Strike the Blood – Tome 9
Table des matières
- Prologue : Partie 1
- Prologue : Partie 2
- Chapitre 1 : L’Élysée Bleu : Partie 1
- Chapitre 1 : L’Élysée Bleu : Partie 2
- Chapitre 1 : L’Élysée Bleu : Partie 3
- Chapitre 1 : L’Élysée Bleu : Partie 4
- Chapitre 1 : L’Élysée Bleu : Partie 5
- Chapitre 1 : L’Élysée Bleu : Partie 6
- Chapitre 2 : Un vampire au travail : Partie 1
- Chapitre 2 : Un vampire au travail : Partie 2
- Chapitre 2 : Un vampire au travail : Partie 3
- Chapitre 2 : Un vampire au travail : Partie 4
- Chapitre 2 : Un vampire au travail : Partie 5
- Chapitre 2 : Un vampire au travail : Partie 6
- Chapitre 2 : Un vampire au travail : Partie 7
- Chapitre 2 : Un vampire au travail : Partie 8
- Chapitre 3 : Le réveil de Lilith : Partie 1
- Chapitre 3 : Le réveil de Lilith : Partie 2
- Chapitre 3 : Le réveil de Lilith : Partie 3
- Chapitre 3 : Le réveil de Lilith : Partie 4
- Chapitre 3 : Le réveil de Lilith : Partie 5
- Chapitre 3 : Le réveil de Lilith : Partie 6
- Chapitre 4 : Un autre plus puissant : Partie 1
- Chapitre 4 : Un autre plus puissant : Partie 2
- Chapitre 4 : Un autre plus puissant : Partie 3
- Chapitre 4 : Un autre plus puissant : Partie 4
- Chapitre 4 : Un autre plus puissant : Partie 5
- Chapitre 4 : Un autre plus puissant : Partie 6
- Chapitre 4 : Un autre plus puissant : Partie 7
- Chapitre 5 : L’Épée du Jugement : Partie 1
- Chapitre 5 : L’Épée du Jugement : Partie 2
- Chapitre 5 : L’Épée du Jugement : Partie 3
- Chapitre 5 : L’Épée du Jugement : Partie 4
- Chapitre 5 : L’Épée du Jugement : Partie 5
- Chapitre 5 : L’Épée du Jugement : Partie 6
- Chapitre 5 : L’Épée du Jugement : Partie 7
- Chapitre 5 : L’Épée du Jugement : Partie 8
- Chapitre 5 : L’Épée du Jugement : Partie 9
- Épilogue
- Illustrations
***
Prologue
Partie 1
Une obscurité épaisse s’était répandue au-delà de la fenêtre en verre acrylique.
La mer profonde, la nuit…
Le silence et le froid suffisaient à rendre la respiration difficile, tandis que la coque en alliage de titane du bateau appuyait peu à peu sur la peau.
Les projecteurs n’éclairent que les restes de plancton, qui ressemblaient à de la neige tombée. Le sous-marin de recherche Isrus avait continué à descendre vers le fond de l’océan, hors de portée de la lumière du soleil.
« Quelle est notre profondeur ? »
Le capitaine, vêtu d’un scaphandre bleu, parla sur un ton d’agacement. Affecté à une société civile de sondage sous-marin, il s’agissait d’un vétéran qui comptait près de dix ans d’expérience sous les flots. En temps normal, il avait une personnalité dynamique et un flot ininterrompu de plaisanteries, mais ce jour-là, il était de très mauvaise humeur. L’aura qu’il dégageait pouvait être qualifiée de colérique, voire de sauvage.
Le jeune timonier, visiblement intimidé par l’attitude de son capitaine, répondit sur un ton professionnel : « Nous avons dépassé les quatre mille mètres. Deux cent cinquante mètres jusqu’à la profondeur maximale. »
« … Ce truc est-il vraiment là ? »
Le capitaine avait grogné alors qu’il était clair qu’il n’était pas du tout amusé.
Leur société avait été engagée pour sonder les profondeurs les plus profondes de la mer à l’est de l’île Itogami, à plus de neuf mille mètres sous le niveau de la mer. À ce moment-là, les seuls sous-marins capables de plonger à cette profondeur se comptaient sur les doigts d’une seule main. C’était, en quelque sorte, un terrain que l’humanité n’avait pas le droit de fouler.
« Sur quoi se base cette rumeur selon laquelle nous trouverions les restes d’une… arme biologique de l’Âge des Dieux dans le coin ? Une légende sans fondement, non ? » demanda le capitaine.
« Qui sait ? Peut-être que quelqu’un a sauvé un homme du coin ? »
« … Une sirène ? »
« Haha, je plaisante. Mais le client est une société du Sanctuaire des démons cette fois-ci, alors je me suis dit que ça ne serait pas si étrange que quelqu’un connaisse quelqu’un de ce genre. »
« Tu as raison. D’ailleurs, je suis content que quelqu’un nous engage, même si c’est pour une enquête stupide comme celle-ci, » cracha le capitaine, faisant suivre son propos d’un profond soupir.
La mission de l’Isrus était de localiser les traces d’une arme biologique construite dans les temps anciens. Ce détail totalement absurde était à l’origine de la mauvaise humeur du capitaine.
Tout d’abord, le sous-marin de recherche Isrus avait été construit pour étudier la vie animale et végétale au fond de l’océan et pour tracer le chemin de leur évolution. Localiser une curiosité qui peut ou ne peut pas exister n’était clairement pas son but.
« Je ne pense pas de toute façon que ce soit quelque chose qui vaille la peine de dépenser autant d’argent pour le chercher. La rumeur dit que le Nalakuvera, laissé derrière par cette bande de Deva, s’est fait écraser assez facilement par la Garde de l’île et tout le reste. »
« Veux-tu dire ceux que le Front de l’Empereur de la Mort Noire a amené sur l’île d’Itogami ? Eh bien, d’autres disent que c’est en fait le Quatrième Primogéniteur qui les a éliminés… Si c’est le cas, peut-être que nous ne devrions pas trop rabaisser les Nalakuvera… Hmm ? »
Le timonier avait brusquement haussé un sourcil, semblant ne pas savoir quoi faire en regardant l’écran de recherche.
Le capitaine le regarda d’un air dubitatif. « Qu’est-ce qu’il y a ? »
« Une irrégularité dans les données du terrain… Peux-tu dire ce que c’est ? »
L’écran vers lequel le timonier pointait son doigt affichait une représentation graphique du fond de l’océan. Une image en 3D reproduisait les données du terrain obtenues lors d’études antérieures, et une image filaire pixelisée était superposée, mise à jour par les données du sonar de l’Isrus en temps réel. Normalement, les deux ensembles de données devraient être identiques, mais il y avait une étrange disparité.
Au fond de la mer, il y avait un léger renflement sur une distance de plusieurs kilomètres.
« Ça ne ressemble pas à une erreur du sonar d’une thermocline. Le fond de l’océan a-t-il connu des remontées anormales ? »
« Non… il n’y a aucun signe d’activité volcanique dans cette zone maritime. Plus que ça, cette forme… Cela ressemble à une sorte de créature, n’est-ce pas… ? »
« Une créature ? »
Voyant le visage du navigateur pâlir, le capitaine lui lança un regard noir. « C’est ridicule », murmure-t-il. Cependant, même dans ce laps de temps, l’analyse du sonar affichée sur le moniteur changeait de façon irrégulière chaque seconde.
Cela ressemblait certainement à une sorte de créature rampant au fond de l’océan, comme un alligator ou un serpent de plusieurs kilomètres de long — ou peut-être un dragon géant.
« Quel enfer… ! C’est trop gros pour être un être vivant… ! Ça en ferait… un vrai monstre, tout droit sorti d’un mythe, n’est-ce pas… !? »
Le capitaine avait sincèrement prononcé ces mots pour son propre bénéfice. Soudain, le timonier à côté de lui poussa un cri. L’instant d’après, le sous-marin avait été assailli par un torrent féroce ressemblant au souffle d’une explosion.
C’était une poussée brutale dans les profondeurs de la mer, avec toute la pression de l’eau à quatre mille mètres sous la surface.
Le vortex déchiqueté qui émergeait du fond de l’océan se déchaînait, jouant avec l’Isrus comme avec une feuille d’arbre. La coque pressurisée protégeant la cabine de pilotage avait gémi de manière audible à cause des craquements intenses.
Même sans vérifier, l’origine du vortex était claire. C’était le monstre. Le monstre géant, immergé jusqu’au fond de l’océan, avait légèrement bougé son corps. Il n’en fallait pas plus pour qu’une incroyable onde de choc se propage dans les environs.
« Im… impulsion d’énergie démoniaque biologique confirmée ! C’est… c’est vivant… ! »
Le timonier s’accrocha désespérément à son siège en criant.
C’était une créature océanique gargantuesque de plusieurs kilomètres de long. Son existence même était absurde selon toute norme rationnelle. Pourtant, sa réalité était arrivée devant leurs yeux, semant la destruction et la terreur partout.
« Tourne… ! Manœuvres d’évitement ! Remonte-nous ! » cria le capitaine à pleins poumons.
Cependant, avec la coque de l’Isrus battue sous l’eau, l’équipage ne savait plus où donner de la tête. Ils avaient déjà libéré les ballasts d’urgence, mais cela n’avait pas beaucoup d’effet dans le tourbillon qui faisait rage.
L’instant suivant, l’Isrus s’était arrêté, comme s’il était pris en sandwich par une sorte d’objet géant.
Avec une vibration déstabilisante, la coque avait commencé à se fissurer. La coque pressurisée avait émis un son étrange.
« Nous avons dépassé la limite de pression ! Elle est en train d’être écrasée — . »
« À cette profondeur… !? »
Le cri du timonier fit sursauter le capitaine. L’Isrus avait encore beaucoup de marge avant d’atteindre sa profondeur maximale, la coque pressurisée avait été construite en pensant à la sécurité de l’équipage, capable de supporter confortablement la pression de l’eau à dix mille mètres de profondeur. Et pourtant, une sorte de force immense écrasait l’Isrus.
« C-Capitaine ! »
« Ne me dis pas… »
Les projecteurs éclairant l’extérieur de la coque s’étaient brisés, plongeant les environs dans l’obscurité. Cependant, quelque chose s’était élevé dans les dernières lueurs — une rangée d’innombrables dents, chacune ressemblante à un rocher…
Le sous-marin avait été pris dans la gueule de la bête titanesque.
« Ne me dis pas… cette chose va nous manger… !? » murmura le capitaine sous le choc.
Les mots avaient à peine quitté ses lèvres que la coque pressurisée s’était brisée. Il n’avait même pas eu le temps de sentir l’eau de mer froide que son esprit avait plongée dans les profondeurs de l’obscurité.
⬨⬨⬨
C’était la nuit de la nouvelle lune — .
Les filles avaient continué à courir dans le labyrinthe des tunnels souterrains.
L’une des filles était de très petite taille. Elle donnait une impression de maturité pour son âge, mais on ne pouvait pas cacher son visage d’enfant. Elle était probablement encore à l’école primaire, onze ou douze ans tout au plus.
Elle ne portait qu’un maillot de bain bleu en deux pièces avec une parka ample. Elle ne portait même pas de sandales de plage, courir pieds nus devait être douloureux.
« Peux-tu encore courir ? »
La jeune fille qui la menait par la main était grande et âgée de seize ou dix-sept ans. Elle avait des membres longs et minces et un visage raffiné. Ses longs cheveux marron clair étaient attachés en queue de cheval.
Sa main droite tenait une épée longue de couleur argentée avec une lame épaisse. Elles avaient couru une bonne distance, mais elle ne montrait aucun signe d’essoufflement, peut-être avait-elle eu une sorte d’entraînement spécial.
« Oui… mais… »
La petite fille en maillot de bain avait répondu faiblement en s’arrêtant.
Un volet fait de barres métalliques de couleur argentée leur barrait la route. Surmonter ces solides barres de métal, construites pour empêcher les bêtes démoniaques de s’échapper, était au-delà de ce que la force du haut du corps de deux filles apparemment sans défense pouvait faire.
Mais la jeune fille à la queue de cheval souriait agréablement en regardant calmement l’obturateur solide.
« Ne t’inquiète pas. Je vais te faire sortir d’ici. C’est mon travail, après tout, » dit-elle en levant haut son épée longue en argent. Sans fanfare, elle la balança vers le volet qui bloquait leur avance. Son maniement de l’épée était élégant, comme une danse. Il ne semblait pas y avoir de force dans son geste.
C’est tout ce qu’il avait fallu pour sectionner complètement plusieurs bars sous leurs yeux.
L’espace créé dans le volet n’était pas si grand, mais il était suffisant pour qu’elles puissent se glisser à travers. Avec un balancement de sa queue de cheval, elle avait tranquillement abaissé son épée.
« Qui… es-tu ? » demanda l’élève de l’école primaire en maillot de bain avec un air de surprise sur son visage juvénile.
La fille à la queue de cheval passait par l’interstice de l’obturateur quand elle s’était retournée, souriant quelque peu fièrement.
