Chapitre 7 : Déchaîné
Partie 5
« Je suis désolée, Ayato, » souriante, et pourtant au bord des larmes, la jeune fille posa doucement sa main sur la tête d’Ayato.
« Haruka... ? » Le garçon, dans sa tunique d’étudiant, la regarda en pleine confusion.
Il n’y avait qu’eux deux dans le dojo au clair de lune, et il n’y avait rien d’autre dans cet espace réduit sauf le chant étouffé des insectes et l’air nocturne qui persistait.
Cette nuit-là, il y avait quelque chose de différent chez elle.
Son attitude gentille et douce, sa voix majestueuse — ceux-là étaient les mêmes que d’habitude. Pourtant, le garçon avait senti quelque chose d’inhabituel dans la façon dont elle le regardait.
Alors qu’il ouvrait sa bouche pour le lui demander, elle fermait les yeux comme pour l’arrêter.
« Je suis désolée, » alors que la jeune fille répétait ces mots, un horrible choc s’était précipité sur lui, comme si le ciel et la terre s’étaient inversés.
Un hurlement était sorti de sa gorge sans qu’il puisse le contrôler. De violents chocs de douleur avaient traversé son corps comme s’il était électrocuté. Il ne pouvait même pas être décrit comme de l’agonie, et il fut soudainement lié par d’innombrables chaînes punitives qui avaient émergé de l’air... Quand il avait réussi à lever les yeux, il avait pu voir une myriade de symboles complexes, comme des cercles magiques, tourbillonnant autour de la main levée de sa sœur.
Le garçon ne savait pas pourquoi cela se produisait.
Non, il l’avait compris. Il savait. C’était sa capacité : le pouvoir interdit de sceller le flux de la nature et de restreindre n’importe qui et n’importe quoi. Le pouvoir infernal d’un Strega.
Mais la jeune fille détestait ses pouvoirs, et il n’y avait rien au monde qui l’obligerait à les retourner contre lui. C’est du moins ce qu’il avait cru.
« H-Haruka... Pourquoi... ? » Sa voix était faible et rauque. La force était drainée dans les profondeurs de son corps.
Les yeux encore fermés, la jeune fille murmura solennellement : « Avec ces entraves, je confine ton pouvoir. »
Et puis tout s’était évanoui, comme si ses sens s’étaient brisés. C’était comme plonger dans un marais sans fond. Le monde avait sombré impitoyablement dans les ténèbres. Dans cet état flou, sa conscience s’évanouissant, il ne reconnaissait rien d’autre que la voix tamisée de la jeune fille sonnant à l’intérieur de son crâne.
« Tu te souviens de ce que je t’ai dit il y a des années ? J’ai dit que je te protégerais. C’est pourquoi... »
Même cette voix s’était estompée, et il avait tendu la main, cherchant désespérément quelque chose à quoi s’accrocher.
« Mais je ne veux pas ça ! J’ai dit que je te protégerais — ! » Il s’entraînait avant tant d’assiduité pour cette raison — seulement pour cela. Mais maintenant — .
« Au revoir, Ayato. Je t’aime. »
Il s’agissait des derniers mots dont il se souvenait
Quand il avait ouvert les yeux, il avait vu le visage de Julis juste devant le sien, l’air inquiet.
Son visage s’était illuminé dès qu’elle avait remarqué que ses yeux étaient ouverts. « Bien, tu es enfin réveillé. Je commençais à me poser des questions. »
« Euh, où sont — aïe ! » Avant que sa conscience ne revienne complètement, Ayato avait essayé de se lever et il avait grimacé en ressentant une sensation de douleur alors qu’il n’avait pas du tout pu bouger. Cela lui avait permis de se souvenir de ce qui s’était passé. « Oh. Alors je me suis évanoui. »
« Ne te surmène pas trop. On est sur le toit de ce bâtiment abandonné. J’ai envoyé un message à Claudia, donc des personnes vont venir nous chercher d’une minute à l’autre, » déclara Julis.
« Merci. Je pense que j’aurai besoin d’aide, » en vérité, il doutait de pouvoir marcher pendant encore un petit moment.
Il regarda sans bouger autour de lui pour voir que le soleil devait être couché depuis longtemps. Un ciel plein d’étoiles étalées au-dessus d’eux.
« Je ne veux pas de tes remerciements. C’est toi qui m’as sauvée, » tout en disant ça, Julis s’était brusquement détournée.
Il s’agissait de sa forme habituelle de sincérité. D’une façon ou d’une autre, Ayato était heureux.
Il la regardait quand il s’était soudain rendu compte que quelque chose ne tournait pas rond.
Sa tête reposait sur quelque chose de trop mou pour être le toit en lui-même. Il pouvait sentir un léger arôme floral.
« H-hey ! Ne bouge pas autant ! » s’écria Julis.
Et son visage était si proche... Ayato était allongé avec sa tête sur les cuisses de Julis pendant tout ce temps.
« Gah ! D-Désolé ! Je ne vais pas m’imposer plus longtemps là — nngh ! » Alarmé, il avait essayé de se relever, mais c’était seulement pour que la douleur puisse surgir à nouveau à travers tout son corps comme un éclair.
« C’est très bien comme ça. Ne bouge pas, idiot ! Ça fait mal de bouger, alors ne bouge pas ! » déclara Julis.
« M-Mais —, » déclara Ayato.
« Je dis que c’est bon, alors ça l’est ! Fais avec ! » Julis s’était de nouveau détournée, maintenant si rouge qu’il semblerait qu’elle pourrait spontanément s’enflammer. Elle l’avait légèrement frappé sur le front.
