Chapitre 1 : Faire des emplettes avec Mme l’Elfe
Table des matières
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Chapitre 1 : Faire des emplettes avec Mme l’Elfe
Partie 1
Lentement, je m’étais réveillé. J’étais dans la pièce habituelle, à l’endroit habituel, dans le Japon habituel. La lumière du soleil filtrait à travers les rideaux, et je pouvais entendre le faible bruit du vent à l’extérieur. Les oiseaux gazouillaient pour accueillir le matin, annonçant le début d’une nouvelle journée. J’avais jeté un coup d’œil au réveil pour voir qu’il était huit heures du matin. J’avais l’impression d’avoir dormi un peu plus tard que d’habitude. Je bâillai en pensant que j’avais fait un autre beau rêve la nuit dernière. Oui, tous les événements et toutes les conversations qui s’étaient produits plus tôt étaient contenus dans mon rêve. C’était si réaliste, et l’elfe à moitié fée était si mignonne, que j’attendais toujours avec impatience mes rêves dans un conte de fées. Mais cet endroit, le Japon, m’attendait toujours au réveil, ce qui m’avait laissé un peu de mélancolie.
« Je ne travaille pas aujourd’hui. J’aurais pu dormir un peu plus longtemps. »
J’avais déplacé les couvertures en murmurant, posant mes pieds sur le plancher qui était frais comme c’était le début du printemps. Depuis que j’étais jeune, j’avais toujours eu hâte de réaliser mes rêves. Je pouvais profiter du monde fantastique que j’aimais tant quand je le voulais, alors il était facile de comprendre pourquoi je voulais toujours quitter le travail le plus tôt possible, même si j’étais salarié. Mais, bien sûr, je ne pouvais pas dire à mon patron que c’était parce que je voulais retourner à mes rêves.
« Hm, quel beau rêve ! »
Oh, ce n’était pas moi qui viens de parler. Je m’étais retourné pour voir deux mains tendues sortir de la couverture. La silhouette s’était ensuite redressée, révélant une fille aux cheveux blancs. Ses vêtements de nuit en soie s’étaient transformés en pyjamas duveteux, ses longues oreilles sortant à travers ses cheveux légèrement ébouriffés. Mariabelle l’elfe et la demi-fée. La fille avec qui je marchais dans mes rêves s’était aussi réveillée ici à Tokyo. Elle avait repoussé la couverture sur le côté, sautillant avec légèreté sur ses pieds comme pour montrer à quel point elle était éveillée. Elle avait ensuite réajusté la couverture et son oreiller et s’était rapidement approchée de moi.
« C’était un autre rêve amusant. Et demain, nous attaquerons l’ancien donjon scellé depuis plusieurs milliers d’années. Je suis sûre qu’il regorgera de trésors. Ohh, et si je ne peux pas dormir à cause de toute cette excitation, que vais-je faire ? Héhé, c’est comme un rêve devenu réalité, » déclara Marie.
La fille qui parlait joyeusement devant moi était beaucoup plus petite que dans mes rêves. Ce n’était pas qu’elle était devenue plus petite, mais plutôt que j’étais devenu plus grand… ou, plutôt, que j’étais revenu à ma taille initiale. Pour une raison inconnue, je vieillissais plus lentement dans l’autre monde. Il était certain que tout ce qui s’était passé auparavant s’était passé dans mes rêves. Mais en cours de route, j’avais découvert que le monde du rêve existait vraiment. Je crois que tout avait commencé quand je m’étais réveillé avec cette elfe un jour. Mais je ne savais toujours pas pourquoi tout cela était possible.
« Bonjour, Marie. En parlant de rêves, tu te souviens des feuilles de thé d’Arilai ? Ceux que Zera nous a donnés, » demandai-je.
« Oh, j’avais complètement oublié. Mais nous avons prévu de manger dans ce monde, alors nous prendrons ce thé demain après avoir dormi, n’est-ce pas ? » Mariabelle inclina la tête avec une expression confuse quand elle répondit. Elle n’avait toujours pas remarqué. J’avais tourné à droite et changé de direction, puis j’avais marché vers le lit en me prélassant au soleil du matin. Puis j’avais pointé du doigt l’objet sur le support à la base de mon oreiller.
« Regarde ça. Qu’est-ce que c’est que ça ? » demandai-je.
« Hein… ? Oh ! Pourquoi y a-t-il des feuilles de thé d’Arilai ici ? » J’aurais aimé pouvoir jouer l’effet sonore ding ding ding ding ! en réponse à la bonne réponse qu’elle avait donnée. L’ouverture était étroite comme une bouteille de lait, et il y avait un morceau de bois mou comme du liège qui servait de bouchon. Il avait été emballé avec un morceau de ficelle enroulé. Ainsi, il n’y avait aucun besoin de s’inquiéter au sujet de renverser son contenu. Il avait une conception très inégale et grumeleuse que l’on ne trouvait pas dans les articles modernes, ce qui indiquait que quelqu’un les avait tous faits à la main. En tout cas, pourquoi quelque chose de nos rêves était-il ici ? J’avais décidé d’expliquer à la fille aux yeux violets ronds devant moi.
« Comme tu le sais, nous ne pouvons apporter que de la nourriture et des boissons, comme le bento, dans le monde du rêve. J’ai fini par expérimenter un peu et j’ai découvert que je pouvais ramener quelque chose de là-bas, » déclarai-je.
« Quoi... Quoi ? Ce n’est pas possible… ! » Marie secoua la tête, les nouvelles lui tombèrent dessus. Elle avait saisi le sommet de son pyjama, alors que ses pantoufles à oreilles de lapin se tournèrent l’une vers l’autre.
« Oh ! Mais c’est possible. Cela signifie qu’à partir de maintenant, nous pouvons apporter des produits de luxe de la plus haute qualité dans ce monde sans dépenser un seul yen ! » déclarai-je.
« Superrrrr ! » Elle avait fait un petit saut en faisant fi de toutes les bonnes manières. Mais j’avais pensé que c’était compréhensible pour elle d’être si heureuse. Arilai produisait des feuilles de thé de haute qualité, même selon les standards du monde moderne, et nous avions souvent apprécié leur parfum incroyable. Même l’elfe très disciplinée ne pouvait pas attendre l’heure du thé, et elle se mit à s’occuper des préparatifs. J’étais également ravi de penser que nous l’avions obtenu gratuitement. L’argent était aussi important à avoir dans l’autre monde, mais j’étais content d’y avoir le strict minimum. Je veux dire, je ne voudrais pas aussi devoir travailler dans mes rêves. « Hehe, je me sens chanceuse même après m’être réveillée. Viens, on va préparer du thé. Je suis sûre que ça va être délicieux. »
« Ça a l’air bien. Le parfum est très fort, donc il serait peut-être bon de faire quelques ajustements, » déclarai-je.
« Hmhm, je ne peux pas attendre ! Oh, je sais. Si on veut porter un toast avec, essayons ce truc qu’on a acheté l’autre jour. Tu sais, ces fruits mijotés dans le sucre. » Ah, elle voulait parler de la confiture. C’était quelque chose que l’on pouvait trouver dans à peu près n’importe quel magasin, mais pour elle, c’était quelque chose de complètement différent. Le sucre était probablement très cher dans le passé, et dans le monde fantastique que j’aime…
« La nourriture a un goût horrible. Je vois maintenant que les assaisonnements et les préparations sont loin d’être suffisants. Il n’y a pratiquement pas de sucre, de sel ou d’épices. » Marie avait parlé avec une expression sérieuse, comme si elle évaluait des documents. J’avais pu voir qu’elle s’était habituée à cette pièce à la façon dont elle avait ouvert le sac de pain et placé du pain dans le grille-pain. Elle avait ouvert le réfrigérateur pour trouver de la confiture de fraises qui l’attendait. Voyant la jolie petite illustration imprimée sur le pot, elle sourit et la prit dans sa main.
« Nous avons beaucoup d’assaisonnements maintenant, mais cuisiner dans l’autre monde représente beaucoup de travail. Ils pensent probablement que c’est bien tant qu’ils reçoivent les nutriments nécessaires, » déclarai-je.
« Faux. Ils ignorent tout simplement ce qu’est une nourriture délicieuse. À titre d’exemple, je ne serais jamais devenue aussi bête avec la nourriture si je ne t’avais jamais rencontrée. » La fille avait soufflé dans ses joues avec la bouteille de confiture à la main pendant qu’elle fermait le réfrigérateur. Elle avait alors remarqué que je m’apprêtais à cuisiner quelque chose et m’avait regardé avec curiosité.
