Chapitre 1 : Les deux fiancées
Partie 1
« Un mariage royal !? »
Quelques jours après avoir repoussé l’armée freiyane, le château royal était surchargé par les tractations post-bataille. Dans l’une des chambres royales, le jeune roi Alnoa tenait une conversation inattendue pendant le repas avec sa sœur, Cécilia.
« Oui. Je suis d’accord de former une alliance, mais je n’aime pas trop cette idée de mariage royal, » déclara Cécilia.
Cécilia était magnifique, comme on pouvait s’y attendre d’un membre de la famille royale. Ses cheveux dorés étaient emmaillotés dans un chignon parfait, et elle regardait le jeune roi avec des yeux bleus emplis de tristesses.
« Comment en est-on arrivé à ça ? » demanda Cécilia.
Le père d’Alnoa, le légendaire Roi-Sorcier d’Althos, avait usé de nombreux sorts et combattu vaillamment aux côtés de l’armée freiyane. Il était décédé un an plus tôt à la suite d’une épidémie.
Avec sa mort, l’influence d’Alnoa sur Freiya s’était considérablement affaiblie. Cécile, la Diva d’Althos et héritière légitime du trône, se déclara prêtresse et abdiqua. À sa place, Alnoa, le suivant dans la ligne de succession, avait été couronné roi.
Le décès du Roi-Sorcier avait déstabilisé tout le royaume. La plupart des ministres et des généraux qui avaient loyalement servi le dernier roi avaient démissionné ou s’étaient retirés. Beaucoup de nobles avaient rassemblé leurs richesses et avaient fui le pays. Les seuls restés présents étaient des citoyens qui n’avaient aucun moyen de fuir et d’anciens esclaves abandonnés par leurs maîtres.
L’empire légendaire avait été réduit à une puissance mineure, à la différence de ceux qu’il dominait autrefois. Manquant cruellement de main-d’œuvre, même Cécilia avait dû mettre la main à la pâte sur les questions diplomatiques. Alnoa ne savait pas quoi penser d’un mariage royal alors que son propre royaume était si mal en point.
Cécilia plaça une tasse de thé devant son frère et lui expliqua la situation.
« Pour résumer, immédiatement après notre bataille avec l’armée freiyane, Freiya et le royaume voisin de Subdera nous ont demandé une alliance. Comme preuve de leurs bonnes intentions, les deux pays souhaitent envoyer leurs Divas ici pour se marier au sein de la famille royale. »
Les Divas étaient sept filles qui avaient hérité du pouvoir de la Valkyrie.
Il y a longtemps, la Valkyrie avait vaincu le Roi-Démon en sacrifiant sa propre vie afin de le sceller. Afin d’empêcher le retour du Roi-Démon, elle avait créé sept artefacts qui devaient être transmis à chaque génération à sept jeunes filles. Cécilia était l’une d’elles.
Les sept Divas d’origine avaient été bénies en personne par la Valkyrie avec une force dépassant de loin celle d’une personne normale. Chacune avait fondé son propre pays, et les pouvoirs dévastateurs de la Valkyrie avaient été transmis dans la lignée royale de chaque royaume. Les Divas actuelles, en tant que descendantes des dieux, étaient annoncées comme des symboles de leurs pays respectifs et n’apparaissaient que rarement sur les champs de bataille.
Alnoa n’avait pas eu à se demander pourquoi ils le lui avaient proposé si soudainement, car il avait immédiatement compris le problème. Les coins de sa bouche se recroquevillèrent en un sourire cynique en entendant les détails de l’arrangement. Les Divas se rendraient à un mois d’intervalle, et il devrait faire un choix entre les deux filles. Les pièces étaient toutes disposées devant lui, il devait juste jouer ses cartes correctement. Les intentions des pays voisins étaient aussi claires que le ciel.
Mais sa sœur pensait tout autrement.
« Al, tu n’as pas besoin d’épouser qui que ce soit. Tu m’as, » déclara Cécilia.
Cécilia serrait doucement la tête de son frère avec ses deux bras.
« Euh, Cécilia !? Je pense que je suis assez vieux pour me marier, » répondit-il.
Il avait essayé de résister à son étreinte. Le contact physique constant de sa demi-sœur avait fait des ravages dans l’esprit d’Alnoa, âgé de 15 ans.
