Chapitre 2 : Les Plans Secrets de la Chouette
Partie 2
« Je pensais gagner aujourd’hui, j’en étais sûre, » déclara Julis grognonne, les bras croisés, et les joues gonflées de déplaisir.
Alors qu’elle était assise sur le sol froid, Ayato le regardait d’un air penaud.
Il s’agissait de la salle de formation exclusive de Julis. Ils l’avaient pour eux deux. Avec un plafond haut, elle était presque aussi spacieuse qu’un gymnase. Bien sûr, ce n’était pas n’importe qui qui s’était vu accorder une telle facilité. Il s’agissait de l’un des avantages d’être une Première Page.
« Je dois admettre que perdre tant de fois occasionne une perte de confiance en moi, » déclara Julis.
« Mais Julis, tu es vraiment forte, » déclara Ayato.
« N’essaye pas de me flatter. Je n’ai pas pu te porter un seul coup aujourd’hui encore. Comme d’habitude, quoi ! » Toujours en train de bouder, elle tourna son regard furieux sur Ayato.
« Je ne te flatte pas. Franchement, tu m’as presque eu cette fois-ci, » répondit Ayato.
Il avait été attiré parfaitement à l’endroit exact du piège — une erreur inexcusable de sa part. Avec n’importe quelle autre arme que le Ser Veresta, il aurait vraiment pu avoir des difficultés.
De plus, Julis apprenait remarquablement vite. Quand ils avaient commencé à s’entraîner ensemble, elle avait du mal à suivre les mouvements d’Ayato. Maintenant, elle utilisait habilement ses pouvoirs pour restreindre les manœuvres de l’épéiste. Dans tous les cas, elle n’était pas à la hauteur d’Ayato une fois qu’il avait réussi à se mettre au corps à corps, alors elle devait l’éviter. Mais à ce rythme, il était clair que cela ne deviendrait que de plus en plus difficile pour lui d’y arriver.
« De toute façon, tu as aussi beaucoup de mouvements à disposition. Celui que tu as utilisé à la fin — je n’avais jamais vu ça avant, » déclara Ayato.
« C-C’est vrai. Eh bien, c’est quelque chose dont je suis plutôt fière..., » Julis hocha la tête alors que son expression s’adoucissait légèrement.
L’étendue de son répertoire était vraiment extraordinaire. Ayato avait vu au moins dix techniques différentes, allant de l’attaque à la défense en passant par les techniques de soutien. C’était une preuve de plus de la maîtrise qu’elle avait sur ses capacités.
« Mais gagner la Festa serait carrément impossible sans ce niveau de compétences, » poursuit-elle. « Ayato, qui a le meilleur dossier à la Festa ? Ceux qui ont des pouvoirs spéciaux, comme les Stregas et les Dantes — ou tous les autres ? »
« Hein ? Eh bien, ça doit être des gens avec des pouvoirs spéciaux, » répondit Ayato.
Il n’y avait pratiquement pas d’inconvénients au fait d’être un Strega ou un Dante. Bien qu’il soit vrai qu’ils devaient affecter du prana à utilisation de leurs capacités, ils avaient toujours un avantage écrasant face à ceux qui n’en avaient pas.
Mais Julis secoua lentement la tête.
« Il est vrai que leurs pourcentages de victoires sont élevés —, du moins au début de leur carrière, » avait-elle dit avec un regard contradictoire. « Mais à mesure qu’ils continuent à se battre, la plupart d’entre eux commencent à perdre de plus en plus. Leurs pouvoirs sont révélés, les particularités sont largement connues, puis la concurrence fait des ajustements. Il y a quelques combattants qui n’entrent pas dans ce moule, mais dans l’ensemble, ceux qui ont des capacités spéciales gagnent environ cinquante pour cent du temps. »
« Ajustements ? » demanda Ayato.
« Les étudiants ici ne sont pas stupides. S’ils savent qu’ils se battent contre moi, ils se prépareraient au moins à lutter contre le feu. Tout comme Silas l’a fait, » déclara Julis.
Ayato se souvient du garçon qu’ils avaient combattu l’autre jour. Il avait préparé des poupées résistantes au feu pour combattre Julis.
« Je vois. Ainsi Stregas et Dantes deviennent prévisibles avec leurs pouvoirs, » déclara Ayato.
« Oui. Plus leurs capacités sont étroites, plus elles sont puissantes — mais cela vient avec la perte de la polyvalence. Il serait assez facile de gagner contre un adversaire qui ne t’a jamais vu auparavant, mais ce tournoi n’a pas pour but de gagner qu’une seule fois. Tu dois continuer à gagner pour être au sommet. Ceux qui sont capables de maintenir un classement élevé sont ceux qui le comprennent, » expliqua Julis.