« Oh, une petite… poêle à frire ? » demanda Marie.
« C’est une casserole que j’ai achetée il y a longtemps et que j’ai oubliée. J’étais un peu trop excité quand j’ai commencé à vivre seul, » répondis-je.
Il n’était pas rare pour moi d’utiliser quelque chose deux ou trois fois, puis d’oublier complètement qu’il était dans l’une de mes étagères. La petite casserole sur la cuisinière faisait bouillir de l’eau. Puis, j’avais mis une cuillerée de feuilles de thé dans la casserole, dispersant un arôme fleuri dans l’air. J’avais ensuite mis le couvercle sur le dessus pour sceller le parfum et le laisser mijoter un moment. J’avais ajouté du lait dans ça, faisant passer le liquide de l’ambre à une couleur crémeuse.
« Il ne me reste plus qu’à filtrer les feuilles de thé, et… oh, je n’ai pas de passoire. Je suppose que je pourrais juste utiliser le kyusu. » Insouciant, j’avais transféré le contenu de la casserole dans une théière de kyusu et l’avais versé dans des tasses. Cela n’avait pas affecté la saveur, donc je ne voyais aucune raison d’en faire tout un plat pour les petits détails. De plus, le mécanisme de tension d’un kyusu avait été très bien pensé. Le toast semblait prêt aussi, et la jeune fille préparait activement la table. J’avais placé les tasses que j’avais aussi préparées, et notre petit déjeuner d’une splendeur ambiguë était complet.
« C’est dommage qu’on se soit réveillés de notre rêve. On s’amusait tellement à profiter du luxe, » avais-je dit à la jeune fille alors que je m’asseyais, et elle avait cligné des yeux avec une expression perplexe, assiette à la main. Après un certain temps, elle avait finalement parlé à nouveau.
« Ne t’en rends-tu vraiment pas compte ? Eh bien, je suppose qu’il serait difficile de le remarquer quand on a l’habitude de vivre ici. En tout cas, mangeons, » déclara Marie.
« Hein ? Ok, itadakimasu, » déclarai-je.
À un moment donné, nous avions pris l’habitude de mettre nos mains ensemble et de dire ce salut avant chaque repas. Marie répéta la même phrase japonaise, puis prit sa tasse à thé. Ses lèvres étaient vives, même sans maquillage, et elles avaient une sorte d’éclat. Elle semblait un peu sensible à la chaleur. Sa peau pâle faisait ressortir ses lèvres comme des fleurs quand elle soufflait sur son thé pour essayer de le refroidir. Le contenant de sucre à côté de la table était quelque chose que nous avions acheté ensemble sur un coup de tête. Elle aimait les choses parfumées comme le thé, et nous recevions de plus en plus d’articles liés à ce genre de style de vie. J’avais trouvé ça génial. C’était amusant de la voir développer une routine quotidienne, prendre de petits bibelots qu’elle aimait, préparer du thé le matin et prendre l’habitude de dire des salutations comme itadakimasu. En y pensant, mes tâches quotidiennes avant de la rencontrer consistaient à « préparer le bento et aller au lit ». Mais je m’étais dit que manger et dormir ne seraient pas vraiment des tâches quotidiennes.
Marie avait bu une gorgée de son verre blanc laiteux, et ses lèvres se recourbèrent en un sourire. Les feuilles de thé s’étaient entièrement transférées dans l’eau chaude, et le lait avait adouci la saveur. Le lait avait également servi à adoucir le parfum, ce qui était parfait pour les feuilles de thé très odorantes d’Arilai. J’avais entendu le bruit des pantoufles qui tombaient contre le sol et j’avais entendu la voix aiguë de Marie.
« Hmm… Si sucré et délicieux ! Ça ne marchera pas. Une elfe ne devrait pas être habituée à un tel luxe. Ohh, mais je n’y peux rien. Je ne peux pas retourner à une vie modeste dans la nature maintenant. » Elle avait ridé ses sourcils comme si c’était presque trop. Elle était mignonne alors qu’elle secouait la tête dans le déni de son style de vie original. Puis, elle posa sa tasse et prit le pot qu’elle avait acheté la dernière fois. La confiture de fraises avait été mijotée dans du sucre, et il y avait encore de petits restes de graines dedans. Elle l’avait recueilli avec une cuillère et l’avait étalée sur des toasts beurrés. Ses lèvres s’étaient séparées, puis elle avait mordu le bord du toast. Elle s’était immédiatement mise à se tortiller.
« Ah, si doux ! Mmm, délicieux ! Wôw, c’est réduit en pulpe, mais ça garde toujours la saveur aigre-douce du fruit. Kazuhiho, on avait raison d’acheter ça. Je commence à réaliser que les produits qui ont beaucoup de stock sur les étagères ont tendance à être vraiment bons. Je suis sûre qu’il y a des fans très dévoués pour ça. » Ses joues étaient enflammées d’excitation, et elle expliqua qu’elle venait de découvrir un grand trésor. Puis, elle avait fait la plus grande découverte du petit déjeuner d’aujourd’hui. Lorsqu’elle prit une gorgée de thé avec du pain dans la bouche, le morceau de pain, la douceur de la confiture et la riche saveur du beurre semblaient dépasser ses papilles.
Derrière Marie se trouvait la vue de la ville pleine de béton, connue sous le nom de Koto Ward. J’avais toujours regardé la vue sans réfléchir, c’était donc intéressant de voir Mme l’Elfe là, les yeux fermés et faisant une grimace comme si elle lâchait un cri silencieux. C’était comme si le monde fantastique était venu au Japon, et même le béton inorganique semblait être plein de vie aujourd’hui.
« Quoi, hey, c’est… ! » Elle jeta un coup d’œil dans les deux sens entre le pain et le thé, le doigt pointé vers chacun d’eux d’un air agité. Je n’avais pas pu m’empêcher de sourire, puis de rire à haute voix avec des toasts encore à la main.
« Comment peux-tu regarder une fille et rire comme ça !? Hmph, je vois que tu essayes de faire oublier sa discipline à cette pauvre elfe en la gâtant avec du luxe. » J’avais eu l’impression qu’elle l’avait déjà oublié il y a longtemps…
« Désolé, ce n’était pas mon intention. Si ça ne te dérange pas, pourrais-tu me passer un peu de cette confiture approuvée par les Elfes ? » demandai-je.
« D’accord, mais fais attention. C’est très sucré, et vraiment délicieux malgré son apparence trompeuse. Si tu en utilises trop, tu risques de crier. » Elle m’avait passé la confiture, et je l’avais prise dans ma main. Mais Marie ne lâcha pas prise, et je la regardais avec des yeux ronds à tour de rôle. « C’est une bonne occasion d’en parler. Je pense que le Japon est très extravagant. C’est plein de nourriture délicieuse, d’amusement, et de choses que je ne connais toujours pas. Donc, je ne veux pas que tu t’excuses. En fait, je veux te remercier. » Elle me sourit en me demandant si je comprenais, rétroéclairée par le soleil du matin. Il y avait encore des miettes de pain sur ses lèvres, et on pouvait entendre des oiseaux gazouiller à l’extérieur de la fenêtre.
Comme c’est étrange. Cela m’avait fait penser que peut-être ce monde, que j’avais un jour considéré comme complètement inintéressant, était après tout en fait un endroit amusant et étonnant. Peut-être que j’étais en train de m’éloigner du sujet. Elle attendait apparemment une réponse, car elle m’avait poussé sous la table avec ses pantoufles lapin. J’avais hoché la tête.
« C’est bien, et je suis content. Je veux que tu en profites autant que possible, » déclarai-je.
« Ça ne me dérange pas si je le fais. Maintenant, mangeons. Le délicieux pain va refroidir, » déclara Marie.
Elle avait finalement libéré le pot de confiture, et je l’avais reçue avec précaution. J’avais ouvert le couvercle et senti l’arôme sucré des fraises, et j’avais l’impression qu’il allait être absolument délicieux.
