Wortenia Senki – Tome 1

***

Prologue

L’Empire d’O’ltormea, l’état suprême du centre du continent occidental. Dans un domaine situé à la périphérie de sa capitale, la ville d’O’ltormea, deux hommes se tenaient face à face.

L’obscurité de la nuit couvrait le monde. D’épais nuages masquaient le clair de lune, ne permettant même pas au scintillement des étoiles de passer à travers. Le lustre suspendu au plafond du domaine brillait grâce à une puissance magique. Sa lumière passait à travers la fenêtre, mais même cela se limitait à un petit rayon.

Et au-delà de cette lumière faible s’étendait un environnement qui était hostile à toute vie humaine.

La plupart des éclairages de ce monde provenaient de lampes éclairées par de l’huile de poisson ou de l’huile végétale, très peu de gens pouvaient employer la magie. En plus de cela, le pétrole était plutôt cher étant donné le revenu moyen de la planète, et donc la majorité des gens ne pouvaient pas l’utiliser aussi librement que l’eau. Et s’il n’y avait pas de grosse urgence, la classe moyenne de ce monde, les soi-disant « roturiers » rentraient chez eux avec le coucher du soleil et s’endormaient à la tombée de la nuit.

S’il y avait des exceptions à cette règle, ce seraient les quartiers des plaisirs, comme celui sur lequel ce domaine avait été érigé, et les secteurs où avaient été construites les maisons particulières de la noblesse.

Même O’ltormea, qui était considéré comme une grande puissance par ses voisins, ne pouvait égaler le niveau de vie du Japon.

« C’est étrange. Je n’aurai jamais cru que l’obscurité puisse être aussi profonde, n’est-ce pas ? », chuchota un homme, regardant à travers les rideaux avec des épaules tremblantes.

« J’ai presque l’impression que ça pourrait t’enlever ton âme… Cela fait presque huit ans que j’ai été convoqué dans ce monde, et je n’arrive toujours pas à m’y faire. Pour être honnête, mon ancienne vie au Japon me manque tellement que cela en est exaspérant. »

L’obscurité était pure et impénétrable, et il n’y avait aucun éclairage public, aucun distributeur automatiques ni maisons résidentielles pour l’éclairer. On imaginait rarement que la nuit puisse frapper le cœur de l’homme d’une telle terreur.

… Mais non, c’était plus que l’obscurité de la nuit. Cet endroit était complètement différent du Japon à tous points de vue. De la religion à la culture, et ceci jusqu’à la moindre habitude, en passant par les modèles de vêtements et de coiffures, rien dans ce monde ne semblait s’aligner sur la vie des habitants du Japon.

Et tout cela lui avait donné d’autant plus de raison à vouloir retourner au Japon. C’était sans parler du fait que le Japon se trouvait dans une période calme. Plus le présent paraissait terrible par rapport au passé, plus le désir de rentrer chez lui palpitait dans le cœur.

« Eh bien, on ne peut s’empêcher de ressentir ça, du moins quand il s’agit de ça. Cet endroit n’a après tout rien à voir avec notre douce patrie. Mais de là à te trouver si sentimental, Saitou… C’est vraiment inhabituel. Il est vrai que nous ne nous sommes pas rencontrés en personne depuis quelques mois, et pourtant… Je devrais faire de ça un sujet lors de notre prochaine réunion ordinaire. Je suis sûr que les autres représentants vont bien rire de tout ça. »

L’homme d’âge moyen qui le taquinait était assis confortablement sur un canapé, en sirotant un verre de vieux vin.

« S’il te plaît, épargne-moi l’embarras, Sudou. J’ai une position et une réputation à maintenir. »

Saitou se retourna rapidement pour faire face à l’autre homme, mais Sudou le regarda simplement avec son sourire habituel.

« Non, non. Tu es la personne qui surpasse tous les autres candidats pour le poste de futur gestionnaire de notre organisation, et tu es aussi jeune. C’est normal que les managers plus âgés veuillent un peu te taquiner. De leur point de vue, tu dois sûrement avoir le même âge que leurs enfants ou petits-enfants. Penses-y comme l’un des seuls plaisirs qui restent à la disposition d’un groupe de vieillards solitaires, arrachés à leur famille, et qui jouent le jeu. Toi aussi, tu sais ce que c’est que de perdre une famille. Tu peux sûrement compatir avec leurs sentiments. »

Ces mots avaient été prononcés en plaisantant, mais il était évident qu’ils touchaient une corde sensible chez Saitou. Pendant un moment, son visage s’était violemment déformé.

« Sudou… »

Un léger grognement trahissait sa voix.

Quelle était donc la portée émotionnelle qui se cachait derrière cet énoncé ? L’intention meurtrière qui s’était échappée de lui avait gelé l’air de la pièce. C’était sa véritable volonté, une facette de lui-même qu’il n’exposait jamais d’habitude.

Une lueur inquiétante scintilla dans les yeux de Saitou alors qu’il fixait le visage de Sudou. Sudou, par contre, avait simplement incliné la bouteille de vin posée sur la table, comme si rien d’inhabituel ne se passait.

« Hehehehe, oui, c’est une belle expression. Ce reflet me dit que ta rancune n’a pas encore diminué. Ce sentimentalisme inattendu, comme tu l’as dit tout à l’heure, m’a fait un peu craindre que tu aies fait preuve de laxisme à notre égard… Mais, hah, je vois que ce n’est pas du tout le cas. C’est bien sûr un soulagement. Rien d’autre n’aurait suffi. »

Ces mots firent que Saitou détourna son regard sans mot dire. Il semblerait que Sudou l’avait mis délibérément en colère. L’atmosphère tendue qui avait envahi la pièce commença progressivement à se dissiper.

« Franchement… tu es… un homme odieux. »

Oubliant sa tendance habituelle à parler poliment à ses aînés, ces mots glissaient venimeusement des lèvres de Saitou.

En entendant ces paroles, Sudou avait laissé échapper un rire exubérant.

« Mes excuses, mon ami. Pas besoin de s’indigner pour ça. Sonder les motivations de ses subordonnés fait partie du travail d’un supérieur, vois-tu, surtout dans une organisation comme la nôtre. »

Il posa alors son verre de vin sur la table et, le sourire disparaissant de ses lèvres, il tourna son regard vers Saitou. Il ne lui restait plus un soupçon de frivolité dans ses traits.

« Soit dit en passant, j’ai une grande foi en ton bras armé et ta tête brillante… Tu es l’image même de la personne idéale pour notre organisation. Et cela inclut la sombre luxure qui sommeille dans les profondeurs de ton cœur. »

Ses yeux noirs fixaient Saitou, comme s’il était capable de voir dans son cœur. Comme un trou noir, il ne montrait aucune émotion.

« Et c’est pourquoi j’ai choisi de te sauver, toi plus que tous les autres candidats. Tu n’es pas un militaire expérimenté ni un espion. Mais tu… tu n’es pas un simple employé, fraîchement sorti de l’école. C’est pourquoi nous t’avons confié une tâche vitale, sur laquelle reposent nos aspirations tant attendues. J’attends de toi que tu ne trahisses pas mes attentes. »

En entendant ces mots, un ricanement était visible sur les traits de Saitou. Il se souvient de l’impuissance du jeune qu’il était à l’époque, une version plus jeune, hautaine et ignorante de lui-même, qui avait cru aveuglément que rien ne lui échappait. Une bêtise qui lui coûterait en fin de compte tout.

« Je peux te l’assurer. À ce stade, je le sais même sans que tu aies à me le rappeler. »

Son poing serré tremblait d’humiliation et de rage.

« C’est pour ça que je réfrène mon envie de crier, même maintenant. »

Il avait dû se battre contre des ennemis détestés qui l’humiliaient, lui faisant faire pour eux leur sale besogne de façon proactive. Il avait fait tout ce qu’il devait faire pour atteindre cet objectif secret. Et tout cela parce qu’il savait très bien que cela empêcherait les ténèbres de pénétrer dans son cœur. Au moins jusqu’à ce que le jour arrive enfin…

Et pourtant, il ne pouvait s’empêcher de rêver du passé qu’il avait perdu à un moment donné.

Est-ce ma faiblesse, je me le demande ? Pendant un bref moment, un léger doute flotta dans l’esprit de Saitou. Mais ce que Sudou avait dit ensuite avait effacé ce doute sans laisser de traces.

« Je n’essaie pas de dire qu’il y a quelque chose de mal à se rappeler de son passé. Après tout, nous sommes des compatriotes ayant vécu la même situation. Je peux malheureusement comprendre tes sentiments. Mais nous ne devons jamais oublier notre objectif. Après tout, il nous est impossible de revenir en arrière. C’est pourquoi l’avenir est tellement plus précieux. Travaillons ensemble pour nous bâtir un meilleur avenir. »

Saitou hocha la tête silencieusement en entendant les mots de Sudou, qui semblaient presque voir à travers lui. On ne pourrait malheureusement pas changer le passé. Même s’il luttait, il ne pourrait jamais récupérer les choses qui lui avaient glissé entre les doigts et cela même s’il essayait éternellement…

C’était pourquoi il avait dû fixer son regard vers l’avenir.

« Oui, c’est splendide. », dit Sudou avec satisfaction, voyant les flammes sombres brûler dans les yeux de Saitou.

« Si c’est clair pour toi, je n’ai plus rien à dire. Reprenons la discussion sur le travail, afin que nous puissions accomplir notre noble objectif et peindre ce continent avec les flammes de la souffrance et l’ombre pourpre du sang. »

Le murmure qui jaillissait des lèvres de Sudou résonna dans les oreilles de Saitou comme le murmure doux et séduisant du diable lui-même.

***

Convocation

Partie 1

Le soleil matinal ne faisait que commencer à apparaître de l’autre côté de l’horizon. Dans le jardin d’un certain domaine du quartier Suginami de Tokyo, deux hommes se faisaient face, avec une épée à la main.

« Dépêche-toi et viens vers moi ! ». Le cri d’un homme en colère résonnait dans les locaux, s’opposant au silence habituel d’un quartier résidentiel à l’aube.

Cependant, ce domaine était spacieux. Des bosquets de bambous poussant dans la cour et des murs en mortier séparaient ce domaine du reste du quartier. Peut-être en raison de cela, aucune personne n’était là pour assister à leur entraînement.

La source de ce cri était un vieil homme. Il avait les cheveux blancs attachés au dos. Il mesurait environ 170 centimètres. La poitrine épaisse qui jaillissait de la fente de sa tenue de kendo était finement façonnée et divisée en un six-pack bien défini. Son bras était épais et musclé, et il tenait un katana incurvé de 63 centimètres de long.

Sans les rides gravées sur son visage et ses cheveux blanchis, personne n’aurait jamais pu deviner que c’était un vieil homme. Son corps était si bien formé et entraîné. Et pour couronner le tout, son regard avait un reflet vif. C’était le genre de lueur qui ferait sourciller le commun des mortels.

La combinaison de ses traits, de son physique, de l’éclat de ses yeux et de la lueur de l’ensemble, le katana parfaitement entretenu dans ses mains, donnait à ce vieil homme une silhouette qui frapperait de stupeur et de terreur tout homme qui poserait les yeux sur lui.

Mais l’expression du jeune homme qui lui faisait face n’était pas obscurcie par le doute ou l’hésitation. Au contraire, il semblait apprécier cette situation.

« Grand-père, si je viens vers toi avec une épée non gainée, tu vas mourir ! Ce n’est pas comme si ça m’importait beaucoup, mais avoir affaire à la police serait une vraie plaie. »

Tandis que le jeune homme parlait, ses lèvres se recouvraient d’un sourire provocateur. Mais ce n’était pas du bluff. Il n’avait vraiment et honnêtement pas peur de l’aura menaçante du vieil homme ni de l’épée se trouvant dans ses mains.

Ce jeune homme taquin mesurait plus de 190 cm, et pouvait même atteindre deux mètres. Les muscles qui ornaient son corps étaient tout aussi toniques que ceux du vieil homme qui se tenait en face de lui. Au contraire, son corps plus jeune semblait encore plus souple et puissant.

Compte tenu de sa taille et de son armure de muscles, le poids de ce jeune homme dépassait sans doute les 100 kg. C’était un véritable Goliath, orné d’un corps aussi éloigné que possible du physique japonais ordinaire.

S’il avait aussi eu un visage vicieux, personne n’oserait s’approcher de ce jeune homme. Mais peut-être qu’en raison de sa bonne éducation, il avait été béni d’un comportement doux et amical, et d’un visage qui dégageait une certaine sérénité, qui mettait les gens autour de lui à l’aise.

 

 

« Hmph. Tu te crois capable de me tuer ? »

Le vieil homme considérait les paroles du plus jeune avec mépris.

Mais le mépris ne se limitait qu’à ses paroles. Il croyait sûrement aux capacités du jeune homme, et il y avait de la chaleur dans le regard aiguisé du vieil homme.

« Qui sait ? », dit le jeune homme en regardant l’aîné d’un regard interrogateur.

« J’ai fait beaucoup d’entraînement, il est temps que tu ne bloques plus mon épée afin que je puisse te faire passer de la vie à trépas. »

« Ton épée, hein ? Eh bien, si ce moment arrive, je te demanderai pardon pour t’avoir fait subir toutes ses séances d’entraînement, et tu pourras même avoir tout mon héritage. »

Souriant de manière satisfaite à la suite des propos du garçon, le vieil homme avait saisi son katana des deux mains, le tenant dans une position à la hauteur des yeux.

« Papy, si tu mourais, alors qui donc pourrait se tenir face à moi durant l’entraînement matinal ? »

Souriant aux paroles du vieil homme, le jeune avait adopté une position similaire avec son propre katana, dont la longueur totale était de 90 cm.

« Ton héritage est une récompense tentante ! »

Après s’être échangé des insultes, ils jetèrent un coup d’œil sur chaque partie du corps de l’autre. Dans leur état actuel, quel que soit l’endroit où l’un regardait l’autre, il ne pourrait pas se concentrer. C’était presque comme si l’air entre eux était gelé. Il ne restait plus aucune trace de l’atmosphère amicale et intime qui les unissait.

Une véritable intention meurtrière émanait de leurs deux corps. Rien d’autre que la volonté de tuer l’autre n’existait entre eux.

« Aaaaaaaaaaaaaaaaah! »

« Gaaaaaaaaaaaaaaaah! »

Ils expirèrent tous les deux en même temps et la soif de sang qui avait atteint son zénith se répandit. Toute personne ordinaire serait devenue immobile, balayée par un tel désir de tuer.

Les deux personnes se croisèrent, et le bruit de l’acier s’opposant à celui de l’acier retentit au moment de leur rencontre. Une brève pluie d’étincelles dansait dans la forêt de bambous.

Traversant les deux mètres qui les séparaient en un clin d’œil, les deux individus échangèrent de position, tenant une fois de plus leurs lames à hauteur des yeux.

« Espèce de petit morveux de merde ! »

Le vieil homme regarda le garçon avec fureur.

« Tu t’en es pris à ma gorge après t’être mis en position médiane ! »

Toute discussion sur la transmission de son héritage semblait avoir été complètement oubliée à ce moment-là. La frappe du jeune homme visait vraiment à séparer l’aîné de son âme. Mais il en était de même pour le vieil homme, et il n’avait pas le droit de blâmer le plus jeune pour ses actions.

« Un certain professeur m’a même appris à abattre mes propres parents quand il s’agissait d’un combat à l’épée… En plus, si tu veux parler du coup que tu m’as donné à bout portant, tu visais aussi ma gorge ! »

Le vieil homme qui s’offusquait injustement de lui avait rendu le ton du garçon plus épineux que d’habitude, ce qui était compréhensible.

Tout d’abord, les techniques et la mentalité du garçon lui avaient été inculquées dès son enfance par ce vieil homme. C’était son grand-père qui lui avait enseigné la façon de penser comme quoi on ne doit prendre l’épée que lorsqu’on était résolu à mener un vrai combat à mort. Et c’était la raison pour laquelle le jeune homme avait estimé qu’il était absurde de le contrarier de ne pas avoir respecté ces méthodes.

« Il est évident que je la visais ! Mon épée tue toujours en un seul coup ! »

De tels appels raisonnables n’atteindraient pas le vieil homme, maintenant que tout ce sang lui était monté à la tête.

« On ne prend l’épée que lorsqu’on est résolu à prendre la vie d’un autre ! »

Le jeune homme considéra le cri de colère de son grand-père avec une expression exaspérée.

« Tu vois, c’est justement ça le problème. Ce genre de chose dangereuse ne sert à rien ! Dans quel endroit au Japon peut-on utiliser ce genre de techniques !? D’ailleurs, où est-ce que l’on peut s’amuser à essayer quelque chose d’aussi mortel sur son propre élève ? »

Il est vrai que dans le Japon moderne, il était interdit de porter de vraies épées, et encore moins de se battre en duel avec elles. Le vieil homme avait le droit d’avoir cette conviction en tant qu’artiste martial, mais lorsqu’il s’agissait d’en faire usage, les affirmations du jeune homme seraient très probablement considérées comme non valables.

On pouvait perfectionner ses techniques de mises à mort autant qu’on le souhaite, mais il serait inutile de le faire sans un endroit où les utiliser. Mais en entendant la voix de son élève, ces affirmations tout à fait raisonnables n’avaient fait que jaillir des veines sur les tempes du vieil homme.

« Tais-toi, tais-toi ! Arrête tes bavardages prétentieux et retourne à l’entraînement ! », cria le vieil homme tout en déplaçant de nouveau son épée vers le garçon.

C’était une frappe qui, si le garçon ne l’avait pas bloquée, aurait sûrement fendu son crâne en deux.

« Mais je n’arrête pas de te le dire ! Quelle est la grande idée derrière ces duels de vie et de mort si on ne peut pas le mettre en pratique !? »

Le bruit de leurs épées résonnait dans le quartier résidentiel tranquille. Cependant, rien de tout cela ne dérangerait les voisins, si bien que les deux étaient libres de s’entraîner aussi vigoureusement qu’ils le souhaitaient.

Au début, les deux semblaient correspondre parfaitement l’un à l’autre. Mais à la fin, l’un d’eux était âgé et l’autre jeune, et la balance de la victoire penchaient progressivement en faveur du garçon. Aussi assidue que sa formation eût pu être, le vieil homme n’avait aucune chance de l’égaler. Au contraire, le fait qu’il l’avait suivi aussi longtemps qu’il le faisait était stupéfiant.

Poussant le vieil homme avec force, l’épée du garçon s’approcha du cou de son professeur. Mais avec l’épée à quelques centimètres de sa trachée, le vieil homme avait soudainement relâché son emprise, faisant perdre l’équilibre à son élève à cause du manque soudain de pression, celui-ci tomba en réponse.

Saisissant cette chance, le vieil homme avait poussé son pouce vers l’œil du plus jeune. Se rendant probablement compte qu’il ne pouvait pas égaler son élève en termes de force pure, il avait laissé sa main gauche loin du pommeau de l’épée et avait plutôt essayé de lui arracher l’œil. Cette attaque soudaine avait incité le garçon à reculer et à créer une distance entre eux.

« Bon sang. Tu dis qu’il n’y a pas d’acte criminel si ce n’est que de l’entraînement ! Arrête d’agir comme un gamin de merde ! »

La patience du jeune homme était visiblement à sa limite, car son langage envers le vieil homme devenait de plus en plus profane.

« Hmph. Rien de tout cela n’a d’importance dans un vrai combat, que ce soit pourri ou merdique, ou peu importe la manière dont tu veux l’appeler ! »

Le vieil homme prétendait qu’il n’y avait pas d’acte criminel dans une bataille où la vie était en jeu. Il n’y avait dans ses paroles pas le moindre soupçon de honte en employant une attaque de sa main au milieu d’un exercice de maniement de l’épée. Au contraire, le fait que le garçon était suffisamment conscient et capable pour anticiper et juger cette attaque non armée signifiait qu’il n’était pas aussi raisonnable ou normal qu’il le prétendait…

Leur entraînement comportait toujours des risques de blessures, voire de mort. Mais c’était uniquement parce qu’ils étaient parfaitement conscients des compétences de l’autre. Ils arrêtaient toujours leurs attaques au tout dernier moment. Leurs frappes étaient peut-être remplies d’intentions meurtrières, mais il n’y avait aucune intention réelle de tuer. C’était un entraînement qui imitait parfaitement le vrai combat.

Sautant en arrière, le vieil homme remit son katana dans son fourreau et le plaça contre les piles de bambous. Il s’était ensuite tourné lentement vers le jeune homme, détendant les muscles de son corps et laissant ses bras s’affaisser calmement. C’était une posture vraie et naturelle. L’absence de position était la position ultime, comme on dit.

« Viens vers moi désarmer ! Je vais te montrer à quel point ta force exagérée n’est bonne à rien ! »

« En es-tu sûr ? »

Le jeune homme ricana.

« Je me ferai un plaisir de répondre à ta demande ! Mais penses-tu vraiment que tu puisses me battre à mains nues, alors que tu ne pouvais même pas me battre avec une épée ? »

Mais le vieil homme ne dit rien, faisant simplement signe au garçon de ranger son épée. Respectant cette demande, le garçon rengaina son épée et la plaça également contre les piles de bambou, puis se tourna pour faire face au vieil homme.

***

Partie 2

Il avait soutenu son poing gauche le long de son visage et avait abaissé son point droit afin de couvrir sa ligne médiane. Déplaçant son centre de gravité vers sa jambe gauche, il enroula les orteils de son pied droit vers l’intérieur. C’était une position qui équilibrait attaque et défense, lui permettant à la fois de donner aléatoirement des coups de poing ou des coups de pied tout en protégeant ses points vitaux de toutes attaques.

Pour ces deux-là, la bataille sans armes était aussi meurtrière que la bataille à l’épée. Le suspense les empêchait de respirer. Mais le silence fut bientôt brusquement dérangé… par le son de l’estomac du garçon qui grognait. Celui-ci se plaignait certainement.

Il s’était réveillé avant l’aube, et leur entraînement avait duré plus d’une heure. C’était à ce moment-là que son estomac commença lui indiquer bruyamment qu’il avait faim. Mais son professeur et son grand-père n’étaient pas assez indulgents pour abréger l’entraînement simplement parce que son petit-fils avait faim.

Merde, je meurs de faim… Allez, papy, finissons ça tout de suite…

Mais il pouvait le supplier autant qu’il le voulait, le vieil homme ne montrait aucune ouverture dans sa position. Au contraire, il était visiblement prêt à y aller, prêt à tirer parti de toute ouverture imprudente que le garçon pourrait exposer.

Celui-ci avait été expulsé du lit tôt le matin et forcé de participer à un entraînement mortel le ventre vide… Quand soudainement, un ange était descendu pour le sauver.

« Voulez-vous bien arrêter !? Je me donne la peine de vous faire le petit-déjeuner et voici ce que vous faites ? Mon dieu. Pourquoi jouez-vous si tôt le matin ? »

Une fille vêtue d’un tablier, les cheveux noirs attachés en queue de cheval, apparue au bord de la ligne de visée du garçon. C’était une jeune femme séduisante aux yeux noirs et volontaires, qui mesuraient environ 170 cm.

Elle s’appelait Asuka Kiryuu.

« Moi ? En train de jouer ? Et avec ce type ? Tu devrais travailler un peu plus ton sens de l’humour… »

À tout le moins, le jeune homme n’était pas en train de s’entraîner tôt le matin, agitant de vraies épées ou se battant dans un combat semi-mortel sans armes pour le plaisir.

« Eh bien, alors qu’est-ce que tu faisais ? »

Asuka rétrécit les yeux vers le garçon, qui secoua la tête d’une manière presque offensante.

Sa question posée obligea le garçon à pencher la tête avec perplexité, cherchant les mots appropriés pour décrire ce qui était trop dangereux pour être considéré comme un entraînement normal.

« … on essayait de s’entretuer. »

Au moment où ces mots sortirent de sa bouche, un son émoussé résonna sur les piles de bambous, et avec lui, le bruit d’un poing se heurtant contre une paume ouverte.

« O-Ouch… »

« Commence déjà par arrêter de parler comme un abruti ! »

Asuka le menaça avec une louche à la main.

Mais d’où est-ce qu’elle sort ça ?

Asuka avait porté un coup à la tête du jeune homme avec la louche qu’elle tenait actuellement. Elle l’avait brandie à une vitesse que l’on pourrait vraiment qualifier d’éclair.

Même si ses capacités physiques étaient extrêmement raffinées, le coup qu’elle avait donné n’en était pas moins très douloureux.

Preuve de ses capacités, il avait paré l’attaque que le vieil homme l’avait lâchée — un poing avec la deuxième articulation du troisième doigt tendue comme une corne — au moment où il tressaillait après l’attaque d’Asuka. Celui-ci n’avait pas l’impact d’un coup de poing normal, mais en échange, il était optimal pour pénétrer dans les organes vitaux de l’adversaire.

De cette manière, le garçon avait bloqué le coup porté à sa tempe par une réaction imputable également à l’instinct et aux réflexes développés à partir d’un entraînement impitoyable. Et malgré cela, il n’avait pas réussi à bloquer l’attaque de la fille.

Bien que cela fût de loin préférable à ce qu’il avait lu dans de vieilles bandes dessinées. Chaque fois que le héros de ces bandes dessinées essayait de mettre la main sur une autre fille, l’héroïne le frappait à la tête avec un marteau. Il pouvait généralement éviter les balles rapides, mais curieusement, il n’avait jamais réussi à éviter le marteau de l’héroïne. (NdT : coucou Ryo Saeba)

En effet, cette situation était sûrement le moindre de deux maux. Aussi bien construit que puisse être son corps, un coup de marteau le tuerait toujours…

« Ah, Asuka. Tu vas encore nous faire ta querelle de jeunes mariés ? »

La personne qui venait d’être responsable du fait que le garçon avait été battu à la tête avec une louche s’adressa à Asuka avec une expression nonchalante.

Pas une trace de la vigueur intimidante qu’il avait pendant l’entraînement ne restait dans sa voix, il ressemblait à un aimable vieil homme que vous pourriez trouver n’importe où.

J’aurais peut-être bloqué ça, mais il a quand même lancé une attaque-surprise sur moi, et le voilà qui rigole comme si rien ne s’était passé. C’est pourquoi je déteste ce type…

Honnêtement, même si c’était son grand-père, il n’arrivait pas à comprendre cette disparité dans son comportement.

« Qu’est-ce que tu dis, papy ? J’ai déjà un petit ami… Et en plus, comme c’est de Ryoma qu’on parle. »

En disant cela, Asuka avait dirigé un regard significatif dans la direction du garçon. Le genre de regard qu’un chat peut avoir sur une souris. Il semblerait que, peu importe comment il répondait à cela, cela le mènerait tout droit sur le chemin de l’enfer.

Sérieusement, ce n’est pas une blague. Je n’en veux pas plus que toi.

Si on la considérait comme une jeune femme, Asuka Kiryuu était en effet très séduisante, et le jeune homme n’avait aucune intention de le nier. Mais c’est aussi un fait que les années qu’ils avaient passées ensemble avaient invalidé quelque chose qui aurait pu transformer leur relation en une relation romantique. Aux yeux de ce jeune homme, Asuka Kiryuu était en quelque sorte une sœur.

Ce n’était pas qu’il n’avait pas eu le courage de prononcer ces mots n’importe où sauf dans son cœur. Il ne connaissait que trop bien la personnalité de sa cousine, ce qui lui en avait fait passer l’envie. Il avait ainsi tenu sa langue. C’était la seule voie sûre à sa disposition. Personne ne devrait être blessé de cette façon.

« Ne dis pas ça, Asuka. »

Mais il y avait quelqu’un ici qui voulait absolument perturber cet équilibre pacifique.

« Tu ne viendrais pas tous les matins pour lui préparer le petit-déjeuner s’il n’était qu’un ami d’enfance, n’est-ce pas ? »

Le vieil homme n’arrêtait pas de taquiner Asuka. Était-ce par curiosité, ou avait-il une arrière-pensée en tête ? Quoi qu’il en soit, le résultat final ne serait pas celui que le jeune homme apprécierait.

Mais contrairement aux attentes du garçon, Asuka avait simplement souri innocemment.

« Non, pas vraiment. Après tout, je ne le fais pas gratuitement. Mon allocation mensuelle est augmentée de 20 000 yens si je fais ça ! »

Ces mots avaient fait en sorte que tout s’était mis en place dans l’esprit du jeune homme. Donc elle ne faisait pas ça par bonté d’âme. Apparemment, sa tante avait négocié des choses avec Asuka pour augmenter son argent de poche en échange de cela.

« Ahh… Penser que ma propre chair et mon propre sang seraient si avares… »

Tandis que le vieil homme murmurait ces mots avec exaspération, une certaine pensée flotta au fond de l’esprit du garçon.

C’est vrai, ma tante a fait un carton dans le commerce des actions, n’est-ce pas… ?

Telle mère, telle fille, semblerait-il.

Asuka Kiryuu avait l’honneur d’avoir un visage attrayant et une silhouette bien formée, ainsi qu’une tête pointue et vive sur les épaules. En plus de cela, elle était amicale, sans pour autant prendre les gens de haut. Cette combinaison gagnante avait fait d’elle l’une des filles les plus populaires à l’école.

Elle excellait dans la cuisine, et elle était capable de faire le ménage, la lessive et diverses tâches manuelles, entre autres les travaux ménagers. Elle était, à bien des égards, parfaite. Il était vrai qu’elle pouvait être stricte lorsqu’il s’agissait de gérer un budget, mais cela signifiait simplement qu’elle avait le sens de l’économie, cela ne pouvait pas vraiment être perçu comme un mauvais point contre elle.

Et bien qu’elle avait pu sembler être la fille idéale pour n’importe qui d’autre, le garçon n’avait pas pu s’empêcher de rire à cette idée. Il était bien trop proche d’Asuka pour la considérer comme une femme.

« Aaah ! »

Asuka éleva soudain la voix, examinant la montre de sa main droite.

« Je dois aller à l’entraînement du club de tir à l’arc, alors je m’en vais. Fais la vaisselle quand tu auras fini, compris, Ryoma !? »

Avec cette remarque d’adieu, Asuka enleva son tablier (il y avait sur ce tablier une caricature exagérée d’un chat calicot dessiné dessus), et courut vers le bâtiment principal.

« Hmph… Être si pressée si tôt le matin. », dit le vieil homme, croisant les bras avec une expression satisfaite.

« N’aurions-nous pas plus de temps pour manger si tu ne la taquinais pas autant, grand-père ? »

Le jeune homme fit une remarque tout à fait valable.

Dans la pratique, la tendance de ce vieil homme à dire systématiquement des choses gênantes tout en ruinant l’atmosphère pour son propre plaisir était vraiment problématique.

« C’est parce que tu ne montres pas assez de respect à tes aînés. » Dis le vieil homme, gonflant sa poitrine sans la moindre trace de remords.

Il n’avait pas l’intention de répondre à la plainte du jeune homme. Apparemment, le mot « introspection » n’existait pas dans son vocabulaire.

Foutu vieux schnock ! Je finirai par t’étrangler un de ces jours…

Grand-père ou pas, il était vraiment gênant.

« Haaah... »

Le garçon avait poussé un long soupir, un soupir qui trahissait ses vrais sentiments.

« Qu’est-ce qui ne va pas ? »

Ignorant la question du vieil homme, le garçon s’était dirigé vers le bâtiment principal. Perdre son temps à s’occuper de son grand-père lui laissait peu de temps pour manger, sans parler du fait qu’il devait enlever toute cette sueur. Aussi détaché que l’enfant soit de son apparence, il n’était pas question d’aller à l’école quand il puait la sueur comme ça.

Il se rendit donc vers la salle de bain et, comme tous les matins, il s’était lavé. Puis, après avoir revêtu l’uniforme de son école, il s’était approché de la table à manger et s’était rendu compte que son petit-déjeuner était devenu froid depuis longtemps. Comme prévu.

Le garçon s’appelait Ryoma Mikoshiba. Il était, comme on pourrait probablement le supposer, c’était un jeune homme qui n’avait pas la joie de vivre, du moins du point de vue du commun des mortels. Mais Ryoma voyait les choses différemment.

Chaque jour, il pratiquait les arts martiaux avec son grand-père, ce genre d’entraînement intensif qui ne serait probablement perçu que comme abusif aux autres spectateurs. Quand il était encore un enfant sans qualification, les éraflures et les marques bleues étaient monnaie courante, et étant donné qu’il s’entraînait avec une épée en bois et sans aucun équipement de protection, il fallait s’attendre à une fracture ou à deux.

Et bien que le vieil homme ait parfois été indulgent avec lui, il était toujours hospitalisé après avoir reçu un coup d’épée en bois à la tête. C’était ce genre d’entraînement intensif, mais Ryoma s’y était quand même tenu. Il avait gardé cette routine aussi longtemps qu’il pouvait se souvenir, c’est-à-dire depuis au moins plus de dix ans.

Il avait eu néanmoins beaucoup d’occasions de mettre fin à ces séances d’entraînement, s’il l’avait vraiment voulu. Le service de protection de l’enfance de la paroisse était une option, de même que les parents d’Asuka, les Kiryuu. Ils avaient tous offert leur aide à Ryoma, mais il avait quand même choisi de les rejeter de sa propre volonté.

***

Partie 3

L’une des raisons était que son grand-père n’était pas une personne purement stricte. En dehors de l’entraînement, le vieil homme traitait son petit-fils avec affection. Dans tous les cas, il n’avait pas le genre de cœur cruel et déformé qui prendrait plaisir à faire du mal à un enfant.

Et l’autre raison était que Ryoma lui-même aimait l’entraînement de son grand-père. Sa théorie du combat était la suivante : chaque combat était authentique, et il devait être mentalement prêt à y mettre sa propre vie en jeu. C’était intrinsèquement différent des arts martiaux modernes, qui avaient pour la plupart été convertis en sports. Si l’on devait le classer correctement, l’entraînement que Ryoma avait suivi s’apparentait davantage à un entraînement militaire.

C’était un art martial qui semblait être une hérésie du point de vue du Japon moderne, mais il semblait correspondre parfaitement à Ryoma. En fait, une fois à l’école primaire, un professeur l’avait invité à une session de formation de judo, mais Ryoma n’y était jamais retourné après sa première visite. Son jeune cœur avait senti que ce n’était pas ce qu’il cherchait.

Et depuis, Ryoma s’était consacré à cet entraînement avec plus de vigueur. Il avait beau jurer et se plaindre tous les jours, il avait volontiers choisi de vivre avec son grand-père dans ce quartier tranquille de Suginami.

Les parents de Ryoma étaient apparemment décédés quand il était enfant. C’est du moins ce qu’il pensait, parce que son grand-père n’avait jamais précisé comment ils étaient morts. Il ne savait pas si c’était par maladie ou par accident, car il n’avait jamais vu leur tombe. Ils pourraient encore être quelque part vivants et en bonne santé, c’était tout ce que savait Ryoma.

Cependant, honnêtement, il ne se souciait pas de ses parents, vu qu’ils n’avaient jamais été là pour lui. Vivant ou mort, ça n’avait pas changé le fait qu’ils ne l’avaient jamais élevé. Ainsi, il ne s’intéressait pas à eux. Ryoma Mikoshiba était, pour le meilleur ou pour le pire, un réaliste.

Bien que différentes personnes aient des notions différentes sur ce qui comptait pour attirer l’autre, Ryoma n’était pas du tout un homme laid. Mais il n’était pas très beau non plus. Ses traits faciaux étaient ce que l’on pourrait qualifier de viril, ou plus négativement, de distinct. Cela pourrait se résumer plus simplement à un visage typiquement japonais.

Il était de grande taille. Son bras était aussi épais que la taille d’une femme mince. Mais cette masse n’était pas le résultat de la graisse, mais de muscles d’acier parfaitement développés et tempérés. Ses bras et ses cuisses étaient aussi épais que des bûches, ce qui le mettait en contraste avec les machos minces qui étaient populaires de nos jours.

Ses camarades de lycée lui avaient donné le surnom d’« Ours endormi », inspiré par sa douceur habituelle et son physique bestial. Ou du moins, c’était l’explication que l’on donnait aux autres. Seul un petit nombre de personnes choisies connaissaient la véritable signification de ce nom, et ce n’était pas à elles de parler ouvertement de la question.

Non, même eux ne connaissaient pas le vrai Ryoma.

Ryoma avait son propre complexe, son visage le faisait paraître plus vieux qu’il ne l’était vraiment. Les gens avaient estimé son âge entre vingt-quatre et trente ans, ce qui était embarrassant. Le genre d’estimations qui choquait tellement Ryoma qu’il restait dans son lit à se morfondre.

Cela dit, ce n’est pas que son visage semblait beaucoup plus vieux. Il n’avait pas le visage d’un bébé ou quoi que ce soit du genre, mais c’était un ensemble. Il aurait pu passer pour avoir un an ou deux de plus, mais c’est tout. Si des facteurs pouvaient être attribués au problème, c’était son comportement calme associé à son physique distinct, qui convenait mal à un Japonais ordinaire.

S’il y avait un côté positif à tout cela, c’était de lui permettre d’acheter de l’alcool dans les supérettes sans que le caissier se donne la peine de demander une pièce d’identité. Une fois, quand Ryoma était enfant, son grand-père s’était soûlé et lui avait offert de l’alcool en guise de blague, ce qui l’avait amené à développer un goût pour l’alcool.

Son grand-père n’était pas du genre à le reprendre, ne l’avertissant jamais trop strictement à ce sujet. Au contraire, il semblait heureux d’avoir quelqu’un avec qui boire.

Les passe-temps de Ryoma étaient de regarder des films, de lire des livres et de jouer à des jeux vidéo. Bien que ses aptitudes athlétiques soient loin d’être mauvaises, il était le genre de personne qui aimait être seul dans sa chambre. Il n’était pas antisocial, mais il n’appréciait pas les endroits trop animés. En raison de ces caractéristiques, il n’attirait pas beaucoup l’attention à l’école, sauf quand il s’agissait de sa taille, et il n’avait naturellement pas de petite amie.

Ainsi, du point de vue du commun des mortels, Ryoma semblait probablement être un jeune homme qui n’avait pas de joie de vivre. Et c’était probablement la valeur de la personne appelée Ryoma Mikoshiba. Mais s’il avait vécu plus longtemps au Japon comme ça, il rencontrerait sûrement un jour une femme qu’il aimerait et créerait un foyer chaleureux avec elle.

Mais la déesse du destin n’avait pas l’intention de permettre à son humble rêve de se réaliser. Car aujourd’hui même, à l’heure du déjeuner, il sera jeté en enfer.

« Ouf, enfin l’heure du déjeuner… »

Ryoma Mikoshiba soupira alors que sa dernière leçon du matin touchait à sa fin.

Bien qu’il ne s’agisse pas d’une école axée sur l’entrée des étudiants à l’université, c’était quand même un lycée public avec un taux d’admission assez élevé. Ryoma ne s’y était inscrit que depuis le printemps, et les cours étaient déjà très difficiles à suivre.

Ryoma n’était pas particulièrement bête, mais il avait tendance à faire preuve d’une intelligence exceptionnelle lorsqu’il s’agissait de sujets qui lui convenaient, tout en n’étant pas aussi intelligents quand il s’agissait de sujets qu’il n’aimait pas. En d’autres termes, il avait une personnalité fondamentalement capricieuse et libre.

Ryoma s’allongea sur sa chaise. Ses sujets de prédilection étaient l’histoire et la littérature. On pourrait dire qu’il s’intéressait aux sciences humaines, mais malgré cela, il était très mauvais quand il s’agissait de l’anglais.

Et bien, je vis au Japon. Pourquoi ne pourrais-je pas simplement étudier le japonais et en rester là ?

Le quatrième cours du jour était ce détestable anglais, et le poids épuisant de ce fait pesait énormément sur les nerfs de Ryoma.

Eh bien, peu importe. Je vais déjeuner sur le toit, et peut-être faire une sieste. Il fait beau dehors aujourd’hui.

Alors qu’il marmonnait des plaintes qui n’étaient plus particulièrement vraies dans la société internationale d’aujourd’hui, Ryoma avait mis la main dans son sac et en avait sorti une boîte à lunch enveloppée. Asuka l’avait fait pour lui ce matin-là.

Avec sa boîte à lunch et une bouteille en plastique pleine de thé à la main, Ryoma s’était dirigé vers la porte de la classe.

Mais l’une de ses camarades de classe, qui s’apprêtait à déjeuner avec ses amis dans la classe, l’avait soudainement appelé alors qu’il allait partir.

« Mikoshiba… Vas-tu encore manger sur le toit ? Et si tu déjeunais avec nous pour une fois ? Je voulais aussi te parler des activités du club. »

Sa voix avait arrêté Ryoma près de la porte. Et après un moment d’hésitation, il se tourna vers elle et lui dit avec le sourire :

« Désolé, je ne peux pas. Peut-être la prochaine fois ! »

Ce n’était pas que Ryoma ne voulait pas manger avec les filles. Non, l’attrait de déjeuner avec les filles de sa classe ne lui était pas du tout inopportun. Mais il avait deux raisons pour refuser son offre.

La première raison pour laquelle il avait refusé de déjeuner avec ses camarades de classe était assez simple, il ne voulait pas qu’ils voient sa boîte à lunch. Asuka l’ornait toujours de jolies garnitures, et elle ne correspondait pas à son image, du moins le pensait-il.

Quelqu’un avait eu l’idée d’inventer ce qu’on appelait le chara-ben. Il s’agissait d’un bento dont les ingrédients avaient pris la forme de divers personnages de dessins animés. C’était depuis devenu une forme d’art que les mères de tous les milieux souhaitaient ardemment maîtriser.

Et Asuka était aussi très douée pour les faire. Ses créations allaient d’une certaine souris électrique d’un jeu vidéo à n’importe quel autre personnage auquel on pourrait penser.

Ryoma avait dû admettre que son habileté à le faire était certainement impressionnante, voire même admirable. Chaque fois qu’il se tenait dans la cuisine et qu’il essayait de cuisiner, il en venait à apprécier à quel point Asuka était habile.

Mais s’il avait le droit d’être honnête, il souhaiterait qu’elle arrête finalement d’en faire. Porter l’un de ces bentos au lycée, c’était… Eh bien, ça pouvait bien se passer auprès des filles, mais ça gaspillerait la dignité qu’il avait auprès des garçons. Jusqu’au collège, il avait mangé à la cafétéria, donc cela ne posait pas de problème. Mais avec l’avènement du lycée, il avait dû commencer à apporter son propre déjeuner.

Ryoma n’avait pas de parents et son grand-père n’était pas le genre de personne à lui préparer un bento, alors il s’était contenté du pain de la cafétéria de l’école. Mais à la mi-avril, Asuka avait eu l’idée de lui préparer un déjeuner. Il avait accepté avec reconnaissance cette offre généreuse, mais il n’avait pas été tout à fait surpris lorsqu’il avait ouvert la boîte à la pause de midi suivante.

Heureusement que personne n’avait vu ça…

Le souvenir le faisait encore frissonner un peu. Il l’avait dévorée avant que tout le monde puisse le voir, conservant ainsi les petites traces de dignité qu’il avait réussi à accumuler jusqu’à ce jour. Mais lorsqu’il l’avait appelée pour se plaindre après l’école, son déjeuner du lendemain était le déjeuner le plus basique que l’on puisse imaginer : du riz avec une seule prune marinée.

Le petit-déjeuner était aussi plutôt mauvais… Elle nous avait servi des cornflakes avec du lait et rien d’autre…

Ce n’était pas qu’il ait eu l’intention de prendre un léger déjeuner avec des flocons de maïs avec du lait, mais c’était une véritable torture après une dure séance d’entraînement matinale.

Il avait ainsi souffert de la faim jusqu’au déjeuner, mais il avait de nouveau été désemparé lorsqu’il avait ouvert le couvercle de son bento habituel. À la fin, il ravala son orgueil et s’excusa auprès d’Asuka, se maudissant au fond de son cœur tout le temps. Il savait très bien qu’acheter du pain ou préparer son propre déjeuner ne ferait qu’agacer l’humeur d’Asuka.

C’était ainsi que les bentos de Ryoma Mikoshiba avaient tous été décorés de cette manière, l’incitant à s’enfuir sur le toit et à manger seul à chaque fois. C’était l’autre raison pour laquelle il avait refusé l’offre de son camarade ce matin.

« Tu n’arrêtes pas de dire que tu nous rejoindras la prochaine fois ! », dit-elle.

« Et tu rentres toujours directement à la maison quand l’école se termine. Avec un corps comme le tien, tu perds ton temps dans les clubs littéraires ! Allez, mes camarades de classe supérieure n’arrêtent pas de me harceler à ce sujet. Viens voir le club de karaté. Tout ce que tu as à faire, c’est regarder, alors veux-tu venir ? »

Elle le regarda d’un regard penché. C’était un geste assez adorable, le genre de regard qui ferait que la plupart des hommes seraient incapables de faire autre chose que de hocher la tête à sa suggestion. Mais Ryoma s’était obstinément débarrassé de cette tentation. Ce genre de tactique de recrutement était devenu une routine quotidienne dans le mois qui avait suivi son entrée dans cette école.

« Je ne te l’ai pas déjà dit ? Je n’ai pas l’intention de faire du kendo, du karaté ou de me joindre à l’équipe d’athlétisme. Je suis vraiment désolé, mais je ne peux pas venir. »

***

Partie 4

Il était confronté à une lycéenne, et à l’une des plus attirantes et influentes de sa classe. Il ne voulait pas refuser d’une manière qui exprimerait son mécontentement trop fermement, afin de ne pas la rendre hostile. Ainsi, tout en veillant à garder le ton et les mots aussi délicats que possible, Ryoma exprima son refus aussi clairement qu’il le pouvait. Surtout que la mention du karaté avait obligé les autres camarades à écouter leur conversation.

Bien que cette école se concentrait sur le cursus universitaire, elle était également très sérieuse en matière de sport. Leurs réalisations en matière de kendo avaient été particulièrement remarquables. Ils remportaient régulièrement les tournois régionaux et, bien qu’ils n’avaient jamais remporté les compétitions nationales, il n’était pas rare de voir cette école classée parmi les 16 meilleures ou les 8 première.

Alors que se passerait-il lorsqu’un nouvel étudiant musclé comme Ryoma Mikoshiba devait s’inscrire à l’école ?

Comme on pouvait s’y attendre, tous les clubs imaginables avaient immédiatement commencé à essayer de le recruter, lui et ces 190 centimètres ou plus de muscle trempé qui l’accompagnaient. Ces muscles n’étaient pas ceux d’un culturiste, développé pour se faire valoir, mais une armure de chair souple, garnie de la bonne quantité de graisse. Il était évident qu’il avait obtenu cela en s’entraînant dans un club.

« Hmm, eh bien, je suppose que je ne peux pas te forcer à venir aujourd’hui. Néanmoins, j’espère que tu vas au moins y penser. Nous pourrons certainement gagner les tournois nationaux si tu t’inscris ! »

Cela dit, elle s’était retournée joyeusement et pour rejoindre le bureau de son amie. Elle savait probablement déjà par expérience que le harceler obstinément ne lui apporterait rien de bon.

Elle le fait jour après jour, et elle n’abandonne toujours pas… Peut-être que j’y réfléchirais si elle m’invitait à déjeuner comme une personne normale…

Souriant avec ironie devant cette silhouette qui se retirait, Ryoma posa sa main sur la porte de la classe.

Honnêtement, le bento d’Asuka n’était pas vraiment un problème. Il pouvait simplement acheter du pain ou un autre bento, mangeant ainsi avec eux, et garder celui d’Asuka comme collation pour plus tard. Mais il y avait une autre raison majeure pour laquelle Ryoma n’avait pas fait ce choix.

En termes simples, leurs tentatives répétées de le recruter dans leurs clubs étaient irritantes. Il ne pensait pas que les clubs sportifs ou d’arts martiaux avaient quelque chose de répréhensible en soi, pas plus qu’il n’avait l’intention de juger les gens qui leur avaient consacré leur vie.

Mais maintenant qu’ils étaient tous devenus des sports glorifiés, divisés par catégories de poids et basés sur le gain de points, Ryoma ne les trouvait pas du tout intéressants, et n’avait pas envie de les pratiquer uniquement pour montrer sa force.

Pour Ryoma, les arts martiaux étaient un outil servant à tuer un adversaire et à l’empêcher de se faire tuer par ses mains. Ce n’était pas quelque chose dont il voulait faire un spectacle, et ne le voyait pas comme quelque chose avec quoi il pourrait se montrer supérieur. Mais il savait très bien que cette ligne de pensée ne s’alignait pas avec le Japon pacifique d’aujourd’hui, et il n’était pas étonnant de voir à quel point il ne serait pas compris ou accepté, même s’il essayait de l’expliquer avec des mots.

La majorité des gens ne voyaient dans les arts martiaux rien de plus qu’un sport, ou encore une forme d’entraînement mental ou un élément de culture à préserver. Et il y avait une différence aussi grande que le ciel et la terre entre cette ligne de pensée et celle de Ryoma, un fossé qui ne pouvait être comblé ou médiatisé.

Ryoma refusa donc tout simplement, ne disant rien d’autre, et les jours ensoleillés comme celui-ci, il se réfugiait sur le toit pour manger son déjeuner et faisait une sieste jusqu’à ce que la cloche sonne. C’était mieux pour tout le monde de cette façon.

« D’accord, alors, à plus tard. »

Ryoma avait lancé ces mots en direction des regards curieux de ses camarades de classe tout en quittant la salle.

C’était vrai, ce jour-là était le même que tous les autres. Mais ce temps de paix ne dura pas longtemps.

C’était arrivé juste au moment où Ryoma montait l’escalier menant au toit. C’était à ce moment que son long voyage avait commencé.

« Hein ? »

Soudainement, Ryoma ne sentait plus le sol sous ses pieds.

Son corps avait commencé à tomber verticalement. Ce n’était pas qu’il avait raté une marche. Les marches de l’escalier qu’il montait avaient soudainement disparu. Ryoma tendit la main, essayant de s’agripper au bord de l’escalier afin de retrouver son équilibre, mais le reste de l’escalier avait apparemment disparu avec les marches, et ses mains ne tâtonnaient que l’air.

En levant les yeux, il avait vu la lumière de la lampe du bâtiment de l’école devenir de plus en plus petite, pour finalement disparaître complètement. Il n’arrêtait pas de tomber dans cet abîme sombre.

« H-Hein ? »

Ryoma remarqua rapidement un changement, à un moment donné, il semblait s’élever au lieu de tomber.

« Est-ce un rêve ? Ou une sorte d’hallucination ? », murmura Ryoma à lui-même.

« Qu’est-ce qui m’arrive ? »

Une question naturelle venait de se poser. La chute était parfaitement conforme aux lois de la physique. La probabilité que cela se produise était faible, mais une construction défectueuse ou un puissant tremblement de terre pourrait faire se détacher les marches de l’escalier. Mais le fait qu’il ait flotté défiait toute logique. Les gens n’étaient pas capables de voler seuls, peu importe comment ils pouvaient contrôler leur corps.

Ryoma leva les yeux. Il remarqua qu’à un moment donné, la lumière avait commencé à briller sur lui. Son corps flottait, et Ryoma s’était retrouvé volant dans cette lumière.

« Qu’est-ce qu’il se passe ? L’école… ne possédait pas d’endroit comme ça, pas vrai… ? » 

Tout en fixant la lumière, Ryoma regarda autour de lui.

Du point de vue de Ryoma, cela aurait dû être l’école, ou dû moins quelque chose que l’on pourrait trouver n’importe où dans ses locaux. Lorsqu’il avait vu l’espace en forme de sanctuaire s’étendre devant lui, il avait d’abord pensé que c’était une sorte d’installation de l’école. Mais dès qu’il avait vu les gens autour de lui, cette idée avait complètement disparu de son esprit.

Ses yeux s’étaient lentement adaptés à la lumière, et les silhouettes confuses dans la pièce s’étaient peu à peu éclaircies.

Qui sont ces gens… ? Des enseignants ? Non, cela n’est pas possible…

Cinq hommes se tenaient devant Ryoma. L’un d’eux était un vieil homme. Il était porteur d’un vêtement qui ressemblait à une robe lourde. Elle était brodée de fils d’argent et d’or. C’était le genre d’habits qu’on pouvait s’attendre à voir dans un film basé sur l’Europe du Moyen Âge. Mais ce n’était pas vraiment le problème ici. Le problème résidait dans les quatre objets brillants et tranchants tenus par les quatre personnes qui se tenaient derrière le vieil homme.

Les hommes avaient un poids et un physique qui n’étaient pas très différents de ceux de Ryoma, et ils avaient l’air bien entraînés. Au vu de l’épaisseur de leurs bras et de leurs cuisses, il comprit en un instant que ce n’étaient pas des amateurs. Ils étaient vêtus d’une armure métallique intégrale et portaient sur la tête ce qui ressemblait à d’anciens casques romains, le galea. Ils avaient des panaches sur le dessus et des protège-nez en forme de T. Ils tenaient dans leurs mains des hallebardes.

Ryoma ne pouvait pas dire au premier regard si leur armure était authentique ou non, mais ayant vu son grand-père brandir une véritable épée à l’entraînement d’innombrables fois, ses yeux pouvaient dire que les hallebardes dans leurs mains étaient de véritables armes de guerre. Et si c’était le cas, cela signifiait très probablement que les épées gainées à leur taille étaient aussi de vraies armes.

S’il ne s’agissait que de leur armure, Ryoma aurait tendance à croire que ce n’était que des costumes et des accessoires. Ils avaient peut-être un design inhabituel, mais il n’était pas impossible d’acheter de faux accessoires de ce genre au Japon si on le souhaitait. Bien sûr, il n’y en avait pas beaucoup qui les achèteraient, et même là, il était peu probable qu’ils les porteraient réellement.

Mais bien que ce soit invraisemblable, ce n’était pas impossible, et Ryoma n’était pas considéré comme une personne qui ne pourrait jamais arriver dans la vie réelle.

Mais alors qu’il ne pouvait deviner le fait qu’il se trouvait dans un autre monde, la prise de conscience que cet endroit ne faisait pas partie de la vie quotidienne auxquels il était habitué l’avait frappé avec une clarté parfaite et indéniable. Cela était dû à la manière dont les hallebardes se dirigeaient vers lui, devenant un éclat mortel. Ayant aidé à entretenir et à aiguiser l’épée précieuse de son grand-père, il était tout à fait capable de distinguer une vraie lame d’une fausse.

Et pour couronner le tout, Ryoma n’arrivait pas à croire que quelqu’un puisse rassembler de vraies hallebardes pour faire ce genre de blague. Il n’imaginait pas posséder une arme comme celle-là sur lui au Japon, qui se vantait de sa tranquillité et de son pacifisme, et même dans le reste du monde moderne. Même les cambrioleurs et les meurtriers ne se donneraient pas la peine de trouver une hallebarde. Ils se serviraient peut-être d’un couteau, mais pas d’une arme de ce genre.

Et finalement, l’intention meurtrière émanant de leur corps était réelle. Ryoma avait étudié les arts martiaux depuis son plus jeune âge, il pouvait ressentir le même genre d’aura chez son grand-père. La sensation familière piqua la peau de Ryoma.

Merde, ils sont sérieux. Je n’aime pas le regard de ces gars…

Leurs mouvements de jambes et la façon dont ils manipulaient leurs hallebardes donnaient l’impression qu’ils avaient de l’expérience. Ils étaient, sans aucun doute, des soldats professionnels entraînés et familiers avec l’utilisation de cette arme unique.

À l’instant où il s’en était rendu compte, un interrupteur semblait s’allumer dans l’esprit de Ryoma. Comme si on passait de l’ordinaire à l’extraordinaire. Il pouvait pratiquement entendre le bruit de sa vie quotidienne paisible s’effondrer en poussière…

Le vieil homme vêtu de la robe parla à l’un des soldats qui se tenaient derrière lui, fixant son regard sur Ryoma.

« Il semblerait que cette fois nous ayons attrapé un beau spécimen dans notre convocation. »

L’homme à qui il avait parlé avait un plumage rouge sur le dessus de son casque. Des quatre soldats présents, il s’agissait très probablement du capitaine du groupe.

 

 

« Non, Seigneur Gaius, je crois qu’il est trop tôt pour porter ce jugement. Son physique est impressionnant, bien sûr, mais les premières impressions peuvent être trompeuses… Après tout, nous en avons convoqué plus d’une centaine jusqu’à présent, mais moins de dix se sont révélés utiles. »

Les yeux des hommes considéraient Ryoma avec le poids d’un marchand qui évaluait la valeur de sa marchandise.

« Hmm, c’est vrai… Qu’il en soit ainsi. Nous découvrirons à quel point il est utile une fois que nous l’aurons élevé. »

Hochant la tête aux paroles du jeune homme, le vieux fit un geste du menton en direction de Ryoma.

« Dépêchons-nous de lui graver le sceau… Allez-y. »

Entendant ses paroles, les trois autres soldats s’approchèrent lentement de Ryoma en formation, l’entourant tout en gardant leurs hallebardes pointées dans sa direction.

Qui sont ces gens ? Qu’est-ce qui se passe ici !?

Ryoma lutta pour ne plus penser aux questions qui pesaient sur son esprit. En ce moment, ce que ces gens avaient l’intention de faire de lui n’était pas quelque chose qu’il pouvait savoir. Après tout, il y a encore quelques instants il s’occupait encore de ses problèmes scolaires. Être mis dans une situation où il fixerait des armes en un clin d’œil n’était pas quelque chose qu’il pouvait comprendre aussi facilement.

***

Partie 5

Mais Ryoma pouvait dire que les intentions des hommes à son égard étaient loin d’être vertueuses. On ne pointait pas une arme sur quelqu’un d’autre sans avoir l’intention de lui faire du mal.

Ryoma avait rapidement étudié son environnement. L’important pour l’instant, c’était de trouver un moyen de s’en sortir. Il y avait quatre ennemis, en plus du vieil homme en robe. Tenter de les combattre directement n’aboutirait qu’à sa défaite, mais la pièce ne semblait pas avoir de fenêtres pour lui permettre de s’échapper. Il pouvait voir ce qui ressemblait à une fenêtre utilisée pour la ventilation à une dizaine de mètres au-dessus du sol, mais il n’y avait pas moyen de l’atteindre sans échelle. Ce qui veut dire que son seul moyen de s’échapper était la porte en fer derrière le vieil homme.

Ryoma devait choisir maintenant. Est-ce qu’il restera assis tranquillement tout en acceptant le mauvais sort à venir, ou passera-t-il à l’action même si cela impliquait de tuer tout le monde dans la pièce ?

Les mots de son grand-père flottaient dans son esprit : Si tu veux vraiment protéger quelque chose, ne montre aucune pitié à tes adversaires.

C’était des mots qui étaient plus faciles à dire qu’à mettre en pratique. À tout le moins, jamais auparavant dans sa vie Ryoma Mikoshiba n’avait eu à se résoudre à assassiner quelqu’un d’autre. Mais cette situation extraordinaire nécessitait de prendre des mesures extraordinaires.

Courir est probablement la meilleure idée, mais je dois tout de même savoir où je suis et ce qui se passe.

Étant donné qu’il ne comprend rien de ce qui se passait, il aurait dû demander à quelqu’un de lui expliquer la situation. Dans tous les cas, il ne voyait pas comment le fait de prendre la poudre d’escampette sans avoir la moindre idée des circonstances de son arrivée ici pouvait faire pencher la balance en sa faveur.

Ce qui lui laissait un choix. Laissez le plus faible de la bande — le vieil homme en robe de chambre — vivant, et tuez les quatre autres.

C’était un choix impardonnable à faire. C’était plus qu’une simple résolution de tuer, c’était un tabou qu’un homme vivant dans les temps modernes ne devrait jamais briser. Mais Ryoma n’avait pas hésité. Il avait choisi le chemin qui mènerait à sa survie, même s’il s’agissait d’un chemin sanglant et violent. Les instincts bestiaux qui sommeillaient dans Ryoma commencèrent à s’éveiller.

Je ne suis pas armé, et j’affronte quatre ennemis en armure portant des armes… Attaquer de face me désavantagerait. Je dois les attraper par surprise et les tuer immédiatement, ou je serais foutu… Il n’y a qu’une chose à faire.

Ryoma mit en place un plan dans sa tête qui lui donnait les meilleures chances de survie. Son grand-père lui avait déjà enseigné les compétences nécessaires pour le mettre en pratique, bien qu’il n’ait jamais eu à utiliser ces compétences auparavant. Mais ce n’était pas le moment d’hésiter.

Ryoma purgea son esprit de toutes les pensées violentes et, alors qu’il l’avait fait, toute son anxiété et sa colère s’étaient également stabilisées. Ryoma laissa alors tomber la boîte à lunch dans sa main, et salua les soldats qui s’approchaient avec un large sourire. Comme s’ils étaient des amis proches qui se dirigeaient vers lui.

Voyant le sourire qui leur était adressé, les soldats échangeaient des regards alors qu’ils affichaient ce qui ressemblait être de la confusion. Ils n’avaient jamais imaginé qu’un humain convoqué leur sourirait de cette façon. Les voir dans la confusion était tout à fait normal. Un individu enlevé ne sourirait normalement pas à ses ravisseurs.

Frappés par le doute et la confusion, les soldats s’arrêtèrent, arrêtant leur avance vers lui. Et c’était exactement ce que Ryoma attendait d’eux.

Puis, en un éclair, Ryoma se dirigea vivement vers le soldat situé à l’extrême gauche et enfonça son index au plus profond de son orbite gauche.

« Gaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah !? »

Un hurlement bestial éclata des poumons du soldat.

