Chapitre 58
Après avoir rempli leur mission, Kurats et Hans quittèrent Macbarn et repartirent en Lapland.
« Hahahaha ! Nous avons accompli notre tâche à merveille grâce à vous, monsieur Mathers ! »
Hans s’était mis à rire en regardant sournoisement le visage de Kurats. Depuis le jour où Kurats avait transporté la roche des montagnes de Betswana, Hans était devenu très docile. Il ressentait maintenant une peur et un respect profonds envers Kurats.
Tous les hommes naissaient avec le désir, caché ou non, de résoudre tous leurs problèmes par la force brute. Même dans un monde rempli de magie comme celui-ci, ce fait reste toujours vrai. Bien qu’étant une tête de mule, on pourrait dire que Kurats était dans ce sens l’idéal absolu pour un homme. Mais le respect que Hans ressentait n’était rien comparé à la peur qu’il eût d’affronter la colère de Kurats. Cela l’avait rendu servile et lui avait fait perdre tout sens de l’arrogance. Kurats était à la fois surpris et irrité par ce comportement, mais Bernst était de bonne humeur.
{C’est exact ! Craignez-moi ! Respectez-moi ! Tremblez devant l’égal des dieux, le roi magique !}
On aurait dit que Bernst avait accumulé du stress sans s’en rendre compte. Cela devait être dû au fait que Kurats refuse de faire quoi que ce soit de ce qu’il disait. Et tout ce stress se manifestait maintenant sous forme d’excitation. Mais peut-être que ces sentiments étaient la preuve que Bernst était légèrement influencé par les émotions de Kurats.
« Hmm…? Qu’est-ce que c’est… ? »
Kurats remarqua quelque chose de familier qui volait vers lui à un rythme très rapide. C’était l’énorme griffon qui s’était battu à ses côtés à Berglund. Naturellement, Frigga était aussi là, chevauchant sur le dos de la bête tout en agitant joyeusement la main, un grand sourire sur son visage.
« Mon seign… Seigneur Mathers, je suis contente de voir que tu vas bien… ! »
Après l’atterrissage, Frigga s’était presque accrochée par réflexe à Kurats, mais elle avait à peine réussi à se contrôler. Son maître lui avait ordonné de se souvenir de la manière dont elle devait se comporter en public. Alors qu’elle trouvait cela regrettable, elle n’avait pas d’autre choix que de se conformer à ses ordres.
« La mission a été un succès, tout s’est bien passé. »
« Oui, j’ai eu des nouvelles des messagers. Mon frère organise déjà la réception des troupes avec les autres nations. Et tout cela grâce à toi. »
Alors qu’elle se comportait de façon décontractée, Frigga s’agrippa à la main de Kurats. Le contact de cette grande main lui rappela cette nuit fatidique et enchanteresse.
Aaah, s’il te plaît, tourmente-moi encore !
À cette pensée, Frigga commença à rougir, incitant Hans et les gens qui l’entouraient à la regarder chaleureusement. Hans essayait habituellement d’attirer l’attention de la princesse à ce moment-là, mais en ce moment, il était très discret. Loin d’être trop sûr de lui ou pompeux, il voyait en fait Kurats comme un seigneur sous lequel il pourrait potentiellement servir. Le fait qu’il ait été témoin de la force de Kurats le rendait encore plus admiratif.
« Alors, monsieur Mathers, si ça ne te dérange pas… serais-tu prêt à monter sur le dos de Shellac avec moi afin de m’accompagner au château ? »
Tandis que Frigga levait les yeux vers Kurats, on aurait dit qu’elle remuait une queue invisible derrière elle.
{C’est trop… !!}
Cet attribut canin était un trait puissant qui chatouillait l’estime de soi d’un homme, ce que ni Cornelia ni Lunaria ne possédaient.
« Si ça ne te dérange pas, accroche-toi à ma taille. »
« Oui. »
Ne prêtant pas attention aux yeux de Shellac, qui semblait dire : « Hein ? pourquoi viendrais-tu avec nous ? », Kurats s’accrocha à la taille fine de Frigga par-derrière. Après s’être à peine empêchée de s’évanouir de la chaleur de l’étreinte, Frigga cria à son Griffon.
« Vas-y, Shellac ! Vole ! »
Shellac obéit avec indifférence et battit des ailes puissamment.