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Partie 2
J’avais placé mes bras sur la clôture brune et j’avais regardé le paysage environnant. Le ciel avait encore des vestiges de ses couleurs du matin, et il allait bientôt se transformer en un beau bleu. La rivière qui coulait devant moi était illuminée par le soleil de printemps, teignant les rangées d’arbres avec des cerisiers récemment tombés en fleurs. Le son de la rivière qui coulait différait en quelque sorte de celui de son homologue dans le monde onirique. C’était probablement parce qu’ils avaient été construits avec du béton ici, et qu’il n’y avait pas des rochers pour que l’eau puisse les atteindre. J’avais toujours adoré la nature débridée du monde fantastique, et j’avais vraiment aimé profiter du paysage pendant que je passais mon temps à pêcher. Quant à la jeune fille, elle s’était changée avec une robe d’une seule pièce à lacets pour sortir et elle était accroupie pour une raison quelconque. En regardant de plus près, j’avais réalisé qu’il y avait un chat avec des rayures tigrées qui se tortillaient sur le sol. Les tresses de la fille vacillaient en même temps, et le chat tendait ses deux pattes vers elles.
« Oh, mon Dieu, regarde-toi. Ton ventre est si rond. Ça doit être plein de nourriture savoureuse, hein ? Je t’envie ! »
Le chat ronronnait de façon audible pendant qu’il continuait à se tortiller, comme s’il était sur le point de rire à haute voix. Ils continuèrent ainsi pendant un certain temps, mais le chat sembla satisfait au bout d’un certain temps et se leva, puis se mit à miauler comme pour la remercier. Marie fit signe d’au revoir, puis ils s’étaient séparés pour profiter de leurs jours de congé respectifs. Et ainsi, le chat était retourné à sa promenade. La fille s’était approchée de moi, n’essayant même pas de cacher son sourire comme si elle disait, « Si adorable ». J’avais tendu la main, qu’elle avait légèrement serrée, et j’avais commencé à marcher le long du lit de la rivière avec l’elfe qui ronronnait.
« On dirait que tu t’entends bien avec ce chat. Et au fait, ta coupe de cheveux te va bien, » déclarai-je.
« Hehe, merci. Je n’ai jamais vraiment fait trop attention à mes cheveux, mais tout le monde a une coiffure différente dans ce pays. J’ai pensé que j’allais aussi essayer de changer les choses. » Elle agitait ses deux tresses quand elle l’avait dit. Ses longues oreilles d’elfe caractéristiques étaient actuellement cachées avec l’objet magique que Wridra nous avait donné. Grâce à cela, Marie avait pu profiter de la mode en essayant différentes coiffures. « Je vais devoir remercier Wridra. Je suis un peu surprise, cependant. J’ai pensé qu’elle voudrait venir au Japon avec nous. »
« Elle a dit qu’elle voulait observer le camp ce soir. Ils devaient expliquer le plan de descente dans le donjon à la réunion de nuit, » répondis-je.
Elle avait fait un bruit sans engagement, et elle semblait avoir encore quelques doutes en penchant la tête. Je sentais que son instinct était juste. Wridra ne l’avait pas dit tout de suite, mais elle avait probablement décidé de ne pas venir ici par courtoisie pour nous. Je me souvenais encore très bien du profil latéral de son visage la nuit précédente. Son expression m’avait dit qu’elle voulait venir jouer avec nous, mais qu’elle avait abandonné l’idée à contrecœur. En y repensant, c’était peut-être une femme de cœur. Mais vu qu’elle m’avait tué immédiatement après notre première rencontre, je ne pouvais donc pas en dire grand-chose.
« En parlant de ça, j’ai été surpris quand tu as choisi Travail d’Équipe pour tes compétences secondaires, » Marie cligna des yeux en réponse. Ce jour-là, le bâton créé avec l’écaille de la Magi-Drake et Neko lui avait conféré une compétence secondaire, qui était différente des compétences primaires. Marie avait ainsi acquis un créneau de compétence supplémentaire, et elle avait choisi Travail d’Équipe sans hésitation.
« Bien sûr que oui. Je suis un sorcier spirituel, et quand je me suis battue à tes côtés une fois, il est devenu douloureusement évident que je devrais apprendre à mieux utiliser la magie spirituelle, » déclara-t-elle.
« Cette fois-là ? Oh, quand on a combattu ces bandits. Maintenant que tu le dis, tu faisais de la magie avec ces esprits. » Elle contrôlait plusieurs esprits à l’époque pour coincer un monstre dont on estimait qu’il se situait autour du niveau 100. Je me doutais que personne d’autre ne pouvait faire ça.
« Il va falloir qu’on pense à mieux se coordonner à partir de maintenant, n’est-ce pas ? Pour ce faire, nous devrons oublier les méthodes conventionnelles et tirer le meilleur parti de notre avantage d’avoir une sorcière spirituelle dans l’équipe. Plus précisément, non pas avec une magie destructrice qui a une zone d’effet élevée, mais avec des sorts qui nous permettront de manœuvrer plus efficacement, » déclara Marie.
« Hmm… Je ne vois pas où tu veux en venir, mais coordonner avec toi semble amusant. Tu as beaucoup plus d’options disponibles que la plupart, » déclarai-je.
Marie avait fièrement gonflé sa poitrine. Marie avait, en fait, plus de deux fois plus d’options dans une situation donnée que d’autres sorciers. Pour être plus précis, je faisais référence au large éventail de sorts offensifs et de magie spirituelle qu’elle pouvait utiliser lorsque la situation l’exigeait. Je me doutais qu’elle serait capable de faire preuve de beaucoup de prouesses tant qu’elle aurait eu le temps de se préparer.
« Mais nous avancerons constamment dans le donjon, donc nous n’aurons peut-être pas le temps de nous préparer pour la plupart. Comme dans un hall fermé par une porte. Je devrais peut-être gagner du temps dans de tels cas, » déclarai-je.
« Oh, j’y pensais aussi. Tu es doué pour manœuvrer sans subir de dégâts, alors je pense que nous formons une bonne équipe, » déclara Marie.
J’avais hâte d’y être. Ce sentiment m’avait rappelé ce que je ressentais quand je jouais à des jeux. Personnaliser les compétences et se spécialiser afin d’éliminer efficacement les ennemis. Même si j’avais échoué au début, il n’y avait rien de mieux que de surmonter l’obstacle en s’adaptant et en s’améliorant avec le temps. Je perdais le sommeil — ou plutôt, j’étais déjà endormi, et je me retrouvais complètement absorbé par le processus. Et contrairement aux études avec un test de contrôle, les résultats allaient arriver immédiatement. La jeune fille semblait partager mon sentiment, ses yeux scintillaient comme des pierres précieuses.
« Ahhhh, je ne peux pas attendre ! Et avec Wridra avec nous, il n’y a aucun risque de perdre. Cela signifie que nous pouvons expérimenter avec des essais et des erreurs autant que nous le voulons ! » On s’était regardés et on avait ricané malicieusement.
« Comme tu es méchante, Mlle l’Elfe, » déclarai-je.
« Oh, mais je ne suis rien comparée à toi. Tu es bien pire, vu que ton visage a l’air inoffensif, » répliqua Marie.
Avec ça, elle avait cogné son postérieur contre moi sur le côté. Pendant que nous continuions à déconner, les portes automatiques du supermarché local s’ouvrirent.
La jeune fille avait regardé des carottes dans un sac d’épicerie d’un air critique en disant. « Hmm… » Elle l’avait retournée pour regarder le prix et l’avait remuée un peu plus. À en juger par l’expression de son visage, il semblait qu’elle n’était pas seulement intriguée par le sac transparent qui l’entourait. Devant elle, il y avait une photo d’agriculteurs, avec la légende. « Ceci a été cultivé par nous. » En dessous, il y avait des détails sur la façon dont ils exploitaient une ferme dans la ville. Je l’avais traduit pour elle en elfique, et elle avait fait un autre bruit pesant.
Il y avait une raison pour laquelle nous étions au supermarché ce matin-là. C’était mon jour de congé, alors je voulais le passer en loisirs. Je lui avais demandé si elle voulait cuisiner avec moi, et elle m’avait immédiatement répondu. « Bien sûr ! » Elle m’avait souvent posé des questions sur des recettes dans le passé, alors j’avais pensé qu’elle s’intéressait à la cuisine, mais elle semblait plus enthousiaste que je ne le pensais. J’avais donc décidé qu’elle devait commencer par essayer quelque chose de simple.
« OK, j’ai décidé. Aujourd’hui, je vais cuisiner cette carotte cultivée par ce Sato. Maintenant, pour choisir des pommes de terre, » annonça Marie.
