce qu’ils méprisent les enfants, elle sera capable de les tenir en respect. Et si le contraire se produit — comme si quelqu’un qui comprend la valeur d’Ichiha tente de le kidnapper —, ils ne pourront pas prendre de mesures drastiques qui risqueraient de mettre Yuriga en colère. »

« Je vois… Tu as donc bien réfléchi…, » Liscia semblait le comprendre intellectuellement, mais restait inquiète.

« J’enverrai bien sûr des gardes du corps pour les enfants… Hakuya. »

« Oui. »

« Je suis sûr qu’il y aura besoin de quelqu’un pour prendre des décisions politiques là-bas. Veux-tu bien y aller et chaperonner les enfants pendant que tu y es ? »

Hakuya avait semblé un peu surpris lorsque j’avais posé cette question.

« Moi ? »

« Je suis mal à l’aise à l’idée d’envoyer mon Premier ministre sur les lieux d’une épidémie, mais puis-je te demander de t’en occuper ? »

« Si tel est votre ordre, sire. Il est vrai que si l’un de nous se rend sur place, nous pourrons éviter tout retard dans la prise de décision. Mais vous disiez justement qu’il y a des choses à faire. Est-ce que je peux m’absenter du château ? »

« Oui, ce ne sera pas un problème. Euh, eh bien… Ce serait rassurant de t’avoir ici, mais je peux aussi me servir de Julius comme d’un palliatif. Que chacun fasse ce qui lui convient le mieux. »

« Très bien. J’accepte le poste. »

C’est bien. L’équipe est donc décidée.

« Eh bien… Hilde, Brad et l’équipe de médecins composée de leurs apprentis se rendront à la ville portuaire de la côte ouest avec le Premier ministre Hakuya et les trois enfants, Tomoe, Ichiha et Yuriga. Inugami et d’autres Chats Noirs seront également présents en tant que gardes du corps. Oh ! Et la fille de Hilde et Brad ? Voulez-vous que nous nous occupions d’elle ici, au château ? »

Hilde et Brad s’étaient regardés avant de secouer la tête.

« On ne sait pas quand nous pourrons revenir. Je pense que nous emmènerons Ludia », dit Hilde.

« Si nous prenons les bonnes précautions, nous pouvons minimiser le risque d’infection, après tout », avait convenu Brad.

On dirait qu’ils vont l’emmener avec eux. Ludia avait environ un an de plus que Cian et Kazuha. Ils seraient probablement inquiets à l’idée de la laisser trop longtemps avec nous. Si c’était leur décision, cela ne me dérangeait pas.

Maintenant que tout cela est réglé… Il est temps pour ceux d’entre nous qui restent ici de se mettre au travail.

« Liscia. Envoie un messager d’urgence à Julius et demande-lui de se présenter au château pour prendre son service. »

« Dans la maison de la famille royale Lastanienne, c’est ça ? Je m’en occupe. »

« Et Hakuya, avant de partir, contacte Kuu dans la République et Shabon dans l’Union de l’Archipel pour organiser une réunion de diffusion. »

« Compris. »

Voilà, notre politique générale était plus ou moins établie. Je me suis levé et j’ai dit : « Très bien, tout le monde, donnons tout ce que nous avons. »

« « « Oui ! » » »

◇ ◇ ◇

Environ une semaine plus tard…

Whoosh… Hochet… Woosh… Hochet…

« C’est la mer… »

« C’est vrai… »

Tomoe et Yuriga se tenaient ensemble sur la jetée de la ville portuaire offerte par le Royaume du Grand Tigre. Ils entendaient le bruit des vagues, et les petits bateaux amarrés à proximité tremblaient lorsqu’elles montaient et descendaient sur eux.

Yuriga avait déployé ses ailes et les avait battues.

« J’aime regarder la mer, mais je déteste la brise de mer. J’ai ressenti la même chose dans l’Archipel du Dragon à Neuf Têtes. Mes ailes sont toutes collantes. »

« Bon sang, Yuriga. On n’est pas là pour s’amuser, tu sais ? »

« Oui, je sais… Alors, où est passé Ichiha ? »

« Il collecte des informations sur les monstres avec M. Hakuya. Ils disent qu’ils veulent découvrir quel monstre est à l’origine de tout cela. Ils espèrent avoir quelques idées avant que nous n’allions sur l’île Père. »

Yuriga sourit à l’explication de Tomoe. « Eh bien, ta capacité n’est pas si utile tant que nous n’allons pas là où se trouvent les monstres, hein ? »

« Murgh… Tu dis ça, mais tu n’as rien à faire non plus. »

« Je fais mon travail en restant ici. C’est ce que ton frère m’a demandé de faire. »

Avant leur départ, Souma avait appelé Yuriga à l’écart et lui avait demandé de garder un œil sur Tomoe et Ichiha et de les protéger pour s’assurer qu’aucun des hommes de Fuuga ne les maltraite. À ce moment-là, elle avait demandé : « Alors, hum… S’il leur arrive quelque chose, que m’arrivera-t-il ? »

« Eh bien… si c’est le cas, je ne pourrai plus vous laisser rester dans ce pays. Nous risquons de nous retrouver dans une confrontation frontale avec le pays de Fuuga à cause de cela, après tout. »

« V-Vous iriez aussi loin… »

« Eh bien, j’espère que nous n’en arriverons pas là », répondit sèchement Souma.

