Almadianos Eiyuuden – Tome 2 – Chapitre 57

***

Chapitre 57

« Penser que ce serait si incroyable… »

Devant l’état misérable du rempart qui fut jadis la fierté de Macbarn, Nikolaï ne put s’empêcher de sourire avec ironie.

Mais peut-être que cette force inhumaine était appropriée quand on parlait de quelqu’un qui pouvait faire face à une grande partie de l’armée d’Asgard tout seul.

« … Au fait, je me demande ce qu’on est censés faire à propos de ça maintenant. »

Alors qu’il pointait du doigt le rempart détruit qui devait protéger la capitale en cas d’attaque d’ennemis étrangers, Nikolaï fit un grand sourire à Kurats.

Bien sûr, il n’y avait aucune trace de sourire dans ses yeux.

Macbarn pourrait bientôt se joindre à la guerre, le pays ne pourrait pas se permettre de gaspiller son trésor national pour réparer un mur.

« Oui, parlez-moi de ça. »

Après s’être emporté et avoir accidentellement détruit les défenses de la capitale, Kurats ne pouvait que sourire tandis que des gouttes de sueur coulaient sur son front.

« Où avez-vous trouvé les rochers pour construire le rempart ? »

« Eh bien, je crois que l’endroit le plus proche où vous pouvez les trouver se situe dans les montagnes de Betwana, à environ une quarantaine de kilomètres à l’est d’ici. »

« Je suis désolé, mais pourriez-vous retirer les décombres pendant que j’apporte ces pierres ? »

« Que venez-vous de dire ? »

Face à la suggestion inattendue de Kurats, Nikolaï fut perplexe.

Qu’est-ce qu’il a bien pu dire ?

Bien que Nikolaï ait voulu poser cette question à voix haute, il pouvait de façon claire voir que Kurats était complètement sérieux.

« Mais quand auriez-vous le temps de faire ça, monsieur Mathers ? La guerre est toujours en cours, ne seriez-vous pas occupé par les combats ? »

Si Kurats prenait son temps pour reconstruire le rempart, Lapland serait détruite.

Quel serait l’intérêt d’aller jusqu’à envoyer des renforts si l’on savait que Lapland finirait par être détruite ?

« Ça va bien se passer. J’aurai fini d’ici la fin de la journée. »

« Est-ce que c’est si… ? »

Ne sachant que dire de plus, le roi confia son corps au dossier de sa chaise.

Après avoir reçu une carte de la région, Kurats s’était précipité hors de la capitale comme un coup de vent.

Il arriva très vite dans les montagnes de Betwana, où il fut confronté à une énorme falaise de granit.

« Elle a l’air assez facile à couper. »

{Tu aurais pu réparer le mur sans avoir besoin de venir ici si tu avais simplement utilisé le sort de fusion. Cela n’aurait-il pas été mieux ?}

Bernst grogna.

Kurats avait un trésor de sorts magiques à sa disposition et il ne les utilisait pas.

Bernst aurait pu réparer un tel rempart en un rien de temps. Il lui aurait même donné des capacités de défense physique et de défense magique plus fortes.

Pourtant, Kurats, avec sa mentalité simpliste, avait décidé d’aller chercher des pierres à la place. Bernst était loin d’être satisfait.

« Non, je suis toujours inquiet au sujet de mon contrôle magique. »

Si Kurats ratait son sort de fusion et apportait plus de destruction à Macbarn à cause de cela, il perdrait la face.

En outre, si les plaintes de Bernst consistaient à rendre le processus plus tape-à-l’œil ou grandiose, Kurats était certain que ses prouesses physiques seraient plus qu’étonnantes.

{Espèce d’abruti.... !}

Bernst savait que le contrôle magique nécessaire pour transformer les éléments chimiques et affiner les pierres avec une précision millimétrique était bien plus étonnant que n’importe quel tour de force simpliste. Cependant, Kurats n’était pas capable de comprendre la grandeur d’un tel sort.

Mais c’était très probablement dû au niveau inférieur des techniques magiques de ce monde.

Ne prêtant pas attention aux plaintes de Bernst, Kurats mit une partie de son pouvoir magique dans sa main et courut vers la falaise.

« Aaaaaaaaaaaaaah ! »

Avec l’aide de son pouvoir magique, il améliora la vitesse et la force de sa main, la rendant plus tranchante qu’un rasoir et plus puissante qu’un marteau.

Il sauta de dix mètres et pencha sa main vers la falaise, créant une crevasse qui descendit jusqu’au sol.