Julis l’avait fait paraître simple, mais même Ayato pouvait dire qu’une série de victoires était plus facile à dire qu’à faire dans Asterisk.
« Heureusement pour moi, j’ai une capacité avec laquelle je peux trouver des moyens de diversifier son usage. Je dois en profiter au maximum. C’est tout ce qu’il y a à faire, » déclara Julis.
« Mais les Stregas et les Dantes ne sont pas les seuls à être désavantagés lorsque la concurrence connaît leurs compétences, n’est-ce pas ? » demanda Ayato.
« Eh bien, c’est vrai. Mais la tendance est plus marquée pour ceux qui ont des capacités spéciales... Au fait, comment te sens-tu ? Physiquement, je veux dire. Des problèmes ? » Julis avait soudain regardé le visage d’Ayato.
Il s’agissait d’un geste désinvolte, mais ses joues devenaient brûlantes au fur et à mesure que son visage harmonieux se rapprochait inopinément du sien.
Julis avait flanché lorsqu’elle avait remarqué son embarras et s’était rapidement retirée. Comme Ayato, ses joues étaient devenues rouges, et elle s’était retrouvée à détourner son regard.
« Hum... Je suppose que je vais bien. Je peux encore très bien me déplacer, » Ayato s’éloigna un peu avant de se mettre debout et brossa son pantalon comme s’il pouvait se débarrasser de la gêne entre eux en retirant la poussière.
« Oh. B-Bien. C’est une bonne chose, » elle hocha la tête délibérément et s’éclaircit la gorge. « Donc... la limite des trois minutes est une contrainte définie. »
« C’est ce qu’on dirait. Est-ce trop court ? » demanda-t-il.
« Pour être honnête, cela ne rend pas les choses très faciles, » répondit-elle, l’air sinistre.
Leur affrontement antérieur était plus qu’un simple entraînement. Ils testaient combien de temps Ayato pouvait se battre à pleine puissance ainsi que les séquelles sur son corps.
La pleine puissance d’Ayato avait été scellée par sa sœur, mais il pouvait la libérer de son propre gré pendant un court laps de temps —, quelques minutes tout au plus. Et après ça, il y aurait des séquelles, une douleur si intense qu’il ne pouvait plus bouger pendant un moment.
Ils avaient constaté que trois minutes étaient une limite de temps sous laquelle les séquelles pouvaient être réduites au minimum.
« Je pense que je pourrais me battre normalement de cette manière, » déclara-t-il.
« Tu dis ça, mais regarde-toi... Mais je suppose que c’est mieux que de te voir t’effondrer sur moi, » déclara Julis.
Avec sa force scellée, les compétences d’Ayato au combat étaient légèrement inférieures à la moyenne parmi les combattants d’Asterisk. Alors qu’il était possible pour lui de se battre à pleine puissance pendant plus de cinq minutes, s’il le faisait, les séquelles le laisseraient pratiquement paralysé et à l’agonie pendant une journée entière. C’était un risque trop élevé pour la Festa.
Julis avait tourné son regard vers le sol, alors qu’elle était perdue dans ses pensées pendant quelques instants, puis avait lentement levé les yeux vers son ami. « Juste pour clarifier — ne peux-tu pas à nouveau libérer ta puissance dans ton état actuel ? »
« Ce n’est pas possible. J’ai besoin d’avoir au moins quelques heures de repos, » répondit-il.
Même s’il lui restait encore un peu de force, l’acte même de briser le sceau exigeait un énorme effort physique.
« Peut-être que ce ne serait possible qu’un instant..., » déclara-t-il pensivement.
Le fait de libérer sa force pour un instant seulement, comme il l’avait fait des semaines auparavant lors de son duel avec Julis, avait eu moins d’impact sur son corps. C’était comme si sa main se glissait entre les barreaux d’une cellule plutôt que de se libérer complètement.
Mais même à ce niveau-là, il ne pouvait pas le faire à plusieurs reprises.
« Nous pourrions l’utiliser pour une manœuvre d’évitement d’urgence ou peut-être une attaque-surprise, » avait répondu Julis. « Ce qui est mieux que rien. »
« Je pense que tu as raison, » déclara Ayato.
Il s’était remémoré qu’il l’avait fait très récemment comme manœuvre d’urgence.
En pensant à cette fille aux cheveux argentés qu’il avait presque percutée dans l’allée couverte et sa ressemblance à un petit animal, il n’avait pas pu s’empêcher de sourire.
« En tout cas, cela ne sert à rien de se fixer sur l’impossible, » avait déclaré Julis. « Acceptons juste que tu ne puisses te battre à pleine puissance que pendant trois minutes et planifions tout autour de ça. »
« Oui, je suis d’accord. C’est plus réaliste, » répondit Ayato.