Ses yeux ne donnaient pas l’impression habituelle d’être décontractés. C’était celui d’un roi qui n’hésiterait pas à faire parler sa puissance. Yuriga comprenait très bien à quel point il tenait à sa famille, et à quel point lever la main sur l’un d’entre eux le mettrait en rage.

« D-D’accord ! Évidemment, je vais m’en occuper pour vous. Je veux encore apprendre ici, et je ne veux pas non plus être chassée. »

Cette réponse avait permis à Souma d’adoucir son attitude.

En s’inclinant légèrement devant Yuriga, qui était plus jeune que lui et d’une stature sociale inférieure, il déclara : « Prenez soin d’eux, s’il vous plaît. »

Yuriga soupira en se souvenant de cela.

Je veux toujours rester dans son pays, hein ? Combien de temps tout cela va-t-il encore durer ?

Elle n’était pas une aussi bonne élève qu’Ichiha ou Tomoe, mais Yuriga était plus intelligente que son âge ne le laissait supposer, et savait exactement dans quelle position elle se trouvait. Elle pourrait probablement rester avec eux jusqu’à ce qu’elle obtienne son diplôme de l’académie. Mais qu’en serait-il ensuite ? Qu’adviendrait-il d’elle à ce moment-là ?

Yuriga était l’une des rares parentes de Fuuga. En tant que jeune sœur d’un roi, il était facile de comprendre qu’elle serait utilisée dans un mariage politique. C’était une évidence pour les familles royales de ce monde, et Yuriga reconnaissait que c’était tout à fait naturel. Mais… elle devait se demander à qui elle serait mariée. Les personnes que Fuuga considérait comme ses ennemis et ses alliés allaient sans doute changer la donne.

Yuriga avait jeté un coup d’œil à Tomoe.

Cette fille allait sans doute s’enraciner dans le royaume de Friedonia. D’après la façon dont elle se comportait dernièrement, elle pourrait prendre Ichiha comme mari. Lucy et Velza vivront sans doute aussi dans ce pays.

Le moment venu, où serai-je et avec qui serai-je ? Lorsqu’elle y pensait, la frustration montait en elle. À quoi est-ce que je pense… ?

Si elle avait tout déballé, ce serait peut-être plus facile pour elle. Mais elle ne pouvait pas le dire à Tomoe. Leurs positions étaient trop différentes, et en plus… ça la gênait.

Si je cherche quelqu’un dans la même situation… Oh ! Soudain, quelqu’un traversa l’esprit de Yuriga. Une femme charmante qui avait épousé le roi actuel pour des raisons politiques, mais qui brillait encore de mille feux aujourd’hui. La grande sœur adoptive de Tomoe. À notre retour… Je pense que je lui en parlerai…

Soudain, une voix se fit entendre : « Le bateau arrive ! »

En regardant vers le large, Yuriga pouvait voir les voiles.

« Ils sont là, Yuriga. »

« Je sais. Nous allons aller les saluer. »

Ils n’avaient pas fait que passer le temps sur la jetée. Aujourd’hui, le premier groupe de patients de l’île Père arrivait, et ils avaient été chargés de les accueillir.

« Ce sont tous des gens avec des symptômes relativement légers, n’est-ce pas ? » demanda Tomoe et Yuriga acquiesce.

« Oui. Et ceux qui occupent des postes de direction dans l’armée. Sans eux, leurs unités ne fonctionnent pas, alors… »

À l’arrivée du grand navire, Yuriga s’était dit : Sire Shuukin doit être à bord de ce navire.

Le navire s’arrêta, Tomoe et Yuriga se précipitèrent à ses côtés. La « cargaison » était déjà en train d’être déchargée. Des brancards à quatre poignées étaient descendus du côté du navire à l’aide d’une corde.

« Nous avons des hommes malades là-dedans ! C’est facile ! » cria une jeune femme énergique d’en haut.

Tomoe et Yuriga avaient levé les yeux pour voir une belle femme à la peau blanche et claire et aux oreilles pointues qui se tenait là.

« Une elfe ? » se demanda Tomoe.

« Ce doit être l’un de ces hauts elfes du Royaume des Esprits, n’est-ce pas ? » répondit Yuriga.

Alors qu’elles discutaient, la femme elfe sauta du bateau. Malgré sa hauteur, elle atterrit avec agilité et se plaça devant les deux jeunes filles surprises.

« Les enfants ? Nous sommes en train de décharger les patients, alors vous devriez rester — attendez… vous avez des ailes. »

Les yeux de l’elfe s’écarquillèrent. Yuriga était mécontente d’être traitée comme une enfant, mettant ses mains sur les hanches et bombant le torse.

« Je suis Yuriga, la jeune sœur du roi du Grand Tigre Fuuga. Et voici Tomoe, sœur adoptive du roi Souma de Friedonia. »

« B-Bonjour », balbutia Tomoe avec un sourire gêné.

