Chapitre 12 : Négociations -la ligue océanique-
Partie 2
« J’ai l’intention de développer à l’avenir le commerce maritime entre nos pays. Il est évident que l’Archipel du Dragon à Neuf Têtes voudra aussi profiter de cette amélioration des relations commerciales. Sire Shana, sur la base de votre développement du canon et d’autres armes à poudre pour utilisation en mer, votre pays produit-il peut-être une grande quantité de salpêtre ? »
« En effet. Les îles du sud peuvent produire du salpêtre de haute qualité. »
« Du point de vue de mon pays, ce salpêtre, ainsi que votre riz de haute qualité et vos spécialités locales telles que les épées sont attrayants. Y a-t-il quelque chose du continent pour lequel vous voudriez les échanger ? »
« Il y en a. En particulier, j’ai entendu dire qu’il y a des avancées impressionnantes dans les technologies médicales sur le continent. Ayant été autonomes avec nos îles pendant tout ce temps, les choses du continent nous semblent toutes étonnantes. »
Parce que ce pays avait été fondé par ceux qui avaient été chassés du continent, la xénophobie y avait de profondes racines — un peu comme dans la société des elfes sombres à l’époque où j’avais pris le trône. En regardant Aisha à côté de moi, je m’étais dit : maintenant, ces elfes sombres sont des camarades fiables.
Pour développer notre commerce maritime, j’allais devoir établir une relation similaire avec l’Union de l’archipel.
« Si vous attendez quelque chose du continent, laissez mon pays vous servir d’intermédiaire. Nous devrons régler les détails des tarifs et autres plus tard, mais si les flottes marchandes peuvent circuler librement entre nos deux pays, je pense que nous pouvons nous attendre à des avancées économiques majeures, mais aussi culturelles. »
J’avais pointé vers la plage où se trouvent encore les os d’Ooyamizuchi.
« Cependant, une chose que cet incident a mise en lumière est que des créatures comme celles-là peuvent apparaître dans ce monde. J’ai entendu dire qu’Ooyamizuchi a empêché l’Union de l’archipel d’envoyer ses navires. C’est un coup mortel pour le commerce. Mais il ne s’agit pas que de créatures. J’imagine que les grandes tempêtes, la piraterie, ou l’ingérence et le sabotage d’autres pays pourraient également nuire au commerce. »
Tout le monde avait acquiescé. J’avais continué.
« Si nous voulons promouvoir le commerce maritime, nous devons assurer la sécurité le long des routes commerciales. C’est à cela que sert l’alliance maritime. Dans le cas où un navire d’un pays membre rencontrerait l’une des menaces que je viens de citer, les marines de chaque pays membre interviendraient rapidement pour lui porter secours… Non, en cas d’interférence humaine, l’alliance maritime sécuriserait en premier lieu les routes commerciales afin d’éviter que cela ne se produise. »
L’idéal serait un commerce qui ne nécessite pas de navires d’escorte, mais il était un peu tôt pour cela dans ce monde. Après tout, il y avait d’autres créatures géantes qu’Ooyamizuchi en haute mer. Ce serait une chose s’ils avaient quelque chose comme un sonar qui pouvait détecter les créatures dangereuses qui s’approchaient, mais ce n’était pas le cas. Néanmoins, si nous pouvions éliminer les interférences humaines, cela devait rendre le commerce plus facile qu’il ne l’est aujourd’hui.