« Au cours de ces trois minutes, nous devrions être en mesure de gérer la plupart des adversaires. Au moins, nous n’aurons pas beaucoup de problèmes avec les étudiants jusqu’à un niveau proche du mien. Je déteste l’admettre, mais je le sais par expérience personnelle, mais faire face à des adversaires plus forts sera un problème, » déclara Julis.
« Y a-t-il beaucoup d’étudiants plus forts que toi, Julis ? » demanda Ayato.
Sa question était tout à fait sincère. Les yeux de Julis s’étaient élargis face à la question. « Es-tu vraiment sérieux — ? Ce n’est pas grave. Je crois que je commence enfin à te comprendre. »
« Euh... ? » s’interrogea Ayato.
« Ayato, je suis flattée que tu aies une si haute opinion de moi, mais ici à Asterisk, il y a un certain nombre d’étudiants plus forts que moi, » répondit Julis. « Ce n’est pas un très grand nombre, — mais c’est quant même un nombre certain. Même une estimation conservatrice serait plus élevée que ce que je ne peux compter en utilisant tous mes doigts et orteils. »
« Tant que ça ? » demanda Ayato.
Julis était forte. L’autre jour, elle avait lutté contre Silas, mais seulement après être plus ou moins tombée dans un piège. Selon Ayato, par sa capacité brute, Silas n’était pas à la hauteur de son amie.
Bien sûr, on pourrait faire valoir que la création d’une situation aussi inégale, comme Silas l’avait fait, était une sorte de force.
« Pour ne citer qu’un exemple bien connu, on dit que le président du Conseil des Étudiants de Gallardworth est un épéiste du plus haut niveau. Je l’ai vu se battre, et il est au moins aussi bon que toi à pleine puissance. J’ai aussi entendu dire que la présidente du Conseil des Étudiants de Jie Long a des capacités bizarres — bien que nous n’ayons probablement pas besoin de nous inquiéter pour elle. Elle n’est pas encore assez âgée pour participer à la Festa, » déclara Julis.
« Hmm. Les présidents du Conseil des Étudiants de Gallardworth et Jie Long, hein ? » Ayato avait eu l’impression que les présidents des conseils des étudiants étaient tous formidables, y compris Claudia. Puis il s’était souvenu de quelque chose. « Oh ouais, il y a une personne très forte que je connais. Elle a fait les gros titres l’an dernier pendant quelques jours de suite. Elle a des victoires successives dans le Lindvolus à son actif, et elle est avec Le Wolfe... Quel était son nom... ? »
Ayato s’intéressait très peu à la Festa, mais la frénésie quant à la couverture médiatique autour de ce combattant avait été impossible à manquer, même pour lui. La jeune fille était la deuxième combattante à remporter le Lindvolus deux saisons de suite, et elle était considérée comme quasi sûre de devenir la première combattante à remporter trois victoires successives.
« La Sorcière du Venin Solitaire, Orphélie, » murmura Julis, alors que sa voix était grave et neutre, comme pour éloigner une certaine émotion.
« Oh ouais, c’est elle ! » Ayato avait claqué ses mains ensemble une fois puis il avait remarqué que quelque chose n’allait pas avec Julis.
Elle regardait le sol avec un regard conflictuel — un mélange entre de la colère et de la tristesse.
« Julis... ? » demanda-t-il, et elle leva soudain les yeux.
« Oh — désolée. J’étais en train de réfléchir, » déclara-t-elle, évitant la question tacite, puis elle avait pris une pose confiante avec son index pointé vers le haut.
« D-De toute façon, il y a aussi beaucoup de grands combattants dans Asterisk qui ne sont pas des étudiants. Le commandant de la garde de la ville, par exemple, est un Strega reconnu comme le plus fort de l’histoire de la ville, et notre professeur principale, Mademoiselle Yatsuzaki, est probablement beaucoup plus forte que moi, » déclara Julis.
« Mademoiselle Yatsuzaki ? » demanda Ayato.
« Tu ne le devinerais peut-être pas, mais elle était la chef de la seule équipe de Le Wolfe à remporter les Gryps. Mais quant à la raison qui fait que quelqu’un comme elle enseigne à Seidoukan, je n’en ai aucune idée, » répondit Julis.
Ayato se mit alors à réfléchir sur sa prof aux yeux durs et méchants. Maintenant que Julis l’avait mentionné, elle n’avait jamais montré un moment de vulnérabilité dans ses mouvements de tous les jours, et elle avait infligé une punition impitoyable à tous les élèves pris en train de faire des gaffes en classe.
Seul un Genestella, et un très fort pour couronner le tout, pouvait traiter avec les élèves d’Asterisk de cette façon.
« Cependant — il y a un avantage que tu as sur tous les combattants que nous venons de mentionner, » avait déclara Julis. « Sais-tu ce que c’est ? »
« Euh... ? Non, pas la moindre idée, » répondit Ayato.