« — Sayaka Kirasaka. Un danseur de guerre chamanique de l’Organisation du Roi Lion. »
« Danseuse de guerre chamanique ? »
« Je viens d’une agence spéciale chargée d’arrêter les catastrophes de sorcellerie à grande échelle et le terrorisme de sorcier… Bon, il serait plus facile de dire que je suis une “Magical girl” qui se bat pour la justice. » Sayaka gonfla sa poitrine d’un air suffisant en parlant d’un ton théâtral.
La jeune fille regarda Sayaka avec une expression neutre, soupirant d’une manière qui semblait indifférente. « Magical girl, elle dit… Haah... »
« Qu-Quoi ? Était-ce un soupir à l’instant !? »
« Euh, plus important, les gardes nous ont repérés. »
Elle le fit remarquer, agissant comme s’il fallait être un adulte fou pour la traiter comme une enfant. Sayaka grogna, s’enfonçant dans le vide un instant avant de relever le visage, son moral apparemment remonté. Elle se tourna vers les gardes et plaça sa longue épée argentée parallèle au sol.
« C’est bon. Recule juste un peu. »
Sayaka fit un seul pas en avant alors que l’épée longue dans ses mains changeait de forme. Les bords argentés se fendirent devant et derrière, tournant à 180 degrés en se séparant pour former un arc recourbé moderne. C’était la véritable forme du prototype d’arme de suppression transformable de l’Organisation du Roi Lion, Der Freischötz.
Sayaka sortit une fléchette extensible de son étui sous sa jupe, l’allongeant en flèche.
« Écaille lustrée ! »
Elle tira la corde de l’arc recourbé et décocha une flèche.
Ce n’était pas une flèche normale, mais une flèche sifflante qui émettait un grand rugissement. Il s’agissait d’une flèche maudite spéciale qui mettait en œuvre un chant de sort de haute densité dépassant la capacité des poumons et du larynx d’un humain — Contre des adversaires humains normaux, ce niveau de son explosif était en soi une menace suffisante.
***
Partie 2
L’onde de choc libérée par le rugissement se répercuta dans l’étroit tunnel, faisant s’évanouir les gardes en embuscade comme s’ils avaient été fauchés par une faux. La flèche maudite se dirigea tout droit vers la porte de sortie du tunnel et la transperça.
« Incroyable… »
La fille en maillot de bain laissa échapper une voix d’admiration devant la puissance de la flèche maudite qui s’était envolée devant ses yeux. Sa réaction honnête avait donné à Sayaka un air de soulagement quand elle avait dit :
« Eh bien, c’était à prévoir. Je te l’ai dit, je suis une “Magical girl”. »
« Hein ? Mais n’était-ce pas juste un sort rituel ? Bien que je pense que c’est assez incroyable… »
« Arghhh. » Le ton froid de la réponse de l’écolière avait poussé Sayaka à courber le dos et à gémir sur place. Puis l’expression de l’agent du Roi-Lion était soudainement redevenue sérieuse.
« Sais-tu nager… ? »
Au-delà de la sortie du tunnel se trouvait une étroite voie d’eau d’environ dix mètres de large. C’était un canal pour les touristes qui s’étendait à travers l’île artificielle. Le traverser signifiait sortir de l’installation.
Heureusement, le courant du canal était faible et il n’était pas impossible de le traverser à la nage. Le danger était probablement minime comparé à celui de passer la porte d’entrée de l’installation.
« Je suis une excellente nageuse. Je peux faire une cinquantaine de mètres sans m’arrêter, » répondit fièrement la jeune fille en maillot de bain.
Sayaka hocha la tête en signe de soulagement. Elle sortit un mince morceau de métal. Dans sa paume, il prit la forme d’un petit oiseau — un shikigami, auquel on accorda le souffle de la fausse vie à l’aide d’un sort rituel.
« Je suis contente. Alors je suis désolée, mais tu continues. Une fois que tu auras fini de traverser le canal, ce petit te guidera jusqu’à ce que tu atteignes un endroit sûr. »
« … Et toi ? »
« Ne t’inquiète pas, je te rattraperai bien assez tôt. »
Sayaka remit son arc recourbé en forme d’épée et lui adressa un sourire appuyé. Puis, comme si elle se souvenait soudainement de quelque chose, elle sortit une photo de sa poche de poitrine. La photo avait l’air d’avoir été malmenée, comme si son propriétaire l’avait déchirée, avant de la recoller soigneusement avec du ruban adhésif.
« … Mais si tu ne peux pas me retrouver, va rencontrer cet homme. »
« M… Kojou Akatsuki ? »
L’écolière avait accepté la photo de Sayaka en inclinant la tête d’un air dubitatif. La photo montrait un adolescent dans un uniforme de lycéen. Le verso présentait un profil assez détaillé, des informations prétendument nécessaires pour un assassinat.
« Ouais. C’est un idiot, indécent, le genre de pervers qui pose ses mains sur toutes sortes de filles au pied levé — ai-je mentionné que c’est un idiot ? — mais, eh bien, on pourrait dire qu’il a un certain nombre de bons points… »
« — Est-ce ton amoureux ? » La voix de la jeune fille était sombre en réponse à l’explication désolée de Sayaka.
À cet instant, le visage de Sayaka devint rouge comme la braise et elle secoua la tête avec force. « A — !? Amou… !? N-Non, ce n’est pas encore ça… ! »
« … Encore ? »
« Ce… ce n’est pas ça, il n’est qu’un figurant — c’est plutôt la fille mignonne comme un ange qui le surveille qui te sera probablement d’une grande aide, donc — ! »
« Est-ce ainsi… ? Euh, ça ne me regarde peut-être pas, mais je pense que tu devrais essayer d’être honnête sur tes propres sentiments de temps à autre… »
« J’ai dit que ce n’est pas comme ça ! De toute façon, dépêche-toi maintenant ! »
Sayaka, fortement perturbée par les conseils avisés de l’écolière, la poussa vers le canal. La fille en maillot de bain soupira sans un mot. Après avoir vérifié la température de l’eau du bout de l’orteil, elle sembla durcir sa résolution, plongeant dans le canal.
Apparemment, l’affirmation de la gamine — qu’elle était une nageuse experte — n’était pas une simple fanfaronnade. Avec une brasse régulière, elle fit son chemin vers le côté opposé.
« … Et maintenant. »
Pendant un moment, Sayaka observa de dos le départ de la fille. Puis, elle leva son épée et déplaça son regard derrière elle.
Elle entendit les pas de quelqu’un venant du canal que Sayaka et la fille avaient traversé. C’était sans doute quelqu’un qui essayait de ramener la fille. Cependant, elle n’avait senti qu’un seul poursuivant. Le claquement régulier des talons semblait étrangement peu pressé.
« Un danseur de guerre chamanique de l’Organisation du Roi Lion, sermonné par une élève d’école primaire. Un spectacle désolant, n’est-ce pas ? »
Enfin, le poursuivant, avec un léger ricanement, avait été révélé.
La silhouette s’était avérée être une jeune femme, probablement du même âge que Sayaka.
Ses cheveux étaient longs et noirs, portés dans un style ancien. L’uniforme du lycée qu’elle portait était également noir. Même dans l’obscurité, il était clair qu’elle était belle, mais d’une certaine manière, elle dégageait une impression de froideur, elle avait un regard comme si elle se moquait du monde.
« C’est juste son malentendu… ! Attendez, vous avez entendu ça !? »
Sayaka avait hurlé avec une hostilité flagrante. La fille aux cheveux noirs l’avait regardée et avait éclaté de rire.
« Je ne crois pas qu’un intrus ait le droit de se plaindre d’une écoute… N’est-ce pas ? »
« Je ne pense pas qu’une criminelle ait le droit de parler d’intrusion, si ? »
Sayaka pointa la pointe de son épée vers la fille en parlant.
La fille aux cheveux noirs ne tenait aucune arme. Pourtant, ses sourcils ne s’agitaient même pas tandis qu’elle s’avançait vers Sayaka qui était armée d’une épée. Viens me voir quand tu veux, semblait dire son attitude, en narguant Sayaka.
« Vous avez un excellent timing. De toute façon, je pensais justement à vous demander ce que Kusuki-Élysée faisait à enfermer une petite fille comme ça. »
Sayaka gardait son épée pointée à hauteur de ses yeux tandis qu’elle évaluait tranquillement la distance.
Un pas de plus. Au moment où la fille aux cheveux noirs commençait à avancer, l’attaque de Sayaka l’atteignait — l’attaque de l’Écaille lustrée, qui déchirait l’espace lui-même, détruisant toute défense —.
« Der Freischötz de l’Organisation du Roi Lion… le prototype d’arme de suppression, imprégné d’un rituel de pseudoséparation spatiale. Certes, c’est une arme sacrée puissante, mais… »
La fille aux cheveux noirs s’était soudainement arrêtée, souriant élégamment. L’instant d’après, la fille sauta du sol en faisant le bruit d’un petit robinet, disparaissant.
« Hein !? »
C’était la fille aux cheveux noirs qui avait lancé une attaque en premier. En une fraction de seconde, elle s’était glissée dans le flanc de Sayaka, lançant un incroyable coup de genou qui contrastait avec son comportement calme.
Sayaka avait réussi à bloquer de justesse l’attaque avec ses deux mains. Naturellement, elle n’avait pas utilisé son épée. Ayant permis à son adversaire de s’approcher si près, la portée supérieure de son arme avait été complètement annulée.
« Le Type Six ne peut pas attaquer à cette distance, n’est-ce pas ? »
La fille aux cheveux noirs avait chuchoté à l’oreille de Sayaka. Sayaka serra les dents et ne répondit rien. Elle ne pouvait pas utiliser la capacité de l’Écaille lustrée avec un ennemi blotti contre elle, car la déchirure de l’espace était si puissante qu’elle blesserait le lanceur, Sayaka elle-même.
« Urk ! Dans ce cas — ! »
Sayaka se faufila à travers la rafale d’attaques de son adversaire et sortit plusieurs charmes. C’était de fines plaques de métal pour créer des shikigamis de combat. Cependant, avant qu’elle puisse y insuffler de l’énergie rituelle, son adversaire attaqua la main gauche de Sayaka avec un coup de karaté. Le coup engourdit le poignet de Sayaka, envoyant les charmes danser dans l’air.
« Les danseurs de guerre chamaniques sont utilisés pour les malédictions et les assassinats. Vous êtes désavantagé en simple combat rapproché, n’est-ce pas ? »
La fille était très bavarde pour quelqu’un qui lançait une série d’attaques rapides. Elle donnait l’impression d’être quelqu’un qui testait un adversaire amical dans un combat simulé, lui demandant des réponses, plutôt que de simplement s’amuser. Sayaka avait l’impression que ses capacités de combat étaient évaluées.
« — Ce n’est pas gravé dans la pierre ! Déformation ! »
Sayaka para les coups de la fille tout en aspirant l’énergie rituelle et en la libérant. D’un seul coup, les charmes s’étaient éloignés de la main de Sayaka et s’étaient transformés en oiseaux de proie. C’était des raptors de métal avec des serres et des becs aussi aiguisés que des couteaux.
« Activation à distance via un chant compressé… Je vois, il fallait s’y attendre… ! »
Sous l’assaut des shikigami, la fille aux cheveux noirs avait fait un bond en arrière. Naturellement, même elle ne pouvait pas s’approcher de Sayaka en affrontant six shikigami simultanément.
Dans cette ouverture, Sayaka avait rendu à l’Écaille lustrée sa forme d’arc recourbé.
Elle détestait l’admettre, mais son adversaire avait l’avantage en combat de mêlée. Pendant que les shikigamis occupaient la fille aux cheveux noirs, elle utiliserait l’onde de choc d’une flèche maudite pour la mettre hors d’état de nuire.
Même si elle mettait en place une défense magique, il faudrait une sorcière de la classe de Natsuki Minamiya ou un vampire Primogéniteur pour résister à un coup direct de l’Écaille lustrée. Il est certain que la fille aux cheveux noirs, sans arme dans les mains, ne pouvait pas repousser l’attaque de Sayaka.
Cela se termine maintenant —, pensa Sayaka en tirant l’arc.
L’instant d’après, tout le corps de la fille aux cheveux noirs avait émis un cri perçant.
« — Tonnerre Flamboyant ! »
Les shikigamis qui attaquaient la fille avaient été repoussés comme s’ils avaient été frappés par un marteau invisible. Elle avait utilisé une énergie rituelle de haute densité comme une balle, abattant les shikigamis d’un seul coup.
« Qu… !? »
Sayaka libéra instantanément sa flèche maudite, mais la fille aux cheveux noirs avait déjà tournoyé jusqu’à être derrière Sayaka. Ayant perdu sa cible, la flèche maudite explosa, effondrant les murs du tunnel.
L’expression de la danseuse de guerre chamanique se tordit de malaise. L’explosion de la flèche maudite n’était pas la raison de son inquiétude, c’était la technique de combat que la jeune fille aux cheveux noirs avait utilisée pour frapper les shikigami dans les airs. Sayaka connaissait la vraie nature de cette technique, d’où sa confusion.
Il ne faisait aucun doute que la jeune fille aux cheveux noirs avait utilisé l’école des Huit Dieux du Tonnerre — transformant l’énergie rituelle amplifiée en puissance d’attaque physique. Il s’agissait d’un art martial de style rituel pour le combat anti-démoniaque, développé pour permettre d’étouffer un démon à mains nues. Il s’agissait d’un art martial rituel extrêmement spécialisé.