« La première visite est prévue pour demain. Comment osent-ils forcer mon petit frère à se marier ? » s’exclama-t-elle. Elle regarda affectueusement son précieux frère. « Mais je suppose que comme tu es roi, cela serait une bonne idée d’au moins les rencontrer. »
« J’aimerais aussi que tu me demandes mon avis de temps en temps, » déclara Alnoa.
Malgré tous ses efforts, Alnoa ne pouvait pas échapper à l’étreinte suffocante de sa sœur. Il se résigna à son sort en voyant l’expression présente sur le visage de sa sœur.
« Si tu veux, je les rencontrerai, mais..., » commença-t-il.
Cécilia lâcha son frère et l’interrompit en mettant un doigt sur les lèvres d’Alnoa. Elle avait ensuite amené son visage juste devant le sien.
« Ne t’inquiète pas. Tu ne devras jamais te marier. Je serai toujours là pour toi, » déclara Cécilia.
Alnoa ne savait pas si elle plaisantait ou pas, et il avait trop peur de le demander. Avec leurs nez se touchant presque, il pouvait sentir la chaleur de son doux regard.
« Mais tu devrais être plus proactif pour rencontrer de nouvelles personnes, » elle avait porté le coup final avec un sourire toujours présent sur son visage.
Le jour suivant, Alnoa se tenait aux portes sous le soleil chaud, habillé en tenue de cérémonie. Il ressemblait plus à un jeune acteur dans le rôle d’un roi qu’à un membre de la famille royale.
Il réprima sa réticence et attendit patiemment la première des candidates pour son mariage. Ce serait son premier visiteur étranger depuis qu’il avait été couronné roi. Les citoyens avaient déjà eu vent de la visite royale et s’étaient rassemblés près des portes du château afin d’apercevoir la Diva étrangère. C’était comme si un festival se déroulait dans la ville. Alnoa était fatigué et grincheux, mais le fait de regarder à travers la mer de ces citoyens avait réchauffé son cœur.
« Tout cela juste parce qu’une princesse étrangère est en visite, » murmura-t-il.
Cécilia l’avait informé que la première candidate serait la Diva de Subdera. Subdera était un voisin magiquement avancé par rapport à Althos, se trouvant juste au-delà des montagnes. Il était un producteur important d’objets magiques, dominant le marché en raison de leurs technologies de pointe. Leur château royal était une ville flottante, qui se maintenait dans l’air grâce à leurs prouesses technologiques. On disait que le château avait déjà traversé le sommet du ciel, mais de telles rumeurs n’avaient jamais été vérifiées.
Est-ce que Subdera désirait les terres du royaume, la vie de son roi, ou les deux ? Ou peut-être étaient-ils simplement intéressés par le fils du légendaire Roi-Sorcier ?
Les pensées oiseuses d’Alnoa furent bientôt interrompues.
« Mademoiselle Lesfina est arrivée ! » La voix du garde retentit à travers la ville, signalant l’arrivée de leur invitée. La foule avait vu leur excitation augmenter en réponse à cette annonce.
« Incroyable. Elle est en retard d’une minute ! Son retard reflète en mal sa capacité à diriger. Ne le penses-tu pas, Al ? » demanda sa sœur.
« Je suis plus inquiet vis-à-vis de toi et du fait de voir comment tu agis comme une belle-mère, » déclara Alnoa.
Il soupira, car ce n’était pas la première fois qu’il avertissait sa sœur de ses commentaires.
« Oh, est-ce mesquin pour moi d’agir ainsi ? » demanda-t-elle avec un visage impassible.
Pendant ce temps, un carrosse d’un noir éblouissant et escorté par un certain nombre de chevaliers s’arrêta juste devant eux. Un domestique ouvrit la porte latérale richement décorée.
Le temps semblait s’être arrêté pendant un moment et le cœur d’Alnoa avait sauté un battement quand la Diva était sortie de son carrosse. Il avait même oublié la foule bruyante autour d’eux.
« Je suis Lesfina, Diva de Sringara venant du royaume de Subdera. Bonjour. » Sa salutation était claire et laconique, indiquant peut-être un soupçon de nervosité de sa part.
