Almadianos Eiyuuden – Tome 3 – Chapitre 76

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Chapitre 76

Une semaine plus tard, Kurats était allé visiter le village de Narak.

Les représentants locaux et les chefs des villages voisins s’étaient tous réunis ici pour lui préparer le meilleur accueil possible.

Comme les desseins et les décisions du nouveau seigneur pouvaient mener tout droit à la destruction du village, ils lui avaient préparé un grand festin, malgré le fait qu’ils ne pouvaient pas tout à fait se le permettre.

Les membres de la garde étaient également présents, vêtus d’uniformes officiels rarement portés. Ils étaient alignés en formation parfaite alors qu’ils attendaient Kurats et ses compagnons.

« Nous sommes dans le pétrin. »

Quand il vit la sueur froide sur le visage troublé de Lucas, Gilbert devint pâle.

Lucas ne montrait une expression aussi grave que lorsqu’un monstre fort apparaissait.

« Ne t’inquiète pas, il n’y a pas de monstre en approche. C’est juste que j’ai reçu un rapport disant que la princesse Lunaria vient avec le nouveau seigneur. Encore une fois, cela pourrait même être plus gênant que l’apparition d’un monstre. »

La peau de Gilbert devint blanche au point qu’il faillit tomber sur le dos, mais Lucas le soutint rapidement.

« Je sais que tu as fait de ton mieux pour les accueillir. Tout ce que tu peux faire à ce stade, c’est te confier en ton destin et espérer que tu ne l’offenseras pas. »

Gilbert avait envie de pleurer.

Ce n’est qu’ennuis après ennuis. Quelqu’un peut-il y mettre vraiment fin ?

Bashtar était la région la plus pauvre de tout le royaume.

Ce n’était absolument pas un endroit qu’un héritier du trône pouvait visiter par négligence.

En même temps, cela poussa Gilbert à se demander sérieusement si le nouveau seigneur prenait au sérieux la menace des monstres.

À l’âge d’or de Bashtar, le territoire comptait 100 000 habitants et une puissance militaire extraordinaire de 10 000 soldats.

Si elle existait encore aujourd’hui, ce serait la région la plus peuplée du pays, à l’exception de la capitale et peut-être du territoire du marquis de Strasbourg, qui serait au mieux à égalité avec Bashtar.

Mais même cette puissance extraordinaire ne pourrait pas durer plus d’une semaine avant d’être anéantie par les monstres. Cela montrait bien à quel point ils étaient dangereux.

Gilbert ne savait pas combien de troupes ce nouveau seigneur avait l’intention d’amener. Mais peu importe leur nombre, le fait qu’il ait amené la princesse du pays visiter cet endroit montrait qu’il avait un sérieux manque de bon sens.

Et il ne fallut pas longtemps pour que les doutes de Gilbert se confirment.

« Merci pour votre accueil. »

« Je suis peut-être une princesse, mais aujourd’hui, je suis juste ici en tant qu’escorte du comte. Il n’y a pas besoin de trop s’inquiéter pour moi. »

« Comte Bashtar, Votre Altesse Lunaria, je suis sincèrement ravi de votre visite. »

Gilbert fixa Kurats.

Bien que Gilbert ait immédiatement baissé les yeux et se soit incliné, la forte impression que le corps géant de Kurats avait laissée sur lui ne s’était pas estompée.

Je vois, au moins nous n’avons peut-être pas à nous inquiéter de son manque de courage.

« Veuillez pardonner mon impolitesse. C’est une terre pauvre dans une région éloignée, alors j’ai peur de dire que nous n’avons pas assez en réserve pour accueillir un noble comme vous. »

« Je suis aussi né dans un village éloigné. Je sais très bien ce qu’est la pauvreté. »

« Quoi !? »

Sans s’en rendre compte, Gilbert avait fait une tête d’idiot.

« Eh bien, j’ai eu de la chance et j’ai obtenu ce poste, mais jusqu’à récemment, je n’étais qu’un roturier vivant dans un village. Alors, ne t’inquiète pas, je ne vais rien te demander de déraisonnable. »

« M-merci beaucoup ! »

Gilbert n’était pas vraiment heureux de savoir que Kurats était un roturier, mais il se sentait quand même soulagé.