Pour autant que Sayaka le sache, seules quelques personnes étaient capables d’utiliser ces techniques : Les Chamane Épéistes de l’Organisation du Roi Lion. Les techniques de l’École des Huit Dieux du Tonnerre étaient des techniques de Chamane Épéiste de part en part.
« Cette technique… Ne me dites pas que c’est la même que celle de Yukina… !? »
Sayaka avait remis l’Écaille Lustrée sous sa forme d’épée et l’envoya horizontalement vers son dos. Cependant, la fille aux cheveux noirs était plus rapide. Avec son dos toujours tourné, elle poussa le poids de son corps sur Sayaka. Normalement, il n’existait pas d’attaque capable de frapper un adversaire avec les deux corps pressés ensemble comme ça. Mais…
« — Coup de Tonnerre ! »
L’impact explosif déclenché à bout portant avait fait voler le grand corps de Sayaka.
La fille aux cheveux noirs avait transformé l’énergie rituelle en puissance d’attaque physique pour la percuter à bout portant. Sayaka, ses organes internes fortement secoués, ne pouvait même pas crier alors qu’elle tombait sur le sol.
« … Pourquoi pouvez-vous… utiliser… les techniques des Chamanes Épéistes… !? »
Sayaka s’était exprimée malgré une respiration laborieuse.
La fille aux cheveux noirs ne répondit pas, regardant silencieusement Sayaka, qui était à quatre pattes. Dans la main de l’attaquante se trouvait une épée longue en argent — l’Écaille Lustrée.
Personne d’autre que Sayaka ne pouvait utiliser sa pseudoséparation spatiale, mais dans cette circonstance, une telle chose n’était guère nécessaire. La fille pouvait tuer Sayaka d’un simple coup d’épée.
« Êtes-vous aussi une… Chamane Épéiste ? » demanda Sayaka d’une voix cassée.
Non, dit le langage corporel de la fille en secouant la tête.
« Je suis l’ombre de la Chamane Épéiste — une Prêtresse des Six Lames, » corrigea-t-elle avec désinvolture.
Avant que Sayaka ait pu entendre ces mots, sa conscience s’était évanouie dans l’obscurité.
***
Chapitre 1 : L’Élysée Bleu
Partie 1
Le béton imbibé d’eau reflétait les rayons du soleil, donnant une lueur glissante.
C’est l’après-midi sur le campus de l’Académie Saikai, la lumière du soleil éclairait la piscine extérieure asséchée. Au fond se tenait Kojou Akatsuki, vêtu d’un uniforme de gymnastique, une brosse à pont dans une main.
En regardant le ciel, si lumineux qu’il lui faisait mal aux yeux, Kojou poussa un profond soupir.
« … Franchement, il fait chaud. »
Il laissa involontairement échapper le murmure, mais l’air, ondulant comme un mirage, le faisait fondre.
C’était juste à la veille des vacances. La piscine était nettoyée régulièrement, une fois tous les six mois. Ses parois étaient couvertes de crasse, les carreaux cuisaient. Les rayons ultraviolets incessants qui se déversaient sur Kojou lui ôtaient progressivement toute endurance.
« Certes, la température est supérieure à la moyenne annuelle. Il semblerait qu’on ait un hiver chaud cette année. »
Yukina Himeragi avait répondu d’un ton très sérieux, debout au bord de la piscine.
L’élève transférée portait l’uniforme d’une fille du collège. Sa véritable identité était celle d’une Chamane Épéiste de l’ Organisation du Roi Lion — une Mage d’Attaque travaillant pour une agence gouvernementale spéciale envoyée pour surveiller Kojou.
Yukina n’avait pas l’étui à guitare avec la lance à l’intérieur qu’elle portait toujours. Au lieu de cela, elle utilisait un tuyau en caoutchouc bleu pour pulvériser de l’eau sur les côtés de la piscine. Entourée d’eau pulvérisée, elle était une vue rafraîchissante, l’opposé polaire de Kojou trempé de sueur.
Fixant avec envie un arc-en-ciel dansant autour de Yukina, Kojou secoua la tête avec une expression creuse.
« Je ne pense pas qu’une température dépassant les trente degrés Celsius soit quelque chose que l’on puisse faire passer pour un simple hiver chaud… Hé, attends, est-ce vraiment l’hiver ? Si c’est vraiment l’été, il n’y aura pas de vacances d’hiver, donc je n’ai pas à nettoyer la piscine, n’est-ce pas ? »
« … Maintenant que tu le dis, c’est un hiver normal sur le continent. Nous avons dépassé la mi-décembre, après tout. »
Yukina avait consciencieusement rejeté les illusions de Kojou qui tentait d’échapper à la réalité.
L’île d’Itogami était une île artificielle construite en pleine mer à plus de trois cents kilomètres au sud de Tokyo. C’était le sanctuaire des démons de l’été éternel, flottant au beau milieu de l’océan Pacifique.
« L’île d’Itogami est chaude tout simplement parce que sa latitude l’expose à beaucoup de soleil, sans compter l’influence des courants marins et des alizés. Le temps est particulièrement agréable aujourd’hui, n’est-ce pas ? »
« S’il fait si beau, pourquoi dois-je nettoyer cette piscine tout seul ? »
La brosse à pont était devenue molle dans la main de Kojou alors qu’il posait la question dans le vent. Les grands yeux de Yukina avaient cligné en regardant Kojou.
« En lieu et place des cours complémentaires, n’est-ce pas ? Tu es à court de jours de présence en raison d’arrivées tardives et de départs anticipés répétés. »
« Ce n’est pas comme si je sautais parce que j’en avais envie… Je veux dire, j’ai échappé de justesse à la mort plusieurs fois, j’ai été rejeté sur une île inhabitée, et j’ai été enfermé dans une autre dimension, tu sais, des petites choses… » Kojou avait grommelé en présentant une série d’excuses.
En fait, depuis qu’une condition physique ridicule lui avait été imposée — être le plus puissant vampire du monde — la plupart des absences non autorisées de Kojou étaient dues à des incidents provoqués par des démons. En d’autres termes, des circonstances inévitables. Peut-être était-ce parce que sa professeur principale, Natsuki Minamiya, était bien consciente de ces circonstances qu’elle lui permettait de contourner son manque d’assiduité avec rien de pire que le nettoyage de la piscine.
« Cela dit, me faire nettoyer sous un soleil de plomb tout seul… Qu’est-ce que c’est, la journée de la brute-vampire… ? »
Kojou essuya la sueur de son front en examinant la piscine asséchée. Lorsqu’elle était pleine, elle faisait vingt-cinq mètres de profondeur, et cela semblait être une taille effrayante pour quelqu’un qui devait la nettoyer tout seul.
En regardant Kojou, languissant et manquant complètement de dynamisme, Yukina semblait exaspérée. Elle expira légèrement.
« Ne sois pas comme ça. Je t’aide aussi, alors finissons-en le plus vite possible. »
« C-C’est vrai… Désolé, Himeragi. »
« De rien. »
Yukina avait enlevé ses chaussures d’intérieur et s’était mise pieds nus en descendant dans la piscine, tuyau d’arrosage en main. N’ayant pas le choix, Kojou avait repris la serpillière et avait commencé à éliminer systématiquement toute trace d’impureté dans la piscine.
Yukina regarda la petite flaque d’eau à ses pieds et haussa ses adorables épaules.
« Mais il fait vraiment chaud aujourd’hui. C’est un peu dommage de venir dans une piscine et de ne pas pouvoir se baigner. »
Pendant un moment, sa vue avait captivé les yeux de Kojou.
« Maintenant que j’y pense, tu sembles être une sorte de nageuse experte, Himeragi. »
« Tu le crois ? Quand j’étais à la Forêt des Grands Dieux, nous nous sommes entraînés au combat sous-marin, donc j’aspire à nager dans une certaine mesure. »
« … Le combat sous-marin ? »
C’est différent de la natation que je connais à un niveau assez basique, pensa Kojou, déconcerté. En fait, la Forêt des Grands Dieux était le nom de l’institution dans laquelle Yukina avait vécu dans le passé. En apparence, il s’agissait d’une école de filles, de l’élémentaire au secondaire, dans la région de Kansai, mais il s’agissait apparemment d’un établissement de l’Organisation du Roi Lion pour la formation des Mages d’Attaque.
« Et toi, Senpai ? Sais-tu nager ? »
« Euh, non, je… eh bien, je suis un vampire, vois-tu. L’eau se heurte un peu à moi, et tout ça… »
La question avait fait que Kojou avait involontairement lutté avec ses mots. Voyant Kojou détourner les yeux avec des manières maladroites, Yukina semblait légèrement mystifiée en le fixant.
« Je croyais que c’était une superstition quant au fait que les vampires ne pouvaient traverser l’eau courante… »
« Euh, est-ce vrai ? »
« Oui. Certes, cela restreint certaines capacités spéciales comme la transformation en brume, et certaines affinités de Vassal Bestial peuvent rendre impossible leur invocation dans cet état, mais il ne devrait pas y avoir de grande différence physique entre eux et les êtres humains normaux. »
« Euh, mais les démons ont des différences individuelles, non ? »
Yukina avait tranquillement regardé Kojou avec des yeux à moitié fermés alors qu’il cherchait sincèrement une prise.
« Ah… Senpai, est-il possible que… ? »
« N-Non, ce n’est pas comme si je ne savais pas nager ! Ce n’est pas vraiment mon truc, c’est tout ! »
« Si tu le souhaites, je pourrais t’apprendre à nager à une autre occasion ? Après tout, le plus puissant vampire du monde qui ne sait pas nager pose un problème d’image. »
« Je n’ai jamais dit que je ne savais pas nager — ! »
Kojou continua désespérément sa réfutation face à la proposition apparemment prévenante de Yukina. Yukina gloussa un peu à la vue de Kojou qui semblait être acculé contre le mur. Sans doute, les efforts futiles de Kojou pour dissimuler son incapacité à nager étaient plus amusants pour elle que le fait lui-même.
« Compris. Restons-en là. »
« G... gnn... »
Les lèvres de Kojou s’étaient tordues alors qu’il gémissait. Après s’être penchée en avant pendant un moment, les épaules tremblantes, Yukina avait relevé la tête comme si elle s’était soudainement souvenue de quelque chose.
« En y réfléchissant bien, » commença-t-elle, le ton changeant brusquement, « J’ai vu beaucoup de publicités autour de la piscine ces derniers temps. Ils disent qu’une île artificielle privée a été achevée ? »
« Oui, l’Ély Bleu ? Il y avait une émission spéciale à ce sujet dans un talk-show hier, » répondit rapidement Kojou, reconnaissant que Yukina ait changé de sujet.
L’Ély Bleu, abréviation de l’Élysium Bleu, était un nouveau type d’île flottante construite au large de l’île d’Itogami. Il s’agissait d’une petite île, n’atteignant même pas un rayon de six cents mètres, mais ce qui méritait une mention spéciale, c’était que l’ensemble du sous-flotteur était conçu comme un parc à thème géant. Les attractions comprenaient des hôtels de villégiature, des piscines de loisirs, des montagnes russes, et un aquarium spécial appelé le Parc des bêtes démoniaques qui espérait jouer le rôle de nouveau symbole de l’île d’Itogami.
« C’est vrai, ils ont dit qu’ils faisaient un essai avant l’ouverture officielle. L’île d’Itogami n’a pas encore eu beaucoup d’installations de loisirs de ce genre, donc ça va probablement être un sujet brûlant pendant un moment. En plus, c’est plein d’attractions, et l’aquarium est plutôt bien équipé. J’ai envie d’y aller, mais c’est excessivement cher… le prix d’entrée je veux dire. »
« Tu es plutôt bien informé à ce sujet, Senpai. »
Yukina lui avait jeté un regard dubitatif. Elle avait probablement trouvé surprenant que Kojou s’intéresse à une attraction touristique.
« Euh, eh bien, en fait, » déclara Kojou en haussant les épaules, « Kirasaka m’a posé des questions à ce sujet au téléphone dernièrement, alors j’ai regardé quelques trucs. »
« … Sayaka t’a parlé d’un centre de loisirs sur l’île d’Itogami ? »
Le ton de Yukina semblait encore plus suspicieux qu’avant. Son attitude prudente semblait dire C’est presque comme si elle te demandait de sortir avec elle. Cependant, les doutes de Yukina avaient volé juste au-dessus de la tête de Kojou.
« On aurait dit qu’elle voulait connaître l’opinion publique à ce sujet, mais elle ne m’a jamais dit pourquoi. Peut-être qu’elle aime juste les piscines ? »
« Non. En fait, je crois qu’elle n’aime pas nager. Elle a dit qu’elle détestait porter un maillot de bain parce que ça la fait trop ressortir. De plus, les capacités de l’Écaille lustrée ne peuvent pas être utilisées sous l’eau. »
« Héhé, c’est comme ça… ? Eh bien, dans son cas, il y aurait aussi beaucoup de résistance de l’eau… »
Kojou semblait étrangement d’accord en imaginant Sayaka Kirasaka en maillot de bain. Si Sayaka, dotée d’une grande silhouette et d’un physique époustouflant, portait un maillot de bain, elle envoûterait sans aucun doute les yeux de beaucoup. D’autant plus qu’elle avait des seins splendides et énormes, disproportionnés par rapport à son physique svelte. Mais…
« Résistance de l’eau ? » Les sourcils de Yukina s’étaient brusquement froncés quand elle avait entendu Kojou faire ce commentaire maladroit.
