Chapitre 8 : Une vaste escarmouche
Partie 1
La nouvelle que Fuuga et ses forces marchaient vers Lastania était parvenue à Julius. Il envoya une demande d’aide au royaume des chevaliers dragons de Nothung, tout en prévoyant de s’y échapper avec Jirukoma et tous ceux qui voulaient les rejoindre. Julius ayant déjà préparé le terrain, la reine Sill Munto avait pu prendre la décision d’envoyer immédiatement les chevaliers dragons et de les diriger elle-même pour assurer la fuite de Julius.
Cependant, avec seulement ses meilleurs hommes, les forces de Fuuga se déplaçaient plus vite que Julius ne l’avait prévu. Les élites de Fuuga trouvèrent le groupe de Julius avant qu’il ne puisse franchir la frontière, et étaient presque sur eux. Alors que les chevaliers dragons venaient soutenir Julius, un affrontement avec Fuuga était imminent.
On pourrait dire que cette bataille avait été provoquée par deux génies — Julius et Hashim — chacun évaluant correctement les capacités de l’autre.
Julius avait compris à quel point Hashim était décisif, et avait prévu de s’échapper avec beaucoup de temps à disposition. Il avait prédit que les forces de Fuuga prendraient le temps de se préparer soigneusement par méfiance envers les renforts du royaume des chevaliers dragons de Nothung.
Pendant ce temps, Hashim pensait que s’il n’envoyait que les élites, elles pourraient capturer le groupe de Julius avant qu’il ne puisse s’échapper. S’ils pouvaient les attraper avant que le Royaume des chevaliers dragons ne puisse envoyer des renforts, il pourrait éviter une bataille inutile contre les chevaliers dragons.
En fin de compte, Fuuga, avec son unité très mobile, était finalement entré en contact avec le groupe de Julius, mais pas avant que Julius ne soit déjà près de la frontière. Si l’un des deux partis avait été meilleur pour prévoir l’autre, cette bataille n’aurait pas eu lieu. On peut dire que c’est le résultat de deux adversaires très proches.
◇ ◇ ◇
Des cavaliers et des chariots traversaient un champ près de la frontière avec le royaume des chevaliers dragons de Nothung, avec Julius et Jirukoma en tête.
Jirukoma s’était spécialisé dans le combat à pied, mais aujourd’hui ce n’était pas le moment, il était donc à cheval. Il avait entamé une conversation avec Julius, qui chevauchait à ses côtés.
« Pourtant, je ne m’attendais pas à ça, Julius. »
« Tu ne t’attendais pas à quoi ? »
« Le nombre de personnes qui nous ont rejoints. Nous avons demandé dans tout le pays, mais seulement une quarantaine de non-combattants ont accepté de venir ? » dit Jirukoma en regardant les cavaliers et les calèches derrière eux. « Les gens aimaient la princesse Tia et la famille royale, n’est-ce pas ? J’aurais pensé que davantage auraient choisi de s’échapper avec eux… »
« Pour l’instant… le peuple veut un roi fort, pas un roi aimable, » dit Julius, l’air un peu triste.
Ce n’était pas par colère ou mécontentement envers la population, mais presque par sympathie pour ceux qui avaient choisi de rester.
« On ne peut pas leur en vouloir. Le peuple a versé tant de sang pendant la vague de démons. Nous avons réussi à remporter une victoire avec l’aide du Royaume de Friedonia, mais beaucoup d’entre eux ont quand même perdu des amis et de la famille. »
« Ouais. Mais c’est la Maison de Lastania qui les a protégés, n’est-ce pas ? »
« Ils étaient reconnaissants, j’en suis sûr. Mais… que va-t-il nous arriver lors de la prochaine vague de démons ? Friedonia enverra-t-il encore des renforts ? Même s’ils le font, que se passera-t-il s’ils arrivent trop tard ? Nous ne pouvons pas nous défendre seuls, n’est-ce pas… ? C’est le genre d’inquiétudes que notre peuple a toujours eu. C’est pourquoi… »
« Ils sont venus accueillir Fuuga, un symbole de pouvoir. C’est juste… un peu déprimant. »
« Je te l’ai dit, tu ne peux pas leur en vouloir. » Julius avait légèrement souri. « Nous faisons tous passer nos familles en premier. Regarde-moi, j’ai fait partir Tia et ses parents plus tôt parce que je savais que ça allait arriver. »
« Ha ha ha, tu marques un point là. Je veux dire, ma propre famille s’est jointe à eux au nom de la défense de la famille royale. »
La capitaine Lauren, qui était maintenant la femme de Jirukoma, était déjà partie pour le Royaume de Friedonia avec la princesse Tia et les autres. Jirukoma et Lauren avaient déjà plusieurs enfants, et comme ils étaient encore petits, il les avait fait partir tôt. Au début, Lauren avait été frustrée de ne pas pouvoir être là au moment où le pays en avait besoin, mais Jirukoma l’avait persuadée de l’importance de garder la famille royale.
« C’est la deuxième fois que je me fais chasser du pays…, » marmonnait Julius pour lui-même. Jirukoma l’avait regardé avec sympathie.
« Ça fait mal, Julius ? »
« Non… Même si je déplore ma propre impuissance, bizarrement, je ne me sens pas si déprimé que ça. Bien que, je dois l’admettre… J’ai senti des sentiments sombres s’insinuer dans mon cœur quand j’ai fui la Principauté. »
Soudain, Julius avait levé les yeux au ciel. Il était clair, sans un seul nuage.