Les carottes étaient entrées dans le panier avec la photo des fermiers souriants en arrière-plan. Il n’y avait pas encore beaucoup de monde, mais beaucoup de regards étaient tournés vers la jeune elfe avec son air mystique qui l’entourait. Je pouvais voir plusieurs employés à l’arrière en train de dire. « As-tu vu cette jolie fille ? » J’avais souri et je n’avais pas vraiment trouvé que c’était une cause d’inquiétude. Bien qu’ils aient jeté un coup d’œil nonchalamment, ils n’étaient jamais venus nous déranger. Cela m’avait fait réaliser à quel point les Japonais étaient réservés, ou plutôt supposés, dévoués au service. Pendant que j’y réfléchissais, Marie se retourna pour me regarder.
« Kazuhiho, est-ce qu’on a eu tous les légumes dont on a besoin ? » demanda Marie.
« Ouais, maintenant on a juste besoin de la viande et du roux. » Elle avait répondu par un « OK », puis avait saisi le chariot et avait continué à travers le magasin bien éclairé. Ses yeux regardaient autour d’elle, la musique jouant dans tout le magasin et toutes les enseignes vives tapissant les allées. J’avais continué à la suivre, sans me préoccuper quand elle s’arrêtait de temps en temps pour regarder quelque chose qui l’intéressait. Marie fixa un sac plein de « hanpen [1] » blanc avec une expression perplexe quand elle demanda,
« Alors, à propos de ce truc au curry. Qu’est-ce qu’il y a de différent avec celui que tu as fait avant ? »
« Eh bien, celui-là était avec du curry traditionnel, et celui-ci est plus de style japonais. Il a été raffiné pour qu’il soit bon marché, facile et savoureux. » Marie inclina la tête, faisant un bruit sans engagement. Elle ne connaissait pas la différence entre le curry traditionnel et le curry japonais. En fait, je me demandais pourquoi le Japon était si obsédé par le raffinement et l’amélioration de tout. Il va de soi que les aliments avaient meilleur goût que l’original et, dans certains cas, ils finissent par être importés dans l’autre sens. C’était comme les fruits à teneur en sucre ridiculement élevée, par exemple. « En parlant de raffinage, le bœuf est un bon exemple. Ça s’appelle le wagyu, et c’est tellement délicieux que j’ai entendu dire qu’il gagne beaucoup de popularité à l’étranger. »
« Wa-gyu... » Elle prononça maladroitement le terme peu familier, et ses yeux pourpres pâles se tournèrent lentement vers les étagères. C’était la section de la viande, qui était pleine de paquets de wagyus. N’importe qui pouvait dire d’un coup d’œil que le wagyu était à un niveau différent de celui des autres biftecks marbrés.
« Il a l’air délicieux… Ah, c’est cher ! » s’exclama Marie.
« Oui, malheureusement, le prix correspond à la saveur. Hein, je suppose que tu as déjà acquis un sens des finances. » Je lui avais dit que je lui ferais plaisir un jour spécial, mais ses tresses tremblaient d’un côté à l’autre quand elle me regardait.
« N-Non, merci… Je ne pense pas que je pourrais apprécier le goût en paix. Alors, quelle viande utilise-t-on pour le curry ? » demanda Marie.
« On va le faire mijoter pendant un moment, de toute façon, alors on peut avoir quelque chose de bon marché. Prenons cette viande hachée pour aujourd’hui. » J’en avais montré un autre, et elle avait poussé un soupir de soulagement. Maintenant que j’y pense, elle et moi avions le même sens des finances, j’avais supposé qu’elle avait la sensibilité d’un roturier comme moi. Il nous fallait juste du curry roux et des ingrédients pour notre bento.
Notes
- 1Le hanpen (半片) est un pâté de poisson très léger consommé au Japon, apparenté au surimi. Constitué de chair de poisson écrasée et d’amidon d’igname, il se présente sous la forme de triangles blancs à la texture moelleuse, presque spongieuse, et au goût doux.
***
Partie 3
Avec notre modeste butin dans notre panier, nous nous étions dirigés vers la caissière. La dame à la caisse semblait un peu troublée alors que Marie fixait de ses yeux violets le lecteur à code barres, apparemment curieuse de savoir comment les codes à barres fonctionnaient. Après avoir fait plusieurs erreurs de saisie, elle avait fini par nous appeler. Ce qui m’avait le plus surpris, c’est que la dame s’était mise à courir avant de revenir puis elle nous avait ensuite remis des bonbons à Marie.
« Elle a dit que c’était un cadeau pour toi. C’est un en-cas savoureux, » déclarai-je.
« Oh, merci, vous. Le magasin était très, très propre. » Elle avait un peu trébuché en parlant en japonais, et les spectateurs autour de nous avaient réagi avec un « Oooh ». La caissière sourit joyeusement en entendant la réponse de Marie et se remit au travail.
C’était ainsi que la première fois que Marie avait fait son épicerie s’était avérée être un événement réconfortant, sans incident. Le ciel était plus lumineux qu’avant quand nous étions sortis, avec plus de voitures qui circulaient.
« Oh ? Je croyais qu’on avait fini les courses ? » Marie m’avait demandé cela quand je m’étais arrêté devant le dépanneur. Il était bien éclairé pour accueillir les clients, et l’intérieur aurait pu donner un coup de pouce au ciel bleu.
« Dans ce pays, il y a une règle qui dit qu’il faut récompenser les gens qui vont faire du shopping avec toi. Tout comme les bonbons que cette dame t’a donnés, » déclarai-je.
« Mon Dieu, c’est merveilleux. Alors, est-ce que cet endroit a ces récompenses dont tu parles ? » demanda Marie.
On pourrait certainement dire cela. Il y avait toutes sortes de marchandises disponibles ici, et c’était aussi un endroit extrêmement commode pour les gens du pays. J’étais allé directement à la caisse et j’avais commandé une glace à la vanille. Puis, je l’avais rapidement changé en deux commandes, parce que je savais que je deviendrais envieux quand j’aurais vu à quel point Marie appréciait sa crème glacée. Avec deux cornets de crème glacée à la main, j’étais sorti. J’avais débattu de l’endroit où le manger, mais j’avais décidé de ne pas tenir compte des bonnes manières et de manger en me promenant. J’avais donné son cône à Marie, et elle m’avait jeté un regard déconcerté.
« Peux-tu m’apprendre à manger ça ? Te connaissant, je suis sûre que c’est délicieux, » déclara Marie.
« Tu as raison à ce sujet. Tu peux soit mordre directement dedans, soit le lécher. » Je l’avais démontré en léchant ma propre glace, puis la fille avait rapproché ses lèvres de la sienne. Hésitante, elle avait ramassé un morceau de glace blanche avec sa langue. Il avait une nuance de jaune, ce qui semblait indiquer la richesse de sa saveur. Sa structure ondulée fondait sur la langue et elle s’était dissoute en un délice laiteux. La vanille était ma saveur de glace préférée, avec sa simplicité qui faisait apprécier d’autant plus la richesse de la saveur. Ce dépanneur offrait une excellente crème glacée, et il était difficile de croire qu’une gâterie aussi délicieuse était facilement disponible au coin de la rue. La jeune fille avait arrêté de marcher, et elle avait avalé une bouchée de crème glacée avant de donner son impression.
« Ah… ! S-Si sucrée, délicieux… Tu m’as fait baisser ma garde en me disant que c’était juste une récompense pour aller faire du shopping avec toi ! » Ses mots impliquaient qu’elle était bouleversée, mais elle avait une expression étrange sur son visage, avec des joues rouges et un émerveillement dans les yeux. Oui, les femmes étaient définitivement les plus mignonnes quand elles mangeaient des aliments savoureux ou sucrés.
« Referas-tu du shopping avec moi s’il y a d’autres friandises comme ça qui t’attendent ? » demandai-je.
« J’aime faire du shopping. Ça ne me dérangerait pas s’il n’y avait pas de récompense, mais… oh, ce n’est pas grave. Tu dois tenir tes promesses et il est important d’avoir des récompenses. Je ne veux pas paraître dur, mais c’est normal en échange du travail. » Elle m’avait regardé avec un regard comme pour me demander. « Compris ? » J’avais hoché la tête en réponse, et nous étions lentement rentrés à la maison. De retour dans ma chambre, la jeune fille avait continué à m’informer sur la délicatesse de la crème glacée.
Comme prévu. J’étais vraiment content d’avoir fini par lui en acheter. Maintenant, passons à la cuisine.
Je cuisinais habituellement le soir, mais le faire pendant qu’il faisait encore clair était un changement de rythme rafraîchissant. La fille à côté de moi avait un morceau de tissu autour de la tête, dont l’image rappelait les cours d’économie domestique. Cependant, ses longues oreilles pointées droit vers le haut l’avaient trahie en tant qu’elfe, et j’étais trop vieux pour revivre mes années d’école primaire. Il y avait un regard déterminé sur son visage alors qu’elle attachait les ficelles de son tablier.