Bien sûr, Yukina était bien consciente de la silhouette de Sayaka. Naturellement, elle comprenait aussi les principes physiques donnant lieu à la « résistance de l’eau » dont Kojou avait parlé.
Au-delà, son regard était tombé sur sa propre poitrine, beaucoup plus réservée, couverte d’un uniforme.
« … Senpai. Plus tôt, tu as dit que j’avais l’air d’être une excellente nageuse, non ? »
« Ah ? Euh… non ! Ce n’est pas du tout ce que je voulais dire par là ! »
Naturellement, Kojou n’avait rien voulu dire de mal par là, mais il ne pouvait pas renverser la froide et dure vérité : Comparé à la masse écrasante de la poitrine de Sayaka, l’eau résisterait très peu à celle de Yukina. Il n’y avait aucune raison pour que Yukina, plus jeune, ait un complexe d’infériorité, mais cela ne signifiait pas qu’elle trouvait amusant d’être comparée de cette façon.
« Alors pourquoi l’as-tu pensé… ? »
Fixant Kojou avec des yeux de glace, Yukina dirigea l’extrémité du tuyau en caoutchouc vers lui. Kojou, son visage baignant dans l’eau du robinet sous pression, ne pouvait pas s’arrêter de tousser.
« Bwah ! A- Attends, Himeragi. La pression de l’eau dans ce tuyau est assez forte donc… gbaghb ! »
« Je crois que c’est un excellent moyen de se rafraîchir pour un vampire qui tient des propos aussi grossiers ! »
Les joues de Yukina étaient quelque peu gonflées alors qu’elle tirait la réplique d’un ton boudeur.
L’eau dans le nez de Kojou l’avait fait tousser férocement. Pourquoi fallait-il que ça se passe comme ça ? se lamentait-il intérieurement.
***
Partie 2
Je ne suis pas contrariée, insista Yukina, mais son humeur maussade persista pendant un certain temps après avoir trempé Kojou jusqu’à l’os. Malgré sa mauvaise humeur, Yukina l’aida à nettoyer la piscine jusqu’à la fin, ce qui était une bonne chose chez elle.
Grâce à cela, ils avaient réussi à terminer avant la fin de la journée scolaire, et Kojou était rentré chez lui.
Naturellement, elle était juste là, à ses côtés. D’abord, Yukina, l’observatrice de Kojou, vivait dans l’appartement voisin de la résidence Akatsuki. Aussi, ces derniers temps, Yukina rejoignait régulièrement Kojou et sa petite sœur, Nagisa Akatsuki, à leur domicile pour le dîner. Nagisa était sans doute à la maison en train de préparer le repas et attendait leur arrivée.
Traînant son corps, fatigué par ses travaux, Kojou était arrivé à son propre appartement avec Yukina.
Les rayons maléfiques du soleil couchant avaient diminué, mais rien ne laissait présager une baisse de la chaleur étouffante. La pièce qu’il visait promettait une atmosphère rafraîchissante et climatisée, ce qui avait permis à Kojou de garder le moral tout en avançant. Mais…
« Hein… !? »
Dès qu’il ouvrit la porte d’entrée, l’air qui en sortait était aussi étouffant que celui de l’extérieur. En fait, la cuisine et les appareils ménagers rendaient l’air encore plus chaud qu’à l’extérieur.
« C’est quoi cette chaleur… ? »
La voix de Kojou avait tremblé, ce qui était loin de l’air frais et agréable auquel il s’attendait. Et en entendant la voix de Kojou, Nagisa, qui était dans la cuisine, sortit sa tête dans le couloir.
« Bienvenue à la maison, Kojou ! Bienvenue à toi aussi, Yukina ! Vous êtes très en retard. Le souper est déjà terminé. »
« Euh… Nagisa ? »
Avec le bruit de pas audible de ses pantoufles, Nagisa était sortie dans le couloir pour saluer son frère et Yukina. Kojou, en la voyant, avait laissé tomber le cartable qu’il tenait dans sa main, hébété. Lorsqu’il regarda tardivement à côté de lui, il vit que les yeux de Yukina étaient aussi grands ouverts que les siens, sous le choc.
La seule chose que Nagisa portait était un tablier blanc sur lequel était cousue l’image d’un canard. On aurait dit qu’elle ne portait pas un seul vêtement à part ça. Ses épaules fines et ses cuisses pâles étaient entièrement exposées.
« Qu… Qu’est-ce que tu crois faire ? Quel genre de tenue est-ce que est-ce !? »
« Que veux-tu dire… ? C’est juste un tablier de maillot de bain. Tu vois ? »
En disant ces mots, Nagisa avait soulevé l’ourlet du tablier. Un maillot de bain blanc avec une quantité nominale de froufrous était apparu dans le champ de vision de Kojou. Certes, cela signifiait qu’elle n’était pas complètement nue, mais…
« Tu n’as pas besoin de me montrer ! Je te demande pourquoi tu te balades habillée comme ça ! »
« Eh bien, je veux dire, c’est encore chaud à cause du soleil couchant. »
« Et l’air conditionné ? Pourquoi n’est-elle pas allumée alors qu’il fait si chaud !? »
Kojou désignait le salon en gémissant. La pièce mal ventilée avait déjà dépassé depuis longtemps la température du corps humain, suffisamment chaude pour qu’il soit dangereux d’y passer du temps sans aucun rafraîchissement.
Les lèvres de Nagisa avaient fait une moue maussade.
« Eh bien, l’électricité est coupée. N’as-tu pas vu le prospectus en bas ? Il dit qu’ils changent le transformateur de l’immeuble. Les ascenseurs et les serrures automatiques semblent cependant fonctionner sur un circuit différent de celui des appareils domestiques. »
« L’électricité est coupée… !? »
Kojou avait été ébranlé par cette nouvelle inattendue. Maintenant, cela avait un sens, l’électricité était coupée, donc bien sûr la climatisation était hors service. La pénombre à l’intérieur de l’appartement était apparemment due à l’impossibilité d’allumer les lumières.
« Changer un transformateur… Pourquoi le faire à un moment comme celui-ci ? »
« Une sorte de panne. Il y a eu des éclairs très violents dans le quartier nord il y a quelque temps, non ? Notre immeuble est ancien, donc apparemment ça a fait pas mal de dégâts. »
« Argh… »
Sans le vouloir, Kojou avait rencontré le visage de Yukina avec une expression conflictuelle sur le sien. Il avait réalisé que les « éclairs très violents » dans le district nord était dû au Vassal Bestial que le Troisième Primogéniteur avait employé contre Kojou. En d’autres termes, Kojou était directement lié à la cause de la panne de courant.
Yukina, réalisant la profondeur de la situation, déplaça son regard vers son propre appartement.
« Une panne de courant… Alors, le climatiseur de ma chambre est aussi… ? »
Si toute l’électricité à l’intérieur des appartements était coupée, il n’y avait pas que la résidence Akatsuki qui ne pouvait pas utiliser l’air conditionné. Cela signifie que Yukina se retirant dans sa propre chambre ne résoudrait rien.
« Je suis presque sûre que c’est bientôt fini. Ils ont dit qu’ils auraient fini vers 22 heures… Puisque tu es là, pourquoi ne te changes-tu pas aussi, Yukina ? Je vais te prêter un maillot de bain. »
« C’est bon… Porter un maillot de bain ici serait un peu… »
Yukina s’était creusée les méninges et elle avait secoué la tête à l’invitation de Nagisa, faite avec un sourire innocent. Elle pouvait accepter qu’un tablier de maillot de bain soit un moyen logique de faire face à la chaleur, mais l’embarras l’emportait apparemment à la fin.
Malgré cela, Nagisa avait insisté sur son cas.
« Mais cet uniforme doit être vraiment sexy, non ? Et ça rendrait Kojou heureux, non ? »
« Ça n’arrivera pas. Va te changer, toi aussi. Tu as des vêtements plus décents que ça, n’est-ce pas ? »
Kojou, qui risquait d’être catalogué comme fétichiste des maillots de bain, avait donné une petite tape sur le front de Nagisa avec un doigt. « Aïe », déclara Nagisa, rougissant en se couvrant le front et en regardant Kojou avec des yeux larmoyants.
« Quoi ? … Je pensais que puisqu’on n’allait pas se baigner cette année, je porterais au moins le maillot de bain que j’ai acheté. Kojou, tu es un gros menteur, tu as dit que tu m’emmènerais à la plage quand j’irais mieux ! »
« Ça ne veut pas dire que tu dois te balader dans la maison avec ! Je t’emmènerai bientôt à la plage, alors… ! »
« Bon sang… Tu n’as pas besoin de rougir autant. Toutes les collégiennes portent des trucs comme ça de nos jours. »
Après avoir dit ça, Nagisa s’était mise à tournoyer sur place. Du point de vue de Nagisa, elle espérait sans doute perturber Kojou et lui faire perdre la tête, mais…
« Je ne rougis pas. Pourquoi est-ce que je dois rougir en voyant une collégienne en maillot de bain ? »
Kojou l’avait dit d’un ton qui criait « Peu importe » du fond de son cœur. C’était Nagisa, avec une silhouette jeune même pour son âge, portant un bikini à jabot avec un sex-appeal minimal, rien qui ne ferait rougir Kojou.
Nagisa semblait un peu abattue par la réponse inattendue de Kojou.
« Tch… Oh, c’est déjà bien. Quoi qu’il en soit, viens dîner avec nous, Yukina ! »
« Je te l’ai dit, change-toi d’abord ! Bon sang… »
Kojou soupira en regardant Nagisa retourner à la cuisine, toujours dans son tablier de maillot de bain. L’instant d’après, il sentit une aura sombre et refoulée derrière lui, ce qui le poussa à regarder par-dessus son épaule.
Pour une raison inconnue, Yukina, toujours debout à la porte d’entrée, avait une lueur maléfique dans les yeux alors qu’elle continuait à murmurer quelque chose pour elle-même :
« … Alors ça ne te plaît pas… Une collégienne en maillot de bain n’est pas… assez bien pour toi ? »
« Uhhh, Himeragi ? Quelque chose ne va pas ? »
« Non, rien du tout. Je ne suis pas contrariée. »
Yukina avait répondu à la question timide de Kojou avec une voix professionnelle qui avait fait oublier la chaleur à son corps.
« O-okay… Bien, c’est bon. »
« Oui. »
Elle avait certainement l’air bouleversée, mais Kojou, sentant instinctivement qu’il était dangereux de poursuivre, fit semblant de ne pas la remarquer. Il quitta le couloir, faiblement éclairé par la coupure de courant, et se dirigea vers le salon encore étouffant.
Comme l’avait dit Nagisa, le dîner était déjà préparé pour eux. Au-dessus de la table à manger se trouvaient une bougie pour éclairer les urgences et une grande quantité de plats servis dans des assiettes.
« C’est un souper assez élaboré… Euh, n’est-ce pas un peu trop ? »
« Je me suis dit que j’allais utiliser tout ce qu’il y avait dans le frigo avant que ça ne fonde ou ne se gâte. Il y avait plein de viande, de poisson et de légumes, non ? En plus, le curry et le steak hamburger que j’ai cuisiné la semaine dernière et les onigiri pour les snacks de fin de soirée. »
Nagisa avait répondu rapidement à la question de Kojou, qui n’en revenait pas.
« … Alors tu les as mis ensemble d’une manière bizarre… D’ailleurs, on a l’impression que le plat principal à lui seul suffit pour trois nuits. »
« Il n’y a aucune garantie que nous puissions le garder, alors mangez tout ce que vous pouvez, d’accord ? Aussi, désolé, j’ai mangé toute ta précieuse crème glacée, Kojou. Je n’ai pas pu m’en empêcher. C’était aussi délicieux. »
« Naaaannnn... Je ne peux même pas manger de la glace avec cette chaleur de merde… !? »
Ayant subi de lourds dommages à sa psyché à cause de ce coup soudain, Kojou s’était lavé les mains et avait pris un siège. Il avait devant les yeux une telle quantité de nourriture, il ne savait vraiment pas par où commencer. Alors que Yukina s’était assise à côté de Kojou, une expression lui était venue qui la rendait tout aussi désemparée.
L’instant d’après, ils avaient entendu un torrent de coups provenant de la porte d’entrée de la résidence Akatsuki. Le son soudain, qui résonnait dans l’obscurité, avait figé le visage de toutes les personnes présentes.
« Quoi… ? Quelqu’un à la porte ? »
Kojou, réalisant la vérité derrière les coups forts, expira de soulagement. Apparemment, c’était simplement quelqu’un qui visitait la maison de Kojou et Nagisa en frappant à la porte.