L’œil était l’une des parties du corps humain les plus vitales et les plus faciles à endommager. Dans l’œil, même un grain de sable pouvait causer une douleur considérable, et Ryoma l’exploita sans pitié. Ce n’était pas une zone facile à attaquer, mais le sourire de Ryoma avait amené le soldat à baisser momentanément sa garde.

Les attaques-surprises, de par leur nature, devaient être lancées sans que l’ennemi s’en rende compte. Si les deux adversaires se faisaient face, les attaques par surprise ne seraient jamais efficaces. Mais ces types d’attaques ne consistaient pas uniquement à se faufiler et à sortir de l’ombre.

C’est ainsi que, tout comme il avait fait à l’entraînement, Ryoma porta le coup de grâce à son adversaire. Le doigt encore enfoncé dans l’œil du soldat, il pencha son bras vers le bas. Le plus grand malheur du soldat venait du fait qu’il portait une armure. Même avec son corps puissant, Ryoma ne pouvait pas espérer vaincre quatre soldats en armure à mains nues. Il avait besoin de trouver une ouverture pour frapper. Et le plus facile était leurs yeux, ce qui accordait à un homme un sort beaucoup plus douloureux qu’une simple mort.

Le soldat aux yeux enfoncés tomba par terre, hurlant et agonisant comme un animal. Le regard de Ryoma tomba sur ses vertèbres cervicales, qui n’étaient pas protégées par son armure. D’un seul mouvement fluide, il avait impitoyablement enfoncé son coude dans le cou sans défense du soldat, mettant les 100 kilogrammes de poids de son corps dans le coup.

Un bruit d’écrasement brutal avait rempli la pièce. C’était le bruit des os du cou du soldat se brisant sous la force du coup de Ryoma. Le soldat s’était violemment écrasé sur le sol, du sang sortant de sa bouche.

Il n’avait fallu que quelques secondes à Ryoma pour attaquer et tuer un seul soldat.

Ce développement totalement inattendu avait laissé tout le monde dans la salle stupéfait. Tandis que tous ceux qui l’entouraient luttaient pour comprendre ce qui venait de se passer, Ryoma dégaina l’épée de la taille du soldat renversé et courut vers les autres soldats. Son attaque-surprise s’était peut-être bien passée, mais il était toujours très désavantagé.

« Aaaaaaaaaaaaaah ! »

Rugissant comme une bête, Ryoma jeta l’épée dans ses mains sur le visage stupéfait d’un autre soldat.

Le soldat montrait une expression choquée sur le visage. Il n’avait sûrement jamais prédit que Ryoma jetterait sa propre arme. Il se hâta de lever sa hallebarde dans la direction de Ryoma, déviant l’épée lancée avec sa garde.

Mais c’était aussi exactement ce que Ryoma attendait de lui.

Le soldat plia son corps vers l’arrière pour échapper à l’épée, déplaçant ainsi l’armure autour de sa gorge, l’exposant à Ryoma. Peu importe la quantité de corps qu’une armure pouvait couvrir, il devait y avoir des trous quelque part, et s’il n’y en avait pas, ils pouvaient tout simplement être fabriqués.

Ryoma balança sa main droite comme une lance avec toute la force qu’il avait sur la gorge exposée du soldat. La sensation distincte que la trachée de l’homme se brisait parcourait tout son corps.

Ça en fait deux de moins. Maintenant, le vrai plaisir commence !

Ce n’était pas un meurtre instantané, mais maintenant que la trachée du soldat s’était brisée, il ne lui restait plus qu’à mourir par suffocation. Ryoma retira sa main du soldat et réajusta sa position. Il n’en restait plus que trois, dont le vieil homme, et le choc initial de l’attaque-surprise s’était déjà dissipé pour eux.

« Meurs ! »

Quelqu’un cria soudain derrière lui, et balança sa hallebarde dans sa direction.

L’expression du soldat était remplie de colère à la suite du meurtre de ses camarades. Mais Ryoma, grâce à sa parfaite connaissance de son environnement, échappa facilement à l’attaque. Ryoma saisit le soldat dont la gorge avait été écrasée par ses épaules, et sauta par-dessus son corps, le plaçant devant lui comme un bouclier.

Un bruit sourd retentit. C’était le bruit de la hallebarde qui se logeait de toutes ses forces dans l’armure du soldat condamné, s’enfonçant ainsi son corps.

Idiot.

Ryoma se déplaça autour du soldat, qui luttait désespérément pour arracher sa hallebarde du corps de son camarade, et frappa de nouveau la gorge du soldat exposée avec une lance.

Le corps humain pouvait être étonnamment solide, et une lame poussée trop profondément dans l’abdomen d’une personne peut s’avérer très difficile à extraire, car la contraction des muscles était plus puissante que ce que la personne ordinaire pouvait penser. Et cette fois-ci, la lame s’était aussi enfoncée dans des couches d’armure, ce qui la rendait encore plus difficile à extraire.

Il en reste deux.

Ryoma jeta un regard noir sur les deux autres. Le soldat au casque décoré différemment, que Ryoma avait pris pour leur capitaine, et le vieil homme en robe.

Le capitaine avait posé la hallebarde sur le sol et dégaina son épée. En voyant les attaques de Ryoma, il avait probablement conclu qu’une épée plus agile et plus souple serait plus efficace contre lui. Lui, le quatrième d’entre eux, serait probablement plus difficile à battre que les trois précédents. Il devait vraiment être le capitaine. Il avait fait une évaluation optimale de la situation.

Le commandant des gardes déplaça la pointe de son épée vers le bas tout en mettant la lame vers l’intérieur sous son flanc, comme s’il essayait de la cacher.

Une position de flanc… Il ne veut pas que je voie la longueur de son épée. Il veut m’abattre d’un seul coup.

Il n’y avait aucun intérêt à utiliser une position de flanc dans le kendo. La longueur des épées de bois était réglementée, et les points de frappe valides se limitaient à des parties comme les gantelets et le casque. La position de flanc était utile pour cacher la longueur de votre épée et frapper les jambes et la moitié inférieure du corps, ce qui la rendait pratiquement non viable.

Mais Ryoma tenait maintenant une épée dans la main dans une bataille à mort, ce qui rendait les choses complètement différentes. Surtout lorsqu’il s’agit d’épées, le fait de ne pas juger complètement ou de ne pas bloquer la frappe adverse pouvait entraîner une blessure. Et cette blessure entraînerait une perte de sang, ce qui ferait chuter son endurance et perturberait sa concentration en raison de la douleur. Non, même avant cela, s’il était coupé le long de la jambe et qu’on lui sectionnait une artère, cela scellerait définitivement le sort de la bataille.

En regardant la position du capitaine, Ryoma avait bien réalisé son intention. Il y avait deux attaques optimales qui pouvaient découler de cette position. Une frappe horizontale de droite à gauche, et une frappe ascendante de la jambe droite à l’épaule gauche. Toute autre attaque exigerait un changement de position, ce qui pourrait créer une ouverture fatale. L’homme qui lui faisait face n’aurait jamais pris une décision aussi stupide. Ryoma pouvait presque sentir la tension dans l’air qui picorait contre sa peau. Alors que Ryoma ne pouvait pas lire la portée de l’adversaire, le capitaine se tenait prêt à attendre qu’une ouverture se présente. La seule chose qui semblait bouger lentement dans cette impasse, c’était l’écoulement du temps.

Mais la situation changea soudainement. Tandis que Ryoma se concentrait sur l’adversaire devant lui, la voix du vieil homme lui parvint soudain à l’oreille.

« Esprits du tonnerre ! Esprits du vent ! »

En se retournant, il découvrit que l’homme vêtu de sa robe avait brandi ses mains vers lui et commença à réciter ce qui ressemblait à une prière destinée à une sorte d’être transcendant.

Quoi ? Quoi ? Qu’est-ce qu’il est... Et merde !

Ryoma n’avait aucun moyen de savoir à ce moment-là ce qu’était la magie, mais ses instincts de survie hurlaient en lui.

Va-t’en !

Ryoma posa son épée et courut vers le capitaine. C’était tout ou rien. Charger sur son adversaire alors qu’il se tenait dans une position idéale revenait à se précipiter dans la gueule du loup. Mais maintenant qu’un dragon était sur le point de lui tirer dessus par-derrière, il n’avait pas d’autre choix.

Ryoma esquiva le coup du capitaine, qui visait le flanc droit de son abdomen. Se glissant sur le côté gauche du capitaine, son corps passa sous la lame et l’esquiva. L’épée était passée à quelques centimètres sous sa tête, coupant des mèches de ses cheveux.

***

Partie 6

C’était un pari risqué. Si le capitaine avait fait une frappe horizontale, le corps de Ryoma aurait été coupé en deux. Mais il avait décidé de faire une frappe de la jambe droite à l’épaule gauche, et ce choix avait scellé le duel.

Après être passé derrière le capitaine, Ryoma donna un coup de pied dans le dos exposé. Il l’avait fait pour positionner le corps du capitaine comme bouclier. Et cette décision était la bonne.

« Rassemblez-vous à mes côtés. Respectez ma volonté et écrasez mon ennemi ! Tempête ! »

Au moment où Ryoma plongea à terre, le vieil homme termina son incantation et des rafales se firent et de lourds éclairs sortirent de ses mains.

« Il est tombé raide mort ! »

Le vieil homme cracha après avoir lancé son puissant sort.

Contrairement à sa respiration lourde, le visage du vieil homme était déformé par un sourire, manifestement satisfait de l’avoir mis à mort. Parmi tous les sorts magiques de son arsenal, il avait choisi ce dernier parce qu’il était particulièrement mortel et qu’il avait une incantation très courte. Personne ne pouvait l’affronter de front et survivre. Il avait confiance en la puissance de ce sort.

Ainsi, le vieil homme baissa la garde sans confirmer qu’il avait effectivement tué Ryoma… Il était loin de se douter de la fatalité d’une telle erreur.

Réalisant que le vieil homme avait baissé sa garde, Ryoma s’était levé immédiatement avec l’agilité d’un singe sauvage se jetant sur sa proie. En un clin d’œil, il réduisit la distance entre le vieil homme et lui-même. Le vieil homme, se rendant compte de ce qui se passait immédiatement, se mit à réciter une autre incantation, mais il était beaucoup trop tard.

« Quoi  ? C’est impossible ! Comment as-tu pu survivre à ça... Putain de merde. Tout-puissant — Ngh !? »

Submergé par le mur de chair qui se referma sur lui, le visage du vieil homme était ravagé par la douleur. Un son grave et lourd venait de son flanc droit. Son corps s’était raidi lorsqu’il était devenu incapable de bouger. Le coup de poing impitoyable de Ryoma fit sortir de force tout l’air de son poumon droit, interrompant ainsi son incantation. C’était assez facile à éviter une fois que l’on connaissait le truc.

Après avoir donné un coup de pied au capitaine, Ryoma plongea par terre. C’était tout ce qu’il avait besoin de faire. Si le vieil homme avait lancé un sort de feu à la place, la température élevée aurait causé de gros dégâts au corps de Ryoma, même s’il avait évité un coup direct. S’il s’était servi d’un sort de terre pour l’embrocher avec d’innombrables lances de pierre, Ryoma aurait sûrement été transpercé par eux.

Mais le vieil homme s’était servi d’un sort de vent et de foudre, qu’il avait considéré comme une attaque instantanée et mortelle. L’armure du soldat avait servi de paratonnerre et absorba l’attaque, tandis que Ryoma avait évité les rafales en plongeant sur le sol. Ryoma reprit instinctivement les mots que le vieil homme prononçait dans l’incantation et savait qu’il devait plonger.

Les gens étaient plus négligents quand ils étaient confiants. Le vieil homme croyait que sa magie était absolue, et que tout coup porté à son adversaire serait fatal. Ces deux excès de confiance avaient privé le vieil homme de sa victoire.

« Dis, vieil homme. C’est quoi, cet endroit ? »

Plusieurs des côtes du vieil homme étaient probablement cassées. Tandis que le vieil homme se démenait sur le sol, tenant son côté droit blessé, Ryoma lui parla d’une voix sereine. Mais ses yeux avaient une lueur froide qui gelait le sang qui coulait dans les veines de tous ceux qui osaient les regarder.

« Gaaah... »

La douleur priva le vieil homme de ses paroles.

« Hey ? C’est à toi que je parle. »

Ryoma n’avait cependant pas l’air de se soucier de l’état de santé du vieil homme.

Un grand bruit de claquement retentit dans la pièce. C’était le bruit du coude gauche du vieil homme brisé par un coup de pied de Ryoma. Il avait ensuite frappé le côté blessé du vieil homme avec le bout de ses doigts, sans hésiter.

« Allez, vieil homme. Réponds-moi. Tu as crié “meurt” et “tombe raide mort” plus tôt, pour que je sache que nous pouvions comprendre la langue de l’autre. »

L’apparence du vieil homme n’était pas très japonaise, mais Ryoma ne s’en souciait pas beaucoup pour l’instant. Tout ce qui importait, c’était qu’ils étaient capables de communiquer.

Un sourire doux se figea sur les lèvres de Ryoma. C’était un sourire vraiment doux et aimable. Mais aux yeux du vieil homme, rien n’aurait pu être plus terrifiant.

« Guuuh… »

Refuser de répondre à la question de Ryoma n’était pas une option pour le vieil homme. Il s’était immédiatement rendu compte que ce n’était pas un adversaire contre lequel il pouvait faire semblant de se taire. Mais il ne pouvait pas parler à travers la douleur. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était de se recroqueviller et de résister à l’agonie causée par le coup de pied et ses côtes cassées.

« Allez, vieil homme. Tu sais, je n’aime pas vraiment faire ce genre de choses ! »

Ryoma saisit l’oreille gauche du vieil homme couché et la tordit. Étant donné qu’elle devait supporter tout son poids, celle-ci commença à se décoller, et avait lentement commencé à saigner.

« S-Stoppez. Laissez-moi partir. »

On ne savait pas ce qui se passerait s’il n’avait rien dit. Le cœur du vieil homme s’était rempli de terreur à cette pensée.

« Quoi ? Te laisser partir ? Tu ne sais pas demander un peu plus gentiment, connard ? Je pensais qu’une plus grande sagesse allait de pair avec l’âge. »

Le sourire restait sur les lèvres de Ryoma, mais ses yeux se plissèrent jusqu’à une fente et se figèrent dans un éclat dangereux. C’était peut-être la vraie nature de Ryoma Mikoshiba, qui n’avait jamais été vue par personne auparavant, scellée par les chaînes de la raison. Et ce vieil homme allait être la première victime malheureuse de cette nature primitive.

Un autre son sourd résonna sur le flanc du vieil homme et il laissa échapper un cri que personne ne pourrait faire entendre. Le corps bien construit de Ryoma avait déclenché un coup de poing gauche qui avait frappé le vieil homme. Ses 170 centimètres et ses 60 kilos furent projetés à deux mètres de distance.

Une flaque de sang rouge se répandit sur le sol. Ryoma avait continué à saisir l’oreille du vieil homme pendant qu’il le frappait, lui arrachant l’oreille. L’oreille coupée, ensanglantée, restait dans la main de Ryoma.

« Maintenant, mon vieux. Soyons honnêtes l’un envers l’autre. Je ne te poserai que quelques questions. »

Ryoma se dirigea avec confiance vers sa victime blessée. Pour lui, ce vieil homme n’était rien de plus qu’une chose en forme d’homme. Un excellent exemple de la façon dont, dès qu’une personne cesse de voir l’autre comme un être humain, elle pouvait être capable de toute atrocité.

« S-Stop… S-S’il vous plait. Je parlerai… je vous dirai… tout… »

Ses côtes cassées lui avaient probablement perforé les poumons, parce qu’à chaque mot que le vieil homme prononçait, du sang suintait de sa bouche. Son visage était rouge à cause du saignement de son oreille manquante. Il était peu probable qu’il puisse supporter plus de douleur. Le vieil homme parla, chaque mot était imprégné d’agonie.

« Oooh. Eh bien, c’est un soulagement. Très bien, donc, question numéro un. C’est quoi cet endroit ? »

C’était la première question de Ryoma. Il avait besoin de savoir si cet endroit était le Japon. Selon qu’il l’était ou non, le traitement qu’il infligerait à ce vieil homme pouvait potentiellement changer radicalement.

« C’est… le palais… l’Empire d’O’ltormea…, dans la capitale… »

« L’Empire d’O’ltormea ? »

Les paroles du vieil homme rendirent l’expression de Ryoma plus interrogative. Ryoma aimait les études sociales et la géographie était l’un de ses sujets forts. Il était fier de pouvoir réciter les noms de presque toutes les nations de la planète. Mais il n’avait jamais entendu parler de cet Empire d’O’ltormea dont le vieil homme parlait.

« C’est… C’est… le vrai… Pays souverain du… centre du… centre du… continent occidental… » dit le vieil homme, tout en crachant de la salive mélangée à du sang.

Hmm… On n’est pas au Japon. Eh bien, c’est un soulagement.

Le Japon possédait le concept de la légitime défense, mais comparée aux États-Unis, elle s’appliquait dans des cas très limités. Il venait de tuer quatre êtres humains en état de légitime défense, et torturait maintenant un vieil homme, même s’il avait attaqué le premier. Il était douteux que cette situation, si elle faisait l’objet d’une enquête policière, puisse être considérée comme de la légitime défense ou même comme un acte d’autodéfense en état d’urgence.

Si l’on y pense rationnellement, il s’agirait probablement d’un cas de légitime défense excessive, entraînant une peine avec sursis. Au pire, les positions de l’agresseur et de la victime pourraient même être inversées. Bien sûr, une inspection minutieuse révélerait que Ryoma en était certainement la victime, mais il faudrait beaucoup de temps pour que cela soit prouvé. Ryoma ne voulait pas passer du temps en prison simplement parce qu’il s’était battu pour rester en vie.

Mais si ce n’était pas le Japon, rien de tout cela n’était préoccupant. Quelles que soient les lois en vigueur dans ce pays, Ryoma avait la ferme intention de les ignorer et de retourner au Japon dès que possible.

« Question suivante, alors. Pourquoi suis-je ici ? »

C’était aussi une question assez évidente. Ryoma aurait dû être à l’école, mais il s’était soudainement retrouvé dans l’Empire d’O’ltormea qu’il n’avait jamais vu ou entendu parler auparavant. Il voulait savoir pourquoi. Et la réponse qu’il reçut fut…

« P, parce que je vous ai… convoqué… »

C’était une revendication étrange, quoiqu’inattendue. Mais l’expression de Ryoma n’avait pas changé.

« Hmm. Eh bien, je suppose que ceci s’ajoute à cela. »

Ryoma répondit aux paroles du vieil homme avec désinvolture.

Mais personne ne pouvait dire ce qu’il pensait vraiment dans son cœur, dans lequel se trouvaient des émotions qu’il n’oserait pas faire remonter à la surface. Il n’y avait aucun moyen de lire dans ces profondeurs, mais sa troisième question rendait ses sentiments trop apparents.

« J’ai une troisième question pour toi. Et c’est la plus importante, alors tu ferais mieux de répondre. Cela pourrait influencer ton avenir immédiat. »

Ryoma regarda le vieil homme droit dans les yeux avant de demander.

« Je peux retourner dans le monde d’où je viens, non ? »

Son ton était serein. Ses paroles étaient peut-être dures, mais elles n’étaient pas menaçantes. Et ça l’avait rendu d’autant plus terrifiant. Le cœur du vieil homme battait assez vite pour qu’il puisse éclater. C’était la question qu’il voulait le moins entendre en ce moment. Le vieil homme essaya de trouver un mensonge qui le sortirait de cette situation.

Dois-je lui dire qu’il peut retourner dans son pays ? Non, si je disais ça, il me dirait de le renvoyer tout de suite. Qu’est-ce que je dis, alors ? Si je lui dis la vérité, il me tuera sans hésiter. Et si je lui dis que j’ai besoin de temps pour me préparer ?

Gaius Valkland, l’homme que les pays voisins et les magiciens de la cour de la cour d’O’ltormea vantèrent comme étant le cerveau et l’intellect de l’Empire d’O’ltormea, ne pouvait trouver sa fin aux mains d’un homme aussi fou. L’avenir de l’empire reposait sur ses épaules.

J’ai besoin de gagner du temps… Une fois qu’ils auront remarqué que les choses tournent mal, les gardes vont sûrement se précipiter ici.

Mais le souhait de Gaius ne se réalisait pas. Alors qu’il se crevait le cerveau tout en soulageant la douleur de ses os fracturés, Gaius remarqua soudain que les doigts de Ryoma s’enroulaient autour de son cou. Il n’avait tout simplement pas serré les poignets, alors le vieil homme ne s’en était pas rendu compte.

***

Partie 7

« Allez, mon vieux, ça ne va pas. Mentir ne te mènera nulle part. », chuchota Ryoma tout en regardant son visage en l’attrapant brutalement par les cheveux.

« Je-Je n’ai… pas menti… »

Ces mots confiants irritaient encore plus le cœur nerveux de Gaius.

« Mais tu pensais le faire, n’est-ce pas ? »

Voyant à travers les intentions de Gaius, Ryoma continua.

« Je peux le dire d’après ton sang. Tu avais peur que je voie à travers toi si tu mentais, n’est-ce pas ? Ton pouls s’est accéléré. »

La certitude et la confiance totales derrière ces paroles rendirent Gaius complètement sans voix alors qu’il détournait le regard, mal à l’aise. Cette attitude montra à Ryoma qu’il avait raison.

En vérité, les mots de Ryoma n’étaient rien de plus qu’un bluff. Ryoma remarqua que le pouls du vieil homme s’était accéléré, mais il n’avait aucun moyen de savoir si c’était à cause de la douleur causée par ses os cassés ou de sa peur de l’homme qui tenait actuellement sa vie dans la paume de sa main.

Mais Ryoma savait qu’il avait raison. Et cela était dû à l’expression terrorisée qui avait pris le dessus sur les traits de Gaius lorsque Ryoma avait posé sa troisième question. La réponse à cette question était de celle qui pousserait Ryoma à le tuer. Et s’il avait refusé de répondre, c’était parce qu’il essayait de trouver un mensonge qui le sortirait de là.

« T-Toi… Comment peux-tu… avoir cette capacité… ? »

Comme le voulait Ryoma, le visage de Gaius s’obscurcit de terreur jusqu’à un niveau inconnu.

« Maintenant, réponds-moi. Je peux y retourner ou pas ? »

« C’est… impossible. »

Après d’extrêmes hésitations, Gaius avait finalement prononcé ces mots.

« Du moins, ce n’est pas de mon ressort… »

Son expression était pleine de résignation. Mais bien qu’il ait entendu les pires nouvelles possible, l’expression de Ryoma n’était pas encore surmontée par la colère. Du moins, en surface.

« Hmm… Je m’en doutais au vu de ton attitude. Alors, est-ce que je peux rentrer chez moi ? »

Même après que le vieil homme lui ait dit que cela était impossible, le ton de Ryoma était resté calme. Et cette attitude n’avait fait que renforcer la peur dans le cœur de Gaius.

Pourquoi… ? Pourquoi ne se met-il pas en colère ? Pourquoi n’est-il pas surpris ?

Gaius avait convoqué plus d’une centaine d’autres personnes au fil des ans, et il avait vu d’innombrables réactions. La plupart des gens venant d’un autre monde paniquèrent. Ils pleuraient, mendiaient et criaient, ce qui était prévisible. Mais aucune de ces réactions n’avait aucun pouvoir sur eux, et ils avaient tous été également appréhendés par les soldats et gravés d’un sceau de la servitude par Gaius.

Bien sûr, certaines personnes s’étaient rendu compte du danger dans lequel ils se trouvaient et avaient essayé d’attaquer Gaius et ses soldats, mais ils étaient désarmés. Ils étaient dans l’incapacité d’affronter des adversaires armés. C’était un peu plus brutal, mais à la fin, les soldats les avaient tout de même réprimés et forcés de s’agenouiller devant Gaius.

Mais le jeune homme qui se tenait devant lui était différent. C’était difficile à croire, mais l’homme qu’il avait convoqué aujourd’hui avait tué à lui seul quatre soldats.

« Pour autant que je sache… Aucun pays… n’a cette connaissance. »

Avec d’innombrables doutes en tête, Gaius répondit à la question.

Étant donné leur précédent échange, il n’y avait aucune raison pour que Gaius mente.

« Donc tu sais comment convoquer les gens dans ce monde, mais tu ne peux pas les renvoyer. Pourquoi ? », demanda Ryoma en se frottant le menton.

« C’est… C’est… »

Cette question fit en sorte que le pouls de Gaius atteignit le rythme le plus rapide qu’il avait atteint jusqu’à ce moment.

Pas bon… Qu’est-ce que je dois dire ? Que puis-je dire pour sauver ma vie ?

À en juger par les actions précédentes de Ryoma, Gaius s’était parfaitement rendu compte qu’il avait affaire à un homme cruel et impitoyable qui exécutait ses ennemis sans la moindre pitié. Et s’il répondait à cette question, cet homme sans cœur ne le laisserait jamais vivre.

« Hmm. »

Ryoma sourit, remarquant que la peur de Gaius l’empêchait de répondre.

« On dirait que tu ne veux vraiment pas répondre à ça… Eh bien, c’est très bien. Je vais alors répondre pour toi. »

Ces mots renforcèrent l’effroi et la surprise sur les traits de Gaius. Son cœur semblait sur le point d’éclater.

Ce n’est pas possible… Non, il n’y a aucun moyen qu’il le sache. Il est impossible pour une personne qui vient tout juste d’arriver d’un autre monde puisse… Oh, mon Dieu… Meneos, Dieu de lumière…

Il priait son Dieu, mais cette prière restait sans réponse. Les mots prononcés par Ryoma ressemblaient à un aller simple direct pour l’enfer.

« La raison pour laquelle il n’y a pas de méthode pour renvoyer les gens dans le monde d’où ils viennent est que vous n’avez jamais prévu de laisser partir vivants ceux que vous avez convoqués, n’est-ce pas ? Cela ne sert à rien de renvoyer un cadavre, donc vous n’avez jamais recherché une méthode pour le faire, et aucun pays n’a de méthode pour le faire. Ai-je raison ? Allez, dis-moi. Ai-je tort ? »

« T,toi… »

Les mots de Ryoma étaient l’équivalent d’une condamnation à mort signée par le sinistre faucheur lui-même. C’était ce que Gaius voulait éviter à tout prix de dire, et il a tout compris.

C’est sans espoir maintenant. S’il en sait autant… Rien de ce que je dirai ne l’empêchera de me tuer.

Il avait l’esprit assez vif pour lancer une attaque préventive contre eux, il était suffisamment fort au combat pour battre quatre soldats armés à mains nues. Quant à sa manière de torturer quelqu’un pour obtenir des informations… Pour couronner le tout, il avait la capacité déductive de savoir exactement quoi demander à Gaius.

Un homme si effrayant. Si seulement nous pouvions l’utiliser à bon escient… Notre empire réussirait probablement à conquérir le continent occidental.

Cette pensée avait rempli l’esprit de Gaius. Et cela aurait très bien pu se produire. Mais l’homme qui se tenait devant lui s’opposait complètement à l’empire. Il comprenait pourquoi ils convoquaient des gens de l’autre monde, et ce qu’ils en faisaient.

Vais-je mourir ici… ? Non ! Je ne dois pas mourir ici. Le rêve du roi, et le mien ne peuvent être écrasés ici !

Gaius essaya de contraindre son cœur désespéré. Il avait soutenu O’ltormea parce qu’il partageait l’idéal de l’empereur, qui avait tenté de ramener la paix dans ce monde tumultueux, et s’il pensait aux sacrifices nécessaires pour y parvenir, abandonner ici n’était pas une option.

Heureusement, ma magie guérit progressivement mes plaies. Je vais passer mon tour et attendre un moment opportun… C’est ma seule chance.

Puisqu’il n’avait aucun moyen de renvoyer cet homme dans son monde, il ne laisserait certainement jamais Gaius vivre. Il savait déjà qu’une fois que cet homme lui aurait arraché toutes les informations dont il avait besoin, sa vie prendrait fin sans cérémonie.

Cet imbécile baisse sa garde, pensant que je serais blessé… Alors, au moment où il décidera de me tuer, je le ferai ...!

« En plein dans le mille, hein… Eh bien, cela aurait pu être pire. »

Contrairement à la lutte interne tragique que menait Gaius, Ryoma était resté nonchalant.

Ryoma leva les yeux et soupira. Il voyait sur le visage du vieil homme qu’il ne mentait pas. Il n’aimait pas la torture, et ne l’avait fait que pour s’assurer que le vieil homme ne mente pas, mais hélas, le résultat était le pire possible. Malgré tout, ce n’était pas suffisant.

S’il n’avait aucun moyen de revenir en arrière, cela lui ouvrirait toute une série de questions auxquelles il avait besoin que ce vieil homme réponde. Et si Ryoma devait survivre, il obtiendrait ces réponses du vieil homme par tous les moyens nécessaires.

« Pourquoi convoques-tu les gens ? Si tu n’as pas l’intention de renvoyer des gens de l’autre monde, tu dois sûrement les utiliser comme esclaves, non ? »

Gaius hésita encore une fois à répondre à cette question.

Encore une fois… Il continue de poser ce genre de questions…

Ryoma observa attentivement l’expression de Gaius.

Non ! Cet homme connaît déjà la réponse. Il fait des tests pour voir si je mens… Il me demande juste de confirmer ses suppositions !

Ryoma demandait seulement si la réponse qu’il avait trouvée, dont il était sûr à 90 %, était la bonne. Gaius s’en rendit compte lorsqu’il regarda Ryoma, dont les yeux étaient inébranlables, et après quelques instants d’hésitation, il finit par ouvrir les lèvres pour parler.

« Nous nous servons d’étrangers comme toi… pour gagner une guerre. »

C’était une raison terriblement égoïste, imprégnée de malice. Ils avaient fait venir des humains de la Terre et les avaient envoyés sur le champ de bataille, quelle que soit leur volonté. Ils avaient simplement été forcés par Gaius de verser leur sang au nom de l’empire.

Mais même après avoir entendu ces mots, l’expression de Ryoma n’avait pas changé. Il avait simplement demandé une confirmation supplémentaire des faits.

« Une guerre, hein… Peux-tu me donner plus de détail ? »

Ryoma tourna son regard vers les soldats morts allongés sur le sol pendant qu’il parlait.

« D’après ce que je peux dire, tes amis blindés semblent plus habitués à se battre avec des épées et des lances que la plupart des gens dans mon monde. »

De ce que Ryoma pouvait voir, en termes de compétences, ils étaient assez bons. Il leur sauta dessus et avait survécu, mais c’était surtout parce que la chance était de son côté. Ils étaient vêtus d’une armure et avaient l’expérience du vrai combat. En d’autres termes, la plupart des personnes convoquées dans cette salle étaient beaucoup plus faibles que ces soldats.

« En plus, il n’y a personne dans mon monde qui pouvait lancer du vent et de la foudre comme toi, vieil homme. Ou existe-t-il alors plusieurs autres mondes, et essayais-tu d’appeler quelqu’un avec ce genre de pouvoirs ? »

Ce genre de choses était courant dans les bandes dessinées et les dessins animés, mais pour autant que Ryoma le sache, les vraies gens ne pouvaient pas y arriver.

« Non. Il y a d’autres mondes, mais ton monde est le seul autre monde peuplé d’humains. »

Il n’y avait donc aucune chance qu’ils s’aventurent dans le mauvais monde. Mais ça avait rendu les choses encore plus bizarres.

« Hmm. Mais convoquer des gens de mon monde ne t’aiderait pas beaucoup dans la guerre, n’est-ce pas ? Pourquoi se donner tant de mal ? »

Peut-être que s’ils faisaient venir des gens d’une époque où les chevaliers et les guerriers existaient, ils pourraient probablement s’attendre à un certain potentiel de combat. Même les roturiers de l’époque n’étaient pas détachés de la réalité de la guerre, les effusions de sang étant monnaie courante dans leur vie quotidienne.

Mais s’ils venaient du présent, ils n’avaient aucun avantage. Bien sûr, la guerre en elle-même existait toujours, mais la plupart des armes de notre époque étaient des armes à feu et la plupart des armes destinées au combat rapproché étaient, au mieux, des couteaux. Si vous ordonniez aux gens de cet âge de se battre avec des épées ou des lances, ils ne pourraient pas s’y conformer dans la très grande majorité des cas. Les arcs et les flèches étaient à peine utilisés, même pour la chasse. Dans ce cas, convoquer des gens du monde de Ryoma semblait être un effort inutile.

En termes d’efficacité, ils ont peu de chances d’obtenir quelqu’un qui leur serait utile.

Ce qui laissait une option, ils avaient une sorte de valeur que Ryoma ignorait, ce qui valait la peine de les utiliser.

« C’est parce que vous, les gens d’un autre monde, vous avez le potentiel de devenir les plus grands guerriers de ce monde. »

Répondre à cette question était franchement dangereux. Laisser Ryoma en prendre connaissance risquait de créer un monstre terriblement délicat à gérer pour l’empire. Mais Gaius avait quand même fait ce pari, malgré ce danger. Tenir sa langue ne l’aurait amené qu’à sa perte.

« Les plus grands guerriers… dis-tu ? »

L’expression de Ryoma prit une nuance interrogative aux mots de Gaius.

« Dis-tu que les gens non entraînés pourraient devenir les plus grands guerriers de ce monde ? »

***

Partie 8

L’affirmation de Gaius avait naturellement incité Ryoma à incliner la tête avec confusion, ce qui était compréhensible. Il n’y avait aucune garantie que celui qu’ils convoqueraient serait un artiste martial entraîné comme Ryoma.

« Les personnes que vous convoquez sont-elles limitées à une certaine condition, comme le fait d’avoir un certain potentiel de combat en elles ? »

Cela expliquerait bien des choses. Mais Gaius secoua la tête avec déni.

« C’est le hasard qui décide qui sera la personne convoquée et rien d’autre. »

Ce type ment-il comme il respire ? pensa Ryoma. Non, ça ne semble pas probable, à en juger par la façon dont il s’est comporté.

Les chances que Gaius mentait étaient minces, mais cela signifiait que la plupart des gens qu’ils convoquaient venaient ici sans aucune connaissance du combat. Ils étaient venus d’une époque sans guerre, où les arts martiaux étaient relégués à un élément culturel. Très peu de gens pratiquaient les arts martiaux comme moyen de combattre dans la société moderne.

Bien sûr, Ryoma les pratiquait dans le but de tuer et de protéger sa vie. Il pratiquait au cas où une situation pourrait se présenter où il aurait besoin d’eux. Mais la grande majorité des gens n’étaient pas comme lui. La personne moyenne hésiterait à tuer un animal, et encore moins un être humain. Alors quel sens y avait-il à les invoquer dans ce monde ?

« Alors, à quoi bon faire venir des amateurs d’un autre monde ? »

Gaius acquiesça à la question de Ryoma.

« Dans ce monde, quand vous tuez un autre être vivant, vous absorbez une fraction de sa force vitale. C’est pourquoi nous les convoquons. »

C’était une idée beaucoup trop absurde et ridicule pour les oreilles de Ryoma. La plupart des gens s’en moqueraient. Mais il fixa simplement Gaius en silence.

On dirait qu’il ne ment pas. Je veux dire, s’il avait voulu mentir pour s’en sortir, il aurait pensé à un mensonge plus convaincant… Mais quand même, c’est assez tiré par les cheveux…

L’expression de Gaius était tout à fait sérieuse, et il ne semblait pas mentir. S’il avait eu l’intention de mentir en premier lieu, il aurait probablement trouvé un mensonge plus crédible. Mais c’était quand même une révélation extrêmement difficile à croire.

« Qu’est-ce que ça veut dire ? Tu dis que j’ai absorbé le pouvoir de ces quatre crétins que je viens de tuer ? »

« Précisément. »

Gaius répondit d’un signe de tête à l’expression douteuse de Ryoma.

Ryoma regarda son corps, mais rien ne semblait différent. Ses bras n’étaient pas plus épais et ses jambes n’étaient pas plus longues, si on en jugeait par les apparences, il avait toujours la même apparence.

« Je n’en ai pas l’impression. »

« La vie de quelques personnes ne vaut pas grand-chose. »

« Tu es en train de me perdre. »

Tuer des gens pour absorber leur force vitale… C’était un phénomène inexplicable dont Ryoma n’avait jamais entendu parler auparavant, il était donc naturel qu’il ait du mal à le comprendre immédiatement.

« Pour être exact, une fois que tu as tué mille personnes, tu gagneras l’équivalent de la force d’une personne. »

Tandis que Gaius expliquait les conditions préalables supplémentaires en place pour ce phénomène, Ryoma se sentait consterné et étonné dans son cœur. Tuer mille personnes pour gagner l’équivalent de la force d’une personne ? Quelle arnaque !

« Ces rendements ne sont-ils pas trop faibles ? Ça ne vaut pas grand-chose si tu dois sacrifier autant pour ça. »

L’exaspération de Ryoma était prévisible. C’était une récompense bien trop dérisoire si l’on considérait l’effort nécessaire pour tuer un millier de personnes.

« Cela dépend des conditions et ne se limite pas aux humains. Si vous tuez un seul dragon, vous gagneriez probablement un pouvoir égal à celui d’une douzaine de personnes. »

Gaius continuait à parler, essayant désespérément d’occuper Ryoma.

Juste un peu plus ! Si je peux gagner un peu plus de temps, les gardes vont sûrement venir. Ils se méfieraient du fait que nous n’ayons pas pris contact pendant si longtemps, et ils viendraient nous demander ce qui s’est passé !

C’était le dernier espoir auquel Gaius pouvait s’accrocher.

« Hmm. Je comprends bien ce truc d’absorption de puissance, mais pourquoi se donner la peine d’appeler les gens de mon monde ? »

« L’une des raisons est que votre efficacité d’absorption est plus élevée. »

« Hein ? »

Les paroles de Gaius avaient encore surpris Ryoma.

« En d’autres termes, si un homme de l’autre monde et une personne de ce monde tuaient un nombre égal de créatures de la même espèce, il y aurait une différence notable quant à la quantité de force vitale que chacun absorberait. »

« Je vois. »

Les yeux de Ryoma s’étaient rétrécis.

« Ce sur quoi vous vous concentrez, c’est le taux de croissance après les avoir convoqués… Même une personne sans expérience du combat pourrait devenir plus forte que les gens de ce monde. C’est pour ça que vous avez choisi de convoquer des gens de l’autre monde. »

Il y avait probablement d’autres secrets en jeu ici, mais pour l’instant, il comprenait surtout ce qu’il avait besoin de savoir.

« Je suppose qu’il est temps… »

Un léger murmure échappa aux lèvres de Ryoma.

Et puis il lança un regard qui perça Gaius. Un regard aiguisé comme une aiguille.

« Eh bien, je ne sais pas si ce que tu as dit est vrai, mais je vais te croire pour l’instant… »

Et après avoir chuchoté cela, Ryoma fit un sourire vil à Gaius, qui était accroupi sur le sol.

« Au fait, vieil homme. On dirait que tes blessures guérissent très vite. »

Ces paroles avaient été prononcées de façon tout à fait nonchalante, mais en les entendant, Gaius avait l’impression que sa colonne vertébrale s’était transformée en glace.

Après avoir été frappé par Ryoma, Gaius s’était maintenu en position fœtale et avait utilisé un sort de guérison tout le temps. Et Ryoma s’en était rendu compte.

« Quoi… ! »

Gaius cria de surprise, Ryoma se moquait tout simplement de lui.

« Je veux dire, bien sûr que je le remarquerais. Je t’ai cassé les côtes assez fort pour endommager tes poumons. Tu pouvais à peine parler étant donné la quantité de sang que tu crachais, mais tout d’un coup, tu as commencé à bavarder, haut et fort. Ce qui veut dire que tu t’es guéri toi-même… pendant que tu tenais ton ventre par terre. »

« V-Vous ! Vous le saviez depuis le début ? »

Ryoma répondit à sa question en haussant les épaules.

« Pourquoi... Pourquoi ? »

Pourquoi n’as-tu rien dit, et m’as-tu laissé m’allonger là pour que je puisse guérir ?

Ryoma avait simplement montré un sourire glacial en réponse aux paroles de Gaius.

« Pourquoi n’ai-je rien dit, me demandes-tu ? Parce que j’ai pensé que tu continuerais à parler comme une pipelette, en pensant que ça te ferait gagner du temps. En plus, tu attendais que je montre une ouverture, n’est-ce pas ? »

« Bon sang de bonsoir ! Vous m’avez laissé faire ce que je voulais malgré le fait que vous en saviez autant !? »

Gaius éleva la voix avec indignation. C’était à un niveau qui dépassait la supercherie ou la ruse. Pour Gaius, la figure de Ryoma lui souriant ne pouvait être vue que comme l’incarnation humaine du diable lui-même.

« Est-ce vraiment si surprenant ? Eh bien, si tu cherchais vraiment à me faire foirer afin de te donner une ouverture pour attaquer, tu ferais mieux de faire semblant d’être blessé. Quel mauvais jugement pour un vieil homme ! »

En disant cela, Ryoma serra sa main de la taille d’une mitaine de baseball, celle-ci devint un poing en forme de pierre.

« Mais ne t’en fais pas pour ça. J’ai compris au moins l’essentiel de ce que tu m’as dit. Je ne sais pas dans quelle mesure ton histoire est vraie, mais pour le moins, on dirait que je ne rentrerais pas chez moi pour le moment… »

Tel était son dernier avertissement. Les lèvres de Ryoma se recourbèrent en un sourire moqueur, proclamant que Gaius ne lui était plus d’aucune utilité. Voyant ce sourire, le vieil homme recula instinctivement. Sa peur de Ryoma l’avait poussé à bouger.

« Ouais. Je ne ferais rien d’imprudent si j’étais toi. Après tout, je dois te remercier pour toutes les informations que tu m’as données. Je t’accorderai une mort sans douleur. Tu m’as été d’une grande aide, alors je pense que c’est un échange équitable. Eh bien ? Qu’est-ce que tu en dis ? »

C’était le genre de bonté que Ryoma Mikoshiba manifesta envers Gaius, l’homme qui l’avait enlevé. Mais cette gentillesse n’avait pas été comprise en tant que telle par Gaius. Réalisant les intentions de Ryoma, il fit son dernier pari. Maintenant, ce serait sa seule chance de s’emparer du pouvoir. Peu importe à quel point cette probabilité était proche de zéro, il aurait dû l’accepter.

« Esprits du vent — Kagh !? »

L’incantation de Gaius fut écourtée par Ryoma qui lui enfonça une lance contre la gorge.

« Qu’est-ce que je viens de te dire ? » dit Ryoma à Gaius qu’il tombait par terre, le regardant avec des yeux sans émotion.

Et puis, Ryoma avait impitoyablement porté le coup de grâce sous la forme d’un coup de pied bas qui s’était enfoncé à l’arrière de la tête de Gaius. Un bruit semblable à celui d’une pastèque écrasée résonnait dans la pièce.

« Tu n’aurais rien dû faire d’imprudent. »

Et ces mots chuchotés furent la dernière chose que Gaius Valkland n’entendit jamais, car il fut piétiné et tué comme un insecte.

 

 

« Tout ce que tu as dit m’a énervé. Tu n’étais vraiment qu’une sale ordure… »

Ryoma parla au cadavre de Gaius couché à ses pieds, puis le frappa impitoyablement aussi fort qu’il le pouvait, l’envoyant voler à trois mètres de distance. C’était le genre de colère que Ryoma ne montrait jamais sur son visage quand Gaius était en vie, mais maintenant elle apparaissait trop clairement sur ses traits. Il avait l’expression d’un démon enragé.

La colère pouvait obscurcir le jugement. Se perdre dans la colère au milieu d’une bataille, c’était comme demander à l’adversaire de vous tuer. Après avoir reçu cette leçon à l’entraînement, il était naturellement capable de garder son sang-froid. Mais pour lui, garder temporairement cette patience était déjà un exploit en soi.

Ryoma n’était pas un saint, mais un simple être humain, il était aussi sensible à la colère que les autres. Surtout dans ce genre de situation. Ryoma l’avait donc gardée enfermée et cachée dans son cœur jusqu’au moment où son adversaire avait rendu son dernier souffle.

Gaius et ses sous-fifres avaient probablement convoqué des gens dans ce monde bien avant qu’ils n’appellent Ryoma ici, et il ne pouvait qu’imaginer les résultats de cela… Combien de personnes avaient été appelées dans ce monde seulement pour mourir, se vautrant dans le désespoir ? Ces gens devaient avoir leurs propres espoirs et rêves.

Cette pensée remplit le cœur de Ryoma d’une nouvelle tristesse et d’une nouvelle haine envers le vieil homme, et envers l’empire d’O’ltormea. Ryoma Mikoshiba n’avait peut-être pas eu pitié de ses ennemis, mais c’était quand même un être humain, un homme ordinaire qui connaissait la douleur et le chagrin aussi bien que les autres.

Soudain, une forte détonation retentit sur la porte en fer de la pièce.

« C’est quoi ce bordel ? »

Ryoma s’était tendu par réflexe à la suite de ce changement soudain, tendant ses oreilles pour comprendre ce qui se passait.

« Quelque chose ne va pas, Seigneur Gaius ? »

On avait encore frappé à la porte. Un homme frappait précipitamment de l’autre côté, appelant dans la pièce.

« Les gardes nous ont informés qu’ils ont entendu un fort bruit dans cette pièce. Je comprends que vous êtes au milieu de votre rite d’invocation, mais s’il vous plaît, montrez votre visage juste un instant ! »

« Tch… Je m’y attendais. »

La voix de l’autre côté de la porte incita Ryoma à claquer sa langue avec irritation.

***

Partie 9

Apparemment, ceux de l’autre côté de la porte étaient des soldats, comme ceux qu’il avait tués. Ils avaient remarqué la perturbation à l’intérieur. Ce n’était pas une évolution imprévisible, mais inopportune.

Ai-je un moyen de m’en sortir ? se dit Ryoma. Il doit bien y avoir quelque chose. Une sorte de méthode.

Mais malgré ses efforts, il n’avait rien trouvé. Il n’y avait aucune fenêtre dans cette pièce qu’il pouvait atteindre. La seule façon de sortir de la pièce était la porte avec des soldats qui attendaient de l’autre côté de la pièce, et cela ne semblait pas être un chemin de fuite utilisable. Mais en même temps, il ne pouvait pas se permettre de ne rien faire.

Je n’ai donc aucun moyen de m’en sortir. Peut-être que je n’aurais pas dû tuer ce type si vite.

Ce regret traversa l’esprit de Ryoma pendant un moment.

Non, je n’ai pas pu garder le vieil homme en vie. On ne sait pas quel tour il aurait pu faire. Heureusement que je l’ai achevé.

Certes, il y avait la possibilité de prendre Gaius en otage, mais il n’était pas seulement un vieil homme. Il était capable de lancer des éclairs de ses mains et de puissantes rafales. Aucune prudence ne suffirait s’il s’agissait de le manipuler.

Mais cela rendait sa sortie de la pièce d’autant plus difficile. Ryoma avait tué Gaius et quatre soldats, ce qui signifiait que négocier n’était pas une option. Non, même s’il le pouvait, Ryoma ne choisirait jamais de négocier avec eux. Sa dignité d’homme ne le lui permettait pas. Céder à ces salauds ? Jamais.

Décidant qu’il aurait besoin d’une arme, Ryoma retourna l’un des corps des soldats, allongés face contre terre, pour se procurer son épée. C’est alors qu’une idée lui était venue à l’esprit.

C’était un pari assez dangereux, avec moins de cinquante pour cent de chance de réussite. Ou si l’on était pessimiste, trente pour cent, si ce n’est moins. Mais il n’avait pas d’autre choix. Après quelques instants de réflexion, Ryoma arriva à sa conclusion…

« Ça vaut le coup d’essayer… »

Un autre coup puissant retentit à la porte. La porte en fer était également sécurisée avec un verrou en métal, mais si les gens de l’autre côté voulaient la forcer, il ne leur faudrait que quelques minutes pour le faire, il y avait des gens capables de tirer des éclairs de leurs mains. Il n’avait donc pas beaucoup de temps.

Ryoma fouilla dans les poches des cadavres. C’était un autre monde, après tout. S’échapper de ce château sans argent disponible signifiait qu’il devait continuer à voler les gens ou à voler de la nourriture. Même s’il envisageait de trouver un emploi, rien n’indiquait pour l’instant si ce monde aurait des emplois qu’un lycéen serait capable de faire.

Dans un light novel typique, c’était le moment où un personnage utile qui soutiendrait le protagoniste et lui fournirait la nourriture et le logement apparaissait, mais Ryoma n’avait pas l’intention de s’appuyer sur ce genre de développement commode.

Pour l’instant, il avait récupéré cinq sacs en cuir remplis de pièces de monnaie dans les poches des cadavres. Cet argent était son espoir et sa bouée de sauvetage. Au minimum, il lui faudrait trouver un moyen de retourner au Japon, ou une sorte de travail, avant que cet argent ne soit épuisé, sinon il serait forcé de s’abaisser au vol pour survivre. Il ne connaissait pas la valeur exacte de ces pièces, ni combien de temps il pourrait vivre avec ce montant, mais c’était tout ce qu’il pouvait faire pour le moment.

« Seigneur Gaius ! Seigneur Gaius ! »

Il y eut un autre coup à la porte.

Les cris derrière la porte devenaient de plus en plus forts. Ceux qui étaient dehors crurent qu’il s’était réellement passé quelque chose. Ryoma n’avait pas eu le temps d’hésiter.

Ryoma enleva son uniforme scolaire et, après avoir enlevé sa ceinture de cuir, l’avait attachée autour de sa poitrine. C’était vraiment ridicule à voir, mais ça n’avait pas d’importance pour le moment. Après avoir serré la ceinture, il avait solidement attaché le sac de cuir contenant l’argent.

Ensuite, Ryoma enleva l’armure d’un cadavre qui faisait la même taille que lui, puis lui mit son propre uniforme et lui brûla le visage avec une torche, afin de le rendre méconnaissable. Il avait ensuite revêtu les vêtements et l’armure qu’il avait pris au soldat.

« Pfff. D’une façon ou d’une autre, je l’ai mis… »

Des mots de soulagement s’échappèrent des lèvres de Ryoma.

Après tout, il n’avait jamais mis d’armure. Mais bien que cela lui ait pris un peu de temps, il avait réussi à le faire. Heureusement pour Ryoma, cette armure n’était pas une simple combinaison, mais elle se composait de plusieurs parties fixées sur le corps.

Une autre forte détonation était venue de la porte.

Ryoma s’était tellement concentré sur le port de l’armure qu’il avait brièvement oublié les gens derrière la porte, mais il semblerait qu’ils étaient presque prêts à entrer de force.

Ryoma s’était approché d’un des cadavres des soldats et lui entailla l’artère carotide sur son cou. Bien sûr, comme c’était un cadavre, le sang ne jaillissait pas, puisqu’il ne coulait pas dans les veines. Au lieu de cela, le sang de la blessure s’était progressivement répandu sur le sol, plus qu’il n’en fallait pour tromper celui qui voulait entrer dans la pièce. Ryoma s’était ensuite abaissé doucement sur le sol et s’était couché dans la mare de sang.

« Ce n’est pas le pari le plus sage, mais c’est bien mieux que d’essayer de sortir de cette salle par la force… »

Ryoma attendit patiemment le moment où la porte s’ouvrirait.

Pendant que Ryoma était allongé sur le sol, une foule de soldats hurlait derrière la porte.

« Commandant, la magicienne assistante de la cour, lady Celia Valkland, approche ! »

Selon les rapports des soldats, une femme aux cheveux roux était apparue.

« Qu’est-ce que cela signifie, Seigneur Rolfe ? Qu’est-il arrivé à mon grand-père ? »

Cette dure question fut les premiers mots qu’elle laissa sortir de ces lèvres. Elle les adressa à un homme que les soldats appelaient le commandant. Aussi habile qu’elle ait pu l’être, elle n’était pas très amicale.

« Calmez-vous, lady Celia. », dit Rolfe

Une lueur était visible dans son unique œil.

« Comment voulez-vous que je reste calme ? »

Il semblerait qu’elle était venue précipitamment. Ses cheveux roux, généralement bien entretenus et parfaitement coiffés, étaient ébouriffés et désordonnés, et ses gros seins rebondissaient à chaque pas qu’elle faisait. Il n’y avait cependant personne d’assez fou pour rougir de son apparence à cet endroit et à ce moment-là toutes les personnes présentes étaient résolues à résoudre cette situation inhabituelle.

« J’ai dit calmez-vous ! »

Cette fois, c’était Rolfe qui avait élevé la voix dans la colère.

C’était un vétéran qui avait traversé de nombreux champs de bataille en tant que membre de la garde impériale, et qui avait même bloqué une fois une flèche destinée à ôter la vie de l’empereur avec son propre corps, un exploit qui lui avait coûté son œil, mais lui avait valu le titre de « Bouclier de l’Empereur ». L’histoire de son œil perdu était connue dans tout le continent.

Il avait gagné la confiance de l’Empereur et était maintenant chargé de la sécurité du palais en tant que commandant de l’Ordre des Chevaliers Impériaux. Les paroles de cet homme, qui avait vécu dans la boue et le sang du champ de bataille bien avant la naissance de Celia avaient jeté le doute dans le cœur de la talentueuse magicienne assistante de la cour. Prise de court par son cri de colère, Celia semblait s’être calmée et avait pris une grande respiration pour se ressaisir.

« Mes excuses, Seigneur Rolfe. C’était un pitoyable manque de sang-froid de ma part. », dit Celia en baissant sincèrement la tête.

Elle semblait avoir réalisé à quel point elle était agitée. Au moins, elle avait la présence d’esprit d’essayer de se peigner les cheveux emmêlés et d’ajuster sa tenue perturbée.

« Non, je m’excuse pour mon propre comportement. Il est tout à fait naturel que tu sois dérangée quand il s’agit de ta propre chair et de votre sang. Je suis vraiment désolé d’élever la voix. »

En voyant l’attitude de Celia, le regard de l’œil solitaire de Rolfe s’était adouci. Il était rempli de la compassion qu’un père regardant sa fille pourrait ressentir.

« Cela dit, Seigneur Rolfe, qu’en est-il de la situation ? »

Le ton de Celia était redevenu calme.

Son visage était rempli de la froideur. Une froideur telle que les pays voisins donneront à ce jeune génie le surnom de « Reine des Blizzards ».

« À l’heure actuelle, nous en savons très peu. »

Rolfe secoua la tête devant Celia.

Rolfe lui-même ne s’était que récemment précipité après avoir entendu le rapport de ses subordonnés. Il n’avait pas tout à fait saisi la situation, mais en savait encore un peu plus que Celia, qui venait tout juste d’arriver.

« Aucun problème. Quoi que vous sachiez sur cette affaire, parlez s’il vous plaît. »

« Très bien », acquiesça Rolfe.

« Pour accomplir le rite d’invocation, le Seigneur Gaius est entré dans cette pièce avec quatre soldats. C’était il y a environ trois heures maintenant… »

« Trois heures… »

L’expression de Celia s’était assombrie.

« Il faut deux heures pour préparer le rite d’invocation, et l’incantation du sort dure environ trente minutes. Même en tenant compte d’une certaine erreur, ne pas entendre un mot pendant plus de trois heures est très inhabituel en effet… »

Le sentiment que quelque chose s’était vraiment mal passé secoua le cœur de Celia.

« Oui. D’après le rapport que les gardes m’ont donné, ils ont entendu un tremblement venant de la pièce il y a une trentaine de minutes. J’ai ordonné aux gardes de vous contacter et je suis venu ici moi-même. »

« Je vois. Et ensuite ? »

Hochant la tête à l’explication de Rolfe, Celia l’exhorta à continuer.

« En venant ici, j’ai trouvé ces soldats qui attendaient devant la porte. Apparemment, il leur a été interdit de laisser entrer qui que ce soit ou de faire du bruit pendant le rite, alors certains d’entre eux sont allés faire le rapport pendant qu’ils étaient en attente… N’est-ce pas, messieurs !? »

Soudain, Rolfe cria tout en tournant son regard vers les deux soldats qui se tenaient derrière lui. Leurs expressions étaient pleines de désespoir, preuve qu’ils n’étaient pas à l’aise de savoir s’ils avaient géré la situation correctement.

« Je vois… Votre jugement était tout à fait sain. »

« Oui, madame ! »

Celia s’était tournée vers les soldats, qui avaient été attentifs à ses paroles d’encouragement. En recevant son sourire, les expressions des soldats se détendirent. Ils avaient la certitude qu’ils avaient fait leur travail de gardiens de palais correctement, mais il n’y avait pas beaucoup de nobles qui le verraient comme tel. Au pire, ils pourraient exiger de savoir pourquoi ils n’avaient pas fait irruption immédiatement avant d’être punis pour cela. Mais comme ils avaient réalisé que ce n’était pas le cas, leurs expressions s’adoucirent.

Rolfe ignora l’attitude des deux soldats et continua son explication. Ce n’était pas le moment de se soucier de leurs actions.

« Mais le fait est que trop de temps s’est écoulé. J’ai donc pris l’initiative d’essayer de frapper plusieurs fois depuis mon arrivée, mais… »

« Pas de réponse ? »

« Oui, madame. »

« La préparation du rite et de l’incantation pour le sort ne devrait pas prendre trois heures, même les plus longues. »

Celia avait formulé ses pensées après avoir entendu l’explication de Rolfe.

« Et si un praticien aussi compétent que grand-père n’est pas sorti après tout ce temps… Après tout, grand-père a conduit plus d’une centaine de rites d’invocation… »

« C’est tout à fait vrai », dit Rolfe en hochant la tête tout en entendant les paroles douteuses de Celia.

« Le Seigneur Gaius a conduit le rite d’invocation cent vingt et une fois, et n’a jamais failli une seule fois. »

L’expression de Rolfe témoignait de son lien profond et de sa confiance dans le talent de magicien de Gaius. Le rituel d’invocation d’une personne d’un autre monde était bien connu dans ce monde. L’existence d’extraterrestres avait également été documentée dans les mythes anciens d’autres pays. Mais si l’existence du rite était bien connue, ce n’était pas quelque chose qui se pratiquait régulièrement. Peu de magiciens étaient capables de l’exécuter, même si l’on fouillait le continent occidental de haut en bas.

Le rituel d’invocation était l’art secret le plus grand et le plus difficile de tous. Le fait que Gaius Valkland l’avait exécuté avec un taux de réussite de cent pour cent était une preuve de sa redoutable habileté. Mais ce n’était que pour parler de ses réalisations passées.

« Oui, jusqu’à présent, il n’y a pas eu de problèmes. » Dis Celia, mais un doute pesait derrière ses mots.

« Donc pensez-vous que le Seigneur Gaius a échoué au rituel, Dame Celia ? »

L’expression de Rolfe s’était obscurcie.

***

Partie 10

« C’est difficile à discerner à ce stade. Mais si nous supposons que rien ne s’était passé, il devient alors difficile d’expliquer le tremblement que les soldats ont ressenti. Il n’y a aucun aspect du rituel d’invocation qui causerait une telle perturbation. »

« Donc vous dites qu’il y a eu une sorte… d’accident ? Devrions-nous demander à Sa Grâce d’évacuer le palais immédiatement ? »

Rolfe n’était pas assez stupide pour croire naïvement qu’il n’y avait aucune probabilité qu’un accident se produise simplement parce qu’il n’y en avait jamais eu jusqu’à maintenant. Et il savait aussi que les accidents magiques pouvaient avoir des conséquences à long terme.

Une calamité magique. Si quelque chose devait interrompre le rite d’invocation et que le sort devait devenir incontrôlable, rien ne permettait de savoir ce qui pouvait se passer. Le fait qu’une salle entière du palais soit emportée par le vent était optimiste. Dans le pire des cas, le pays tout entier pourrait être anéanti, tout comme cela avait été le cas autrefois pour un ancien royaume.

Je suppose que c’est le pire scénario possible. Mais si cette présomption s’avère exacte, nous devons assurer la sécurité de Sa Grâce, pour le bien de notre nation…

La sécurité de l’empereur devrait au minimum être assurée. Cette pensée poussa Rolfe à l’action. Mais Celia secoua la tête, rejetant ses inquiétudes. S’il y avait eu une calamité magique, certains signes de celle-ci se seraient déjà manifestés à l’extérieur de la pièce. Même si ses effets se limitaient à la seule pièce, Celia excellait dans la détection de la magie et pouvait détecter toute perturbation à cette distance. Ce qui ne laissait qu’une seule conclusion.

« Non. Selon toute vraisemblance, grand-père a dû utiliser sa magie. »

L’œil unique de Rolfe brillait à la suggestion de Celia. Gaius avait peut-être utilisé une magie d’attaque en combattant quelqu’un.

« Une attaque magique… C’est certainement possible. Mais si c’est le cas, pourquoi le Seigneur Gaius ne quitterait-il pas la pièce ? »

C’était la principale raison pour laquelle Rolfe ne pouvait écarter la possibilité d’un accident. Peu de personnes sur tout le continent pourraient survivre à un sort lancé par Gaius, magicien de la cour de l’Empire O’ltormea. L’idée que quelque chose se soit passé au milieu du rituel pour l’immobiliser semblait plus probable que cela. Bien sûr, Rolfe savait qu’il n’y avait pas d’absolu dans la bataille, mais Rolfe ne pouvait pas imaginer Gaius se faire tuer par quelqu’un.

« Peut-être qu’il ne peut pas quitter la pièce. »

« C’est impossible. »

L’expression de Rolfe changea aux mots de Celia.

« Un homme du calibre du Seigneur Gaius… »

Celia avait souligné la seule possibilité que Rolfe essayait délibérément d’ignorer.