« Euh — OK, » il n’y avait rien d’autre à faire que de lui faire un petit signe d’acquiescement, alors que son propre visage rougissait d’un rouge profond.
Elle s’était éclairci la gorge et elle l’avait regardé du coin de l’œil. « Et surtout, vas-tu me donner une explication ? »
« Explication de quoi... ? » demanda Ayato.
« Oh, commençons par ce pouvoir qui te retient — ça doit être un Strega ou un Dante. Qui t’a fait ça ? » demanda Ayato.
« Euh, eh bien, c’est..., » Ayato évita de la regarder et essaya de trouver quelque chose, mais comme Julis rapprochait son visage du sien, il poussa un soupir résigné. « Il s’agit de ma sœur. Sa capacité est le pouvoir de l’emprisonnement, d’enchaîner et de confiner toutes choses. »
Son expression s’était assombrie au fur et à mesure qu’elle absorbait l’information. « Hmm... Alors, ce que je viens de voir, c’est ta véritable force ? »
« On peut dire ça. Mais on peut aussi dire que ce n’est pas le cas, » répondit Ayato.
« Qu’est-ce que ça veut dire ? » répondit-elle, contrariée. « Ce n’est pas une réponse très satisfaisante. »
Ayato avait souri amèrement. « N’est-ce pas bizarre de l’appeler ma “véritable force”, alors que je peux difficilement la contrôler ? »
« Il me semblait que tu pouvais le contrôler efficacement, » répondit Julis.
« Pour un temps limité, c’est vrai. Mais c’était la première fois que je tenais plus de cinq minutes. Et après ça, je suis comme ça pendant un bon moment, et je ne peux même plus bouger. Ce n’est pas vraiment quelque chose dont on peut se vanter. » La première fois qu’il avait libéré sa force, il n’avait duré que dix secondes.
« Pourquoi ta sœur te ferait-elle ça ? » demanda Julis.
« J’aimerais moi-même lui demander. Mais elle a disparu il y a cinq ans, » déclara Ayato.
Julis s’était mordu la lèvre inférieure, comme si elle regrettait d’avoir posé cette question.
Ayato avait fait disparaître ce malaise. « Mais ce n’est pas grave. Je pense qu’elle avait ses raisons. Il doit y avoir un sens à ce qu’elle a fait. Oh, puis-je aussi te demander quelque chose ? »
« Hmm ? Qu’est-ce que c’est ? » demanda Julis.
« As-tu déjà un partenaire pour le Phoenix ? » demanda Ayato.
Elle vacilla, faisant un petit bruit de déception, ce qui suffisait à répondre à sa question.
Ayato soupira avec soulagement. « Euh... et moi ? »
« Quoi ? » s’écria Julis.
« Mon intégrité n’est pas impeccable, mais elle n’est pas non plus trop entachée. Et je ne suis pas pire que la moyenne pour réfléchir, du moins, je pense. Pour ce qui est d’une volonté forte et d’un esprit noble, il se peut que tu doives oublier ça..., » déclara Ayato.
« Donc... veux-tu que je fasse des compromis sur toutes mes normes ? » Julis lui avait offert un petit sourire étonné. « J’apprécie l’offre. Mais je ne t’infligerai pas cela. Tu ne pourras pas te battre dans la Festa à ta force habituelle, et je préférerais ne pas voir cela t’arriver après chaque match. »
« Oh, ça ne me dérange pas du tout, » déclara Ayato sans ménagement. « Je te l’ai dit. Ce que je dois faire, c’est t’aider, Julis. »
Un rougissement avait commencé à colorer ses joues. « Mais, tu veux..., vraiment..., tu ne peux pas juste..., » balbutia la jeune femme.
« Es-tu gênée ? Ton visage est d’un rouge vif, » déclara Ayato qui l’observait.
« La ferme ! Je ne le suis pas ! Et cesse de me regarder ! » Elle l’avait encore une fois frappé légèrement.
Cela n’avait pas fait mal, mais cette fois, elle avait gardé sa main là, couvrant ses yeux.
Ils étaient restés silencieux un moment.
« Julis... ? » Ayato avait essayé de lui parler, mais il n’y avait pas obtenu de réponse. À la place, il avait senti un soupçon de tension dans la main qui reposait sur son visage.
« Toi... le penses-tu vraiment !? » demanda-t-elle d’une voix basse et tremblante.
Son ton habituel débordait de confiance. Mais cette fois-ci, c’était complètement différent. C’était une voix pleine d’incertitude, frêle au point de se briser. La voix de quelqu’un qui avait peur de tendre la main à quelqu’un et d’accepter qu’une main lui soit tendue.
Mais c’est tout à fait normal, pensa Ayato. N’importe qui aurait peur de s’engager sur une nouvelle voie. C’était tout à fait naturel.
Et peut-être que c’était la véritable Julis — une fille normale, parfaitement ordinaire. Mais elle était ici, une fille ordinaire, essayant si courageusement et avec noblesse de vivre selon ses propres convictions. N’était-ce pas admirable ? N’était-ce pas magnifique ?
Ayato lui avait donc donné la réponse la plus claire possible. « Bien sûr que oui. »
Je ne le regretterai pas. Et je vais m’assurer qu’elle non plus, pensa-t-il. Pas cette fois-ci.
« Tu es vraiment bizarre, » avait dit Julis.
Sa main se retira alors de son visage, et il la vit sourire face au ciel d’étoiles scintillantes.
Les lumières s’étaient accrochées aux gouttelettes présentes au coin de son œil. Il avait tendu la main sans un mot et les avait essuyés avec douceur.
Merci pour le chapitre !
Merci pour le chap ^^