***
Partie 3
« Ah, oui… L’interphone ne fonctionne pas non plus. Bonjour ? Qui est là ? »
Nagisa, elle aussi, semblait soulagée, libérée de sa raideur alors qu’elle appelait et se dirigeait vers la porte d’entrée. Alors :
« Nagisa, attends ! Vas-tu sortir comme ça !? »
« Aah !? C-C’est vrai… Kojou, s’il te plaît ! »
Nagisa s’était de nouveau arrêtée de bouger lorsqu’elle avait réalisé qu’elle portait toujours la tenue du tablier de maillot de bain. Poussant sa petite sœur vers sa propre chambre, Kojou insista : « Va te changer, maintenant » et il se dirigea vers la porte d’entrée.
Pendant ce temps, les coups avaient continué sans pause. Kojou se sentait un peu agacé par les échos bruyants.
« Oui, oui, j’arrive… Bon sang, vous dérangez les voisins ! » cria Kojou en ouvrant la porte avec force.
Alors qu’il le faisait, un visage très familier était apparu. Il s’agissait d’un adolescent aux cheveux courts, graissés et peignés en arrière, avec des écouteurs accrochés autour du cou. Ses lèvres étaient tordues en un sourire sarcastique tandis qu’il riait d’un plaisir visible.
« Heya, Kojou. Qu’est-ce qui ne va pas avec l’interphone ? Une coupure de courant ? »
« Yaze ? Que fais-tu ici à un moment pareil ? »
Kojou lança un regard méfiant à l’arrivée soudaine de l’ami qu’il connaissait depuis le collège.
Il s’était séparé de Motoki Yaze en classe juste quelques heures avant. En plus de cela, l’homme avait allègrement ignoré la demande de Kojou pour l’aider à nettoyer la piscine, et avait rapidement pris la fuite. Kojou pensait qu’il avait du cran de se montrer, sans parler de faire tout le chemin jusqu’à chez lui pour le faire.
Cependant, le comportement amical de Yaze proclamait haut et fort qu’il avait commodément oublié tout cela alors qu’il passait la porte d’entrée et se laissait entrer.
« Ouais, désolé de m’imposer tout d’un coup, mais… Er, whoa, c’est chaud. Qu’est-ce qui se passe ? »
« Il n’y a plus d’électricité, donc pas de climatiseur » répondit Kojou avec une expression douloureuse.
À proprement parler, il ne devait pas à Yaze ce genre d’explication amicale, mais il ne voulait vraiment pas que le type pense que le jus avait été coupé parce qu’ils n’avaient pas payé leur facture d’électricité. Il ne pouvait pas s’attendre à ce que le gars trouve ça si drôle qu’il en parlerait à toute l’école.
Yaze avait dû s’en douter dès le départ, car il hocha la tête sans manifester de surprise particulière.
« Hein… Je vois. Alors, Kojou… ne me dit pas que tu as profité de la chaleur pour faire porter à Nagisa un tablier de maillot de bain ou autre ? »
« Hé, je ne l’ai pas fait faire ça ! »
Kojou avait involontairement lâché les mots alors que l’hypothèse de Yaze touchait dans le mile. Même Yaze avait cligné des yeux pendant un moment.
« … Eh ? Qu’est-ce que tu veux dire… ? Attends, tu es sérieux ? Wôw… »
D’une voix tout à fait sérieuse, Yaze avait ajouté : « Je m’en vais. »
La vive contrariété de Kojou avait rendu sa voix plus rauque. « Oh, tais-toi ! De toute façon, pourquoi es-tu venu ici !? »
« Oh, c’est vrai. Alors au lieu de rester à discuter ici, pourquoi n’entrerais-je pas ? »
« Ne demande pas quand tu es déjà rentré. »
Kojou avait regardé fixement le dos de Yaze alors qu’il entrait impoliment dans l’appartement.
Quand ils étaient arrivés au salon, Nagisa avait fini de se changer et sortait de sa chambre. Elle était en tenue simple, portant un T-shirt et un pantalon court, mais c’était sûrement une grande amélioration par rapport à un tablier de maillot de bain.
« Ah… ? Yaze ? Qu’est-ce qu’il y a ? »
« Bonsoir, Yaze. »
« Yo, Nagisa. Himeragi est là aussi, hein ? C’est bien, ça me fait gagner du temps. »
Yaze s’adressa aux deux élèves de première année qui le saluaient d’une voix joviale.
« Qu’est-ce que tu veux dire, par gagner du temps ? » Kojou avait interrogé son camarade de classe, visiblement sur ses gardes.
À en juger par la façon de parler de Yaze, il semblait avoir quelque chose à leur dire à tous, mais Kojou se demandait ce qui était si important que des appels téléphoniques ou des messages ne suffiraient pas. Il était deux fois plus suspicieux, considérant que c’était quelque chose impliquant Nagisa et Yukina.
Mais Yaze s’était retourné vers le Kojou et avait ri, l’air très fier de lui.
« Hé, Kojou. Je sais que c’est soudain, mais voudrais-tu rester dans un centre de villégiature ? »
« … Un centre de villégiature ? »
« Ouais. Ce truc d’Élysium bleu. »
« Qu’est-ce qui se passe ? »
Nagisa avait poussé un cri avant même que Kojou ne puisse réagir. Elle s’était précipitée sous les yeux de Yaze et avait répondu de sa manière rapide caractéristique.
« É-Élysium bleu, tu veux dire cet Élysium bleu ? Le paradis bleu ? Avec un parc d’attractions et un hôtel et le parc de la bête démoniaque et neuf types de piscines — cet Ély bleu ? »
« Yep. Cet Ély bleu. »
Même si elle était à moitié dépassée par la vigueur de Nagisa, Yaze avait souri avec audace et avait hoché la tête.
« L’ouverture officielle ne se fera pas avant l’année prochaine, mais vous avez entendu dire qu’ils organisent une ouverture d’essai sur invitation seulement ce mois-ci, non ? C’est comme une répétition pour former le personnel et faire de la publicité. »
Le visage de Kojou se renfrogna inconsciemment alors qu’il poursuivait, « … Et tu dis que nous sommes invités ? »
L’invitation était trop belle pour être vraie, et sa méfiance l’emportait sur sa joie. Tout d’abord, un laissez-passer pour l’entrée à l’Élysium bleu sur invitation seulement signifiait qu’il y aurait très peu de personnes présentes, un tel billet VIP valant des dizaines de milliers de yens pour un revendeur.
Cependant, Yaze avait rétréci ses yeux et s’était moqué de lui, il semblait amusé par la réaction de Kojou.
« Le pass d’entrée est pour trois jours et deux nuits d’hébergement, zéro frais. Une offre plutôt intéressante, non ? »
« Ça semble plus louche qu’attrayant. Il y a un piège dans tout ça, n’est-ce pas ? »
« Non, non, non… En fait, ma famille est impliquée financièrement dans un certain nombre d’installations de l’Élysium bleu. Bref, il y a eu une erreur de réservation et il leur manque quelques personnes tout à coup. Vous avez de la chance, hein ? »
« … Peut-être bien. »
Kojou avait hoché la tête à contrecœur. Même s’il y avait eu une réservation complète, une erreur avait laissé des créneaux libres. Cela semblait être un problème assez commun.
« Les installations seraient alors sous-utilisées, ce qui causerait d’autres problèmes, et nous ne pouvons pas laisser l’espace vacant. Cela rendrait les investisseurs nerveux, et ce serait une question de responsabilité pour le département des réservations. »
« Tu veux donc que nous restions là-bas à la place ? »
« Eh bien, pour faire simple, oui. »
Derrière son ton désinvolte, Yaze parlait avec un air complètement sérieux. Enfin, Kojou avait compris pourquoi Yaze était venu jusqu’ici pour lui rendre visite.
Le nom de la famille Yaze était synonyme d’un conglomérat de premier plan exerçant une influence non négligeable sur l’économie du Sanctuaire des Démons. Il ne serait pas vraiment surprenant qu’ils soient financièrement investis dans la construction de l’Élysium bleu, un tout nouveau flotteur. Quelqu’un de la famille de Yaze lui avait probablement demandé de remplir les postes vacants. Peut-être était-il préférable pour le prestige de l’Élysium bleu que les gens restent gratuitement plutôt que de laisser des chambres vacantes.
À ce moment-là, Nagisa, sans doute ignorant des circonstances, avait levé une main avec force et avait sauté de haut en bas.
« Oui, oui ! Je veux y aller ! Je veux, je veux ! Hé, Kojou, allons-y. C’est le même Ély bleu que tout le monde parle. Qui sait combien de dizaines de milliers de yens ça coûterait normalement ? »
« … Es-tu aussi d’accord avec ça, Himeragi ? »
Mettant de côté sa petite sœur excitée, Kojou avait demandé à Yukina d’une petite voix. Elle était techniquement en service, donc il pensait que Yukina pourrait refuser la chance d’aller s’amuser dans une station. Mais Yukina avait hoché la tête sans la moindre hésitation.
« Oui, j’irai partout où tu iras, Senpai. Je suis ton observatrice, après tout. »
Yaze avait réfléchi à la déclaration de Yukina, qui pouvait être interprétée de différentes manières.
« Observatrice ? »
Yukina avait haleté, son visage s’était raidi.
« … N -non, je suis… juste très heureuse de le voir, lui et sa sœur ! Je suis reconnaissante ! »
« Je vois, reconnaissante. La gratitude est très importante. N’est-ce pas, Kojou ? »
« Oui, oui. Merci pour l’invitation. »
Kojou avait joyeusement exprimé sa gratitude face à la condescendance de son ami. Ça sentait toujours le poisson, mais l’invitation gratuite de Yaze semblait correcte, et la plus grande station balnéaire était très attrayante. De plus, Nagisa venait juste de se plaindre que Kojou ne l’avait pas emmenée à la plage. S’ils allaient à l’Élysium bleu à la place, même elle ne pourrait pas se plaindre.
« Un marché est un marché, alors. D’accord, je vous donne les tickets et les brochures. Le reste est à votre charge. »
Ces mots prononcés, Yaze avait jeté sur la table une enveloppe contenant des billets pour trois personnes. Puis, il avait prononcé de brèves paroles d’adieu et était sorti de l’appartement à un rythme rapide.
« Er… hey, Yaze ! »
« Désolé, j’ai encore une petite course à faire. À plus tard ! »
« … Qu’est-ce qu’il a ? »
Kojou avait regardé distraitement Yaze partir en vitesse. Il n’avait absolument aucune idée de ce que le gars pouvait penser.
Nagisa avait regardé la nourriture sur la table et avait soupiré avec un regret visible.
« Ça aurait été bien si Yaze avait aussi dîné ici… Peut-être que je devrais le rappeler ? »
La grande quantité de cuisine intacte restante était suffisante pour ajouter un invité de plus avec un peu de place à disposition.
« En parlant de ça, je ne lui ai jamais demandé pour quand était le billet… Quand devons-nous aller à l’Élysium bleu ? »
Kojou, réalisant qu’il avait laissé une information cruciale lui échapper, avait pris son téléphone portable. Il s’était dit qu’il allait confirmer la date auprès de Yaze, et ensuite essayer de le forcer à manger un repas avec eux pour faire bonne mesure.
Mais Yukina, vérifiant le contenu de l’enveloppe, rapporte avec une certaine perplexité : « Senpai, la date sur ce ticket est… Samedi de cette semaine… »
Kojou lui avait pris le ticket et avait vérifié par lui-même à la lumière vacillante des bougies.
« Ce samedi… ? »
Il l’avait comparé au calendrier affiché sur l’écran de son téléphone portable.
Yukina et Nagisa s’étaient tues alors qu’un silence momentané s’était installé. Toutes les personnes présentes comprenaient maintenant pourquoi Yaze avait fait des pieds et des mains pour s’imposer dans la maison de Kojou, et pourquoi il était parti sans perdre un instant.
La date d’invitation imprimée sur le billet pour l’Élysium bleu était — .
« Attendez, c’est demain ! »
La voix secouée de Kojou avait résonné dans la pièce privée d’électricité et faiblement éclairée.
Ainsi commença une nuit de préparatifs précipités pour leur départ matinal vers la station balnéaire.
***
Partie 4
Asagi Aiba s’était retournée au sommet d’un bon lit à ressorts dans une chambre climatisée et agréablement fraîche.
C’était une lycéenne au visage indiscutablement fin et à la coiffure extravagante. Même le T-shirt étrangement peu sophistiqué qu’elle portait dans sa propre chambre semblait plus féminin du simple fait qu’elle était la seule à le porter.
Sa chambre était très féminine, remplie de vêtements occidentaux, de magazines de mode, de cosmétiques et de quelques ours en peluche de choix. Seule une partie, au-dessus de son bureau d’étude, dégageait un air clairement incongru : un moniteur de qualité industrielle non raffiné et un cluster de PC à très haut débit. Pour une raison inconnue, une lycéenne avait un ordinateur de pointe dans sa chambre. C’était une vision surréaliste, en quelque sorte.
« … Hm, alors qu’est-ce que tu as fait comme planification ici… ? »
Asagi avait posé la question aigre dans son casque de chat vocal.
L’autre interlocuteur était Motoki Yaze. Son ton était sans réserve et amer, en partie parce qu’elle le connaissait depuis si longtemps, avant même qu’ils n’entrent à l’école primaire. Il serait ridicule de se retenir maintenant.
« Qu’est-ce que tu veux dire par “planification” ? »
Yaze avait répondu par une question, en essayant de paraître innocent. En un sens, c’était précisément la réponse qu’elle attendait.