☆☆☆

Partie 3

La femme elfe réagit avec surprise et s’inclina précipitamment. « Ah ! Je m’excuse ! Je suis Elulu, fille du Roi du Royaume des Esprits de Garula ! Je m’excuse de vous avoir traité si grossièrement alors que je ne savais pas que vous étiez des princesses étrangères ! »

« Euh, c’est bon… Vous n’avez pas besoin d’être aussi polie. Vous êtes aussi une princesse, Mme Elulu », dit Tomoe. Elle n’aimait pas qu’on la traite avec autant de révérence.

« V-Vraiment ? » Elulu leva la tête.

La colère de Yuriga semblait s’être calmée à ce moment-là, et elle demanda, « Alors, Madame Elulu. Sire Shuukin est-il à bord de ce navire ? »

« Hein ? Oh, oui. Si vous cherchez le seigneur Shuukin… »

« Je suis là, Lady Yuriga. »

Une main sortit de la civière qui venait d’être descendue et les salua tous les trois. Yuriga se précipita et vit Shuukin, beaucoup plus pâle que la dernière fois qu’elle l’avait vu.

« Monsieur Shuukin… »

« Ah ha ha… Cela fait longtemps, Lady Yuriga. Je suis heureux que vous alliez bien. Je suis désolé que vous ayez à me voir dans cet état. »

« Non… Ne sois pas… »

Shuukin se montrait joyeux, mais son expression ne parvenait pas à cacher qu’il souffrait.

Yuriga ne savait pas quoi dire. Alors qu’elle cherchait ses mots, quelqu’un posa ses mains sur ses épaules. En se retournant, elle vit qu’il s’agissait de Tomoe, qui hochait la tête avec un doux sourire.

En regardant Shuukin par-dessus l’épaule de Yuriga, Tomoe dit : « Bonjour, Monsieur Shuukin. Je suis Tomoe, l’amie de Yuriga. »

« La petite sœur de Sire Souma. Je me souviens vous avoir vue de loin lors de la vague démoniaque. Je m’excuse d’avoir causé des ennuis aux hommes et femmes du Royaume de Friedonia à cause de mes propres lacunes cette fois-ci. »

« Ne dis pas cela ! Tu as fait un excellent travail en tant que représentant de mon frère ! » protesta Yuriga, et Elulu acquiesça catégoriquement.

« C’est vrai ! Tu m’as sauvée plusieurs fois, Seigneur Shuukin. Et pas seulement moi. Si nous avons pu libérer l’île Père, c’est parce que toi et tes hommes vous êtes battus avec acharnement. »

Elulu prit les mains de Tomoe et les tint fermement en s’inclinant devant elle.

« Alors, s’il vous plaît, si je peux faire quelque chose, je le ferai. Peuple de Friedonia… S’il vous plaît, sauvez le Seigneur Shuukin. »

« Ce n’est pas à moi que vous devez dire ça… » Tomoe était déstabilisée par l’appel désespéré d’Elulu.

Cependant, lorsque Tomoe sentit les mains qu’elle tenait commencer à trembler, elle reprit ses esprits. Voyant que quelqu’un était plus mal à l’aise qu’elle, elle décida de ne pas l’inquiéter davantage.

Tomoe serra les mains d’Elulu en retour.

« Mais le Dr Hilde et le Dr Brad ont la confiance de mon frère, et je suis sûre qu’ils feront quelque chose contre la malédiction du Roi des Esprits. Donc tout ira bien. »

« C’est vrai ! » Elulu fit de son mieux pour sourire.

Shuukin les observa chaleureusement et dit : « Je vois que vous vous êtes fait une bonne amie dans le royaume, Lady Yuriga. »

« Je n’arrive pas à m’éloigner d’elle, c’est tout », dit Yuriga en détournant le regard.

Shuukin gloussa. « Un lien est un lien dans tous les cas. Si j’étais avec mon ami Fuuga… Je pourrais courir dix mille kilomètres. J’espère pouvoir courir à nouveau avec lui. »

Shuukin leva les yeux au ciel en parlant. Yuriga haussa les épaules.

« Je suis sûr que tu le pourras. N’as-tu pas entendu ce que disait cette gamine ? » Puis, posant une main sur sa hanche et bombant le torse, elle ajouta : « Eh bien, c’est peut-être difficile de s’en rendre compte sans y vivre, mais le potentiel du Royaume de Friedonia est incroyable. S’ils sont sérieux, je suis sûre que tu t’en sortiras. »

« C’est un pays étonnant, hein ? »

« J’écris toujours à mon frère pour m’assurer qu’il ne les sous-estime pas. »

C’est ainsi que Shuukin avait été transféré dans le centre de traitement de la ville portuaire, accompagné de Tomoe, Yuriga et Elulu.

◇ ◇ ◇

Un centre de recherche fut établi dans la ville portuaire. Hakuya et Ichiha y consignèrent les différents monstres morts envoyés par le Royaume des Esprits de Garlan. Ils avaient également recoupé les monstres combattus par ceux qui avaient contracté la Malédiction du Roi des Esprits.

Dans une autre pièce de l’établissement, Brad pratiquait des autopsies sur les dépouilles des monstres et recherchait les parasites responsables à l’aide d’un microscope.

Sur la table devant Ichiha et Hakuya se trouvait un alignement de monstres qu’Ichiha avait dessiné en se basant sur les récits des patients qui les avaient combattus.

En les regardant, Hakuya en choisit finalement deux.