Cela lui permettrait de comprendre la pauvreté du village.

« Alors, quand le reste de vos troupes arriveront-elles ? J’ai bien peur qu’il y ait une limite au nombre d’hommes que le poste de garde peut accueillir. »

Il y avait un poste de garde ici qui pouvait accueillir 100 personnes en cas de bataille.

Pour préparer l’arrivée de Kurats et de Lunaria, la chambre personnelle du commandant avait été nettoyée à fond et des lits tout neufs avaient été apportés à l’intérieur du poste.

« Je rassemble actuellement des mercenaires à la capitale, mais pour l’instant, il n’y a que nous. »

Bernard Auger, l’assassin, ou plutôt l’ancien mercenaire qui avait combattu Kurats au bureau des impôts, était devenu son subordonné.

Ayant reçu l’offre d’être absous de ses crimes et protégé des nobles qui pourraient le contrarier pour ce qu’il avait fait, Bernard n’avait en fait pas d’autre choix que cette voie.

C’était maintenant un subordonné très loyal, et il donnait tout pour recruter ses anciens compagnons mercenaires dans la capitale pour Kurats.

« Qu-Quoi !? »

Même s’il savait que c’était impoli, Gilbert ne pouvait pas s’empêcher d’élever la voix.

Il y avait une menace imminente de monstres en ce moment. Il n’y avait pas de temps pour rassembler tranquillement des soldats dans la capitale.

Sans parler du fait que les hommes de la garde ne pouvaient pas se battre, car ils devaient servir d’escorte pour Kurats et Lunaria.

Combien de sacrifices faudrait-il faire avant que les soldats n’arrivent ?

Non, en premier lieu, même s’il recrutait, comment diable avait-il l’intention de rassembler les gens qui étaient prêts à aller à Bashtar ?

Il était trop naïf.

Comme Gilbert s’y attendait, ce nouveau seigneur ne comprenait toujours pas la gravité des circonstances de Bashtar.

« Quelque chose ne va pas ? »

Quand Kurats posa cette question, Gilbert trouva la détermination de mettre sa vie en jeu et de parler.

En ce moment, pour protéger ses frères qui refusaient de quitter leur lieu de naissance même si c’était l’enfer sur terre, il devait mettre sa vie en jeu.

« Permettez-moi de faire une demande insolente. »

« Attends, Gilbert ! »

Lucas perçut la détermination de Gilbert et essaya de l’arrêter, mais Gilbert l’ignora et continua à parler.

« Mon seigneur, nous avons rassemblé plus de la moitié des forces de Bashtar ici pour votre sécurité. Mais ce sont des terres dangereuses avec des monstres qui errent. Si nous sommes à court de troupes, il y aura de plus en plus de sacrifices. Je vous en prie ! Veuillez renvoyer les escortes à leur poste de garde jusqu’à ce que vous ayez rassemblé de nouveaux soldats. »

En bref, Gilbert demandait à Kurats de rester sans protection.

Pensant que Gilbert allait définitivement perdre la tête pour ça. De grosses gouttes froides coulaient dans le dos de Lucas.

Les chefs des villages voisins gardaient tous un silence de mort.

« … Quelle est l’étendue de l’activité des monstres ? »

« Hein ? »

« Ils n’aiment pas tellement quitter leurs territoires, et je suppose que les seuls qui quittent réellement la forêt sont ceux qui sont au sommet de leur hiérarchie. Est-ce que je me trompe ? »

« Je-je suppose que vous avez raison, mais… »

Qu’est-ce que cela signifiait ? Ce nouveau seigneur connaissait-il vraiment les monstres ? N’était-il pas censé être ignorant ?

« Nous avions aussi des monstres dans mon village. À Gaura, si vous vous éloignez d’un kilomètre de la forêt, vous ne vous ferez pas autant attaquer. N’est-ce pas la même chose ici à Bashtar ? »

« C’est généralement le cas oui, mais nous avons des loups sabres qui marchent en meute et peuvent attaquer a encore plus d’un 1km de distance… Mais jamais à plus de 2 km de distance… »

Personne à Bashtar ne s’était jamais approché de la forêt parce qu’ils savaient qu’ils allaient mettre leur vie en danger.