« D’accord, lavons-les dans l’ordre. Ensuite, on enlèvera la peau et on les coupera en morceaux. Cette partie n’est pas trop différente de ce que nous faisons dans l’autre monde. » Marie regardait les pommes de terre avec un regard critique alors que je l’expliquais, puis elle m’avait répondu. « J’ai compris, » en ouvrant le robinet. Je m’inquiétais pour elle au début, mais il semblait qu’elle s’habituait aux appareils modernes avec le temps.
Je m’inquiétais particulièrement du fait qu’elle utilisait des couteaux de cuisine, mais elle cuisinait toujours pour elle-même, donc cela ne semblait pas être un problème. Pourtant, c’était de toute façon dans ma nature de m’inquiéter pour elle. Je veux dire, n’importe qui ressentirait la même chose quand il était avec une fille comme elle.
« Tu es un peu trop protecteur. Quand réaliseras-tu que je ne suis plus une enfant ? » demanda Marie.
« Je le sais déjà, bien sûr. Oh, tu devrais t’assurer que la lame ne soit pas pointée vers tes doigts. Comme ceci, » déclara-je.
« Comme je te l’ai déjà dit, je suis beaucoup plus âgée que toi, et une sorcière spirituelle très compétente… Ah, mon œil. Je dois poser le couteau… Waaaah, aide-moi, Kazuhiho ! » Ah, donc la grande sorcière spirituelle avait besoin d’aide. Des larmes avaient commencé à couler le long de son visage quand les oignons avaient irrité ses yeux. J’avais rapidement pris le couteau de ses mains dans l’agitation et j’avais commencé à préparer le repas à la place. Je l’entendais se moucher derrière moi. Elle avait reniflé, avec du rouge autour des yeux. En la voyant ainsi, j’avais du mal à croire qu’elle avait plus de cent ans. Vu sa personnalité droite, je doutais qu’elle mente sur son âge. C’était un peu troublant de constater qu’elle avait acquis une certaine méfiance pour les oignons à cause de cet incident. La voir faire les cent pas autour de l’oignon tout en gardant une certaine distance m’avait aussi rappelé le comportement d’une enfant.
« Qu’est-ce que tu veux faire ? Dois-je le couper ? » demandai-je.
« J’aimerais apprendre à cuisiner, mais malheureusement, je vais devoir passer sur les oignons. Je suppose que les Elfes n’aiment pas les oignons en général. Nous ne sommes probablement pas compatibles. » Ouais, les humains n’étaient probablement pas non plus compatibles avec le jus d’oignon dans leurs yeux. Cependant, vous pourriez éviter cela en tenant le couteau en biais pour que les jus s’envolent loin des yeux. Je lui avais donné de tels conseils au fur et à mesure que nous nous préparions pour le repas. Après avoir coupé les ingrédients en bouchées, Marie m’avait regardé, comme pour me demander si tout allait bien. Chaque fois qu’elle l’avait fait, j’avais répondu avec quelques conseils simples, et la passoire s’était remplie de légumes. Le ventilateur d’aération avait tourné bruyamment pendant que nous faisions cuire les légumes dans une grande casserole. Ensuite, nous avions ajouté un peu d’eau et écrémé la mousse… bien qu’il n’ait pas semblé nécessaire d’expliquer tout cela.
« Les ingrédients sont presque cuits, alors ajoutons le roux que nous avons acheté. » La jeune fille avait commencé à briser le roux avec ses ongles et avait mis les morceaux dans un grand pot avec un regard sérieux sur son visage. Si elle avait porté une tenue différente, elle aurait pu avoir l’air d’être en train de faire de l’alchimie. Lorsqu’elle avait commencé à mélanger le roux avec une louche, la cuisine s’était remplie d’un parfum plus doux que celui du curry traditionnel. Je pouvais voir le nez de Marie renifler l’air, semblant apprécier l’arôme unique et légèrement épicé. Ainsi, la cuisine de Mademoiselle l’Elfe était terminée.
« Ah… Ça sent si bon… Ça me donne faim… Attends, est-ce déjà prêt !? » demanda Marie.
« Ouais, c’est prêt. Après tout, le curry japonais a été créé dans un souci de commodité et de délicatesse. Non pas que le curry traditionnel soit trop difficile à faire non plus. » Même le curry traditionnel que j’avais préparé il y a peu de temps ne prenait pas trop de temps. Il avait fallu un certain effort pour extraire la douceur des tomates ou ajuster les niveaux d’épices, mais la cuisson pouvait se faire au moment où Marie avait fini de prendre son bain. Les plats populaires avaient tendance à devenir plus pratiques avec le temps.
« Hm, je comprends ça. Ils essaient aussi d’éviter autant de tracas que possible dans l’autre monde, mais je pense qu’ils sacrifient la saveur dans le processus, » déclara Marie.
« Je suis d’accord. On dirait que là-bas, ils se fichent de la nourriture tant qu’elle est comestible, » répondis-je.
« Ces gens sont juste paresseux. Ils pensent que chauffer les ingrédients est tout ce qu’il y a faire pour cuisiner. Attends… J’ai l’impression que c’est tout ce qu’on avait à faire pour ce curry. » Elle avait l’air perplexe quand des points d’interrogation étaient apparus au-dessus de sa tête, mais elle avait raison. C’était à peu près tout ce qu’il y avait dans le processus de cuisson. Mais si je devais deviner, l’environnement dans lequel les ingrédients avariés étaient la norme était plus à blâmer. Le monde fantastique était génial, mais c’était terrible aussi pour la conservation des aliments. Les gens n’avaient aucun intérêt à améliorer la variété de la nourriture alors ils avaient un goût curieusement dur et peu appétissant.
Un bip signala que le riz avait fini de cuire et Marie sortit de ses pensées. Puis, je lui avais fait goûter le curry sur un petit plat, et ses yeux pourpres s’étaient élargis.
« Wôw, c’est doux ! Je pensais que c’était le même curry que la dernière fois, mais… Mmm, l’arrière-goût est si réconfortant…, » déclara Marie.
« Je crois que ce genre d’arôme doux est une marque de commerce de la cuisine japonaise. Très bien, c’est prêt, » déclarai-je.
Nous avions tapé dans la main de l’autre et ainsi, notre premier projet de cuisine ensemble était terminé. J’avais regardé l’horloge pour remarquer qu’elle était juste à temps pour le déjeuner, et j’avais aussi quelqu’un pour tester la saveur pour moi.
***
Partie 4
On pouvait voir la lune dans le ciel, comme si elle avait été taillée dans un manteau d’obscurité. La dragonne continua à la fixer, complètement immobile. Il n’y avait rien d’autre que l’immobilité, si ce n’est la légère brise qui soufflait de temps en temps pour faire bruire ses cheveux noirs. De temps en temps, des passants par curiosité parlaient à la beauté aux cheveux noirs aux vêtements inhabituels. Mais pour elle, ils n’avaient rien d’autre à voir que le chant des oiseaux. L’inquiétude de femmes explorant des donjons ou invitant à prendre un verre n’avait pas du tout stimulé sa curiosité. L’homme qui se tenait actuellement devant elle s’était présenté avec un comportement intolérable en prétendant qu’un jour, il allait devenir un héros. Ainsi, Wridra avait tout simplement apprécié la vue de la nuit.
C’était une période paisible où il n’y avait rien d’autre que le noir, et il n’y avait pas besoin de penser à quoi que ce soit. Un spectacle qui avait toujours existé depuis les temps anciens et qui existait déjà avant la naissance du monde… Le jeune homme l’avait finalement abandonnée après avoir été ignoré pendant un certain temps, visiblement irrité à son départ.
Cependant, il n’y avait aucun doute qu’un autre garçon avait du potentiel. Mais la dragonne aux cheveux noirs savait… Elle ne pouvait pas lui offrir un lieu de paix comme les sources chaudes ou la joie qu’il ressentait en chantant avec l’elfe. Alors elle leva les yeux vers le ciel comme d’habitude, attendant que le temps passe sans hésiter. Du moins, elle en avait l’intention, jusqu’à ce que…
« Salut. Belle lune, n’est-ce pas ? C’est si rond et joli. »
Wridra avait manifesté des émotions pour la première fois lorsque la voix l’avait appelée. Ses yeux s’étaient élargis et ses lèvres vives, qui ressemblaient à des fruits mûrs, s’étaient légèrement séparées. Et quand elle s’était retournée, il y avait le visage endormi et bâillant du garçon, comme prévu.