Elle avait froidement reniflé.
« Tu n’as pas à jouer les idiots avec moi. Ce billet d’invitation à l’Ély bleu — être à court de personnel est juste une excuse pratique, n’est-ce pas ? Pour quel plan essaies-tu de nous amener là-bas ? »
« Tu fais sonner ça mal. Cette fois-ci, je fais quelque chose pour toi aussi. Je veux dire… le fait de rester avec Kojou dans une station ne pourrait-il pas être ta chance, en un sens ? »
Ce ne sont pas tes affaires, pensa Asagi avec un mouvement de sourcil. Elle s’en voulait surtout d’avoir été incapable d’envoyer balader Yaze alors qu’il essayait de l’énerver sérieusement.
« Ouais, ouais. Tu aimes vraiment taquiner les gens avec ce genre de choses, n’est-ce pas ? Et de toute façon, ça n’a aucun sens avec Nagisa et cette élève transférée avec lui ! »
« Non, non. C’est mieux d’avoir quelques obstacles pour ce genre de choses. »
Tais-toi. Asagi l’avait poignardé avec des aiguilles empoisonnées dans son propre esprit.
« D’abord, c’est totalement louche. Tu détestes traiter avec l’entreprise familiale, mais pour une fois, tu chantes leur chanson ? »
« J’ai légèrement changé d’avis. Il faut utiliser ce que l’on peut pour obtenir ce que l’on veut, non ? » répondit Yaze d’une voix légère, en riant.
Le chef de la famille Yaze, Akishige Yaze, était un grand ponte du monde de la finance. Et Yaze détestait son père avec passion. Sachant cela, Asagi ne pouvait s’empêcher de se méfier de l’attitude de Yaze.
« Hmm… Alors cette fois, te sers-tu de nous ? »
« Non, non, non, ça sonne mal. Appelle ça de l’assistance mutuelle. »
Yaze avait ri et avait paré la suggestion sarcastique d’Asagi. Asagi, jugeant qu’il n’y avait rien à gagner à insister davantage sur la question, soupira d’épuisement.
« Ouais, ouais, c’est bon. Je suis moi-même un peu intéressée par l’Ély bleu. »
« C’est génial. Eh bien, sur cette note — . »
Vérifiant que Yaze avait coupé la connexion, Asagi enleva son casque d’écoute. Elle leva lentement le haut de son corps et s’assit sur le lit, les jambes croisées.
Elle se tapa soudainement les joues des deux mains pour se retenir alors que ses lèvres se brisaient en un rictus spontané. Mais même cet effort n’avait pas suffi à empêcher la lueur de son visage.
Elle resterait avec Kojou dans une station balnéaire. Elle détestait prendre le train en marche de Yaze, mais c’était vraiment une grande opportunité pour elle. Une destination libératrice, des piscines et des maillots de bain, des attractions à sensations fortes — on pourrait dire que c’est une situation sans précédent pour réduire la distance avec ce type idiot, complexé par sa sœur, ancien athlète, qui ignore tout du cœur d’une femme. Yaze l’avait dit lui-même, tu dois utiliser tout ce qui est disponible pour obtenir ce que tu veux.
« Élysium Bleu, hein… Les attractions du parc d’attractions sont bien, mais ça se résume vraiment à la piscine. »
Asagi avait sauté de son lit et avait connecté son PC à son site de shopping préféré. Elle cherchait les derniers maillots de bain. Si le vendeur se trouvait dans la ville d’Itogami, elle pourrait se faire livrer dans la matinée si elle commandait immédiatement. Le mieux serait de faire livrer le colis à l’endroit où elle serait logée à l’Élysium bleu, juste pour être sûr.
« Eh bien, ce sont toutes des photos décentes, mais elles sont un peu simples. Je veux dire, c’est une piscine dans une station balnéaire, donc je devrais y aller avec un coup de pouce… Er, er, non, c’est juste… »
Asagi avait murmuré d’un ton très sérieux en fixant la rangée d’images de maillots de bain sur l’écran. Un maillot de bain pour la piscine, c’est comme l’armure que l’on porte sur le champ de bataille. Naturellement, Asagi avait des critères très stricts pour choisir un maillot de bain. Il devait être assez mignon pour plaire à un idiot comme Kojou, mais il devait aussi avoir assez de bon goût pour que les autres femmes ne la regardent pas de haut. C’était un équilibre difficile à trouver.
« Keh-keh... ! »
C’est à ce moment-là qu’Asagi, qui ruminait encore son choix, entendit un rire étrange dans son oreille. C’était la voix synthétique de l’avatar des superordinateurs qui dirigeaient l’île d’Itogami, l’IA de soutien qui était le partenaire de piratage d’Asagi — surnommé Mogwai.
Il ressemblait à une mascotte en peluche sur l’écran, mais son rire était étrangement humain.
« Tu es vraiment à fond dedans, mademoiselle. Et si je te donnais quelques conseils pour choisir ton maillot de bain ? »
« Oh, ferme-la, espèce d’IA perverse ! Je suis occupée. Si tu me déranges, je t’assomme avec une attaque DoS. »
Balayant d’un revers de main l’IA qui aimait les sarcasmes, Asagi continua à choisir son maillot de bain. Mogwai avait envahi le LAN résidentiel d’Asagi de sa propre initiative, apparemment juste pour taquiner Asagi, et déclara :
« D’après ton dernier passage sur la balance chez toi, voici ton poids actuel et ton indice de graisse corporelle, ma chère. Et d’après les données de la clinique de l’Académie Saikai concernant tes mesures physiques du printemps dernier, voici tes trois tailles actuelles. A partir de là, le maillot de bain qui convient le mieux à la petite demoiselle et qui est susceptible d’attirer le plus d’attention est — . »
« Gyaaaaa — ! Que fais-tu avec les informations privées de quelqu’un d’autre !? »
Le cri d’Asagi avait résonné dans le quartier résidentiel en pleine nuit.
Et ainsi, le rideau était tombé, le reste de la nuit avant ce voyage s’écoula lentement.
« — Eh bien, je pense que ça a bien marché, n’est-ce pas ? »
Après avoir terminé le chat vocal, Yaze avait prononcé ces mots avant de sortir son smartphone de sa poche. Il se tenait au sommet d’un centre commercial géant sur l’île ouest — le toit du Thetis Mall. C’est un endroit où l’on trouve certains des paysages nocturnes les plus agréables de l’île d’Itogami, ce qui en fait l’un des lieux de rendez-vous habituels de la ville. La plupart des gens autour de Yaze étaient des jeunes couples en rendez-vous — .
C’est pourquoi les deux individus ne s’étaient pas démarqués.
« Merci pour ton travail acharné, Motoki. Je t’ai confié un travail plutôt pénible, n’est-ce pas ? » La personne qui se tenait à côté de Yaze avait parlé d’une voix calme.
Elle portait un T-shirt ordinaire et une longue jupe démodée. C’était une fille à l’allure qui ne se distinguait pas, portant des lunettes et portant un livre épais. Son ton était poli, mais pas guindé. En effet, sa voix avait l’air taquine, presque comme un rire.
« Hé, ne sois pas bête. Il n’y a aucune chance que je refuse une demande de ta part. »
Yaze s’était mis à rire en croisant son regard de biais, ce qui était un manque flagrant de manières. La fille aux lunettes n’avait pas répondu. Tout ce qu’elle avait fait, c’était un sourire ironique et solitaire, comme si elle était indulgente envers un jeune frère méchant.
Yaze avait tordu ses lèvres, semblant mécontent de sa réaction.
« Cependant, ce n’est pas normal venant de toi. Mettons Kojou et Yukina de côté. Pourquoi impliques-tu même Asagi et Nagisa ? »
« Une simple assurance, pour limiter les dégâts au maximum si le pire se produit. »
La réponse de la jeune fille à lunettes était directe. Yaze haussa les sourcils, visiblement surpris par sa réponse inattendue. Elle agissait comme si elle pouvait prévoir tout ce qui allait se passer dans le futur, ce n’était donc pas des mots qu’il s’attendait à entendre de sa part.
« Une assurance, hein. En d’autres termes, il y a des risques que même toi ne peux pas contrôler ? »
« Nous jouons toutes les cartes que nous pouvons… Cependant, oui, cette situation pourrait être quelque peu gênante. »
Les mots de la jeune fille n’avaient rien d’urgent, mais cela rendait la situation d’autant plus grave. Apparemment, un endroit inconnu de Yaze était à l’origine d’un changement environnemental qui enveloppait le Sanctuaire des Démons — un changement que même une personne ayant sa position et ses capacités ne pouvait pas maîtriser.
« Ça ne te ressemble vraiment pas. C’est un discours bien timide de la part de quelqu’un qui peut se mesurer à un vampire Primogéniteur. »
Yaze avait parlé sur un ton qui semblait à moitié plaisanter, à moitié chercher à consoler. Mais la jeune fille souriait d’un air effacé et elle secoua la tête.
« Être l’un des trois saints de l’Organisation du Roi Lion peut sembler grandiose, mais cela ne signifie rien d’autre qu’être un rouage de l’organisation. Il y a beaucoup de choses pour lesquelles je ne peux pas avoir mon propre chemin. Au bout du compte, je ne suis qu’une marchandise jetable. »
« Hiina… tu es… »
La révélation soudaine des véritables sentiments de la jeune fille avait surpris Yaze et l’avait secoué. Mais la fille avait fait taire Yaze en levant un seul doigt, comme pour dire que tu ne dois pas faire ça.
« Motoki Yaze, je suis ici en tant que Koyomi Shizuka. »
« Désolé. » Yaze lui jeta un regard en haussant les épaules après sa réprimande. Puis, un rire brisé l’avait soudainement envahi alors qu’il posait une question à la fille qui se faisait appeler Koyomi.
« Tu vas aussi à l’Ély bleu, n’est-ce pas ? Puis-je au moins espérer te voir en maillot de bain ? »
« Le combat sous-marin est hors de ma juridiction, tout comme toi, » répondit Koyomi sur le même ton décontracté, son expression inchangée par rapport à avant.
« Eh bien, tu n’es pas drôle. » Yaze esquissa un sourire devant sa réaction prévisible.
Peu de temps après, les joues de Koyomi avaient rougi sous ses lunettes alors qu’elle murmurait d’une voix fuyante, « Et je déteste les maillots de bain… Ils ne me vont pas du tout… »
« Quoi ? » déclara sèchement Yaze, mais le temps qu’il détourne son regard sans réfléchir, Koyomi n’était plus là. Elle avait disparu sans laisser de trace, presque comme si personne n’avait été là pour commencer.
Cependant, les derniers mots de la fille continuèrent de brûler dans l’esprit de Yaze, fort et clair.
« Bon sang… Une attaque surprise est si injuste… », gémit-il en se renfrognant. « Pas mignon du tout. »
C’est la première fois que la fille se comportait comme si elle avait son âge devant Yaze. Il devait vraiment y avoir quelque chose d’agité dans les environs du Sanctuaire des Démons.
***
Partie 5
Le sous-flotteur de l’Élysium Bleu avait été construit en pleine mer à environ dix-huit kilomètres de l’île d’Itogami proprement dite. C’était une petite île en forme d’éventail, ressemblant un peu à un ananas coupé en tranches. Un ferry privé la reliait à l’île d’Itogami, en vingt minutes environ dans chaque sens.
L’intérieur du bateau fraîchement mis en service était magnifique, et la vue depuis le pont était merveilleuse. Des bonbons et des boissons étaient fournis gratuitement. Cependant, Kojou n’avait pas le courage de profiter de ces commodités ce jour-là.
« Vas-tu bien, Senpai ? La couleur de ton visage est devenue plutôt… »
Ils étaient au port de l’Élysium Bleu, peu après leur arrivée. Kojou était accroupi sur la jetée tandis que Yukina continuait à lui frotter le dos d’un air inquiet.
Il était face au sol, le visage si pâle qu’il était complètement dépourvu de toute trace de sang. Dans un sens, cela semblait convenir à un vampire, mais ce n’était pas parce qu’il était assailli par l’envie de boire du sang. La cause de la mauvaise condition physique de Kojou était le mal de mer. Les secousses du ferry avaient eu raison de son oreille interne, il venait juste de vomir le contenu de son estomac. C’était un spectacle pathétique qui ne convenait pas au plus puissant vampire du monde.
« Je… J’y arrive… Si je me repose un peu, je vais récupérer… Je pense. »
Malgré lui, Kojou s’était montré courageux de toutes ses forces pour apaiser les inquiétudes de Yukina.
Le bon côté des choses, c’est qu’il restait encore un quart d’heure avant le rendez-vous avec Yaze. Il était arrivé à l’Élysium Bleu en premier pour s’enregistrer à l’hôtel et s’occuper de cette paperasse et d’autres choses ennuyeuses. Donc Kojou et les autres attendaient juste au port jusqu’à son retour.
Nagisa s’était accroupie à côté de Kojou, regardant le côté de son visage en disant : « Wôw, c’est une sorte de surprise. Kojou, je ne savais pas que tu étais sujet au mal de mer. »
Kojou se renfrogna en voyant le ton rapide de la fille, encore plus tendu que d’habitude.