« Je me suis senti trahi par mon propre pays à l’époque, mais plus maintenant. »
« C’est tout à fait naturel. Un pays est un lieu d’appartenance, » dit Jirukoma en levant également les yeux au ciel. « C’est un endroit où nous ressentons un sentiment de confort et d’appartenance. C’est le cas parce que nous y sommes et que les personnes que nous aimons y sont aussi. C’est ce qu’est un pays. C’est pourquoi nous l’aimons et voulons le défendre. Lorsque j’ai pris Lauren pour épouse, et que nous avons eu des enfants ensemble, j’ai cessé de ressentir cet attachement persistant à ma patrie. »
Pour Jirukoma, ayant perdu son pays et étant devenu un réfugié, il pouvait comprendre pourquoi Julius avait changé.
Julius avait laissé échapper un petit rire. « Tu pourrais avoir raison… Pour moi, mon pays est là où se trouve Tia maintenant. »
« Ouais. C’est pourquoi nous devons survivre. »
Soudain, un seul chevalier dragon était descendu du ciel qu’ils regardaient. Le dragon blanc, qui brillait au soleil, était le meilleur ami de Naden, Pai Long. Sur son dos se trouvait la partenaire de Pai et la reine du royaume des chevaliers dragons de Nothung, Sill Munto.
Il y avait de l’urgence sur son visage vaillant alors que Sill criait, « Sire Julius, dépêchez-vous ! Les forces de Malmkhitan sont presque là ! »
« Madame Sill ! Merci pour votre soutien ! » cria Julius sans arrêter son cheval. « Vous n’aviez pas besoin d’honorer l’alliance alors que nous avons pour ainsi dire déjà perdu notre pays… »
« N’y pensez pas. Nous n’avons fait que ce qui est naturel quand on considère notre longue amitié avec la famille royale de Lastania et comment elle nous a été bénéfique à tous les deux. »
« Je comprends l’amitié, mais y a-t-il un avantage pour vous ? » demanda Julius, en penchant la tête sur le côté.
« Oui. Sans le Royaume de Lastania, nous perdons notre fenêtre sur le monde extérieur. Si la puissance de Fuuga continue de croître, notre pays sera encerclé. Comme notre pacte avec les dragons nous empêche d’envahir d’autres pays, on nous laissera mourir de faim, j’en suis sûre, » dit Sill avec amertume.
S’ils devaient commercer avec le pays de Fuuga, ce dernier leur ferait sans doute jurer fidélité. Mais comme leur pacte leur interdisait d’utiliser les dragons pour mener des actions hostiles contre d’autres pays, Fuuga n’avait aucune utilité pour les chevaliers dragons. S’il essayait de les utiliser pour combattre d’autres humains, le pacte stipulait que les dragons retourneraient tous dans la chaîne de montagnes du Dragon des étoiles. Fuuga n’étant pas du genre à leur témoigner de la considération, il pourrait arrêter le flux d’approvisionnement et tenter de faire s’effondrer le royaume des chevaliers dragons de l’intérieur.
« Donc, Sire Julius, une fois que vous serez sorti d’ici sain et sauf, nous voulons que vous soyez notre intermédiaire avec le Royaume de Friedonia. » Sill avait fait un clin d’œil à Julius. « Nos chevaliers dragons pourront transporter des vivres à travers la chaîne de montagnes du Dragon des étoiles. »
« Vous utiliseriez des chevaliers dragons comme coursiers ? »
« En effet, je le ferais. Peut-être devrions-nous nous renommer le Royaume du Courrier de Nothung ? »
« Ça n’a pas la même grandeur… »
Ce n’est pourtant pas une mauvaise idée, pensa Julius. Intelligent comme il l’était, même dans cette situation urgente, il réfléchissait rapidement à l’idée d’une compagnie maritime de la taille d’une nation.
Le pacte leur interdit seulement d’utiliser les dragons pour des actions hostiles contre d’autres pays. Les expéditions de fournitures n’y contreviendraient pas, même si elles devaient être de nature strictement non militaire. Avec leur taille massive, les dragons pouvaient transporter un grand bateau en bois. Mais comme les dragons sont le symbole de leur pays et que chacun aspire à devenir un chevalier dragon, certains pourraient s’opposer à l’idée que les chevaliers dragons deviennent des coursiers.
C’était comme utiliser une épée qui était un trésor national pour tondre l’herbe. C’était probablement la raison pour laquelle l’idée n’était jamais venue jusqu’à maintenant… Maintenant que Fuuga les poussait dans un coin, même les pays démodés allaient devoir changer.
C’est le genre d’idée que Souma mettrait en œuvre avec joie… Julius se dit en souriant.
« Compris. Je veillerai à ce que le roi Souma reçoive le message. »
« Je compte sur vous… Maintenant, pour être sûr que notre première livraison arrive intacte au Royaume, je vais m’entraîner un peu avec les forces de Fuuga. »
« Faites attention… Fuuga est plus féroce que vous ne l’imaginiez. »
« Nous le savons, » répondit Pai par télépathie au nom de Sill. « Les lettres de Naden et Ruby nous ont tout dit sur lui. Quand vous associez Fuuga à Durga, il est au même niveau qu’un chevalier dragon, peut-être même meilleur. »
« Voilà, vous comprenez. Nous ne baisserons pas la garde. Nous allons lui donner tout ce que nous avons, » avait convenu Sill.
« Bonne chance… » Julius avait hoché la tête.
« Vous aussi. »
Sur ces mots, Sill et Pai s’envolèrent dans le ciel, rejoignant les trente chevaliers dragons qui les attendaient et partant affronter les forces de Fuuga.
Merci pour le chapitre.
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