« Je pense que ce sont les plus suspects. »

« Oui… je suis d’accord, » répondit Ichiha avec un hochement de tête.

Les deux choix étaient la fourmi-escargot, une grande fourmi dont la partie médiane était constituée d’une coquille en spirale, et l’abeille-escargot, dont la partie munie d’un dard était constituée d’une coquille en spirale. Leur caractéristique commune était leur coquille en spirale distinctive.

Ichiha rassembla toutes les images d’insectes présentant des caractéristiques similaires et déclara : « Maintenant que nous avons rassemblé tous ces témoignages, nous pouvons voir qu’il y a beaucoup de monstres avec cette caractéristique de coquille en spirale. Et les mollusques sont réputés pour causer des maladies s’ils ne sont pas bien cuits. »

« Hilde me disait que c’est aussi le travail de petites bestioles… de parasites. Et puis il y a eu ces maladies endémiques dont Sa Majesté a parlé. Il y avait aussi des mollusques impliqués dans ces maladies. »

Avant que Hakuya et les autres ne soient envoyés dans cette ville portuaire, Souma leur avait dit que la Malédiction du Roi des Esprits avait des points communs avec une maladie de son ancien monde appelée schistosomiase, qui était également causée par des parasites dans le sang. Il avait parlé d’un cas où les parasites de la rivière utilisaient des mollusques comme hôtes intermédiaires pour finalement infecter les fermiers qui travaillaient dans la boue. Souma avait visité le musée commémoratif Sugiura dans la ville de Showa avec sa classe d’études sociales, et il avait dû rédiger un rapport à ce sujet par la suite, si bien qu’il se souvenait de nombreux détails.

« Les souvenirs de l’enfance restent vraiment gravés dans la mémoire. Je pensais qu’écrire ce genre de rapport n’était qu’une corvée à l’époque, mais on ne sait jamais ce qui peut être utile… » avait dit Souma avec sérieux. Ils gardèrent donc cela à l’esprit.

Hakuya se toucha le menton en réfléchissant. « La Malédiction du Roi des Esprits est probablement causée lorsque les guerriers combattent des monstres de type insecte avec le trait de carapace et qu’ils reçoivent leurs fluides sur eux. »

« C’est exact », déclara une troisième voix.

Se tournant vers l’inclusion soudaine, ils virent que Brad était entré, vêtu de sa blouse blanche et portant Ludia sur son dos. Ce n’était pas un loup solitaire et son petit, mais un médecin et son bébé.

 

 

Brad sortit deux fioles de la poche de son manteau et les posa sur les dessins de monstres. Elles étaient remplies de liquide et contenaient de petites choses.

« L’un d’entre eux est le parasite d’un patient mort de la malédiction du Roi des esprits. Ils sont assez gros pour être vus à l’œil nu, non ? Hilde dit qu’ils correspondent à ceux du sang de Gerula qu’elle a vus avec son troisième œil. »

« Je vois. Il s’agit donc de… »

« Les parasites qui causent cette maladie ? »

Hakuya et Ichiha poussèrent tous deux un soupir en regardant ces parasites, qui n’étaient pas plus gros qu’un grain de sable. Ils étaient si petits qu’Ichiha, qui portait toujours des lunettes, avait du mal à les voir. Il était difficile de croire que cet organisme soit la cause de tant de morts.

« C’est gênant de ne pas avoir de nom pour eux », poursuit Brad. « Ce sont des insectes qui se cachent dans les vaisseaux sanguins et qui rongent notre magicium… Appelons-les des insectes mangeurs de magie transmis par le sang. Et nous avons trouvé ce qui semble être des larves de punaises sanguines mangeuses de magie dans les cadavres de monstres. »

Cela dit, Brad leur montra l’autre fiole. Elle ressemblait aux autres, mais cette fois-ci, il était difficile de voir autre chose que du liquide à l’intérieur. Ichiha plissa les yeux, mais ne put rien distinguer.

« Les larves… sont à l’intérieur ? »

« C’est le cas. Mais elles sont suffisamment grandes pour qu’une personne ayant une bonne vue puisse à peine les distinguer. Ce n’est qu’avec le troisième œil de la race à trois yeux ou un microscope qu’ils sont facilement visibles. »

Brad prit la fiole entre ses doigts. « Le monstre dans lequel je les ai trouvés avait une coquille en spirale, comme vous l’avez dit. L’infection est causée par le contact avec les fluides des monstres qui en sont pourvus… comme vous le pensiez. »

« Est-il possible qu’il y ait une transmission de personne à personne ? Comme si nous touchions le sang infecté de quelqu’un… » demanda Ichiha.

« Vous n’avez pas envie d’essayer, c’est sûr. » Brad croisa les bras et pencha la tête sur le côté. « Mais il semblerait qu’il n’y ait pratiquement pas de cas de transmission de cette façon. Même si vous entrez en contact avec leur sang, tant que vous vous lavez et vous désinfectez après, il ne devrait pas y avoir de problème. Le risque pour ceux qui se couvrent de fluides de monstres pendant le combat et ne se nettoient pas est bien plus élevé. »

« Quelles sont les mesures à prendre pour prévenir l’infection ? » demanda Hakuya.