Le granit dur avait été taillé comme un morceau de viande tendre, le bloc mesurait dix mètres de haut et 20 mètres de long

{Le sort « Vent Tranchant » aurait suffi, c’était une perte de temps…}

« Qui s’en soucie ? C’était génial ! »

Environ deux heures s’étaient écoulées depuis le départ de Kurats vers l’est.

Sur le terrain surplombé par les remparts de la capitale, un objet massif s’approchait. On aurait dit une sorte de colline.

« Il l’a vraiment fait ! »

Nikolaï tomba sur sa chaise à la suite d’un choc.

Sa réaction était naturelle. Il était déjà impensable que quelqu’un puisse faire l’aller-retour vers les montagnes du Betwana en deux heures, sans parler du fait de le faire en transportant une masse de granit de dix mètres de haut.

Kurats se rapprochait rapidement, mais d’après les yeux de ceux qui n’étaient pas au courant, il semblait qu’un rocher massif s’approchait tout seul.

« Qu’est-ce que c’est ? »

« C’est… une pierre ? Comment peut-elle bouger ?! »

« On va se faire écraser ! »

Lorsqu’il se rendit compte que les citoyens commençaient à paniquer, Nikolaï s’empressa d’appeler Rodrigo et d’autres chevaliers.

« Je veux que tous les chevaliers aillent immédiatement guider monsieur Mathers. Et dites aux gens qu’il n’y a pas de raison d’avoir peur. »

« Oui, Votre Majesté. »

Lorsque Nikolaï donna l’ordre, les chevaliers sortirent de leur stupeur et allèrent rejoindre Kurats devant les remparts.

Une fois arrivés, leurs yeux étaient coincés entre le choc et l’étonnement alors qu’ils levaient les yeux vers Kurats et l’énorme morceau de granit qu’il transportait.

« Alors, où dois-je mettre ça pour l’instant ? »

« Attendez que nous ayons fini de nettoyer les décombres… »

À partir de ce jour, ceux qui avaient été témoins du spectacle stupéfiant dans la capitale de Macbarn commencèrent à appeler Kurats « les bras divins de Betwana. »

Quelques jours plus tard, Nikolaï mobilisa ses forces, à la demande du royaume de Lapland, puis écrivit personnellement une lettre au royaume d’Elsrid, qui était un pays voisin.

Et puis, deux semaines plus tard.

Le royaume de Lapland, le royaume d’Elsrid, le royaume de Macbarn et le royaume de Mountbatten signèrent tous une alliance militaire entre les nations du nord, et déclarèrent conjointement la guerre contre l’empire Asgard.

◆ ◆ ◆

Après leur défaite à Berglund, l’armée de l’empire Asgard se retira à Turku, une base stratégique au sud de Lapland, pour se reposer.

Ils avaient subi de lourdes pertes lors de leurs deux dernières batailles. Pire encore, le moral des soldats, qui étaient autrefois si fiers de ne pas connaître la défaite, s’était effondré.

Ils avaient commencé à penser qu’ils n’étaient peut-être pas si forts.

Cabernard ne pouvait que regarder amèrement ces doutes dévorer le moral de ses soldats.

« Nous avons perdu 40 % de nos troupes de mages. Même si nous obtenons des renforts, il pourrait être difficile de revenir à 70 % de nos effectifs initiaux. »

Cabernard fronça les sourcils en écoutant le rapport du commandant divisionnaire de l’escadron, Navarre.

Cabernard savait que la seule raison pour laquelle les pertes étaient si importantes parmi les mages était qu’ils étaient spécifiquement ciblés par l’ennemi, mais il était toujours difficile pour lui d’accepter ce bilan.

Les troupes de mages étaient normalement la branche la plus sûre de l’armée, car elles devaient être gardées sous la protection de l’infanterie lourde.

Contrairement à leur immense puissance de feu, leur défense était assez faible. Pour cette raison, ils n’étaient jamais allés en première ligne et n’étaient pas censés être directement impliqués dans les batailles de l’escadron.

Mais toutes ces attentes avaient été réduites à néant par les roches massives de Kurats.

Son intervention à elle seule avait suffi à tuer des centaines de mages.

« Et maintenant, 50 % de nos canons magiques ont aussi disparu. Si l’on ajoute les 20 % de pertes dans l’infanterie lourde, nous avons perdu 20 % de nos forces au total. »

En ce qui concerne le nombre de soldats, les forces d’Asgard détenaient toujours un avantage écrasant sur Lapland.

Le problème était que les mages et les canons magiques étaient leur principale puissance de feu et qu’ils avaient subi trop de pertes sur ce front.

Seule une bonne combinaison de ces deux aspects de leurs forces serait capable d’infliger des dégâts à ce monstre. Cabernard avait dû accepter le fait qu’il serait trop dangereux de se battre sans d’abord récupérer les pertes de son armée.