« Je ne pense pas l’avoir été avant, mais j’ai eu un peu de mal sur un bateau. C’est peut-être pour ça. »
« … Vraiment ? »
« Oui. »
Les paroles vagues de Kojou dissimulaient le fait qu’il avait été poursuivi et qu’on lui avait tiré dessus par des patrouilleurs de la Garde de l’île, ce qu’il ne pouvait pas lui dire. Heureusement, Nagisa n’avait pas fait d’effort particulier pour poursuivre l’affaire.
« Hmm… Bref, veux-tu boire quelque chose ? Je viens d’aller acheter des boissons à la boutique. »
Tout en parlant, elle avait ouvert un sac rempli de bouteilles en plastique. Il semblerait qu’elle ait fait l’effort de les apporter lorsqu’elle avait vu Kojou en mauvaise forme physique.
Reconnaissant envers sa petite sœur consciencieuse, Kojou avait tendu la main vers le contenu du sac.
« Je suppose que oui. Des boissons gazeuses ? »
« Yep. Laquelle veux-tu ? Il y a le soda allemand aux pommes de terre et le cola au goût de jus de légumes. »
Bwah ! fit Kojou, s’étouffant involontairement. La simple pensée de ces goûts désagréables envahissant sa bouche le faisait vomir.
« Je vais mourir si je bois un truc aussi horrible dans mon état ! Et de toute façon, qui fait un cola qui a le goût de légumes !? Si tu veux boire ça, commence par prendre une boisson végétale ! »
Kojou avait pensé que c’était une objection plutôt raisonnable, mais les joues de Nagisa s’étaient gonflées sans la moindre réflexion.
« Eh bien, je ne suis pas contre les nouveaux produits inédits comme celui-ci. Ils vous donnent un sentiment d’aventure. »
« Beaucoup d’aventures se transforment en un autre défi téméraire, n’est-ce pas ? »
« Eh bien, Kojou, si tu ne veux pas le boire, Yukina devra devenir une victime à ta place. Es-tu d’accord avec ça ? »
« … Hein !? »
Yukina, soudainement entraînée dans la conversation, s’était figée en fixant la bouteille en plastique macabre dans la main de Nagisa. Il s’agissait d’une boisson gazeuse, mais elle conservait la couleur jaune typique d’une boisson végétale avec des bandes en forme de bacon d’une sorte d’ingrédient couleur lait flottant à l’intérieur. Elle admettait que c’était nouveau, mais cela ne ressemblait pas à une boisson qui serait acceptée par les masses, loin de là.
« Bon sang, même toi tu appelles ça être une victime… »
Kojou avait fait la petite pique à voix basse pour que les personnes concernées ne l’entendent pas en quittant discrètement les lieux. Yukina était restée figée à la question de Nagisa, « Alors lequel ? »
Désolé, s’était excusé Kojou dans son propre esprit.
Il était un peu plus de neuf heures du matin. Le parc d’attractions et les piscines n’avaient pas encore ouvert, mais les invités continuaient d’affluer à l’Élysium Bleu. C’était vraiment la dernière et la meilleure station.
Kojou s’était assis sur un banc à proximité, regardant les différentes personnes en attendant que la nausée s’achève. C’est alors qu’il sentit soudainement quelque chose d’agréablement frais être pressé contre son cou.
« Wôw ! » Il s’était exclamé avec surprise, regardant par-dessus son épaule pour voir Asagi, le regardant dans ses vêtements de ville. Elle pressait une feuille de gel blanc pour soulager les fièvres dans le cou de Kojou.
« Tiens, Kojou. Garde ça sur toi et tu te sentiras un peu mieux. »
« … Oh, c’est juste toi, Asagi ? Je suis en mauvais état, alors ne me fais pas peur comme ça ! »
« Eh bien, tu as été pathétique en ayant un peu de mal de mer. »
Même si ses mots étaient tranchants, elle déplia poliment le tissu et l’appliqua sur la nuque de Kojou. Cela transmettait une agréable fraîcheur au plus profond de son corps, atténuant la sensation de nausée difficile à supporter.
« Ohh, on dirait que ça a marché d’une certaine manière. »
« Chouette, non ? »
Voyant la réaction honnête de Kojou, Asagi avait fièrement relevé le menton. Puis, elle avait laissé échapper un petit sourire en gardant la pose.
« … Quoi ? », avait-il demandé.
« Je veux dire, rafraîchir le Quatrième Primogéniteur pour faire disparaître son mal de mer, n’est-ce pas complètement nul ? C’est pourquoi je ne peux toujours pas croire à cette histoire de vampire le plus puissant du monde. »
Asagi avait continué à rire avec un plaisir visible alors qu’elle appliquait une deuxième feuille sur le front de Kojou. Maintenant qu’elle le mentionnait, ce n’était que très récemment qu’elle avait appris que Kojou était devenu un vampire. Normalement, une telle chose devrait effrayer quelqu’un, mais le comportement d’Asagi envers lui depuis qu’il avait été exposé comme vampire n’avait pas changé. Au contraire, elle avait trouvé ça comme une source d’amusement, comme à ce moment précis. Ce n’est pas que Kojou n’était pas reconnaissant de la réaction d’Asagi, mais…
« Je n’ai pas cette condition parce que je le veux, bon sang ! Et juste pour le dire, ne parle pas de ça à Nagisa. »
« Ah bon… Nagisa a ce truc de démonophobie, hein… ? Mm-hmmm. »
Après avoir hoché la tête une fois avec un air très sérieux, les coins des lèvres d’Asagi s’étaient relevés pour former une lueur. Cette expression avait fait que Kojou avait ressenti un pincement au cœur.
« Qu… c’est quoi ce regard suffisant “j’ai quelque chose sur toi” ? »
« Je plaisante, je plaisante. En plus, j’ai plein de secrets que tu ne peux pas dire à Nagisa, à part le truc des vampires. Je veux dire, il y a eu cette fois dans la remise d’éducation physique en deuxième année de collège… »
« Hé, arrête ça ! Merde, tu m’as fait me souvenir de quelque chose dans mon passé que je voulais oublier ! »
Kojou s’était involontairement serré la tête et avait gémi d’angoisse. Apparemment, Asagi avait donné à son sombre secret du collège le même poids qu’être un vampire.
« Maintenant que j’y pense, Yaze n’a pas dit un mot sur ta venue, aussi… »
Kojou avait changé de sujet avant qu’Asagi ne déterre inutilement d’autres souvenirs.
« Eh bien, tu sais avec ces chiffres…, il était vraiment tard hier soir quand Motoki m’a invitée à l’improviste. À cause de ça, je n’ai pas eu assez de temps pour me préparer, et le maillot de bain que j’ai pour aujourd’hui n’est pas celui que j’aime vraiment. »
« Non, un truc comme ça, c’est pas grand-chose… »
Kojou avait facilement balayé le murmure grave d’Asagi. Ses joues avaient tressailli.
« Excuse-moi ! “Un truc comme ça”… ? “Pas grand-chose”… ? »
« Plus important encore, à quoi pense Yaze ? Ne te méfies-tu pas ? »
« … J’y pensais aussi. Il doit y avoir une sorte de piège. »
Asagi, qui semblait le savoir trop bien, avait tordu ses lèvres en approuvant la déclaration de Kojou.
Contrairement à son apparence frivole, Yaze était un bon ami qui faisait attention aux moindres détails. Le revers de la médaille était qu’il prêtait trop d’attention, ce qui l’amenait à élaborer des plans étranges.
Un exemple est la façon dont, lors de la compétition de jeu de balle, il avait forcé Kojou et Asagi à former une paire de doubles. Il ne lui en voulait sans doute pas, mais il s’en mêlait quand même. Kojou et Asagi se doutaient bien que le voyage à l’Élysium Bleu cachait un plan similaire derrière la scène. Et juste à ce moment-là…
« Euh… Yaze ? »
« Désolé, désolé. Je vous ai fait attendre, hein ? »
En entendant la voix de Yaze, Kojou et Asagi s’étaient retournés pour regarder. Il y avait un véhicule garé devant le port où Kojou et les autres étaient arrivés. C’était un petit chariot électrique, le genre que l’on voit souvent sur les terrains de golf. Un adolescent avec une chemise hawaïenne était assis sur le siège du conducteur, avec des écouteurs massifs qui pendaient de son cou.
« Euh, Yaze, peux-tu conduire !? As-tu le permis ? »
Nagisa s’était précipitée, surprise, et elle avait posé la question à Yaze, assis sur le siège du conducteur. Yaze avait arrêté le chariot en plein milieu de la route.
« Ély bleu est une propriété privée, donc je n’ai pas besoin de permis. De plus, cette chose se conduit toute seule. »
Yaze désigna le tableau de bord, où se trouvaient une carte simplifiée de l’intérieur de l’Élysium Bleu et un panneau tactile permettant de choisir des destinations du bout du doigt. Il y avait un monnayeur sur le côté de l’écran. Apparemment, le chariot électrique était conçu pour se déplacer lorsque vous y mettiez une pièce de cinq cents yens. C’était un étrange choc entre la haute et la basse technologie.
« Notre prochain arrêt est le quartier des hôtels japonais. Tout le monde, s’il vous plaît, montez dans le chariot. »
Se transformant soudainement en guide touristique, Yaze indiqua à Kojou et aux autres avec ses doigts. Qu’est-ce que c’est que cette façon de parler ? pensa Kojou alors que lui et les autres montaient à bord du chariot.
Yukina s’était arrêtée, réalisant à mi-chemin qu’il n’y avait pas assez de sièges. « Euh… ce véhicule peut accueillir quatre personnes ? »
En comptant Yaze, cela faisait un total de cinq occupants. Cependant, chacun des quatre sièges du chariot électrique était conçu pour une personne et possédait ses propres accoudoirs, donc il n’était pas possible de s’y entasser davantage.
« Ahh, c’est bon, c’est bon. Tu vois, il y a une place libre juste là ? »
Il avait désigné l’arrière des sièges arrière. Certes, il y avait là de l’espace pour transporter des bagages, à juste titre, c’était probablement là que l’on mettait les sacs de golf. En plus d’être si étroite qu’on pouvait à peine s’y asseoir, elle était inclinée à un angle raide pour faciliter la sortie des clubs de golf.
« La boîte à bagages… ? Qui pourrait bien s’y asseoir… ? »
Kojou avait laissé échapper un murmure hésitant en regardant l’arrière avec une anxiété évidente. À cet instant, les regards de toutes les personnes présentes étaient tombés sur Kojou comme un seul homme.
« Attendez, moi !? Attendez une minute, j’ai encore des séquelles du mal de mer… »
« Détends-toi, la vitesse ne sera pas suffisante pour te rendre malade. Allez, on y va. C’est parti ! »
« Atte… J’ai dit d’attendre ! »
Kojou, qui semblait être en danger imminent d’être laissé derrière, avait grimpé à la hâte dans la boîte à bagages. À cet instant, le chariot sur lequel Kojou et les autres se trouvaient avait soudainement été secoué et avait accéléré.
Certes, la vitesse n’était pas si rapide — beaucoup plus lente par rapport à une voiture normale, mais…
« Dwahh, ça tremble, ça tremble, je vais tomber, je vais tomber ! Arrête, Yaze ! Baisse au moins la vitesse ! »
La boîte de chargement en saillie du chariot tremblait dans tous les sens à la moindre imperfection de la surface de la route. Elle n’avait pas été construite pour que les gens s’assoient dessus, donc sa conception transmettait beaucoup de vibrations.
« S-Senpai… !? »
Remarquant que Kojou était ballotté, Yukina s’était retournée vers lui avec inquiétude. Cependant, Yaze se grattait la tête d’une manière insouciante.
« Je suppose que j’ai mal calculé. Désolé, Kojou. Une fois que cette chose commence à bouger, elle ne s’arrêtera pas avant d’avoir atteint le prochain arrêt, donc… »
« Eh !? »
Ce n’est pas de mon ressort, semblait dire Yaze en haussant les épaules. Pendant ce temps, le chariot automatique continuait à accélérer vigoureusement.
« Fais-le s’arrêtttttterrrrrrrr — ! »
Le cri amer de Kojou avait résonné dans l’air au-dessus de la station.
C’est ainsi que commença la matinée de leur séjour à l’Élysium bleu.
***
Partie 6
Le chariot qui partait du port avançait dans le sens inverse des aiguilles d’une montre le long de l’extérieur en éventail de l’Élysium Bleu.
La première chose que l’on apercevait était le parc des bêtes démoniaques, mi-aquarium, mi-zoo. Il s’agissait d’un ensemble d’installations destinées à l’élevage et à la recherche de bêtes démoniaques, avec un total de 2 200 animaux de quelque 300 espèces, y compris des espèces menacées, provenant des quatre coins du monde. Beaucoup d’entre elles étaient ouvertes aux visites du grand public. En particulier, il s’enorgueillit du plus grand nombre de bêtes démoniaques aquatiques élevées dans le monde.
Vient ensuite le principal argument de vente de l’Élysium Bleu : son immense piscine côtière. Elle était suffisamment grande pour accueillir des compétitions internationales, elle était dotée de toboggans aquatiques de plus de 200 mètres de long et d’une disposition élaborée de nombreux types de bassins permettant à une personne de s’amuser en maillot de bain toute la journée.