Les moments où les gens risquaient le plus d’être tués, étaient lorsqu’ils étaient attaqués par des loups sabres affamés qui étendaient leur territoire.

Les loups sabres étaient des monstres de rang inférieur qui venaient toujours chasser les humains pendant la saison de reproduction pour se nourrir.

Ces chasseurs en meute étaient des combattants rapides et intelligents. Il était impossible pour les humains de leur faire concurrence, à moins qu’ils ne se battent en groupe et se cachent derrière des remparts ou autres.

« Compris. Alors je vais le faire jusqu’à 2 km pour l’instant. »

Compris ? Compris quoi ?

Gilbert avait timidement appelé Kurats, qui tenait son poing serré, faisant passer ça pour un vrai rocher.

« Mon seigneur, puis-je vous demander ce que vous avez l’intention de faire ? »

« Hmm ? »

Kurats sourit comme si la réponse était évidente.

« Je pense juste à effacer tout ce qui est à l’intérieur de la forêt, et tout ce qui se trouve à deux kilomètres à la ronde. »

« Quoi !? »

Lucas et Gilbert se dépêchèrent d’essayer d’arrêter Kurats alors qu’il se dirigeait calmement vers la forêt.

« S’il vous plaît, attendez ! Vous ne pouvez pas les affronter seul, c’est trop imprudent ! »

« De plus, mon seigneur, si vous échouez et provoquez la colère des monstres, vous pourriez déclencher une seconde grande invasion ! »

« Une invasion ? En quoi est-ce un problème ? Cela me permettra de me débarrasser d’eux plus facilement en un coup. »

Peu importe ce qu’ils lui dirent, rien ne faisait effet.

Kurats était aussi détendu et nonchalant qu’un enfant en route pour attraper des papillons.

Ayant fait l’expérience de la force des monstres, Lucas et Gilbert ne voyaient en Kurats qu’un ignorant.

« Laissez-le partir. Kurats est un homme qui a repoussé tout seul une armée de 40 000 hommes de l’empire Asgard. Il ne sera pas vaincu par des monstres. »

Au moment où Lunaria l’avait dit, les deux hommes avaient été témoins de quelque chose qui avait presque fait sortir leurs yeux de leurs orbites.

« QUOI !? »

Quelque chose d’inimaginable se passait juste devant eux. C’était un spectacle qui ne semblait pas appartenir au domaine de la réalité.

« Aaaaaaaaaaah ! »

Kurats semblait seulement boxer au hasard contre le vide, et pourtant, les arbres, les rochers et les monstres de la forêt étaient écrasés et pulvérisés comme s’ils étaient frappés par un énorme marteau.

{A-Attends, ça va prendre beaucoup trop de temps, n’est-ce pas ? Tu pourrais faire ça d’un seul coup avec un sort de type vent bien placé…}

La suggestion de Bernst était tombée dans l’oreille d’un sourd, car Kurats continuait de frapper l’air, en étant heureux.

« Allons, allons ! Vas-tu venir vers moi ou vas-tu juste t’enfuir ? Tu ferais mieux de te dépêcher et de te décider ! »

Lorsque les arbres avaient été enlevés, les monstres vivant à l’intérieur de la forêt devinrent exposés.

Bien que chacun d’entre eux fit preuve d’hostilité, ils ne purent pas s’approcher à cause des ondes de choc provoquées par le barrage de coups de poing.

Deux ours aux yeux rouges, connus pour leur résilience, rugirent et essayèrent de se précipiter sur Kurats, mais ils furent instantanément battus à mort par les ondes de choc.

L’utilisation inconsidérée de leur résilience caractéristique n’avait rien fait pour arrêter la douleur portée par cent coups. Leur mort avait été un spectacle infernal.

En voyant ces dangereux monstres qui pouvaient mettre en péril la survie du village mourir si rapidement, Gilbert et Lucas eurent des sourires figés alors que leurs pupilles devenaient comme de petits points dans leurs yeux.

« Qu’est-ce qu’on a fait... »

« Avec cet homme, on pourrait peut-être envisager une guerre totale contre les monstres… »

« HORS DE MON CHEMIN ! »

La forêt avait rapidement disparu.