« Comment tiens-tu le coup ? »

Brigitte était venue voir Cabernard, une expression déprimée sur son visage.

« Pas très bien. Mais tu n’as pas l’air de te sentir très bien non plus. »

« La plupart de mes soldats sont des cavaliers. On aurait subi trop de dégâts si on avait fait un retrait. Nous ne pouvions pas nous défendre. »

La grande mobilité de l’escadron des éclaireurs de Brigitte s’était faite au prix de sa défense.

Si elle poussait ses soldats trop loin, cela se traduirait immédiatement par de grandes pertes.

« Berglund était trop loin. Étais-je trop impatient de réussir ? »

En y repensant rétrospectivement, même si le comte de Berglund avait rompu son allégeance à Lapland, Asgard n’avait pas besoin d’intervenir aussi rapidement.

S’il avait simplement laissé les choses en l’état, les soldats de Lapland se seraient entretués les uns contre les autres, laissant suffisamment d’espace aux troupes d’Asgard pour lancer tranquillement leur attaque par la suite.

« Nous avons été assez humiliés comme ça. Tu n’as pas l’intention de te retirer tranquillement et d’abandonner, n’est-ce pas ? »

Brigitte se rapprocha de Cabernard, un regard féroce dans les yeux.

Le fait qu’elle ait failli être vaincue et qu’elle ait été forcée de s’enfuir face à Frigga avait grandement blessé la fierté de Brigitte.

Comme elle avait aussi le mot « blanc » dans son titre, elle partageait avec elle une forme de rivalité.

« Après ce qui s’est passé à Berglund, je crains que Macbarn et Elsrid ne commencent aussi à agir. On revient à la case départ. On ne peut pas se permettre de perdre à nouveau. »

Même si Lapland recevait des renforts de la part de ses alliés, le camp d’Asgard serait encore plus puissant, surtout avec l’ajout récent de l’escadron des éclaireurs de Brigitte à l’effectif global des forces de Cabernard.

Cependant, son armée se trouvait actuellement en plein milieu de Lapland, ce qui donnait à l’ennemi un avantage géographique.

Il était prudent de supposer que cet avantage serait suffisant pour compenser la différence de puissance entre les deux armées.

De plus, si Asgard perdait la prochaine bataille, cela nuirait à la position dominante de leur force militaire.

« Penses-tu vraiment que ces lâches vont passer à l’action ? »

« Ils le feront. S’ils voient ce monstre en action, ils ne resteront pas sans rien faire. »

Kurats était une arme stratégique qui pouvait changer le cours d’une guerre par lui-même.

Sa présence serait beaucoup plus encourageante que l’intervention d’une armée de dix mille soldats.

Aucun roi n’essaierait de se faire l’ennemi d’un homme comme lui.

« Tu as peut-être raison. Bon sang, qui aurait cru que les choses tourneraient si mal dans un pays si lointain… »

« Ne m’en parle pas. Rien de ce que je dirai à Sa Majesté ne justifiera une telle lutte contre un si petit royaume. »

À la seconde où Cabernard prononça les mots « Sa Majesté », Brigitte sentit un frisson couler sur sa colonne vertébrale.

Si Cabernard ne parvenait pas à apporter des résultats dans cette guerre, il ne serait pas le seul à être puni.

Brigitte n’était autrefois qu’une simple soldate, qui avait gravi les échelons jusqu’à ce qu’elle atteigne son poste actuel. Elle n’avait pas l’intention d’être rétrogradée maintenant, après tout ce temps.

« Maintenant que je suis venue en tant qu’atout, te reste-t-il une sorte de dernier recours ? »

Le quatrième escadron de Cabernard n’avait pas de héros comme Brigitte, qui pouvait changer le cours d’une guerre par elle-même.

Cabernard était réputé pour être un stratège, mais cela ne suffisait pas. Il était extrêmement incompatible avec un adversaire comme Kurats.

Tout ce qu’il pouvait faire en réponse à la question directe de Brigitte était de se gratter la tête avec un sourire amer.

« J’ai préparé quelque chose, mais ça va me prendre un peu de temps pour le faire. Je vais ainsi donner plus de temps à Lapland pour s’organiser, et ça me fait vraiment chier… »

***

Si vous avez trouvé une faute d’orthographe, informez-nous en sélectionnant le texte en question et en appuyant sur Ctrl + Entrée s’il vous plaît. Il est conseillé de se connecter sur un compte avant de le faire.

Un commentaire :

  1. amateur_d_aeroplanes

    Kurats, le roi du BTP 🙂

Laisser un commentaire