« Tu m’as surprise. Qu’est-ce que tu fais ici ? Je croyais que tu appréciais ton séjour dans l’autre monde, » déclara Wridra.
« C’est une si belle soirée, je voulais que tu apprécies la bonne nourriture. J’ai cuisiné quelque chose avec Mlle l’Elfe. Veux-tu en prendre ? » Après quoi, il s’était assis à côté d’elle. Elle resta sans voix pendant un moment, mais un sentiment d’amusement sembla surgir de l’intérieur d’elle, se répandant sous forme de rires. Une pensée lui traversa l’esprit. Même lorsqu’il s’agissait d’un dragon, cet humain et l’elfe ne pensaient qu’à la façon de la divertir. La plupart d’entre eux n’avaient fait que comploter et essayer de profiter d’elle, ce qui les avait menés à leur propre ruine.
« Hah, hah, hah, hahaha ! Je ne peux pas refuser une telle invitation. Mais si cette nourriture ne me satisfait pas, sache que ton visage somnolent ne sera plus, » déclara Wridra.
« J’aimerais que ce visage endormi puisse être réparé, mais… oui, suis-moi, s’il te plaît. Il étendit une couverture qui sentait la poussière sur ses épaules. Cela avait repoussé l’air nocturne, et la chaleur qui enveloppait Wridra l’avait rendue un peu heureuse pour une raison quelconque. Elle n’avait besoin ni de sommeil ni de nourriture. Elle contrôlait tellement sa magie qu’elle n’en avait plus besoin, mais elle se sentait étrangement tentée par l’offre du garçon. Reposant sa tête sur l’épaule du garçon, elle leva tranquillement les yeux vers le ciel nocturne. C’était peut-être dû à l’air sec du désert, mais les étoiles semblaient plus belles que d’habitude cette nuit-là. Elle continuait à apprécier les couleurs qui semblaient indiquer l’immensité du monde, et la somnolence du garçon semblait s’étendre en elle. Il n’y avait pas besoin de dire ou de penser quoi que ce soit. Wridra sentait simplement que cette fois-ci, c’était pour profiter du silence et de la nuit elle-même, et ses paupières devinrent plus lourdes. Elle cligna lentement des yeux, pensant qu’elle ne pouvait pas s’endormir si vite… et puis la dragonne s’endormit. Si facilement et sans résistance, comme un bébé. Le garçon, qui restait éveillé, leva également les yeux vers le ciel et poussa un soupir, libérant une bouffée blanche dans l’air froid de la nuit.
« Le ciel nocturne est si beau. Oh, tu t’es déjà endormie ? » demanda-t-il.
***
« Nnnnnnnn ! »
« Mmmmmmmm ! »
On aurait dit que la matinée allait déjà être mouvementée. Elle s’était assise là, tenant sa cuillère comme Marie, les sourcils profondément plissés. Mais j’avais compris ce qu’elle ressentait. Le curry était l’un des plats les plus appréciés à l’école primaire, et les enfants étaient excités à l’idée de déjeuner dès le matin, dès qu’il était au menu. Le curry dont ils se fourraient la bouche avait une saveur épicée distincte, avec un soupçon de douceur. Quant à moi, j’appréciais tellement leurs réactions que je n’avais même pas encore pris une bouchée.
« Tellement bonnnnnnn ! Tu te fous de moi !? C’est délicieux ! » s’exclama Wridra.
« Ahh, je n’arrive pas à croire que j’ai fait ça ! C’est juste la bonne quantité d’épices, et je n’arrête pas de manger ! Bizarre, je suis considérée comme une petite mangeuse, même parmi les elfes, » déclara Marie.
C’était incroyable à quel point leurs seules présences pouvaient rendre un repas plus savoureux qu’il ne l’aurait été si j’avais mangé seul. La dragonne continuait à placer de la nourriture dans sa bouche avec une grande vigueur, puis elle la mâchait avec une expression satisfaite. L’elfe prit des cuillerées prudentes dans sa bouche, puis posa ses mains sur ses joues et laissa sortir un « Mmf. »
« C’est très bon quand on sait qu’on l’a fait soi-même, n’est-ce pas ? C’est encore mieux quand vous mangez à l’extérieur. Ce serait amusant d’aller camper au bord de la rivière quand il fera plus chaud, » déclarai-je.
« Bonne idée ! Cela pourrait même être bon à manger dans l’ancien donjon, » déclara Marie.
« Oui, une idée géniale ! Je suis tout à fait d’accord ! » s’exclama Wridra.
Ouais… Je ne sais pas à propos de ça. Je n’étais pas sûr si je voulais que l’ancien donjon, vénéré et intact depuis des milliers d’années, soit rempli de l’odeur du curry. Pour être honnête, j’aurais été assez déçu si cela s’était produit.
« Eh bien… Vous en voulez d’autres ? J’en ai fait beaucoup, puisque Wridra arrivait. » C’était vraiment satisfaisant de la voir manger, et son assiette avait été nettoyée en quelques instants.
« Oui, c’est vrai ! » répondit-elle en me remettant son assiette avec enthousiasme… Malheureusement, il semblait qu’elle n’allait pas réparer mon visage endormi après tout. Je m’étais dit que c’était mieux que de ne pas répondre à ses exigences.
« Alors, comment était le camp ? As-tu remarqué quelque chose d’inhabituel ? » J’avais demandé cela quand j’avais versé plus de riz dans son assiette, et Wridra avait croisé ses jambes avec sa tenue noire d’un seul tenant, montrant ses belles cuisses.
« En effet, je l’ai fait. Il semble qu’il y ait eu un intrus. Les plus hauts gradés étaient agités, mais ils avaient l’impression qu’il se passait aussi quelque chose d’autre, » répondit Wridra.
« Je me demande si les intrus étaient ces bandits. Tu te souviens de ces bandits qu’on a eus il y a quelque temps, Marie ? Je pense qu’ils sont entrés dans le donjon avant nous. » Quand je lui avais parlé, elle était revenue à elle à partir de son expression rêveuse.
« Oh, oui, je me souviens d’eux. Mais ils n’étaient pas un si grand groupe, donc je ne pense pas qu’ils seraient capables d’affronter les forces d’Arilai. Le mieux qu’ils puissent espérer, c’est se faufiler et empocher quelques objets de valeur, » répondit Marie.
Elle avait raison à ce sujet. Mais compte tenu de la façon dont Wridra avait dit que les plus hauts gradés étaient agités, ce n’était peut-être pas de simples voleurs de gemmes auxquels nous avions affaire. Dans ce cas, ils pourraient être classés dans l’une des deux catégories suivantes. Soit ils étaient une bande d’imbéciles qui agissaient imprudemment… soit ils avaient une méthode pour traiter avec un pays tout entier. D’après ce que j’avais vu, c’était un peu plus probable que ce soit le second. Je ne voulais pas entrer là-dedans et interrompre notre agréable repas, mais il me semblait qu’il y aurait beaucoup de couches dans ce donjon. Cela dit, la difficulté supplémentaire n’avait fait que rendre les choses plus excitantes. J’avais souri en m’approchant de la table avec une assiette de curry extra large à la main. Wridra m’avait pressé de me dépêcher avec ses yeux, et quand j’avais posé l’assiette sur la table, le sourire d’une oreille à l’autre sur son visage m’avait dit que le donjon avait déjà été oublié.
« Hah, hah, hah, c’est enfin arrivé. Itadakimasu ! » Elle avait immédiatement commencé à manger la nourriture. Comme d’habitude, son appétit était encore plus grand que tous les hommes que je connaissais. Peut-être qu’il valait mieux s’inquiéter de la quantité de curry qu’il restait plutôt que des bandits. Le gros lot de curry qui avait rempli le pot à ras bord semblait si fiable plus tôt, mais voir Wridra agiter sa queue me donnait une impression pitoyable pour une raison quelconque. Mais je ne pouvais pas y faire grand-chose. C’était la légendaire Magi Drake, après tout. Tandis que cette pensée me traversait l’esprit, Marie me présenta son assiette avec une expression timide. Ouais, ce pot de curry n’allait pas durer longtemps. J’avais jeté un coup d’œil dans le pot maintenant vide et je m’étais dit que j’avais fait une double dose.