La bête s’éleva régulièrement au-dessus du sol jusqu’à ce que Hans et les gens autour de lui commencent à ressembler à des taches de poussière. Une fois que Shellac volait suffisamment haut, le visage de Frigga était devenu rouge de timidité. Elle pencha ensuite sa tête sur la poitrine de Kurats.
« Je me sentais si seule sans toi, mon seigneur… »
Elle se frotta la joue sur la poitrine comme un chiot gâté avec son maître.
« Content de voir que vous allez bien, Votre Altesse. »
« Pourquoi m’appelles-tu Votre Altesse !? Appelle-moi “chienne” comme la dernière fois ! »
{Bernst, espèce de fou, qu’est-ce que tu as fait ?}
{Ne t’ai-je pas dit que je l’avais disciplinée ? Si je n’avais pas repris ton corps ce jour-là, elle t’aurait probablement agressé et volé ta virginité.}
{De quoi parles-tu ? C’est la première fois que j’entends parler de ça.}
Tout ce que Kurats savait, c’était que, lorsqu’il s’est réveillé après ce soir-là, Frigga était pour une raison quelconque devenue toute douce.
{Je ne savais pas ce que ta sœur ferait si cela arrivait, alors j’ai dû la discipliner personnellement pour la remettre à sa place.}
{Qu’as-tu fait exactement !? Mais quand même, je suppose que je dois te remercier, tu m’as sauvé là !}
« Monseigneur ? Ai-je fait quelque chose qui te déplaît ? »
En regardant le malaise apparent sur la petite tête de Frigga, Kurats l’avait serré dans ses bras par-derrière.
« Ah ! »
Le visage de Frigga était devenu encore plus rouge qu’avant, il semblerait qu’il y avait presque de la vapeur qui sortait de sa tête.
« … Comment dire ceci… ? Je suis désolé de t’avoir laissée seule si longtemps. »
« C’est… c’est bon ! Je ne suis pas digne d’ennuyer mon maître avec de telles questions… Mais… je suis contente que tu t’inquiètes pour moi, même si c’est juste un petit peu… »
{Je ne pourrais jamais me lasser de cette jolie fille…}
{L’esprit de l’autre princesse est déjà à la bonne place, mais tu devrais penser à des contre-mesures contre ta sœur.}
Lunaria ne se plaindrait pas tant qu’elle aurait une bonne place dans la hiérarchie des filles. Le problème était Cornelia. Si elle perdait le contrôle d’elle-même, Kurats pourrait-il survivre ?
« Ooooh, je vois ce que c’est, tu t’en es pris à une troisième fille juste après m’avoir confessé tes sentiments envers moi? Je vais t’apprendre à te moquer de moi ! »
Kurats pouvait déjà entendre Cornelia dire ça. Il ressentit une sensation de froid dans son entrejambe, qui avait été rapidement suivie de sueurs froides.
{Je ne peux pas faire comme si de rien n’était ?}
{Ouais, ça ne va pas marcher.}
« Haaaaah... »
Alors qu’il brossait les cheveux de Frigga, qui s’accrochait à lui comme un chat, Kurats s’inquiétait de plus en plus des calamités qui pourraient l’attendre dans un avenir proche.
« Monseigneur… Je désire que tu me fasses souffrir encore plus… »
« Frigga… Ça risque d’être long, mais on va t’arranger ça, d’accord ? OKAY ? »
◆ ◆ ◆
Siegfried salua Kurats, qui était venu avec Frigga, avec un grand sourire sur son visage.
« Seigneur Mathers ! Je n’ai pas de mot pour exprimer ma gratitude pour tout ce que vous avez fait ! Non seulement Macbarn et Elsrid, mais même Mountbatten a rejoint notre alliance ! »
L’alliance formée entre les quatre pays du Nord était suffisamment grande pour leur permettre de concurrencer les grandes puissances du continent. Ils avaient même pris contact avec l’un des cinq grands, le royaume de Katarael, et on disait qu’à Jormungand, la faction qui s’opposait complètement à Asgard gagnait rapidement en influence.
{On dirait que Rosberg et les autres travaillaient dur.}
Kurats souriait à lui-même. La vérité, c’est que Lapland, à elle seule, était dix fois plus faible que n’importe lequel des cinq grands pays. Après avoir perdu deux fois contre un si petit pays, Asgard commença à croire que ce n’était pas grand-chose. Il était tout à fait naturel que la faction de Lunaria ait pu faire un retour en force au sein du conflit interne du royaume pour le pouvoir. Le marquis de Strasbourg, Albert, était probablement de mauvaise humeur.