« Si l’on considère le pire scénario possible… »

Les traits de Celia s’étaient tendus.

C’était l’expression d’une personne réalisant la mort possible d’un parent.

« Toutes mes excuses ! »

Rolfe baissa soudain la tête vers Celia.

« Que faites-vous, Seigneur Rolfe ? »

Celia avait été bouleversée par les excuses soudaines de Rolfe.

« Lady Celia, je me suis trompé dans mon jugement. »

J’aurais dû intervenir dès que j’ai entendu le rapport. Si j’étais entré dans la pièce dès que possible, j’aurais peut-être pu sauver la vie du Seigneur Gaius.

Cette pensée traversa l’esprit de Rolfe, mais Celia a secoué la tête.

« Non, Seigneur Rolfe. Personne ne peut interrompre le rite d’invocation pendant qu’il est en cours, c’est la loi. Si vous aviez pénétré dans la pièce de votre propre chef, cela aurait pu causer une catastrophe. Je crois que peu importe ce qui s’est passé, votre attente a été une sage décision… Alors s’il vous plaît, arrêtez ça tout de suite. »

Apaisant Rolfe, elle lui avait fait lever la tête baissée. Il était vrai que personne n’avait été autorisé à entrer dans la salle de convocation au milieu du rite, de peur d’un désastre secondaire. Tel était le niveau d’attention et de prudence requis pour la convocation.

« Je doute de la possibilité d’un accident. Si cela s’était produit, son influence nous aurait déjà été visible. »

La signification des mots de Celia était une prémonition bien trop cruelle.

« Lady Celia… »

Rolfe remarqua que les épaules de Celia tremblaient.

Elle essayait désespérément de contenir ses émotions envers son seul et unique parent de sang.

« Bien sûr, c’est juste en supposant le pire scénario possible. Pour l’instant, allons à l’intérieur et confirmons la situation par nous-mêmes ! »

Rolfe ne pouvait que veiller sur Celia alors qu’elle s’accrochait à la dernière lueur d’espoir.

« Comme la porte est en fer, elle est verrouillée de l’intérieur. Je vais faire venir un bélier pour l’ouvrir, alors donnez-nous un peu de temps. »

Rolfe se prépara rapidement à commander ses soldats, mais Celia n’avait apparemment pas l’intention de se conformer à la suggestion de Rolfe.

« Non, Seigneur Rolfe. Nous n’avons pas de temps à perdre. Je vais gérer cela. »

Ces mots firent paniquer Rolfe. La porte de la salle de convocation était plutôt épaisse et robuste, et un magicien normal ne pourrait pas la percer. Bien sûr, Celia, en tant qu’aide-magicienne à la cour, pourrait le faire, mais le problème était de savoir ce qui arriverait après cela.

« C’est… C’est… »

Rolfe marmonnait d’une voix agitée.

Mais il n’y avait pas eu de coupure dans l’incantation de Celia.

« Ô esprits qui gouvernent sur le feu ! Accordez-moi votre protection et respectez ma volonté ! »

« Lady Celia, non ! Les hommes, à couvert ! »

Ignorant ses tentatives pour l’arrêter, Celia compléta son incantation.

« Écrasez l’ennemi qui se tient sur mon chemin ! Flamme explosive ! »

Un globe de flamme tourbillonnait dans les paumes des mains de Celia, celle-ci les tendit vers la porte en fer. Au moment où elle le fit, la porte s’était déformée, et le bruit tonitruant d’une explosion résonna dans le château. Le choc et le bruit de l’explosion avaient privé Rolfe de sa vue et de son ouïe pendant quelques instants. La chaleur et l’odeur de brûlé typique d’un incendie remplissaient le couloir. La force de l’explosion créa de minuscules fissures à travers les murs du château.

La vue de Rolfe se rétablit peu à peu, et la première chose qu’il vit fut la porte, rougeoyante et cramoisie. L’air environnant vacillait sous l’effet de la chaleur, comme si une partie de l’enfer même s’y était manifestée. La porte, cependant, était restée intacte. Non, si la porte était brûlante, il était impossible de s’en approcher. Les choses étaient encore pires.

C’est pour cela que j’ai essayé de l’arrêter. Qu’est-ce que Lady Celia va faire maintenant…

Cependant, avant que Rolfe ne puisse faire connaître son sentiment à Celia, la porte s’était effondrée avec un bruit fort.

« Venez, entrons. »

La voix de Celia résonnait.

Les soldats avaient traversé la porte, qui avait été refroidie à un point tel qu’il suffisait de la toucher pour y coller sa peau. Ceux-ci s’infiltrèrent dans la pièce.

« Je vois… Vous avez donc utilisé la différence de dilatation thermique pour briser la porte. Très impressionnant. »

Celia hocha légèrement la tête en entendant les louanges de Rolfe. Elle avait d’abord utilisé la magie du feu, ce qui avait fait croire à Rolfe qu’elle essayait de faire fondre la porte. Il avait essayé de l’avertir des problèmes que cela causerait, puis il avait essayé de l’arrêter. Mais Celia comprenait parfaitement le problème. Si elle utilisait des flammes assez puissantes pour faire fondre la porte, la zone environnante serait réduite à un brasier ardent. Celia et Rolfe s’en sortiraient probablement indemnes, mais les soldats les plus simples ne s’en sortiraient probablement pas.

De plus, ils ne pourraient pas entrer dans la pièce tant que l’air ne serait pas refroidi. Celia avait donc arrosé la porte d’une chaleur massive, puis avait utilisé la magie du gel pour refroidir la porte bouillonnante. La chaleur provoqua l’expansion de la porte métallique, et en la refroidissant rapidement, la porte se brisa.

« Venez, Seigneur Rolfe. Dépêchons-nous de rentrer. »

Rolfe hocha la tête silencieusement en entendant les mots de Celia.

« Bougez. Qu’est-ce que vous faites devant la porte ? Rentrez, maintenant. »

« Qu’est-ce qu’il y a ? Grand-père est en sécurité ? »

Passant devant les soldats qui se tenaient devant la porte, leur souffle était visible dans des bouffées blanches, tous les deux furent témoins de la tragédie ayant eu lieu. L’arôme de rouille unique au sang versé leur remplissait les narines, un parfum auquel Rolfe n’était que trop habitué.

« Lady Celia… Quoi... Qu’est-ce que c’est… ? »

« C’est horrible… »

La vue les rendait sans voix. Ils l’avaient peut-être prédit quelque part dans leur cœur, mais même avec la réalité qu’il leur était imposé, c’était encore difficile à croire.

« Qu’en est-il de grand-père ? »

En regardant autour d’elle, Celia aperçut la robe blanche couchée sur le sol, une robe unique que son grand-père aimait particulièrement. Il ne pouvait pas y avoir d’erreur.

« Nooon... Grand-père ! »

Celia était tombée à genoux, s’effondrant sur le sol.

Rolfe la soutint en hâte, mais Celia retira violemment les bras qui la bloquaient et courut vers Gaius, qui était étendu sur le sol. Elle avait ramassé son corps dans la panique. Ses mains étaient couvertes de sang.

« C’est… trop horrible. » Grimaça Rolfe tout en regardant le corps de Gaius gisant dans les bras de Celia.

Même lui, qui avait parcouru d’innombrables champs de bataille, se souvenait d’avoir vu un cadavre si sauvagement battu qu’une poignée de fois. D’après la blessure à l’arrière de la tête de Gaius, Rolfe supposa qu’il avait été attaqué par-derrière ou battu alors qu’il s’accroupissait. Si c’était la première possibilité, c’était un témoignage de l’habileté de l’agresseur, si c’était le second, c’était une preuve de sa cruauté.

Dans un cas comme dans l’autre, ce serait un ennemi redoutable… Hmm, c’est…

Convaincant Celia de lâcher le corps de Gaius, ils l’allongèrent sur le sol, et après une inspection plus approfondie, Rolfe se mit à grimacer.

Un seul coup à la gorge. C’est probablement la blessure mortelle. Dans ce cas…

L’assaillant avait bloqué la trachée de Gaius, puis lui avait porté un coup final à l’arrière de la tête.

« Qui ferait quelque chose d’aussi horrible… » Ce petit murmure avait échappé aux lèvres de Rolfe.

Ces mots étaient empreints de colère et de tristesse. Rolfe avait été sur d’innombrables champs de bataille, et la vue d’un cadavre ne ferait normalement pas trembler son cœur. Il ne penserait à un tel spectacle que si les faibles avaient rencontré leur mort. Mais voir le corps de Gaius Valkland était différent. Gaius s’était battu pendant de nombreuses années aux côtés de Rolfe en tant que compagnon et avait contribué à faire d’O’ltormea le grand pays qu’il était maintenant.

Il était impossible de garder son sang-froid face à la mort d’un ami, mais Rolfe fit tout ce qu’il pouvait pour freiner l’envie de crier.

« N’est-ce pas évident !? »

Un cri de haine jaillit des lèvres de Celia.

« C’est l’œuvre de l’homme de l’autre monde qu’il a convoqué ! »

De flammes noires de colère brûlèrent dans ses yeux suite au meurtre de son grand-père. Et au moment où Rolfe avait vu ce feu dans son regard, il avait retenu son propre cœur vacillant.

Je ne peux pas dire que je la blâme… Ils étaient plus proches que ne le seraient la plupart des pères et des filles…

Les parents de Celia étaient décédés alors qu’elle n’était qu’une enfant. Ils étaient morts au combat contre un pays voisin qui existait jadis près de l’empire et c’était Gaius qui l’avait accueillie et l’avait élevée. Il était son professeur de magie et, en même temps, son dernier parent par le sang. Il était donc naturel pour Celia de perdre son sang-froid après avoir appris sa mort. Toutefois…

« Écoutez, Lady Celia. »

Il avait des doutes sur son affirmation.

« Les gens de l’autre monde pourraient en effet devenir très puissants s’ils étaient entraînés, mais il s’agit d’un faible qui vient tout juste d’être convoqué. Ce monde ne connaît pas la guerre, contrairement au nôtre, et d’après ce que j’entends, ils n’ont généralement pas le droit de porter des armes. »

À en juger par les cas passés, quelqu’un qui pouvait représenter une aussi grande menace n’avait jamais été convoqué auparavant. Les seules choses que l’on ait trouvées sur eux étaient un petit couteau ou une baguette métallique, et la grande majorité des gens de l’autre monde n’étaient même pas capables d’utiliser ces armes. Du point de vue d’un guerrier, les nouveaux appelés de l’autre monde semblaient encore plus faibles que les roturiers de ce monde.

« Mais… ! »

Celia secoua la tête sauvagement devant les paroles emplies de doutes de Rolfe.

***

Partie 11

Aucune autre explication ne lui était venue à l’esprit. C’était ce que Celia essayait désespérément de dire.

Non. Comme l’a dit Lady Celia, il y a de fortes chances que ce soit l’œuvre de l’homme de l’autre monde. Mais nous ne devons pas tirer de conclusions hâtives.

Rolfe lui-même était d’accord avec Celia pour dire que la personne venue d’un autre monde était le suspect le plus probable, mais il n’y avait pas assez de preuves pour l’instant pour en être tout à fait certain.

« Je suis d’accord avec vous pour dire que le plus grand suspect est l’homme que vous avez cité, mais nous n’avons pas suffisamment de preuves. »

Rolfe essaya d’apaiser raisonnablement ses protestations.

« Il y a une chance qu’il se soit passé autre chose. »

La seule option qui s’offrait à lui était de réprimer ses émotions, de peur qu’elles ne l’aveuglent et ne permettent au coupable de s’échapper.

« Il faut d’abord faire le point sur la situation et comprendre ce qui s’est passé. »

La réprimande de Rolfe avait rendu son expression tendue. Elle était un génie d’un tel calibre qu’on lui avait confié même à son jeune âge le poste d’aide-magicienne à la cour. Les mots de Rolfe lui avaient rappelé son rôle et ses responsabilités.

« Toutes mes excuses. Vous avez raison, Seigneur Rolfe. »

« Du moment que vous le comprenez. Je prendrai donc le commandement. »

Empêchant Celia de baisser la tête, Rolfe avait immédiatement commencé à donner des ordres à ses soldats.

« Confirmez si l’un des soldats est vivant ! Et assurez-vous que cet homme étrangement vêtu est vraiment mort. Les autres, fouillez la pièce et vérifiez s’il n’y a pas de trou par lequel le coupable aurait pu passer. En plus de cela… Avez-vous trouvé quelque chose, Lady Celia ? »

Celia secoua la tête devant la question de Rolfe.

Cette tenue ressemble à quelque chose qu’un étranger porterait, mais pourquoi est-il mort ? Cette personne n’était-elle pas seule ?

Elle avait peut-être retrouvé son sang-froid, mais la mort de son seul parent de sang pesait encore lourdement sur son cœur, et son intelligence n’était pas aussi vive qu’elle l’était habituellement.

« Seigneur Rolfe ! Lady Celia ! »

« Il est en vie. Celui-ci est toujours en vie ! »

Peu de temps après, les hommes envoyés pour confirmer la survie des soldats avaient appelé Rolfe et Celia.

« Quoi !?? »

« Vraiment ? »

Rolfe et Celia s’étaient précipités vers l’endroit où l’un des soldats était couché dans une mare de sang.

« S-Sire Rolfe… »

La voix qui prononçait le nom de Rolfe venait en effet de ce soldat qu’ils avaient présumé mort.

« Est-ce que ça va ? »

« Que s’est-il passé ? Pouvez-vous nous dire quelque chose ? »

Comme il était le seul témoin vivant, Rolfe et Celia étaient allés droit au but avec leurs questions.

« Seigneur Rolfe… Un monstre… »

Entendant ses paroles, les deux étaient devenus pâles. Cet homme était le seul à savoir ce qui s’était passé dans cette pièce.

« Quoi !?? Un monstre… ? »

Rolfe sentit que la couleur de son visage s’échappait quand il entendit ce mot inconnu des lèvres du soldat.

Celia paniqua aussi, se demandant si son grand-père n’avait pas échoué au rite d’invocation et convoqué accidentellement une créature inattendue d’un autre monde.

« Que s’est-il passé !? Reprenez vos esprits ! »

« Ga-Gai… il… il… »

Les deux écoutèrent ses paroles avec attention, mais n’avaient pas réussi à tirer un quelconque sens des phrases fragmentaires qui sortaient de ses lèvres.

Ils avaient compris qu’un monstre était apparu, mais aussi que la situation n’était pas aussi claire qu’avant.

« Répondez-moi ! Qu’est-il arrivé à grand-père ? De quel monstre parlez-vous ? »

Celia saisit le soldat qui était allongé sur le sol, les épaules serrées. Celle-ci le secoua violemment. Celia ne se laisserait normalement jamais voir dans un état aussi perturbé, mais en ce moment, elle ne se souciait pas du tout de savoir qui l’avait vue dans cet état.

Un monstre ? Quel genre de monstre ? Non, plus important, où se trouve ce monstre en ce moment ?

Si une créature assez puissante pour tuer le magicien de la cour courait autour du palais, c’était assez dangereux. C’était, littéralement, le cœur de l’empire d’O’ltormea.

Mais plus Celia paniquait, plus la situation devenait grave. Le soldat, qui ne parlait déjà pas de façon cohérente, s’était mis à haleter. Son corps était devenu complètement mou, et il ne réagissait plus à l’appel des soldats.

« Ce n’est pas bon signe. Que quelqu’un emmène cet homme chez le médecin ! Tout de suite ! »

Empêchant Celia de faire pression sur le soldat pour obtenir d’autres réponses, Rolfe ordonna rapidement aux soldats de mettre le soldat sur une civière qu’ils avaient apportée dans la pièce et de l’emmener à l’infirmerie.

« Pourquoi !?? Pourquoi m’avez-vous arrêtée !? »

Célia s’est fâchée contre lui, lui montrant une expression démoniaque.

Rolfe lui fit un reproche. Il s’était probablement rendu compte que s’il ne le disait pas maintenant, il perdrait tout contrôle sur cette fille, qui était presque folle de chagrin. C’était probablement son manque d’expérience dans ce domaine. Talentueuse comme elle l’était, Celia n’était toujours pas douée pour contrôler ses émotions. Elle s’était finalement calmée, mais le soldat mentionnant un « monstre » lui avait fait perdre son sang-froid.

Bien sûr, il fallait peut-être s’y attendre, étant donné que son grand-père honoré avait échoué au rite d’invocation et qu’il était mort. Mais en plus de cela, cet endroit était le cœur de la royauté et de la noblesse. S’il arrivait quoi que ce soit à quelqu’un, même la famille des magiciens de la cour qui avaient obtenu autant de réalisations que Gaius perdrait son honneur et serait en déclin. Au pire, s’il était tenu responsable de l’incident, tout son clan serait puni.

Son sentiment d’avoir été témoin de la mort de son grand-père et son désir de défendre sa famille avaient semé la panique dans le cœur de Celia. Rolfe l’avait compris, et pourtant…

« Si vous continuez à l’interroger comme ça, cet homme aurait très bien pu mourir. », dit Rolfe à l’hystérique Celia, essayant de parler le plus calmement possible sans trahir ses émotions.

Ses paroles ne lui permettaient pas d’argumenter. Interroger ce soldat ensanglanté aurait sûrement entraîné sa mort, étant donné son état.

« Aussi vrai que cela puisse être, regarde cette situation. Comprendre ce qui s’est passé dans cette pièce n’est pas plus important que la vie de cet homme ? »

Mais ses mots n’avaient pas semblé atteindre Celia.

Elle était toujours convaincue que l’obtention d’informations sur son grand-père avait préséance sur la vie d’un seul soldat, s’opposant donc ainsi au raisonnement de Rolfe. Elle réalisa que Rolfe avait raison, mais son cœur fit obstacle à son bon sens. Pourtant, Rolfe avait expliqué la situation en détail, dans l’espoir de la calmer.

« C’est certainement important, mais le seul qui sait ce qui s’est passé est cet homme. J’ai du mal à croire que vous auriez des informations utiles si vous l’aviez interrogé, blessé comme il l’était. Au pire, il mourrait avant de nous dire ce dont nous avons besoin, et tout cela n’aurait servi à rien. Attendre patiemment qu’il se rétablisse est plus sûr, n’est-ce pas ? Pour l’instant, concentrons-nous sur la confirmation de la situation. »

Celia ne pouvait plus argumenter contre Rolfe après ça. Ses paroles sonnèrent vrai, mais ses émotions en tant que personne privée de sa famille et sa dignité en tant que noble l’avait empêchée de l’accepter pleinement.

« Haah... Je comprends. Votre jugement est sûr, Seigneur Rolfe. Pardonne-moi mon emportement. »

Avec un gros soupir, Celia retrouva son calme. Son attaque contre Rolfe était probablement due à la pression sur son cœur. Un génie comme elle n’aurait pas dû agir ainsi, mais le manque d’expérience découlant de son jeune âge était évident.

« Mais je me demande de quel monstre il parlait… Je ne peux pas imaginer que Grand-père échoue de la sorte. En plus, où ce monstre a-t-il disparu ? »

Ces doutes sortirent des lèvres de Celia dans un murmure.

Elle se parlait à elle-même, mais en entendant ces mots, Rolfe sentit quelque chose le toucher. Un malaise qui découlait de ses années d’expérience sur le champ de bataille. Mais il balaya ce doute, sans l’exprimer.

« C’est vrai. Si un monstre est vraiment appelé d’un autre monde, c’est très grave… Non, pour l’instant, inspectons les cadavres restants. Nous pouvons découvrir quelque chose. »

Rolfe lui-même était plutôt troublé par cette situation, ce qui lui avait valu de commettre une gaffe qu’il ne commettrait jamais autrement, il avait ignoré sa propre intuition. Et c’était le jugement de Rolfe qui allait finir par couper court à la faible possibilité qu’ils avaient encore de résoudre cette situation.

« Gros problème ! Sire Rolfe, l’infirmerie ! L’infirmerie est… ! »

Un soldat fit irruption dans la salle de convocation. La panique dans sa voix indiquait clairement qu’il faisait état d’une véritable urgence.

« Calmez-vous ! Calmez-vous  ! Qu’est-ce qu’il y a ? »

L’aboiement colérique de Rolfe résonnait dans la pièce.

Le soldat sur lequel il avait crié dessus s’était rétracté devant le regard menaçant de Rolfe, et avait fait son rapport à travers des respirations laborieuses.

« Monsieur ! Un incendie de cause inconnue s’est déclaré à l’infirmerie… Elle se propage rapidement et a atteint la réserve de médicaments. »

Rolfe était resté sans voix au milieu du rapport du soldat. Le moment était tout simplement trop mal choisi.

« Quoi !?? Comment tout cela peut-il se succéder ? Et l’incendie ? Quelqu’un est venu l’éteindre ? »

La réserve de médicaments contenait une variété de substances combustibles, et ils venaient tout juste d’envoyer un soldat blessé à l’infirmerie — leur seul témoin vivant. Rolfe savait qu’il ne faisait qu’exprimer sa colère à l’égard d’un parent non apparenté, mais il avait regardé le soldat avec mépris.

« O-Oui. », dit le soldat avec une expression désespérée, submergée par le regard de Rolfe.

« Nous avons rapidement informé les magiciens du palais et les avons fait déployer pour faire face à l’incendie. »

Le rapport continu du soldat calma légèrement Rolfe. À tout le moins, l’incendie ne semblait pas s’être propagé jusqu’au palais, et ce seul fait était un soulagement.

« Qu’en pensez-vous, Lady Celia ? »

Rolfe tourna son regard vers Célia, qui se tenait à côté de lui, le doigt appuyé contre son menton bien formé. Le doute avait refait surface dans son cœur.

« Quelque chose n’est pas normal… »

Elle répondit sans hésitation à la question de Rolfe.

Il semblerait qu’elle s’en doutait aussi.

« Alors… vous le pensez aussi, madame ? »

« Oui… Il se passe trop de choses à la fois. »

Gaius Valkland était mort. Un échec sans précédent dans le rite d’invocation venait de se produire. Un monstre inconnu aurait pu être convoqué. Et maintenant, le feu. Rolfe réfléchit à tout cela, et la réponse lui revint à l’esprit.

C’est ridicule. Tout cela pourrait-il vraiment arriver ?

Comme Celia l’avait dit, il se passait trop de choses à la fois, et il n’y avait qu’une explication plausible. Mais elle ne correspondait pas au bon sens de Rolfe.

« J’ai une hypothèse qui pourrait expliquer cette situation. Cependant… »

« Pensez-vous que c’est impossible ? »

Celia devina correctement l’idée de Rolfe, et connaissait la raison pour laquelle il ne l’avait pas dite.

« Je ne sais pas… Du moins, pas maintenant. »

Rolfe tourna de nouveau le cou en regardant les soldats qui inspectaient la pièce. En fin de compte, une spéculation n’était qu’une spéculation, et Rolfe voulait la vérité dure et froide, et non des conjectures.

« Nous avons un rapport ! »

Leur conversation avait été interrompue par les soldats qui étaient revenus de leur inspection.

« Oui, allez-y ! »

« J’ai confirmé que les autres soldats sont morts. »

« Et ? Quelle était la cause de leur mort ? »

***

Partie 12

Les soldats avaient échangé leurs regards sur la question de Celia. Cela semblait être quelque chose de difficile à rapporter.

« Qu’est-ce qu’il y a ? Parlez clairement ! Quelle était la cause de leur mort ? »

Sous la pression de Celia qui désirait obtenir une réponse, l’un des soldats parla en tant que représentant.

« On dirait qu’ils ont été assassinés à mains nues par un homme… »

« Quoi ? À mains nues !? Comment pouvez-vous en être sûr ? », demanda Rolfe avec colère.

À mains nues ? Un homme désarmé a donc réussi à tuer ces soldats armés et Sire Gaius ? Inconcevable.

Rolfe ne pouvait qu’imaginer la difficulté d’un tel exploit.

« Un des cadavres semble s’être fait écraser la gorge, mais il y a des traces de doigts sur le cou… »

« Des marques de doigts… », grogna Rolfe.

Rolfe ordonna aux soldats de l’emmener au cadavre en question. Tous les deux se présentèrent bientôt devant le cadavre. Sa gorge était en effet effondrée.

« Je vois, ça ressemble à des marques de doigts… »

Rolfe ne s’était pas opposé à l’affirmation de Celia.

« Et les autres cadavres ? », demanda-t-il aux soldats.

« D’après ce que j’ai confirmé, celui-ci a le coup brisé à cause d’un coup au cou. L’armure et le casque sont intacts, ce qui me fait porter à croire qu’aucune arme n’a été utilisée. Celui-ci a probablement été tué par l’agresseur à mains nues. »

En regardant le corps, on aurait dit qu’il avait été tué par une personne non armée.

« Il y a une autre chose qui me dérange… », dit timidement un autre soldat en regardant le cadavre.

« Quoi !?? Soyez clair avec moi ! »

Rolfe, normalement calme, n’avait pas pu cacher son irritation.

Mais c’était tout à fait naturel. Cet incident pourrait ébranler le pays, et il restait peu d’indices.

« Oui, monsieur ! »

Le soldat fit son rapport, tremblant de peur devant la colère de Rolfe.

« Ce cadavre que nous supposons être ceux de la personne de l’autre monde a le visage brûlé, et a aussi des marques de doigts sur le cou. Et, euh… La ceinture du pantalon de la victime est… »

« Quoi !?? Dépêchez-vous avec ça ! »

« Oui, monsieur ! »

Le soldat trembla devant l’agacement de Celia.

« Il manque la ceinture ! Le pantalon glisse du cadavre. Je ne peux pas l’imaginer essayer de se battre de cette façon… »

En entendant cela, les expressions de Celia et de Rolfe changèrent. Ils se précipitèrent vers le cadavre.

« Il a raison… »

« Il ne peut pas se battre comme ça… Alors comment ? »

À première vue, le cadavre qui se trouvait devant eux semblait être habillé correctement, mais en y regardant de plus près, il y avait quelques divergences. En particulier, les manches de la tenue étaient beaucoup trop longues. La manchette de son pantalon était aussi trop longue pour ses jambes, ce qui rendait difficile à croire le fait qu’il pouvait marcher sans trébucher. Et le plus gros problème, comme l’avait dit le soldat, c’était que le pantalon était aussi lâche.

C’est impossible. Ils ne pourraient pas marcher avec ça.

À ce moment-là, tout devint clair pour Rolfe, et Celia aussi.

« Oh, non, non. Seigneur Rolfe, le soldat que vous avez envoyé à l’infirmerie ! C’est l’homme de l’autre monde ! »

Le visage de Celia devenait de plus en plus livide, elle renforça ses jambes avec une magie de renforcement et parties de la pièce comme une rafale.

« Mettez le château en alerte ! Compris ? L’ennemi est déguisé en soldat. Je me fiche que vous ayez à arrêter tout soldat suspect que vous trouvez. »

Donnant ses ordres en succession rapide, Rolfe pris la suite de Celia, laissant la place derrière lui. Après avoir tout assemblé, ils avaient réalisé tout ce qui s’était passé.

« Le scénario catastrophe est vraiment arrivé… J’espère qu’il est toujours là. »

Rolfe cria sur Celia, qui courait devant lui.

« Oui. Pour l’instant, nous devrions vérifier l’infirmerie… Mais il est probablement parti maintenant. »

Celia s’était hâtée de courir, son expression était remplie d’amertume.

Le terrible méchant qui avait tué son grand-père était juste devant ses yeux, et elle ne l’avait même pas remarqué. Rolfe ne pouvait que deviner à quel point elle devait se sentir frustrée.

« Dans ce cas, cet homme d’un autre monde avait un moyen de se battre… », lui dit-il en courant en arrière, entre deux grandes respirations.

« Oui, et il semblerait être assez habile pour affronter quatre soldats armés et un magicien du niveau de grand-père… »

« Avoir autant de talent alors qu’il vient juste d’être convoqué… »

La réponse de Celia lui fit frissonner la colonne vertébrale.

Un homme d’un autre monde avec une telle puissance pourrait rôder dans le palais, et il nourrissait une nette animosité à l’égard de l’empire. Les cicatrices sur le cadavre de Gaius étaient la preuve de cette haine.

C’est un homme dangereux, mais on ne le laissera pas s’échapper. Il regrettera le jour où il a osé défier l’empire.

« Orlando ! »

Celia cria dès qu’elle aperçut un jeune homme qui s’occupait des soldats qui nettoyaient le bazar.

« Celia, seigneur Rolfe. La nouvelle de l’incendie vous a-t-elle amené ici ? »

Le jeune homme se tourna au son de la voix de Celia avec une expression surprise, et fit un geste vers l’infirmerie pendant qu’il parlait.

« Dans ce cas, ne vous inquiétez pas. Je m’en suis occupé. Il n’y a aucune chance que l’incendie se propage davantage. »

« Je peux le voir par moi-même. »

Celia ignora Orlando, et l’interrogea.

« Plus important encore, j’ai quelque chose à te demander. Un soldat aurait dû être transporté à l’infirmerie juste avant le début de l’incendie. Où est-il ? Ronbert est-il présent ? Quelqu’un peut m’expliquer la situation ? »

La question de Celia avait transformé le discours d’Orlando en bégaiement. Il était présent ici par pure coïncidence. Celui-ci marchait dans la cour quand il entendit les cris d’un incendie, ce qui l’avait amené à se précipiter ici. Il n’était pas pleinement informé de la situation.

« Attends un instant, Celia. Je ne sais pas du tout ce qui se passe. Pourquoi es-tu si paniquée ? Cela ne te ressemble pas. »

Orlando n’avait pas pu cacher sa confusion devant le manque de calme inhabituel de Celia, mais Celia elle-même ne semblait pas être dans le bon état d’esprit pour répondre à la question d’Orlando.

« Ce n’est pas grave. »

Son ton épineux indiquait clairement qu’elle avait renoncé à le lui demander.

« Y a-t-il quelqu’un ici qui puisse m’expliquer ce qui se passe ? »

Le regard aiguisé de Celia balaya toutes les personnes présentes, mais sa question ne fut suivie que d’un long silence. Tout le monde semblait s’arrêter de travailler et détournait le regard de façon inconfortable, essayant d’échapper à son regard. La plupart des personnes ne s’étaient précipitées ici que pour aider à éteindre le feu.

Finalement, la voix d’un homme avait perturbé ce silence pesant.

« Vous avez tout à fait raison. Le soldat que vous cherchez était bien là. »

C’était un homme vêtu de blanc, il était chauve au sommet de sa tête. Il avait des cheveux blancs qui entouraient sa calvitie. Sa barbe négligée et mal rasée donnait l’impression que c’était une personne négligée.

« Ronbert… Tu es là. »

Le vieil homme sortit des restes brûlés de l’infirmerie. Il avança vers le groupe de personnes pour atteindre Celia, celui-ci puait l’alcool. Dans des circonstances normales, elle l’aurait probablement déjà critiqué. Bien qu’il ait été qualifié comme médecin de la cour, il était absurde de se promener dans le château en sentant aussi fort l’alcool. Mais Celia avait avalé la colère dans sa gorge, car les flammes de colère dans ses yeux l’avaient fixé sur place.

« Je viens de vérifier à l’infirmerie, mais cet homme est parti depuis longtemps. Il a probablement réussi à s’échapper dans la panique de l’incendie. Si vous le poursuivez, dépêchez-vous. C’est un homme dangereux. », dit-il d’une voix grave et sombre.

Sa voix n’avait aucune trace de sa gaieté habituelle.

« Il y a trois cadavres à l’intérieur. Pour pouvoir les tuer comme ça… il doit avoir une force assez impressionnante. On dirait également qu’il n’a pas hésité un seul instant. »

« Alors, Alan… »

Celia devina la raison de la colère de Ronbert.

« Oui… Sa clavicule a été fracturée. »

Ces paroles avaient laissé tout le monde sans voix. Alan était le fils bien-aimé de Ronbert, qui allait bientôt avoir un enfant. Tous ceux qui savaient à quel point Ronbert attendait avec impatience son premier petit-fils avaient encore plus de mal à trouver des mots de consolation. De tous, Orlando était le seul qui semblait incapable de comprendre la situation.

« Celia, qu’est-ce qui se passe ici !? De quoi parle Seigneur Ronbert ? Qui a tué Alan !? »

Orlando pensait que tout s’était calmé maintenant que l’incendie était éteint, alors les paroles de Celia et Ronbert étaient trop inattendues pour lui.

« Orlando, va tout de suite chercher l’unité de magiciens. »

Ignorant son enquête, Celia avait commencé à donner des ordres.

« Seigneur Rolfe, veuillez organiser la garde impériale. J’irai voir Sa Grâce et lui demanderai la permission de déployer les troupes ! Nous nous regrouperons dans la cour. »

« Compris ! »

« Attends, Celia, je n’ai aucune idée de ce que… »

Contrairement à Rolfe, qui connaissait bien la situation, Orlando demanda timidement une explication, par peur de la colère de Celia.

« Peu importe, Seigneur Orlando ! Pour l’instant, obéissez aux ordres de Lady Celia ! »

« S’il te plaît, Orlando, on n’a pas le temps pour ça ! Il pourrait s’échapper ! »

L’expression d’Orlando changea en entendant Rolfe et Celia. Orlando Armstrum était un magicien du palais de troisième rang et un guerrier qui avait survécu à plusieurs champs de bataille. Bien qu’il ait pu sembler peu fiable à première vue, il avait ce qu’il fallait pour faire face à ce genre de situation. La voix de Celia fit passer son esprit du mode paisible au mode champ de bataille.

« Combien de soldats ? », demanda-t-il d’une voix profonde et glacée qui ne semblait pas appartenir à l’homme secoué de tout à l’heure.

« Autant que possible ! L’ennemi est un homme dangereux. Nous sommes en état d’urgence, donc j’approuve l’utilisation de la téléportation ! »

Celia avait donné aux magiciens la permission d’utiliser la magie, ce qui était interdit dans le château. C’était un bon indicateur de l’urgence de la situation.

« Bien reçu. »

Hochant la tête aux paroles de Celia, Orlando se mit rapidement à lancer une incantation.

« Dieu de lumière, Meneos. J’invoque mon contrat avec vous, accordez-moi la vitesse pour rivaliser avec la lumière elle-même. »

L’instant d’après, il était transporté à l’avant de la caserne des magiciens. Ce spectacle laissa Rolfe stupéfait.

« Je n’en attendrais pas moins d’un magicien de troisième rang. Pouvoir se téléporter avec une incantation aussi courte est très impressionnant. »

Plus la compétence du lanceur était grande, plus son incantation pouvait être courte. Le fait qu’Orlando était capable d’abréger verbalement un sort aussi avancé que la téléportation était une preuve de son talent.

« Bien sûr que oui. C’est après tout l’élève de grand-père. Ne pas avoir ce genre de talent serait inexcusable. »

Les mots de Rolfe adoucirent un peu l’expression durcie de Celia. Elle était heureuse d’entendre ses camarades de classe recevoir des éloges. Mais l’instant d’après, cette émotion disparut de l’esprit de Celia.

« Seigneur Rolfe, nous devons y aller. Il n’y a pas de temps à perdre. »

Elle leva la main vers Rolfe.

« J’utiliserai un sort pour vous envoyer à la caserne de la Garde impériale. Rassemble les troupes, s’il vous plaît. »

« Compris. Allez chercher l’approbation de Sa Grâce. »

Il était peut-être le capitaine de la garde royale, mais il ne pouvait toujours pas déployer ces forces sans l’accord explicite de l’Empereur.

***

Partie 13

« Je le ferai ! Dieu de lumière, Meneos. J’invoque mon contrat avec toi, accorde à cet homme la vitesse pour rivaliser avec la lumière elle-même. »

Après avoir confirmé la disparition de Rolfe, Celia récita une autre incantation, tout cela pour coincer l’ombre de ce tueur évadé.

Lorsque Celia s’était téléportée aux portes de la salle d’audience, les gardes tournèrent leurs hallebardes de façon menaçante dans sa direction.

« Comment osez-vous utiliser la téléportation dans l’enceinte du château ? »

« Avez-vous l’intention de fouler aux pieds la loi nationale !? »

Leurs cris de colère s’élevèrent contre Celia.

« C’est une urgence ! Je dois transmettre mon rapport à Sa Majesté ! »

Celia ignora l’interrogatoire des gardes.

Réalisant que la magicienne assistante de la cour s’était téléportée, les gardes qui se tenaient des deux côtés des portes menant à la salle d’audience abaissèrent leurs hallebardes avec respect. Mais en plus de leur embarras d’avoir crié sur une telle personne, leurs expressions étaient pleines de confusion.

« C’est vous, Dame Celia. Toutes mes excuses ! Mais pourquoi vous êtes-vous téléportée… ? », demanda un des gardes.

« Vous connaissez la loi, n’est-ce pas ? L’avez-vous fait avec l’accord de Sire Gaius ? »

Leur confusion était évidente. Habituellement, l’utilisation de la magie dans le château était interdite, et son utilisation était entravée par une barrière placée autour du bâtiment. Cette barrière spéciale empêchait la téléportation de l’extérieur vers le château et affaiblissait l’utilisation de la magie à l’intérieur des lieux. Ainsi, son utilisation à l’intérieur du palais nécessitait un rituel spécial, réservé au magicien de la cour et à une poignée de chevaliers de haut rang, et qui devait être exécutée à l’avance. C’était une mesure évidente qu’ils devaient prendre au nom de la sécurité.

De plus, seul le magicien de la cour était autorisé à utiliser la magie à l’intérieur même du palais, et même alors, il n’était pas autorisé à l’utiliser librement. Au contraire, la loi stipulait explicitement qu’elle ne pouvait être utilisée que dans des situations d’extrême urgence, des situations rares où des vies étaient en danger.

Ce n’était pas non plus une loi qui pouvait être facilement enfreinte. Tous ceux qui l’avaient violée avaient été condamnés à mort, à quelques exceptions près. Les doutes des gardes étaient fondés, mais Celia n’avait pas eu le temps d’y répondre.

« Silence ! Je vous l’ai dit, c’est urgent ! Nous perdons de précieuses secondes ici ! Si vous n’ouvrez pas la porte, je la forcerai avec mes sorts ! »

Les yeux de Celia scintillaient, son comportement frisait la folie. La mort de son grand-père bien-aimé et sa haine envers son assassin avaient fait disparaître toute trace de calme dans son cœur. L’étiquette de la cour qui lui avait été inculquée dès son plus jeune âge était déjà en train de s’estomper dans ses pensées. Tout ce qui lui restait en tête, c’était l’envie de coincer et de tuer le meurtrier.

« Attendez un instant, Dame Celia. Nous allons vous faire entrer tout de suite ! »

Submergé par la colère de Celia, le garde trembla lorsqu’il hocha la tête à son camarade, qui retourna devant les portes. Ils avaient probablement instinctivement réalisé que sa détermination était réelle d’après ses paroles et son comportement. Il n’avait pas fallu dix secondes à partir du moment où le garde avait franchi les portes pour que celles-ci s’ouvrent en silence, cette fois pour l’accueillir.

« Qu’est-ce que ça veut dire, Celia Valkland ? Comment oses-tu manquer de respect devant Sa Majesté ? »

Alors que Celia entrait dans la salle d’audience, elle avait été accueillie par les cris du Premier ministre au sang de fer, Durnest.

Tch, le ministre est là aussi… Je manque déjà de temps pour expliquer les choses telles qu’elles sont… Celia claqua la langue en pensant à elle-même.

Ce n’était pas quelque chose dont elle pouvait se réjouir, étant donné que chaque seconde comptait. Le Premier ministre Durnest était un fidèle assistant de l’empereur et un vassal influent pour le destin d’O’ltormea, mais il était aussi un homme extrêmement déraisonnable. Son visage, surtout en matière de respect de la loi, lui avait valu sa réputation d’homme d’acier.

« Ton silence ne nous dit rien. Qu’est-ce qui t’a amenée ici ? Et Seigneur Gaius ? Il est du devoir du magicien de la cour de venir en cas de problème. Magicienne adjointe de la cour, Celia Valkland ! Je te l’ordonne par mon autorité en tant que Premier ministre de cet Empire, réponds ! »

Ses questions s’étaient succédé rapidement. Toutes étaient évidentes. Mais dans une situation où chaque seconde comptait, les questions justifiées de Durnest n’étaient qu’une nuisance. Cependant, il y avait une personne dans cette pièce à qui Celia ne pouvait se permettre de manquer de respect, c’était l’Empereur, assis sur le trône.

« Assez, Durnest. Celia a demandé une audience avec nous en extrême urgence. Il s’est sûrement passé quelque chose d’inhabituel. »

« Mais, Votre Grâce… »

Durnest avait insisté sur le fait que l’excuser ne servirait pas de bon exemple.

Durnest lui-même réalisa que Celia devait avoir de bonnes raisons pour agir de la sorte, mais c’était une autre histoire. C’était le protecteur de la loi, pour le meilleur et pour le pire.

« Cessez votre obstination. »

La voix de l’Empereur était tranquille et recueillie.

Même Durnest était incapable de protester contre cette voix. Les yeux de l’Empereur se rétrécirent, son regard se jetant sur lui.

« Comme vous le désirez, Votre Grâce. Pardonnez mon manque de respect. »

Même le Premier ministre était incapable d’aller à l’encontre de la parole directe de l’Empereur. L’Empereur actuel n’était pas une simple marionnette. Après tout, cet homme était le souverain suprême qui avait mis le centre du continent occidental à genoux par sa seule force. Durnest baissa la tête et fit un pas en arrière, debout derrière le trône. La volonté de l’Empereur était au-dessus de toutes les lois. C’était à la fois la force et la faiblesse d’une dictature despotique.

« Bien. Maintenant, Celia Valkland. Qu’est-ce qui vous amène devant moi ? »

Tandis qu’il prononçait ces mots, une vague de pression émanait de son corps vers Celia. La pression l’avait forcée à s’agenouiller.

Vraiment, on n’en attendrait pas moins de Sa Grâce…

Le Premier Empereur de l’Empire d’O’ltormea et l’homme connu par les pays environnants comme l’Empereur Lion — Lionel Eisenheit.

C’était le troisième prince de l’ancien royaume d’O’ltormea, situé dans la chaîne de montagnes au centre du continent occidental. L’ancien royaume d’O’ltormea avait peu de territoire et une économie en difficulté. En outre, de nombreux troubles agitaient le royaume de l’intérieur, et les luttes de pouvoir entre les nobles et la maison royale avaient amené le pays au bord du déclin. Il semblerait que le destin du royaume était d’être absorbé par les pays environnants.

Mais, déplorant l’état de son pays, le jeune Lionel aspirait à lui redonner des forces. Il gagna la guerre de succession, et en purgeant la noblesse adverse, il restaura le pouvoir de la maison royale. Au cours de ce processus, Lionel lui-même s’était battu dans de nombreuses batailles.

Et il y a quarante ans, avec l’invasion et la prise de pouvoir du royaume voisin de Thene, il changea le nom du pays en Empire d’O’ltormea. Depuis lors, il s’était engagé à lutter pour la souveraineté sur le centre du continent.

Et même à l’âge de 68 ans, cet empereur, qui avait connu les champs de bataille sanglants, était couvert de muscles virils et avait assez de force pour submerger la plupart des commandants au combat. Après avoir tué de nombreux guerriers et absorbé leur prana pendant de nombreuses années, il possédait encore le corps le plus solide de l’Empire en termes de force brute.

« Hmm. Qu’y a-t-il, Celia ? »

Lionel demanda lentement à Celia, qui pendit la tête.

« Je ne comprendrai pas si vous ne parlez pas. Vous avez souhaité une audience urgente avec moi. Vous pouvez me répondre rapidement. »

Sa voix sereine soulageait la pression dans son cœur.

« Oui, Votre Grâce ! Je vous demande humblement de m’accorder le commandement de la Garde impériale ! »

Celia, résolue à prendre sa résolution, fit sa demande, mais ses paroles étaient beaucoup trop soudaines et inattendues. Le silence régna sur le trône, le regard de Lionel demeurant fixé sur le visage de Celia.

« Qu’est-ce que tu racontes, Lady Celia !? Un aide-magicien de la cour demandant à commander des soldats, en plus la garde impériale, dont le but est de protéger l’empereur lui-même ? Le Seigneur Gaius est-il au courant !? », cria Durnest, se remettant du choc.

Le silence régna à nouveau. Durnest demanda des réponses à Celia en criant. Il avait le visage rouge. Sa colère était justifiée, Celia n’exerçait aucune autorité de ce type. Bien qu’elle ait été autorisée à donner son avis, les magiciens du palais faisant également office d’officiers civils et d’officiers militaires. Mais ce n’était que dans le cadre d’un avis verbal. Elle n’avait absolument aucun droit de commander des soldats, encore moins la Garde impériale d’élite chargée de défendre la personne de l’empereur.

« Commander la garde impériale, dites-vous… très bien. »

Cependant, la voix de Lionel était calme contrairement à celle de Durnest.

« Selon la raison, je peux vous le permettre. Utilise-les comme vous le voulez. »

« Quoi... Votre Grâce ! Qu’est-ce que vous dites !? »

« J’ai dit que je ne vois aucune raison de refuser, Durnest. Celia a sûrement une raison pour être venue ici avec une telle demande. »

Tandis que Durnest argumentait avec véhémence, Lionel parlait sur un ton remarquablement calme.

« Cependant, Celia, vous devez d’abord présenter ta raison. Pourquoi un magicien du palais a-t-il besoin des soldats ? Comme Durnest l’a demandé, Gaius est-il au courant de vos actions ? »

C’était une question que quiconque aurait raison de se poser s’il ne connaissait pas la situation. Célia avait retenu la douleur qui bouillonnait dans son cœur pour répondre à la question de l’Empereur.

« Mes excuses, Votre Grâce. La vérité, est que grand-père… excusez-moi, Gaius Valkland a été assassiné par quelqu’un. »

Ses paroles résonnaient haut et fort dans la salle d’audience. Un long silence s’ensuivit, tout le monde oubliant apparemment de respirer pendant un moment. Sa déclaration laissa Lionel et Durnest sans mot. Après tout, Gaius était le plus grand magicien de l’empire. Un homme qui se tenait aux côtés de Durnest pour diriger les affaires internes, diplomatiques et militaires d’O’ltormea.

« C’est impossible. Seigneur Gaius est… mort ? »

« C’est impossible. C’est impossible ! Celia ! »

Des mots de déni étaient venus des deux à l’unisson. Ils ne pouvaient pas y croire, car ils connaissaient la force de Gaius. Ou peut-être que leur volonté commune était de refuser d’accepter que leur camarade, avec qui ils avaient partagé leurs joies et leurs peines depuis leur jeunesse, et qui avait soutenu leur empire, soit mort.

« Je suis dans le regret de vous dire que c’est la réalité, Votre Grâce… Gaius Valkland a été assassiné. »

Le silence retomba une fois de plus sur la pièce, et Lionel fut le premier à le briser.

« Pourquoi ? Pourquoi Gaius a-t-il été tué ? Qui aurait pu… Que s’est-il passé ? »

Celia pouvait entendre un son grave et lourd. Lionel retenait sa colère, serrant fermement l’accoudoir de son trône.

« Il y a beaucoup de choses que nous ne savons pas encore avec certitude. Nous n’avons pas de preuves ni de témoins. Mais nous savons qu’il y a quelqu’un qui pourrait très bien être le coupable, compte tenu des circonstances. »

« Qui est-ce ? Qui est-ce ? »

L’accoudoir crissa.

« Sire Gaius devait faire une convocation aujourd’hui. Comme tous les soldats amenés pour garder le rituel ont également été tués, on peut supposer que le tueur était l’homme de l’autre monde qu’il avait convoqué. »

« I, impossible. Je n’arrive pas à y croire… »

Durnest, qui était resté silencieux pendant un long moment, parvint finalement à parler.

Ils avaient déjà convoqué d’innombrables étrangers, et il n’y avait jamais eu de problèmes jusqu’à présent.

« Nous avons également décelé une forte probabilité qu’il se fasse passer pour l’un des soldats du château. Je sais à quel point c’est avancé, mais pour l’instant, j’ai demandé au capitaine de la Garde impériale, Seigneur Rolfe, et au magicien du palais de troisième classe Orlando de préparer leurs unités afin de le poursuivre. Nous sommes prêts à commencer la poursuite dès que vous nous en aurez donné la permission, Votre Grâce. »

Après avoir entendu cela, Lionel s’était empressé de donner sa décision.

« Vous avez ma permission ! La rédaction d’un décret prendra du temps, alors prend cette épée comme preuve de ma vie et de mon ordre ! »

Ceci dit, l’Empereur dégaina l’épée à sa taille et la jeta à Celia. C’était à ce moment que l’Empereur lui-même avait reconnu cette situation comme un état d’urgence du plus haut calibre.

« Celia. Gaius était mon confident de confiance, un ami depuis des décennies, un professeur pour moi… Et un pilier qui soutenait mon pays. »

La voix de Lionel résonnait dans son dos alors qu’elle sortait de la salle d’audience.

« Oui, mon Seigneur. »

Elle ne pouvait que hocher la tête à ses mots.

***

Partie 14

Bien sûr, contrairement à Celia, il n’y avait pas de lien de sang entre Gaius et l’Empereur, mais ses paroles indiquaient clairement qu’il y avait un lien qui transcendait la proximité familiale entre eux.

Même l’Empereur, qui se tient au sommet de ce pays, déplore son décès…

Ces mots honnêtes et sans ruse avaient fait comprendre à Celia à quel point son grand-père était vraiment important.

« Dire que Gaius a été assassiné… C’est une déclaration de guerre contre l’empire d’O’ltormea lui-même. Trouvez le coupable et arrêtez-le, et s’il ne peut être maîtrisé, vous pouvez mettre fin à ses jours ! »

Celia baissa la tête profondément devant l’Empereur dans le respect et la gratitude, puis quitta la pièce. Lionel poussa un grand soupir et parla au rideau derrière le trône.

« Shardina. Avez-vous tout entendu ? »

« Oui, mon Père. »

La voix qui avait répondu à l’appel de Lionel était celle d’une femme d’une vingtaine d’années. Elle avait des cheveux dorés et ondulés qui étaient attachés ensemble à leur sommet et descendaient jusqu’à sa taille. Elle était grande, mais avait une silhouette bien proportionnée. Mais surtout, c’était une beauté frappante ayant les mêmes yeux bleus que l’Empereur.

« Je viens juste de recevoir un rapport de mes subordonnés. Il n’y a aucun doute que Sire Gaius est mort. Un incendie a éclaté dans l’infirmerie au même moment, et un seul soldat a disparu au même moment. Lady Celia semble avoir l’impression que le soldat disparu en question est l’homme venant d’un autre monde. »

« Je vois… Qu’en pensez-vous, Shardina ? »

 

 

« Je crois que son affirmation sur l’identité du coupable est correcte. Je ne crois pas qu’il s’agisse d’un assassinat commis par l’un des pays voisins. Cependant… »

« Cependant, quoi ? »

Le regard de Lionel s’enfonçait dans Shardina alors qu’elle parlait d’une manière insaisissable.

« Je pense que ses chances d’appréhender le coupable sont vraiment faibles. »

Shardina répondit timidement à la question.

« Quoi !? Lady Shardina, prétendez-vous que cela est impossible pour Lady Celia ? », s’exclama Durnest avec surprise.

L’Empereur lui-même avait approuvé cet ordre, mais Shardina prétendait qu’il serait presque impossible d’appréhender le coupable.

« Seigneur Durnest, mon affirmation ne vient pas d’un manque de confiance dans les capacités de Lady Celia. Même si je prenais moi-même le commandement, je crois que mes chances seraient minces. En fait, je doute que quelqu’un y parvienne. »

Shardina secoua la tête sans broncher devant le visage rouge de Durnest.

« Pourquoi !? », cria Durnest, tout en sachant à quel point cela pouvait paraître irrespectueux.

« Nous ne connaissons pas le visage ou l’âge de cet homme, alors comment allons-nous le capturer ? »

« Quoi ? Qu’est-ce que vous voulez dire ? »

Lionel éleva la voix avec surprise.

Celia n’avait pas tenu compte du fait qu’ils ne connaissaient pas le visage du tueur. Sans montrer un soupçon de découragement devant le regard de son père en retrait, Shardina poursuivit son explication de façon claire.

« Tous les soldats présents dans la chambre de convocation sous le commandement de Sire Gaius ont été tués. Lorsqu’on l’a emmené à l’infirmerie, il était sous l’apparence d’un soldat et n’avait pas enlevé son casque, alors personne n’a confirmé son visage. Les soldats qui l’ont emmené à l’infirmerie et le médecin présent ont également été tués. Par conséquent, personne ne sait à quoi ressemble cet homme. Tout ce que nous savons, c’est que c’est un jeune homme bien bâti. »

La capitale d’O’ltormea était une grande ville d’une taille inégalée sur le continent occidental, comme on pourrait s’y attendre d’un empire puissant. Si la seule description qu’ils avaient à faire était « un jeune homme bien bâti », il serait difficile de trouver cet homme dans cette ville tentaculaire.

De plus, imposer un blocus à une si grande ville était très difficile. Si les pays voisins apprenaient qu’un seul homme avait tué un magicien de haut rang, cela laisserait une cicatrice durable sur la dignité de la nation.

« Comme c’est affreux… Alors, comment Celia va-t-elle traquer le coupable ? »

Lionel gémit devant la réalité que sa fille bien-aimée lui avait signalée.

« C’est un pari, Votre Majesté. Le fait que l’homme d’un autre monde soit déguisé en soldat est une bonne chose pour nous. Nous devons interroger tous les soldats qui tentent d’enlever leur uniforme près du château, ou qui tentent de partir en toute hâte. Même si c’est impossible, il se peut que nous obtenions encore quelques informations. C’est parce que Lady Celia l’a compris qu’elle était si pressée. »

Les paroles de Shardina firent que Lionel s’enfonça dans ses pensées. Puis, il reparla à voix basse.

« Je vois. Donc il y a une chance ? »

« Oui. Cependant… »

« Bien ! Tant qu’on a encore une chance. Shardina ! Vous aussi, prenez le commandement des chevaliers et participe aux recherches. »

Shardina n’avait pas pu cacher sa gêne face aux paroles de Lionel. Pour lui, tant que la probabilité n’était pas nulle, c’était suffisant.

« Votre Majesté ? Est-ce que retirer la princesse Shardina de votre présence est sage ? »

Le visage de Durnest montrait qu’il était confus.

Shardina était responsable de la dernière ligne défensive de protection de l’Empereur. Elle n’avait jamais, pas une seule fois, été déchargée de ce devoir. Les préoccupations de Durnest étaient donc justifiées. L’Empire d’O’ltormea devint aussi grand qu’il l’était parce qu’il avait soumis ses voisins à une pression constante et les avait absorbés comme vassaux. Ainsi, il y avait encore des étincelles de rébellion qui couvaient, tant au pays qu’à l’étranger. Un assassin pouvait à tout moment s’en prendre à la vie de l’Empereur.

« J’ai dit de cesser ton obstination, Durnest ! »

Lionel, cependant, avait réduit ses inquiétudes sans pitié.

Il tourna ensuite le regard vers Shardina et s’exclama haut et fort :

« Shardina Eisenheit, première princesse de l’Empire d’O’ltormea et capitaine des chevaliers Succube ! Regroupez-vous avec Celia et mettez-vous la recherche du coupable ! »

Son regard aiguisé l’avait poignardée. Les yeux de Lionel montrèrent une détermination inébranlable, ce que l’on pouvait aussi comprendre par le fait qu’il appela sa fille par son nom complet.

« Comme vous voudrez, mon père. Je le ferai au mieux de mes capacités, aussi pauvre soit-elle. »

Sentant la volonté de son père l’Empereur, Shardina baissa la tête et quitta la salle en silence.

C’était à ce moment que l’Empire d’O’ltormea avait reconnu Ryoma Mikoshiba comme son ennemi.

Finalement, ils ne restaient plus qu’eux deux dans la salle d’audience. Après un long silence, Lionel parla à Durnest, qui se tenait à ses côtés, avec une voix lascive.

« Les choses sont devenues terribles, Durnest. »

« Oui, votre Majesté. Nous devons résoudre cette situation avant que les pays environnants ne l’apprennent. »

« Hm. Et cela se produit au moment même où nous avons pris le contrôle du centre du continent et que nous sommes sur le point de conquérir l’est. »

« Oui… C’est regrettable. Penser que quelque chose comme cela arriverait au Seigneur Gaius… »

Lionel secoua lentement la tête. Bien plus qu’une défaite sur son chemin de conquête, la perte de son vassal, qui avait été à ses côtés durant des années, pesait lourdement sur son cœur.

« Nous n’avons pas le choix. Durnest, nous devons élire rapidement un nouveau magicien de la cour. Invoquez les ministres. »

« Comme vous le souhaitez. Est-ce que ce sera Lady Celia ? »

La voix de Durnest était lourde d’anxiété.

Elle avait plus qu’assez de talent, et sa loyauté et son pedigree étaient sans faille, mais son manque d’expérience était accablant.

« On ne peut pas faire grand-chose contre sa jeunesse… Sauf l’espoir que ce qui est à venir l’aidera à mûrir. »

« Compris. Je vais dans ce cas m’occuper tout de suite des préparatifs. »

Durnest se retira, laissant Lionel seul sur son trône.

« Gaius, espèce d’imbécile… Juste au moment où ma domination est à portée de main… »

Une seule larme était tombée sur le tapis rouge. Il contenait toutes les émotions que l’homme connu sous le nom de Lionel tenait pour celui qui avait combattu longtemps dans des combats impitoyables à ses côtés.

Revenons un peu en arrière. Le soldat blessé enlevé de la chambre de convocation était, bien sûr, Ryoma Mikoshiba. Son pari avait porté ses fruits.

Bien sûr, il était assez confiant dans ses chances. Ryoma avait supposé que lorsque les personnes qui avaient défoncé la porte seraient confrontées au sol trempé de sang et aux quatre cadavres qui s’y trouvaient, elles ne seraient pas en mesure de faire preuve de jugement. Et il avait raison. En effet, les soldats qui étaient entrés par effraction dans la pièce avaient été ébranlés par ce spectacle terrible.

La plus grande préoccupation de Ryoma était la possibilité qu’ils enlèvent son casque et voient son visage, car s’ils le faisaient, les soldats deviendraient sûrement méfiants. Après tout, aucun d’entre eux ne le reconnaîtrait. Et même s’il avait la chance de s’échapper de cet endroit, se faire connaître rendrait sa fuite encore plus difficile.

En conséquence, l’homme et la femme qui étaient entrés par effraction dans la pièce en s’appelant par leur nom étaient une aubaine. Le fait que Ryoma appelait cet homme par son nom, Rolfe, atténua ses soupçons et l’amena à ordonner que Ryoma soit envoyé à l’infirmerie. Ce simple fait d’être appelé par son nom fit croire à Rolfe que le soldat qui l’avait nommé était un allié, et il n’avait jamais osé penser que tout cela faisait partie du stratagème de Ryoma.

« Guh… Gaah… Guah... »

Ryoma, allongé sur la civière, faisait semblant de tousser.

« Hé ! Restes avec nous ! Nous t’emmènerons bientôt à l’infirmerie ! »

« Oui, reste avec nous un peu plus longtemps ! Tu m’entends !? Reste conscient et n’ose même pas t’évanouir ! Tu pourrais en mourir ! »

Les soldats qui portaient la civière parlaient encore et encore, essayant de redonner du moral à Ryoma. Ils croyaient honnêtement et sincèrement que l’homme sur la civière était un camarade blessé sur le point de mourir.

Ryoma continua à feindre son agonie. Il n’avait jamais vraiment pensé à devenir acteur, mais les hommes désespérés, dos au mur, étaient capables de faire des choses qu’ils sont habituellement incapables de faire. Et en ce moment, sa performance d’homme mourant était digne de l’oscar.

« C’est vrai, on a réussi ! Docteur ! C’est urgent, ouvrez la porte ! », cria un soldat tout en frappant à la porte en bois.

Après quelques instants, la porte s’ouvrit de l’intérieur avec vigueur.

« Alan, ils ont dit que c’était urgent ! »

Un vieil homme cria dans la pièce tout en serrant la poignée.

La puanteur de l’alcool atteignit le nez de Ryoma.

« Je les entends très bien, tu n’es pas obligé de crier, Père ! Vous deux, placez-le sur le lit, vite. »

Un jeune homme d’une vingtaine d’années leur donna aussitôt des instructions, alors que le vieil homme quittait l’infirmerie, pour le regarder d’un regard en arrière.

« Toi aussi, Père — hein, Père ? Où est-il allé ? »

« Le médecin-chef était parti. Probablement pour aller boire à nouveau. » Dis l’un des soldats d’une voix exaspérée, regardant le jeune homme regarder autour de lui dans la confusion.

« Encore ? Que vais-je faire de lui... »

C’était probablement un événement ordinaire. Le jeune homme avait un sourire amer.

« Allons, il n’y a pas de quoi s’inquiéter. »

Les soldats échangèrent des regards en voyant son expression.

« Le médecin-chef adjoint est aussi doué que son professeur, n’est-ce pas ? »

« Il n’y a aucun doute là-dessus. Au contraire, ses mains ne se mettent pas à trembler quand il dessoûle, alors il pourrait même être meilleur. »

En disant cela, l’un des soldats tapa sur le casque de Ryoma.

« Quoi qu’il en soit, vérifions le patient… Hmm ? Il a l’air en mauvais point. »

En regardant Ryoma, le jeune homme avait froncé ses sourcils.

Tout son corps était trempé de rouge, il sentait l’odeur rouillée et métallique du sang et haletait fortement. Du point de vue du jeune médecin, il avait l’air gravement blessé.