Ce n’est pas possible… J’en avais fait assez pour deux jours. J’avais jeté un coup d’œil à la table pour trouver la dragonne et l’elfe se penchant en arrière dans leurs chaises, se frottant le ventre avec des expressions satisfaites. Wridra avait mangé à peu près deux jours de nourriture. Elle avait bourré son estomac apparemment sans fond de nourriture, mais cela n’avait eu pour résultat qu’une légère augmentation de son tour de taille. Le curry allait devenir gênant à laver si vous le laissez reposer, alors j’avais décidé de nettoyer tout de suite. Quand j’avais commencé à faire couler l’eau de l’évier, Wridra s’était lentement assise sur sa chaise.
« À propos du donjon ce soir, je ne vais pas faire de groupe avec vous deux, » déclara Wridra.
« Qu’est-ce que tu veux dire ? Ne va-t-on pas s’amuser ensemble ? » Marie cligna des yeux, mais ne put s’asseoir à cause de son estomac surchargé.
Wridra la fixa un instant, puis commença à tresser ses cheveux à la taille et lui répondit. « Bien sûr que oui. » Ses cheveux noirs naturellement raides s’étaient liés en quelques instants, et une ficelle était apparue pour les attacher ensemble à la fin. Elle montrait ses cheveux, tressés d’un côté, et c’était plus susceptible de dire qu’elle avait l’air cool plutôt que mignonne. Nous avions applaudi tous les deux, et la dragonne avait souri avec charme.
Wridra était occupée avec son accoutrement, alors j’avais décidé de répondre. « Je pense que ce qu’elle voulait dire, c’est qu’il y a trop de différence de niveau. Marie, toi et moi sommes déjà à 40 niveaux d’écart. Ajoute Wridra dans l’équation, et tu n’auras presque pas du tout d’expérience. » Marie hocha la tête pour signifier sa compréhension. Malgré cela, mon explication n’était apparemment pas suffisante, car Wridra s’était éclairci la gorge pour parler.
« C’est vrai aussi, mais je n’ai pas le bracelet nécessaire pour former un groupe. Je n’ai pas non plus l’intention de me lancer dans la civilisation pour en obtenir un, » déclara Wridra.
« Oh, alors il n’y a rien qu’on puisse faire. Il nous faudrait plusieurs semaines pour nous inscrire si nous commençons dès maintenant de toute façon. Cependant, discuter à travers le lien de l’esprit dans une partie aurait été amusant. » Marie avait l’air déçue. Voyant l’expression grincheuse de l’elfe, Wridra se remua un peu.
« Heureusement, j’ai un lien avec le bâton que j’ai donné à Marie. Non seulement cela soutiendra sa magie, mais nous pourrons communiquer de la même façon que nous le ferions avec ce soi-disant lien à travers l’esprit, » déclara Wridra.
« Wôw, comme c’est avancé… Serait-ce parce que ce bâton est incroyablement puissant ? » demanda Marie.
***
Partie 5
J’avais frotté les pots avec une brosse à récurer pendant que je pensais distraitement à leur conversation. Je n’avais jamais entendu parler d’un objet lié à un dragon. Les fragments de dragon, qui étaient extrêmement durables et résistants à la chaleur, étaient utilisés dans toutes sortes d’armes et d’armures. Mais la plupart de ces matériaux provenaient de dragons inférieurs, et ces créatures ne pouvaient pas se comparer à celles de statut légendaire comme Wridra.
« Hmhm, bien sûr. Je suis un peu méticuleuse, et l’équipement de ce monde n’est composé que de jouets par rapport à mes créations. Cependant, je me comporterai bien dans ce monde. Il y a quelqu’un qui a tendance à se plaindre à proximité, après tout. » Ses rires résonnaient derrière moi, et je me demandais si j’étais vraiment si inquiet à ce point. J’avais certainement regardé avec appréhension, mais je ne pensais pas avoir exprimé mes inquiétudes à haute voix… Cependant, j’étais reconnaissant que Wridra se soit fait un point d’honneur afin de ne pas attirer l’attention non désirée. J’avais fermé le robinet et je m’étais essuyé les mains avec une serviette. Quand j’étais retourné à la table, les deux dames m’avaient accueilli avec un « Bon retour » et un « Bon travail ».
« Alors, tu seras le tank de Marie comme on l’avait prévu. C’est un honneur et un soulagement que tu veilles sur nous, » déclarai-je.
« Tu me donnes entière satisfaction, comme avec ce curry tout à l’heure, alors ça ne me dérange pas. Il n’y a pas besoin de me remercier, bien sûr, mais… tu n’as pas beaucoup de jours de congé, si je me souviens bien. J’apprécie le geste, mais tu n’as pas besoin de m’offrir de tels repas si souvent, » déclara Wridra.
Hein ? Depuis quand avait-elle acquis une telle compréhension de ma situation professionnelle ? Soudain, je m’étais souvenu qu’elle était assise seule dans l’oasis. Elle l’avait fait par considération, en nous laissant seuls, Marie et moi, ensemble. Elle était redoutée par beaucoup comme le Magi Drake, mais je la considérais comme beaucoup plus gentille que la plupart des humains. Bien que nous n’avions pas besoin qu’elle soit aussi prévenante avec nous maintenant. Marie avait volontiers pris un calendrier de bureau en main pour lui en montrer la raison.
« Hehe, ne t’inquiète pas pour ça. Regarde, ce calendrier est rempli de jours de congé ! Tu ne le sais peut-être pas, mais mai est un mois merveilleux et plein de vacances. » C’est pourquoi Wridra n’avait pas à s’inquiéter. J’avais seulement besoin de travailler jusqu’à mardi, puis j’avais des jours de congé consécutifs pour le Golden Week. Le Jour commémoratif de la Constitution, la Journée de la verdure, la Journée des enfants, puis le samedi et le dimanche, et cela me donnaient cinq jours de congé consécutifs au total. Ça m’avait presque donné le vertige. Mais malheureusement, Wridra n’avait pas semblé comprendre l’importance de cela, du point de vue de quelqu’un qui avait des jours de congé tous les jours de l’année. Elle avait répondu à nos visages souriants avec un ton neutre. « Hein. »
« Oh, c’est vrai. J’ai aussi des billets. Comme j’ai plusieurs jours de congé consécutifs, je voulais t’inviter chez moi à la campagne, comme je l’ai mentionné il y a quelque temps… Tu te souviens ? » demandai-je.
Marie avait répondu à ma question par une exclamation aiguë. Elle était venue à admirer la campagne japonaise pleine de verdure sous l’influence de l’anime qu’elle regardait. Donc, naturellement, je voulais exaucer son vœu et l’emmener là-bas. Marie se leva de sa chaise presque inconsciemment, ses joues commencèrent à devenir roses, et ses yeux pourpres s’élargirent comme s’ils avaient oublié comment cligner des yeux. Je l’avais regardée dans la confusion, puis elle s’était précipitée vers moi de l’autre côté du plancher, me prenant dans ses bras. Elle était étonnamment puissante pour sa petite carrure, et ma chaise s’était pliée en arrière à un angle. Je l’avais vite serrée dans mes bras.
« Oui, oui, oui ! Je veux y aller ! Oh, mon Dieu, je suis si excitée ! Umm, merci ! » déclara Marie.
« Haha, je suis content. Mais il n’y a vraiment rien. Je ne pense même pas qu’ils ont des magasins de proximité. » Sur ce, j’avais sorti une enveloppe du sac à côté de moi. À l’intérieur, il y avait des billets pour le shinkansen, « Hayabusa ». Je les avais mis sur la table. Ils n’étaient pas bon marché, mais je voulais que Mademoiselle l’Elfe fasse l’expérience d’un train à grande vitesse. Je voulais aussi lui acheter des boîtes à lunch de la gare, une spécialité lors de voyages comme ceux-ci, et lui permettre de passer des vacances dans le nord-est. Tandis que je considérais tout cela, une prise de conscience importante m’avait frappé. Quelque chose d’évident m’était complètement sorti de l’esprit : je n’avais acheté que deux billets.
« C’est exact… Euh, Mlle Wridra. Désolé, j’ai commandé les billets vendredi, et j’en ai juste assez pour deux, » déclarai-je.
« Hm ? Ça ne me dérange pas. Tu ne m’attendais pas en premier lieu. Je ne peux pas t’en vouloir de ne pas être capable de prédire l’avenir. Va profiter d’un peu de temps seul avec elle. » Il semblait qu’elle était de bonne humeur après le repas, et elle acquiesça d’un signe de tête magnanime. C’était un énorme soulagement. J’étais content qu’elle ne se soit pas fâchée contre moi. J’avais été impressionné par la maturité de l’ancien dragon. Marie avait pris le billet dans sa main, l’avait retourné et l’avait observé.