Tout ce qui le gênait était pulvérisé. La plupart des terres forestières près de Narak et des villages voisins avaient été effacées.

Mais à ce moment-là.

Ding !

Un bruit fort et aigu retentit.

Les ondes de choc des Kurats venaient d’être repoussées par un objet extrêmement solide.

« Pas moyen ! C’est une tortue de Corindon ! »

Ce monstre était doté d’une défense et d’une solidité d’une tout autre ampleur que la tortue des rochers que Kurats avait combattues auparavant.

Après avoir été frappée, la tortue s’était lentement relevée.

En plus de sa solidité, le corps de la tortue mesurait 30 mètres de long.

C’était un spécimen adulte.

En voyant ce monstre qui ne pouvait tout simplement pas être vaincu sans l’intervention des forces de mages du royaume, Gilbert était au bout du rouleau.

{Je le lui ai dit ! Je savais qu’il n’aurait pas dû provoquer les monstres de la forêt !}

Le conseil désespéré de Bernst était arrivé trop tard.

Kurats réduisit instantanément la distance entre la tortue et lui-même avant de planter ses pieds sur le sol, de tordre légèrement le haut de son corps sur le côté et de donner un coup de poing en avant.

Ce coup de poing était enchanté par son pouvoir magique et portait la force de tout son corps.

Cela avait suffi pour faire éclater de l’intérieur le corps de la tortue, qui était censé être aussi solide qu’un diamant.

Pour Lucas et Gilbert, qui se tenaient un peu loin, c’était comme s’ils regardaient un petit volcan exploser.

Le corps de la tortue de Corindon pouvait facilement repousser les épées et les lances, mais Kurats l’avait détruit à mains nues.

« Je vais peut-être me faire un peu de viande de tortue ce soir. »

Après que Kurats ait ramassé un gros morceau de viande pour lui à partir des restes épars de la tortue monstrueuse, Gilbert et Lucas décidèrent que la solution était de ne pas penser à ce qui venait de se passer.

Le reste de la viande de la tortue avait ensuite été distribué aux villageois.

La viande très nourrissante des monstres était précieuse. Lorsque les villageois avaient une mauvaise récolte, leur tout dernier recours était parfois de braver les dangers de la forêt et de chasser les monstres pour se nourrir.

Mais aujourd’hui, ces villageois qui ne connaissaient que la faim allaient assister à un festin qu’ils ne pouvaient pas refuser. Aujourd’hui seulement, ils mangeront de la viande à leur guise.

Les grandes attentes et les espoirs qu’ils nourrissaient à l’égard de Kurats étaient évidents rien qu’en les regardant.

Ces villageois passaient leurs journées à ne penser qu’à la vie et à la survie.

La mort n’était jamais très loin, guettant tout signe d’insouciance de leur part.

Comme ils étaient mal nourris, leurs personnes âgées et leurs enfants mouraient de toutes petites maladies.

Mais maintenant, il semblerait que ces jours, passés dans la peur des monstres et dans l’abandon du royaume à leur sort, pouvaient prendre fin.

Le pouvoir anormal, mais très clair et facile à comprendre de Kurats leur donnait de l’espoir.

« Cela fait si longtemps que je n’ai pas entendu de voix aussi joyeuses. »

Gilbert était presque ému jusqu’aux larmes.

C’était une toute nouvelle expérience pour lui. Jamais il n’avait entendu les cris de joie des enfants qui allaient manger de la viande, un repas luxueux, sans avoir à se retenir.

Il était tout à fait naturel que des bourgeons de loyauté envers Kurats poussent en eux.

« Je ferai de Bashtar le territoire le plus prospère de tout le royaume. »

Si quelqu’un d’autre prononçait ces mots, les gens riraient et penseraient que c’est stupide.

Bashtar était le territoire le plus pauvre du royaume. Il était très loin d’être le plus prospère. Et depuis la grande invasion, ils étaient devenus un fardeau qui ne payait aucun impôt au royaume.

Cependant, quand ces mots sortirent de la bouche de Kurats, ils avaient un côté mystérieusement réaliste.

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Un commentaire :

  1. Merci pour le chapitre.

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