« Pour l’instant, examinons ses blessures. Si ça ne vous dérange pas, pourriez-vous enlever l’armure et le casque du patient ? »

À la demande du jeune homme, les soldats s’étaient rapprochés du lit.

Cet endroit allait bientôt devenir leur tombe.

L’un des soldats s’était soudainement effondré sur place, et du liquide rouge avait jailli de son cou avec vigueur. Tandis qu’il s’asseyait, Ryoma enfonça son épée vers l’avant, tranchant le soldat au niveau du cou. Alors qu’il sautait du lit, il s’était jeté sur l’autre soldat qui se tenait là en état de choc. Il n’avait aucun moyen d’éviter une attaque du soldat qu’il pensait se tordre de douleur il y a un instant. Le soldat ne comprenait pas ce qui se passait, et l’épée de Ryoma lui trancha la gorge sans pitié.

***

Partie 15

« Quoi… ! Qu’est-ce que tu… !? »

Le jeune médecin cria de surprise, et se retourna vers la porte, s’enfuyant désespérément.

Il savait très bien qu’il n’était pas fait pour le combat, alors sa ligne de conduite immédiate avait été de se retourner et de courir. Mais c’était la pire conclusion possible pour Ryoma.

Bon sang, si je le laisse s’enfuir, il va appeler des renforts !

Ryoma enleva rapidement le fourreau de sa taille et le lança vers les pieds du jeune homme. Cela n’avait pas été fait pour l’attaquer. Cela avait pour but de le faire trébucher et de bloquer son chemin d’évasion. Sa tentative avait été couronnée de succès. Heureusement pour Ryoma, le fourreau frappa le jeune homme contre la hanche, lui faisant perdre l’équilibre juste avant qu’il ne s’en sorte.

Ne laissant pas passer l’occasion, Ryoma s’était précipité sur le médecin effondré, et alors qu’il mettait son poids contre son dos, il avait enroulé ses mains épaisses autour du cou du jeune homme. Le jeune homme était mince et son corps pesait plusieurs kilos de moins que celui de Ryoma. Malgré cela, il avait lutté avec acharnement, sentant que sa vie était en danger, mais sa vaine lutte n’avait fait que renforcer l’étreinte de Ryoma.

« Laissez-moi… Qui êtes-vous… ? »

Le jeune homme exprima douloureusement ses mots pendant qu’on lui serrait le cou.

« Désolé, mon pote. Il y a des choses que j’ai besoin que tu me dises. »

Ryoma parlait fort, mais son étau sur le cou du jeune médecin ne s’était jamais relâché. Il pouvait l’étrangler ou lui briser le cou sans effort. Ryoma tenant littéralement sa vie entre ses mains, le jeune homme n’avait pas eu le choix.

« Qu’est-ce que vous voulez entendre ? »

La voix du jeune homme était rauque, à cause de la prise autour de sa gorge.

Pourtant, son intention était assez claire. Ryoma parlait avec la voix la plus douce possible. Il savait assez bien que, selon la situation, parler doucement pouvait être beaucoup plus intimidant que crier.

« Pas grand-chose, je cherche juste à sortir de ce château. Pourrais-tu m’indiquer la bonne direction ? »

La voix de Ryoma était parfaitement désinvolte, comme s’il demandait son chemin dans la rue. Mais cela rendait le jeune homme encore plus effrayé.

« Qui êtes-vous ? Pourquoi les avez-vous tués ? N’étaient-ce pas vos amis ? »

Du point de vue du jeune médecin, ce serait la conclusion naturelle. Il y a quelques dizaines de secondes, l’homme devant lui était un patient gravement blessé. Ryoma, cependant, n’avait pas eu le temps de répondre à ses questions.

« Ouais, désolé. Je n’aime pas ça plus que toi, mais tu vas devoir répondre à mes questions, et vite. »

Ryoma chuchota dans ses oreilles et resserra sa prise.

« Gauh… Gugah... »

Le visage du jeune homme devint progressivement rouge.

« As-tu envie de parler ? »

Le jeune homme hocha la tête désespérément. Si Ryoma continuait à l’étrangler comme ça, l’homme mourrait sans aucun doute. La peur de la mort avait fait craquer sa détermination.

« Des… cendez le cou… loir, et tra… versez la… cour… »

« Descendre le couloir et traverser la cour ? »

Le voyant hocher la tête désespérément, Ryoma serra de plus en plus fort sa prise sur le cou du jeune homme, suffisamment fort pour lui briser le cou…

Ryoma ne pouvait pas le laisser en vie. Peu importait à quel point il était bon ou inoffensif. Il ne pouvait laisser aucun témoin s’il voulait s’échapper de ce château vivant. Le seul avantage que Ryoma avait dans cette situation totalement défavorable était que l’ennemi avait peu ou pas d’informations sur lui.

« Guah... Gaaaugh… »

Des gargouillements et des gémissements s’échappèrent de la bouche du jeune homme, et le son émoussé de son cou qui craqua résonna entre les mains de Ryoma.

En tentant de pousser le corps de Ryoma du mieux qu’il le pouvait, le corps du jeune homme était alors devenu complètement mou. Ses muscles s’étaient complètement détendus, et une odeur putride s’était échappée de son entrejambe.

« Désolé », chuchota Ryoma au cadavre à ses pieds, après avoir enlevé ses mains de la gorge du jeune homme.

Ce mot était la seule chose que Ryoma pouvait offrir au médecin qui avait cru que c’était un allié et qui s’inquiétait sincèrement pour son bien-être. Réunissant ses mains devant le cadavre, Ryoma s’était de nouveau préparé à courir. Tout d’abord, il avait fouillé les poches des trois cadavres, sortant leurs sacs de pièces. Les versant tous dans un seul sac, il l’attacha autour de sa taille.

Il avait ensuite plongé un pansement dans l’eau chaude de la pièce et l’avait utilisé pour essuyer le sang de son armure. Se promener en armure ensanglantée attirerait l’attention.

C’est vrai, j’ai maintenant obtenu l’argent de huit personnes. Je suppose que je pourrais utiliser ces fonds pour mes besoins quotidiens.

Avoir de l’argent sous la main était important. Sans cela, il ne pourrait pas aller trop loin dans sa fuite. Après avoir reconfirmé le poids du sac à sa taille, Ryoma arracha les rideaux et les draps, ainsi que les linges de l’armoire à pharmacie, et mit le feu à toute l’infirmerie. Comme il avait ramassé toutes les choses inflammables qu’il avait pu trouver, le feu s’était propagé rapidement dans la pièce.

Bon C’est le moment décisif.

Ryoma quitta l’infirmerie alors qu’une fumée noire commençait à apparaître et prit une grande respiration.

« Au feuuuuuuu ! Il y a un feuuuuuu ! »

La voix de Ryoma résonnait dans le château.

L’un des magiciens du palais, Orlando, traversait la cour en revenant de la caserne à son bureau quand il entendit les cris.

« Quoi !?? Un incendie !? »

Le sang s’écoula de son visage dès qu’il l’entendit.

Un incendie dans le château était un incident grave. Si le palais royal et le centre du gouvernement devaient prendre feu, cela laisserait une cicatrice sur l’empire d’O’ltormea lui-même. Et en plus, les dégâts matériels seraient inimaginables. La plupart des objets dans le château étaient de grande classe et coûteux. Et s’il y avait des dommages causés à la noblesse, cela pouvait causer au pire des conflits internes. Même Orlando, qui était considéré comme désinvolte et facile à vivre par ses pairs, s’était rendu compte de la gravité de la situation.

Les narines d’Orlando avaient alors senti l’odeur d’un parfum dans l’air. Le parterre de fleurs fleurissait fièrement et libérait un arôme parfumé dans l’air. Mais à l’intérieur de cela se mêlait une odeur nauséabonde et brûlante. Et alors qu’il écoutait attentivement, les cris atteignirent à nouveau ses oreilles.

« C’est un feu ! Un feu dans l’infirmerie ! »

« Un feu ? Où avez-vous dit que c’était !? »

« L’infirmerie est en feu ! Allez chercher de l’eau, vite ! »

« Non, appelez un magicien de palais ! Il peut l’éteindre plus vite ! »

« Ne soyez pas idiot ! Nous devons d’abord évacuer Sa Grâce et les nobles ! »

Beaucoup de soldats, de servantes et de majordomes travaillaient dur pour éteindre le feu. Ils criaient et se déplaçaient frénétiquement. Certains essayaient de déplacer des objets de valeur, quelques-uns cherchaient un supérieur pour qu’il leur donne des ordres, d’autres portaient des seaux pour éteindre l’incendie. C’était un véritable creuset de désordre et de chaos. Et à l’intérieur se trouvaient des nobles qui s’enfuyaient de l’infirmerie vers la cour avec leurs gardes personnels.

Réalisant qu’il y avait vraiment un feu, Orlando se précipita sur le parterre de fleurs. Il se sentait coupable d’avoir piétiné les fleurs tendrement entretenues, mais ce n’était pas le moment de s’y intéresser. Il coupa par le parterre de fleurs et se dirigea vers l’infirmerie. Il savait qu’une fois sur place, il pourrait éteindre rapidement le feu. Cette pensée domina le cœur d’Orlando.

Et c’était précisément pourquoi il n’avait pas remarqué la présence d’un soldat suspect, mêlé au reste des gardes de la noblesse, marchant vers la sortie et ignorant le feu et le chaos derrière lui…

Je devrais pouvoir sortir aussi longtemps que je me mêle à eux…

C’était une erreur de calcul de la part de Ryoma, et il ne pouvait pas retenir son sourire. Il avait allumé le feu dans l’espoir de se faufiler dans le chaos, il avait allumé le feu dans l’espoir de s’éclipser dans le chaos, mais il ne s’attendait pas à ce que les nobles se précipitent ainsi pour leur vie. La vue de ces nobles courant vers les portes se reflètait dans les yeux de Ryoma.

« Pfff. Eh bien, je suis arrivé jusqu’ici maintenant… »

Se mêlant aux nobles en fuite, Ryoma échappa à l’interrogatoire des gardes et réussit à s’échapper du château. Il regarda alors en arrière, jetant un regard vers le château blanc qu’il venait tout juste de quitter, les flammes froides et sombres de la haine brûlaient dans ses yeux.

***

Chapitre 2 : Évasion

Partie 1

En se mêlant aux nobles en fuite, Ryoma avait franchi avec succès les portes du château. Ce qui s’étendait devant lui, c’était un paysage urbain qui donnait l’impression d’être sorti de l’Europe médiévale. Le château avait été érigé au sommet d’une petite montagne. Par conséquent, les portes du château qui était actuellement à proximité de Ryoma se trouvaient au sommet d’une pente douce qui offrait une vue ininterrompue sur la ville ci-dessous.

« Ooh! C’est… impressionnant… »

Une voix étonnée s’échappa de ses lèvres.

Le paysage urbain devant lui était aussi ordonné et organisé. Tout d’abord, les zones situées à cinq cents mètres de part et d’autre des portes où se trouvait Ryoma étaient bordées de maisons impressionnantes, ayant leurs propres portes. Les nobles fuyant le château disparurent dans ces résidences. Ce quartier était probablement constitué d’hôtels particuliers de la noblesse.

Cinq cents mètres devant les portes, sur la route principale, se trouvait un autre ensemble de portes. C’était probablement le secteur où vivaient les roturiers. Les toits des maisons qu’il apercevait au loin au-delà des portes ouvertes étaient beaucoup plus petits que ceux qu’il avait vus avant.

Pour le moment, je vais avoir besoin de plus d’informations… ainsi que de vêtements de rechange.

Ryoma décida de commencer par essayer de s’intégrer au secteur des roturiers. Il pensait que trouver une foule dans laquelle disparaître serait la bonne solution pour le moment et qu’il serait probablement en mesure de rassembler les informations dont il avait besoin.

Peut-être parce qu’il était vêtu d’une tenue de soldat, chaque fois qu’il passait près de la garde d’un noble ou d’un soldat en armure, aucun d’eux ne semblait lui lancer un regard dans sa direction. Mais ça ne marchera pas longtemps. Ils allaient tôt ou tard remonter jusqu’au soldat qui avait été transporté, en raison du feu dans l’infirmerie, et l’armure serait la seule preuve avec laquelle ils pourraient rechercher Ryoma.

Je ne vais pas pouvoir porter cette armure éternellement.

Ryoma se dirigea dans le secteur des roturiers, dans l’espoir de trouver des vêtements qui lui permettraient de mieux se fondre dans la foule des gens. Abaissant la tête devant le portier, Ryoma traversa la porte d’une démarche rapide. Au moment où il franchit la deuxième porte, Ryoma fut frappé d’une sorte d’énergie et de vivacité qui manquait au secteur des nobles. D’innombrables personnes passaient dans toutes les directions, et il y avait de nombreux stands et vendeurs autour. Contrairement au secteur des nobles, il n’y avait pas de route goudronnée, mais simplement de la terre exposée, et les bâtiments avaient été construits de manière désordonnée.

C’était la vision même d’un marché en effervescence. Ryoma regarda les apparences des gens. Beaucoup étaient vêtus de robes et de manteaux. Mais en regardant de plus près, certains portaient une armure et d’autres un pantalon et une chemise. Une vieille dame avait un tablier. Il y avait aussi une grande variété de vêtements en fonction du sexe. Selon toute vraisemblance, les premières personnes que Ryoma avait vues étaient des voyageurs, tandis que les dernières étaient des citoyens de la capitale.

« Il y a plus de gens ici que je ne le pensais… Beaucoup d’entre eux sont armés, aussi… », marmonna Ryoma à lui-même.

Beaucoup de ceux qui portaient des armures étaient probablement des mercenaires engagés par le pays, parce que leur équipement était tout simplement trop différent de celui des soldats. Et pour couronner le tout, beaucoup d’entre eux avaient ce genre de visage dangereux, qui montrait de manière évidente que c’était des criminels, très probablement des bandits et des voleurs.

« Ouais, c’est définitivement un autre monde… Eh bien, merde. Je suis loin d’en être heureux. »

Ryoma était certain que la vue sous ses yeux n’aurait été possible dans aucun pays du monde. Les nuances blanches et jaunes des cheveux et la couleur de la peau ornaient les différentes personnes qui passaient. Cette ville était tout droit sortie d’un environnement médiéval européen. Ces gens étaient vêtus de tous ces styles de vêtements différents. Ryoma n’avait pas d’autre choix que de reconnaître qu’il était dans un autre monde.

Mais je suppose que me fondre dans cette foule ne sera pas un gros problème.

Rien que de penser que sa couleur de cheveux et de peau ne se démarquerait pas était apaisant. Avec un tel manque d’uniformité en ce qui concernait l’apparence des gens, ses cheveux et ses yeux noirs ne poseraient pas de problème.

« Bon, il est temps de trouver de nouveaux vêtements… », chuchota Ryoma à lui-même, quand soudain son estomac vide poussa un grognement méprisant.

Il avait été convoqué dans ce monde alors qu’il allait déjeuner, il n’avait donc pas encore mangé, et après cela, il avait tellement cherché à s’échapper qu’il avait oublié sa faim.

Il n’y a pas moyen d’y retourner, alors je vais me concentrer sur la recherche de vêtements pour l’instant.

Rien qu’en pensant au bento qu’il avait laissé dans la salle d’invocation, Ryoma saliva de façon incontrôlable. Il lui faudra cependant acheter de nouveaux vêtements tout en ayant son estomac vide. Plus il resterait longtemps dans cette armure, plus il risquerait de se faire prendre.

Se frottant le ventre alors qu’il grondait d’insatisfaction, Ryoma accéléra son pas. Alors qu’il marchait dans la rue principale, il regarda autour de lui et son regard fut attiré par un insigne avec le dessin d’une robe dessus.

Ce jour-là, un client étrange visita le magasin de Meg Resta. Il devait être environ deux heures de l’après-midi quand il entra.

« Bienvenue ! »

Meg salua le client avec sa voix habituelle très appréciée, mais avait ensuite vu que le client était un homme vêtu de l’armure de soldat. Bien sûr, les gens qui venaient faire leurs achats vêtus d’une armure n’étaient pas si inhabituels, mais un soldat qui entrait dans le magasin en armure était rare. Contrairement aux aventuriers et aux mercenaires, les soldats allaient souvent faire leurs courses en civil.

Peut-être est-il ici pour une autre raison ?

C’était ce que Meg pensait, naturellement, mais à en juger par la façon dont le soldat examinait les tenues exposées, il semblait certainement intéressé par le shopping.

« Cherchez-vous quelque chose ? Voulez-vous que je vous aide à trouver ce que vous désirez ? »

Meg avait réussi à trouver le courage pour le lui demander, malgré le regard méfiant du soldat.

Mais comme pour se moquer de sa détermination, l’homme répondit d’une voix trop ordinaire.

« Oui, s’il vous plaît pourriez-vous me trouver un ensemble de vêtements que je peux utiliser comme tenue de tous les jours, ainsi que des sous-vêtements, une robe avec une capuche et une ceinture en cuir ? »

Malgré le fait qu’il soit vêtu de l’armure du château impérial… Il est plutôt poli.

La voix de l’homme fit croire à Meg que quelque chose d’étrange se passait. La plupart des gens qui venaient à ce magasin étaient arrogants et pompeux, et cela était particulièrement vrai pour les soldats et les nobles. Ceux qui travaillaient dans le château impérial étaient particulièrement conscients de leur statut d’élite et ne faisaient rien pour le cacher, ce qui leur donnait une très mauvaise réputation parmi les employés du magasin.

Ce magasin était installé dans la rue principale, ses prix étaient donc naturellement plus élevés que leur valeur marchande. Bien sûr, ceux qui fréquentaient ce magasin avaient plus d’argent à dépenser que la plupart d’entre eux, et ils étaient fiers de pouvoir se les acheter, quel que soit leur statut social. Mais vu la position qu’occupait Ryoma, celui-ci avait simplement donné une réponse normale et naturelle.

« Y a-t-il une couleur particulière que vous préférez ? », demanda encore Meg à l’homme, apaisant ses doutes.

« Noir, s’il te plaît. »

« Très bien, très bien. Attendez, je vais le faire préparer. »

Il n’était pas si différent des autres clients. Il lui avait dit ce dont il avait besoin, et la couleur qu’il voulait. Bien sûr, sa politesse était un peu étrange, mais Meg devait rire de toutes les préoccupations injustifiées qu’elle entretenait à ce sujet.

Peut-être qu’il a lavé ses vêtements et qu’il n’a rien d’autre à se mettre ? Oh, mince ! J’ai oublié de lui demander sa taille… Eh bien, peu importe. J’apporterai juste quelques grandes tailles.

Alors qu’elle réfléchissait à cela, elle apporta les vêtements que l’homme demandait, chacun en trois taille. D’ailleurs, ils avaient tous l’air un peu simples, mais ils étaient bien taillés, c’était les meilleurs vêtements qu’elle avait à offrir et qui n’étaient pas destinés aux nobles.

« Merci d’avoir attendu. Que pensez-vous de ça ? »

« Ils sont parfaits. Pouvez-vous me les emballer ? »

Hein ? Ne va-t-il pas vérifier leur taille ?

Peu de gens achetaient des vêtements sans les essayer au préalable, et il ne vérifiait pas s’ils étaient de la bonne taille. Meg inclina la tête avec une confusion évidente.

« Euh… Qu’en est-il de leur taille ? », demanda Meg sur un ton réservé.

Quel homme bizarre… ! C’est comme s’il ne souhaitait pas vraiment acheter quoi que ce soit. Ne me dites pas que c’est un voleur… ?

La pire des conclusions s’était imposée dans l’esprit de Meg, mais cette préoccupation ne semblait pas fondée.

« Oh, ma taille… Donne-moi juste la plus grande taille que vous avez. »

C’était le genre d’attitude décontractée qui montrait le désir de terminer ses achats le plus rapidement possible. Son attitude était certainement suspecte, mais il semblerait que ce client allait payer, Meg balaya ses appréhensions.

« Dans ce cas, c’est parfait. Ça fait une pièce d’argent. Attendez, je vais l’emballer. » Dis Meg en inclinant la tête. Il se dirigea derrière le comptoir.

« Hé, attendez une minute ! Je suis un peu pressé, alors je vais les prendre comme ils sont. », avait-il dit, paniqué

Cela dit, l’homme plaça une pièce d’argent sur les vêtements qu’il avait achetés.

« C’est assez, n’est-ce pas ? »

Ses mots avaient fait en sorte que Meg le regarda encore d’un air interrogateur.

Oh, il va juste les prendre à ce prix-là ? C’est peut-être l’enfant d’un noble. Mais dans ce cas pourquoi a-t-il enfilé l’armure d’un soldat ?

Peu de roturiers n’essayeraient pas de troquer une pièce d’argent contre une autre, et les prix étaient en fait fixés avec l’idée que le client marchanderait pour en obtenir un rabais. Seuls les nobles obsédés par l’honneur ne chercheraient pas à obtenir un rabais.

Il a certainement l’air d’un noble, mais à la façon dont il paie… C’est peut-être le fils d’un noble voyageur incognito ? Je suppose que tout cela n’a pas d’importance, du moment qu’il paie !

Meg décida d’arrêter d’y penser trop fort. Un client qui paie, aussi suspect qu’il puisse paraître, était un bon client.

« Très bien, vous pouvez le prendre tel quel. »

En baissant la tête, Meg s’était dirigée vers le comptoir.

Quittant la boutique, Ryoma poussa un lourd soupir tout en s’assurant prudemment que personne ne le remarquerait.

« Ouf… D’une façon ou d’une autre, je m’en suis sorti. »

C’était juste du shopping, et ce n’était pas un enfant, il devait alors avoir sûrement de l’expérience dans les magasins. Mais jamais auparavant dans la vie de Ryoma, il avait été soumis à autant de stress dans un magasin. Mais peu importe comment il y arrivait, il l’avait tout de même fait.

« Maintenant, c’est une course contre la montre. »

Chuchotant à lui-même, Ryoma se fraya un chemin sur la route principale et à l’extérieur des murs, pour se débarrasser de ses poursuivants encore invisibles.

« Madame, je t’en supplie, donne-moi le plat du jour. Fais-moi une portion géante, s’il te plaît. »

Ryoma se trouvait maintenant dans un établissement situé dans une ruelle sombre de l’autre côté de la rue principale. Son nom était le Sea Rumble Parlor. C’était le genre de restaurant qui était visiblement attaché à la ville où il se trouvait. Mais contrairement à son apparence sale, son intérieur était assez propre. Il servait les hommes, les femmes et ceux qui avaient des enfants. C’était un endroit très accueillant.

Il devait être environ trois heures de l’après-midi lorsque Ryoma obtint enfin son déjeuner tant attendu, vêtu de la chemise noire et du pantalon qu’il avait acheté au magasin de Meg.

D’une manière ou d’une autre, je l’ai fait dans les temps…

Ryoma se rappela comment, alors qu’il revenait de l’extérieur des murs, il passa devant une petite armée et jeta un coup d’œil à leurs commandants. Ils étaient tous à cheval. Ils ne pouvaient avoir qu’un seul objectif.

Comme je le pensais, ils sont venus à cheval… Tout ce que je peux espérer, c’est qu’ils mordent à l’hameçon.

***

Partie 2

Ryoma quitta la capitale en portant son armure, afin de donner l’impression qu’il s’était échappé de la ville. Normalement, personne n’aurait pas pris la peine de revenir, il aurait sans doute choisi de courir le plus loin qu’ils pouvaient. Ryoma, cependant, n’avait pas fait ce choix. S’enfuir sans carte et sans équipement adéquat ne servirait à rien et ne le mènerait nulle part. S’il n’arrivait pas à recueillir des renseignements sur l’endroit où il devrait aller, la distance qu’il devrait parcourir et la façon dont il devrait s’y rendre, quitter la ville dès maintenant serait du suicide.

En plus, Ryoma ne savait pas monter à cheval.

Étant donné que la plupart des gens du monde moderne ne possédaient pas de chevaux, Ryoma n’avait aucune expérience en matière d’équitation. Il avait vu des calèches dans la ville, alors il s’était dit que ses poursuivants pourraient utiliser des chevaux pour le poursuivre. Et vu qu’il était à pied et qu’ils étaient à cheval, ils le rattraperaient inévitablement.

C’est pourquoi Ryoma avait quitté la capitale en portant son armure. Les hommes de l’empire ne connaissaient pas le visage de Ryoma, et leur seul indice était qu’il était en armure, alors s’ils entendaient qu’un soldat en armure quittait la ville, ils n’auraient d’autre choix que de le poursuivre.

Mais comme il avait lu leurs actions jusqu’à présent, il était facile de trouver une contre-mesure. Il craignait que les préparatifs de l’ennemi n’aient pris fin plus vite que prévu, mais les cieux étaient de son côté. Il avait trouvé un buisson d’arbres près des portes, où il ne serait pas vu, puis il enleva son armure et son casque, et revêtit les vêtements nouvellement achetés. Il enterra son armure dans le sol, et passa ses poursuivants justes au moment où il revint vers la ville.

Bien… Quel est mon prochain coup ?

Il avait commencé à réfléchir à son plan d’évasion.

« Voilà, merci d’avoir attendu ! »

Une voix joyeuse avait sorti Ryoma de son océan de pensées.

Sur sa table se trouvait un déjeuner assez copieux, composé d’une sorte de viande frite servie avec du vinaigre doux comme plat principal, du poisson blanc frit, une salade et du pain comme plat d’accompagnement. Ça sentait très bon. Mis à part la question de savoir ce qu’était cette viande, le niveau de la nourriture dans ce monde ne semblait pas trop mauvais.

Son appétit provoqué, la bouche de Ryoma déborda de salive. Il arracha rapidement une partie du pain et se remplit les joues de la viande frite en se rappelant les visages de ses poursuivants. Tout comme Ryoma était rentré par la porte et avait commencé à chercher un endroit pour manger, ils venaient de la direction du château. Quatre hommes et femmes dirigeaient le groupe, deux d’entre eux étaient des visages qu’il connaissait déjà.

Rolfe et Celia, si je me souviens bien…

Rolfe avait l’apparence d’un vétéran chevronné, et Celia était une magicienne à l’intelligence froide. C’était eux qui ont fait irruption dans la pièce où il avait été convoqué.

Et puis il y a un jeune homme et une jeune femme que je ne connais pas…

D’abord, il y avait le jeune homme qui semblait un peu faible. Ryoma ne connaissait pas son nom. Ryoma pensait qu’il était délicat au début, jusqu’à ce qu’il remarque le regard attentif et aiguisé avec lequel il scrutait les environs. Cette apparence timide n’était probablement qu’un jeu d’acteur.

Je suppose que chacun d’entre eux est un bâtard rusé. Mais cette femme est vraiment dangereuse…

Ils étaient tous talentueux, et bien que Ryoma ne méprisait aucun d’entre eux, il n’avait pas peur d’eux non plus. Mais cette femme était la seule d’entre elles que Ryoma jugeait à juste titre dangereuse.

Cette femme aux cheveux dorés et aux yeux bleus. Dès que Ryoma la vit, une secousse parcourue le long de sa colonne vertébrale. La forme de ses muscles, sa posture, son regard. Ryoma avait des années d’expérience dans les arts martiaux, ce qui lui permettait de discerner avec précision le niveau d’habileté d’un autre dans les gestes les plus simples.

Mais ce qui était encore plus effrayant que sa compétence et sa force, c’était l’aura qu’elle émettait. En termes d’échecs, elle était une reine, une pièce au potentiel irremplaçable pour décider d’un match. Aussi forts que les autres tours puissent être, ils ne pouvaient pas se comparer à cette différence de capacité.

Et en plus, ses yeux… C’est plus que des yeux de guerrier. Ils sont…

Ses yeux débordaient d’intelligence et de calme. L’aura qu’elle dégageait était semblable à celle de Celia, mais avec une différence décisive, la confiance fondée sur l’expérience. Son âge n’était pas très différent de celui de Celia, mais il n’y avait aucun doute qu’elle était une commandante mature.

Son regard était celui d’une personne qui avait survécu à d’innombrables champs de bataille, et dans un sens différent de celui de Rolfe. Ses yeux montraient comment elle avait conquis ces champs de bataille à un niveau plus profond. Elle avait non seulement l’importance de la reine, mais aussi la force d’une tour.

Aux yeux de Ryoma, elle était le plus grand cauchemar qu’il pouvait rencontrer.

Merde, il va falloir que je passe à côté de cette femme. Pensa Ryoma en mâchant le poisson blanc frit. Sortir de ce pays est devenu encore plus difficile…

C’était la première fois que Ryoma rencontrait Shardina, la femme qui se battrait contre lui pour la souveraineté du continent occidental.

« Vas-y, bois ! »

Le propriétaire du Sea Rumble Parlour, une femme amicale, plaça deux pichets en verre devant lui avec une voix enjouée. Le liquide pétillant, de couleur ambrée déborda, souillant la table.

« Je n’ai pas commandé ça… ? »

Ryoma regarda la propriétaire avec surprise.

« Pas de soucis, c’est la maison qui offre. Vas-y, bois ! »

La femme tira la chaise en face de Ryoma, s’assit et attrapa l’un des verres. Évidemment, elle en avait sorti deux avec l’intention d’en avoir un pour elle.

« Je ne t’ai jamais vu avant. Es-tu un voyageur ? », demanda la propriétaire avec désinvolture, alors que son visage rond s’illuminait d’un sourire amical.

« Tu n’as vraiment rien de mieux à faire en ce moment, n’est-ce pas ? », demanda Ryoma à la femme, alors qu’elle se jetait sur le siège à côté de lui.

Ses paroles étaient empreintes de prudence. Il ne soupçonnait pas cette propriétaire amicale, mais la situation ne lui permettait pas de se détendre. Être trop prudent susciterait probablement des soupçons, mais il ne pouvait pas se permettre de baisser sa garde. Pourtant, même après avoir observé la prudence de Ryoma, l’expression de la dame n’avait pas changé.

« Regarde autour de toi, chéri. Tu es le seul client ici. »

Ryoma regarda autour d’elle comme elle l’avait demandé, et constata que tous les autres clients étaient partis depuis un certain temps.

« C’est l’heure de ma fermeture. D’habitude, je ferme le restaurant à 15 h et je fais une pause, mais tu es arrivé un peu avant 15 h, alors j’ai laissé le magasin ouvert un peu plus longtemps. »

C’est ce qu’avait dit la propriétaire, buvant dans la tasse qu’elle tenait à la main de manière vivante.

« Ouf, le service a été rude. Rien de tel qu’une pinte après le travail, hein ? »

En essuyant agréablement la mousse de ses lèvres avec sa manche, elle fit un geste de la tête vers l’arrière.

« Les gars dans la cuisine ont déjà pris leur pause en avance, alors il ne me reste plus qu’à nettoyer le magasin. Je n’ai rien d’autre à faire que d’attendre que tu aies fini. Mais tu peux envisager de discuter avec cette vieille dame comme payement pour le verre, si tu veux. »

Cela dit, la vieille dame poussa le verre intact en direction de Ryoma.

« Je vois. Désolé de te déranger. Je vais te prendre au mot. »

Ryoma baissa la tête vers la dame et attrapa la tasse.

Le magasin étant ouvert, Ryoma n’était donc pas responsable de son arrivée à ce moment précis. Et pourtant, agir comme si c’était évident serait hautain et inconsidéré. Ryoma avait donc décidé de faire preuve de cette considération de base. Ryoma savait qu’un mot gentil suffisait pour aplanir la conversation.

« Non, ne me laisse pas te déranger. »

L’attitude de Ryoma avait fait grandir le sourire de la dame.

« Alors, es-tu un voyageur ? »

Je suppose que je peux la satisfaire. Je dois essayer d’obtenir des informations.

Le ton de la dame était convivial et chaleureux, c’était une véritable marchande, et il était clair qu’elle aimait parler. Quoi qu’il en soit, Ryoma avait besoin d’informations plus que tout autre chose en ce moment.

« Oui, c’est vrai. C’est la première fois que je viens ici… »

« Oh, vraiment ? C’est la première fois que tu viens dans la capitale et à O’ltormea. Je ne sais pas d’où tu viens, mais voyager seul doit être dur, non ? »

« Non. Je voyageais avec mon père, mais… L’autre jour, il est décédé d’une maladie soudaine… », dit Ryoma tout en penchant la tête.

La dame a dû penser qu’elle avait touché quelque chose qu’elle n’aurait pas dû, elle ajouta rapidement.

« Aaah, mince, je n’aurais pas dû demander ça… »

« Ce n’est pas grave. C’était si soudain que je n’aurais rien pu faire. »

Ryoma leva la tête et fit un sourire faible et amer.

« Je vois… Une maladie soudaine… Que vas-tu faire ensuite ? Retourneras-tu dans ton pays ? »

« Je pensais m’installer ici, dans la capitale. J’errais toujours d’un endroit à l’autre avec mon père dans ses voyages, mais il est peut-être temps que je m’installe. »

Bon, passons maintenant au sujet principal. Je devrais parler prudemment afin qu’elle ne se méfie pas.

Ryoma avait patiemment attendu l’occasion de trouver l’information dont il avait besoin, comprenant qu’en paniquant la propriétaire, elle ne ferait que la rendre suspicieuse. Elle semblait prendre l’histoire de Ryoma au pied de la lettre. Sa nature amicale l’avait rapidement amenée à faire confiance aux autres, et l’histoire de Ryoma était assez crédible.

« Je vois… Et quels étaient tes plans afin de gagner ta vie à partir de maintenant ? »

Oui !

Ryoma se réjouit. Le sujet qu’il attendait fut abordé. Après tout, même si c’était un autre monde, il fallait quand même travailler pour gagner sa vie, mais un étranger comme Ryoma n’avait aucune idée du genre de professions recherchées dans ce monde. C’était aussi une information qui serait considérée comme une question de bon sens, donc selon la façon dont il la posait, cela pourrait éveiller des soupçons chez lui et, puisqu’elle connaissait son visage, cela permettrait à l’empire de savoir qui il est.

« Ouais, à propos de ça… En fait, j’avais aidé mon père dans son travail jusqu’à maintenant, donc je ne sais vraiment pas comment faire autre chose… La seule chose que je peux dire, c’est que je suis bon avec une épée. »

« C’est vrai ? C’est trop tard pour apprendre à être artisan ou commerçant à ton âge. »

Elle hocha la tête, jetant un regard singulier sur le visage de Ryoma.

« Alors je ne peux pas être un marchand ? »

« Je n’ai jamais dit que tu ne pouvais pas, ça sera juste difficile. Ce sont des professions qu’il faut apprendre quand on est un petit enfant. En plus, même si tu peux compter l’argent, je doute que les gens de la profession embauchent un sans nom dans leurs compagnies. »

« Vraiment ? Et bien, super, je vais faire quoi maintenant... », Ryoma feignit la déception.

Bien sûr, il ne voulait pas devenir marchand.

C’est bien ce que je pensais, le travail des enfants est la norme ici. Cela est évident étant donné le niveau de vie dans ce monde. Mais cela limite mes professions potentielles.

Alors qu’il s’échappait du château, Ryoma vit les nobles utiliser de jeunes enfants comme domestiques et servantes, et tout en cherchant un magasin de vêtement dans la ville, il avait vu des enfants d’environ dix ans travailler devant les magasins avec des vêtements de travail.

***

Partie 3

D’après ce qu’il avait vu, le niveau de vie dans ce monde était globalement inférieur à celui du Japon. L’idée d’envoyer les enfants à l’école et de les éduquer n’existait pas vraiment ici. Ryoma lui-même était assez bien informé et croyait que si seulement il était embauché, il ne serait pas en mesure de produire des résultats avant un moment. Il n’était pas immédiatement utile. Si l’âge auquel les travailleurs commencèrent à travailler était si bas, il était peu probable qu’une entreprise embauche Ryoma, et il n’avait pas le courage ou le désir de repartir de zéro avec ces enfants de dix ans, peu importe combien cela serait contre nature.

« Tu as dit que tu étais bon avec une épée, n’est-ce pas ? Et regarde ton grand corps. Pourquoi ne pas essayer d’être un mercenaire ou un aventurier ? », dit la dame en regardant Ryoma avec pitié.

C’était les mots qu’il s’attendait à entendre.

« Je suppose que ce serait mon meilleur choix… Mais comment peut-on devenir l’un d’entre eux ? »

« Quoi, ne le sais-tu pas ? »

« Non, je ne suis pas du tout familier avec ça… Peux-tu me dire si tu sais quelque chose ? »

Avec une expression complètement perplexe et un ton poli, Ryoma dissipa toute suspicion dans son cœur et lui donna l’envie de l’aider.

« Eh bien, je ne suis pas vraiment au courant de tout ça. Mon magasin est juste affilié à la guilde. Après la tombée de la nuit, des aventuriers et des mercenaires viennent prendre un verre chez nous. »

« S’il te plaît, dis-moi tout ce que tu sais. », dit Ryoma en baissant la tête.

« Ce n’est vraiment rien d’important. Il suffit d’aller à la guilde, de faire enregistrer tes informations personnelles, et c’est tout. »

« Hmm ? J’ai entendu dire quelque part qu’ils vérifient les antécédents… »

C’est ce qui inquiétait le plus Ryoma. En tant qu’habitant de l’autre monde, il n’était inscrit dans aucun recensement et n’avait pas non plus de garants. S’ils s’intéressaient à son passé, Ryoma se retrouverait essentiellement sans défense, et sa seule option restante serait de devenir un voleur. Mais la réponse de la dame apaisa ses inquiétudes.

« Ils n’ont pas d’antécédents à la guilde des aventuriers. Tu n’as qu’à t’y rendre de ton propre chef et à compléter les procédures d’inscription. Tu n’as besoin de faire vérifier tes antécédents par un garant que si tu essayes de devenir marchand ou artisan, ou si tu essayes d’être un soldat. »

En écoutant la dame parler, le doigt appuyé contre son menton, le visage de Ryoma s’illumina d’un sourire. Si ce qu’elle disait était vrai, trouver du travail ne poserait pas trop de problèmes.

« Vraiment !? Oh, je suis si content de t’avoir posé cette question. Je me souviens que la dernière personne à qui j’ai posé la question m’a dit qu’il fallait vérifier ses antécédents ! Je ne savais vraiment pas quoi faire. Mais je suppose qu’ils ont dû mal se souvenir. »

Pendant qu’il parlait, Ryoma vida joyeusement sa tasse. Le liquide frais, de couleur ambre, assécha sa gorge sèche.

« Je parie qu’ils l’ont confondu avec la procédure pour devenir marchands ou autre. Au fait, pour arriver à la guilde, prend l’allée de gauche pour arriver à la rue principale, elle devrait être droit devant. »

« Merci beaucoup, madame ! Je crois que je vais y aller tout de suite. »

« Vraiment ? Alors, promets-moi de revenir me raconter comment ça s’est passé, et de dîner pendant que tu y es. »

« Sans faute ! Dans ce cas, puis-je avoir la facture ? »

« Bien sûr que oui. Un déjeuner pour une personne, cela fera cinq pièces de cuivre. »

« D’accord, cinq pièces de cuivre… »

Ryoma fouilla à travers le sac sur sa taille, plaçant les pièces de cuivre une par une.

« Euh, désolé… Cela pourrait prendre une minute… »

Après avoir placé trois pièces de monnaie, sa main s’était soudainement arrêtée.

Attends… c’est l’occasion parfaite pour moi de savoir combien valent l’argent ici.

Il avait certainement assez de pièces de cuivre. En fait, la majorité des pièces qui remplissaient son sac étaient en cuivre, et pour être juste, il aurait préféré en transporter moins si possible. Mais payer normalement comme ça serait une opportunité gâchée. Ryoma prit une pièce d’argent du sac et la plaça dans sa main. Après tout, il aurait été bizarre de sortir une pièce d’or.

« Mon Dieu, n’as-tu pas de monnaie ? »

La dame arqua un sourcil, tandis que Ryoma reprenait les pièces de cuivre et lui remit à la pièce une pièce d’argent.

« Je suis désolé, je n’ai plus assez de pièces de cuivre. Peux-tu m’en donner avec ça ? »

Ryoma baissa la tête et s’excusa.

« Hmm… Eh bien, si tu en es sûr. Mais tu devrais faire attention. Même dans la capitale, il y a des magasins qui ne rendent pas la monnaie. »

C’est ce qu’avait dit le propriétaire tout en se dirigeant vers la cuisine.

« Voilà ta monnaie, 95 pièces de cuivres. Assure-toi de les compter correctement. »

Elle était revenue de la cuisine, les plaçant par groupes de dix et un seul groupes de cinq.

Leur poids était évident juste d’après le son qu’ils faisaient, et à en juger par la façon dont elle avait géré la situation, Ryoma avait également réalisé que la plupart des gens n’utiliseraient pas de pièces d’argent pour payer.

Je m’en doutais, mais je vais devoir échanger cet argent. Ça va être dur de se promener avec toute cette monnaie sur moi.

Peut-être que ses pensées étaient apparentes dans son expression, parce que le propriétaire lui avait souri avec ironie.

« Tu n’as pas de carte, chéri ? Nous sommes affiliés à la guilde, tu devrais donc utiliser ta carte la prochaine fois. Le système n’existe que depuis quelques années, et seules d’autres grandes villes comme la capitale l’ont aussi adopté, alors je suppose qu’il est naturel que tu n’en aies pas. Cependant, c’est assez pratique. »

Une carte ? Comme, une carte de crédit ?

Le mot me semblait trop déplacé. Mais ne voulant pas donner l’impression qu’il ne savait pas, Ryoma joua le jeu.

« Non, j’ai perdu la mienne. Je ne savais pas quoi faire… J’ai pensé que ça devrait aller pour un moment puisque j’ai de l’argent sur moi, mais… »

« Oh, je vois. Eh bien, seule la personne dont le nom est inscrit sur la carte peut l’utiliser, tu ne devrais donc pas te soucier de ton argent. Pourquoi ne pas aller à la banque et la faire réémettre ? Tu pourras le faire en allant à la guilde. »

La banque, hein ? Il y en a donc dans ce monde…

« N’ont-ils pas besoin d’une preuve d’identité pour me la rééditer ? », demanda Ryoma, juste pour être du bon côté.

« Ce n’est pas le cas. Comme la première fois qu’ils l’émettent, ils te demandent tes détails physiques et la font tout de suite. »

« Oh, vraiment ? Je ne le savais pas. Merci, tu m’as été d’une grande aide ! », dit Ryoma tout en baissant de nouveau la tête vers la dame.

« Ne t’en fais pas, chéri ! Viens manger un autre morceau un de ces jours ! »

Se séparant du propriétaire, Ryoma s’était frayé un chemin à l’extérieur du magasin jusqu’à la rue principale. Comme on lui avait dit au Sea Rumble Parlor, il avait pris un virage dans l’allée pour sortir dans la rue principale, jusqu’à ce qu’il ait deux bâtiments en vue. L’un était marqué d’un signe montrant un sac plein de pièces de monnaie et l’autre d’un signe montrant un soldat vêtu d’une armure.

Ce sont des signes assez faciles à comprendre… Je suppose que cela montre bien que le taux d’alphabétisation est faible par ici… Eh bien, peu importe. Je dois juste déposer ce butin.

En gardant cela à l’esprit, Ryoma était entré dans la banque. La totalité des huit sacs d’argent était en fait assez lourd à transporter. Il ne savait pas si les pièces d’or étaient faites d’or véritable. Les pièces d’argent pesaient à elles seules une cinquantaine de grammes, ce qui signifiait que plusieurs dizaines de pièces d’argent pesaient plus de 500 grammes. Et les pièces d’or, qui était minoritaire, pesaient probablement le même poids au total. En ajoutant à cela les pièces d’argent et de cuivre, il se promenait avec presque certainement cinq ou six kilogrammes de pièces.

Je suppose que c’était naturel pour le vieil homme, mais même les soldats avaient beaucoup d’argent sur eux. Je suppose que j’ai eu de la chance là-bas… Mais c’est quand même assez lourd.

Il avait une petite fortune dans ces mains, ce qui lui donnait un sentiment de sécurité, mais d’un autre côté, c’était un fardeau certain. Ryoma voulait se délester du maximum de poids inutile, sachant qu’il était activement poursuivi.

« Bienvenue. En quoi puis-je vous aider aujourd’hui ? »

Ryoma traversa l’entrée de la banque et, en entrant dans le hall, fut accueilli par un homme d’âge moyen. C’était comme s’il était entré dans une banque japonaise normale. L’homme était vêtu de noir de haut en bas avec une blouse en dentelle et portait une cravate rouge autour du cou.

Un costume ? Pourquoi porte-t-il un costume ?

Plus Ryoma voyait ce monde, moins il semblait le comprendre. Au début, il avait pensé que c’était comme l’Europe médiévale, mais il y avait aussi quelques aspects bizarrement modernes. La mention de la carte et du costume de cet homme en était de parfaits exemples.

C’est comme un mélange confus de choses complètement différentes et tout à fait familières…

« Excusez-moi, monsieur… ? », demanda l’homme, tremblant légèrement devant le regard de Ryoma.

« Oh, désolé. C’est la première fois que je viens ici… J’aimerais ouvrir un compte, s’il vous plaît. »

L’homme acquiesça gracieusement aux paroles de Ryoma et lui fit signe à l’intérieur. Évidemment, des choses comme les guichets automatiques étaient tout aussi inutilement compliquées dans ce monde.

« Par ici, monsieur. »

« Merci. »

« Il est ici pour ouvrir un compte. S’il vous plaît, occupez-vous du reste. »

L’homme donna simplement ces instructions à la guichetière, puis il partit.

« Bienvenue, monsieur. Vous souhaitez ouvrir un compte, n’est-ce pas ? »

La caissière assise derrière le comptoir regarda Ryoma avec le sourire. Elle portait une veste bleu foncé et un ruban rouge. C’était vraiment le genre d’accueil qu’une réceptionniste aurait fait, ce qui aurait été tout à fait normal… s’il n’avait pas été dans un autre monde, en fait.

« Oui, c’est la première fois que je viens ici, donc je ne sais pas trop quoi faire. Merci. »

Inclinant poliment la tête, Ryoma s’assit sur la chaise en face d’elle.

Un bon aspect de la personnalité de Ryoma était de pouvoir demandé de l’aide quand il en avait besoin. C’était beaucoup plus sûr que de faire semblant d’être au courant de choses dont il n’avait pas la moindre idée.

« Très bien. Pouvez-vous écrire votre nom ici, monsieur ? », dit la caissière en sortant un morceau de papier parchemin et un stylo.

Eh bien, ça ne ressemble certainement pas à du vrai papier… Donc je suppose que c’est du parchemin ?

Étouffant sa curiosité, Ryoma prit le stylo et le parchemin.

Nom : Ryoma Mikoshiba

Âge : 16 ans

Il avait rempli son nom et son âge sans y penser trop profondément, et laissa la colonne adresse vide. C’était en rendant le parchemin à la caissière que Ryoma réalisa quelque chose.

Attendez, ce que je viens d’écrire… C’était du japonais ? Qu’est-ce que j’ai écrit là-dedans ? J’ai écrit mon nom, n’est-ce pas ?

Néanmoins, la jeune fille travaillait encore sans y prêter attention. Au moins, elle semblait avoir compris ce qu’il avait écrit.

« Vous êtes donc M. Ryoma Mikoshiba, 16 ans. Cette information est-elle correcte ? »

La caissière dirigea une expression pénétrante sur le visage de Ryoma. Peut-être que Ryoma n’avait pas l’air d’avoir seize ans, parce qu’elle le regardait d’un air suspicieux.

« Oui. Je suppose que je n’en ai pas l’air ? »

Ryoma était tellement habitué à ce que les gens soient surpris de son âge que cela ne l’embêtait même plus.

Ouais, ouais, je sais, j’ai l’air vieux…

Il avait l’intention d’écrire son nom en japonais, mais les lettres sur le parchemin n’étaient pas familières. Ryoma ne comprenait pas la logique, mais la caissière avait accepté le document. Il décida donc que ce n’était pas le moment de remettre en question ces détails.

« En fait, a-t-on le droit d’ouvrir un compte à seize ans ? », demanda Ryoma calmement.

C’était la possibilité la plus effrayante pour lui, mais la caissière secoua la tête.

« Oh, pas du tout, votre âge ne sera pas un problème. C’est juste que… vous êtes très mature et calme, monsieur, alors votre âge est une surprise. Je dois m’excuser d’avoir été impolie. »

Ryoma ne pouvait pas honnêtement dire qu’il était satisfait de cela, mais les gens qui le croyaient plus âgé qu’il ne l’était à cause de son apparence étaient de toute façon égaux.

« Oh. C’est bon, on me le dit souvent. Alors, pourriez-vous m’ouvrir mon compte ? » dit-il en souriant calmement à la caissière

« Bien sûr. Attendez un instant que je fasse votre carte. »

Avait-elle dit, tout en commençant à écrire quelque chose sur un morceau de papier de la taille d’une carte de visite.

***

Partie 4

Elle plaça ensuite la carte entre deux feuilles transparentes et utilisa ce qui ressemblait à un fer à repasser pour les sertir ensemble.

Elle la plastifie ?

Cela ressemblait étrangement à un permis de conduire ou à une carte d’identité d’employé. Ryoma ne pouvait pas dire si le niveau de vie dans ce monde était élevé ou bas à ce point. Ils avaient probablement une science similaire à celle de son propre monde.

« Merci d’avoir attendu. Veuillez placer votre main sur cet orbe. »

Elle plaça la carte dans une fente au bas d’un piédestal avec un globe de verre dessus, et la poussa vers Ryoma.

« Comme ça ? »

Ryoma posa sa main sur l’orbe, et dès qu’il le fit, celle-ci commença à briller.

« Oui, c’est bien. Vos informations personnelles sont maintenant enregistrées sur cette carte, M. Mikoshiba. Si vous perdez votre carte, allez dans une banque proche et on vous la réémettra. »

Après que l’orbe ait fini de briller, elle avait extrait la carte et l’avait remise à Ryoma.

« Est-ce déjà fait ? »

« Oui, votre compte a été ouvert. Y a-t-il autre chose que je puisse faire pour vous aider ? »

Cela s’était terminé si rapidement que Ryoma en était resté presque bouche bée. En tout état de cause, l’ouverture du compte était secondaire par rapport à la raison principale pour laquelle il était venu ici.

« Dans ce cas, oui. J’aimerais faire un dépôt sur mon compte. », dit Ryoma tout en plaçant son sac de pièces sur le comptoir.

« Un dépôt, entendu. Je vous remercie beaucoup. Placez les pièces ici, et insérez votre carte bancaire dans la fente. »

Elle plaça ensuite ce qui semblait être une balance électronique devant Ryoma. Celui-ci avait suivi ses instructions sans un mot, plaçant le sac sur la balance.

« Oui, c’est parfait. L’argent semble être en règle. Je vais donc confirmer le montant. »

La caissière commença à compter les pièces et à les trier par groupes de dix.

Je vois… Les balances servent donc à s’assurer que les pièces de monnaie ne sont pas contrefaites. C’est pratique… Bien qu’elle doive encore les compter à la main.

Ils avaient donc des cartes bancaires dans ce monde, mais pas de machines capables de compter automatiquement les pièces de monnaie. La caissière continua à empiler la montagne de pièces de monnaie, ignorant les plaintes silencieuses de Ryoma. Cela lui avait pris une vingtaine de minutes. Après avoir revérifié les pièces trois fois, elle se tourna à nouveau vers lui avec un sourire éclatant.

« Merci d’avoir attendu. La somme totale est de trois pièces d’or, 54 pièces d’argent et 735 pièces de cuivre. Vous aimeriez déposer l’intégralité de cette somme, n’est-ce pas ? »

Le déjeuner au Sea Rumble Parlor lui coûtait 5 pièces de cuivre, non ? Et les pièces d’argent valaient cent cuivres, donc… il avait pour l’instant beaucoup d’argent.

Apparemment, les soldats qu’il avait tués étaient sceptiques à l’égard du système de cartes, mais grâce à eux, Ryoma n’aurait pour l’instant pas à se soucier pour la nourriture.

« Oui, allez-y, je vous en prie. »

« Très bien, je vais déposer ça tout de suite. »

Cela dit, la caissière posa sa carte sur la plaque de monnaie et inclina la tête vers Ryoma.

On dirait que j’en ai fini avec la banque pour l’instant. Maintenant, je dois juste aller m’inscrire à la guilde.

Il avait déposé et confirmé ses frais de subsistance, mais il avait toujours besoin de travailler pour gagner sa vie. Ryoma quitta la banque et entra directement dans l’immeuble d’à côté.

De l’autre côté de la porte, il y avait des réceptionnistes qui s’occupaient des comptoirs. Sur le plan de la structure, ce n’était pas très différent de la banque. Ryoma prit place à un comptoir vide.

« Bienvenue, monsieur. En quoi puis-je vous être utile aujourd’hui ? »

La réceptionniste était également vêtue d’un uniforme.

« J’aimerais m’inscrire comme aventurier afin d’accomplir des quêtes. »

« Très bien. Si je peux me permettre, avez-vous un compte en banque ? »

« Un compte ? Est-ce que ça ira ? »

Ryoma lui remit sa nouvelle carte.

« Oui, c’est très bien. Nous avons récemment commencé à payer avec les cartes bancaires, donc nous demandons à tous les nouveaux demandeurs d’ouvrir un compte bancaire. »

« Oh, c’est vrai ? J’imagine que j’ai eu de la chance, j’ai entendu dire que je n’aurais besoin de rien préparer pour m’inscrire auprès de vous. »

Ryoma sourit ironiquement, et la réceptionniste répondit avec un sourire forcé.

« Oui, il y a des gens qui ne peuvent pas attendre et viennent nous voir. Nous devons demander à ces personnes de revenir après s’être occupées de cela. »

Cela dit, elle avait inséré la carte dans une fente sur un autre piédestal orné d’un globe de verre.

« Voilà. Votre inscription est maintenant terminée, M. Mikoshiba. »

« Hein ? », dit-il, surpris.

Ryoma ne s’attendait pas à ce qu’on l’appelle par son nom ici, il s’était alors immédiatement mis sur ses gardes.

« Les cartes de la banque partagent les informations avec les membres de la guilde. Si vous avez une carte bancaire, nous pouvons accélérer le processus d’enregistrement en lisant les informations nous concernant. »

Cela dit, elle avait sorti un tas de papiers, ou du moins des feuilles qui ressemblaient à des papiers, et elle commença à les lire.

Ils partagent des informations entre eux ? Ou, eh bien, je suppose qu’il s’agit d’entreprises appartenant à la même société…

Comparé à ce que Ryoma avait vu à l’extérieur de ce bâtiment, tout cela ne semblait que trop étrange. La banque ainsi que cette organisation appelée la guilde possédaient une technologie beaucoup trop avancée, et la gestion des deux établissements semblait beaucoup trop raffinée.

« Hmm, vous allez accepter des quêtes pendant que vous êtes ici aussi, pas vrai ? »

Les mots de la réceptionniste avaient fait sortir Ryoma de ses pensées.

« Ah, oui. »

« Connaissez-vous le système de la guilde ? »

Ryoma secoua honnêtement la tête.

« Alors, revoyons ça. N’hésitez pas à demander s’il y a quelque chose que vous ne comprenez pas. » Dit-elle tout en étalant des feuilles devant Ryoma.

« D’abord, à propos de notre guilde. Elle est composée de ce qui était à l’origine deux organisations distinctes, la guilde des aventuriers et la guilde des mercenaires. Les deux ont fusionné pour former notre organisation actuelle. Nous sommes une organisation à grande échelle avec des filiales à travers le continent, donc chaque fois que vous entendez le terme “guilde”, cela va très probablement se référer à nous. »

La réceptionniste rayonnait de fierté. Il semblerait que de son point de vue, la guilde était comme un conglomérat massif dans les termes de l’ancien monde de Ryoma.

« Ensuite, à propos de la carte. S’il vous plaît, regardez ici. »

Pendant que la réceptionniste parlait, elle retira la carte du piédestal et la remise à Ryoma.

Il y avait des informations écrites dessus qui n’étaient pas là au moment où il l’avait reçue à la banque pour la première fois.

« Son état initial immédiatement après l’enregistrement est le niveau 0. Votre rang de guilde est F, le rang le plus bas. Vous verrez que votre rang est affiché sur votre carte. Il sert aussi de pièce d’identité au sein de la guilde, alors assurez-vous de ne pas l’égarer ou l’endommager. »

Elle retourna ensuite quelques-unes des feuilles et pointa du doigt une colonne de texte qui disait F vers le bas.

« En termes simples, votre niveau se traduit par votre expérience de combat, et votre rang de guilde se traduit par le nombre de quêtes, c’est-à-dire de requêtes, que vous avez acceptées et complétées pour la guilde. Incidemment, votre expérience au combat fait référence à la quantité totale de force vitale que vous avez absorbée des êtres vivants. Vous connaissez déjà l’absorption d’énergie, non ? »

« Oui. Quand vous tuez un autre être vivant, vous absorbez une fraction de son pouvoir, non ? »

« Exactement. On dit que si le niveau 0 est la force moyenne d’un humain, le niveau 1 se traduit par le double de cette force. Bien sûr, l’âge et le sexe peuvent entrer en ligne de compte, donc ce n’est pas aussi simple à calculer qu’il n’y paraît. Ça n’a pas d’influence sur votre salaire d’aventurier, mais ça peut en avoir sur votre salaire de mercenaire. »

« Je vois. Si j’étais au niveau 10, recevrais-je une paye équivalente à celle de dix personnes ? »

Pour le dire simplement, cela reviendrait à cela. Mais l’employé sourit doucement et secoua la tête.

« Fondamentalement, vous n’avez pas tort, mais je vais vous épargner les détails et simplement dire que le plus haut niveau qu’un être humain puisse atteindre est 7, et il n’y a qu’une seule personne dans l’histoire qui soit allée aussi haut. »

« Hein ? Qu’est-ce que c’est censé vouloir dire… ? »

Ryoma sillonna son front aux mots de la réceptionniste.

Je n’ai pas tort, « fondamentalement parlant »… ? Qu’est-ce qu’elle raconte ? En plus, sept, c’est un chiffre impair pour plafonner les niveaux à…

Mais le greffier n’avait pas répondu à ses doutes.

« Il n’est pas nécessaire pour un débutant de s’inquiéter de cela. Pour le moment, tant que vous comprenez que vous devez absorber le prana et vous renforcer, tout ira bien. Vous pourrez confirmer le reste des détails avec tout membre du personnel à proximité une fois que vous aurez atteint le niveau 1. »

Son sourire était doux, mais son attitude était obstinée. La réceptionniste n’avait pas l’intention d’effacer les doutes de Ryoma. Le voyant hocher la tête à contrecœur, elle poursuivit son explication.

« Maintenant, à propos de votre rang de guilde. Chaque fois que vous acceptez et complétez des demandes, vous obtiendrez des points, et une fois que vous atteindrez un certain niveau de points, votre rang augmentera. Une fois que votre rang sera plus élevé, vous pourrez accepter des demandes plus lucratives. Cependant, vous ne pourrez accepter qu’un travail d’un rang équivalent au tien ou d’un rang inférieur. »

« Et cet avertissement ? »

Ryoma jeta un coup d’œil à une ligne de texte d’avertissement écrit sur la page.

« Oui, à ce propos. Vous pouvez accepter plusieurs demandes, mais elles sont limitées dans le temps. Si vous ne complétez pas une demande dans les délais impartis, vous risquez de recevoir des amendes et une perte de points. »

« Et cela peut abaisser mon rang ? »

« Correct. Votre rang augmente pour chaque centaine de points que vous accumulerez. Mais il y a eu des cas où des aventuriers ont augmenté leur rang et échoué à une mission immédiatement après, ce qui a entraîné une réduction de leur rang. Cependant… »

Le doigt de la réceptionniste pointa ensuite un avertissement écrit sur la page.

« Si les conditions ou le contenu de la demande s’avèrent inexacts ou erronés, vous laissant dans l’impossibilité de compléter la demande, aucun malus ne vous sera imposé et, selon la situation, le demandeur pourrait avoir à payer une amende. Si cela se produit, informez la guilde et on s’en occupera. »

Il semblerait que les conditions à l’origine de la demande aient été limitées méticuleusement.

C’est presque comme du travail intérimaire…

L’explication de la réceptionniste donnait à Ryoma l’image d’une entreprise de travail temporaire. Il ne les avait vus qu’aux infos et sur Internet, mais l’idée semblait assez proche. L’idée que la guilde soit un bureau de placement et que les aventuriers soient des employés temporaires était assez facile à comprendre.

« Quoi qu’il en soit, ceci conclut l’explication. Y a-t-il quelque chose sur quoi vous avez besoin de plus d’informations ? »

Eh bien, il y a cette partie qu’elle a omise… Mais si elle ne veut rien dire, je ne peux pas la forcer. Je suppose que je vais suivre son conseil et arriver au niveau 1 d’abord.

« Non, c’est parfait pour moi. »

Étouffant ses doutes, Ryoma secoua la tête.

Il lui serait difficile de tout comprendre à partir de cette explication, mais il doutait d’obtenir une réponse à toutes ses questions en ce moment, et il n’a pas eu le temps de se perdre dans ces doutes. Il n’avait qu’à suivre son instinct et à se débrouiller au fur et à mesure qu’il avançait.

« Dans ce cas, veuillez choisir votre première quête, M. Mikoshiba. »

La réceptionniste sortit à nouveau une pile de feuilles de son tiroir, les plaçant devant Ryoma. Le rang figurait tout en haut de l’échelle, et en dessous, il y avait d’innombrables quêtes.