« Eh bien… Tout d’abord, vous pouvez vous éloigner d’eux. Il est dangereux de se battre de près avec ces monstres. Si vous devez vraiment les combattre, l’idéal est de les achever avec des attaques à distance, à une distance où leurs fluides ne vous atteindront pas. »

« Il semble qu’ils le fassent déjà, mais je leur ferai savoir qu’il faut être particulièrement prudent avec les monstres qui ont des coquilles en spirale. »

« En outre, si vous recevez des fluides sur vous, lavez et désinfectez immédiatement tout ce qu’ils touchent. Si vous le laissez tel quel, vous courez un plus grand risque d’infection. »

« Compris », dit Hakuya en hochant la tête. « Monsieur Ichiha. »

« C’est ça ! Je vais aller prévenir les gens du Royaume du Grand Tigre ! » répondit Ichiha avant de se mettre à courir.

Brad se gratta la tête en le regardant partir. Se tournant vers Hakuya, il dit : « Tout de même… Je sais que je ne devrais pas dire ça, mais je ne m’attendais pas à trouver la cause aussi facilement… Cela n’arriverait jamais avec une maladie normale. »

« Vous avez sans doute raison. Il semble que beaucoup de choses se soient mises en place pour nous aider. Nous avions vous, qui connaissez l’intérieur du corps, nous avions des experts en monstres, Hilde, qui peut éliminer les parasites avec de la magie, les connaissances de Sa Majesté sur une maladie dans son ancien monde, et… »

« Et quelqu’un qui a fait don de son corps à la cause. »

Ils avaient tous deux eu un air peiné en se souvenant de Gerula, qui avait été victime de la maladie.

« Oui… C’est grâce à cette confluence d’événements. »

« Ce n’est donc qu’une coïncidence, hein ? »

« Peut-être. Cependant, sans la décision de Sa Majesté de poursuivre le développement médical, sans l’aide de Madame Hilde et la vôtre, et sans la contribution de Gerula, qui voulait sauver sa patrie, une telle coïncidence n’aurait pas eu lieu. Même si c’est le fruit du hasard, c’est notre volonté de vaincre les maladies qui l’a fait fructifier. »

« Vous avez raison. »

Brad était souvent à contre-courant, mais sur ce point, il était tout à fait d’accord.

☆☆☆

Partie 4

Des patients de l’île Père atteints de la malédiction du roi des esprits arrivèrent à l’établissement médical de la ville portuaire. Ils présentaient des symptômes relativement mineurs et ils serviraient de sujets d’expérience pour tester l’efficacité du traitement découvert par Hilde.

Le premier sujet devait être Shuukin.

« J’ai entendu les rapports de Yuriga, alors ce n’est pas comme si je ne faisais pas confiance à la science médicale du Royaume, mais je ne veux pas tester quoi que ce soit sur mes hommes quand je ne connais pas les risques. De plus, si je leur montre que j’ai accepté votre traitement, mes hommes au tempérament vif seront plus enclins à s’y soumettre également. »

Shuukin était allongé dans son lit et Hilde l’examinait. Tomoe, Yuriga et Elulu l’observaient à distance. Yuriga semblait instable, et Tomoe dut l’aider à se mettre debout.

« Ça va, Yuriga ? »

« Ungh... J’ai un peu le vertige, mais ça va aller. »

Hilde fit une incision peu profonde dans le bras de Shuukin à l’aide d’un scalpel. Shuukin n’avait pas sourcillé, mais les trois filles avaient eu un haut-le-cœur. Hilde commença immédiatement à utiliser de la magie de lumière sur la blessure. Elle était un peu petite et peu profonde, mais elle mettait beaucoup plus de temps que la normale à cicatriser.

« Votre état d’infection est assez avancé », dit Hilde avec un soupir en l’examinant. « Les insectes magiques hématophages — d’accord, je m’excuse auprès de Brad, mais c’est beaucoup trop long. Je vais simplement les appeler les insectes magiques… Quoi qu’il en soit, les insectes magiques ont gravement endommagé le magicium de votre sang. Si je devais les exterminer avec le magicium qu’il vous reste, cela prendrait beaucoup de temps. Au vu de vos symptômes, vous en mourriez. »

« Est-ce que… c’est vrai ? »

« Si je l’avais fait normalement, oui. Honnêtement… puisque nous essayons de tester l’innocuité de cette méthode, j’aurais préféré un sujet dont les symptômes étaient un peu plus légers », grommela-t-elle.

Shuukin rit. « Désolé de vous mettre dans cette situation. Mais le seigneur Fuuga m’a confié ces hommes. Si mon corps n’est plus apte à se tenir sur le champ de bataille, alors permettez-moi de l’offrir en tant que sujet de test. »

« Je déteste la façon dont vous pensez, vous les guerriers… Mais si c’est ce que vous allez dire, je vais vous prendre au mot. »

Hilde sortit alors une grande bouteille contenant un liquide rouge foncé, ce qui fit froncer les sourcils de Shuukin.

« Qu’est-ce que c’est ? »

« Le sang que j’ai pris à cette fille là-bas, » répondit Hilde en montrant Yuriga. Les yeux de Shuukin s’écarquillèrent.