« Si l’Union des îles participe à cette alliance, j’aimerais que la République de Turgis y participe également. Leurs forgerons sont de haut niveau. En regardant le katana du Dragon à Neuf Têtes, je vois que les forges de l’archipel sont également très avancées. Le rapprochement de deux nations qui se consacrent à l’artisanat ne contribuerait-il pas à l’éclosion de nouvelles techniques ? »
« Hmm. Ce serait merveilleux, mais… mon pays n’a pas de relations diplomatiques avec la République. Cet endroit devient après tout inaccessible quand les mers gèlent en hiver. Est-ce qu’ils seraient vraiment d’accord ? »
« Le Royaume vous servira bien entendu d’intermédiaire. Voyez-vous, nous avons des relations là-bas. »
Je n’avais rien dit à Kuu à propos de cette stratégie à cause de la nécessité de la garder secrète, mais si j’expliquais la situation, le connaissant, il mordrait à tout ce qui lui semblait intéressant. Eh bien, même s’il est hésitant, je n’ai qu’à lui montrer le profit qu’il y a à en tirer, puis à le persuader…
Shana avait croisé ses bras et il s’était courbé le dos. « Je peux en voir le bénéfice pour mon pays, mais ici, dans l’Archipel du Dragon à Neuf Têtes, chaque chef d’île a son propre territoire qu’il contrôle en mer. Il faudrait qu’ils soient tous d’accord. »
« Je dois vous laisser gérer cela, mais ne pensez-vous pas que vous pouvez utiliser la situation actuelle ? »
Je m’étais tourné vers la plage. On pouvait entendre d’ici le bon temps bruyant qu’ils passaient.
« Ayant tout juste combattu ensemble pour vaincre un ennemi puissant, les soldats ressentent probablement un sens plus fort que jamais envers un objectif commun. De plus, l’apparition d’Ooyamizuchi a dû démontrer l’importance de surmonter les frontières entre les îles afin de combattre ensemble. »
« En effet, si nous profitons du climat actuel, nous pouvons probablement trouver la volonté d’unifier, mais si cela doit se produire, c’est une raison de plus pour que je me retire maintenant. Shabon est aimée par les habitants des îles et a travaillé en leur nom, elle fera un souverain plus approprié pour l’Archipel du Dragon à Neuf Têtes. »
« Père… Je comprends, » dit Shabon, en serrant les deux mains devant sa poitrine. « Je protégerai de ma vie les îles de l’Archipel du Dragon à Neuf Têtes et leur lien avec le Royaume. »
Il semblait que Shabon avait pris sa décision.
Elle s’était retournée pour me regarder et elle m’avait dit. « Cela étant décidé, j’ai quelque chose à vous demander, Sire Souma. »
« Hm ? Qu’est-ce que c’est ? » demandai-je.
« Pour une jeune femme comme moi qui va diriger l’Archipel du Dragon à Neuf Têtes, je suis sûre qu’il me faudra plus que l’aide de mon père. Pour que cette alliance devienne réalité, j’aimerais également avoir votre soutien, Sire Souma. »
« Hmm… Que voulez-vous exactement de moi ? » demandai-je.
« Former des relations familiales par le biais d’un mariage. »
Mes yeux s’étaient élargis face à ses paroles. Le mariage… Sommes-nous revenus au début ?
« N’allez-vous pas jouer le rôle de la reine du dragon à neuf têtes ? »
« Oui. Ce n’est bien sûr pas moi qui vais me marier, » déclara-t-elle.
Sur ce, Shabon avait souri.
« Une fois que je serai la reine du dragon à neuf têtes, j’ai l’intention d’avoir un enfant. J’espère approfondir les liens entre nos pays en faisant en sorte que cet enfant épouse l’un des vôtres, Sire Souma. Je crois que vous avez eu un fils et une fille. Si mon enfant est une fille, je souhaite vous l’envoyer comme épouse de votre prince, et si mon enfant est un garçon, je voudrais accueillir votre princesse dans notre famille comme son épouse. »
Des mariages pour Cian et Kazuha !? m’étais-je exclamé mentalement. Ce ne sont encore que des enfants !
Nous n’étions pas les seuls à être stupéfaits, Shana et Kishun semblaient également abasourdis. Excel était la seule qui semblait penser : Oh, ça alors, c’est intéressant, car elle avait caché un sourire derrière son éventail.
Il m’avait fallu un certain temps pour m’en remettre, mais une fois que je l’avais fait, j’avais dit à Shabon. « … Il est clairement un peu tôt pour cela. Je ne peux pas décider tout seul. »
Oups, dans ma confusion, j’avais juste laissé échapper ce à quoi je pensais. Pourtant, même si j’avais évité de lui donner une réponse immédiate, Shabon avait dit « Oui, » en souriant toujours lorsqu’elle avait hoché la tête. « Pour l’instant, c’est bien. L’enfant n’est même pas encore né. Cependant, le simple fait de savoir que nous avons discuté de la question tous les deux me soutiendra. »
« … Ha ha ha, vous êtes vraiment quelque chose, vous savez ça ? » J’avais été honnêtement impressionné.