« Alors, quel genre de demandes recherchez-vous, M. Mikoshiba ? Une quête d’aventurier ou de mercenaire ? »

« Honnêtement, je pourrais faire l’une ou l’autre… »

Cela ressemble presque à un entretien d’embauche…

Ryoma se souvenait d’être allé à une entrevue de recommandation pendant ses examens d’admission au lycée. C’était la même chose que lorsqu’on lui avait demandé ce qu’il prévoyait de faire dans l’avenir.

***

Partie 5

« Si vous avez confiance en vos compétences au combat, alors peut-être que travailler comme mercenaire serait l’idéal. », dit la réceptionniste tout en encerclant quelques colonnes en rouge.

« J’ai juste encerclé des emplois qui exigent des compétences de combat, comme tuer des chiens sauvages et des abeilles sauvages. Comme il s’agit d’emplois destinés aux nouveaux arrivants, ils n’ont pas de limite de temps. Vous recevrez la récompense à la fin de la quête, trois-pièces de cuivre pour chaque mise à mort. Vous gagnerez aussi un point par mort. »

En regardant les emplois encerclés, Ryoma décida de demander si le genre de travail qu’il cherchait était disponible, comme escorter quelqu’un à un autre endroit ou transporter des fournitures.

« Y a-t-il un travail qui implique d’aller dans d’autres villes ? »

« Dans d’autres villes ? Vous cherchez donc un travail de livraison. Malheureusement, avec votre rang F, vous ne pouvez pas accepter un travail de garde du corps. »

Ryoma pencha les épaules en signe de déception.

« Le travail des gardes du corps est directement lié à la sécurité de la vie et des biens du demandeur, de sorte que la guilde préfère n’envoyer que ceux qui ont des capacités à un certain niveau, et ceux en qui elle a pleinement confiance. Pour être exact, il faudrait être au rang C ou supérieur. »

« Capacités et confiance… »

« Oui, il faut plus pour être un garde du corps que de la force. Bien sûr, la force est très importante, mais il faut aussi être à l’écoute de son environnement et être capable de saisir tout ce qui sort de l’ordinaire. Sans parler de la possibilité de défendre le demandeur et ses biens contre les attaques des bandits. Mais le plus important, c’est la confiance. Si le garde du corps s’avérait être un pion des bandits, les conséquences seraient assez désastreuses. »

« Alors, quand il s’agit de livraison, pourrais-je prendre ce travail s’il implique de quitter le pays ? »

Le greffier avait tout expliqué parfaitement, et Ryoma ne voyait aucun moyen de s’y opposer, mais il n’allait pas non plus reculer sans essayer.

« Malheureusement, ce genre de travail de livraison n’est pas disponible pour ceux qui sont au rang F non plus. Le mieux que vous puissiez accepter, c’est des livraisons dans les villes voisines. »

Contrairement aux jeux vidéo, ce monde avait beaucoup de limites quant aux emplois que l’on pouvait occuper. Le regard de Ryoma s’était ensuite posé sur une carte qui était accrochée au mur derrière le comptoir.

« Y a-t-il des quêtes de livraison dans les villes voisines ? »

« Je crois qu’il y en a. après tout, ce n’est qu’un travail de livraison. »

« Hmm. Si ça ne vous dérange pas, avez-vous des cartes de rechange ? »

La réceptionniste regarda Ryoma d’un regard soupçonneux, avant de prendre une carte pliée dans le tiroir et de la placer sur le comptoir.

« Euh… Où est O’ltormea sur la carte ? »

« La capitale O’ltormea est par ici. »

Son mince doigt blanc pointait vers un endroit précis entre le centre et le sud de la carte. Juste à côté de son doigt, les mots « La capitale O’ltormea » étaient écrits en lettres noires. Il y avait aussi une ligne rouge séparant le centre de la partie sud de la carte. Cette ligne rouge représentait probablement les limites de l’empire d’O’ltormea. C’était assez large.

Gharic, Melpheren, Girdas, Auiet… Si je vais quelque part, ça devrait être l’une de ces villes…

Les yeux de Ryoma avaient été attirés par les quatre villes qui entouraient la capitale. Elles étaient toutes assez proches de la capitale.

« Y a-t-il des livraisons pour Melpheren ? »

« Laissez-moi voir… »

La greffière avait examiné le papier qu’elle tenait.

« Celle-ci ne convient pas à votre rang… Celle-ci a déjà été prise par quelqu’un… ah, nous y voilà ! Livraison d’une lettre. La récompense est de 30 pièces de cuivre, et ça augmentera votre rang de 5 points. »

Il semblerait qu’en tant que débutant, le nombre de quêtes que Ryoma puisse faire était assez limité, surtout lorsque le bénéficiaire était dans une autre ville. Le travail n’était pas toujours facile à trouver, et parfois d’autres le prenaient avant lui. Mais Ryoma avait eu de la chance. Il regarda la réceptionniste, qui feuilletait les pages, avec le sourire.

« Je prends celle-là. »

Ryoma avait immédiatement accepté la quête. Être décisif pouvait tout signifier dans ces situations, et il n’avait pas eu le temps d’hésiter.

« Très bien, je vais donc vous confier cette quête… J’ai juste besoin de votre carte pour un moment. »

Elle commença à taper quelque chose dans une plaque de verre attachée au piédestal en verre, puis inséra la carte de Ryoma dans la fente. La sphère de verre vacilla un instant. Cet équipement fonctionnait de toute évidence comme un PC qui saisissait les informations requises sur la carte.

« C’est bon, c’est fini. Vous disposez d’un délai de trois jours pour accomplir cette tâche. Apportez la lettre à la guilde de Melpheren pour confirmer votre achèvement. Y a-t-il d’autres emplois que vous aimeriez occuper ? »

« Oui, j’aimerais prendre tous les boulots de chasse dont vous avez parlé tout à l’heure. »

« Très bien. Il s’agit de la chasse aux chiens sauvages, aux abeilles sauvages et aux lapins sauvages. Il n’y a pas de limite de temps, donc vous pouvez rapporter l’achèvement à la guilde la plus proche de chez vous. »

« Compris. »

« Oh, c’est vrai. J’avais presque oublié, mais si l’on ne spécifie pas à quelle branche vous devez vous rapporter, cela signifie que vous pouvez rapporter votre quête à n’importe quelle branche de guilde. Je vous souhaite bonne chance dans vos efforts. »

La réceptionniste fit un sourire encourageant à Ryoma et inclina la tête.

« Oui, merci beaucoup. »

Inclinant la tête en retour, Ryoma sortit de la guilde.

Ryoma avait une raison d’accepter ces demandes. Il était poursuivi par l’Empire, et il avait donc besoin de quitter le pays. Mais il y avait un problème à ce sujet. Ses poursuivants sauraient qu’il avait l’intention de s’échapper, et il y avait une chance qu’il soit interrogé s’il se précipitait sur la route maintenant.

Il cherchait donc une raison de quitter la capitale, et le travail de livraison de cette lettre s’était avéré plutôt commode.

Et il y avait aussi une raison pour laquelle il avait choisi d’aller à Melpheren, à l’est. Selon la carte de la guilde, la capitale se trouvait dans le sud-est des territoires de l’Empire. En d’autres termes, il faudrait des jours pour atteindre la frontière au nord et ouest. La frontière sud était la plus proche de la capitale, mais ses poursuivants étant commandés par une femme sage, il y avait de grandes chances qu’elle tende un piège à Ryoma.

Après avoir pesé le pour et le contre, Ryoma décida qu’il serait plus sûr de se diriger vers la deuxième frontière la plus proche, à l’est. Bien sûr, on ne savait pas si son jugement s’avérerait exact tant qu’il n’y serait pas allé…

Ayant terminé son travail à la guilde, Ryoma s’était rendu au Sea Rumble Parlor, comme promis, pour informer la propriétaire qu’il avait terminé son enregistrement.

« Ah, c’est toi. T’es-tu inscrit auprès d’eux ? », lui demanda-t-elle avec joie, tout en faisant signe à Ryoma de venir au comptoir.

Celle-ci lui tendit un verre d’eau.

Il était un peu plus de cinq heures du soir, et comme c’était un peu trop tôt pour dîner, il ne restait presque plus de clients dans le restaurant.

« Oui. Je suis content de t’en avoir parlé. », répondit Ryoma en souriant.

« C’est vrai ? C’est charmant. Ça valait vraiment le coup de t’aider… Au fait, que dirais-tu d’un dîner ? Ça ne fait pas si longtemps que tu n’as pas déjeuné. »

Elle jeta son regard sur l’horloge du mur. Ouvrir son compte à la banque et s’inscrire à la guilde n’avait pas vraiment pris beaucoup de temps, et même Ryoma, qui se vantait d’avoir un physique relativement grand, ne pouvait pas faire de dîner deux heures seulement après le déjeuner.

« Eeeh, ouais, je pense que je vais devoir laisser passer ça… »

Ryoma se frotta le ventre pour accentuer ce fait.

Son estomac tenait encore ce poulet frit et ce poisson captif avec joie.

« Oui, je m’en doutais. », dit-elle alors que son regard était attiré par la tenue de Ryoma.

Il y avait apparemment quelque chose qui n’allait pas avec ses vêtements.

« En parlant de ça, chéri, as-tu laissé tes bagages dans ta chambre à l’auberge ? »

« Hein ? Non, je n’ai pas vraiment… »

« Eh ? As-tu l’intention de partir à l’aventure dans cet accoutrement ? Et tes bagages ? Tu n’as même pas d’arme. »

Il semblerait que la plupart des aventuriers portaient leurs effets personnels sur eux. C’était plus sûr que de laisser des objets de grande valeur dans l’auberge et cela permettait de réagir plus facilement aux situations imprévues. Même les paysans et les marchands les plus communs portaient au moins une épée en parcourant les routes. Il était donc naturel pour le propriétaire d’être surpris.

Ryoma jeta un coup d’œil à sa tenue, une chemise, un pantalon et une cape. Cela ressemblait à une tenue commune… Du moins, dans la ville.

Je vois… J’aurais combattu à mains nues, mais ce n’est probablement pas une bonne idée. Et elle a aussi parlé des bagages. Je n’aurai pas besoin de me préparer à camper, car on est juste à une demi-journée de la ville voisine, mais je vais devoir me préparer… Après tout, je doute qu’il y ait des épiceries là-bas.

Fondamentalement parlant, Ryoma n’avait pas l’intention de porter une arme. Même à des fins d’autodéfense, la possession d’une arme était extrêmement incriminante. S’en tirer avec juste une charge d’autodéfense excessive serait un coup de chance. Au pire, on pourrait être accusé de voies de fait ou de meurtre.

Mais tout cela ne s’appliquait qu’au Japon. Dans cet autre monde, ne pas se promener avec une arme était considéré comme étrange.

« Oh, je pensais aller acheter des armes plus tard. Je n’avais pas grand-chose sur moi au début, et toutes les demandes que j’ai prises étaient près de la ville, alors je me suis dit que je pouvais m’en tirer sans trop me préparer… »

« Eh bien, tu es un débutant, donc c’est normal que tu penses ça. »

Entendant ses paroles, la femme semblait d’une façon ou d’une autre convaincue.

« Était-ce mal ? »

« Le métier d’aventurier est dangereux, ne le sais-tu pas ? Sais-tu quelle est la principale raison de la mort des aventuriers et des mercenaires ? », dit-elle en soupirant.

« Non. »

« Se faire tuer par un adversaire plus faible à cause d’un manque d’attention ou de préparation… Les demandes de bas rang ne sont pas difficiles, réellement, et selon la demande, même les femmes et les enfants peuvent le faire. Mais on ne sait pas ce qui pourrait se passer en dehors de la ville. Tu devrais te préparer au pire des cas… si tu ne veux pas mourir, bien sûr. »

Les paroles de la propriétaire firent réfléchir Ryoma.

J’agis comme si j’étais encore au Japon… Elle a raison ! Je ne connais pas encore ce monde. En plus, je suis poursuivi par l’Empire. On ne sait vraiment pas ce qui va se passer, et je suis si imprudent… Sa préoccupation est tout à fait logique…

« Je suis désolé, madame. Je suppose que je n’étais pas aussi préparé que je le pensais. »

Ryoma baissa la tête pour la remercier de cet avertissement prévenant.

« Oh, non, c’est bon ! Vois-tu, mon magasin sert les gens qui vivent ici l’après-midi, mais pendant la nuit, nous sommes devenons une taverne pour les aventuriers et les mercenaires, donc j’ai vu beaucoup d’aventuriers. Et laisse-moi te dire que j’en ai vu beaucoup qui sont venus me dire qu’ils partaient à l’aventure, mais ne sont jamais revenus. Et quand j’ai demandé à leurs camarades qui avaient survécu, il s’était avéré qu’ils étaient morts près de la ville, car ils avaient oublié de prendre des antidotes ou n’avaient pas assez de médicaments… Alors j’ai pensé te prévenir. », dit-elle en essuyant ses larmes sur son tablier.

Elle avait vu beaucoup d’aventuriers aller et venir, et il était évident qu’elle l’avertissait par charité.

Je ne sais encore rien, alors je vais devoir faire attention à son avertissement. Je ne peux pas me permettre de mourir dans ce monde.

« J’ai le temps, alors je vais me préparer et je reviendrai dîner après ça. »

« Oh, vas-tu revenir maintenant... »

La dame s’illumina aux mots de Ryoma.

« Je pense que c’est une bonne idée. Tu sais où sont les magasins ? La forge est sur la route principale, après la guilde. La pharmacie est à côté. J’achèterais des médicaments si tu en as les moyens. Et pour l’armurerie, prends à droite d’ici et continue tout droit. Dis au vieux que le propriétaire du Sea Rumble Parlor t’envoie, et il te traitera bien. »

Poussé par la gentillesse presque maternelle de la propriétaire, Ryoma quitta le magasin, à la recherche d’une arme à laquelle il pourrait confier sa vie.

Bientôt, il trouva l’armurerie que le propriétaire du Sea Rumble Parlor lui avait recommandée. L’extérieur était un peu sale, mais l’avant du magasin était plutôt grand. À l’arrière du magasin se trouvait une grande cheminée qui soufflait de la fumée noire.

***

Partie 6

« Hé, cherchez-vous quelque chose ? »

Tandis que Ryoma entrait dans le magasin et examinait les lances et les épées exposées, un vieil homme barbu l’appela.

« Une arme commode, évidemment… »

Les mots de Ryoma n’avaient aucune mauvaise intention. Il voulait honnêtement dire qu’il voulait trouver et acheter une arme qu’il pouvait manier, d’où le « commode ». Mais dès que les mots quittèrent sa bouche, l’expression du commerçant changea instantanément.

« Aucune des armes que j’ai faites ou recueillies chez moi n’est “commode”, espèce d’idiot ! Maintenant, dégagez ! »

Son cri résonnait dans le magasin.

Ryoma faisait deux fois la taille de cet homme, mais il s’était tout de même trouvé submergé par sa colère.

« Aaah, je suis uhh, je suis désolé. Les gens du Sea Rumble Parlor m’ont dit de venir ici… »

En entendant les paroles hésitantes de Ryoma, l’expression du vieil homme s’était un peu adoucie.

« Pourquoi ne pas l’avoir dit plus tôt ? La femme du Sea Rumble Parlor vous a envoyé, n’est-ce pas ? »

« Oui ! »

« Alors, êtes-vous débutant ? Nan… Mais vraiment, avoir une telle corpulence et n’être que novice ? » demanda-t-il en regardant Ryoma d’un air suspicieux.

Certes, Ryoma était une personne de grande taille et son visage le faisait paraître plus vieux qu’il ne l’était. La plupart des gens auraient du mal à croire que c’était un novice. Mais Ryoma n’avait fait que confirmer les paroles du vieil homme sans paniquer. Faire douter les gens de son âge était un fait courant.

« Oui, je viens de m’inscrire à la guilde aujourd’hui. »

Voyant peut-être la manière dont Ryoma répondit instantanément pour être convaincant, le commerçant croisa les mains et hocha la tête d’un air grandiloquent. Ses bras étaient tachés d’innombrables marques de brûlures, probablement infligées par des braises lors de la fabrication d’armes. Ces brûlures étaient la preuve que c’était un artisan expérimenté.

« Je vous comprends. Eh bien, je suppose qu’on n’y peut rien. Mais cela dit, junior ! Je me fiche de ce que vous dites dans les autres magasins, mais ne dis jamais quelque chose d’aussi vague que “commode” dans mon magasin ! »

« Les artisans qui fabriquent eux-mêmes leurs armes sont-ils si rares ? », demanda Ryoma en prenant un poignard exposé à proximité.

« Vous ! Pouvez-vous le savoir !? »

Cette question fit rapidement changer l’expression du vieil homme.

« Oui, plus ou moins. »

Tandis que la voix du commerçant se remplit d’étonnement, Ryoma examina la lame du poignard qu’il tenait à la main. Elle était polie et rectiligne, ce qui montrait clairement qu’elle avait été martelée à maintes reprises pour enlever toutes les imperfections et les coins.

« Oh, oui ! C’est formidable. Récemment, la plupart des forgerons du coin fabriquent leurs armes en série par moulage, et la plupart des aventuriers pensent que c’est assez bien ! Le moulage, c’est juste verser du métal dans un moule, on ne peut pas faire de bonnes armes avec ça ! »

Ryoma voyait clairement la fierté du commerçant comme un artisan à l’œuvre. C’était probablement la raison pour laquelle le son du mot « commode » l’ennuyait au point de l’agacer et de le faire crier.

Et il était vrai que forger une arme demandait du temps et des efforts, et l’habileté de l’artisan pouvait la fragiliser, ce qui rendait difficile la garantie de sa qualité. Par comparaison, l’utilisation du moulage pour fabriquer une arme signifiait une qualité constante et permettait également de produire en grand nombre.

Le forgeage permettait d’obtenir une qualité supérieure, mais irrégulière et une plus petite quantité de produits, tandis que le moulage offrait une qualité et une production de masse constantes. Si l’on mettait de côté la question de savoir laquelle était la meilleure, étant donné que les armes étaient jetables, il était tout à fait naturel que les armes moulées soient plus acceptées en raison de leur prix.

Le talent du vieil homme n’est cependant pas si mal. Je vois pourquoi la propriétaire me l’a recommandé. Acheter ici pourrait être agréable, si les prix ne sont pas excessifs bien sûr…

Ryoma admit que le vieil homme avait du talent, mais cela ouvrait un nouveau problème.

« Alors, qu’est-ce que vous cherchez ? Une épée ou une lance ? »

Et il n’y en avait pas là. Cet endroit vendait des épées, des lances, même des haches, mais malheureusement il n’y avait pas un katana en vue.

C’est problématique. Il n’a pas fabriqué de katanas. Cet endroit ressemble à l’Europe, donc je n’y ai pas mis trop d’espoir, mais quand même…

Mais Ryoma n’allait toujours pas abandonner le commerçant. Il n’était pas obsédé par les katanas japonais, et il serait capable de faire des compromis avec un shamshir du Moyen-Orient ou une liuyedao chinoise.

« Avez-vous des épées courbes à un tranchant ? »

« Courbé, à simple tranchant, dites-vous… » répondit-il tout en réfléchissant profondément.

« Cherchez-vous des katanas, par hasard ? »

« Vous en avez !? », s’exclama Ryoma avec surprise.

La ville semblait européenne, et les soldats portaient tous des armes occidentales comme des épées à double tranchant et des hallebardes.

« Désolé, mais mon magasin n’en a pas, et je ne sais pas comment les faire, donc je ne peux pas prendre de commande non plus. »

Il secoua la tête pour s’excuser.

« Mais je connais son existence. Les katanas sont des armes utilisées dans les continents central et oriental, spécialisés pour taillader. Il faut cependant une formation spéciale pour les utiliser, de sorte qu’ils ne sont pas courants sur d’autres continents. Inutile de stocker une arme dont personne n’a besoin, voyez-vous ? »

« Oui, je comprends… »

C’était une justification parfaitement raisonnable.

« Si vous les trouviez quelque part par ici, ce serait dans la ville portuaire de l’est, Pherzaad. », dit le vieil homme pensif, en caressant sa barbe.

« La ville portuaire, Pherzaad ? »

« C’est la première place pour le commerce extérieur sur le continent occidental. Vous pouvez y faire venir des marchandises du continent oriental, en passant par le continent central. »

Ces mots laissèrent Ryoma perplexe.

S’il n’a pas de katana, dois-je prendre une épée à la place ? Mais je n’en ai jamais utilisé avant. Alors, dois-je prends une lance ? Non… Peut-être que sur la route, ça ira bien, mais ce sera difficile à transporter en ville. Alors une hache, peut-être ? Ce n’est pas une mauvaise idée, mais… L’utilisation d’une arme que vous ne pouvez obtenir que dans cette partie de la ville semble problématique…

Utiliser une arme à laquelle il n’était pas habitué l’exposerait au danger, et Ryoma ne voulait pas faire de compromis sur quelque chose qui serait si intimement lié à sa vie.

Mais d’un autre côté, les armes n’étaient après tout que des consommables. Quelle que soit la qualité de l’arme qu’il utilisait, la lame se tachait progressivement d’huile et s’écaillait. Tant qu’il ne les conservait pas comme épées de collection, toutes les armes devaient être réparées et remplacées.

En réalité, Ryoma réfléchissait à ses options, mais le commerçant remarqua probablement la perplexité de Ryoma, puisqu’il avait décidé de prendre la parole.

« Hmm, les armes normales ne sont pas ce qu’il vous faut, hein… Très bien, alors ! Je vais vous montrer ma collection. Si vous y trouvez quelque chose d’utile, vous pouvez le prendre ! »

« Hein ? »

« Eh bien, vous voyez, je garde tout ce qui m’intéresse, et les choses que les aventuriers apportent sont assez impressionnantes, mais difficiles à utiliser. Des armes et des outils que je ne peux pas vendre, car personne ne sait s’en servir. Vous trouverez peut-être quelque chose que vous pourrez utiliser là-dedans. Je peux vous en donner quelques-uns si vous en avez besoin ! Suivez-moi ! »

Cela dit, le vieil homme fit signe à Ryoma derrière le comptoir, en direction d’un escalier menant à un sous-sol. Au bas de l’escalier se trouvait une porte en acier que le commerçant déverrouilla avec une clé qu’il sortit de sa poche.

« Entrez, entrez. Je ne sais pas si vous trouverez ce que vous désirez, mon garçon. »

Quand ils s’étaient rencontrés pour la première fois, il l’avait appelé « junior », mais à un moment donné, il avait changé d’attitude.

Je suppose qu’il a dû me sous-estimer au départ…

Le changement semblait s’être produit lorsque Ryoma avait dit qu’il savait faire la différence entre une arme moulée et une arme forgée. Apparemment, les artisans avaient tendance à traiter avec plus d’affection les clients qui reconnaissaient leur travail.

« Wôw, c’est quelque chose… »

Ryoma laissa échapper son admiration.

La pièce dans laquelle le vieil homme l’introduisit était assez grande, environ 50 mètres carrés, et était bordée d’innombrables étagères. Au-dessus de ces étagères se trouvait un assortiment d’armes, attendant le jour où un guerrier capable de les manipuler apparaîtra.

« Là, vous avez des épées, puis des lances, des haches et des arcs. Chacun d’entre eux est un produit de qualité, fabriqué par un maître artisan. Le genre d’armes qui choisissent leurs maîtres, hein ? Une personne très douée. Mais ce n’est pas ce que je voulais vous montrer. »

Le vieil homme le conduisit ensuite sur l’étagère la plus à gauche.

« Je voulais vous montrer ça. »

Ryoma tourna son regard vers les armes de l’étagère. La première chose qu’il remarqua, c’était un tonfa en bois. Il y avait aussi d’autres armes uniques, comme un bâton en trois parties, un nunchaku, un sai et des poignards emei. Il y avait même des chakrams et un bâton extensible.

Qu’est-ce que c’est que ce bordel... D’où lui vient tout ça...

La surprise de Ryoma était compréhensible. Ils n’étaient pas du tout à leur place dans cet endroit et à cet âge. C’était un mélange de plusieurs cultures sans fil conducteur.

« Qu’est-ce que vous en dites ? »

« Ils sont trop uniques… », dit Ryoma en secouant la tête.

« Eh, je le savais… Ne savez-vous pas comment les utiliser ? »

« Non, je peux les utiliser, mais… Je n’ai pas eu d’entraînement spécifique avec eux. », dit Ryoma en ramassant les tonfas et en coupant l’air avec eux en un mouvement rotatif.

« Ouah. N’est-ce pas assez bien pour vous ? », demanda le vieil homme à Ryoma avec une expression fascinée.

« Non, ce n’est pas bon. Techniquement, je sais m’en servir, mais je ne peux pas vraiment les utiliser. Je n’obtiendrai rien en les utilisant dans un vrai combat. », répondit Ryoma tout en remettant les tonfas sur l’étagère.

« Dis, mon garçon… Êtes-vous vraiment un débutant ? C’est la première fois que je sers un client comme vous. J’ai d’abord cru que vous étiez un tyrolien, mais rien de ce que vous dis ou fais n’est normal… », demanda le vieil homme avec méfiance.

« Voyons, vieil homme. Je ne suis vraiment qu’un débutant. Il se trouve que j’en sais beaucoup, car j’ai voyagé partout avec mon père. », répondit Ryoma avec un sourire ironique.

« Je me demande si… eh bien, peu importe. Alors, qu’est-ce que vous allez faire ? »

Il n’avait pas l’air convaincu, mais le commerçant exhorta Ryoma à choisir une arme.

Ses yeux brillaient, plein d’expectatives. Les armes qui avaient dormi dans son entrepôt pendant des années pourraient enfin trouver un manieur. Même si ce n’étaient pas des armes qu’il avait fabriquées, c’était comme s’il donnait sa fille en mariage. Mais contrairement aux attentes du vieil homme, Ryoma n’acquiesça qu’à demi convaincu et avança plus profondément dans la pièce.

« Hmm… »

Ce n’est pas comme si je ne pouvais pas les utiliser, mais je dois garder à l’esprit qu’utiliser quelque chose de trop inhabituel pourrait attirer l’attention…

Chacune de ces armes présentait ses propres avantages, mais il aurait fallu une formation spécifique pour s’en servir. D’autre part, les armes aux formes inhabituelles étaient imposantes, mais attiraient aussi le regard des autres. Et comme il était poursuivi, Ryoma ne voulait pas attirer l’attention sur lui.

« Oh ! »

Arrivé au bout de la pièce, le regard de Ryoma tomba sur un objet.

***

Partie 7

C’était une chaîne qui avait des poids attachés aux deux extrémités. Elle mesurait quatre-vingts centimètres de long et était très mince, de sorte qu’on pouvait facilement la dissimuler dans ses vêtements.

« Ah, celle-là. J’ai entendu dire qu’un homme de l’autre monde l’a amené ici. Y a-t-il quelque chose d’étrange dans cette chaîne ? », dit le vieil homme à propos de la chaîne dans les mains de Ryoma.

« Un homme de l’autre monde !? », Ryoma éleva la voix, surprit par ce mot inattendu.

« Ouais. Tout ce qui est sur cette étagère est apporté ou fabriqué par des gens de l’autre monde. »

Ryoma n’arrêtait pas de se demander pourquoi la culture orientale semblait s’y être mêlée de si près, mais ce que le vieil homme venait de dire expliquait tout. C’est parce qu’ils convoquaient depuis si longtemps des gens de races et d’origines diverses.

J’ai compris ! C’est pour cette raison que leur culture est si avancée dans certaines choses et moins dans d’autres !

En d’autres termes, les personnes convoquées avaient appliqué leurs connaissances variées et les avaient mises en pratique dans ce monde. La carte bancaire en était un bon exemple. Une personne moderne avait probablement été convoquée, et avait mis en œuvre ses connaissances dans les réseaux de gestion bancaires. Ryoma ne savait pas ce qu’ils faisaient dans un monde sans ordinateurs, mais il semblerait qu’ils employaient quelque chose qui n’était pas du domaine de la technologie.

Inversement, la raison pour laquelle ils utilisaient encore des parchemins était que peu de gens savaient réellement comment faire du papier. Ou peut-être que le fait de le faire en grande quantité était trop coûteux ?

Le papier est si accessible que peu de gens savent comment le fabriquer… Et il n’y a pas de machines pour le produire en masse.

Par conséquent, les domaines de connaissance que les gens convoqués étaient capables de faire progresser étaient à un niveau similaire à celui de la société moderne, alors que les domaines de connaissance que ne possédaient pas les gens convoqués étaient encore coincés à l’époque médiévale.

« Qu’est-ce qui vous arrive ? », demanda le commerçant, regardant Ryoma d’un air suspicieux.

« Ah ! Non… Euh, je pensais justement à quelque chose… », Ryoma reprit la chaîne pour se débarrasser de ses pensées.

Pas mal… Grand-père m’a appris à utiliser une chaîne lestée, et je peux la cacher dans mes vêtements. En plus de cela…

Il n’était pas très utile de cacher des armes dans ce monde, vu que les gens portaient ouvertement des épées et des lances. Mais c’est aussi pour cela qu’avoir un atout caché dans sa manche était inutile.

Après quelques délibérations, Ryoma choisit comme arme la chaîne lestée, ainsi que les chakrams comme armes de projectiles. On pourrait le décrire comme une sorte de CDs ayant des lames le long de leurs jantes.

Ryoma avait choisi les chakrams pour plusieurs raisons, mais la plus importante était le fait que les armes blanches avaient le plus grand potentiel pour blesser et tuer.

« Vieil homme, je vais prendre ces deux-là et une épée. »

« Je croyais que vous n’aimiez pas les épées ordinaires ? »

Le commerçant fut visiblement surpris par les paroles de Ryoma.

« Non, mais j’ai du travail demain. »

Après y avoir réfléchi si longtemps, Ryoma décida de choisir une épée à laquelle il n’était pas habitué. Toute arme trop nouvelle attirerait simplement trop l’attention.

« Est-ce vrai ? Si vous êtes pressé, c’est bon. Je vous en choisirai une que vous pourriez manier à une main. Remontons pour l’instant. »

« Merci. »

En reconnaissance, Ryoma inclina la tête devant le vieil homme, qui avait commencé à monter les escaliers.

Ryoma plissa les yeux alors que la lumière du soleil arrivait de l’est. L’épée qu’il avait achetée au forgeron était sur son dos, et les chakrams pendaient d’un sac en cuir sur sa taille. Son apparence était vraiment vaillante. Mais comme pour contredire délibérément son apparence, Ryoma passa nerveusement au crible le sac qu’il portait, vérifiant le poids de son contenu.

« J’ai failli y passer tout à l’heure… »

Il faisait allusion à quelque chose qui s’était passé hier, après son retour du magasin d’armes. Pendant qu’il dînait et qu’il recueillait des informations au Sea Rumble Parlor, il s’était soudain rendu compte de quelque chose.

« Ah ! »

Sa voix résonnait dans le restaurant qui, à cette heure de la journée, servait maintenant de pub.

Les regards de tous les clients se tournèrent vers sa voix.

« M-Madame… »

« Quoi ? Qu’est-ce qui ne va pas ? », demanda le propriétaire, se précipitant aux côtés de Ryoma avec surprise.

Elle craignait qu’il n’y ait eu un insecte dans sa nourriture, mais à en juger par son expression, ce n’était pas ce genre de situation qui avait causé son accès de colère. Comme la propriétaire le lui avait demandé d’une voix stressée, Ryoma répondit d’une voix feutrée.

« La lettre. La lettre, je… »

« Ne me dis pas que tu as perdu la lettre que tu devais livrer !? », demanda-t-elle, son expression changeant.

Si c’était vrai, ce serait une grave erreur, et il devra sûrement payer une pénalité. Ou plutôt, la pénalité n’était pas un si gros problème. Ce genre d’erreur aurait pu être pardonnable s’il avait eu une expérience quelconque à son actif, mais le fait d’être un vrai novice et de se planter comme ça fera en sorte qu’il aura beaucoup plus de mal à trouver une nouvelle quête. Après tout, la guilde savait repérer les gens qui posaient problème.

« N, non… Pour commencer, je n’ai même pas reçu la lettre… »

La réponse de Ryoma fit mettre un sourire sur le visage de la propriétaire. Il semblerait que beaucoup de novices avaient déjà fait la même erreur auparavant.

« Oh ho… Tu as dû partir sans aller au comptoir de livraison, alors. »

« Le comptoir de livraison ? »

Les autres clients semblaient avoir compris la situation, puisqu’ils souriaient en regardant Ryoma.

« Regarde le novice. »

« Oui, j’étais aussi comme ça lors de ma première quête. »

« Cette satanée guilde et sa bureaucratie, ai-je raison ? »

Ryoma avait capté les chuchotements qui surgirent d’ici et d’ailleurs.

« Ahahahahahaha. »

La propriétaire rit fort, incapable de retenir son amusement plus longtemps.

Cela avait incité tous les autres à éclater de rire avec elle.

Ryoma ne comprenait pas pourquoi on se moquait de lui. Mais au moins, il semblait que ce ne soit pas une erreur fatale, ce qui le soulageait un peu plus. Pourtant, son cœur était encore irrité par le doute et l’irritation.

« Aha, désolé, désolé. »

Remarquant que Ryoma se vautrait dans le silence tout en étant la risée de tous, la propriétaire se calma et cacha sa bouche derrière son tablier.

« Je pense qu’à peu près tous les autres nouveaux arrivants finissent par tomber dans ce piège-là. »

Il y avait toujours un sourire évident sur son visage.

« Qu’est-ce que tu veux dire ? »

Les paroles de Ryoma incitèrent les clients à se mettre à applaudir.

« Santé pour l’épreuve du novice, les gars ! »

« Gloire à la bureaucratie ! Ils ont fait une autre victime ! »

« Ne laisse pas ça t’atteindre et persévère, bizut ! »

La situation ne devenait pas plus claire, ce qui faisait que Ryoma fixait à nouveau la propriétaire avec perplexité.

« Et bien… Quand tu t’es inscrit à la guilde, ne t’ont-ils pas donné quelque chose ? », dit la dame en remarquant le regard de Ryoma

« De la guilde ? Juste ma carte, et… hé, attends un peu ! »

Ses paroles avaient paralysé l’esprit de Ryoma, il venait de se souvenir de quelque chose.

C’est ça ! Après mon inscription, elle m’a donné une sorte de livret !

La réceptionniste le lui avait remis après qu’il eut terminé son enregistrement. Ryoma l’avait simplement jeté dans son sac et l’avait oublié. Il était naturel qu’il le fasse jusqu’à ce que cela lui soit rappelé. C’était un épais livret de plus de cent pages. Personne ne le lisait dès qu’il le recevait, surtout pas quand il venait de s’inscrire.

« Essaie de regarder la page 3 de ce truc. »

Poussé par les paroles de la dame, Ryoma sortit le livret du sac.

« Là… »

En plaçant le livret sur la table, Ryoma avait vu que cela s’intitulait « Information pour les débutants de la guilde ».

C’était rempli d’informations essentielles que les gens qui recevaient des demandes de la guilde avaient besoin de connaître.

« Tu as accepté une demande à la réception de la Guilde, n’est-ce pas ? »

Ryoma acquiesça à sa question.

« Eh bien, la réception ne fait rien d’autre que la réception. Après avoir pris une demande de livraison, tu dois aller au comptoir de livraison et prendre ce que tu dois livrer. »

Cela semblait simple en l’entendant expliquer ainsi, mais Ryoma ne se sentait pas vraiment convaincu. Il n’essayait pas de trouver des excuses, mais il estimait qu’il serait probablement plus efficace qu’on lui donne l’article en question une fois la demande acceptée. Bien sûr, il n’était pas très bien placé pour le dire vu qu’il avait simplement jeté le livret dans son sac et l’avait oublié, mais il ne se sentait toujours pas responsable de cela.

Mais il semblerait que cela arrivait assez souvent aux gens. La propriétaire avait probablement vu plusieurs débutants faire la même erreur, il n’était donc pas étonnant qu’elle ait compris ce qui s’était passé juste à cause de ce murmure de sa part.

« Tu as l’air plutôt mécontent. Eh bien, comme le système peut être un peu compliqué, la guilde fournit ces livrets, mais la majorité des gens ne lisent pas. Après tout, c’est la première fois qu’ils s’inscrivent et en plus c’est leur premier emploi. Ils sont si nerveux qu’ils oublient ce satané livret. C’est comme la première épreuve qu’un nouveau venu doit surmonter. »

Il semblerait qu’elle comprenait assez bien le mécontentement de Ryoma et qu’elle lui expliquait les choses avec le sourire.

« La guilde est-elle encore ouverte ? »

Il était 20 h 30 du soir. La plupart des magasins, à l’exception des pubs, étaient fermés à ce moment. Si la guilde était fermée, il faudrait qu’il perde du temps demain jusqu’à l’ouverture. Il semblerait cependant que ses préoccupations étaient sans fondement.

« Heheheheh. La guilde est ouverte 365 jours par an, 24 heures sur 24. Tout cela est écrit dans le livret, au fait, alors assure-toi de le lire. »

En entendant cela, Ryoma s’empressa de finir son dîner composé de viande grillée. Laissant son argent pour le repas sur le comptoir, il se précipita vers la sortie du magasin et inclina la tête devant la dame en signe de gratitude. Il se dirigeait, bien sûr, vers le comptoir de livraison de la guilde.

« Oui ! Voilà l’objet en question. Bonne chance pour la livraison, M. Mikoshiba. »

Une femme portant des lunettes tendit à Ryoma une enveloppe recouverte de papier huilé.

« C’est scellé avec de la cire. Mais faites attention, si le sceau est brisé, que vous ayez vu ou non ce qu’il y a à l’intérieur, nous devrons vous faire payer une amende. »

En vérifiant le panneau d’information près de l’entrée de la guilde, Ryoma s’était rendu au premier sous-sol de l’immeuble, où se trouvait le comptoir de livraison. Ryoma présenta sa carte, et la fille au comptoir apporta rapidement la lettre. Les choses auraient cependant pu finir aussi facilement et beaucoup plus vite si seulement il avait simplement lu le livret plus tôt.

Je suppose que mieux vaut tard que jamais.

Bien qu’il soit encore amèrement réticent à admettre qu’il avait tort, Ryoma était reconnaissant pour sa chance. Il retourna ensuite à son auberge qui faisait face à la rue principale pour passer la nuit, et le lendemain matin il partit de la capitale d’O’ltormea.

« Fwaaaaah… »

Un bâillement s’échappa de la bouche de Ryoma.

À cette heure aussi matinale, il n’y avait personne sur la route vers Melpheren à l’exception de Ryoma. Après être retourné à l’auberge, Ryoma avait suivi les conseils que la propriétaire du Sea Rumble Parlor lui avait donnés et avait lu la brochure Information pour les débutants de la guilde. Il ne savait pas tout, mais il maîtrisait les bases. Cependant, comme il l’avait lu jusque tard dans la nuit, il s’était couché à une heure assez tardive.

Il avait aussi reconfirmé le prix des médicaments et des antidotes, pour s’apercevoir qu’ils étaient plutôt chers. D’après l’explication écrite sur la bouteille, il était plutôt efficace pour traiter les blessures, mais financièrement parlant, ce n’était pas quelque chose qu’il pouvait utiliser facilement.

Si c’était dans un jeu vidéo, ce serait les articles les moins chers que vous pourriez acheter…

Une autre différence frappante entre ce monde et un jeu vidéo était que s’il devait mourir, il n’y aurait pas de suite. En considérant cela, Ryoma s’était rendu compte que ce genre de médicament n’était pas quelque chose à propos de quoi il devait être avare.

***

Partie 8

Mettre de côté l’argent qu’il devrait investir dans son équipement, gagner une pièce d’argent par jour lui garantirait trois repas par jour et le séjour dans une auberge modérément propre et sûre. Il pourrait réduire ce montant de moitié en faisant des compromis, mais sa qualité de vie se dégraderait en conséquence. Pour Ryoma, qui avait vécu au Japon, l’un des principaux pays développés de la planète, vivre de façon moins commode était inacceptable.

Mais les monstres… Vont-ils apparaître si je m’éloigne un peu de la route ?

Le paysage autour de lui était la vision même de la sérénité. Mais contrairement à son apparence paisible, le monde à l’extérieur des murs de la ville était apparemment plein de dangers.

Le livret d’information pour débutants de la guilde qu’il avait lue hier soir contenait des informations sur la façon d’accepter et de signaler les demandes, ainsi que des informations sur l’habitat des créatures que les aventuriers novices seraient appelés à tuer, comme les chiens sauvages et les abeilles. Selon le livret, plus on s’éloignait de la route, plus les monstres devenaient forts. Les aires de reproduction des chiens sauvages et des abeilles sauvages qu’on lui avait demandé de chasser cette fois-ci se trouvaient dans une forêt juste à côté de la route principale.

Quoi qu’il en soit, le meilleur moyen d’en être sûr, c’est d’aller voir par moi-même.

Les attentes et l’anxiété remplissaient son corps. C’était sa première bataille contre des monstres. S’il ne pouvait pas gérer cela, il ne pourrait pas survivre dans ce monde en tant que mercenaire ou aventurier. Ryoma quitta la route et entra dans la forêt à la recherche de sa première proie…

Bien qu’elle soit proche de la route, la forêt était assez épaisse. Après avoir avancé pendant un court moment, se frayant un chemin à travers les branches, un bourdonnement, généré par les battements d’ailes, atteignit ses oreilles. Fixant son regard dans la direction du son, il trouva cinq insectes bourdonnant autour d’un arbre à une dizaine de mètres. Cependant, il n’était pas sûr qu’il puisse les décrire comme des « insectes », étant donné qu’ils étaient aussi gros qu’un chien de taille moyenne…

Ce sont des abeilles ? Le livret décrivait leur taille, mais elles semblent plus grandes que ce à quoi je pouvais m’attendre.

En termes de morphologie, elles ressemblaient à des abeilles normales, mais elles étaient plus grosses que n’importe quel insecte que Ryoma n’ait jamais vu. Il s’agissait, selon toute vraisemblance, de monstres appelés abeilles sauvages. D’après le livret, leur corps volumineux signifiait qu’elles n’étaient pas très rapides. Mais elles étaient porteuses d’un poison mortel, et se faire piquer plusieurs fois pouvait entraîner la mort.

Je suppose que, pour l’instant, je devrais prendre l’initiative.

Réalisant que l’ennemi ne l’avait pas encore vu, Ryoma sortit soigneusement les chakrams de son sac et abaissa sa taille, comme s’il tirait une épée de son fourreau. La jambe droite appuyée vers l’avant, il plia sa taille vers la gauche. Étirant son corps comme un arc, il libéra ensuite toute la force qu’il avait accumulée d’un souffle aigu. Le chakram avait été tiré, coupant dans les airs alors qu’il volait droit vers l’une des abeilles.

Deux sons résonnèrent immédiatement après. Mais ne se souciant pas de ça, Ryoma lança un autre chakram rapidement. Ryoma répéta ce processus jusqu’à ce que le bourdonnement disparaisse complètement.

Le regard tourné vers ses cibles, les abeilles gisaient déjà mortes sur le sol. Certaines avaient été coupées en deux au niveau du torse, d’autres avaient eu la tête tranchée, d’autres avaient eu les ailes brisées et avaient été incapables de rester en l’air. Elles avaient toutes été touchées à différents endroits, mais les chakrams semblaient tous avoir traversé le corps des abeilles.

Sortant son épée, Ryoma s’approcha des abeilles. Elles étaient toutes en train de mourir. En commençant par celle qui était toujours la plus vive en dépit de ses ailes déchirées, Ryoma leur porta le coup de grâce.

Et ensuite c’est… Hmm.

Confirmant qu’il n’y avait aucun ennemi dans les environs, Ryoma prit le livret.

Alors je peux vendre leurs ailes et leurs dards…

En utilisant les informations contenues dans le livret comme référence, Ryoma commença à arracher des parties du corps des abeilles. Après tout, l’essentiel du travail des aventuriers avait lieu après la mise à mort de monstres.

Ryoma sortit un dard empoisonné, recouvert de fluides corporels verts.

Whoa ... Cette chose mesure bien cinq centimètres de long…

Même sans aucun venin, cet objet était suffisamment tranchant pour causer une blessure mortelle si vous poignardiez quelqu’un avec. Il avait ensuite coupé leurs ailes, pour se rendre compte que trois des abeilles avaient les ailes percées.

Aww, merde. Si je me souvenais bien…

En feuilletant le livret, Ryoma trouva, comme il s’en souvenait, un avertissement.

« Toutes les parties du corps étant destinées à la vente, veuillez noter que les parties trop endommagées ne peuvent être acceptées. »

C’était assez évident. S’ils étaient mis en vente, personne n’achèterait d’ingrédients endommagés. Cela dit, ce n’était pas quelque chose dont on pouvait se soucier quand on mettait sa vie en jeu dans un combat. Sa vie valait bien plus que quelques pièces de cuivre.

Dans un jeu, vous n’avez qu’à ramasser tous les objets qui sont lâchés…

Abandonnant les plus gravement endommagés, Ryoma s’était concentré sur celles dont les ailes étaient pratiquement intactes.

Il faut être malin pour ne pas abîmer les items après s’être donné la peine de les tuer… Mais cela dit, ça ne vaut pas la peine de perdre la vie pour ça. Je suppose que je vais devoir renoncer à l’argent quand les choses deviendront vraiment dangereuses…

C’était une vérité assez évidente, et qui n’était pas conforme à la logique du jeu vidéo. La dureté de tout cela fit soupirer Ryoma.

Après avoir terminé sa dissection des abeilles, Ryoma avança plus profondément dans la forêt. Il avait préparé son déjeuner à l’auberge, ce qui lui laissait amplement le temps d’explorer.

Je dois m’habituer à cette épée.

Ryoma n’avait pas pu s’empêcher de se languir du katana qu’il avait l’habitude d’utiliser… Ryoma était en quelque sorte capable d’utiliser les chakrams grâce aux compétences qu’il avait apprises pour lancer des shurikens, mais son épée était une arme à laquelle il n’était simplement pas habitué.

Contrairement au katana, qui était utilisé pour dégainer et trancher, l’épée était utilisée en appliquant la force. Il s’agissait d’armes fondamentalement différentes. Et ayant été entraînée à utiliser un katana dès son plus jeune âge, une épée était terriblement gênante à utiliser pour Ryoma. Il n’avait pas d’autre choix que de traverser la frontière avec son équipement actuel.

Ses poursuivants de l’empire l’avaient déjà devancé et le cherchaient sans doute. Au moins, il était naturel de le supposer, étant donné qu’ils se déplaçaient tous à cheval. La question était de savoir s’ils avaient envoyé des agents à la frontière est, où Ryoma avait l’intention de s’échapper, mais il était confiant.

Si j’étais eux et que je devais traquer quelqu’un dont je ne connaissais pas le visage, je ne ferais pas le difficile quand au nombre de personnes que j’enverrais pour les traquer. D’abord, je renforcerais la sécurité autour des frontières, et je ne laisserais passer aucune personne suspecte. Et puis je resserrais mon emprise sur les routes menant de la capitale aux frontières.

Ryoma continua de réfléchir alors qu’il avançait dans la forêt.

Mais comme ils n’ont pas réussi à me capturer quand j’étais dans la capitale, j’ai déjà beaucoup gagné. Le fait qu’ils ne sachent pas à quoi je ressemble me donne déjà un énorme avantage. Il ne me reste plus qu’à atteindre la frontière…

Tandis que Ryoma réfléchissait, le chemin devant lui s’ouvrit soudain. Les arbres de la forêt avaient été défrichés, laissant un espace dégagé au milieu de la forêt. Le grognement des animaux atteignit soudainement les oreilles de Ryoma.

Ryoma regarda devant lui, apercevant de grands chiens d’environ un mètre de haut. Ils étaient treize, probablement une famille. Certains d’entre eux étaient visiblement des chiots.

Ce sont donc des chiens sauvages…

Ils ne faisaient que grogner, essayant d’effrayer l’intrus. Ils n’essayaient pas de se jeter sur lui, hésitant probablement à cause de l’envie de garder leurs petits en sécurité.

C’est ma chance.

Ryoma sortit rapidement ses chakrams, visant les chiens plus âgés qui s’avançaient pour protéger les chiots. Ryoma lança les chakrams, qui coupaient à travers l’air vers les chiens. Ils étaient tirés avec un angle calculé, si les chiens parents essayaient d’esquiver, les chiots étaient touchés, et s’ils ne le faisaient pas, ils seraient eux-mêmes des cibles.

C’était un stratagème cruel qui utilisait leur désir de protéger leur progéniture contre eux, mais Ryoma lâcha ses chakras sans pitié. Le bruit de la chair déchirée remplissait la forêt, et un gémissement de douleur retentit contre les arbres.

Ryoma sortit alors rapidement son épée et se précipita vers les chiens sauvages, qui avaient déjà reconnu Ryoma comme un ennemi. Enragés par le mal qu’il avait fait à leur famille, les chiens avaient impitoyablement sorti leurs crocs face à Ryoma.

Ils étaient huit. Les cinq qui avaient été blessés par les chakrams s’étaient retirés. Le chien qui partit le premier sauta deux mètres devant Ryoma.

Je suppose que c’est ce à quoi on peut s’attendre d’un animal muet…

Ryoma passa son épée entre les mâchoires ouvertes du chien. Sauter n’était pas une sage décision, car sans ailes, il était incapable de se déplacer en l’air. Bien sûr, les circonstances importaient. Cela aurait été une tout autre histoire s’il s’agissait d’une attaque-surprise, mais le faire lors d’un assaut frontal comme celui-ci n’était rien de moins que suicidaire.

Bien sûr, les chiens sauvages n’avaient pas l’intelligence de le comprendre. Ils avaient attaqué Ryoma selon leurs instincts. Ryoma se glissa simplement à leurs côtés, leur coupant la tête les uns après les autres. Chaque coup était mortel, alors qu’il passait d’un mouvement à l’autre.

Mais comme il tuait les chiens avec une procédure presque mécanique, Ryoma devait être devenu indifférent. L’un des chiens ne lui avait pas sauté dessus, il s’était simplement dirigé vers la jambe droite avec la gueule ouverte. Ryoma donna un coup de pied par réflexe avec sa jambe, l’enfonçant dans la gorge du chien. Alors que le chien se tordait de douleur, Ryoma enfonça son épée dans sa tête.

Phew. C’était proche. J’ai presque baissé ma garde…

Ils ne restaient que trois chiens, les chiots nichés dans les cadavres de leurs parents. Ryoma s’approcha d’eux. Ceux-ci, sentant le danger, se levèrent brusquement.

Comme on pouvait s’y attendre de créatures appelées monstres, même les chiots semblaient féroces. Même avec leurs parents morts, ils ne reculèrent pas, grognant de manière menaçante. Une distance de cinq mètres les séparait. Ryoma appuya son épée sur la gauche de son corps, sa position montrait qu’il allait porter un coup transverse du bas vers le haut.

À mesure qu’ils se regardaient dans les yeux, l’air devenait de plus en plus lourd. C’était Ryoma contre trois chiens sauvages. Au moment où leurs deux instincts meurtriers étaient au point de rupture, Ryoma avait soudainement effacé sa détermination.

Les chiens, qui étaient sur le point de bondir à tout moment, perdirent leur agressivité dans la confusion, hésitant devant le comportement étrange de Ryoma. C’était alors que Ryoma ferma soudainement la distance, faisant une entaille diagonale depuis le bas.

La tête du premier chien avait été coupée. Ryoma avait ensuite balancé une deuxième fois son épée en l’air, traçant à nouveau la même trajectoire pour diviser l’abdomen d’un deuxième chien en deux. Tout cela s’était produit en quelques secondes.

Le troisième chien s’était lancé dans un sprint en courant dans l’autre sens. Il semblerait que son instinct le poussait à donner la priorité à la fuite sur le combat. Mais Ryoma n’allait pas rester les bras croisés et le laisser s’échapper. Déposant son épée dans le sol, Ryoma lança un chakram sur son dos sans défense.

Ouf, ça fait treize…

La bataille n’avait duré que trois à quatre minutes. Comme chacun d’eux avait été tué d’un seul coup, ce n’était guère long.

Les chakrams sont assez mortels, mais… Il n’est pas si facile de les récupérer, alors c’est un peu chiant…

Comme ils n’avaient pas de manche et que leurs jantes étaient entièrement composées de lames, la puissance meurtrière des chakrams était certes forte, mais cela signifiait aussi qu’ils avaient tendance à s’enfoncer dans la chair de l’adversaire. Essuyant les six chakrams imprégnés de sang avec un chiffon, il les avait remis dans le sac sur sa taille.

Voyons voir… Quelles parties des chiens sauvages sont...

Selon le livret, les parties les plus précieuses du corps d’un chien sauvage étaient les deux crocs qui poussaient de sa mâchoire supérieure et sa fourrure. Ryoma s’était mis à retirer la fourrure des chiens avec son épée, quoique maladroitement, puisqu’il n’y était pas habitué.

***

Chapitre 3 : Résolution

Partie 1

« Bon travail hier soir, tout le monde ! »

La voix de Rolfe résonnait à travers la place devant le portail.

« Je suis venu relayer notre nouveau plan d’action, décidé tout à l’heure. Lady Shardina, Lady Celia, Seigneur Orlando et moi-même serons capitaines et chefs de compagnie de trente à quarante soldats chacun. Nous nous dirigerons ensuite vers le sud et l’est, et nous commencerons nos recherches ! Notre formation se déroulera comme nous l’avons déjà dit. Comme vous le savez tous, le meurtrier de Sire Gaius est l’homme venant de l’autre monde. Faites preuve de la plus grande prudence. Maintenant, que chacun d’entre vous soit rapide, car nous allons partir ! »

Tandis qu’il regardait les soldats prendre leurs positions, Rolfe repensa à ce qui s’était passé hier soir. Les poursuivants de l’empire passèrent sans le savoir devant Ryoma devant les portes. Celia, Rolfe, Orlando et Shardina poursuivaient leur quête depuis midi jusque tard dans la nuit. Mais la piste du soldat qui avait quitté les portes de la ville s’était rapidement refroidie, et aucune information sur l’endroit où il se trouvait n’avait été relayée.

« En quoi ça a un sens !? Nous avons autant de soldats mobilisés, et nous ne pouvons toujours pas localiser un seul homme !? Aucun de vous ne se relâche, j’espère ! », le beuglement colérique de Celia résonnait à travers la porte de la capitale.

Elle regardait autour d’elle avec un visage digne d’un démon. Ses sourcils bien formés étaient arqués vers le haut, et ses yeux étaient teints en rouge. Ses troupes, dispersées dans toutes les directions lors de leurs recherches, étaient rentrées les mains vides jusqu’à leur point de rassemblement près de la porte. Comme prix à payer pour ne pas avoir trouvé un seul indice, ils ne pouvaient que se tenir là et s’imprégner de ses insultes verbales.

Tout ce qu’ils avaient pour l’instant, c’était un témoignage oculaire d’un homme vêtu d’une armure de soldat qui passait la porte vers deux heures de l’après-midi. C’était à peine vingt minutes avant qu’ils n’organisent leurs forces et ne passent eux-mêmes devant la porte. Après avoir cherché pendant plus de dix heures jusqu’au plus profond de la nuit, ils n’avaient rien trouvé.

Il était tout à fait naturel pour Celia d’élever la voix en réponse, d’autant plus que Gaius était son dernier parent de sang restant. Il n’était pas déraisonnable de s’attendre à ce qu’elle devienne émotive à ce sujet, mais c’était une situation problématique pour un commandant.

« Calmez-vous, Celia. Les soldats ont tous travaillé au mieux de leurs capacités. »

Une voix aussi pure que le carillon d’une cloche réprimandait doucement Celia dans son dos.

« Lady Shardina… Mes excuses. »

En se retournant pour faire face à l’oratrice, la voix de Celia baissa de ton.

Elle n’arrivait pas à se défendre contre la première princesse de l’empire.

« Je crois que nous devrions probablement nous arrêter ici pour aujourd’hui… Tout le monde a l’air fatigué. »

Shardina regarda autour d’elle.

Aucun soldat ne s’était montré fatigué de façon flagrante, mais ils étaient tous encore visiblement fatigués.

« Mais… Si on s’arrête maintenant… »

Celia avait l’intention de se disputer, mais Shardina secoua la tête.

Elle s’était rendu compte que si Celia les forçait à poursuivre les recherches comme elle le faisait maintenant, elle n’arriverait à rien.

« C’est dangereux la nuit, même dans les environs de la capitale. Nous devrions revoir nos recherches et recommencer demain. »

Rolfe, qui était venu voir ce qui se passait, avait confirmé ses dires. Il pensait probablement la même chose.

« Oui, on doit faire exactement ce que dit Lady Shardina. Vous surmener dans cette recherche ne servira à rien. Nous ferions bien de prendre du recul pour l’instant et de reprendre nos efforts. Qu’en dites-vous, Lady Celia ? »

Celia n’avait pas trouvé les mots pour s’opposer à l’idée de Rolfe, mais ses émotions, qui l’avaient poussée à poursuivre le tueur de sa famille, ne l’avaient pas laissée accepter les faits.

« Seigneur Orlando, ramenez Celia dans son manoir. Je suis sûr qu’avec la mort du Seigneur Gaius cette journée a été difficile pour elle. », dit Shardina en étreignant les épaules de Celia.

« Non. Je peux y retourner toute seule. »

Celia rejeta les inquiétudes de Shardina.

Cependant, il était évident pour tout le monde qu’elle était à sa limite.

« Vous ne devriez pas vous forcer, Celia. Seigneur Orlando, occupez-vous d’elle. »

« Oui, madame ! Maintenant Lady Celia, par ici. »

Réagissant rapidement aux paroles de Shardina, Orlando essaya d’enrouler ses bras autour de Celia.

« Lâchez-moi, Orlando ! Je peux rentrer chez moi toute seule. »

Mais dans ses tentatives pour se débarrasser d’Orlando, Celia perdit l’équilibre et s’effondra. C’était tout naturel, puisqu’elle marchait maintenant depuis plus de dix heures sans répit, à la recherche du coupable.

Finalement, Orlando l’emmena dans une voiture qu’ils lui avaient préparée, et Celia rentra chez elle, dans sa propriété.

« Haah... En fin de compte Lady Shardina, que devons-nous faire après ça ? », soupira Rolfe tout en regardant la voiture rouler.

« Je ne pense pas qu’il y ait grand-chose à faire. Cela ne sert à rien de chercher plus longtemps… »

Shardina haussa les épaules à la question de Rolfe.

« Inutile, dites-vous… »

Il l’avait déjà présumé, mais en l’entendant directement des lèvres de Shardina, le visage de Rolfe se contorsionnait encore légèrement.

« Cela a été décidé au moment où ce soldat a quitté les portes. »

« Mais quand même… Nous avons organisé toutes nos forces pour cela… »

Rolfe croyait honnêtement qu’il avait fait de son mieux et doutait que quelqu’un puisse prendre le commandement dans de telles conditions mieux que lui. C’était le genre de fierté qu’un héros de guerre posséderait naturellement.

« Je suis au courant. Sire Rolfe, je n’ai rien à vous dire quant à votre commandement. Vous avez fait tout ce qui était de votre ressort. »

Le regard de Shardina se tourna vers la forêt.

« Nos chances de l’arrêter à l’intérieur des frontières de l’empire étaient déjà très minces. Après tout, nous ne savons pas à quoi il ressemble ni quel âge il a. Pourtant, s’il se promenait habillé en soldat, nous aurions eu une chance de l’attraper. »

« Ce que vous dites, c’est qu’il n’est plus habillé comme l’un des gardes royaux ? »

« C’est très probable… », dit Shardina en hochant la tête.

Si j’étais à sa place, je me changerais dès que j’en aurais l’occasion… Toute personne activement poursuivie ferait sans aucun doute la même chose…

« Alors… Qu’allons-nous faire ensuite ? »

« Nous avons déjà donné l’ordre de bloquer les frontières. Il ne nous reste plus qu’à nous diriger vers celles-ci et à poursuivre nos recherches. »

Pendant que Shardina parlait, Rolfe la regardait avec une expression anxieuse. Étaient-ils vraiment censés continuer à le chercher sans savoir qui il était ?

« Pensez-vous que nous pourrons le trouver de cette façon ? »

« En tout cas, on peut réduire les options à deux destinations possibles. »

Le visage de Rolfe montrait une expression surprise. Il avait repris confiance en entendant son ton.

« Deux destinations ? Donc croyez-vous qu’il ira au sud ou à l’est ? »

Rolfe imaginait à peine la distance entre la capitale et les frontières de l’empire. Puisqu’elle avait dit deux destinations, il avait naturellement considéré la frontière la plus proche, la frontière sud, et la frontière est, qui était la deuxième plus proches.

« Correct. Mais il ira probablement vers l’est… »

« Puis-je vous demander ce qui vous fait penser ça ? »

« Honnêtement, c’est surtout de l’intuition. Mais je doute que j’aie tort. », dit Shardina en souriant

Se tournant vers Rolfe, elle continua.

« C’est le genre d’homme capable de s’échapper du château et de résister à notre poursuite jusqu’à maintenant. Il ne courra pas sans réfléchir. »

« Donc vous dites que cet homme connaît bien la géographie de l’Empire… ? Mais c’est… »

L’expression de Rolfe s’était assombrie.

Si les hypothèses de Shardina étaient correctes, la tâche consistant à attraper cet homme était beaucoup plus difficile qu’ils ne l’avaient prévu.

« Cela me semble très probable… »

« Mais ne choisirait-il pas de prendre le chemin le plus court et d’aller vers le sud ? Je ne choisirais pas la frontière est si j’étais à sa place. »

Rolfe prendrait le chemin le plus court s’il était en fuite. C’était une situation où chaque moment qu’il passait à l’intérieur des frontières de l’empire était un moment où sa vie était en danger. Selon lui, cela ne servirait à rien de choisir délibérément la voie la plus longue.