La réaction de la foule était véritablement appropriée, considérant son titre en tant que Diva de Sringara. Sringara était l’un des huit rasas (aspects) élémentaires. Il s’agissait du principe qui définit l’amour et l’adoration qui balaie le public face à un interprète.
Les cheveux bleus de Lesfina s’arrêtaient en dessous de ses épaules. Sa robe bleue un peu simple soulignait sa peau claire. Avec ses cheveux bleus courts et ses yeux violets qui semblaient tristes, elle était telle une Gorgone si captivante. Le fait de porter son regard sur elle vous paralysait immanquablement sur place, incapable de détourner les yeux.
Captivé par sa beauté, Alnoa répondait distraitement. « Oui... Bonjour. » Il avait à peine réussi à détourner son regard et à marmonner ces mots.
Lesfina inclina la tête à la réponse d’Alnoa, indiquant qu’elle était clairement confuse. « Comment pouvez-vous me répondre ? Est-ce que mon charme n’a pas fonctionné ? »
« Hein ? De quoi parlez-vous ? » demanda Alnoa en penchant la tête comme s’il l’imitait.
Lesfina redressa son cou avant de murmurer. « Boule de feu. »
Avec ses mains jointes et son chant magique comme seul avertissement, elle envoya une boule de feu juste devant les pieds d’Alnoa.
« Quoi !? » s’écria Alnoa. Il avait sauté dans les airs en panique. « Qu’est-ce que vous faites !? »
Lesfina le regarda avec dégoût. « ... Ver. »
« Quoi ? » demanda Alnoa.
Ver ? Que veut-elle dire par là ?
« J’ai trouvé un ver, » répondit Lesfina.
Je suppose que je ne l’ai pas mal comprise.
« Ah d’accord ! » Alnoa avait finalement réussi à rassembler suffisamment de sang-froid afin de donner une réponse timide à ces actions déroutantes.
Il n’y avait aucune trace de tout ce qu’elle aurait pu se trouver sur le sol. Un cratère était tout ce qui restait après sa boule de feu. Le trou ressemblait à celui laissé par une souche d’arbre arrachée du sol. Toute créature prise dans cette explosion se serait transformée en cendres en un instant.
Une erreur et les jambes de son futur mari auraient été brûlées. Lesfina n’avait pas montré la moindre inquiétude à propos de ce quasi-désastre.
Alnoa regarda entre le cratère et le visage de Lesfina, abasourdi
« Ne vous inquiétez pas. Tant que je serai là, je ne laisserai aucun vers, aussi minuscule soit-il, près de vous... Alnoa. »
Alnoa pouvait ressentir un faible sentiment d’accomplissement irradiant de l’expression stoïque de Lesfina.
« D’accord... Merci, » il la remercia calmement afin de tenter de cacher son étonnement. Elle cherchait à être aussi dure que possible à traiter.
« Notre petite Diva ici n’est peut-être pas très bavarde, mais elle n’est pas mauvaise. » Alnoa n’avait pas pu capter ce que Cécilia murmura dans son souffle.
« En tout cas, merci de votre visite. Le nôtre est un pays terne avec peu de choses à voir, mais j’espère que vous apprécierez néanmoins votre séjour. Lilicia, s’il te plaît, montre-lui sa chambre, » il s’était finalement souvenu de ce qu’il devait dire et il avait laissé sortir les premières phrases qu’il avait répétées avant ça.
Lilicia, la chef des femmes de chambre du château se tenait derrière Alnoa en tenue de femme de chambre, attendant d’escorter la princesse dans sa chambre. Alors qu’elle semblait avoir le même âge que son jeune maître, elle servait la famille comme leur servante depuis le sacre du Roi-Sorcier. Elle était une femme vraiment mystérieuse.
« Très certainement, Votre Majesté. » Lilicia baissa la tête avant de dire ça.
« Il s’agit de notre servante, Lilicia. Sentez-vous libre de l’appeler si vous avez besoin de quelque chose, » déclara Alnoa.
« Je vous remercie, » Lesfina s’inclina devant la femme de chambre et lui remit ses bagages.
Il s’agissait d’une introduction assez intense, mais ce n’est toujours pas une excuse pour tâtonner mes salutations. Au moins maintenant, je peux enfin faire une pause.
Mais alors qu’il pensait ça...
Merci pour le chapitre?
Merci pour le chapitre!