« De la part de Lady Yuriga ? »

« Oui. La méthode que j’ai mise au point pour traiter la malédiction du roi des esprits consiste à identifier les insectes magiques dans le sang et à savoir où ils se trouvent pour contrôler le magicium dans le corps et les éliminer avec de la magie de lumière. Si je connais l’effet des insectes magiques sur le corps, je peux aussi traiter les autres symptômes, mais… Brad est toujours occupé à disséquer des cadavres et à étudier la question. C’est pourquoi je vais me concentrer sur l’élimination des insectes magiques pour l’instant. Mais si votre magicium a été complètement détruit, je ne peux rien faire… C’est pour cela que je suis là. »

Hilde montra le sang de Yuriga à Shuukin.

« Je vais vous faire une transfusion de cette fille, qui est de la même race que vous, et compléter votre magicium avec le sien. J’ai déjà vérifié qu’elle est une donneuse de sang viable pour vous. »

« N-Non ! Comment pourrais-je vous faire verser le sang de la sœur de mon seigneur ? »

Shuukin hésita, mais Yuriga, bien qu’elle semblait quelque peu anémique, fit un signe de la main à Tomoe qui l’aida à se lever.

« Oh… ne t’inquiète pas, Monsieur Shuukin. Mon frère a besoin de toi sur le chemin de la suprématie, et ce n’est pas un problème pour moi de donner un peu de mon sang pour cela. »

« Dame Yuriga… »

« Vous devriez être reconnaissant de la situation et l’accepter avec grâce. C’est un coup de chance qu’il y ait ici un membre sain de la même race pour servir de donneur… Certaines vies n’ont pas pu être sauvées, même après avoir mis au point cette méthode », dit Hilde, l’expression assombrie. « Il était trop tard pour le patient haut elfe que nous avons vu au Royaume. Le seul autre haut elfe présent n’avait pas le même groupe sanguin que lui, donc nous n’avons même pas pu tester cette méthode. Même si, compte tenu des lésions organiques qu’il avait déjà subies, cela n’aurait pu que prolonger sa vie de quelques jours tout au plus… Il s’appelait Gerula Garlan. »

« Hein !? Mon oncle…, » murmura Elulu.

Hilde baissa les yeux avant de répondre. « Était-ce… un membre de votre famille ? »

« Oui. Il savait qu’il n’en avait plus pour longtemps et cherchait un moyen d’utiliser le peu de vie qu’il lui restait. Je vois… Il est donc décédé dans le Royaume, puis… »

Elulu baissa les yeux et pleura à chaudes larmes.

D’un ton inhabituellement doux, Hilde déclara : « À cette fin, il est décédé avec l’un des siens veillant sur lui, une expression paisible sur le visage. Ce n’est que grâce à l’offrande de son corps que nous avons découvert la véritable nature de la maladie et que j’ai pu mettre au point ce traitement. »

« Alors, la mort de mon oncle… n’a pas été vaine, non ? » demanda Elulu en levant les yeux, et Hilde lui fit un signe de tête ferme.

« Je ne le laisserai jamais se perdre. Aucun d’entre nous ne le ferait. »

En reniflant, Elulu répondit : « Oui ! »

« Il semblerait que je doive me préparer aussi », dit Shuukin en exposant son bras d’un air déterminé. « L’oncle de la princesse Elulu a donné sa vie pour aider à trouver ce traitement. Si mon corps peut être celui qui prouve son efficacité, je ne pourrais pas être plus heureux. Dame Yuriga, je vous emprunterai votre sang. »

Une fois la résolution de Shuukin prise, Hilde commença le traitement. Ils avaient d’abord prélevé une partie du sang de Shuukin, puis lui avaient transfusé le sang sain de Yuriga. Le sang ne pouvant être conservé aussi longtemps que dans l’ancien monde de Souma, le temps était compté. C’est ainsi que le sang avait été transfusé. Hilde avait également utilisé la magie de lumière pour éliminer les insectes mangeurs de sang magique.

Shuukin avait transpiré abondamment tout au long de la procédure.

Il ne semblait pas souffrir, mais la sensation de quelque chose qui s’agitait dans son corps était désagréable. C’était également épuisant, et il finit par s’évanouir comme si quelqu’un avait appuyé sur un interrupteur.

Deux heures s’étaient ainsi écoulées…

Hilde avait utilisé la magie de lumière sur tous les vaisseaux sanguins du corps de Shuukin. Elle envoya une image des insectes magiques au magicium à l’intérieur du corps, puis ils les détruisirent. Il n’y avait pas de norme concernant le nombre d’insectes qu’il était possible de laisser s’échapper sans conséquence, alors elle avait été aussi minutieuse qu’elle le pouvait.

Après un long moment, Hilde avait cessé d’appliquer de la magie sur le corps.

« S’il vous plaît… que ça marche. »

Puis, faisant une autre incision sur le bras de Shuukin, elle essaya d’y lancer de la magie de lumière. La cicatrisation fut lente, mais plus rapide qu’auparavant, ce qui prouvait que le magicium du corps fonctionnait correctement.

« Ouf… »

Hilde s’effondra après ça sur une chaise, épuisée.

« Docteur. Est-ce que Lord Shuukin… » demanda Elulu, incapable d’attendre plus longtemps.

« Je ne peux pas en être certaine tant que je n’ai pas eu le temps d’observer, » dit Hilde en lui faisant signe de s’éloigner. « Mais cela devrait avoir éliminé les insectes magiques dans son sang. Je dirais que nous pouvons considérer que c’est un succès jusqu’à présent. »

« Vraiment ? Dieu merci ! » cria Elulu avec joie, prenant doucement la main de Shuukin endormi.