« C’est vrai. Si votre intention était de fuir, vous iriez vers le sud. Mais considérez que c’est ce qu’il avait prédit qu’on fera. »

« Vous dites donc qu’il a choisi la frontière est plutôt que la frontière sud, en supposant que l’on puisse prédire qu’il choisirait cette dernière ? Impossible… Peu importe comment vous le regardez, c’est trop… »

Shardina secoua la tête devant ses paroles.

« Seigneur Rolfe. Moi aussi, j’espère que mes soupçons ne sont pas fondés. Mais il a été plus malin que nous à chaque fois jusqu’ici. Si on le sous-estime, il pourrait passer la frontière sans qu’on s’en aperçoive. »

« C’est assez vrai… Cependant, on ne peut pas écarter l’éventualité qu’il aille au sud… », dit Rolfe en réfléchissant.

Le sens du jugement de Rolfe avait toujours été pragmatique. C’était à la fois son plus bel atout et son plus grand défaut. Pour le meilleur ou pour le pire, il n’arrivait pas à se défaire de ce qu’il percevait comme du bon sens.

« Je comprends parfaitement ce que vous voulez dire. Partir vers l’Est, c’est tout simplement mon intuition… C’est pourquoi je crois que je vais vous laisser la frontière sud, à vous, Celia et le Seigneur Orlando, et je vais me diriger vers l’est. »

« Je ne pense pas que ce soit une mauvaise idée… Mais ne serait-il pas plus sage de se séparer en deux groupes de deux à la place ? »

La suggestion de Rolfe était raisonnable. Dans la plupart des cas, ils diviseraient leurs forces en deux. Cependant, Shardina secoua la tête.

« Non. Aller vers l’est est mon idée personnelle. C’est pourquoi, Seigneur Rolfe, vous devriez rester derrière et soutenir Celia… Après tout, vous n’avez pas à vous inquiéter. J’ai un vice-commandant fiable à mes côtés. »

Rolfe se souvenait de la façon dont Celia, habituellement assez calme pour être connue comme la reine des blizzards, avait été vaincue par cette frénésie.

Oui… Comme le dit Son Altesse, il serait dangereux de laisser le Seigneur Orlando seul pour contenir la rage de Lady Celia… Rolfe avait pris un moment pour calculer les choses. Avec cet homme à ses côtés, je doute que Son Altesse soit blessée.

L’image du vice-commandant fiable de Shardina fit surface dans son esprit.

« Très bien. J’organiserai nos formations selon votre décision. »

« S’il vous plaît, Seigneur Rolfe. »

Rolfe força ensuite son corps fatigué à se réveiller, travaillant jusqu’à la nuit pour organiser leur formation. Tout ça pour appréhender un seul homme venu d’un autre monde.

« Seigneur Rolfe ! On a fini de déplacer les troupes ! Partons-nous bientôt ? »

La voix d’un coureur fit sortir Rolfe du souvenir de ce qui s’était passé hier soir.

« On y va, Lady Shardina ? »

Shardina répondit en agitant son épée en avant, au-delà des portes.

« En avant, marche ! »

Le cri de Rolfe poussa les deux cents soldats à cheval à partir à la poursuite de l’insaisissable homme de l’autre monde.

La colonne de cavaliers se précipita le long de la route qui menait vers l’est. Le vice-commandant, Saitou, s’était approché de Shardina, qui se trouvait en haut de la ligne.

« Votre Altesse. Comme vous l’avez ordonné, nous avons mis en place un blocus à Adelpho. »

« Je vois. Bon travail. Cela a été aussi très rapide, Saitou. »

***

Partie 2

Elle n’avait donné l’ordre qu’hier soir, donc son exécution avait été rapide, même s’il était à cheval. Son expression montrait qu’elle était satisfaite du rapport de Saitou.

« Pensez-vous que nous pourrons l’arrêter à Adelpho ? »

Cet homme, Saitou, semblait avoir une vingtaine d’années. Il avait un corps mince et tempéré, et ses cheveux étaient soigneusement peignés. Il donnait l’impression d’être un digne homme de bureau. Si vous le mettiez en costume d’affaires et l’envoyiez dans le quartier des affaires, il se fondrait naturellement dans la foule. Les yeux cachés derrière ses lunettes à monture argentée brillaient d’intelligence.

« Oh ? »

Shardina écouta la question de l’homme calme avec un sourire fantaisiste.

« Ai-je déjà dit quelque chose dans ce sens ? »

« Non. C’est précisément pour ça que je vous le demande, Princesse. »

Peut-être que sa réponse ne correspondait pas à ses attentes, parce que Shardina était devenue un peu lunatique lorsqu’elle lui répondit.

« Alors, laissez-moi vous demander, mon cher et fiable Saitou. Pourrons-nous arrêter cet homme à Adelpho ? »

« Non. Ce sera très probablement impossible. »

Saitou répondit clairement.

Shardina semblait aimer cette réponse.

« Oh ? Comment ça ? », demanda-t-elle en souriant faiblement.

« Comment chercher un homme quand on ne sait pas à quoi il ressemble ? Ou bien avez-vous des informations à son sujet ? »

C’était là l’élément le plus problématique de leur recherche jusqu’à présent. Tout ce qu’ils savaient, c’était que l’homme de l’autre monde était grand, bien bâti, intelligent et de nature impitoyable. Il y avait plein de gens comme ça dans l’empire.

Ils l’avaient cherché hier en se basant sur l’hypothèse qu’il portait une armure de soldat, mais une fois qu’ils avaient quitté la porte, ils avaient perdu toute trace de lui. En tant que tel, supposer qu’il ait changé d’armure, comme Shardina l’avait signalé, était raisonnable. Mais cela signifiait aussi qu’ils n’avaient plus d’indices pour le traquer.

« C’est vrai… Héhé. Inutile d’essayer de chercher quelqu’un quand on ne sait pas à quoi il ressemble. »

« Alors, qu’est-ce qu’on fait ? »

Saitou considérait le sourire de Shardina avec une expression douteuse.

Honnêtement, la situation semblait plutôt désespérée. Cette question, cependant, avait simplement fait apparaître un sourire farceur sur les traits de Shardina.

« Eh bien, nous ne connaissons pas son visage, alors il va falloir qu’il nous le dise, n’est-ce pas ? Que c’est lui le coupable. »

Dès que Saitou entendit Shardina dire cela, une lueur vive lui remplit les yeux. Il semblait comprendre ce que pensait sa maîtresse.

« Je vois. C’est pour ça que vous avez bloqué la frontière d’Adelpho… »

« Oui… Bien que, vu nos effectifs limités, nous ne devrions probablement pas trop en attendre… »

« Ne pouvons-nous pas mobiliser les forces en garnison à Adelpho ? »

Shardina secoua la tête

« Pas possible. Déplacer la garnison créerait une ouverture à la frontière, ce qui augmenterait les chances que Xarooda attaque. On ne peut pas non plus demander de l’aide aux nobles. »

Leur voisin oriental, le royaume de Xarooda, n’était pas à la hauteur de l’empire en termes de puissance nationale. Le continent occidental était divisé en cinq régions, et parmi elles, O’ltormea était une grande puissance qui contrôlait le territoire central, et une partie du sud aussi. En comparaison, Xarooda n’avait qu’un petit territoire, représentant de la pointe occidentale à la partie orientale un tiers du continent.

Pour couronner le tout, la majeure partie du territoire de Xarooda était constituée de districts montagneux, et le terrain offrait un espace limité pour les terres agricoles ou pour soutenir sa population. Elle était inférieure à O’ltormea sur tous les fronts : force militaire, économique et main-d’œuvre.

Il était donc difficile de croire que Xarooda enverrait ses soldats de l’autre côté de la frontière, et même s’ils le faisaient, O’ltormea serait facilement en mesure de réagir à leur invasion.

Mais, pour les repousser, O’ltormea devrait être capable de mobiliser l’intégralité de sa force militaire. À l’origine, c’était un petit pays au centre du continent, et, en profitant des périodes troublées, il s’était développé en un plus grand pays, en prenant le contrôle de ses pays voisins. Mais cela a eu un coût, car O’ltormea était actuellement dans un état d’hostilités ouvertes, ou au mieux de guerre froide, avec tous ses voisins.

En outre, les nobles vivant dans les territoires proches des frontières de l’empire étaient tous des survivants des pays vaincus. Ils avaient bien juré fidélité à l’empire en surface, mais c’était uniquement pour conserver le nom et l’honneur de leur famille. Shardina n’était pas assez stupide pour présumer que leur loyauté était authentique.

En d’autres termes, l’empire d’O’ltormea était pris entre deux fronts. Le premier était leurs ennemis extérieurs, leurs voisins qui fronçaient les sourcils devant leur conquête impérialiste, et leurs ennemis intérieurs, les nobles potentiellement traîtres.

« Oui, c’est vrai… Si les nobles l’apprenaient, ils pourraient profiter de la situation pour déclencher une rébellion. »

En entendant Saitou dire cela, Shardina sourit amèrement, imaginant ce qui se passerait si les nobles et leurs pays voisins apprenaient cet incident.

« Nous devrons peut-être l’annoncer à un moment donné, mais ce n’est pas le moment. Nous devons donc être prudents avec les moyens que nous choisissons pour cela… Même s’ils nous désavantagent. »

Saitou hocha la tête silencieusement en entendant Shardina.

Quand Ryoma arriva à Melpheren, il faisait déjà nuit noire. Ayant terminé sa chasse dans la forêt, il avait finalement atteint sa destination initiale.

Il était plus de sept heures du soir. D’habitude, il faut environ trois heures pour se rendre à pied de la capitale à Melpheren. Elle se situait à une dizaine de kilomètres de la capitale, et même s’il s’était arrêté pour chasser, il était arrivé assez tard.

La porte de la ville était assez grande. Elle était déjà fermée à cause de l’heure tardive, mais après avoir payé un péage et présenté son identification de guilde, Ryoma avait été autorisé à passer.

« Ouf, j’ai enfin réussi. »

Ne posséder aucune connaissance ne devait pas être facile, et Ryoma s’était mis à parler tout seul par inadvertance. Bien qu’il n’ait été ici qu’un jour, le fait d’être jeté dans un monde totalement détaché de celui dans lequel il avait grandi avait eu des conséquences, même sur Ryoma.

Eh bien, je ne devrais pas me précipiter. Je vais faire en sorte de me rendre les choses faciles.

Melpheren se trouvait à une centaine de kilomètres de la frontière. Il fallait environ quatre heures pour parcourir cette distance à cheval. Mais à pied, à une vitesse moyenne de 3-4 kilomètres à l’heure, il faudrait marcher dix heures par jour pendant 3 jours. Cependant, Ryoma avait estimé, pour plusieurs raisons, que cela lui prendrait plus d’une semaine.

Pour l’instant, je devrais me présenter à la guilde.

Le sac de Ryoma creusait dans son flanc, rempli de tout ce qu’il avait ramassé de la chasse. Malgré les grognements de son estomac, il porta le sac et se dirigea vers la guilde.

« Par ici, s’il vous plaît. »

Ryoma arriva au comptoir de livraison situé au sous-sol de la guilde, remettant la lettre au commis assis là.

« Compris, permettez-moi de confirmer que tout est en ordre… Oui, ça a l’air bien. Le sceau est intact. »

La commis prit la lettre et la carte de Ryoma, puis après avoir confirmé que le sceau de cire n’avait pas été brisé, entra l’information dans la carte de Ryoma.

« Oui, tout semble en ordre. Je vais ajouter cela à vos points. Que voulez-vous faire pour les demandes de chasse ? Voulez-vous que je les prenne en compte maintenant ? »

« Oui, s’il vous plaît. »

Ryoma hocha la tête.

« Très bien. Cela fait donc 54 chiens sauvages, 31 abeilles sauvages et 59 lapins sauvages… Bon travail. C’est un sacré butin. »

« Oui. Les armes que j’ai achetées hier ont été émoussées par le sang… Je devrais vraiment les faire aiguiser. »

Entendant Ryoma râler en reprenant sa carte, le visage de la préposée s’était rempli de surprise.

Il en a vraiment tué autant avec une épée ? En une seule journée ? Je croyais que c’était un magicien qui utilisait un sort de destruction à grande échelle… Est-ce vraiment un aventurier de rang F... ?

Toutes les dates de réception de ces missions dataient bien d’hier.

« Y a-t-il un forgeron capable d’aiguiser des armes en ville ? », continua Ryoma, sentant son regard surpris et impressionné.

« Euh… Quittez la guilde et tournez à gauche dans la rue principale. Ça devrait être droit devant. »

« D’accord, je vérifierai plus tard. Au fait, avez-vous fini de tout comptabiliser ? »

« Ah ! »

La question de Ryoma incita la fille à se souvenir de ce qu’elle faisait.

« Mes excuses. Le total final est de quatre pièces d’argent et 23 pièces de cuivre. Vous obtenez un point par meurtre, ce qui fait un total de 144 points. Félicitations, M. Mikoshiba. Vous avez atteint le rang de Double F. »

Il ne s’est inscrit qu’hier, et il est déjà passé au rang suivant… ?

Honnêtement, Ryoma n’avait pas l’air très heureux. Mais c’était peut-être prévisible, car cela ne semblait pas trop compliqué pour lui.

« Vous n’avez pas l’air heureux de votre promotion. »

La préposée déclara tout haut ce qu’elle pensait tout bas.

« Eh bien, je le suis, c’est juste que, pour être honnête, cela ne m’a pas coûté beaucoup d’effort… »

Ryoma lui répondit directement.

« Vraiment ? Eh bien, l’une des deux choses suivantes se produit habituellement dans cette situation. Si quelqu’un a suivi une formation avant de s’inscrire, il atteint généralement le niveau E en une semaine environ. »

« Vraiment ? »

« Oui. D’un autre côté, les amateurs complets peuvent trouver que s’élever au rang de Double F est un grand effort. »

« Hmm. vraiment… »

Ryoma ne l’avait pas encore compris, mais ce qui gênait le plus les débutants, c’était le travail en groupe. Les monstres de la forêt opéraient souvent en meute, ce qui signifiait que les aventuriers devaient faire face à plusieurs ennemis à la fois pendant la chasse.

Mais même les monstres faibles pouvaient représenter une menace dans une meute. C’était pour cette raison que la guilde avait recommandé que les gens se regroupent et forment des groupes, mais naturellement, tout le monde n’était pas nécessairement accepté. Il y avait toutes sortes de raisons, comme l’écart trop grand entre les capacités de combat des individus, les différentes façons de penser ou les conflits d’intérêts. Mais quoi qu’il en soit, peu de gens avaient pris en charge seuls les demandes.

Cela signifiait aussi que les personnes qui avaient du mal à entrer dans les groupes étaient des débutants, surtout ceux qui, d’une manière ou d’une autre, n’avaient pas été formés.

« Nous, à la guilde, encourageons les vétérans à se joindre aux débutants et à les aider à grandir dans de vrai combat, mais cela peut être difficile à organiser. »

Les amateurs avaient une façon de faire des choses imprévisibles. Bien sûr, le fait d’être imprévisible ne signifiait pas nécessairement qu’ils ne pouvaient pas produire des résultats favorables, mais dans la plupart des cas, ce genre de choses avait tendance à se terminer tragiquement. C’était pourquoi les vétérans avaient tendance à hésiter quand il s’agissait d’aider à faire grandir des débutants.

Par conséquent, la plupart des débutants de la guilde avaient dû se débrouiller seuls jusqu’à ce qu’ils deviennent assez habiles, à l’exception de ceux qui avaient eu la chance de faire équipe avec d’autres novices.

Mais, une fois de plus, les monstres opéraient en meute, et c’est là que résidait le problème. Même les monstres qu’un novice pouvait tuer en un contre un étaient beaucoup plus coriaces s’ils étaient rencontrés en tant que meute dans l’environnement peu familier de la forêt. Ils devaient se battre tout en scrutant son environnement immédiat, ce qui était difficile pour les débutants. Aller trop loin pourrait entraîner la perte de sa vie.

C’est pour cette raison que la plupart des novices recherchaient des errants, des monstres individuels qui s’étaient séparés de leur meute. Les rencontrer était cependant extrêmement rare. On pouvait passer toute la journée dans la forêt et n’en rencontrer que quelques individus.

Il en résultait les deux cas décrits par la réceptionniste. Ceux qui manquaient d’habileté et ne se battaient qu’en tête-à-tête, fouillant les forêts à la recherche de bêtes errantes, et ceux qui, comme Ryoma, étaient capables de combattre de nombreux adversaires à la fois, et ils finissaient par gravir rapidement les échelons.

***

Partie 3

Il était également possible d’élever son rang avec seulement des demandes de livraison, mais ce n’était pas recommandé. Si l’on devait gravir les échelons sans acquérir de l’expérience dans de vrai combat, tout ce qui les attendrait serait une mort atroce plus tard.

« Au fait, M. Mikoshiba, puisque vous avez chassé autant, je suppose que vous avez pas mal de crocs et de fourrures, n’est-ce pas ? »

« Oui. Les démanteler était pénible. J’allais les emmener au magasin de curiosités après. »

« Alors peut-être voudriez-vous faire des demandes de provisions ? »

« Demandes de provision… ? »

Ryoma inclina la tête face à ce terme inconnu.

« Oui. Ça rapportera moins d’argent que de les vendre en magasin, mais ça vous aidera à élever votre rang plus vite, donc ça devrait payer plus à long terme. »

« Oh, vraiment ? », dit Ryoma, apparemment intéressé.

Il était le genre de personne fondamentalement attentif pour maximiser ses gains.

« Oui. Vous savez que vous ne pouvez accepter que les demandes qui sont du même rang que le vôtre ou inférieures, hein ? »

Il s’était souvenu que cette mention avait été faite lors de l’inscription à la guilde.

« Oui, et alors ? »

« En fait, lorsque vous soumettez une mission dont le rang est inférieur au vôtre, votre gain de points devient nul, mais votre paiement est double. Ça ne s’applique qu’aux demandes de chasse. »

C’était plutôt alarmant à entendre pour Ryoma. Le livret n’en parlait pas.

« Quoi !? »

« De cette façon, quand des aventuriers qualifiés s’attaquent à des demandes multiples d’un rang inférieur, ils gagnent beaucoup plus. »

« Je vois ! »

Avoir un bon classement est intéressant. Autant prendre le risque de l’augmenter.

Dans sa situation, il n’y avait rien de tel que d’avoir trop d’argent, et même s’il était financièrement stable pour le moment, on ne savait pas quand cela pourrait changer. Bien qu’il ait voulu éviter d’attirer l’attention sur lui, il semblerait qu’il y ait beaucoup davantage à augmenter son niveau, et il préférait prendre le temps de le faire monter maintenant, tant qu’il en avait encore le loisir.

« Je comprends. Le comptoir de réception est au premier étage, n’est-ce pas ? »

« Oui, juste après l’escalier. »

Inclinant la tête, Ryoma monta rapidement les escaliers.

« Bonjour. Vous êtes là pour les demandes de provisions, pas vraies ? »

« Oui. J’aimerais prendre toutes les demandes d’articles que l’on peut obtenir des chiens sauvages, des abeilles et des lapins. »

Le jeune réceptionniste assis au comptoir expliqua les détails de chaque demande les unes après les autres d’une manière expérimentée.

« Voilà les tarifs, vous obtiendrez deux pièces de cuivre par croc de chien sauvage et cinq par fourrure, deux pièces de cuivre par dard d’abeille sauvage et cinq par aile, et une pièce de cuivre cuivre par oreille de lapin sauvage et cinq pièces de cuivre par fourrure. Vous gagnerez un point par article livré. Il n’y a pas de date fixe pour le traitement de ces demandes. Les remettre au comptoir de livraison accomplira la tâche. »

« Dans ce cas, je vais les prendre. »

« Très bien. Bonne chance à vous. »

Après cet échange assez simple, Ryoma était retourné au comptoir de livraison.

« Avez-vous accepté les demandes ? »

La même réceptionniste accueillit Ryoma avec le sourire.

« Oui, je les ai toutes acceptées. »

« Hein ? Toutes ? »

L’expression de la réceptionniste s’était assombrie à sa réponse.

« Hein ? Je n’aurais pas dû faire ça ? »

« Oh, non, rien de tel. Mais je voulais mentionner que si vous livrez tous les articles que vous avez, vous aurez plus de points qu’il n’en faut pour passer au rang E. »

Ryoma avait compris ce qui la tracassait. S’il devait se classer au rang E, les demandes de rang F cesseraient de lui rapporter des points. Et s’il ne gagnait plus de points, cela ne servait à rien de les remettre à la guilde. Les vendre en ville serait plus logique financièrement.

Eh bien, peu importe… Je meurs de faim et il se fait tard… J’ai encore besoin d’aiguiser mon épée, de manger quelque chose et de trouver une auberge. Une fois cela terminé, il sera dix heures du soir… Je vais simplement penser à cela comme un apprentissage de la vie.

En consultant l’horloge sur le mur de la guilde, il constata qu’il était déjà huit heures du soir. C’était l’heure idéale pour dîner et trouver une auberge où loger.

« Pour l’instant, cela ne me dérange pas. Je vais tous les remettre. »

Il aurait pu refuser les demandes, mais cela aurait fait perdre des points, ce qui aurait rendu le calcul encore plus ennuyeux. Il pouvait probablement ajuster le nombre d’items afin de ne pas gaspiller les points ou l’argent gagné, mais il était incapable de faire ce genre de raisonnement avec l’estomac vide et l’esprit fatigué.

« Compris. Je vais donc prendre le matériel. »

Ryoma étendit le contenu de son sac à dos sur le comptoir.

« Tu te fous de moi !? »

Un cri résonna dans le comptoir d’accueil du premier étage.

Ryoma venait de rapporter ses demandes de provision et d’élever son rang à E. En montant au premier étage avec l’intention de partir et de chercher un endroit pour manger, Ryoma était arrivé à la vue de cet homme.

« J’ai risqué ma putain de vie pour compléter cette demande ! Et maintenant, tu dis que tu ne peux pas me payer pour ça !? »

Les cheveux du grand homme étaient ébouriffés et il était vêtu d’une armure de fer. Cet homme inconnu se disputait avec le réceptionniste avec laquelle Ryoma avait accepté les demandes de tout à l’heure.

« Je vous l’ai déjà dit ! Vous avez éliminé les mauvaises cibles, donc on ne peut pas payer pour votre travail. La date d’échéance pour cette demande étant dépassée, alors payez votre pénalité ! »

Cette jeune personne apparemment silencieuse et délicate parlait avec détermination à la brute qui se trouvait devant lui.

« Est-ce que j’ai l’air d’une sorte de pigeon pour toi !? J’ai fouillé de fond en comble pour les trouver ! »

« Mais ne vous l’avais-je pas dit, M. Golaes !? Vous devez vous assurer que vous comprenez bien les détails de la demande ! »

« Bordel ! » L’homme d’âge mûr avait éclaté. « N’êtes-vous pas l’observateur ici !? »

« M. Golaes, vous avez acquis la réputation d’un mercenaire, mais vos talents d’aventurier vous font défaut. La demande que vous avez faite impliquait l’assujettissement de la brigade de la lune pourpre, mais votre recherche n’a rien donné. Et pendant que vous vous relâchiez dans vos enquêtes, vous avez tué des bandits que vous avez croisés au hasard. », dit-elle en secouant la tête

Le jeune homme faisait maintenant profil bas.

« Comme la Guilde vous l’a conseillé, votre enquête aurait dû être plus approfondie. Il est indéniable que les bandits que vous avez tués n’étaient pas les bons. Nous avons récemment appris qu’un village voisin a récemment fait l’objet d’un raid de la brigade de la lune pourpre et que plusieurs jeunes femmes ont été enlevées. »

Le regard aiguisé du réceptionniste poignarda Golaes.

« Je ne vais pas dire que les dommages sont entièrement de votre faute, M. Golaes, mais si vous aviez bien accompli votre tâche, cela aurait pu être évité ! », avait-elle expliqué, les yeux inébranlables.

« Dans cet esprit, avez-vous encore des plaintes concernant le traitement de la guilde ici ? »

C’était l’image même d’une remarque poignardante.

Le ton aigu du jeune employé fit graduellement tomber l’homme enragé. Il semblerait qu’il ne soit pas aussi bête qu’il le paraissait. Au moins, il était assez intelligent pour se rendre compte que c’était de sa faute.

« Ugh… je suis désolé… je comprends. Je vais payer la pénalité. »

« Je suis désolée, M. Golaes. »

L’expression du réceptionniste s’adoucit.

« J’ai parlé durement. Acceptez mes excuses. »

Il inclina la tête devant Golaes.

« Non, c’est ma faute. Je suis désolé… j’ai pris cette tâche parce qu’il s’agissait d’une tâche de rang inférieur, mais j’imagine que vous ne pouvez pas envoyer un mercenaire faire le travail d’un aventurier… Allez-y, imputez la pénalité à mon compte. »

Avec ces mots d’adieu, Golaes sortit de la guilde, les épaules affaissées.

Mec, j’étais naïf…

Ryoma n’était tombé sur cette scène que par accident, mais cela l’avait choqué au plus profond de lui-même.

Qu’est-ce qui m’a pris ? De croire que ces demandes ne sont pas réelles, comme si elles faisaient partie d’un jeu ? Après tout, j’envisageais d’en laisser tomber quelques-unes.

Les demandes n’étaient pas quelque chose que l’on pouvait accepter ou refuser facilement. Dans ce monde, c’était une question de vie ou de mort. Ryoma réalisa à quel point il avait été naïf.

« Quelque chose ne va pas, M. Mikoshiba ? » Le réceptionniste remarqua que Ryoma le regardait fixement et s’approcha.

« Ah, non. J’en ai fini avec mes demandes de provisions, alors je pensais retourner à l’auberge pour aujourd’hui et revenir demain pour obtenir du travail, » dit Ryoma, légèrement submergé par la douceur du ton de la jeune personne, comparé à la sévérité du ton qu’il avait adopté quelques instants auparavant.

« Je vois. C’est comme ça que vous êtes tombée sur cette petite scène. On vous a fait peur ? »

« Ouais… C’est exact. »

Pendant un moment, les traits délicats du réceptionniste semblaient plus menaçants que l’imposante personne qu’était Golaes. Cela était certainement dû à la conviction et la vigueur du réceptionniste.

« Vous seriez surpris de voir combien de fois on a des gens comme ça. »

L’expression du réceptionniste s’était assombrie.

« Ceux qui ne réussissent pas leurs quêtes ? »

« Oui. »

Le garçon répondit à la question de Ryoma d’un signe de tête et d’un froncement de sourcils.

« Ceux qui ne peuvent pas distinguer leurs propres caractéristiques et expériences finissent comme M. Golaes. C’est un mercenaire très habile, on n’a jamais reçu aucune plainte concernant ses compétences au combat. En fait, il a peut-être attaqué les mauvais bandits, mais il les a battus un contre dix. Cependant, il est tout simplement trop peu sensibilisé à des questions comme l’investigation et l’exploration. Et pour cela, il aurait pu choisir de faire équipe avec d’autres aventuriers. »

« Je vois. Donc si vous ne pouvez pas faire quelque chose, vous pouvez faire équipe avec ceux qui le peuvent. »

La réponse de Ryoma avait adouci l’expression du réceptionniste. Il ressemblait à un professeur qui venait d’entendre son élève donner la réponse qu’il voulait entendre.

« Heheheheh. Vous êtes honnête et intelligent. Continuez à travailler dur. »

« Je le ferai. Merci beaucoup. »

Le garçon sourit et s’en alla, mais s’arrêta soudain, comme s’il se souvenait de quelque chose.

« Oh ! Oui. Au sujet de la brigade lunaire pourpre dont nous avons parlé dans la conversation. Ils ont récemment attaqué des gens sur la route entre Melpheren et Alue, et les villages le long de cette route. Vous devriez faire attention si vous allez dans cette direction. »

Des bandits sur la route d’Alue… pensa Ryoma, fixant la personne dans le dos alors qu’il partait.

La route d’Alue. C’était l’une des villes le long de la route menant à la frontière orientale, et la prochaine destination de Ryoma.

« Ce n’est pas bon, fiston ! En acheter une nouvelle te coûtera bien moins cher. »

Ryoma alla voir le forgeron dont il avait entendu parler à la guilde pour faire aiguiser son arme, mais le vieil homme dit simplement cela après avoir examiné l’épée.

« Est-ce complètement inutile ? »

« Ouais. Comment diable l’utilises-tu pour en faire un objet aussi émoussé ? La lame est complètement arrondie. C’est un bâton glorifié. », dit le commerçant en se moquant

Eh bien, merde… Je n’aurais jamais pensé l’user en une seule journée…

Ryoma était certainement plus habitué à utiliser des lames que la moyenne des gens, mais il n’avait pas l’habitude d’en utiliser une pour couper la chair autant de fois en une journée.

« Euh, eh bien… Je l’ai utilisé pour chasser… »

« Elle est complètement tachée de sang et émoussée. De toute façon, combien de jours as-tu passés sans l’en occuper pour qu’elle soit en si mauvais état ? »

« Toute la journée aujourd’hui. Je l’ai acheté hier et elle était neuve… »

Pendant que Ryoma parlait, l’incrédulité devint visible sur le visage du forgeron.

« Ne me fais pas marcher, regarde dans quel état elle est ! Elle ne devient pas comme ça si tu tues seulement 10 ou 20 créatures. Il faudrait en tuer une centaine… »

***

Partie 4

Mais le vieil homme réalisa quelque chose en regardant le visage de Ryoma.

« Vous… ne plaisantez pas, n’est-ce pas ? »

« Non. », dit Ryoma en secouant la tête.

« Aaah. Désolé de vous l’annoncer, mais je n’ai pas de meilleure épée que celle-ci en vente. »

Le forgeron soupira en jetant un coup d’œil à l’expression de Ryoma.

« J’utilise un moule pour forger, voyez-vous. Êtes-vous toujours d’accord avec ça ? »

Il avait vu la différence de qualité entre ses épées et l’épée de Ryoma. Ryoma l’avait néanmoins su dès qu’il avait mis les pieds dans le magasin.

« Oui, une épée moulée me convient. De préférence pratique… Cela dit, pourriez-vous aiguiser ça aussi ? », dit Ryoma tout en présentant ses chakrams ensanglantés.

« Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? Ce sont des armes ? »

Il n’avait probablement jamais vu de chakrams avant. Il les prit avec curiosité.

« Vous pouvez voir les lames le long des jantes. »

« Eh bien, elles n’ont pas l’air en aussi mauvais état que l’épée… » dit-il tout en les tenant contre la lumière pour inspecter leur état.

« Quand voulez-vous qu’ils soient prêts ? »

« D’ici demain matin, si vous le pouvez. »

« En supposant que ça me prendrait une heure pour faire chacun d’eux, j’aurai probablement fini avant midi. J’accepte le travail si vous êtes d’accord avec ça. »

Avant midi, hein ? Je suppose que je vais passer un peu de temps à l’auberge et m’arrêter à la guilde avant de venir ici…

« D’accord. Quel est votre coût ? » dit Ryoma, tendant la main dans le sac sur sa taille qui lui servait de portefeuille.

« Voyons voir… Si tu dois aussi acheter une épée, cela fera quatre pièces d’argent en tout. »

Ce montant n’était pas un problème pour Ryoma, étant donné qu’en ajoutant tous les matériaux qu’il avait échangés il avait gagné beaucoup plus que quatre pièces d’argent.

C’est une épée forgée, elle est donc moins chère que celle que j’ai achetée à la capitale… J’ai pensé qu’il me faudrait acheter des armes de remplacement assez tôt, mais cela aurait pu être un problème si elles étaient si chères…

La qualité de l’équipement d’une personne peut être une question de vie ou de mort, il était donc tout naturel de rechercher un équipement fiable. Mais si cette haute qualité faisait qu’il était difficile de la remplacer, cela pourrait causer des problèmes.

« D’accord. Je serai de retour demain, vers dix heures du matin, » dit Ryoma.

Il partit après avoir payé.

Bon, maintenant, allons chercher de la bouffe…

Se frottant l’estomac vide, Ryoma disparut dans les rues de Melpheren.

Le troisième jour depuis que Ryoma avait été convoqué dans cet autre monde s’était levé. Il était presque midi, et Ryoma voyageait seul sur la route d’Alue.

Ce matin-là, Ryoma avait pris un petit déjeuner tardif avant de rendre visite au forgeron pour ramasser ses armes affûtées.

Des bandits, hein. J’espère que je ne tomberai sur aucun d’entre eux…

Le souvenir de ce qu’il avait vu lorsqu’il s’était arrêté à la guilde quand il avait accepté des demandes lui était revenu à l’esprit.

« Vite, vite, vite, vite ! Que tous ceux qui ont confiance en leurs compétences acceptent cette demande ! »

Le garçon de la réception d’hier se tenait devant le tableau d’affichage avec un homme d’âge moyen appelé Girts, les deux appelaient les gens. Se frayant un chemin à travers la foule, Ryoma avait réussi à atteindre le tableau, en lisant le morceau de papier qui y était attaché.

N’est-ce pas la demande que le gars d’hier a ratée ? On ne les appelait pas la brigade lunaire cramoisie ?

La récompense inscrite sur l’avis était une pièce d’or par personne. C’était une récompense somptueuse. Comme la somme était beaucoup plus élevée que la compensation normale, Girts était entouré d’une foule.

Alors qu’il traversait la foule en se rendant à l’entrée de la guilde, Ryoma entendit les hommes parler.

« J’ai entendu ça, les gars !? Une pièce d’or pour tous les participants ! Avec huit individus, on peut repartir avec huit pièces d’or. En plus du trésor et de toutes les choses sur les crétins qu’on tue ! »

« Mince… La guilde se donne à fond sur ce coup-là. »

« Ils n’ont pas le choix. Golaes a tout fait foirer… La guilde doit garder les apparences, vois-tu ? »

« Quoi !? Golaes, le briseur de roc a échoué ce coup-là ? »

« Ouais. Apparemment, il a tué un autre groupe de bandits. »

« Oh, alors il est allé les tuer sans enquêter. C’est idiot… Qu’attendais-tu de cet abruti à la tête de pierre ? Je veux dire, il est fort et tout, mais il n’y a rien dans son crâne. »

« Fais attention. S’il t’entend dire ça, il t’arrachera la tête. »

« Oups… Moi et ma grande gueule… »

Les hommes qui se tenaient là étaient tous des aventuriers et des mercenaires, semblait-il. Les insultes malveillantes ne manquaient pas.

Golaes doit se sentir très mal en ce moment. Il n’avait pas non plus l’air si méchant…

Ryoma se dirigea à l’intérieur de la guilde alors que des insultes étaient murmurées tout autour de lui.

« Je suis vraiment désolé, mais toutes les demandes de livraison entre Melpheren et Alue sont actuellement en attente. Il y a des livraisons urgentes, mais elles sont toutes de rang C et plus, donc j’ai peur que vous ne puissiez pas les prendre, M. Mikoshiba. », dit la fille à la réception, inclinant la tête profondément.

« Est-ce à cause de ces bandits ? »

Il avait supposé que cela pourrait en être la cause, il avait ainsi parlé à la réceptionniste qui s’était excusée avec le sourire.

« Oui. Cet échec a porté atteinte à la dignité de la guilde… Et le gouverneur nous a aussi imposé ça… Ah ! Toutes mes excuses. S’il vous plaît, oubliez ce que j’ai dit. »

En s’empressant de répondre à sa question, elle avait accidentellement laissé échapper quelques affaires internes de la guilde. Posant sa main sur sa bouche, elle leva les yeux vers Ryoma avec un regard interrogateur.

Donc le gouverneur a pas mal d’influence par ici, hein… Ce n’est pas surprenant.

Même une organisation massive comme la Guilde, avec un réseau disséminé à travers le continent, devait tenir compte des nobles. Ryoma hocha la tête avec satisfaction, ayant entrevu les rouages internes des choses.

« Oh, non, je n’ai rien entendu. Cela dit, y a-t-il un travail que je peux entreprendre maintenant avec mon rang ? »

Bien qu’il n’y ait pas de besoin pressant d’assumer davantage de travail, il souhaitait acquérir autant d’expérience que possible, car cela lui serait bénéfique pour l’avenir.

« Eh bien ! Je pense que les demandes de chasse de rang F et E sont les seules quêtes que vous puissiez faire en ce moment. », dit-elle en s’excusant tout en pliant les documents entre ses mains.

« Les missions de rang F ne me donnent pas de points pour élever mon rang, mais offrent deux fois le salaire, non ? »

« Oui, exactement. Ces bêtes seraient trop nombreuses si quelqu’un ne les chassait pas périodiquement. Les gens ayant des rangs plus élevés ne prendraient pas ces demandes sans une sorte de bonus, et ceux des rangs les plus bas sont limités dans le nombre qu’ils peuvent traquer. La guilde ne peut pas vraiment se permettre de dépenser beaucoup d’argent, mais c’est un peu un service public. »

Elle avait un sourire résigné tandis qu’elle parlait.

Elle était évidemment mécontente que la guilde subisse des pertes. Elle avait peut-être compris que c’était nécessaire, mais elle n’y avait pas consenti personnellement.

« Y a-t-il une date limite pour ces demandes ? »

« Les demandes de chasse inférieure au rang B ne sont généralement pas limitées dans le temps. »

« Vraiment ? »

« Oui. Cela ne vous coûte rien d’accepter toutes les demandes de chasse que vous pouvez classer en dessous du rang B. »

« Je vais donc prendre toutes les demandes de chasse de rang E. », dit Ryoma après s’être arrêté pour réfléchir à ses mots.

Puisqu’il n’y a pas de restrictions ou de délais, je devrais prendre ces demandes chaque fois que possibles… Mieux vaut gagner de l’argent chaque fois que je peux.

« Très bien. Je vais donc vous confier cela. »

La réceptionniste lui tendit un livre.

« Qu’est-ce que c’est ça ? »

« Un glossaire des monstres que vous devrez chasser lors des demandes de rang E, combien ils paient et leurs habitats. Vous pouvez accepter au total un total de vingt demandes de chasse au rang E. Les expliquer verbalement prendrait trop de temps. Par conséquent, pour les rangs E et supérieurs, nous produisons des glossaires et les distribuons dès que les personnes répondent aux demandes de chasse. Assurez-vous de le lire attentivement. », dit-elle avec son plus grand sourire du jour, alors que Ryoma tremblait devant l’ampleur du tome qu’elle lui avait donné.

« Haah ... Entendu. »

Ryoma était clairement exaspéré.

Ayant failli foirer une fois auparavant, il n’avait pas d’autre choix que de le lire.

« J’ai enregistré les demandes sur votre carte, donc les formalités sont réglées. Bonne chance. »

Je vais juste le parcourir et essayer de comprendre l’essentiel de ce que j’ai besoin de savoir…

Plaçant le livre dans son sac, Ryoma quitta la guilde.

C’était arrivé deux heures après que Ryoma ait quitté Melpheren, sur la route menant vers une forêt dense. Elle était assez large pour que trois voitures puissent passer côte à côte, mais quand il regardait vers la forêt, les arbres semblaient assez hauts. Ils bloquaient la lumière du soleil, ce qui rendait la zone plutôt sombre. De plus, peut-être à cause de la menace des bandits, il n’y avait personne qui marchait le long de la route.

Ryoma Mikoshiba était la seule personne à marcher sur cette route en ce moment.

Mec, j’ai un mauvais pressentiment à propos de ça…

Une route entourée d’un feuillage épais. Un endroit idéal pour une attaque de soldats en embuscade ou de bandits.

Tout ira bien… N’est-ce pas ? Je veux dire, c’est le milieu de la journée…

Mais sa tentative d’autoconviction s’était effondrée comme un château de sable au son du cri d’une fille, assez tranchant pour déchirer la soie.

« Kyaaaaaaaa ! »

« Tais-toi ! Tu vas te taire ou pas ? »

« Non ! Laissez-moi partir ! »

« J’ai dit, tais-toi ! »

C’était juste au moment où la route prenait un virage serré vers la droite. Ryoma se glissa discrètement vers l’endroit d’où venait la voix. Se précipitant vers un grand arbre près du virage, Ryoma se cacha derrière lui et observa ce qui se passait.

Il vit une voiture qui semblait avoir été attaquée, et plusieurs hommes qui agrippaient deux filles par les cheveux. Il pouvait aussi entendre la conversation vulgaire qui se déroulait entre les hommes.

« Heheheheh, énorme butin aujourd’hui. Mais c’est moi, ou rien ne se déroule habituellement ces jours-ci ? »

« Tu as bien raison. On s’est aussi bien approvisionnés dans ce village hier. »

« Les femmes étaient plutôt décentes, pour des paysannes. Pas comme si on avait fait un tour avec elles, mais quand même… »

« Eh bien, qu’est-ce que tu vas faire ? Si on les vend, les biens d’occasion nous rapporteront moins que des neufs. »

« J’en ai marre des sorcières d’âge mûr, mec. Je tuerais pour quelque chose de jeune comme ça, tu vois ? »

L’un des hommes pointa les filles du doigt et rit en souriant.

« Ahahahaha ! Je ne peux pas discuter avec ça ! »

« Ne touchez pas à la marchandise ! Le patron fera tomber vos têtes pour ça ! », dit l’un des hommes lorsqu’un homme attrapa la blonde par les bras.

« Aww, allez. Regarde comme elles sont bonnes et dis-moi que tu n’en veux pas une part. », dit un autre homme en épinglant les bras de la fille aux cheveux argentés derrière son dos.

« Il marque un point. En plus, ce qu’il y a dans ce chariot atteint notre quota pour le mois et plus encore. »

L’homme qui fouillait le contenu de la voiture en sortit, regardant autour de lui ses compagnons.

***

Partie 5

Cela les avait incités à faire entendre leur voix d’un commun accord. La retenue des hommes avait été complètement brisée par la beauté des filles.

« Si tu oses lever la main sur nous, on va se mordre la langue ! »

La jeune fille aux cheveux argentés cria vaillamment, perdant apparemment patience après avoir entendu ce que les hommes avaient à dire.

« Ha ! Nous savons que vous, les esclaves, ne pouvez pas vous suicider ou résister, tant que vous portez ce collier ! »

Les sourires des hommes ne faiblirent pas

Les filles devinrent pâles. Elles ne s’attendaient pas à ce que les bandits le sachent. Comme l’homme l’avait dit, le pouvoir de ce collier limitait les actions des filles, car les esclaves n’avaient pas le droit de se suicider ou de résister.

« Mais juste pour être prudent… Hé, que quelqu’un lui fourre un chiffon dans la bouche ! »

« Stop ! Laissez-nous tranquilles ! »

Les deux femmes avaient désespérément essayé de se débarrasser des hommes, mais elles n’étaient pas à la hauteur en termes de force brute.

« Hé ! On n’a pas besoin de te dire ce qu’on va faire à l’autre femme si tu n’agis pas comme une gentille fille, hein ? »

La vue d’une épée poussée dans la direction de l’autre fille force la jeune fille aux cheveux argentés à cesser de se battre avec ferveur.

« Mais ton maître est un vrai salaud au sang froid, hein ? Dès qu’on a attaqué, il est parti avec ses gardes du corps. »

L’homme qui menaçait la fille aux cheveux argentés se moquait des deux.

« Tu ne peux pas lui en vouloir, n’est-ce pas, Gates ? Il en faut de la chance pour s’éloigner de la brigade lunaire cramoisi vivant. »

« Tu n’as pas tort ! »

L’homme appelé Gates a éclaté de rire.

« Whoa regarde ça, il y a 500 pièces d’or ici ! »

L’homme qui était allé à l’intérieur du chariot à la recherche de marchandises poussa un grand cri.

« Whoa, je n’arrive pas à y croire. Il a raison… »

« Sérieusement, est-ce que ce sont toutes des pièces d’or… ? »

En plus des tenues et des bijoux assortis, il y avait aussi un coffre rempli pour la plupart de pièces d’or. Il semblerait que les hommes ne s’attendaient pas à ce que leur butin soit si bon, car ils avaient peu à peu commencé à applaudir.

« Alors ! Je dirais qu’on a eu ici un sacré coup de chance. Ça veut donc dire qu’on peut faire ce qu’on veut à ces filles, non ? » dit l’un des hommes, sa voix tremblant de convoitise.

Comme happés par ses paroles, les autres hommes s’étaient exprimés d’un commun accord.

« Oui, je le pense aussi. On a tellement d’argent et de bijoux que personne ne se plaindra si on apporte des marchandises endommagées. »

La vue de la petite montagne d’or dans le coffre avait effacé de leur tête toute trace de retenue.

« Mais si le patron l’apprend… » dit prudemment un homme parmi eux avec une expression d’inquiétude.

Ils avaient l’air d’avoir beaucoup craint leur patron. Mais Gates considérait simplement cet homme avec un sourire méprisant.

« Ce n’est pas un problème. On se débarrassera des putes une fois qu’on en aura fini avec elles. Comment peut-il nous en vouloir s’il ne sait même pas qu’elles faisaient partie du butin ? »

Ces mots avaient fait sourire le seul homme qui semblait hésiter à violer les filles.

Un, deux, cinq… Il y en a sept... Très bien, comment dois-je m’occuper de ces types… ?

Le conflit faisait rage dans le cœur de Ryoma. Les hommes se tenaient dans une petite clairière à une dizaine de mètres du grand arbre, et leurs tenues n’étaient pas radicalement différentes de celles des mercenaires et aventuriers qu’il voyait en ville. Ils étaient vêtus d’armure et avaient des armes à la main.

Mais leurs expressions étaient celles de cruels prédateurs. Du genre qui violerait, souillerait, volerait et blesserait les autres, remplis de confiance et ayant une trop haute estime de leur propre force. Cette foi était visible comme le nez au milieu de la figure.

Ce sont des visages qui vous feront faire de vrai cauchemar…

En seize ans de vie, Ryoma n’avait jamais vu personne faire ce genre d’expression, celle d’un animal lubrique dégoûtant.

Qu’est-ce que je dois faire maintenant ? Dois-je sauver les filles ? Cependant, il ne serait probablement pas sage de s’impliquer dans des ennuis inutiles…

Ryoma était déchiré entre son désir de les sauver et le désir de les abandonner au nom de l’instinct de conservation.

Je n’aurai peut-être pas d’autres problèmes si je sauve ces filles maintenant, mais encore une fois, il y a une chance que je puisse… Et je vais certainement devoir tuer ces sept types si je le fais… Si l’un d’eux s’échappait, il appellerait des renforts. Pourrais-je vraiment y arriver ? Si j’attaque à cette distance et qu’ils utilisent les filles comme boucliers humains, alors je n’aurais vraiment pas de chance…

Une raison de les sauver. Une raison de les abandonner. Sa propre sécurité. Son sens de la justice. Ses poursuivants de l’Empire. De nombreux facteurs lui avaient traversé l’esprit, alors qu’il écoutait les divagations vulgaires de Gates.

Ils veulent les violer, puis les tuer…

Ces mots avaient rempli l’esprit de Ryoma de colère et d’envie de tuer.

Mec, pourquoi est-ce que j’y pense autant ? Est-ce que je veux vraiment laisser de telles ordures en vie ?

Ces sentiments honnêtes étaient nés dans le cœur de Ryoma.

Pourrais-je vraiment laisser ces filles derrière moi et retourner dans mon monde ? Serais-je satisfait de cela ?

Il avait l’intention de faire n’importe quoi pour quitter ce monde de merde dans lequel il avait été convoqué et trouver un moyen de rentrer chez lui. Il s’était même dit qu’il trouverait un moyen de rentrer chez lui, même s’il devait tuer tout le monde pour le faire. Mais en réfléchissant à la possibilité de laisser deux filles se faire violer et assassiner sous ses yeux, il s’était rendu compte qu’il n’était pas aussi déterminé qu’il le pensait.

J’ai déjà du sang sur les mains, et je ne le regrette pas. Les connards qui m’ont convoqué ici ont essayé de m’asservir et de me faire me battre pour eux, non ? Leur vie ne signifie rien pour moi. Si jamais je rentre chez moi, même si les gens me jugent, je leur dirai que j’ai fait ce qu’il fallait. « J’ai fait ce que j’avais à faire ! Vous n’avez pas le droit de vous plaindre », dirai-je. Mais si je laisse ces filles mourir, est-ce que je pourrais alors dire la même chose… ? Je m’en fous de ça. Peu importe ce que les autres pourraient penser, je ne pourrais jamais me le pardonner.

Aussi froid et implacable qu’il puisse être quand il s’agissait d’atteindre ses objectifs, Ryoma était fondamentalement une bonne personne, avec un cœur bon et une perception de la justice qu’on attendrait d’un être humain décent et moderne. Mais s’il y avait quelque chose qui le distinguait, c’était sa détermination.

La détermination à poursuivre cette justice, même si cela signifiait séparer ses ennemis de leurs âmes. C’était peut-être la seule chose qui le rendait différent de la plupart des gens.

Sortant ses chakrams de son sac, il se dirigeait à travers la forêt vers la position idéale pour lancer une attaque-surprise. Si son attaque préventive échouait, il n’aurait plus aucune chance de vaincre. Et cette fois, son visage n’était pas caché. Si l’un d’eux s’échappait, ils apporteraient des renforts et se vengeraient.

Je n’ai pas vraiment le choix si je veux augmenter mes chances de succès… Désolé, les filles.

Ryoma s’était excusé mentalement auprès des filles, qui étaient au bord de la crise. Peut-être qu’il essayait simplement de justifier mentalement ce qu’il faisait, mais…

Ryoma s’était déplacé vers le côté sud de la forêt, dans une position qui lui donnait une meilleure vue des hommes et des filles. Il y avait dix mètres de distance entre eux, et les hommes ne pouvaient pas voir Ryoma à travers les branches et les feuilles qui cachaient la route.

Est-ce que ces salauds vont les violer ici, au milieu de la route… ?

Au début, Ryoma pensait qu’ils pourraient aller ailleurs, mais les hommes avaient l’intention de faire l’acte juste là et maintenant, au milieu de la route. Cela faisait un certain temps qu’ils n’avaient pas attaqué de voiture, mais cela ne semblait pas les déranger. Même en considérant qu’il s’agissait d’une route vide au milieu de la forêt, leur confiance semblait étrange, voire franchement effrontée.

Putain d’animaux…

Les regardant avec dégoût, un sentiment d’inconfort s’empara de Ryoma. Mais il se débarrassa de ces sentiments et attendit patiemment, maîtrisant sa colère et son désir de tuer tout le temps.

Puis c’est arrivé.

« D’accord, alors c’est décidé ! C’est notre petit secret, les gars. Si le patron l’apprend, toutes nos têtes seront sur le billot ! » dit Gates, incitant tout le monde à hocher la tête.

« Très bien, alors commençons par la blonde ! »

C’est ce que dit l’homme qui retenait la fille aux cheveux dorés.

« Je vais alors prendre celle aux cheveux argent ! »

Les autres hommes commencèrent à parler avec enthousiasme.

« Hé, Gates, qu’est-ce qu’on va faire pour ces types ? »

« Aaaaah ? Qu’ils fassent ce qu’ils veulent. Bien que je vais prendre moi-même la virginité de la fille aux cheveux argent. »

« Quoi !? Gates, connard, depuis quand tu es le roi !? C’est moi qui prendrai sa virginité ! »

Ils étaient tellement excités qu’ils se lancèrent dans une discussion peu convaincante avant de finalement décider d’un ordre.

« Toi, Tyro. Garde l’œil ouvert. Eh bien, les forces d’asservissement de la guilde s’organisent et l’armée de l’Empire n’a pas bougé, donc il n’y a rien à craindre, mais un autre pigeon pourrait venir, alors garde les yeux ouverts ! Et les gars qui passent en second, serrez les bras des filles ! »

Les hommes agirent selon les instructions de Gates.

Alors, c’est lui le grand patron.

Ryoma serra fermement le chakram dans son poing.

« D’accord ! »

Les hommes enlevèrent leurs ceintures et baissèrent leur pantalon jusqu’aux genoux, exposant ainsi leurs parties intimes. C’était ce que Ryoma attendait.

Maintenant ! Meurs !

Au moment où les corps des hommes étaient sur le point d’obscurcir ceux des filles, Ryoma lança un chakram. Celui-ci se dirigea vers Gates en coupant le vent.

« Guah... »

Un peu de sang jailli de la bouche de Gates.

Le chakram que Ryoma avait tiré s’était enfoncé dans l’arrière de la tête sans défense de Gates, se logeant dans son crâne. Son corps s’effondra sur la fille.

Ryoma lança ses chakrams restants à l’abri, puis il fonça hors de la forêt, visant les hommes qui coinçaient les filles.

« Gaaaaaaaaaaaaaaaaaah !? »

« Geeeeeeeeeeeeeh !? » 

Un chakram s’était enfoncé dans le front d’un homme, et un autre dans la gorge de l’autre homme. Malheureusement, l’homme suivant évita le quatrième chakram lancé en plongeant la tête, le laissant passer au-dessus de lui. 

Trois de moins, plus que quatre.

Ryoma avait une bonne raison pour avoir attendu jusqu’au moment où les filles allaient être violées, il attendait que les bandits soient désarmés. Si un homme voulait violer une femme, il devait enlever son pantalon. Et comme ils portaient aussi des ceintures, cela signifiait qu’ils devaient aussi enlever les épées sur leur taille.

Ryoma avait, bien sûr, pensé aux dommages émotionnels qu’il infligerait aux filles, mais il devait gagner, et la façon la plus sûre de se débarrasser des hommes était d’attendre le moment où ils allaient commencer. Ryoma fit ainsi un pari, sa victoire ou sa défaite se jouerait en s’appuyant sur ce seul moment. Et le risque avait porté ses fruits.

Son attaque préventive avait éliminé le chef du groupe, Gates, et avait mis la formation ennemie hors de service. Leurs armes avaient été jetées par terre, ainsi que les ceintures qu’ils avaient enlevées pour violer les filles, et certains d’entre eux avaient encore leur pantalon suspendu autour de leurs genoux. Il était impossible de se préparer de façon réfléchie à la bataille dans ces positions.

***

Partie 6

Les surveillants étaient à une certaine distance, alors Ryoma avait dû battre en premier les hommes qui avaient coincé les filles.

« Quoi ? Qu’est-ce qui se passe !? »

Les hommes qui gardaient la route tombèrent après avoir remarqué la perturbation.

« Où est-ce que vous regardiez, crétins !? Nous sommes attaqués ! » cria l’un des hommes, le visage déformé par la luxure et la rage.

« Qui est-ce que tu es !? »

« Ne vous foutez pas de nous. Vous venez de vous faire de la brigade lunaire cramoisie votre ennemie ! »

Ignorant les hommes qui l’attaquaient, Ryoma se précipita aux côtés des filles.

« Espèce d’enfoiré, comment oses-tu nous ignorer ? Crève ! »

L’homme qui avait esquivé le chakram cessa de coincer les filles et dégaina son épée.

La tenant au-dessus de sa tête, il avait fait basculer la lame à pleine force vers le bas en direction du crâne de Ryoma. L’épée de Ryoma, qu’il tenait sous le bras, s’opposa à la lame. Le bruit des cliquetis métalliques et des étincelles se répandit. Une épée tomba. Une épée était brandie. Mais celui qui avait gagné était celui dont l’épée était brandie vers le haut.

L’homme visait la tête de Ryoma, mais Ryoma visait l’épée de l’homme lui-même. C’était cette petite différence qui avait fait pencher la balance dans cet échange. Alors qu’il avait réussi à empêcher l’épée d’être repoussée, la main droite de l’homme avait été repoussée, puis un son humide, comme une pastèque coupée en deux, se fit entendre dans la forêt.

L’épée de Ryoma avait frappé, écrasant la tête de l’homme.

Plus que trois !

Il avait réduit le groupe de sept à moins de la moitié de leur nombre de départ, mais l’effet de l’attaque-surprise s’estompait maintenant. Les trois qui étaient chargés de la garde s’étaient précipités en réponse, les armes à la main, et cherchaient une chance de frapper.

Ils ne vont pas charger… Merde !

Ils étaient dans une impasse. En termes de compétences martiales, les trois bandits n’étaient pas à la hauteur de Ryoma. Ils avaient probablement une vaste expérience du combat, mais ils n’étaient pas compétents en arts martiaux. Leur formation était parfaite, cependant, et ne permettait pas à Ryoma de profiter d’éventuelles ouvertures.

Ryoma remit son épée dans son fourreau accroché à la taille, en attendant que ses adversaires fassent un geste. Son regard s’était heurté au leur.

Vu la façon dont ça se passe, ça ne finira pas bien… Il faut que j’y aille !

Ryoma brisa sa position et réprima sa soif de sang envers les bandits. L’épée encore dans le fourreau, toute la force s’était vidée de ses muscles, et il s’était approché lentement des bandits. Contrairement à ce qu’il était avant, il n’y avait pas une once d’émotion dans les traits de Ryoma. Comme une poupée, il n’y avait pas un soupçon de ride dans son expression.

« Ne t’approche pas ! »

« À quoi penses-tu !? »

Il avait pris les bandits par surprise. Le corps de Ryoma était complètement lâche et ouvert aux attaques. Il faisait croire que n’importe quelle attaque pourrait facilement le toucher. Il se déplaçait calmement, pas à pas… Quand l’un des bandits perdit finalement son sang-froid.

« Te moques-tu de nous !? Crève ! » cria-t-il tout en portant son épée sur la tête de Ryoma.

Au moment où il le fit, le corps de Ryoma bascula à sa droite, et du sang jaillit du cou du bandit qui l’attaquait.

« Qu’est-ce que tu as fait !? »

Dans les mains de Ryoma, il y avait une épée nue, dégoulinante de sang, qu’il avait apparemment tirée à un moment donné. Mais ce qui avait ébranlé les autres bandits n’était pas sa maîtrise de l’épée, mais le fait que l’expression de Ryoma soit restée aussi calme qu’elle l’était alors qu’il tuait un homme et qu’il était partout couvert de son sang.

Et cette vague de terreur avait obscurci le jugement des bandits. C’était difficile de combattre face à eux quand ils agissaient ensemble dans une formation, mais quand la peur et l’anxiété les avaient vaincus, ils avaient renoncé à leurs moyens de survie.

Ils avaient levé leurs épées, abandonnant leur formation, se concentrant simplement sur l’ennemi devant eux comme de simples animaux. Ryoma frappa le torse exposé de l’un des bandits et profita de l’élan pour frapper le dernier en diagonale depuis l’épaule.

« Whooooooo… »

Après la dernière coupe, Ryoma fit couler le sang de sa lame et la remit dans son fourreau. En regardant autour de lui, il soupira fortement.

D’une façon ou d’une autre, j’ai réussi…

« E-Euh… Excusez-moi ? »

Une voix s’était soudainement fait entendre derrière lui.

Ryoma se retourna et aperçut les filles qui couraient vers lui.

« Oh, votre visage ! », dit-elle en utilisant sa manche pour essuyer les éclaboussures de sang sur le visage de Ryoma.

« Mes excuses. Je suis la sœur aînée, Laura. »

« Et je suis la petite sœur, Sara. »

La fille aux cheveux argentés s’était présentée, suivie de la blonde.

« Très bien. Allez-vous bien toutes les deux ? »

« Oui, nous allons bien. Nous vous remercions de nous avoir sauvés, » dirent-elles tout en inclinant la tête en signe de gratitude.

« Non, je suis désolé que vous ayez dû vivre ça. Honnêtement, j’aurais dû venir vous sauver bien plus tôt. »

Même s’il l’avait fait pour les sauver, il avait délibérément laissé les choses arriver au moment même où elles allaient être violées. Cette peur laisserait probablement des marques durables dans leur cœur.

Les filles, cependant, secouèrent la tête devant les mots de Ryoma.

« Ne vous excusez pas, monsieur. Le fait que notre corps ne soit pas souillé est tout ce qui compte. »

« C’est comme le dit Sara. Aucun remerciement ne suffira… Nous vous en sommes vraiment reconnaissants. »

Laura compléta la réponse de Sara, et toutes les deux inclinèrent à nouveau la tête.

« Vous entendre dire que c’est plus qu’assez… ! »

Ryoma fixa une fois de plus les filles, déconcerté par leur beauté. Leur peau était brun clair et leurs traits étaient parfaitement ciselés. Leurs membres étaient souples et leurs amples poitrines rendaient Ryoma terriblement conscient de leur féminité.

Elles étaient habillées comme des danseuses arabes, mais les colliers et les chaînes se distinguaient plus que tout.

Je comprends pourquoi les bandits ont perdu la tête en les voyant…

Mais en même temps, ces filles se sentaient mal à l’aise devant Ryoma.

Qu’est-ce qu’elles ont, d’ailleurs ? Ces filles sont-elles plus fortes que ces bandits ?

La forme de leurs muscles, la façon dont elles se tenaient et la vigilance de leur regard. Tout cela donnait l’impression que les filles étaient d’habiles artistes martiaux. Aux yeux de Ryoma, elles ne semblaient pas être de ces existences fragiles et délicates qui seraient si facilement violées par ces bandits.

« Euh… Y a-t-il un problème ? » demanda Laura, sentant Ryoma les regarder avec suspicion.

« Oh. Ah, désolé. Je pensais à quelque chose. Au fait, avez-vous un nom de famille ? »

Il avait ses soupçons, mais il ne serait pas sage de le demander maintenant. Ryoma leur parla avec la voix la plus agréable possible.

« Les esclaves n’ont pas de nom de famille… »

La réponse de Laura déforma l’expression de Ryoma.

Il l’avait supposé d’après le collier, mais ce monde avait vraiment des esclaves.

« Oh, je suis désolé… »

Ryoma regretta d’avoir posé cette question insensible.