{C’est bien fait pour lui.}
Kurats riait silencieusement.
« Juste une dernière bataille. Si nous remportons la victoire dans la prochaine bataille, Asgard abandonnera probablement l’occupation de notre pays. Les gains potentiels ne vaudraient plus les risques et les pertes. »
Asgard avait naturellement suffisamment de force à disposition. Si Lapland s’essayait à la guerre d’usure, le royaume serait sans aucun doute vaincu, même avec le soutien de l’alliance du Nord. Cependant, si Asgard parvenait à occuper Lapland sans pouvoir récupérer les fonds perdus, leur pouvoir dans son ensemble s’en trouverait affaibli. Et si un pays puissant comme Jormungand visait cette opportunité, cela amènerait une crise majeure pour l’empire. Bien qu’il soit très ambitieux, l’empereur d’Asgard, Heimdall, n’était probablement pas assez incompétent pour laisser cela arriver.
« Il y a déjà 10 000 hommes qui arrivent de Macbarn. Leurs mages de feu seront une aide précieuse. Elsrid et Mountbatten enverront probablement 5000 hommes chacun, donc au total, nos effectifs devraient atteindre environ 35 000 hommes. »
Les forces réorganisées de Lapland, à l’exclusion de celles qui étaient chargées de maintenir l’ordre public, atteignaient à peine les 15 000 hommes. C’était le résultat de leur défaite écrasante au début de la guerre. Pendant ce temps, les effectifs du côté d’Asgard avaient dépassé les 50 000 hommes après que l’escadron de Cabernard fut rejoint par l’escadron de Brigitte. Cela étant, Lapland se trouvait toujours dans la même situation difficile qu’auparavant. Cependant…
« Je suis désolé de devoir dépendre à nouveau de vous, mais je crois que votre pouvoir est comparable à celui d’une armée, monsieur Mathers. Notre alliance s’est construite rapidement, mais avec vous à nos côtés, nous aurons nos chances de gagner ! »
Kurats avait pu protéger tout Berglund avec l’aide de Frigga. Ce n’était qu’en raison de sa présence qu’Elsrid et Macbarn avaient accepté de rejoindre l’alliance malgré leur désavantage en nombre. Bien qu’il ait honte de le dire, Siegfried n’avait pas d’autre choix que de compter entièrement sur Kurats.
{Hahahahahaha... Comme prévu !}
Bernst chantait fièrement ses propres louanges avec un méchant sourire sur son visage.
{As-tu planifié quelque chose ?}
{Disons juste que j’ai préparé une scène qui conviendrait à un roi magique comme moi.}
Au sein de la nouvelle alliance militaire du Nord, qui était aussi puissante que certains des cinq grands pays, aucun pays n’avait autant d’influence que Lapland. Que se passerait-il si l’alliance battait Asgard et commençait à soutenir Lunaria ? Et si, avec ce soutien, Lunaria parvenait à succéder à Jormungand, comment Kurats sera-t-il traité pour toutes ses contributions ? Sans compter que Lapland aura une dette à vie envers Kurats, car il serait considéré comme leur sauveur. Dans ce scénario, il ne devrait rester que très peu de personnes sur le continent qui pourraient retenir ou contrôler Kurats de quelque façon que ce soit. Puis, avec Cornelia, Lunaria et Frigga comme femmes, il abattra Asgard et régnera en roi suprême sur ce continent.
Il y a bien longtemps, avant qu’il ne devienne roi magique, il fut un temps où le pouvoir de Bernst seul ne lui suffisait pas pour imposer à lui seul sa règle au monde. Il était impuissant à l’époque, mais pour une raison ou une autre, ces jours-là lui manquaient.
{Qu’est-ce qui ne va pas chez moi ? J’étais si faible à l’époque. Pourquoi je deviens nostalgique… ?}
En raison de la faiblesse de Kurats, Bernst avait été contraint de choisir le moyen le plus détourné et le plus gênant pour atteindre ses objectifs. Mais il aimait secrètement ça.
{Bon sang, cette tête de lard est une telle plaie.}
Kurats, Maître du Monde 😈