En la regardant de travers, Hilde poussa un grand soupir.

« Pour l’instant, je pense qu’on peut dire que nous avons établi un traitement. S’il est possible de traiter la maladie à un stade aussi avancé, nous devrions être en mesure de traiter les autres patients dont les symptômes sont relativement légers, sans même avoir besoin d’une transfusion sanguine. Mais j’ai entendu dire qu’il y avait encore beaucoup plus de patients sur les îles Père et Mère. »

Hilde s’était adossée à sa chaise et avait regardé le plafond.

« Il a fallu tout ce temps et tous ces efforts pour le soigner. Même si je déteste l’admettre, je ne peux pas m’occuper de tous les malades avec les médecins que nous avons amenés avec nous… Non, même avec tous les médecins du royaume, ce ne serait pas suffisant. Que pouvons-nous faire... »

« Tout ira bien », dit Tomoe en se penchant pour regarder le visage de Hilde. « Grand Frère est resté au Royaume parce qu’il a dit qu’il devait s’occuper de certaines choses. Je suis sûr qu’il a une idée. Alors… ça va s’arranger. »

« Espérons-le…, » répondit Hilde, souriant ironiquement devant la confiance totale de Tomoe en son grand frère.

☆☆☆

Partie 5

Une semaine plus tard…

Le traitement du premier groupe de patients de la ville portuaire étant terminé, ils étaient tous sur la voie de la guérison. Shuukin avait eu les symptômes les plus lourds, et même lui s’était rétabli au point de s’entraîner en guise de rééducation. Lorsque Shuukin se leva et sortit du lit tout seul, Elulu lui sauta dans les bras avec joie.

En ce jour, le Premier ministre Hakuya, Tomoe, Ichiha et Yuriga, Hilde le médecin, Brad le chirurgien, Shuukin et Elulu étaient réunis dans une même pièce pour discuter de l’état actuel des choses et de ce qu’ils allaient faire à l’avenir.

« Et si nous commencions par l’état des patients ? » proposa Hakuya.

« Ce n’est pas un problème », répondit Hilde. « Ils sont tous en voie de guérison. Même celui qui était le plus mal en point est ici avec nous. »

« Merci à vous, docteur », dit Shuukin en baissant la tête. Pour une raison inconnue, Elulu, qui était à côté de lui, inclina également la sienne.

Avec un sourire en coin, Hilde dit à Hakuya : « Pour l’instant, je pense que nous pouvons dire que nous avons établi un traitement pour la Malédiction du Roi des Esprits. Les mages de lumière ayant des connaissances en médecine devraient pouvoir l’appliquer comme je l’ai fait sans problème. »

« C’est un soulagement à entendre, » dit Hakuya avec un hochement de tête avant de se tourner vers Brad. « Et maintenant, que pouvez-vous nous dire sur les insectes mangeurs de magie transmis par le sang… les insectes magiques ? »

« Tout ce que nous savons pour l’instant, c’est que l’on peut être infecté par eux en touchant les fluides qui sortent d’un monstre avec une coquille spiralée sur son corps », répondit Brad en croisant les bras. « Mais si l’on considère l’absence quasi-totale d’infections provenant de patients, je pense que les insectes magiques n’ont le pouvoir d’infecter les humains que lorsqu’ils sont couverts de sang de monstre. »

« Est-ce que c’est cette histoire d’“hôte intermédiaire” dont Sa Majesté nous a parlé ? »

« Oui, c’est probablement ça. »

Souma leur avait parlé de la schistosomiase japonaise. Il s’agissait d’une maladie endémique du monde d’où il venait, qui infectait les gens par l’intermédiaire de mollusques vivant dans les rizières et les rivières. Dans le pays où vivait Souma, on avait vaincu la maladie en empêchant les mollusques de se reproduire et en éliminant l’environnement qui permettait aux parasites d’exister.

« On ne sait pas si la vague démoniaque a provoqué la transformation de parasites préexistants dans le corps des nombreux monstres qu’elle a engendrés, ou si ces parasites existaient déjà dans le corps des monstres depuis le début. La seule chose que nous savons, c’est que pour arrêter la chaîne d’infections, nous devons éliminer complètement les monstres à carapace spiralée qui en sont la cause. »

« J’en ai informé nos forces sur l’île Père. Ils doivent faire de l’élimination de tout monstre à coquille spiralée leur priorité absolue. Ils ont l’ordre strict de le faire à distance, en battant l’ennemi avec des attaques à distance ou de la magie, et en évitant tout contact avec leur sang. »

Elulu acquiesça à l’explication de Shuukin.

« J’ai transmis le même rapport à mon père, le Roi du Royaume des esprits, sur l’Île Mère. Je pense que cela devrait aider à réduire le taux de nouvelles infections, mais… » L’expression d’Elulu s’assombrit. « Il y a encore un grand nombre de personnes souffrant de la Malédiction du Roi des esprits sur les deux îles. Pourriez-vous leur administrer le traitement médical du royaume ? S’il vous plaît ! »

Elulu inclina la tête et Shuukin la rejoignit.