Lorsqu’elle n’avait pas de chance, je la voyais comme une princesse tragique, mais elle avait aussi ce côté dur et nerveux. Non, elle avait peut-être progressé en entrant en contact avec toutes les différentes personnes et intentions impliquées dans cet incident. Quoi qu’il en soit, elle pourrait faire une étonnamment bonne dirigeante.
Je m’étais éclairci la gorge en essayant de changer de rythme. « Maintenant, Sire Shana, puis-je supposer que vous allez sérieusement envisager l’alliance maritime ? »
« Oui. Vous pouvez. »
« Quant à l’autre demande du Royaume, nous voudrions une île. »
« Une île… vous dites ? » Shana avait plissé son front.
« Je suis peut-être le roi de l’archipel, mais je ne suis pas libre de faire que ce qui me plaît avec l’île du Dragon à neuf têtes et les petites îles qui l’entourent. Je n’ai aucune autorité pour céder l’île d’un autre chef d’île. »
« Oui, bien sûr. L’île que je demande ne vous appartient pas encore, mais c’est une des îles proches de la vôtre. Je pense que nous devrions pouvoir négocier la question ici, » déclarai-je.
« … Quelle est cette île ? » demanda Shana, et je regardai Kishun qui se tenait derrière eux.
« J’aimerais avoir la Petite Île, des îles jumelles que dirige Sire Kishun, » déclarai-je.
La Petite Île Jumelle était l’île située en face de Grande Île Jumelle où nous avions séjourné.
Pendant notre séjour à la Grande Île, j’avais entendu des rumeurs selon lesquelles des navires militaires étaient amarrés à la Petite Île, et que si les îles étaient attaquées par une force trop importante pour défendre la Grande Île, elles pourraient toujours tenir sur la Petite Île. Ils disaient que, comme elle était plus petite, moins de troupes pouvaient y débarquer, ce qui facilitait la défense.
Shana avait affiché un regard empli de doute. « La Petite Île Jumelle ? Voulez-vous cette petite chose ? »
« Oui. C’est près de l’île du Dragon à neuf têtes et sur la route de la Cité Lagune, donc je ne pouvais pas demander un meilleur endroit pour installer un dépôt de ravitaillement. Afin de sécuriser les voies maritimes et d’encourager le commerce, j’aimerais y établir une base et y stationner de façon permanente une partie de la flotte du Royaume. »
« Une station permanente pour la flotte du Royaume ? Ce serait… »
Juste au moment où Shana avait commencé à froncer les sourcils, Shabon avait claqué ses mains sur la table et s’était levée.
« Attendez un instant ! Le chef des Îles Jumelles est Kishun. Même si vous êtes le Roi Dragon à neuf têtes, il est inacceptable que vous passiez un accord impliquant l’île de quelqu’un d’autre ! Ne pouvez-vous pas à la place prendre une des îles rattachées à l’île du Dragon à neuf têtes ! »
« … S’il vous plaît, calmez-vous, Madame Shabon, » avais-je dit pour apaiser Shabon qui s’énervait un peu. « Ce serait bien pour le Royaume. Notre objectif est de stabiliser les voies maritimes et le commerce. »
« Dans ce cas… »
« Mais que comptez-vous faire après cela, Kishun ? » avais-je demandé.
Kishun avait affiché une expression tendue. Shabon s’était retournée, puis elle avait cligné des yeux quand elle l’avait vu.
« Kishun ? »
« … »
Kishun ne lui avait pas répondu, il avait juste regardé en bas, serrant les poings. Cela devait être parce qu’il savait ce qui allait arriver. Shabon, pendant ce temps, semblait ne pas savoir.
merci pour le chapitre
Merci pour le chapitre.