« C’est que tes capacités ne sont pas encore bien connues. L’incident avec Silas n’a jamais été rendu public et il n’y a pas eu de témoins, » expliqua Julis.
C’est alors qu’Ayato avait compris là où elle voulait en venir. « Ça nous ramène à ce dont nous parlions tout à l’heure, non ? »
« Tout à fait, » répondit Julis.
Pour en revenir à ce que Julis avait dit : que la compétition ne savait pas encore à quoi s’attendre venant de lui.
« La liste des prêts des Orga Luxs de chaque école est publique, donc nos adversaires vont se préparer en gardant cela à l’esprit... Bien qu’ils ne puissent pas vraiment faire grand-chose avec cette information à elle seule, » Julis regarda le Ser Veresta, qui était maintenant en mode veille, et elle poussa un petit soupir. « Si seulement tu pouvais l’utiliser dans ton état normal... »
Ayato avait ri nerveusement. « C’est la seule chose sur quoi je ne peux vraiment pas changer. »
Le Ser Veresta lui avait permis de l’utiliser seulement lorsque ses pouvoirs avaient été libérés. S’il le prenait maintenant dans sa main, il resterait en mode veille, avec sa puissance en sommeil.
« Au fait, est-il vrai que ta sœur maniait cette épée ? » demanda Julis.
« Tout ce qu’on a pu me dire, c’est “probablement”, » avait-il admis.
« Hmm. Mais si c’est vrai, c’est assez inhabituel comme situation, » déclara Julis.
« Oui, c’est ce que je pensais aussi. Un frère et une sœur utilisant le même Orga Lux..., » commença Ayato.
« Non, ce n’est pas du tout ce que je voulais dire, » Julis secoua la tête. « Ta sœur est un Strega, n’est-ce pas ? Les Orga Luxs sont rarement compatibles avec les Stregas et les autres combattants ayant des capacités spéciales. »
« Oh. Vraiment ? » demanda Ayato.
« Oui. Lorsqu’ils canalisent le mana vers leurs capacités, cela produit apparemment une réaction indésirable dans l’urm-manadite. Il y a probablement moins de dix combattants dans l’histoire d’Asterisk qui soient nés avec des pouvoirs spéciaux tout en ayant également manié des Orga Luxs, » expliqua-t-elle.
« Donc les Orga Luxs ont tendance à ne pas aimer les gens qui ont des pouvoirs spéciaux ? » demanda Ayato.
Les armes Orga Lux avaient une volonté propre et avaient toujours choisi leurs utilisateurs. Ayato en avait fait l’expérience de première main — plutôt douloureusement.
« Les raisons ne sont pas encore bien comprises, mais oui, ça pourrait être quelque chose comme ça, » Julis avait souri et avait haussé les épaules. « On s’éloigne du sujet. Dans tous les cas, nous avons encore un mois avant le Phoenix. Alors, assure-toi de ne pas dévoiler ta main en te faisant prendre dans des duels ou quoi que ce soit du genre. D’accord ? »
« Compris, » répondit Ayato.
Julis hocha la tête en signe de satisfaction à sa réponse, puis elle avait dégainé le Lux en forme de lance depuis l’étui à sa taille et le tourna dans sa main. « Bien. Reprenons notre formation. Je veux que nous puissions battre tous les concurrents, sauf les plus haut placés, avec tes pouvoirs scellés. Et pour ce faire, nous devons améliorer notre travail d’équipe, sinon je finirai par te brûler en même temps que nos adversaires. »
« ... Ce ne serait pas idéal, » répondit-il. Vraiment pas.
« Nous devrions avoir des matchs simulés avec une autre paire pour nous entraîner, » avait déclaré Julis. « Mais ce n’est pas vraiment une option... »
« Hein ? Pourquoi ne pas demander à certains de nos camarades de classe ? » demanda Ayato.
Julis l’avait regardé d’un air renfrogné. « Ce n’est pas très gentil de ta part. Tu sais que je n’ai pas d’amis ici. »
« Oh, euh, je ne voulais pas..., » commença Ayato.
« Quoi qu’il en soit, as-tu déjà oublié ce dont nous venons de parler ? Camarades de classe ou non, s’ils nous aident à nous entraîner, alors ils découvriront ta force. As-tu vraiment déjà — ? » commença Julis.
Juste au moment où Julis semblait sur le point de se lancer dans une longue tirade, une sonnerie à la pièce avait retenti. Un moment plus tard, une fenêtre transparente s’était ouverte devant eux.
« Vous avez de la visite. Aimeriez-vous les voir à l’intérieur ? » une voix douce et artificielle avait annoncé cela. Julis et Ayato se regardèrent avec surprise.
Merci pour le chap ^^
Merci pour le chapitre !