« Je vous le demande aussi. S’il vous plaît, sauvez mes soldats blessés et les hauts elfes. »

« Cela semble avoir été l’intention de Sa Majesté depuis le début…, » déclara Hakuya.

Hilde se gratta vigoureusement la tête.

« Mais les patients des deux îles sont bien plus nombreux que ce premier groupe, n’est-ce pas ? Et d’après ce que j’ai entendu, beaucoup d’entre eux sont dans un état encore pire que celui de Sire Shuukin. Je l’ai déjà dit à la petite Tomoe et à ses amis, mais nous sommes loin d’avoir assez de monde pour les soigner tous avec les médecins que nous avons amenés ici. Même si nous faisions venir tous les mages de lumière du royaume ayant des connaissances médicales, cela ne suffirait pas. »

« De plus, il serait inefficace de les amener tous dans ce port. On ne sait pas combien de temps cela prendrait si nous ne les amenions que par lots aussi grands que nous pouvons les loger ici, et nous n’avons pas non plus assez de sang pour le traitement de Hilde », ajouta Brad, soulignant d’autres problèmes. Il regarda Yuriga. « Nous avons eu de la chance que son sang corresponde à celui de Shuukin, mais si cela n’avait pas été le cas, son traitement aurait été encore plus retardé… Eh bien, si nous en étions arrivés là, nous aurions dû utiliser le sang d’une autre race. »

« Hm ? Il est possible de faire des transfusions sanguines entre différentes races ? » demanda Hakuya.

« Si vous demandez si c’est possible… alors, oui. Même si les races des gens sont différentes, tant que les groupes sanguins correspondent, il n’y a pas de problème pour faire une transfusion, mais… la société médicale ne l’encourage pas », répondit Brad maladroitement.

« Pourquoi cela ? »

« Un peu de connaissance peut conduire à une superstition rampante. La transfusion sanguine n’est pas une pratique médicale établie en dehors de notre pays. Que pensez-vous qu’il se passerait si l’on apprenait qu’il est possible de transfuser le sang d’une race à longue durée de vie, comme les elfes, à des humains ? Que se passerait-il si une rumeur sans fondement se mettait à circuler, selon laquelle cela permettrait de prolonger la vie d’une personne ou de lui rendre sa jeunesse ? »

« Je vois… Je préfère ne pas y penser. » Hakuya devint déprimé en pensant à ce qui allait se passer.

Chasse aux membres des races à longue durée de vie, mépris total de leurs droits, trafic de leur sang, toutes les méthodes illégales peuvent être essayées. Les races à longue durée de vie ne se laisseraient pas faire, bien sûr. Dans le pire des cas, une guerre civile pourrait éclater.

Brad acquiesça. « Laissez-moi vous dire franchement que leur sang n’a pas ce genre d’effet. Mais si les gens sont ignorants, ils ne vous croiront pas quand vous le leur direz. Nous devrions éviter les transfusions d’autres races jusqu’à ce que les gens aient compris comment cela fonctionne. »

« Vous avez raison… En attendant, il serait souhaitable de s’en tenir à des transfusions entre races identiques. Dans ce cas… Devrions-nous nous rendre au Royaume des Esprits de Garlan, où se trouvent des membres de la même race, afin de les soigner ? »

Hakuya porta la main à sa bouche en réfléchissant et en regardant Tomoe.

« Si je me souviens bien, vous et vos amis êtes en vacances d’été en ce moment, n’est-ce pas ? »

« Oui. Il nous reste environ un mois. »

« C’est un peu un problème vu que je n’ai même pas encore touché à mes devoirs…, » déclara Yuriga, dépitée. « Si je ne les fais pas, je vais devoir suivre des cours de rattrapage… »

Hakuya réfléchit quelques instants, puis prit sa décision.

« Oui, allons sur l’île Père et soignons les gens qui s’y trouvent. Puisque Shuukin s’est rétabli, nous voulons qu’il dirige ses hommes pour éviter d’autres infections. »

« Bien sûr ! Merci, Sire Hakuya ! »

« Merci beaucoup ! »

Shuukin et Elulu étaient ravis, mais l’expression de Hilde était toujours aussi sombre.

« Je veux bien y aller, mais cela ne change rien à notre manque de personnel. »

« Ah ! Concernant ce problème, je soupçonne…, » Hakuya commença à parler, mais n’avait même pas fini que cela se produisit.

Un messager se précipita dans la pièce et remit une lettre à Hakuya.

« C’est un rapport ! Il vient du royaume de Friedonia, par le messager kui ! C’est de la part de Sa Majesté ! »

« Oh ! Laissez-moi voir. »

Hakuya accepta la lettre et la parcourut. Lorsqu’il eut terminé, il poussa un soupir de soulagement. Tout le monde pouvait immédiatement voir qu’il ne s’agissait pas d’un rapport négatif.

Regardant chacun d’entre eux, il déclara : « La pénurie de main-d’œuvre est résolue. Dirigeons-nous immédiatement vers le Royaume des Esprits. »

☆☆☆

Si vous avez trouvé une faute d’orthographe, informez-nous en sélectionnant le texte en question et en appuyant sur Ctrl + Entrée s’il vous plaît. Il est conseillé de se connecter sur un compte avant de le faire.

Laisser un commentaire