« Qu’est-ce qu’un shin-kan-sen ? Est-ce différent de la voiture qu’on conduit d’habitude ? » demanda Marie.
« Oui, c’est plus rapide que les trains qu’on a pris avant… Je pense que ce sera plus facile de te le montrer. » Avec ça, j’avais regardé sur mon smartphone et j’avais choisi une vidéo du shinkansen. La vidéo téléchargée sur un site vidéo montrait la silhouette distinctive du shinkansen Hayabusa, qui avait rapidement avancé à une vitesse vertigineuse. Sa silhouette s’avançant à toute allure sous le ciel bleu sur un fond pastoral et montagneux était une source d’inspiration. C’était quelque chose qui n’existait pas dans le monde du rêve, bien sûr, et la fille avait haussé la voix avec les yeux collés à l’écran.
« Ah ! Si vite ! Wooow, comment peut-il aller beaucoup plus vite qu’un oiseau ? Whoa, attends, attends une minute. On va monter là-dessus !? » demanda Marie.
« Bien sûr que oui. J’ai des billets, après tout. Tu as le siège spécial fenêtre. » Elle avait l’air adorable en regardant d’avant en arrière entre l’écran de mon téléphone, puis vers moi, et encore en arrière. Comme je me sentais bien de faire la réservation, j’avais entendu la voix de Wridra murmurer à côté de moi.
« Je veux… »
« Hm ? »
« Je veux aussi le voir…, » murmura Wridra.
Nous avions gelé. Wridra avait un léger sourire sur son visage, les larmes coulant le long de ses joues. Attends une minute. Elle n’avait pas dit que ça ne la dérangeait pas, et qu’elle était mature ? Je pouvais à peine exprimer la question, immobile, et la dragonne se mit à sangloter ouvertement.
« On peut repartir en voyage une autre fois. Alors, on pourra y aller ensemble ! » J’avais essayé de lui remonter le moral, ma voix craquant involontairement. Elle regardait le ticket. Ses émotions se manifestaient toujours facilement sur son visage, c’était donc très évident ce qui lui passait par la tête. Il y avait deux billets. Le siège au bord de la fenêtre de Marie était déjà pris en compte. Et ma place, alors ? Marie et moi avions tous les deux avalé de façon audible en même temps.
« K-Kazuhiho ne mentirait pas sur quelque chose comme ça ! La prochaine fois, c’est sûr ! D’accord ? » demanda Marie.
« Je me demande quand aura lieu cette “prochaine fois”. Ah… Vous m’oublieriez sûrement d’ici là. Ils disent que ce qui arrive une fois arrive trois ou même quatre fois. Les enfants des hommes ne se soucient pas d’un dragon solitaire et ancien comme moi. Je ne suis pas différent d’un rocher au sol, » déclara la dragonne.
Oh non, elle était maintenant assise avec le visage baissé et les genoux contre sa poitrine. Nous étions devenus pâles, et tout ce que nous pouvions faire, c’était de battre des lèvres inutilement. En fin de compte, elle n’avait pas baissé les bras jusqu’à ce que je signe un engagement écrit stipulant que nous l’emmènerions la prochaine fois. Même à ce moment-là, elle n’arrêtait pas de me faire répéter ma promesse.
La pièce n’était éclairée que par un éclairage indirect, avec des rideaux épais couvrant les fenêtres. La pièce autrefois vivante était couverte d’une teinte orange, indiquant qu’il était temps d’aller se coucher. Et dans cette chambre, une fille était allongée sur le lit. Elle ne s’en rendait probablement pas compte, mais elle débordait de charme féminin alors qu’elle me fixait avec une place à côté d’elle libre sur le lit. C’était comme si elle m’appelait. Elle semblait différente de d’habitude dans l’éclairage tamiser. Ses traits nets, ses lèvres pulpeuses et rouges et ses clavicules qui sortent de ses vêtements semblaient obscurcir son âge réel. Le lit avait grincé quand j’y avais posé mon genou et pris place à côté d’elle, et elle avait mis son bras autour de moi. Marie avait levé une jambe et l’avait placée sur ma cuisse comme d’habitude. Elle passait ses doigts dans ses cheveux, et je sentais une légère odeur sucrée. L’elfe était plus silencieuse que d’habitude. Elle me fixa sans mot, les yeux légèrement humides. Elle m’avait serré un peu plus fort et ses cheveux soyeux m’avaient un peu chatouillé.
Ah, je vois. Elle m’attend.
Temporairement, je lui avais touché les cheveux avec mes doigts et elle avait gelé. Elle était restée immobile les yeux fermés, confirmant mon soupçon qu’elle m’attendait. Je l’avais embrassée sur le front, et elle avait senti la chaleur de mes lèvres qu’elle avait anticipée. Son visage s’était adouci, mais elle avait ensuite caché son visage sous les couvertures, alors je n’avais plus pu apprécier son expression mignonne. Seuls ses beaux cheveux blancs étaient maintenant visibles, mais je pouvais dire que ses longues oreilles étaient d’une nuance de rose.
« Hehe, bonne nuit. Faisons de notre mieux dans le donjon, » déclara Marie.
« Bonne nuit, Marie. Fais de beaux rêves… Oh, je suppose qu’on va regarder le même rêve, » déclarai-je.
Nous avions ri, puis nous avions écouté les battements de cœur des uns et des autres. Je pouvais sentir la chaleur des couvertures et la douceur de son corps. Notre température corporelle avait graduellement augmenté, se préparant à s’endormir. La regarder cligner des yeux somnolents m’avait aussi bercé au pays des rêves. Comme mes paupières devenaient lourdes, j’avais entendu un craquement par-derrière.
« Hm, si confortable. C’est aussi confortable que ces sources chaudes. »
Avec ça, une paire de bras s’enroula autour de ma taille. Peut-être que cela aurait dû être considéré comme quelque chose de malheureux, mais il semblerait que les dragons n’aimaient pas porter des vêtements lorsqu’ils allaient dormir. La sensation qui se pressait contre le dos était une torture pour moi en tant qu’homme, et cela m’avait légèrement tiré de mon état de somnolence.
« Vous êtes tout simplement trop adorables. Vous avez commencé à éveiller mes instincts maternels, » elle parlait doucement, comme par considération pour Marie, qui dormait confortablement. Ses respirations chuchotées me chatouillaient les oreilles.
« Peut-être que je ne fais que l’imaginer, mais je pense que tu as toujours eu un fort instinct maternel, » déclarai-je.
« Imbécile. Tu dis ça, mais tu ne connais rien aux dragons. » Avec ça, elle avait serré son bras autour de mon ventre. Elle avait appuyé ses hanches contre moi par-derrière, et ma somnolence semblait devenir de plus en plus distante. Mais non, je devais me coucher tôt ce soir avec le raid imminent sur le donjon, sinon je me serais fait gronder.
« Bonne nuit, Wridra. Merci pour tout, » déclarai-je.
« Hah, hah, hah, si je peux savourer des moments comme ça, être garde du corps serait un petit prix à payer. Les repas et les conversations ont été agréables, en effet. Fwah... » La somnolence qui émane de vous est trop puissante. On dirait presque l’effet d’une sorte de magie. Après quoi, elle avait bâillé et s’était blottie la tête contre moi. La chaleur invitante des couvertures l’avait rapidement attirée dans le royaume du sommeil profond.
J’étais le seul qui restait éveillé. Je regardais Marie, qui respirait tranquillement dans un sommeil confortable. Alors que je fixais ses longs cils, une pensée m’avait traversé l’esprit. Peut-être qu’elle était déjà beaucoup plus proche de moi que je ne le pensais. En fait, je ne pouvais pas l’imaginer ne pas être à mes côtés. Ce qui était étrange, vu qu’on ne passait du temps ensemble que depuis un mois. J’avais aussi réalisé qu’elle n’était pas vraiment une enfant. C’est peut-être pour ça qu’elle m’attirait tant. Tellement que je ne pouvais pas arrêter ces sentiments. En écoutant les doux bruits de respiration des deux côtés, mes paupières avaient commencé à devenir lourdes, elles aussi. J’avais fini par m’endormir avec elles, et on pouvait entendre des sons de sommeil de trois personnes résonner dans ma chambre à coucher.