« C’est très bien. Ne laissez pas cela vous déranger. »

Mais même quand les filles disaient ça, il y avait une ombre sur leurs expressions.

Un silence gênant planait au-dessus d’eux trois.

Putain… Je n’aurais pas dû demander ça…

Il savait qu’il devait dire quelque chose pour remédier à cette situation, mais il avait peu d’expérience avec ce genre de choses. Peu importe à quel point il se creusait la tête, il avait l’impression que tout ce qu’il trouverait ne ferait qu’empirer les choses.

C’est la voix de Sara qui brisa finalement le silence oppressant.

« Si ça ne vous dérange pas, pourriez-vous nous dire votre nom ? »

Il était tellement pris dans ses propres pensées qu’il avait oublié de se présenter.

« Oh, oups. Désolée. Je m’appelle Mikoshiba, Ryoma Mikoshiba. »

« Mikoshiba… Maître Mikoshiba. Permettez-nous de vous remercier encore une fois. Vous avez vraiment été d’un grand secours. »

Les deux femmes inclinèrent la tête une fois de plus.

« N’en parlons plus. Eh bien, à part ça, qu’allez-vous faire maintenant ? Voulez-vous que je vous escorte à Alue ? »

Leur réponse, cependant, avait surpris Ryoma.

« Non… toutes nos excuses, mais nous ne pouvons pas partir d’ici sans ordres de notre Maître. »

Ces mots inattendus firent arrêter les pensées de Ryoma. Il comprit cependant en regardant leurs expressions qu’elles ne plaisantaient pas.

« … Vraiment ? » leur demanda-t-il presque timidement.

Ryoma était si confus qu’il avait parlé de la manière la plus décontractée et sans retenue qui soit.

« Oui. »

Tous deux hochèrent la tête à l’unisson.

« Et où est votre Maître ? »

Ryoma examina la voiture attaquée, mais aucun des cadavres qui s’y trouvaient ne semblait être la bonne personne.

« Notre Maître s’est enfui avec ses gardes du corps quand la voiture a été attaquée. »

La réponse de Sara laissa Ryoma étonné. Elles obéissaient aux ordres d’un propriétaire qui les avait abandonnés et s’était enfui ?

« Alors, si j’ai bien compris. Ce Maître s’est enfui et vous a laissé derrière lui ? »

« Oui. »

« Et c’est pour ça que vous restez ici ? » demanda-t-il, espérant qu’on lui réponde par la négative.

Mais ses prières restèrent sans réponse. C’était le genre d’intuition que Ryoma aurait voulu être faux, et qui s’était avéré exact.

« Oui. Nous ne pouvons pas bouger, sauf ordre contraire de notre Maître. »

Les deux femmes hochèrent la tête, tandis Ryoma leva la sienne, regardant vers le haut.

Allez… Ça doit être une blague.

Il s’agissait, honnêtement, d’une évolution plutôt irritante. Ce que souhaitait Ryoma, c’était juste de ramener ces filles en ville, s’en aller le plus vite possible et leur faire ses adieux. Il y avait ses poursuivants de l’empire à considérer, et toutes les deux étaient assez méfiantes pour bouger. Mais tant que les filles insistaient pour ne pas bouger, retourner en ville n’était pas possible. Et il ne pouvait évidemment pas les traîner jusqu’à la destination.

Je ne peux pas faire grand-chose. Je vais aider les filles à s’installer et leur laisser la nourriture. Elles devront prendre soin d’elles après ça…

Réalisant qu’il n’y avait pas de changement d’avis chez ces filles, il leur avait donné des instructions pour commencer à monter le camp. Les laisser ainsi au cœur de la forêt lui avait bien sûr laissé un goût amer dans la bouche.

Je ferai ce que je peux pour les aider.

Il savait que c’était de l’hypocrisie de sa part, mais il ne pouvait pas faire grand-chose. Pendant qu’il demandait aux filles de préparer le camp, Ryoma porta les corps des bandits et ce qui semblait être des gardes du corps morts. Il pensait qu’il ne serait pas sage de les laisser là, mais cela avait conduit à un développement plus alarmant.

Alors que Ryoma traînait le deuxième cadavre dans les arbres, à trente mètres de la route, le bruit du cri d’une fille arriva aux oreilles de Ryoma.

C’était la voix de Sara ! Qu’est-ce qui se passe !?

Ryoma laissa tomber le cadavre qu’il portait et retourna en courant au camping. Regardant entre les arbres, Ryoma aperçut la route.

« Vous pensiez vraiment vous en tirer comme ça, bande de putes effrontées !? »

L’un des bandits, son armure tachée de sang, cria en montant sur un cheval avec Sara portée sous le bras.

« Je sais à quoi tu ressembles ! On te pourchassera partout où tu iras et on te tuera ! »

Putain de merde ! J’aurais juré l’avoir tué ! Ryoma claqua sa langue.

Pourtant, se maudire à lui-même n’allait rien changer. Le fait était que le bandit qui s’était fait taillader le ventre par Ryoma avait attrapé Sara et tentait de s’échapper à cheval.

***

Partie 7

Ryoma sortit un chakram de son sac et s’en alla vers le bandit.

Pas encore. Il est trop loin.

Bien qu’il soit pressé, les branches des arbres l’en empêchaient et ne lui permettaient pas de courir librement. Les chakrams étaient une arme puissante, mais ils avaient un défaut : leur portée était beaucoup plus courte qu’un arc.

La portée d’un arc commun était d’environ soixante mètres, mais un chakram avait une portée de trente mètres au mieux. Ils étaient compacts et pouvaient être tirés successivement, mais leur portée laissait beaucoup à désirer. Au moment où Ryoma atteignit la route, le bandit avait déjà poussé son cheval à galoper et avait une vingtaine de mètres d’avance sur Ryoma.

« Merde ! »

Ryoma regarda autour de lui, mais il n’y avait pas d’autres chevaux. Même s’il y en avait, Ryoma n’avait aucune expérience de l’équitation et n’était pas susceptible de rattraper le bandit de toute façon.

« Maître Mikoshiba ! »

Laura rattrapa Ryoma, le sang coulant de sa bouche. Peut-être que le bandit l’avait frappée.

« Ne t’inquiète pas. Je trouverai quelque chose ! »

« Non. »

Laura secoua la tête lors de la tentative de Ryoma pour l’apaiser.

« J’ai une requête à vous faire. »

« Une requête ? »

Son expression manquait étonnamment de peur, alors que sa petite sœur venait d’être enlevée. Et même quand Ryoma la regardait d’un air douteux, elle continuait à parler clairement.

« Oui. Mes excuses, mais pourriez-vous couper l’annulaire de votre main gauche ? »

« Désolé de le demander, mais pour quoi faire ? »

À ses paroles, Ryoma se demandait si Laura comprenait vraiment la situation dans laquelle ils se trouvaient.

« S’il vous plaît. Nous n’avons pas le temps. »

Du point de vue de Ryoma, l’expression de Laura semblait grave.

L’urgence de sa voix l’avait poussé à faire ce qu’on lui disait de faire, et il s’était entaillé l’annulaire gauche contre le bout de son épée.

« Est-ce suffisant ? »

« Oui ! »

Laura prit alors l’épée de Ryoma et l’utilisa pour couper l’annulaire de sa main gauche, puis s’agenouilla devant lui.

« Haut Dieu de Lumière, Menios. Prêtez votre oreille à mon serment. »

Est-ce qu’elle… prie ?

« J’offre mon corps, mon cœur et mon âme à mon maître. Tout sera comme mon maître le voudra ! Maintenant, Maître Mikoshiba, présentez votre main gauche. »

Laura continua à parler, alors même que Ryoma restait là stupéfait.

Guidé par les paroles de Laura, Ryoma tendit son doigt devant elle.

« Par le sang mêlé, mon serment est établi. », dit Laura en rapprochant leur annulaire et leur sang mélangé.

Une lumière vive émanait du cou de Laura. Son collier s’était effondré sans bruit, et les menottes liant ses membres s’étaient également détachées.

« Bien, je peux bouger ! Venez, il faut se dépêcher ! »

Les membres de Laura étaient pleins de force. Ryoma pouvait presque sentir ses muscles durcir comme de l’acier dans son corps souple et féminin.

« Mon maître, permettez-moi d’utiliser mon pouvoir, » demanda Laura.

Ryoma ne comprenait pas ce qui se passait, mais, stimulé par l’intensité de son regard, il hocha la tête. Voyant cela, Laura commença à chanter.

« Esprits du vent, rassemblez-vous à mes côtés et donnez-nous la vitesse pour marcher aussi rapidement que le vent ! Protection contre le vent ! »

À la fin de son incantation, comme l’avait demandé Laura, une lumière verte enveloppait leurs deux corps.

« Venez, Maître. Nous devons reprendre Sara ! »

« La reprendre ? On ne peut pas rattraper un cheval d’ici… »

Le regard de Ryoma errait au loin.

Le bandit qui montait à cheval avait déjà 200 mètres d’avance sur eux.

« On peut encore y arriver ! » cria Laura, qui se mit à chanter encore une fois.

« Esprits du vent, rassemblez-vous à mes côtés. Respectez ma volonté et abattez mon ennemi. Vent Tranchant ! »

Alors qu’elle terminait son incantation, Laura déplaça les deux bras horizontalement. Des lames de vent émanèrent de leur sillage et elles partirent ensuite en direction du bandit. Le bandit entendit le bruit du vent qui soufflait dans l’air et sentit quelque chose couper dans son flanc.

« Quoi... Merde ! Elle utilise la magie ! Ce type est-il aussi magicien ? »

Alors qu’il poussait le cheval à galoper plus vite d’une main, bloquant de l’autre son flanc blessé, l’image du visage de Ryoma fit surface dans l’esprit du bandit.

Pourtant, jurer sous son souffle n’allait pas changer la situation. À chaque balancement horizontal du bras de Laura, une lame d’air pressurisé éclatait et volait dans sa direction.

« Bordel de merde ! »

L’une des lames avait fini par couper la patte arrière du cheval et, la patte droite partie, le cheval s’était effondré au sol.

« Maintenant, allons-y. »

Confirmant de loin que le cheval s’était effondré, Laura prit Ryoma par la main.

« H-Hey, attends une minute. »

Au moment où il avait été pris par Laura, qui le tirait par le bras, Ryoma avait réalisé que quelque chose n’allait pas.

Son corps s’était précipité vers l’avant avec la légèreté d’une plume. Il ne leur avait fallu que dix secondes pour arriver à l’endroit où le bandit avait été frappé d’incapacité. En regardant la distance qu’ils venaient de parcourir, Ryoma avait été choqué. C’était une distance et une vitesse qui seraient impossibles même pour un sprinter qui détenait le record du monde.

Le vent qu’elle avait utilisé tout à l’heure… était-il de la même puissance que celui-ci ? Ça l’était, c’est sûr. Alors qu’est-ce que c’est… ?

« C’est la magie du vent. Ne le savez-vous pas ? »

Voyant la confusion de Ryoma, Laura le considérait avec méfiance.

Qui est cet homme ? Pourrait-on être aussi doué en arts martiaux sans connaître la magie ? Non, ça ne devrait pas être possible. Mais…

Dans ce monde, ceux qui détenaient le pouvoir avaient une relation étroite avec la magie. C’était une technique nécessaire pour que les forts restent forts. Presque tout le monde le savait. Même s’ils n’avaient pas la capacité de l’utiliser, tout le monde le savait.

Je ne peux pas dire que je ne suis pas au courant… Ryoma était perplexe devant les paroles de Laura. Mais si j’en dis trop, elle verra à travers mon mensonge. Qu’est-ce que je fais ?

Un silence assourdissant s’était prolongé, pour être dispersé par une voix qui les appelait.

« Laura. »

C’était Sara.

« Ça va, Sara ? Tu n’es pas blessée ? »

« Pas du tout ! Je me suis préparée pour la chute, donc je vais bien. »

Elle s’était préparée ? Je suppose que ce n’est peut-être pas impossible, mais se lever sans une égratignure en tombant d’un cheval au galop… ?

Comme Ryoma l’avait supposé, ces sœurs étaient extrêmement compétentes.

« Je vois. Et le bandit, Sara ? »

« Sa jambe a été écrasée sous le cheval et il ne peut plus bouger. Qu’est-ce qu’on fait de lui, Laura ? »

« C’est à mon maître d’en décider. »

Comprenant la situation, Sara fit un petit signe de tête et les deux femmes tournèrent leur regard vers Ryoma.

« Moi ? »

Il n’y avait pas grand-chose à penser ici.

Ryoma ne voyait pas l’intérêt de garder le bandit en vie.

« D’accord, je déciderai quoi faire, mais pas de plaintes, compris ? »

Voyant les deux femmes acquiescer, Ryoma sortit son épée et s’approcha du cheval.

« Putain ! Ma jambe ! Lâche-moi, cheval de merde ! »

Ryoma pouvait entendre le bruit du bandit qui jurait et donnait des coups de pied pendant que le cheval hennissait bruyamment.

« Toi… »

Les traits du bandit s’étaient effondrés de terreur lorsqu’il vit Ryoma s’approcher.

« Ne t’approche pas ! Recule, ne t’approche pas de moi ! Ne t’approche pas ! »

Mais Ryoma continuait de marcher. Toute la couleur s’était drainée du visage du bandit quand il vit l’épée dans ses mains.

« H-Hey, laisse-moi partir, s’il te plaît. De l’argent ? Tu veux de l’argent ? Ou peut-être des femmes ? Je peux aussi t’avoir des femmes ! »

Mais Ryoma continua son avance silencieuse, son visage était insensible aux paroles du bandit. Avec son visage inexpressif et immobile comme un masque, il ne faisait que s’approcher de plus en plus.

« Pourquoi, toi… ! Pourquoi es-tu si silencieux et prétentieux !? La Brigade lunaire cramoisie compte plus d’une centaine de membres ! Crois-tu que tu peux te faire des ennemis et t’en tirer comme ça !? »

Ryoma leva son épée, comme s’il n’avait pas entendu la menace.

« Attends ! Nous ne sommes pas que des bandits ordinaires. Nous sommes des corsaires, approuvés par le royaume de Xarooda ! Si tu poses la main sur nous, tu devras te battre avec eux aussi ! »

Le bandit criait encore et encore, puis Ryoma ouvrit finalement les lèvres pour parler.

« Es-tu un putain d’abruti ? »

« Quoi ? »

Le bandit lui demanda simplement de répondre, surpris par la rupture du silence par Ryoma.

« Si je te tue ici, qui dira à qui que ce soit que c’était nous ? Que vas-tu faire, nous balancer à ton royaume Xarooda depuis outre-tombe ? »

Comme Ryoma l’avait dit, le bandit le regarda simplement d’un air abasourdi.

« Les morts ne peuvent rien faire. Et je n’avais pas non plus l’intention de te laisser rester en vie de toute façon. »

« S-Stop. » dit le bandit, son visage pâlit en raison de la réalisation.

« S’il vous plaît, non. J’ai une petite fille à la maison ! »

Les méchants semblaient agir de la même façon dans la réalité que dans la fiction. Ils accostèrent les faibles, mais supplieraient ceux qui étaient plus forts qu’eux d’avoir pitié d’eux. S’il s’agissait d’une histoire fictive, les paroles du bandit auraient pu faire naître un sentiment de sympathie chez le protagoniste et lui faire hésiter. Mais malheureusement pour lui, Ryoma n’était pas si naïf.

« Peut-être que tu as un enfant, ou peut-être pas. C’est la même chose pour moi. Mais ne t’inquiète pas. Contrairement à toi, je suis décent. Je ne m’en prendrai pas à ta fille », dit Ryoma, son expression refusant de changer.

« Non… Ne le fais pas. »

Le visage de l’homme était déformé par la terreur.

Un coup d’acier impitoyable tomba sur la tête du bandit.

« Es-tu sûr que c’était sage de te débarrasser de lui si vite ? »

Laura appela Ryoma alors qu’il rangeait son épée.

« Y a-t-il un problème ? »

Il semblerait que, des deux sœurs, Laura était celle qui était la plus encline à parler.

« Non, mais il y avait beaucoup de choses que tu aurais pu lui demander. »

Le bandit avait dit un certain nombre de choses importantes. Ryoma, cependant, secoua la tête.

« Non. Honnêtement, je m’en fichais. En plus, il n’y avait aucune base pour juger si ce qu’il disait était vrai. »

« Base pour juger… ? » Laura le considérait perplexe.

Peut-être est-elle du genre naïf, qui a tendance à croire tout ce qu’elle entend, se demanda Ryoma. Mais il n’avait pas dit ça.

« Je ne suis pas assez bon pour accepter une vieille histoire qu’un bandit comme ça essaierait de me faire gober. Et honnêtement, je m’en fiche s’il disait la vérité… Cela dit, je suis content qu’on ait ramené ta petite sœur saine et sauve. »

« Merci beaucoup, Maître. »

Les sœurs s’inclinèrent profondément devant Ryoma. Il les avait sauvées deux fois en une journée, et n’importe qui en serait reconnaissant. Mais alors qu’il acceptait leur gratitude, Ryoma posa des questions sur quelque chose qui le tracassait.

« Eh bien, de rien. Mais plus important encore, qu’est-ce que c’est que cette histoire de “maître” ? »

Ryoma n’était pas du genre à s’exciter auprès des gens qui l’appelaient « Maître ». Pour être franc, ça le mettait mal à l’aise.

« Vous avez fait un pacte de sang avec nous tout à l’heure, n’est-ce pas ? Vous êtes devenu notre seigneur et maître. Et c’est pourquoi nous vous appelons naturellement : Maître. »

***

Partie 8

Tandis que Laura faisait sa proclamation, la poitrine gonflée de fierté, de nombreuses questions surgirent dans la tête de Ryoma. Après mûre réflexion, il se souvint que Laura lui avait demandé de se couper l’annulaire plus tôt.

« Pacte de sang… C’était le truc de tout à l’heure, avec les doigts coupés et le sang ? »

« Oui. » 

Tandis que Laura acquiesçait de la tête à la question de Ryoma, Sara s’avança.

« Maître, voulez-vous aussi faire un pacte de sang avec moi ? »

« Oui, c’est vrai. Maître, vous devriez aussi faire un pacte de sang avec Sara. »

Laura hocha la tête en entendant sa sœur, comme si c’était une évidence.

Eh bien… Dans quoi est-ce que je me suis fourré maintenant ?

Il semblerait que la conversation avançait indépendamment de la volonté de Ryoma, le laissant dans la poussière. Il s’était retrouvé en train de regarder le ciel.

« Désolé, mais est-ce qu’on peut l’éviter ? Je veux dire, vous n’avez pas besoin de me servir ou quoi que ce soit d’autre. »

Les mots de Ryoma étaient probablement sortis de nulle part, parce que les visages des filles étaient pleins de tristesse.

« Qu-Quoi que ce soit pour… ? Nous trouvez-vous si répugnantes ? »

Les yeux de Sara se remplirent de larmes et l’expression de Laura s’assombrit. Mais Ryoma ne parlait pas d’affection ni de manque d’affection pour elles. N’importe qui serait naturellement surpris si on leur disait soudain qu’ils sont le maître d’un esclave.

« Non, ce n’est pas le problème ici. »

« Ça ne l’est pas ? »

Les filles regardèrent Ryoma.

Le fait d’avoir deux filles d’une beauté sans pareille qui le regardaient comme ça causait certainement un conflit dans le cœur de Ryoma. Il mit cela de côté et demanda, tout en avalant ses paroles de consentement.

« N’attendiez-vous pas votre maître ici tout à l’heure ? »

« Maintenant que j’ai conclu un pacte de sang, je n’ai plus besoin d’écouter les ordres de cet homme. »

Bien que ce soit certainement ce qui s’était passé auparavant, Laura secoua la tête avec déni.

« Cependant, Sara est toujours liée à sa magie, donc elle ne peut pas bouger d’ici. C’est pourquoi nous vous avons demandé de faire un pacte de sang avec elle. »

« Ce qui veut dire qu’on pourrait retourner en ville ? »

« «  Oui. Seulement si on fait un pacte de sang. » »

Les deux l’avaient dit en même temps, hochant la tête fortement.

Je n’ai pas vraiment le choix. Après tout, je préfère ne pas laisser les filles ici.

Ryoma n’avait pas pu s’empêcher de ressentir de la rancune face à sa tendance à s’attirer des ennuis alors qu’il était déjà un homme en fuite. Pourtant, il ne pourrait pas les laisser mourir s’il avait les moyens de les aider.

Surtout quand c’était des beautés sans pareilles.

« Bien. Faisons ce pacte de sang. Après ça, on passera au crible la voiture, on prendra tout ce qui a de la valeur et on ira à Alue. Si nous partons maintenant, nous devrions y être à huit heures du soir. Mais quand nous y serons, pourriez-vous me donner une explication un peu plus convaincante ? », demanda Ryoma en poussant un grand soupir.

« Comme vous le voulez. »

Les voix soulagées des sœurs résonnaient contre les arbres.

Après que Ryoma eut fait le pacte de sang avec Sara, ils retournèrent à la voiture et commencèrent à passer au crible les objets que les bandits avaient pris.

« Oh, wôw. Il y a des trucs qui ont l’air chers là-dedans. »

En plus du coffre plein de pièces d’or, il y avait aussi plusieurs caisses remplies d’ornements de cheveux et de bracelets décorés qui semblaient être faites avec des rubis et des saphirs.

« Les esclaves sont habillés ainsi en prévision de leur vente. Cela les rend plus attrayantes et cela augmente leur prix. »

« Hmm… »

À en juger par la taille de la voiture, il devait probablement y avoir une dizaine d’esclaves.

« Ces pièces d’or ont été gagnées en vendant les autres esclaves. »

Si elles étaient aussi jolies que Laura et Sara, Ryoma pourrait voir comment ils pourraient obtenir une telle somme. Les yeux des filles s’étaient remplis de larmes en pensant à leurs amies qui avaient été vendues.

Le bruit soudain de pas de l’autre côté des arbres avait mis fin à leur conversation.

« Laura, Sara ! »

La voix de Ryoma avait incité les filles à sortir les épées qu’elles avaient récupérées des bandits morts. Elles se tenaient de part et d’autre de Ryoma, avec lui au centre de cette formation efficace, bien qu’impromptue.

Ce sont des monstres ? Ou bien y a-t-il encore d’autres bandits ?

Mais contrairement aux attentes de Ryoma, c’était la voix d’une personne ordinaire.

« Patron ! Par ici ! »

Un homme était sorti des arbres et s’était faufilé sur la route.

Regardant de temps en temps, il avait repéré Ryoma et les jumelles. Avec la surprise dans les yeux, il se retourna.

« Oh, on l’a enfin trouvé ! Et les bagages ? La marchandise !? »

Après cet homme, trois hommes en armure étaient apparus. Et la voix qu’ils venaient d’entendre revenait de derrière eux.

« On dirait que les bandits se sont enfuis. Mais la voiture est foutue, hein… ? La marchandise a l’air d’aller bien, hein. Tout est en ordre ici. »

« Quoi ? Laura et Sara ! Alors elles sont vivantes ! Les bandits ne les ont pas souillées, n’est-ce pas ? Leur valeur serait dépréciée si elles devenaient des biens d’occasion, vous savez ! »

« Ne t’inquiète pas pour ça, mais on pourrait avoir un autre problème, hein. »

L’homme fixa son regard sur Ryoma.

« Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes !? »

« Patron, ça a l’air sûr, alors sors de là. »

« Est-ce vraiment sûr !? »

Pendant que la voix parlait, ils pouvaient entendre le son de quelqu’un qui marchait sur l’herbe.

C’est quoi ce type ?

La question de Ryoma était, malheureusement, assez naturelle à poser. Ce qui était sorti de la forêt était un cochon de 170 centimètres de haut et pesant plus de 200 kilogrammes. Son physique ressemblait à celui d’un lutteur de sumo à ventre de pot, sauf qu’il ne semblait pas y avoir des muscles développés sous toute cette graisse. Tout ce saindoux était le résultat d’un manque d’exercice et d’une suralimentation.

Il ne portait rien sur le torse sauf un gilet sans manches, avec un turban autour de la tête et un pantalon arabe blanc. Il ressemblait à un marchand arraché aux Mille et une Nuits.

C’est donc ça, un marchand d’esclaves. Je peux comprendre maintenant pourquoi il s’est enfui en laissant les jumelles derrière lui…

Voir ce cochon avait tout déclenché. Ils avaient probablement été pris en embuscade et, ne se souciant pas des apparences, le cochon était parti avec ses gardes du corps. Ryoma ne pouvait pas voir cette forme obèse échapper aux lames des bandits autrement.

« Oh, donc vous allez bien toutes les deux ! J’avais peur que les bandits vous aient souillées ou tuées, ou au moins qu’ils vous aient emmenées ! » dit le cochon, en s’approchant des jumelles.

Son attitude insouciante montrait clairement qu’il était convaincu qu’elles ne pouvaient pas lever le petit doigt pour lui faire du mal.

« Ne t’approche pas ! »

Sara brandit son épée face au marchand d’esclaves.

« Si tu t’approches, on te coupe ! »

Mais les menaces des filles n’avaient rencontré que des ricanements moqueurs du marchand et de ses gardes du corps.

« Dis, patron. Les filles sont terriblement rebelles, hein ? »

« Indubitablement. On dirait qu’elles ont oublié leur place d’esclaves. Je ne les ai peut-être pas assez bien disciplinées. »

« Vous l’avez peut-être oublié, mais cet homme est votre maître. Vous lui appartenez. Qu’est-ce qui vous fait croire que vous pouvez pointer une épée sur lui ? »

« Ferme ta gueule ! On ne t’appartient plus ! »

« Gahahahaha ! »

L’homme-cochon montrait un visage rempli de convoitise au son de la menace de Laura.

« Je ne sais pas ce qui vous a mis cette idée en tête, mais vous m’appartenez. Vous êtes ma précieuse marchandise que j’ai passé cinq bonnes années à polir. »

À chaque fois qu’il se mettait à rire, son gros bidon ondulait.

« Tu nous as laissées ici à notre sort et tu as fui pour sauver ta vie ! »

« Bien sûr que je l’ai fait. À quoi bon m’accrocher à ma marchandise si je me fais tuer pour ça ? Mais j’allais aussi chercher la marchandise que je laissais traîner. Qu’est-ce qu’il y a de mal à ça ? »

Il y avait certainement une sorte de logique dans les paroles du marchand d’esclaves. L’acte de ramasser quelque chose que vous avez laissé tomber avait un sens… tant que le mot « quelque chose » ne faisait pas référence à un esclave.

Voyant le marchand et ses gardes du corps ne montrant aucune trace de remords devant les cris de Laura, Ryoma sentit sa colère monter en flèche. Ils ne voyaient les autres que comme des objets. Il fallait voir la laideur qu’ils montraient de ses propres yeux pour vraiment comprendre.

« Allons, patron. Laisse-nous faire. »

« C’est vrai, hein. Elles sont peut-être fortes, mais sans maître, elles ne peuvent pas utiliser leur magie. »

Les hommes ne pensaient pas que Laura et Sara pourraient utiliser leur pouvoir. La situation était de cinq contre trois. Ils étaient désavantagés, mais selon la façon dont les choses s’étaient passées, ils étaient capables de surmonter cela. S’ils pouvaient tuer le marchand d’esclaves, le chef du groupe, le reste s’arrangerait.

« On dirait que ce garçon leur a rempli la tête d’absurdités et maintenant elles deviennent insolentes avec nous. »

Un des gardes du corps dégaina dans la direction de Ryoma.

« Oh, je vois, c’est donc toi qui as mis ces idées idiotes dans la tête des filles, n’est-ce pas ? Tu es un chevalier blanc en armure brillante. Qu’il en soit ainsi. On a subi de grosses pertes à cause de l’attaque des bandits, alors j’ai besoin d’un esclave de plus. Capturez le garçon vivant, les gars ! Il a un bon physique. Il devrait valoir un bon prix en tant qu’esclave des champs… Ghrck ! »

Du sang avait jailli de la bouche du marchand. Un anneau brillant s’était logé dans son cou à un moment donné. Ryoma avait silencieusement tiré un chakram, qui déchira le cou du marchand d’esclaves, mettant fin à sa vie.

Les gardes du corps étaient restés figés sur place, incapables de faire face à l’attaque soudaine qui venait de se produire.

Sérieusement. Quel idiot finit !

Ryoma ne voyait en lui qu’un imbécile pour avoir fait des tirades interminables devant quelqu’un qui avait clairement l’intention de le tuer. Il n’y avait pas de règles dans les batailles mortelles, il n’y avait que la question de savoir qui avait survécu et qui n’avait pas survécu.

Allez-y, donnez-moi la chance de vous tuer sur un plateau d’argent, pourquoi ne le faites-vous pas ?

Un coin du cœur de Ryoma se remplit de mépris pour le cochon mort, mais maintenant il était au milieu d’une bataille. Étouffant ses moqueries, il s’était concentré sur ce qu’il fallait faire.

« Maintenant ! »

Répondant à l’appel de Ryoma, les jumelles s’étaient précipitées de son côté, avec leurs épées brandies. Elles passèrent à côté de Ryoma, chargeant les gardes du corps choqués et non coordonnés.

Comme je le pensais.

Le résultat qu’il attendait se jouait sous ses yeux. Chacune des filles avait son propre style de jeu d’épée. Celui de Laura en était de la force brute. Son épée descendit rapidement sur la lame de l’adversaire, la brisant à la racine, et s’enfonçant dans la tête de l’homme avec le même élan.

L’habileté de Sara, par comparaison, résidait dans sa technique. Tandis que l’adversaire déplaçait instinctivement sa propre épée, son épée s’était heurtée à la sienne, elle avait enfoncé la lame de l’adversaire dans leur gorge.

Leurs styles se juxtaposaient fortement les uns aux autres. Mais Ryoma pouvait dire qu’elles étaient toutes les deux arrivées à ce point grâce à un entraînement long et ardu.

« Qui donc peux-tu bien être… ? Comment es-tu si fort !? »

***

Partie 9

Le cerveau du groupe, le marchand d’esclaves, était mort, et la surprise avait suffi à déstabiliser les gardes du corps, les laissant ouverts aux attaques et permettant aux jumelles de les terrasser facilement. Seul l’homme qui s’était précipité sur la route restait devant Ryoma.

« Hmph ! Donc tu es le seul qui reste. »

Les regards froids des filles se tournèrent sur l’homme qui restait.

« Attendez… Hey. » 

Il semblerait avoir enfin compris la position, les yeux montraient qu’il était en panique.

« Attendez, comment ? Comment pouvez-vous utiliser votre pouvoir… ? Vous ne pouvez pas l’utiliser sans un maître ! »

Les paroles du garde du corps avaient fait courber les lèvres des filles, montrant ainsi des sourires méprisants. C’était le sourire d’une bête confiante en sa victoire. Et pourtant, elles étaient restées aussi alertes et prêtes au combat qu’avant, avec leurs muscles tendus et prêts à dévier toute attaque que le garde du corps pourrait leur envoyer.

« Cet homme est notre maître ! »

Les regards des filles se tournèrent vers Ryoma.

« C’est des conneries. Les esclaves ne peuvent pas faire un pacte de sang avec quelqu’un tout seuls… »

« Nous avons appris à faire un pacte de sang quand nous étions jeunes. As-tu oublié d’où nous descendons ? Notre père nous l’a apprise. »

« Quoi !? Alors pourquoi ne l’avez-vous pas fait jusqu’à maintenant !? »

L’homme pâlit devant les paroles de Sara.

« Nous ne te devons aucune explication ! »

Alors que Laura disait ça, Ryoma s’était lentement approché de l’homme.

« Kuh. Merde ! Je ne l’oublierai pas, sales bâtards ! »

L’homme décida de faire un dernier pari. Il se retourna et partit aussi vite qu’il put.

Ce n’est pas un mauvais choix… Mais il a merdé se dit Ryoma en regardant l’homme battre en retraite.

Il ne courait pas dans la forêt, mais plutôt sur la route. Il y avait des monstres dans la forêt, et cette menace avait éliminé cette option d’évasion. Ryoma sortit alors un chakram et le jeta sans rien dire à l’arrière de la tête de l’homme. Le bruit du chakram qui coupait le vent et s’enfonçait dans le crâne de l’homme avait rempli la forêt.

« Bien. J’ai beaucoup de choses à demander, mais allons d’abord à Alue. On pourra parler ensuite. », dit Ryoma aux jumelles après avoir récupéré son chakram ensanglanté.

« « Comme vous le souhaitez. » »

Elles inclinèrent la tête et commencèrent à mettre de l’ordre dans les objets de valeur qui se trouvaient là.

Cela montrait qu’elles savaient ce qu’elles étaient censées faire.

Je voulais seulement les aider, mais on dirait que j’ai fini par perdre la tête, dit Ryoma en soupirant, tout en regardant les deux filles obéir à ses ordres.

Après avoir transporté les cadavres du marchand d’esclaves et de son entourage dans la forêt, Ryoma et les filles prirent tous les bijoux et objets de valeur qu’ils pouvaient trouver avant de se rendre à Alue. Heureusement, ils n’avaient pas rencontré d’autres bandits ou monstres, et ils y arrivèrent à 10 heures du soir. Tous les restaurants étaient déjà fermés, Ryoma décida donc de se rendre directement à l’auberge de la ville.

« Très bien, parlons pendant que nous mangeons. Allez, ne restez pas plantées là, venez ici et asseyez-vous. »

Il y avait sur la table du ragoût et du pain que l’aubergiste avait gracieusement réchauffé pour eux. Ryoma pensait qu’il leur avait fait une demande assez simple, mais les filles regardaient les chaises vers lesquelles il se dirigeait avec confusion.

« Qu’est-ce qui ne va pas ? Ça va refroidir. », demanda Ryoma aux filles d’un ton douteux alors que les jumelles échangeaient des regards.

« Il est interdit aux esclaves de manger à la même table que leur maître. Nous mangerons plus tard. »

« Hein ? », demanda Ryoma à la suite de la réponse de Laura.

« Il est interdit aux esclaves de manger avec leur maître. »

Tandis que Sara répétait les mêmes paroles, Ryoma regarda son visage attentivement.

Est-elle sérieuse ?

C’était une déclaration bien trop stupide pour y croire.

« Euh… Ce n’est pas permis, vous dites… ? Vous avez du ragoût juste devant vous. Ça va refroidir. »

« Les esclaves n’ont pas le droit de manger de la nourriture chaude. », répondit Laura comme si elle disait une vérité évidente.

Qu’est-ce qui se passe avec ces filles… ? Les esclaves se préoccupent-ils vraiment autant de ce que dit leur maître ? Mais je suis leur maître… Je suppose que cela signifie… Hé, attendez une seconde !

Ryoma, qui n’avait aucune expérience de l’asservissement des gens, trouvait que l’attitude des jumelles était trop lourde.

« Alors, si j’ai bien compris. Vous devez obéir à votre maître, n’est-ce pas ? »

« « Oui. C’est le devoir de l’esclave de servir son maître. » »

Elles avaient répondu à la question de Ryoma à l’unisson.

Il n’y avait même pas un soupçon d’hésitation dans leurs paroles. Elles le croyaient du fond du cœur.

« Et je suis votre maître, n’est-ce pas ? »

« Oui. Vous êtes le Maître avec qui nous avons conclu un pacte de sang, » déclara Laura, avec Sara hochant la tête en silence.

« C’est vrai. Dans ce cas, c’est un ordre de votre maître. Asseyez-vous et dînez avec moi ! »

« Hein !? »

Les deux échangèrent des regards étonnés.

« La nourriture n’est que moitié moins bonne si on la mange seul, voyez-vous ? En plus, je veux discuter de ce qu’on va faire ensuite. Alors, asseyez-vous ! »

En toute honnêteté, il pouvait difficilement supporter de manger seul un repas somptueux avec les jumelles qui le regardaient comme ça. C’était insupportable. Les sœurs étaient tombées dans un silence contemplatif pendant un moment.

« … Très bien. Toutes nos excuses. Viens, le Maître a parlé. Asseyons-nous. »

Laura, qui avait l’air de s’être conduite toute seule, poussa Sara à s’asseoir.

« D’accord, parlons autour d’un dîner ! »

« Comme vous voulez. »

Ryoma était d’avis que manger ensemble serait plus amusant, mais les filles semblaient mal à l’aise avec l’idée. Après avoir mangé une cuillerée ou deux de ragoût, elles déposèrent leurs ustensiles.

C’est gênant… D’après ce que j’ai entendu jusqu’ici, on dirait que les esclaves sont traités plus mal que je ne l’imaginais. Je ne vais pas les faire changer immédiatement.

Les vieilles habitudes ont la vie dure, comme on dit. Mettant cette question de côté, Ryoma décida de poser des questions sur le pacte de sang. Ce n’était peut-être pas un sujet idéal de discussion autour d’un dîner, mais Ryoma ne pouvait pas laisser les choses en suspens.

« Alors, récapitulons la situation actuelle. Je sais que je me répète en posant cette question, mais je suis devenu votre maître maintenant, non ? »

« Oui. Le pacte de sang que nous avons conclu plus tôt nous a placés dans une relation de maître et d’esclave. »

« Oui, à ce propos ! Parlez-moi de ce pacte de sang. », demanda Ryoma, fronçant ses sourcils tout en mâchant du pain.

« Le pacte de sang a deux buts. Le premier est un rituel de loyauté entre un chevalier et son seigneur. Dans ce cas, il ne s’agit que d’une simple formalité et elle n’a aucun pouvoir contraignant. L’autre se fait entre les esclaves guerriers et leurs maîtres. »

« Esclaves guerriers ? »

Ryoma remit le pain dans ses mains à sa position antérieure sur la table et regarda Laura.

« Oui, en plus des esclaves manuels et des esclaves sexuels, il existe un type unique d’esclave connu sous le nom d’esclave guerrier. Comme leur nom l’indique, ce sont des esclaves habitués aux combats, et comme ils possèdent naturellement le pouvoir de combattre, ils ont les moyens de se révolter contre leurs maîtres. En tant que tels, tous les esclaves guerriers ont un sceau apposé sur eux, leur interdisant toute hostilité sans l’autorisation explicite de leur maître. »

L’explication de Laura dégoûta le cœur de Ryoma. Celui-ci ne supportait pas l’idée que les gens violent la volonté des autres. Tout ce que Laura lui disait en ce moment n’était ni plus ni moins que l’imposition de la volonté du maître à leurs esclaves. S’ils craignaient que les esclaves se révoltent contre eux, cela signifiait simplement qu’ils les traitaient d’une manière qui les inciterait à se révolter.

« Je vois. Question suivante, alors. Comment avez-vous pu faire ce pacte ? »

Si l’explication de Laura était vraie, il n’y avait aucun moyen pour des esclaves comme elles de savoir comment faire un pacte de sang. Si tous le pouvaient, tout le système de gestion des esclaves s’effondrerait sous son propre poids. Ryoma posa cette question pour une raison simple : cela aurait pu être un piège de l’empire. Peut-être avaient-elles été envoyées à la recherche de Ryoma afin qu’il les sauve, qu’elles puissent ensuite gagner sa confiance jusqu’à ce qu’il se laisse attaquer.

« C’est… »

Sara bégayait. Il semblerait que, pour une raison quelconque, elle ne voulait pas répondre à la question de Ryoma.

Mais après avoir échangé un regard avec Laura, elle se tut.

« C’est bon, Sara. Il est normal qu’il ait des soupçons. Très bien, je vais vous le dire. Nous vous demandons seulement de garder cette histoire pour vous et de ne la raconter à personne d’autre, Maître. »

Voyant dans ses yeux une résolution inébranlable, Ryoma acquiesça d’un signe de tête vigoureux. Il n’était de toute façon pas du genre à révéler les secrets des autres.

« Notre nom de famille est Malfist. C’est le nom d’une lignée de chevaliers au service du royaume du Quift, qui existait autrefois le long de la côte occidentale du continent central. »

Une lignée de chevaliers ? Ce sont donc des nobles, issus des échelons supérieurs de la société. Elles sont vraiment jolies et raffinées, mais comment ces nobles princesses sont-elles devenues esclaves… ?

L’histoire sombre de Laura dépassa l’imagination de Ryoma.

« Ton vrai nom est Laura Malfist, c’est ça ? »

« Oui. La maison Malfist était un ancien clan de guerrier qui servit la lignée royale de Quift pendant des générations. La famille royale nous faisait grandement confiance, et notre lignée était souvent au cœur de la défense nationale. Mais cela prit fin il y a environ cinq ans. Un différend avec un voisin et partenaire commercial de longue date, Shadora, a conduit à une guerre totale, qui a conduit le royaume de Quift à la destruction. La terre de notre père était une île au large des côtes du royaume, mais même cet endroit n’était pas à l’abri de la propagation des feux de la guerre. »

Les larmes brillaient dans les yeux des filles, peut-être à cause du souvenir de ce qui s’était passé.

« Notre père s’est battu désespérément pour défendre les citoyens et le royaume. Mais quand le roi fut assassiné à cause de la trahison de la faction du Premier ministre, la guerre devint favorable à la faction de Shadora, et Père fut forcé d’abandonner nos territoires. »

« Et c’est là que vous avez toutes les deux réussi à vous échapper ? »

« Oui. »

Les jumelles hochèrent la tête.

« Il nous a affecté plusieurs soldats comme gardes et nous a envoyées à la frontière pour fuir dans un autre pays. »

« Mais s’il vous a donné des gardes, comment êtes-vous devenus esclaves ? »

« C’est parce que nous tous… y compris nous-mêmes, jugions mal le caractère des gens. »

« Laura… »

La question de Ryoma fit paraître sur le visage des filles de la colère, de l’humiliation et du regret.

« Nous n’avons pas vu à quel point le cœur des gens peut être faible. C’est arrivé un soir, alors que notre bateau, déguisé en navire de commerce, traversait la frontière vers un pays voisin. Nos gardes nous ont attachées et vendues au marchand d’esclaves d’Azoth. Bien qu’ils soient tous des chevaliers de confiance et qui nous ont bien servis pendant des années… »

Les gardes en qui elles avaient confiance les trahissaient et les mirent en esclavage. Ça avait vraiment l’air tragique. Et comme on dit, les malheurs ne venaient jamais seuls, et une mauvaise chose en entraînait une autre.

J’ai de la peine pour elles, mais je ne peux pas non plus blâmer ceux qui les ont trahis…

Cette pensée était apparue dans l’esprit de Ryoma. Les gardes du corps qui les avaient vendus essayaient de s’accrocher à leur propre vie. L’effondrement de la lignée familiale, c’était comme la faillite de votre entreprise. Si vous demandiez aux employés de s’occuper de la famille du PDG après la faillite de l’entreprise, cela n’arriverait jamais.

Ce genre de lien ne pouvait durer que tant que l’argent coulait. C’était ce que Ryoma pensait, mais il n’était pas assez stupide pour exprimer cette pensée avec des mots. Ryoma fit donc avancer la conversation.

***

Partie 10

« Ce marchand d’esclaves, Azoth, c’est le type qu’on a rencontré cet après-midi ? »

« Oui. Nous savions lire et écrire, et nous avions une formation de base en arts martiaux et en magie, alors il nous a formés pour devenir des esclaves guerriers. »

Il était logique qu’elles aient appris à se battre dans ces circonstances. Ryoma pouvait voir pourquoi elles étaient ainsi devenues des esclaves guerriers.

« Je vois. Alors, comment avez-vous su faire un pacte de sang ? » 

Les yeux de Ryoma brillèrent. C’était la question la plus importante. 

« Quand nous étions plus jeunes, notre père nous a appris à faire le pacte de sang. Il a dit que cela pourrait nous être utile. » 

« Il a fait ça… au cas où vous auriez gagné vos propres esclaves ? » 

À l’origine, elles se trouvaient dans une position sociale où elles employaient des esclaves, de sorte qu’elles savaient comment lier les esclaves avec un contrat.

« Oui. Cependant, les esclaves ne peuvent pas faire un pacte de sang avec d’autres esclaves. Nous devions trouver quelqu’un qui était au moins un civil pour former le pacte de sang avec lui. »

Ryoma hocha la tête. C’était logique. Si les esclaves pouvaient former des pactes de sang avec d’autres esclaves, tout le système ne serait pas capable de les lier. Et ce n’était pas comme si n’importe quel roturier le ferait. Elles devraient choisir la bonne personne.

« Vous cherchiez quelqu’un de digne de confiance… Alors, ça veut dire que vous me faites confiance ? »

« Bien sûr. Vous vous êtes battu tout seul pour nous protéger, et j’ai pensé que vous étiez un homme digne qu’on vous serve. »

« J’ai ressenti la même chose. »

Sara hocha doucement la tête, renforçant les paroles de Laura.

« Aaaaah. »

Ryoma soupira fortement, après avoir entendu leur explication.

Eh bien, qu’est-ce que je dois faire d’elles maintenant… ?

C’était les sentiments honnêtes de Ryoma. Les regards des jumelles étaient fixés sur lui.

« Je comprends votre histoire. Mais si c’est le cas, je vous libère toutes les deux. On a eu l’argent du marchand d’esclaves, vous pouvez ainsi l’utiliser pour commencer une nouvelle vie. »

Ryoma fuyait l’empire, devoir s’occuper d’elles deux ne serait qu’un obstacle.

« Nous ne pouvons pas ! »

Cependant, les paroles de Ryoma avaient été clairement rejetées par Laura.

« Même si nous sommes devenus esclaves, nous avons encore l’orgueil et le sang des Malfist qui coule dans nos veines. Vous avez protégé nos vies et nos chastetés malgré le risque de mort. Laissez-nous vous servir jusqu’à la fin de nos vies. »

Les yeux des filles s’illuminaient, montrant une forte détermination.

« Non. Écoutez, je ne vous ai pas sauvées juste pour que vous me soyez reconnaissantes. Vous n’avez pas besoin d’aller aussi loin. »

Bien sûr, il ne voulait pas dire qu’elles ne devaient pas se sentir reconnaissantes du tout. Il s’attendait au moins à quelques mots de gratitude au strict minimum, mais cela allait trop loin.

« Non ! Laissez-nous vous servir ! » dit Laura alors que Sara acquiesça d’un signe de tête.

« Eh bien, bon sang… J’ai ma propre situation à prendre en compte, vous savez, » déclara vaguement Ryoma, seulement pour que Sara le comprenne.

« Est-ce… lié au fait que vous venez d’un autre monde, Maître ? »

« Pardon ? », dit Ryoma, le sourire persistant sur son visage.

Pourtant, les jumelles remarquèrent l’agitation de Ryoma dès qu’il changea d’attitude.

« Vous n’avez pas à vous inquiéter. Nous n’avons pas l’intention de le dire aux autres. Nous voulons simplement connaître votre situation. »

Un bref silence tomba sur la pièce.

« Pourquoi ? »

Ryoma finit par demander.

« Si nous voulons vous servir, Maître Ryoma, nous devons connaître votre situation. Nous vous demandons donc de nous faire part de votre situation. »

Un autre long silence persista.

Qu’est-ce que je fais ? Je pourrais les tuer pour les empêcher de parler, mais… non, ce serait stupide. Je me suis déjà donné tout ce mal pour refuser de les abandonner. Je m’y suis préparé dès le moment où j’ai choisi de les sauver… Très bien.

Des émotions contradictoires traversèrent l’esprit de Ryoma.

« D’accord, très bien. »

« « Le pensez-vous vraiment !? » »

Les paroles de Ryoma incitèrent les filles à se pencher par-dessus la table, et Ryoma leva les mains pour les arrêter.

« Je comprends ce que vous ressentez, mais personnellement, je n’ai pas besoin d’esclaves. Si vous choisissez de me suivre après que je vous ai tout dit, je veux que vous le fassiez non pas comme des esclaves, mais de votre plein gré. »

Il ne voulait pas qu’elles s’acquittent de leurs obligations en tant qu’esclaves, mais en tant que personnes ayant leur propre volonté et leurs propres choix. C’était la conclusion optimale que Ryoma avait choisie. Les sœurs échangèrent un regard après avoir entendu sa décision, puis Laura proclama d’une voix forte.

« Très bien. Si c’est la volonté de notre Maître ! »

Il semblerait que leur façon de penser n’ait pas beaucoup changé.

Ryoma leur raconta ce jour fatidique où il avait été convoqué dans ce monde. Comment, après avoir été convoqué, il tua le magicien qui l’avait convoqué. Comment il fuyait les soldats de l’Empire . Comment il avait l’avantage qu’ils ne savaient pas à quoi il ressemblait. Et enfin comment il planifierait maintenant son prochain mouvement.

Mais même après avoir clairement expliqué les dangers de voyager avec lui, les jumelles ne semblaient pas avoir changé d’avis. Bien au contraire, en fait.

« S’ils ne savent pas à quoi vous ressemblez, voyager avec nous rendra leur recherche encore plus difficile, pas vraie ? Ne supposeraient-ils pas que vous n’avez pas d’alliés dans ce monde ? »

Telle était sa proposition. Après avoir vu leur détermination à l’accompagner, entendu les avantages de leur voyage ensemble et dit qu’il finirait par les libérer de leur servitude, Ryoma décida d’autoriser les sœurs à venir avec lui.

« Êtes-vous sûres de vouloir venir avec moi ? J’ai l’intention de quitter ce monde dès que j’en aurai l’occasion. »

Ryoma n’avait pas l’intention de rester plus longtemps dans ce monde. Même si personne ne savait comment le renvoyer sur Terre, Ryoma avait l’intention de trouver un moyen de partir de rien s’il le devait. Telle était sa détermination.

« Dans ce cas, nous resterons à vos côtés jusqu’au jour où vous retournerez dans votre monde, » déclara Laura, un sourire sur son visage.

« Laura. »

Sara, qui se tenait à côté d’elle, se mit à lui parler.

« Ne pourrions-nous pas aussi aller dans le monde de Maître Ryoma ? »

« Mon dieu. Oui, c’est une option. Une idée merveilleuse ! Comme ça, on pourra toujours le servir. »

Les mots de Sara firent que l’expression de Ryoma fût épouvantée.

Un instant, bon sang… Les ramener avec moi ? Grand-père voudra voir ma tête au bout d’une pique… peu importe ce qu’Asuka pourrait faire.

Mais sans se soucier du conflit intérieur de Ryoma, les sœurs sourirent joyeusement.

J’y songerais quand le temps sera venu. Je devrais me concentrer pour l’instant sur le passage de la frontière.

Le lendemain, le trio traversa la ville d’Alue pour faire ses provisions et rassembler du matériel pour le voyage à venir. Les sœurs étaient plus habituées à un style de combat qui utilisait des cimeterres dans chaque main, mais malheureusement, personne à Alue n’en vendait.

Comme leur armure ne leur convenait pas (à cause de la taille de leur poitrine et de leurs hanches minces), ils se contentaient d’acquérir des épées et de lancer des couteaux.

Ce qui était vraiment stupéfiant, cependant, c’était l’héritage du marchand d’esclaves, Azoth. Ils apportèrent les pièces d’or à la banque et, comme prévu, il y en avait cinq cents. Ils portèrent les colliers et les bijoux chez un marchand de pierres précieuses, qui annonça un coût surprenant.

« Le montant total est de trois mille pièces d’or. »

« « « Hein !? » » »

Trois voix stupéfaites se chevauchaient dans la boutique du marchand de pierres précieuses.

« Êtes-vous mécontent du prix ? Franchement, c’est tout ce que je peux donner… »

Le marchand de pierres précieuses prit apparemment leur exclamation non pas comme une surprise face aux prix, mais comme une déception du total final.

« Ah ! Non, non… c’est parfait. »

Ryoma savait qu’il y avait beaucoup de bagues et de colliers dans le coffre, mais il n’avait jamais imaginé que cela lui rapporterait autant. Entendant la réponse de Ryoma, le bijoutier sourit.

Hein ? Est-ce que ce gars… essaye de nous escroquer ?

Peut-être pensait-il que Ryoma et les jumelles étaient des amateurs et qu’il avait injustement essayé de leur acheter les bijoux à bas prix. Cela dit, Ryoma n’avait aucune idée de combien ils valaient vraiment, et transporter autant de métaux précieux avec lui alors qu’il était en cavale serait un risque.

« Je vois ! Je vais donc tous les prendre. Cependant, je crains de ne pas avoir ce genre de montant en main… Un virement sur votre compte serait-il acceptable ? »

« Oui. Euh… » Ryoma jeta un coup d’œil aux jumelles.

Il n’était pas difficile pour Ryoma de comprendre qu’il était le seul à avoir un compte.

« Prenez ceci, alors. »

Bien sûr, même si l’utilisation de son compte était la seule option, il se sentait coupable d’avoir tout pris à son compte. Mais en voyant les sœurs hocher la tête, il lui remit sa carte.

« Avant de vous inscrire à la guilde, nous devons nous arrêter à la banque. »

« La banque, Maître ? »

Sara fit écho aux paroles de Ryoma.

Toutes les deux n’avaient pas vraiment de connaissances en matière d’aventuriers.

« Oui. Vous devez avoir un compte avant de vous inscrire, afin qu’ils puissent vous récompenser de vos missions. »

« Est-ce ainsi ? »

Les visages des sœurs étaient remplis de surprise et de respect.

Cette personne est vraiment incroyable. Il a été convoqué il y a seulement quelques jours, et il en sait déjà plus que nous.

Tandis que Laura était admirative, les pas de Ryoma s’arrêtèrent soudain.

« C’est vrai, nous y voilà. »

Ryoma passa par l’entrée de la banque, face à la rue principale.

Trente minutes plus tard.

Après avoir ouvert des comptes à la banque, le trio se dirigea vers la guilde et les filles complétèrent leur inscription. En plus de cela, le trio avait également appris des informations importantes au sein de la guilde et retourna à l’auberge.

L’empire bloquait les frontières. Lorsqu’il avait inscrit les sœurs à la guilde, il prit la décision de passer à la ville suivante, Adelpho, car ils étaient forcés de changer ses plans.

« Il nous faut un plan de secours. »

« Oui, je crois qu’aller à Adelpho serait une mauvaise idée, » déclara Laura.

« Je suis d’accord. Si c’était un blocus normal, nous pourrions passer en payant généreusement les forces stationnées. », dit Sara en hochant la tête.

« La princesse Shardina, hein… »

« Oui. »

Les deux hochèrent la tête en entendant les mots de Ryoma.

« Le blocus est commandé sous les ordres directs de la princesse, donc la corruption a peu de chances de fonctionner ici. »

L’argent pouvait résoudre la plupart des problèmes, mais avec la princesse étant leur commandement direct, il était peu probable qu’un pot-de-vin tenterait quiconque. Au pire, ils pourraient être décapités sur le champ.

« Alors, soit on continue… soit nous battons en retraite… »

Une carte des territoires de l’empire qu’ils avaient acheté dans un magasin était étalée sur la table devant eux. Elle était pour un usage civil, donc elle ne montrait que l’emplacement des villes, les routes qui les reliaient et la distance approximative entre elles, mais c’était mieux que rien.

« Si nous battons en retraite, nous devrons aller au sud… »

Pour arriver à la frontière sud, il faudrait aller au sud-ouest d’Alue à travers la forêt monstrueuse, retourner à la capitale et aller plus au sud de là. Couper à travers la forêt diminuerait la distance, mais comme ils étaient susceptibles de rencontrer des monstres, la distance serait plus ou moins la même.

« Non… Je ne vais pas au sud. L’empire se méfiera probablement de la frontière sud. »

Cette frontière était la plus proche de la capitale. Ses poursuivants supposeraient naturellement que Ryoma, étant en fuite, préférerait prendre le chemin le plus court possible pour sortir du pays.

« Ce qui laisse le nord et l’ouest… »

L’expression sur le visage de Laura montrait clairement qu’elle n’était pas en faveur de cela, et le raisonnement derrière cela était apparent d’un bref coup d’œil sur la carte. Les frontières étaient beaucoup trop éloignées. Selon la carte, la distance entre chacune d’elles, si l’on devait aller en ligne droite, était de 500 kilomètres. S’ils allaient à pied, à 30 kilomètres par jour, il leur faudrait un demi-mois pour s’y rendre.

S’ils étaient prêts à perdre leur temps pour franchir cette distance, il serait plus sage et plus sûr d’attendre simplement que la chaleur de la poursuite s’éteigne et que les blocus soient levés d’eux-mêmes. Cela dit, s’ils attendaient simplement, il y avait une chance que l’empire déploie ses effectifs massifs pour débusquer Ryoma. Vu les dangers, il était clairement préférable pour Ryoma de traverser la frontière le plus tôt possible. Les sœurs l’avaient aussi bien compris.

« Je suppose que notre seule option est de continuer vers la frontière est… »

Les sœurs hochèrent la tête.

« J’ai une idée à ce sujet, » dit Sara, et deux paires d’yeux fixèrent leurs regards sur elle.

« Vas-tu suggérer de quitter la route ? », demanda Laura, incitant Sara à hocher la tête.

« Bien que nous n’ayons pas d’autre choix que de traverser la frontière est, nous n’avons pas besoin de passer par Adelpho pour le faire. Si nous choisissons d’entrer dans la forêt plutôt que de prendre la route, nous devrions pouvoir passer dans le royaume voisin de Xarooda. Qu’en dites-vous ? »

Sara déplaça son doigt de la position d’Adelpho sur la carte vers une zone boisée au nord de celle-ci, ce qui conduit directement au royaume de Xarooda.

Ce n’est pas une mauvaise idée, mais…

Ryoma n’arrivait pas à se débarrasser d’une certaine inquiétude. La suggestion de Sarah était sensée et ne présentait aucun défaut, mais une angoisse inexplicable s’empara de son cœur.

Si la princesse est assez intelligente pour prédire que je préférerais aller vers l’est et fermer la frontière à cause de cela, n’envisagerait-elle pas la possibilité que j’essaie de quitter la route ?

Les routes de ce monde étaient protégées par des barrières que seuls des monstres extrêmement puissants pouvaient espérer franchir, de sorte que le fait de voyager le long des routes permettait un voyage sûr. C’était aussi écrit dans le livret de la guilde.

Mais cela ne signifiait pas que l’utilisation des routes était la seule option. Ceux qui étaient confiants dans leurs compétences et disposés à renoncer à séjourner dans une auberge agréable au lieu de passer la nuit dans la forêt étaient les bienvenus pour quitter les routes principales. Peu de gens feraient ce choix, cependant. Les seuls qui le feraient étaient les criminels, les aventuriers ou les espions, des gens ayant des raisons et des circonstances particulières.

À en juger par la rapidité de ses décisions, la princesse Shardina était une femme pleine d’entrain. Elle ne négligerait pas d’envisager la possibilité que de telles personnes choisissent de traverser la forêt. Cela dit, à en juger par les informations qu’il avait recueillies en cours de route, il n’y avait pas beaucoup de poursuivants se dirigeant vers la frontière est. Il était peu probable qu’ils soient en mesure de gérer la totalité des terres occupées par la forêt. À cet égard, la suggestion de Sara semblait toujours réalisable.

Mais s’ils étaient découverts, ils seraient sans aucun doute arrêtés. Les soldats de l’Empire ne savaient pas à quoi ressemblait Ryoma, ce qui ferait inversement de tout homme de grande taille un suspect. Si c’était le cas, même avec Laura et Sara qui l’accompagnaient, il était peu probable qu’ils le laisseraient partir.

Je ne les vois pas me laisser partir juste parce que Laura et Sara sont avec moi… Dans ce cas, ça ne sert à rien d’y aller ensemble… Non, attendez une seconde…

Ryoma eut une vague idée en tête. Les forces de l’empire n’étaient pas au courant de la présence des sœurs Malfist. Elles ne seraient pas détenues tant qu’elles ne voyageraient pas avec lui. Et quand il y a pensé, une idée lui était venue à l’esprit.

« Sara, Laura. Allons-y en traversant la forêt. Mais… »

Alors que Ryoma parlait avec un sourire cruel effleurant ses lèvres, les yeux des filles s’écarquillèrent de surprise.

Très bien. Il est temps que je t’apprenne qui est la cible ici, princesse.

C’était à ce moment-là que le chasseur et le chassé échangèrent leurs rôles.

***

Chapitre 4 : Le chasseur et le chassé

Partie 1

Le bruit du feuillage écrasé sous les bottes remplissait la forêt. Cela faisait un jour et demi que Ryoma était entré dans la forêt au nord de la ville d’Alue. Les jumelles n’étaient pas en vue. Après qu’ils eurent terminé leurs préparatifs pour le voyage, Ryoma partit tout seul pour la forêt hors de la route.

La forêt était gouvernée par l’obscurité. Le scintillement des étoiles ne pénétrait pas dans le voile des arbres, et sans feu pour éclairer le chemin, il serait impossible de voir quoi que ce soit.

« Jusqu’ici, tout va bien… » chuchota Ryoma à lui-même, illuminant les grandes racines des arbres à ses pieds.

Il n’était avec les jumelles que depuis deux jours, mais il sentait déjà leur absence. Personne ne le jugerait pour être devenu sentimental après avoir été jeté dans un monde qui ne lui est pas familier.

Ryoma regarda prudemment autour de lui, mâchant le bœuf séché qu’il avait acheté en ville. Une journée et demie à l’écart de la route principale avait bien assez appris à Ryoma à quel point cela pouvait être dangereux, même s’il n’y avait naturellement pas d’ennemis que Ryoma ne pouvait pas affronter. Il avait quitté la route, mais ce n’était pas un grand détour.

Cependant, leur nombre était écrasant. Chaque fois qu’il battait un monstre, l’odeur de son sang en attirait un autre, entraînant un cercle vicieux. Il ne s’en était pas rendu compte l’autre jour, alors qu’il chassait les chiens sauvages, mais le fait de pouvoir se retirer de la route sécurisée et se reposer les nerfs était une bénédiction majeure. Cependant, maintenant qu’il avait été forcé de combattre des monstres à une telle cadence sans avoir le temps de s’arrêter pour respirer, la tension retombait sur lui.

Sont-ils enfin là ?

Tandis que Ryoma reposait son corps près du feu, il sentit un mouvement dans l’air et un regard fixé sur lui dans l’obscurité, et cela ne ressemblait pas à un monstre. Le regard perçant des ombres semblait presque adhésif.

Ryoma doutait que ce soit un autre aventurier qui ait décidé de traverser la forêt. S’ils voulaient se reposer près du feu, ils l’appelleraient. Et s’ils remarquaient qu’il s’était rendu compte de leur présence, ils le prendraient pour un bandit et lanceraient une attaque préventive.

De plus, ce n’était pas le regard d’un bandit. Il n’y avait pas d’avidité dedans. Il y avait certainement une sorte d’adhésivité désagréable, mais ce n’était pas basé sur le désir de prendre l’argent d’un autre.

Ryoma posa une main sur le manche de son épée. Qui que ce soit, s’ils avaient l’intention d’attaquer, Ryoma était prêt à les abattre. C’est alors que la voix d’un homme parla des ténèbres.

« Je vous ai fait sursauter. Mes excuses. »

Ryoma serra son épée contre lui.

« Pas besoin d’être aussi prudent. J’aimerais juste prendre un peu de votre temps. »

Sa façon de parler était résolument vexante. Ses paroles étaient polies, mais, d’une manière ou d’une autre, elles avaient un tel poids qui ne laissait aucune place à l’argumentation.

« Très bien. Mais sortez lentement. », dit Ryoma.

Un instant plus tard, il entendit le bruit des branches qui se séparaient. Quand Ryoma vit le visage de l’homme qui s’approchait en face de lui illuminé par le feu, un certain doute remplit son cœur. Ses cheveux étaient soigneusement peignés, et il avait un visage ovale et allongé. Il mesurait environ 175 centimètres, et il regarda Ryoma avec des yeux sereins cachés derrière une paire de lunettes à monture argentée.

Il ressemblait à un salarié, comme on en trouve d’innombrables exemples dans un quartier d’affaires japonais. Sauf, bien sûr, que vous auriez du mal à trouver un salarié japonais blindé et armé d’une épée.

« Hmm, quelque chose ne va pas ? » demanda l’homme, ayant apparemment remarqué la confusion de Ryoma.

« Ce n’est rien… J’ai juste pensé que vous ne ressembliez pas vraiment à un bandit. »

« Mon Dieu. Vous dites des choses troublantes. Puis-je m’asseoir ici ? », dit l’homme en souriant.

Sans attendre la réponse de Ryoma, l’homme s’assit en face de Ryoma.

« Je ne me souviens pas avoir dit que vous pouviez. »

Malgré l’avertissement de Ryoma, l’homme ne semblait pas s’excuser. Au contraire, il en avait profité pour commencer à parler.

« Très bien. J’ai juste besoin de vous poser deux ou trois questions, et ensuite je m’en vais. »

Ryoma semblait s’être résigné au fait que rien de ce qu’il pouvait dire ne changerait cela, et il fit signe à l’homme de continuer.

« J’imagine que vous êtes un aventurier, mais j’aimerais savoir ce que vous faites dans une forêt près de la route. Travaillez-vous ? »

« J’ai entendu à Alue que le poste frontière était bloqué. Et apparemment personne ne sait quand elle sera levée, alors j’ai décidé de couper à travers la forêt. J’ai confiance en mes compétences et je me suis préparé à camper. »

Ryoma répondit honnêtement à la question de l’homme.

« Oh… C’est vrai ? Mais je ne peux pas dire que je trouve ça très louable. Aussi confiant que vous pouvez être dans votre bras armé, traverser la forêt tout seul… Êtes-vous pressé ? Peut-être êtes-vous poursuivi par quelqu’un ? »

Les yeux de l’homme se rétrécirent, son regard devenant plus vif. Il y avait une lueur dans ses yeux, comme s’il essayait de voir à travers un mensonge.

« Non, il n’y a pas d’urgence, mais je préfère aller de l’avant et accumuler de l’expérience que de rester assis en ville en attendant que le blocus soit levé. En plus, la chasse aux monstres me rapportera de l’argent. »

« Je vois, je vois… »

C’était au tour de Ryoma de regarder l’homme en face.

« Et qui êtes-vous pour me demander ce genre d’informations ? »

Ryoma avait déjà une idée assez claire de ce qui se passait, mais il avait quand même demandé, feignant l’ignorance. L’important était de ne pas éveiller les soupçons de l’autre personne. Du moins, pour le moment.

« Oh, mes excuses. Je m’appelle Hideaki Saitou. Je suis le vice-commandant des Chevaliers Succubes de l’Empire d’O’ltormea. »

« Oooh. Impressionnant… »

Ryoma continuait de jouer son rôle, supprimant silencieusement ses doutes.

Alors c’est vraiment un de mes poursuivants, hein… Mais, Saitou ? Il a l’air japonais, mais…

Comme il ne connaissait pas encore qui était la personne en face de lui, il avait décidé qu’il serait plus sage de faire semblant d’être un simple aventurier.

« Et que faites-vous au milieu d’une forêt, capitaine adjoint ? » demanda Ryoma avec un soupçon de politesse, puisqu’il connaissait maintenant la position de l’autre personne.

« Vous voyez, je suis à la poursuite d’une certaine personne. Nous soupçonnons qu’il essaie de traverser la frontière à travers cette forêt. »

« Une certaine personne ? Qu’est-ce qu’il a fait ? »

« Oh, je m’excuse. C’est une affaire confidentielle, et je ne peux pas divulguer les détails à un étranger… », Saitou répondit à l’intérêt de Ryoma avec un ton tout à fait imperturbable.

C’était ce que Ryoma pensait pouvoir dire. Il ne s’attendait pas à ce que Saitou dise la vérité facilement à ce moment-là, ce serait pire s’il le faisait. Ce serait une chose s’il n’avait qu’une bouche lâche, mais Ryoma savait à quoi pouvaient bien faire face ceux qui apprenaient des choses qu’ils ne devraient pas entendre.

Mais s’il n’interrogeait pas Saitou ici, cela paraîtrait suspect. S’il ne demandait pas, cela signifiait qu’il savait déjà quelque chose.

« Oh, désolé. En quoi cela vous intéresse-t-il, alors ? Vous ne me suspectez pas, n’est-ce pas ? »

Tandis que Ryoma parlait d’un ton presque offensé, Saitou haussa les épaules d’un air agité.

« Non, non. Je ne vous soupçonne pas du tout, mais on ne connaît pas le visage de cet homme. »

« Quoi, vous pourchassez quelqu’un et vous ne savez pas à quoi il ressemble ? »

Ryoma éleva la voix avec surprise.

Donc, ils ne savent vraiment pas… Ce n’est cependant pas surprenant. J’ai tué tous ceux qui ont vu mon visage.

Ryoma confirma mentalement l’exactitude de son jugement. Le bon sens et la morale ne signifiaient rien dans ce monde, la survie était tout.

« Oui, en fait, c’est bien ce qui nous pose problème… Mon supérieur me presse de l’attraper rapidement et d’en finir… Et c’est là que vous intervenez. J’aimerais vous demander votre coopération pour quelque chose. », dit Saitou de manière polie

« Ma coopération ? »

« Oui. J’aimerais que vous me donniez un peu de votre temps pour que je puisse confirmer qui vous êtes. C’est juste une formalité, OK ? Nous confirmerons vos antécédents et vous pourrez partir. On ne peut vraiment pas faire grand-chose d’autre. Étant donné que nous ne savons pas à quoi ressemble la personne que nous recherchons… Nous devons rassembler tous les hommes bien construits qui traversent la forêt. Vraiment, je m’en excuse. »

Et bien que ses paroles aient été le summum des excuses polies et qu’elles aient été prononcées avec un sourire doux, il n’y avait même pas un soupçon de rire dans les yeux derrière les lentilles aux bords argentés.

« Et si je refusais de coopérer ? »

« Dans ce cas, je n’aurais pas le choix. »

Saitou leva le bras droit sur les mots de Ryoma.

« Je n’aimerais pas le faire, mais j’aurais vraiment besoin que vous m’accompagniez. »

Une flèche avait été tirée de la forêt, transperçant l’air près du flanc de Ryoma.

« Je vois… Alors c’est comme ça. »

Ryoma murmura à lui-même, regardant la flèche logée dans le sol.

« Oui. Maintenant que vous comprenez, j’aimerais solliciter votre coopération une dernière fois. Voulez-vous venir avec moi, s’il vous plaît ? »

La courtoisie hypocrite à son paroxysme. Personne ne pourrait dire non dans une telle situation, alors que cela entraînerait une grêle de flèches en provenance de la forêt.

« Si vous insistez. Très bien, je viendrai avec vous. », répondit Ryoma avec une expression réticente.

« Oh, je suis content que vous compreniez. Je vous escorterai jusqu’à mon campement. Ne vous inquiétez pas, c’est tout près, » déclara Saitou tout en sortant une paire de menottes de son sac.

« Qu’est-ce que c’est ? »

« Je pêche juste par excès de prudence », répondit Saitou en s’excusant.

« Ce ne sont que des formalités, mon ami, rien que des formalités. Je les enlèverai après que vous ayez rencontré mon commandant. Soyez juste patient. »

Il n’avait pas laissé de place à la discussion. N’ayant pas le choix, Ryoma présenta ses mains sans dire un mot.

« Votre Altesse, nous l’avons maîtrisé. »

Entendant les paroles de Saitou alors qu’il entrait dans sa tente, Shardina s’arrêta au milieu de la rédaction d’un décret et se retourna pour le regarder.

***

Partie 2

« Maîtrisé ? Maîtrisé qui… ? L’homme de l’autre monde ? »

« Oui, je pense qu’il ne fait aucun doute qu’il est de l’autre monde. Pour être exact, c’est un Japonais de la Terre. »

De retour au camp, Saitou laissa Ryoma dans une tente et, après avoir affecté quelques gardes, alla se présenter à Shardina. Son expression était pleine de fierté dans l’accomplissement de sa tâche, mêlée d’un soupçon d’anxiété.

« … Comment peux-tu dire qu’il est celui qu’on cherche ? On ne sait pas à quoi il ressemble. »

« Il vient du même pays que moi. Et il n’y a pas longtemps qu’il est venu au monde. Je l’ai vu à l’odeur. »

Saitou rencontra calmement l’expression suspecte de Shardina.

La réponse de Saitou fit naître un sourire sur le visage de Shardina.

« Je vois… Je n’oserais certainement pas douter de ta parole. Alors, qu’est-ce que tu vas faire ? »

« Sa Grâce avait ordonné de l’arrêter ou de le tuer, mais… » dit Saitou avec hésitation tandis que Shardina hochait la tête.

« Oui, l’ordre était de le tuer si nous ne pouvions pas l’arrêter. »

« Maintenant qu’on l’a, on devrait l’emmener à la capitale… »

Entendant les paroles de Saitou, Shardina regarda son visage avec surprise.

« Il y a un problème ? »

Shardina était sensible aux changements dans l’expression de Saitou.

« Oui… je suis d’avis qu’on devrait renoncer à le ramener à la capitale et s’en débarrasser ici. »

Saitou avait exprimé ses pensées après une pointe d’hésitation.

Il venait de proposer d’aller à l’encontre des ordres de l’Empereur. La pression qu’il avait dû ressentir était probablement au-delà de l’imagination.

Et en entendant ses paroles, Shardina s’effondra aussi, parce que Saitou l’avait toujours soutenue dans l’ombre. Son conseil avait toujours été sage et pertinent, et il n’avait jamais eu tort auparavant. Shardina ne pouvait pas l’ignorer totalement, mais elle ne pouvait pas non plus défier les ordres explicites de l’Empereur.

« Expose ton raisonnement… »

« Mon raisonnement… On pourrait considérer ceci comme mon intuition. »

Saitou considéra sa question avec beaucoup d’attention.

Cette fois, c’était au tour de Shardina de froncer les sourcils. Bien qu’elle ait placé une grande confiance dans les paroles de son aide, elle ne pouvait pas défier un décret impérial en se basant uniquement sur l’intuition.

« Ton intuition, hum… Même venant de toi, je ne peux pas agir uniquement sur cette base. »

« Mes excuses. Mais en lui parlant, je n’arrivais pas à me défaire du sentiment qu’il était dangereux. Il souriait en me parlant, mais je ne savais pas à quoi il pensait dans son cœur. Et puis il m’a accompagné sans aucune résistance. Même quand je l’ai menotté, en disant que c’était simplement une formalité, il n’a pas beaucoup résisté. C’était comme s’il était certain que si on l’interrogeait, il serait libéré… »

Entendre les paroles de Saitou fit frémir le cœur de Shardina.

Cela semble inquiétant. Surtout le fait qu’il n’a pas résisté… À en juger par la façon dont il a tué Gaius et allumé un feu pour échapper au palais, il devrait être un homme calme et impitoyable. Même s’il s’est résigné au fait qu’il ne peut pas s’enfuir, je ne le vois pas se rendre facilement.

« Es-tu sûr que c’est la personne que l’on cherche ? »

Shardina suggéra qu’ils avaient peut-être trouvé la mauvaise personne, mais Saitou secoua la tête.

« Il ne fait aucun doute dans mon esprit que c’est l’homme qui vient d’un autre monde. La seule question est de savoir si c’est l’assassin de Sire Gaius, mais à en juger par la situation, je suppose qu’il y a neuf chances sur dix que ce soit le cas. Je pense que nous pouvons nous débarrasser de la possibilité qu’un homme venant d’un autre monde traverse cette forêt par pure coïncidence. »

Shardina acquiesça à l’affirmation de Saitou. Il n’y avait aucune preuve, mais d’après les circonstances, il n’y avait pas beaucoup de place pour le doute.

« Alors, ça nous laisse une option. »

« Et laquelle est-ce ? »

Shardina se leva de sa chaise et marcha jusqu’au bout de la tente.

« Conduis-moi à lui. Il est clair qu’il n’y a pas d’autre choix que de lui parler directement, non ? »

Deux visiteurs entrèrent dans la tente attribuée à Ryoma.

« Mes excuses pour vous avoir fait attendre. Mon officier supérieur a demandé à vous rencontrer directement. »

Shardina fit un pas en arrière par derrière Saitou, face à Ryoma.

« Je vois. Je rencontre donc le capitaine. »

Tandis qu’ils écoutaient Ryoma parler, assis sur une chaise, le regard tourné vers eux, les deux semblaient surpris.

« Oh, qu’est-ce qui vous a fait croire que j’étais le capitaine ? Je pourrais être un autre genre d’officier supérieur. »

« Eh bien, je ne peux pas dire que je suis sûr de savoir. Mais j’ai entendu dire que la princesse Shardina avait bloqué le poste de contrôle à Adelpho. Et quiconque sait que la même princesse Shardina est la capitaine des chevaliers de la Succube en arriverait à cette conclusion. »

« Hmm, je vois. Oui, je suppose que l’on arriverait probablement à cette conclusion… », dit Saitou.

Et bien que Shardina semblait convaincue à la surface, son cœur se raidit étrangement. Certes, ce n’était pas une conclusion inhabituelle, mais est-ce que l’on penserait aussi clairement quand on était liés et confinés ?

Je crois comprendre pourquoi Saitou est ambivalent à propos de lui. Je ne me sens pas très bien à ce sujet…

Une angoisse envahit le cœur de Shardina. Saitou se tourna vers elle.

Qu’est-ce que vous en pensez ? Le regard de Saitou semblait le demander.

Shardina le regarda avec un léger signe de tête et écarta les lèvres pour parler à nouveau.

« Merci de nous avoir accordé un peu de votre temps. Je vous remercie au nom de l’Empire. »

Ces mots étaient incroyablement polis, étant donné qu’une personne de la famille royale s’adressait à un citoyen.

« Non, inutile d’insister là-dessus. Traverser la forêt et non la route faisait de moi une personne suspecte. »

En entendant la réponse naturelle et décontractée de Ryoma, un sourire apparu sur les lèvres des deux personnes

« Comme nous le pensions, Votre Majesté. »

« Oui. Je dirais que c’est bien lui. »

Les deux échangèrent un signe de tête. Cela avait éclairci leurs doutes.

« Nous vous avons enfin trouvé, chère personne de l’autre monde ! »

« Qu’est-ce que c’est que cette histoire d’autre monde ? »

Ryoma écoutait les paroles de Shardina avec calme.

« N’essaie pas de le nier. Aucun roturier au monde ne réagirait aussi calmement si une personne de la famille royale lui parlait poliment. »

En entendant Saitou dire cela, l’expression de Ryoma changea pour la première fois. C’était… logique. Dans ce monde où la monarchie était la loi, la royauté était comme un dieu pour les roturiers. Si Ryoma avait l’intention de faire semblant d’être un citoyen de ce monde, il aurait dû tenir sa langue et garder les yeux sur le sol.

L’attitude de Ryoma était polie, mais seulement selon les normes japonaises. Même si ce n’était pas considéré comme impoli dans ce monde, Ryoma ne connaissait certainement pas sa place.

« Hmm… Je vois. Je suppose que j’ai merdé sur ce point. »

Ryoma avait rapidement conclu qu’il serait vain d’essayer de s’en sortir en essayant de parler.

« Je vois que nous comprenons enfin qui parle à qui ici, » déclara Saitou.

Shardina hocha la tête, elle se tourna ensuite vers Ryoma.

« Je crois que c’est la première fois qu’on se retrouve face à face. Comme vous le savez déjà, je suis la première princesse de l’Empire d’O’ltormea, Shardina Eisenheit. Quel est votre nom, cher ami venant d’un autre monde ? »

« Moi ? C’est Mikoshiba. Ryoma Mikoshiba. »

Ryoma répondit calmement à ses paroles.

« Je vois. Donc vous êtes japonais, comme je le pensais. », dit Saitou.

« On dirait que vous aussi, Saitou. »

« Oui. Je suis dans la même position que toi. J’ai été convoqué dans ce monde il y a dix ans. », acquiesça Saitou

« Oh ? Et vous êtes devenu vice-capitaine en seulement dix ans ? »

« Eh bien, disons que la chance était de mon côté. Être un homme de l’autre monde a ses mérites. », dit Saitou en souriant amèrement.

« Est-ce dû à cette chose nommée “taux d’absorption d’énergie” ? »

« Oh, je suis surpris que vous en sachiez autant. »

Les yeux de Saitou s’élargirent de surprise.

« J’ai juste arraché quelques faits au vieil homme qui m’a convoqué. J’ai beaucoup appris de lui, » dit Ryoma, un sourire cruel sur ses lèvres.

« Vraiment ? J’ai entendu dire que le cadavre était terriblement mutilé. Avez-vous torturé Gaius ? »

Il y avait un soupçon de colère dans la voix de Shardina.

« Gaius ? Si c’est comme ça que vous appelle le type qui m’a convoqué, alors oui. Je l’ai fait parler. »

Ryoma avait tout de suite avoué la torture. Il pensait peut-être qu’il n’y avait pas de raison de le cacher.

« Dans ce cas, aussi regrettable que cela puisse être, nous devrons vous passer à l’épée. Nous ne pouvons permettre à quiconque levant la main contre notre Empire de vivre. »

« Regrettable ? Qu’est-ce que vous devez regretter ? » Ryoma écouta les paroles de Shardina avec appréhension.

« Je tiens les gens comme vous en haute estime. Même si vous avez été poussé dans la situation inhabituelle après avoir été jeté dans un autre monde, vous vous êtes échappé de la capitale, malgré le fait qu’elle ne vous était pas familière, et vous êtes arrivé jusqu’à la frontière nationale. Cela montre bien la force inhabituelle que vous possédez. Si votre intelligence et votre force étaient mises à profit par notre Empire, nous ferions un pas décisif vers la conquête du continent occidental. »

Quand Shardina finit de parler, Ryoma la regarda avec mépris.

« Vous devez sûrement plaisanter. Moi, vous servir ? Je suppose que ce serait en tant qu’esclave, non ? Épargnez-moi vos blagues stupides. »

Il avait la physionomie d’un démon enragé, se contorsionnant de colère, de haine et une envie irrépressible de tuer.

« Stupide, dites-vous ? »

« Oui, vous m’avez bien entendu. Vous me prenez pour qui, le héros d’une histoire ? Pourquoi diable vous servirais-je un jour ? »

C’était les pensées sincères et honnêtes de Ryoma. L’idée de faire docilement ce qu’on lui demandait après que quelqu’un l’ait convoquée dans un autre monde était insensée. Shardina, d’un autre côté, se moquait des paroles de Ryoma.

« N’est-il pas naturel que celui qui a été convoqué obéisse à celui qui l’a convoqué ? »

L’expression de Shardina donnait l’impression qu’elle ne faisait que souligner le bon sens. Pour les gens de ce monde, les humains qu’ils avaient convoqués n’étaient rien d’autre que des outils pratiques, et personne ne penserait à leur demander la permission avant de les utiliser.

« Ouais, je m’attendais à ce que les gens dans ce monde disent ça. »

La déclaration de Ryoma fit en sorte que Shardina plissa son front.

***

Partie 3

« Qu’est-ce que vous voulez dire ? »

« Rien en particulier. De toute façon, parler à vous est une perte de temps. Mais je vais dire une chose. Je n’obéis qu’à une personne, et c’est moi-même. Je n’obéis à personne d’autre. Je pense et décide moi-même. C’est tout. »

Ryoma avait déjà jugé qu’il était inutile de parler à Shardina. Leurs idéologies et leur éducation étaient bien trop différentes. Il ne pouvait y avoir d’accord entre eux. C’était comme le jour et la nuit, il n’y avait dès le début aucune chance de réconciliation.

« Alors, c’est ce que vous pensez… Cependant, mon cher homme de l’autre monde, ce monde n’est pas assez aimable pour accueillir votre libre arbitre. C’est vrai, vous êtes resté fidèle à vos désirs. Vous avez tué Gaius. Mais où cela vous a-t-il mené, finalement ? Vous êtes assis ici, menotté, devant moi. », Shardina se moqua de lui.

Ryoma pouvait se vanter autant de fois qu’il le souhaitait, mais cela n’était rien d’autre que les lamentations d’un perdant endolori. Après tout, Saitou avait menotté ses mains.

« Votre fierté est admirable. Mais cela représente-t-il quelque chose dans ce monde où les impuissants sont piétinés et déposséder ? Ce monde n’est pas aussi gentil que le vôtre. Votre libre arbitre, dites-vous ? Qu’est-ce que cela vous donnerait ? Si vous aviez simplement obéi à l’empire, vous auriez pu être promu comme Saitou. »

« Désolé, mais être votre chien et aboyer sur commande ne semble pas séduisant. »

Ryoma se moqua des mots de Shardina.

« Je vois. Vous êtes un homme stupide. Vous avez le culot de parler ainsi même dans cette situation, n’est-ce pas ? J’aurais pu vous épargner si vous m’aviez supplié de sauver votre vie. »

Alors que Saitou écoutait la conversation de Shardina avec Ryoma, l’anxiété dans son cœur ne fit que grandir.

Elle a raison… Pourquoi est-il si confiant, même maintenant ? N’importe qui serait à quatre pattes, suppliant pour leur vie.

La prémonition de quelque chose de mauvais approchant traversa l’esprit de Saitou alors que Shardina parlait. Il savait qu’elle mentait, bien sûr. Même si Ryoma Mikoshiba devait demander grâce, son destin avait déjà été scellé. Il devait être mis à mort. Il n’y avait pas d’autres options pour l’homme qui avait tué Gaius et souillé la dignité de l’empire.

Mais il était humain de s’accrocher au moindre lambeau d’espoir, même face à la mort. Et malgré cela, Ryoma Mikoshiba resta imperturbable.

Est-il prêt à mourir ?

Mais Saitou ne voyait pas l’acceptation de la mort sur le visage de Ryoma.

Qu’est-ce que c’est, alors ? Croit-il qu’il peut s’en sortir vivant ?

Shardina était accompagnée d’une trentaine de soldats. Vingt-six d’entre eux avaient été déployés pour fouiller la forêt par groupes de deux. Il ne restait que quatre autres soldats pour défendre le camp de Shardina. Depuis que Saitou avait découvert et ramené Ryoma seul, il y en avait six au total.

Ce nombre était plus que suffisant pour retenir un seul homme de l’autre monde. Mais malgré tous les avantages qu’ils avaient, il n’arrivait pas à se débarrasser de son anxiété. À ce moment-là, l’esprit de Saitou entrevit une possibilité.

Attendez… S’est-il retrouvé dans cette situation parce qu’il voulait être ici ?

C’était une pensée folle, complètement infondée. Mais cela n’avait fait que rendre les choses d’autant plus crédibles pour Saitou.

C’est vrai… Si c’est le cas, tout se met en place. Mais pourquoi ? Quel genre de mérite cet homme tire-t-il de cette situation… ? Non, quel que soit le mérite qu’il obtient, peu importe. Nous devons tuer cet homme, ici et maintenant. Quoi qu’il puisse faire dans cette situation, ce ne doit pas être grand-chose.

Les mains de Saitou bougèrent, elles enlevèrent ses lunettes à monture argentée et, en leur absence, les yeux froids et sanguinaires d’un meurtrier étaient révélés. Il n’y avait même plus un soupçon du calme qu’il avait avant en lui. Ses yeux brillaient d’une lumière vive, comme une épée non gainée.

« Saitou… ? »

Shardina remarqua son changement d’attitude. Une soif de sang émanait de son corps, comme s’il se tenait sur un champ de bataille.

« Votre Altesse, je m’excuse, mais nous devrions tuer cet homme, ici et maintenant. »

« Qu’est-ce que tu dis !? »

Shardina ne pouvait cacher sa surprise devant ce qu’avait dit son aide après un silence contemplatif si prolongé.

« Nous devons le livrer à l’empereur ! »

« Non, Votre Altesse. Cet homme est dangereux. Si nous le laissons continuer à respirer, qui sait ce qu’il pourrait faire... »

« As-tu l’intention d’aller à l’encontre des ordres de Sa Majesté !? »

« Je suis désolé. Réprimandez-moi comme vous le voudrez après ça… » dit Saitou, tout en détachant son épée alors qu’il s’approchait de Ryoma.

« Attends, Saitou ! »

Ignorant les appels de Shardina, Saitou leva son épée.

« Un dernier mot ? Puisque nous sommes nés au même endroit, je vais au moins vous écouter. »

« Non, rien de particulier. », dit Ryoma avec un léger sourire, ne reculant pas devant la lame dressée qui brillait sur lui.

« Je vois. Vous avez du cran, je vous l’accorde. »

« Non, pas tant que ça… Si on considère en fait que c’est toi qui vas mourir ! »

Les cris de Ryoma résonnaient dans la nuit, disparaissant dans la forêt sombre.

« Qu’est-ce qui lui prend… !? »

Shardina n’avait pas pu retenir sa surprise devant le rugissement de Ryoma qui secouait la tente.

« Qu’est-ce que… Ah ! Votre Altesse ! »

À ce moment-là, l’intuition de Saitou s’était mise à sonner d’alarme.

Dès que le corps de Saitou avait recouvert celui de Shardina, un coup de vent balaya la tente. Le coup de vent secoua le camp, déchirant les tentes en morceaux comme si une épée géante avait couru à travers la place.

Quelques secondes plus tard, Saitou s’était levé après avoir confirmé que le vent s’était calmé.

« Votre Altesse ! Votre Altesse ! »

« Je vais bien… Que s’est-il passé ? »

Shardina, qui était cachée sous le corps de Saitou, s’était levée et avait tenu sa tête avec ses bras.

« Vous allez bien, Votre Altesse ! Putain… Ce salaud ! »

Saitou, cependant, avait ignoré les paroles de Shardina et s’était mis à la recherche de Ryoma.

Son regard tomba sur une fille aux cheveux argentés inconnue.

« Es-tu indemne, Maître ? » dit la jeune fille, brandissant son épée pour couper les chaînes de Ryoma.

« Ouais. Tu arrives à point nommé. Tu m’as sauvée, Sara. Et Laura ? » demanda Ryoma tout se frottant les poignets maintenant libérés.

« Laura se débarrasse des autres soldats. Comme tu l’as dit, elle est capable de s’occuper d’eux sans problème. »

Tandis que ces mots étaient prononcés, une deuxième voix se fit entendre derrière Saitou.

« J’ai déjà fini, Maître. »

C’était la voix d’une jeune fille.

« Votre Altesse ! »

Au cri de Saitou, Shardina fit un pas en arrière derrière lui, ils se sont alors tenus dos à dos.

« Tu n’es pas blessée, n’est-ce pas, Laura ? » demanda-t-il avec une voix de gratitude et de préoccupation.

« Oui, je vais bien. J’avais simplement besoin de leur lancer des sorts. Ces gens se méfiaient de l’attaque d’un animal, mais ne s’attendaient pas à une magicienne. »

« Ça ne peut pas être… de la magie !? »

Saitou cria furieusement à la suite des paroles de Laura.

Ni Saitou ni Shardina ne l’avaient prévu. Le fait que Ryoma avait même des alliés dans ce monde était imprévisible, mais il était particulièrement choquant qu’elles puissent même utiliser la magie. Peu de gens pouvaient l’employer dans ce monde, et ceux qui servaient l’empire étaient au moins au rang de chevalier, et seuls les plus habiles des aventuriers ou mercenaires en étaient capables.

C’était la raison pour laquelle cette pénurie était à la base de la structure du pouvoir dans le monde. Rien qu’en étant capable d’employer la magie, on était deux fois plus fort que ceux qui ne l’étaient pas, et ses compétences pouvaient rendre ce pouvoir encore plus dangereux.

Avec les bonnes préparations, Gaius, l’homme que Ryoma avait tué, était capable de gérer des armées entières. Mais avoir un grand pouvoir destructeur ne signifiait pas que l’on gagnerait toujours. Le fait qu’il soit mort des mains de Ryoma en était la preuve flagrante.

Pourtant, cela n’avait pas changé le sens de la possession du pouvoir de la magie. Et quoi qu’il en soit, il n’y avait aucune chance qu’un homme qui venait d’être convoqué d’un autre monde soit capable de l’utiliser, et il était extrêmement improbable qu’il ait la compagnie de quelqu’un d’autre qui le pourrait. Du moins, c’était le cas jusqu’à présent.

« Qui diable êtes-vous… !? »

« Nous sommes les serviteurs de notre Maître. Les ennemis de notre Maître sont nos ennemis, » déclara Laura, répondant à la question de Shardina en pointant son épée dans sa direction.

Cette fille est douée ! Et…

En voyant la position de Laura, l’intuition de Shardina s’était mise à lancer un signal d’avertissement. Les deux filles se tenaient devant elles, leur soif de sang et leur agressivité étaient palpables. Seule une poignée des milliers de soldats sous les ordres de Shardina étaient à ce niveau.

Pourtant, en termes de compétences, Shardina elle-même était plus élevée qu’elles. Pourtant, les yeux de la jeune fille qui se tenait devant elle brûlèrent d’une envie meurtrière. Elle tuerait Shardina, même si elle devait mourir en essayant. Saitou sentait une égale mesure de détermination de la part de Sara.

Qu’est-ce qui se passe ici… ? Pourquoi des magiciennes aussi compétentes sont-elles de son côté ? Il n’est dans ce monde que depuis quelques jours…

La capture de Ryoma était un ordre absolu donné par l’empereur à Shardina et à ses subordonnés, mais cela ne s’appliquait que si leur vie n’était pas en danger. Ils n’étaient pas obligés de le prendre vivant si cela signifiait que Saitou ou Shardina seraient tués ou blessés au cours du processus.

Ils occupaient tous les deux des positions extrêmement importantes pour l’empire. Ce serait peut-être différent s’il s’agissait d’un champ de bataille où le sort de l’empire était en jeu, mais ils ne pouvaient pas se permettre de mourir aux mains d’un inconnu venant d’un autre monde.

« Saitou… Nous devons battre en retraite… »

C’était la conclusion de Shardina après de nombreuses délibérations, qu’elle chuchota à Saitou pour que Ryoma et son groupe ne l’entendent pas.

« Oui, avec tant de facteurs imprévisibles en jeu, nous devons prendre du recul et réévaluer la situation… En supposant qu’ils nous laissent partir… »

« Oui… Mais nous ne pouvons pas nous permettre de mourir ici. Avec la mort de Sire Gaius, la mort de l’un d’entre nous porterait un coup au potentiel de guerre de l’empire. Et si cela arrive… »

« Les pays voisins et les territoires occupés y verraient une occasion de se rebeller. »

C’était le prix que l’empire avait dû payer pour conquérir ses voisins par la force brute. Il était évident que si l’empire perdait sa force supérieure, les citoyens opprimés et les nobles sous leur contrôle se révolteraient. Plusieurs pensées traversèrent l’esprit de Shardina et de Saitou.

« Si vous voulez battre en retraite, n’hésitez pas. Ça ne me dérange pas. »

Les mots de Ryoma avaient fait basculer l’impasse.

« Idiot… Nous n’avons aucune raison de nous retirer ici ! Nous allons vous emmener, vous et ces femmes, à la capitale ! »

Saitou répondit rapidement aux paroles de Ryoma.

« Oh ? Vas-tu risquer ta vie pour nous capturer ? »

Ryoma sourit froidement au cri de Saitou.

***

Partie 4

Ryoma pouvait déjà voir que Shardina et Saitou avaient perdu la volonté de se battre. 

« Je peux dire rien que par vos regards que vous n’avez pas l’intention de perdre la vie ici. » 

Les yeux étaient plus honnêtes que les mots. Le regard et les gestes, l’éclat dans les yeux, étaient des ouvertures sur le cœur et l’intention d’une personne. Tout comme Saitou pouvait dire de Sara qu’elle était résolue à se battre jusqu’à la mort grâce à son regard, Ryoma pouvait lire dans les intentions de Saitou. 

« Alors où voulez-vous en venir ? Votre objectif n’est-il pas de nous tuer ? » 

« Oui, c’est mon intention, mais… regardez cette situation. »

Ryoma répondit à la question de Shardina avec un haussement d’épaules.

Je le savais… Il s’est fait prendre pour pouvoir nous tuer. Pas étonnant qu’il était si docile…

Un frisson parcourut la colonne vertébrale de Shardina. C’était l’anxiété que Shardina ressentait depuis un certain temps déjà, la crainte que ressent un animal quand l’intention meurtrière d’un prédateur était fixée sur lui.

C’est certainement une méthode viable. Nous supposions qu’il ne faisait que fuir, on ne s’attendait sûrement pas à ce qu’il essaie de riposter contre nous.

Et c’était le résultat final. La majorité de ses soldats étaient dispersés dans la forêt, et tous ceux qui étaient stationnés dans le camp avaient été tués par les sorts. Et si Saitou n’avait pas réagi rapidement, Shardina serait morte aussi dans l’attaque-surprise.

Mais cette situation… C’est un trois contre deux en leur faveur. Il pourrait nous tuer s’il se servait de ces filles comme pions jetables. Pourquoi nous dit-il de courir... Est-ce un piège ?

Shardina savait très bien quel genre de personne était le garçon qui souriait froidement devant elle. Il ferait toujours passer sa propre survie en premier, et il n’hésiterait pas à prendre toutes les mesures, aussi viles soient-elles, pour assurer cette survie. Ce garçon avait peut-être dit qu’il les épargnerait, mais elle n’y croirait pas.

« Je vois… Tu ne veux pas les tuer, » chuchota Saitou, alors que les yeux de Shardina, en état de choc, s’ouvrirent en grand.

Il ne voulait pas les tuer. Mais qui était ce « les ? » Ça ne pouvait pas être Saitou et Shardina, donc il ne restait que les filles.

« Oui. Ces deux-là sont prêtes à sacrifier leur vie pour moi. »

Ryoma tourna son regard vers Sara et Laura.

« Alors peu importe combien vous tuer ici augmenterait mes chances de survie à long terme, je ne peux pas sacrifier ces filles si facilement pour le faire. »

Intérêt personnel. Affection. Ces mots étaient un mélange de beaucoup d’émotions mêlées ensemble.

Je vois, donc s’il s’en servait comme bouclier… Non, c’est impossible dans cette situation. Et je ne peux pas voir cet homme mettre leur vie avant la sienne.

Cela signifiait simplement qu’il accordait plus de valeur à la vie de ces sœurs fidèles qu’au meurtre de Saitou et Shardina. Cela ne devait sûrement pas signifier qu’il leur donnait la priorité sur sa propre survie.

« Je ne pense pas que nous ayons vraiment le choix, Votre Altesse… »

Les paroles de Saitou correspondaient à celles de Shardina à ce sujet. Elle avait beau y réfléchir, il n’y avait pas d’autre issue que celle-ci.

« Bien… On va battre en retraite. Saitou, range ton épée. »

Entendant les paroles de Shardina, Ryoma donna un ordre aux sœurs.

« Laura, Sara, reculez. »

Sur l’ordre de Ryoma, les deux femmes rangèrent leurs épées, puis se précipitèrent à ses côtés. Elles avaient l’intention de servir de bouclier à Ryoma à l’improviste, si Shardina essayait d’attaquer.

« Pas besoin d’être si tendu. Je jure sur mon nom de première princesse de l’empire d’O’ltormea que nous nous retirerons de cet endroit. »

Les paroles de Shardina étaient peut-être honnêtes, mais les sœurs n’avaient pas vraiment bougé. Elles l’avaient simplement regardée d’un air aiguisé.

« Désolé. »

Ryoma s’excusa auprès de Shardina pour l’attitude des sœurs.

Cela ne veut pas dire que Ryoma n’était pas méfiant et vigilant, même maintenant. Il n’était pas assez stupide ou crédule pour croire aveuglément les paroles de l’ennemi à ce stade du jeu.

« Eh bien, peu importe. Nous nous retirerons d’ici, mais notre poursuite ne s’arrêtera pas là. Vous vous en rendez bien compte, hein ? »

C’était évident. Shardina renonçait à capturer Ryoma ici parce que la situation actuelle la désavantageait. Inversement, si les dizaines de soldats de Shardina étaient présents, ils ne feraient pas le choix de battre en retraite.

« Évidemment. Après tout, pour tout ce qui vous concerne je suis un criminel. », dit Ryoma calmement.

Il n’y avait aucune trace de regret ou de peur dans ses yeux.

« Mais je ne vais pas me retourner et vous laisser m’attraper. Je ne pense pas non plus que tuer ce type ou essayer de vous tuer n’était pas la bonne chose à faire. Alors si vous avez l’intention de me poursuivre, soyez prêts à risquer votre vie. »

« Avez-vous aussi commis des crimes au Japon ? », demanda Saitou, honnêtement curieux.

Les gens qui venaient d’être convoqués de la Terre à ce monde ne s’acclimataient pas si facilement à ses règles. C’était un monde où seuls les plus forts survivent, où les plus forts pouvaient faire ce qu’il fallait, et il n’y avait pas d’idée aussi indulgente que les « droits de l’homme » pour protéger les gens de cette nature. Il fallait être fort pour ne pas être piétiné, même s’il fallait écraser les autres pour le faire.

Saitou ne s’en était rendu compte que des années après avoir été convoqué par Gaius et jeté sur un champ de bataille où il n’avait jamais voulu être, forcé de se battre à travers la boue et le sang. La vie sur Terre et ce monde n’avaient vraiment rien en commun. C’était pour cette raison qu’il se méfiait en voyant la ligne de pensée de Ryoma, puisqu’il n’avait même pas été dans ce monde depuis une semaine entière.

« Hein ? Des crimes ? Je crois que j’ai pissé dehors une ou deux fois, mais c’est à peu près tout. »

« Crime » était un mot qui pouvait signifier beaucoup de choses dans différents contextes. Si l’on devait être assez extrême à ce sujet, traverser la rue à un feu rouge était certainement un crime. Mais ce n’était pas ce que Saitou voulait dire.

« Non, je voulais dire des crimes plus graves. Comme… un meurtre. »

Ces mots avaient fait s’exclamer Ryoma. Il ne s’était jamais considéré comme un lycéen normal, c’était donc une réaction naturelle.

« Vous dites des trucs foireux, savez-vous ça… ? Je ne suis qu’un lycéen moyen. J’ai de l’expérience dans les arts martiaux, oui, mais ça ne veut pas dire que j’ai un casier judiciaire ! »

« Alors pourquoi ? Comment avez-vous pu tuer des gens si facilement ? N’avez-vous pas peur ? »

« … Dans ce cas, laissez-moi vous demander. Dois-je m’inquiéter pour quelqu’un qui a tenté de violer mes droits au point de s’exposer à des risques à cause de cela ? », dit Ryoma après s’être arrêté pour réfléchir.

Après la surprise au visage de Saitou, Ryoma continua.

« C’est ce que je pense : vous êtes libre d’essayer de profiter de moi, et je suis libre de me défendre. Je ne suis pas assez bête pour penser que si je frappe quelqu’un, il n’essaiera pas de riposter. Et c’est exactement parce que je sais qu’ils riposteront que j’essaie de ne frapper personne, sauf si je suis prêt à ce qu’ils ripostent… Et je suis résolu à tuer quiconque osera se battre contre moi. »

Pendant que Ryoma parlait, ses yeux brillaient d’une forte lumière. La seule chose qui avait permis à un lycéen normal comme Ryoma de tuer Gaius était la force de ses convictions. Il croyait ardemment en sa justice du fond du cœur. Et à bien des égards, c’était l’idéologie la plus hautaine de toutes… Mais c’était en même temps la plus belle de toutes.

« Mais, quoi qu’il en soit… On n’a vraiment pas le temps de discuter de ma philosophie de vie. Laura. »

Il se secoua le menton en direction de l’entrée de la tente.

« Si nous continuons à parler, les autres soldats pourraient retourner au camp. Je vais traverser la frontière. »

Laura était restée à l’entrée de la tente, surveillant Shardina et Saitou. Ils n’avaient pas entièrement confiance en ses paroles.

« Très bien. Alors, allez-y. Mais rappelez-vous ceci : maintenant que nous savons à quoi vous ressemblez, vous ne remettrez plus jamais les pieds dans les frontières de l’empire. Et vous ferez bien de courir aussi loin que vous le pouvez. Le continent occidental appartiendra bientôt à l’empire. Et quand ça arrivera, vous n’aurez plus nulle part où vivre en paix, » déclara Shardina, son regard devenant vif.

Les paroles de Shardina étaient comme un poignard jeté dans la direction de Ryoma, qui sortait de la tente, accompagné de Sara.

« C’est vrai… Je suppose que je vais devoir trouver mon chemin pour retourner dans mon monde avant que ça n’arrive. »

Et avec cela, Ryoma disparut dans la forêt sans un mot, ne prenant pas la peine de la regarder en réponse…

***

Épilogue

« Qu’est-ce que ça veut dire !? »

Une voix colérique retentit dans la salle d’audience.

C’était la voix du ministre au sang de fer, Durnest. L’empereur qui se tenait au-dessus de la salle d’audience écouta les paroles de Shardina, son coude reposant sur l’accoudoir de son trône.

« Voilà qui conclut mon rapport. Vous pouvez faire ce que vous voulez. »

Devant l’empereur se trouvaient Shardina et Saitou, ainsi que Celia Rolfe et Orlando, les commandants des équipes de recherche.

Les souvenirs des quelques jours qui avaient suivi l’incident refirent surface dans l’esprit de Saitou. Après que Ryoma et son groupe se soient enfuis, Shardina avait attendu l’aube et rassembla les soldats envoyés dans la forêt. Elle avait parié qu’elle pourrait encore rattraper Ryoma, et avait jeté toutes ses forces à cette poursuite. Elle ne le laisserait s’enfuir qu’aussi longtemps qu’elle n’avait pas les forces nécessaires pour le traquer, et une fois ses soldats rassemblés, la situation allait changer. Cependant, Shardina n’avait finalement pas pu trouver Ryoma.

« Alors, tout ça pour rien… »

« Je ne pense pas que cela aurait pu être évité… Il nous a fallu trop de temps pour rassembler les troupes… » Saitou répondit à son murmure.

Ryoma avait probablement supposé qu’il serait poursuivi. Une personne normale interpréterait les paroles de son adversaire de la façon qui lui convenait le mieux, et une telle personne croirait qu’elle ne serait pas poursuivie tant qu’elle n’aura pas quitté la frontière. C’était le fait que Ryoma n’ait jamais fait ce genre d’erreurs naïves qui l’avait rendu si formidable.

« Retournons à la capitale. »

Ces mots firent grimacer Saitou. Maintenant qu’ils n’avaient pas réussi à capturer Ryoma, ils n’avaient plus de raison de traîner dans la forêt. Il leur faudrait aussi lever le blocus au poste-frontière, sinon leur économie risque d’en souffrir. Cela s’appliquait aussi au groupe de Celia dans le sud.

Mais bien qu’il l’ait parfaitement compris, Saitou ne pouvait pas facilement accepter cette décision, car il n’était pas satisfait de la façon dont Shardina avait géré la situation. Ne pas appréhender Ryoma était une énorme gaffe, et le pire n’était pas qu’ils n’avaient pas réussi à l’attraper, mais le font qu’ils avaient réussi et qu’il s’en était quand même tiré malgré cela. Il y avait même eu des pertes parmi leurs chevaliers. Même s’ils ne pouvaient pas s’attendre à ce que Ryoma ait des collaboratrices, il n’y avait pas moyen de contourner le fait que Shardina avait échoué dans son travail.

« Durnest va bouillir comme une marmite après ça. »

Saitou pouvait facilement imaginer le ministre leur crier dessus dans la salle d’audience de l’empereur. Comme son nom l’indiquait, c’était un homme d’État ayant une volonté d’acier et la détermination de verser son propre sang si nécessaire. Même un membre de la royauté comme Shardina ne le ferait pas changer d’attitude.

« Lady Celia causera aussi des problèmes. »

La personne morte de sa famille avait fait d’elle la plus zélée de toutes les personnes impliquées dans cette mission. Comment lui expliqueraient-ils cela ?

« Eh bien… On va trouver quelque chose. Celia n’est pas idiote. Si on explique la situation, je doute qu’elle essaie de trouver d’autres fautes. »

Cela pourrait être vrai si elle s’était trouvée dans n’importe quelle autre situation…

Saitou doutait qu’elle garde le même sang-froid sachant qu’un membre de sa famille avait été tué. Shardina, en lisant ses pensées dans son expression, haussa les épaules.

« Je vais m’en occuper. Quoi qu’il en soit, nous n’avons d’autre choix que de retourner auprès de l’empereur. »

Cela dit, Shardina quitta la forêt et se regroupa avec Celia. Et maintenant, elle ne pouvait attendre son jugement qu’après avoir expliqué tout ce qui s’était passé.

« Même une princesse impériale ne peut être pardonnée pour un tel échec ! »

« Durnest. Tais-toi un moment. »

La voix de l’empereur réduisit les paroles de Durnest alors qu’il se préparait à la gronder encore plus sévèrement.

Saitou effaça les pensées dans son esprit et focalisa toute son attention vers l’empereur.

« Je n’ai pas l’intention de trouver une faute dans la façon dont Shardina a géré la situation. »

Sa voix grave résonnait dans la salle du trône.

« Mais… Votre Grâce ! »

Durnest fit une mine étonnée.

« Obéis-moi, Durnest ! », dit l’empereur en tapant sur l’accoudoir avec son coude.

« C’est vrai, Shardina n’a pas rempli ma mission. C’est un fait. Mais l’habileté de l’homme était au-delà de toute prédiction. Qu’aurait-elle pu faire différemment ? »

Les paroles de l’empereur avaient laissé Durnest à court de mots. Et il avait raison. Le fait qu’ils l’aient attrapé une fois était presque un miracle étant donné qu’ils n’avaient pas de nom ou de visage pour le trouver. Durnest le savait.

« Mais nous ne pouvons pas laisser cette personne s’échapper. »

La dignité de l’empire était en jeu, et c’était la partie la plus importante de toutes pour Durnest.

« Je sais. Cependant, Shardina et Saitou sont tous deux des membres essentiels des forces de mon empire. Même si c’est pour tuer l’homme méprisable qui a tué Gaius, je ne pouvais pas me permettre de les faire sacrifier pour lui et affaiblir ainsi mon empire. »

Peu importe la faible probabilité, ils ne pouvaient se permettre de perdre le capitaine et le vice-capitaine des Chevaliers Succube, la fierté et la joie de l’empire. C’est exactement maintenant, quand ils sont affaiblis par la mort de Gaius, que la perte d’un plus grand nombre de personnes qui pourraient compenser cette perte entraverait leurs plans de domination.

Compte tenu des nombreux facteurs en jeu, les choix de Shardina étaient judicieux.

« Cependant… »

Le regard de l’empereur tomba sur Shardina.

Ce n’était pas les yeux d’un père regardant sa fille, mais ceux d’un roi ordonnant un vassal.

« Aussi inévitable que cela ait pu être, vous n’avez toujours pas obéi à mes ordres. Désormais, je vous ordonne de prendre la place de Gaius et de conquérir les pays de l’Est ! »

Shardina et les quatre autres présents baissèrent la tête en même temps. Ils s’étaient rendu compte qu’à la place d’une punition, l’empereur leur avait accordé une nouvelle affectation pour en recueillir les mérites et compenser leurs échecs.

« Nous répondrons à vos attentes, à tout prix ! »

La voix de Shardina résonnait dans la salle du trône.

Ce jour-là, l’empire d’O’ltormea commença sérieusement sa conquête des terres de l’Est, un mouvement qui allait continuer à impliquer l’évadé Ryoma Mikoshiba. Le continent occidental était à la veille d’un grand événement.

***

Bonus 1 : Le réveil de Shardina

« Princesse, il est temps de se réveiller. »

La domestique de Shardina l’avait appelée de derrière la porte de la chambre, accompagnée d’un coup de poing.

Tandis que de douces lueurs du soleil matinal défilaient à travers les brèches des rideaux, la première princesse de l’empire d’O'ltormea, Shardina Eisenheit, était couché sur son lit luxueux afin d’y dormir. Un gémissement douloureux échappa à ses lèvres douces et blanches comme une pêche. Une paire de jambes sensuelles d’un blanc neigeux apparue sous les couvertures bien faites et pleines de plumes. Ses membres magnifiques avaient à parts égales la beauté séduisante d’une femme adulte et le charme d’une fille qui n’avait pas encore atteint sa pleine maturité.

Le fait que Shardina était encore célibataire était quelque peu inhabituel dans la noblesse, où il était de coutume de se marier dès l’adolescence. O'ltormea comptait parmi les nations les plus fortes du continent occidental. En tant que fille de son empereur, Shardina n’aurait aucune difficulté pour trouver un mari, même si son apparence n’était pas très belle.

Mais en plus d’être, en fait, l’une des personnes les plus dignes de confiance de l’empereur et un général ayant de nombreux exploits militaires, l’apparence de Shardina serait ce qu’on n’hésiterait pas à appeler une beauté parfaite.

Elle portait une combinaison impeccable de lignage, de pedigree, d’intelligence et de statut social, mais elle y ajoutait de la valeur et de l’ingéniosité. Beaucoup voudraient épouser une telle femme. Et en effet, elle avait reçu de nombreuses propositions, elles étaient en fait incessantes. Principalement des nobles de haut rang de tout l’empire, mais aussi des familles royales et de la noblesse influente d’autres pays.

Si quelque chose pouvait expliquer le fait qu’elle n’était pas encore mariée, c’était qu’elle était beaucoup trop habile et que, parmi les nombreux enfants de l’empereur, elle était particulièrement aimée par son père.

« Princesse, il est temps de se réveiller ! »

Le ton de la femme de chambre était devenu un peu strict, et les coups à la porte semblaient un peu plus forts. Elle s’appelait Emma, c’était une servante qui servait Shardina depuis l’enfance de la princesse, et qui était désormais la seule personne autorisée à entrer dans ses quartiers privés.

Réalisant que Shardina ne répondait pas à ses appels, Emma soupira et prit la clé de la chambre dans la poche de son tablier.

« Que vais-je faire de toi, princesse... »

Ce qui avait salué Emma en entrant dans la chambre, c’était la vue de Shardina avec les couvertures tirées sur la tête et ignorant très catégoriquement la possibilité de se réveiller et de se lever du lit.

« Allez, princesse, c’est l’heure de se lever. C’est le matin, entends-tu ? Bonjour ! »

Emma lui arracha les couvertures et se mit à secouer les épaules. Il s’agissait d’un acte qui aurait certainement fait exécuter quelqu’un d’autre pour avoir commis un crime de lèse-majesté, mais étant donné que c’était ainsi qu’elle avait réveillé Shardina pendant de nombreuses années, cela serait arrivé beaucoup trop tard.

« Argh… Je sais que c’est le matin, je comprends, alors laisse-moi dormir encore un peu… »

« Encore une nuit blanche, milady ? »

Emma secoua la tête, jetant un coup d’œil aux papiers qui jonchaient le bureau à côté de son lit.

« Je comprends l’importance de ton travail, mais s’il te plaît, ne négliges pas ta santé pour cela. »

Et alors que Shardina était manifestement gâtée, Emma l’avait servie pendant de nombreuses années et comprenait sa position. Elle ne pouvait pas passer à côté d’un peu trop de sommeil. Surtout ces derniers jours, elle était très occupée. Oui, depuis ce jour-là, où un incendie s’était déclaré dans le château…

Emma remis ensuite la couverture sur Shardina et ferma les rideaux, empêchant les rayons du soleil matinal d’entrer dans la pièce.

Comme c’est affreux… Une pensée traversa l’esprit d’Emma quand elle avait déverrouillé la porte de la chambre de Shardina à nouveau. Il semblerait qu’il faudra du temps avant que Shardina donne naissance à un enfant dont je pourrais m’occuper…

***

Bonus 2 : Le serment de Sara

Une cage était placée sur le porte-bagages de la voiture, qui tremblait chaque fois que les roues roulaient sur un rocher sur la route.

Combien de temps s’était écoulé depuis ce jour cauchemardesque ? Les filles étaient assises à l’intérieur de la cage, se serrant les genoux. Elles craignaient toutes le destin qui les attendait. Chaque fois que Sara entendait le son d’un sanglot venant d’une direction ou d’une autre, elle sentait la colère et la haine tourbillonner dans son cœur.

« Qu’est-ce que… Que va-t-il nous arriver maintenant… ? Est-ce que maman et papa vont bien… ? »

Alors que sa sœur s’accrochait au corps de Sara, une toux s’était échappée de ses lèvres. En entendant ces paroles, Sara serra la main de sa sœur. Il n’y avait pas de raison de poser cette question maintenant. Le fait que ces jeunes filles aient été vendues à un marchand d’esclaves était tout ce qu’il fallait savoir pour arriver à la bonne conclusion, et c’était une vérité qui s’appliquait également aux parents des deux sœurs.

Leur père avait juré toute sa vie fidélité au royaume du Quift, et il allait sans dire qu’il n’était pas du genre à tourner le dos à son pays et à fuir pour se préserver, car il était au bord de l’effondrement. S’il avait été si habile, les vassaux auxquels il avait confié ses filles n’auraient peut-être pas fait quelque chose d’aussi stupide que de les trahir, et les sœurs ne seraient jamais tombées dans le péché d’être vendu à ce marchand d’esclaves.

La sœur de Sara n’était pas si stupide que ça pour ne pas comprendre ça. La vue de sa sœur retenant son anxiété avait incité Sara à la soutenir du fond du cœur. Le malheur était tombé sur ces pauvres sœurs, leurs jours de paix s’effondrant un jour en cendres, disparaissant avec leur famille et leurs vassaux dans les flammes. Elles avaient été laissées seules et réduites en esclavage.

« Sara… »

Le regard creux dans les yeux de Laura fit faire des vagues dans le cœur de Sara. Laura avait toujours été douée pour tout. Elle était douce et gentille, et toujours plus habile que Sara en arts martiaux et en magie. Mais la même sœur qu’elle admirait toujours était maintenant assise à côté d’elle, terrifiée.

« Tout ira bien, Laura. Je suis sûre que d’une façon ou d’une autre les choses vont s’améliorer. »

C’était le mensonge que Sara avait concocté pour réprimer l’anxiété qui bouillonnait dans son cœur, un bluff qu’elle avait tenté pour se convaincre en utilisant toutes ses forces. Un mensonge que même un enfant mettrait en lumière. Et pourtant, la lumière de la volonté était revenue dans les yeux de Laura.

« Tu as raison… Je suis désolée. »

Ces mots étaient si ténus et faibles qu’ils n’atteignirent presque pas les oreilles de Sara.

Alors que le soleil se couchait ce jour-là, la calèche arriva enfin dans une certaine ville citadelle, protégée de tous côtés par de solides murs. À l’extérieur de la voiture, elles pouvaient entendre le tumulte animé des gens qui passaient par là. La voiture roula le long de la rue principale et finit par disparaître dans un manoir.

« Hé, on est là. »

La porte de la cage s’ouvrit, et un homme d’âge moyen au visage vulgaire aboya furieusement contre elles.

« Descendez, en commençant par ceux qui sont le plus près de la porte. »

Un si grand manoir… N’importe quel marchand qui peut subvenir aux besoins d’un si grand domaine ne nous utilisera pas simplement et ne nous laissera pas pourrir. Nous trouverons certainement une chance de nous échapper.

Elles avaient encore un dernier moyen caché de se libérer que leur père leur avait enseigné. Pour l’instant, ce chemin leur était fermé, mais elles avaient définitivement acquis la magie pour le rendre accessible.

« Laura. Obéissons pour l’instant. »

Voyant la détermination brûler dans les yeux de Sara, Laura hocha la tête en retour.

***

Bonus 3 : Les pensées de Laura

Trois personnes traversèrent la forêt sombre, se dirigeant vers l’est. La seule chose qui les illuminait, c’était le faible clair de lune qui s’échappait du ciel. Leur respiration bruyante se répercutait à travers la forêt profonde et silencieuse.

« Il devrait y avoir un point d’eau à proximité. »

Après que Sara, celle qui avait pris l’initiative, ait dit ça, le maître des sœurs, Ryoma Mikoshiba, hocha la tête sans rien dire.

Laura, qui s’était occupée de la garde de l’arrière de leur formation, jeta un coup d’œil en arrière. Ils fuyaient l’empire d’O’ltormea, qui régnait sur le centre du continent occidental. Leur habile complot les avait aidés à se débarrasser de leurs poursuivants une fois, mais ils ne pouvaient pas se permettre d’être complaisants.

« Il n’y a aucun signe de poursuite. On devrait s’en sortir. Il leur sera difficile de rassembler les troupes qu’ils avaient dispersées dans la forêt. »

« C’est vrai… Alors, faisons une petite pause. »

Sa respiration était terriblement perturbée. Il essaya de feindre le calme avec son ton de voix, mais il était clair que l’endurance de Ryoma était terriblement épuisée. Pourtant, il avait suivi les sœurs, qui avaient renforcé leur corps par la magie martiale.

Son endurance est époustouflante, et il a un cœur d’acier qui va avec. C’est presque effrayant… C’est pourquoi cet homme est capable d’échapper à l’empire… et comment il a changé nos destins.

C’était l’homme qui avait changé le destin de ces sœurs. En regardant son grand dos, le souvenir de cette journée refit surface dans l’esprit de Laura.

Il y a six mois, leur maître de l’époque, Azoth, le marchand d’esclaves, les avait informées de leur migration vers le continent occidental. Azoth était déjà froidement considéré par les gens du même métier que lui pour ses tactiques commerciales, mais après avoir échoué magnifiquement dans une transaction, il avait fini par gagner la colère des autres.

Sentant que sa vie était en danger, Azoth n’avait probablement pas d’autre moyen d’éviter les assassins envoyés après lui que de déménager sur un autre continent. Transportant toute la fortune et les biens qu’il pouvait porter et ses meilleurs esclaves, il était monté à bord d’un navire, naviguant et vendant ses esclaves à des gens influents afin de récupérer ses pertes et faire un retour en tant que marchand d’esclaves.

Laura et Sara. La seule raison pour laquelle elles n’avaient pas été vendues jusqu’à la toute fin, c’est parce que leurs prix étaient tout simplement trop élevés. Leur apparence, leur lignée, leur intelligence et leurs prouesses martiales étaient parfaites à tous points de vue. Et elles étaient même chastes et n’avaient pas encore connu d’homme. Leur prix surpassait même celui des plus beaux bijoux.

Regardant leurs compagnons esclaves être vendus les uns après les autres, Laura passait ses journées à lutter contre la peur paralysante que la prochaine à être vendue puisse être elle.

Oui, jusqu’à ce jour fatidique…

Ce jour-là, ils étaient assaillis par des bandits et, jetant tout le reste, Azoth s’était enfui pour protéger sa propre vie. Laissées dans le compartiment de la voiture, les sœurs n’avaient rien pu faire. Tandis qu’elle détournait son regard de la puanteur du souffle des bandits, Laura ne pouvait que maudire son destin.

Mais la déesse du destin leur avait accordé sa miséricorde.

Je veux servir cet homme et faire quelque chose pour lui…

Était-ce un sentiment d’obligation, une dette, ou peut-être une admiration pour celui qui les avaient sauvés de l’adversité ? Ces mots portaient une part de vérité, mais ne semblaient pas tout à fait pertinents. Mais quoi qu’il en soit, la seule chose dans le cœur de Laura était la loyauté et le dévouement envers Ryoma Mikoshiba. Avec ces sentiments dans le cœur, Laura avait simplement continué à regarder ce grand dos d’homme-ours devant elle. Elle le regarda simplement, silencieusement…

***

Illustrations

Fin du tome.

***

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