Le parc d’attractions se trouvait à côté des piscines. Non seulement il comportait des attractions classiques comme une grande roue et des montagnes russes, mais il jouait également sur la nature particulière d’un Sanctuaire des Démons pour avoir une maison hantée véritablement hantée, et pour couronner le tout, des manèges à sensations si incroyables que les non-démons n’étaient pas assurés de revenir vivants.
Puis, après avoir passé un centre commercial avec des restaurants et une file de stands devant, Kojou et les autres atteignirent la zone hôtelière où leur séjour était prévu. Au centre du gigantesque Hôtel Élysian, que beaucoup appelleraient le symbole de l’Élysium bleu, se trouvaient de nombreuses demeures de villégiature et des villas à louer placées le long des canaux.
C’était devant l’une d’entre elles que le chariot électrique s’était arrêté — plus précisément, une maison blanche à deux étages.
Yaze, assis à la place du conducteur, descendit du chariot et s’étira tranquillement. « Eh bien, au moins nous sommes tous arrivés ici sains et saufs. »
« Est-ce que ça… te semble sain et sauf… ? »
La réponse était venue de Kojou toujours accroupi dans la boîte à bagages, et parlant avec ressentiment. Il avait fallu environ quinze minutes pour aller du port au chalet. La condition physique de Kojou était extrêmement mauvaise, ses organes internes ayant été continuellement secoués pendant ce temps. Son estomac, déjà considérablement affaibli par le mal de mer, clamait de toutes ses forces son mauvais état.
Cependant, Yaze avait négligé l’angoisse de Kojou.
« Grâce à cela, nous avons pu constater que les chariots électriques ont encore des progrès à faire en matière de sécurité. Il faudra que j’envoie un rapport à l’administration. »
« … Pourquoi es-tu un petit... »
Dès que mon corps récupère un peu, je donne une claque à ce type, Kojou avait décidé ça.
Pendant ce temps, Nagisa était descendue du chariot avec ses bagages et s’était dirigée vers le chalet de style méditerranéen.
« Hé, Yaze. Est-ce vraiment bien qu’on reste ici pour quelques jours !? »
« C’est un vrai travail, n’est-ce pas ? »
Yaze avait souri fièrement tandis que Nagisa le regardait en émettant un son d’étonnement.
En fait, l’intérieur du chalet flambant neuf était bien plus somptueux que ce à quoi Nagisa s’attendait, ce qui lui fit ouvrir la bouche. L’intérieur était immense, le mobilier, ample. Même le réfrigérateur était rempli de boissons fraîches.
« Il devrait y avoir des lits en trop, alors allez-y et répartissez-les comme vous voulez. »
« Yaaay ! Wôw, le deuxième étage est aussi énorme ! C’est magnifique ! L’air conditionné fonctionne, la cuisine est étincelante de propreté, le canapé est si doux, et il y a même un sauna dans la salle de bain ! »
Nagisa s’activa à courir de pièce en pièce comme un chiot excité. En revanche, Kojou, resté seul à l’extérieur, était figé devant l’entrée, la maison trop extravagante le submergeant.
« Sérieusement, Motoki, à quoi penses-tu ? » Asagi insista.
« Eh, qu’est-ce que tu veux dire ? »
« Ne joue pas les idiots avec moi ! Ce n’est pas parce qu’il y a une erreur de réservation que tu peux utiliser un endroit aussi beau qu’ici gratuitement, bon sang ! »
Asagi représentait le point de vue de chacun dans cette affaire.
Loin du continent japonais, les prix étaient plus élevés pour tout sur l’île d’Itogami. C’était d’autant plus vrai pour les pièges à touristes comme l’Élysium Bleu — une station populaire avec une avalanche de réservations à l’avance. Même une période d’essai précédant l’ouverture officielle ne pouvait justifier une utilisation aussi libérale des dépenses de fonctionnement.
« Mec, quel anxieux ! Je ne mens pas — tous les frais sont pris en charge. Les frais d’entrée et d’hébergement en tout cas. »
Les mains d’Asagi tenaient toujours Yaze par la poitrine alors qu’il levait les deux mains en signe de reddition. La façon dont il avait dansé autour des détails n’avait fait que rendre le regard d’Asagi plus grave encore.
C’est à ce moment-là qu’un nouveau chariot électrique avait franchi le portail de l’hôtel et s’était approché.
Ce chariot était différent de celui des invités que Kojou et les autres avaient monté. Il s’agissait plutôt d’un simple chariot blanc à usage professionnel.
Assise à la place du conducteur se trouvait une jeune femme portant une jupe moulante. Elle avait une vingtaine d’années, ou à peu près. D’après son maquillage et sa coiffure soignés, elle ressemblait à un traiteur. Elle donnait l’impression d’être une femme capable de gérer son propre restaurant familial ou une franchise de fast-food.
« Salut ! Désolée de vous avoir fait attendre comme ça ! »
La femme avait appelé Yaze d’un ton plus léger et plus féminin que ce à quoi Kojou s’attendait.
Pour une raison inconnue, Yaze avait redressé sa posture et avait baissé la tête pour faire une révérence formelle.
« Ah, chef. Merci. »
« … Chef ? Qui est-ce ? »
Quelle est leur relation ? s’était demandé Kojou en regardant de part et d’autre de Yaze et de la femme.
La femme était descendue de son chariot arrêté et avait regardé Kojou de la tête aux pieds.
« Ces enfants sont donc la cavalerie ? Oui, oui, l’apparence est médiocre, mais ça va être une grande aide. Nous aurons juste assez de personnes pour remplir les postes de la fin de la semaine. Soyez prêts pour l’après-midi aujourd’hui, s’il vous plaît. »
« … La cavalerie ? »
Kojou se sentait déconcerté, incapable de suivre le cours de la conversation. Asagi et les autres étaient tout aussi déconcertés. Yaze, le seul qui comprenait la situation, avait abandonné toute responsabilité d’expliquer, sifflant avec un regard innocent.
« Hé, Yaze. »
« Qu’est-ce qu’elle veut dire par là ? Ne me dis pas que tu as l’intention de nous faire travailler !? »
Kojou et Asagi s’étaient pressés sur Yaze de gauche à droite, l’interrogeant à voix basse. Cependant, il n’avait pas l’air de s’excuser, en fait, l’expression qu’il affichait était un sourire méchant.
« Hm ? J’ai expliqué, n’est-ce pas ? Il y a eu une erreur de réservation, donc ils sont à court de personnel. »
« Par manque de personnel, veux-tu dire qu’ils n’ont pas assez de travailleurs !? »
Même si Kojou était indigné sur le coup, un coin de son esprit trouvait que c’était parfaitement logique. Maintenant qu’il y pense, bien sûr que c’était ça. L’Élysium Bleu était un énorme établissement touristique qui s’attendait à recevoir des centaines de milliers de clients par an. Une erreur de réservation avec des clients était insignifiante et n’aurait pas coûté cher à l’organisation. Ce n’était certainement pas une raison pour inviter Kojou et les autres à rester gratuitement.
Ce n’est pas de clients dont Yaze avait besoin, mais d’employés à temps partiel pour travailler dans l’établissement.
Cela dit, le manque d’employés avait dû être si soudain qu’ils n’avaient pas eu le temps de recruter des travailleurs à temps partiel par les méthodes normales. De plus, beaucoup d’informations sur l’ouverture de l’Élysium Bleu n’étaient pas destinées à être connues du public, ce qui signifie qu’on ne pouvait pas faire venir des gens pour y travailler à moins de pouvoir leur faire confiance à un certain degré. Ainsi, Yaze avait jeté son dévolu sur Kojou et les autres.
« Pourquoi n’as-tu pas mentionné quelque chose d’important comme ça au début !? »
« Si je t’avais demandé de travailler gratuitement, Kojou aurait pu le faire, mais toi, tu ne l’aurais pas fait, n’est-ce pas ? »
« Bon sang, je ne le ferais pas ! »
« Pourquoi est-ce normal que je travaille gratuitement maintenant !? »
Asagi et Kojou avaient tous deux objecté avec une vigueur féroce. Après s’être inquiétés pendant tout ce temps que Yaze préparait quelque chose, ils étaient furieux maintenant que la nature de son plan avait été révélée.
De son côté, Yukina, apparemment laissée pour compte, avait l’air tout à fait déplacée en fixant Yaze.
« Euh… Alors, que devrions-nous faire… ? »
« Ahh, toi et Nagisa pouvez aller vous amuser comme vous voulez. Ne vous inquiétez pas pour ces deux-là. » Yaze avait sorti un certain nombre de cartes d’identité avec un logo de l’Élysium bleu. « C’est la clé du chalet et un laissez-passer pour les attractions. Vous pouvez l’utiliser pour entrer gratuitement dans presque tous les endroits de de l’Ély bleu. »
« M-Mais… »
« C’est bon, pas besoin de s’inquiéter. De toute façon, faire travailler des collégiens est contraire à la loi. Considère ça comme un cadeau de Kojou, et détends-toi avec Nagisa, d’accord ? »
Yaze avait glissé une carte d’identité dans les mains d’une Yukina réticente. Quand il l’avait présenté de cette façon, Yukina n’avait aucune raison de refuser. Je suis désolée, disait son visage confus alors qu’elle s’efforçait de dire des mots de remerciement.
« Attends… si Himeragi et Nagisa s’en vont, ça veut dire qu’il n’y a que Kojou et moi qui travaillons ? »
Asagi, qui écoutait la conversation de Yaze avec Yukina, avait soudainement baissé le ton de sa voix en vérifiant. Mais bien sûr, avait dit Yaze, en envoyant un sourire riche en sous-entendus à Asagi.
« Je me suis dit que ça pouvait être assez triste seul, alors je leur ai demandé de s’assurer que vous travaillez au même endroit. »
« Hey, même lieu de travail ou pas, nous n’avons pas vraiment dit — . »
— que nous travaillerions là-bas, Kojou allait dire pour réfuter, mais Asagi l’avait coupé à mi-chemin.
« Alors, c’est bien. »
« Eh ? A- Asagi ? »
« Nous sommes arrivés jusqu’ici, alors se plaindre ne nous mènera pas très loin. Si tu insistes, je vais te donner un coup de main. »
« Ohh, quel cœur compatissant ! Je n’en attendais pas moins. »
Yaze avait tapé dans ses mains en faisant l’éloge d’Asagi. Tout ce que Kojou pouvait faire était de regarder, abasourdi, le changement soudain de son cœur.
Puis, elle avait doucement rétréci ses yeux et avait jeté un regard à Yaze.
« En échange , tu me payeras pour ce travail. Tu comprends, n’est-ce pas ? Je ne suis pas bon marché. »
« B… Bien… Je comprends tout à fait… »
Submergée par le regard d’Asagi, une sueur froide avait coulé sur Yaze qui avait hoché la tête.
La dame que Yaze avait appelée chef avait apparemment considéré que cela réglait la question. Kojou se tenant raide, elle l’avait appelé, sortant les bagages du chariot et les poussant sur lui.
« Voici vos T-shirts du personnel. Vous pouvez porter des maillots de bain en dessous. On n’a pas le temps, alors, changez-vous tout de suite, d’accord ? »
Kojou, toujours pas remis de toute cette confusion, fixait dans le silence la paire de T-shirts qu’on lui avait remis.
Le ciel au-dessus de l’Élysium Bleu était très clair, les forts rayons du soleil faisaient tomber des ombres épaisses.
« … Sérieusement ? Bon sang. »
Le frêle murmure de Kojou avait disparu, emporté par une brise côtière humide.
***
Chapitre 2 : Un vampire au travail
Partie 1
D’innombrables bêtes démoniaques nageaient dans un réservoir d’eau géant d’une superficie plusieurs fois supérieure à celle d’une piscine olympique.
Des poissons monstrueux originaires d’Asie du Sud, appelés makara, dormaient au fond de l’eau. Ils avaient un corps de grenouille et des ailes de poisson volant, ce qui en faisait probablement des « Water Leaper ». En outre, des bêtes démoniaques peu connues ressemblant à des pieuvres et des anguilles s’ébattaient dans le réservoir d’eau, en nombre trop important pour être compté.
C’était le réservoir d’eau géant du parc des bêtes démoniaques — la destination touristique la plus célèbre de l’Élysium Bleu.
« Wowww… »
Les yeux de Nagisa Akatsuki brillaient tandis qu’elle penchait sa petite silhouette au-dessus de la rambarde de la passerelle. Ses longs cheveux, attachés pour ressembler à une coupe courte, se balançaient d’avant en arrière à un rythme régulier.
« C’est vraiment énorme. C’est bien le plus grand aquarium de bêtes démoniaques du monde… Euh, est-ce un cheval ? Un cheval-poisson ? »
Cette déclaration, Nagisa l’avait faite en désignant une mystérieuse créature ayant le haut du corps d’un cheval et le bas du corps d’un poisson. Il avait une nageoire argentée à la place de la crinière, mouillée par l’eau, elle scintillait et étincelait. C’était une belle bête démoniaque qui avait l’air tout à fait divine.
« C’est un hippocampus, une espèce d’hippocampe originaire des côtes de l’empire de la mer du Nord. C’est la première fois que j’en vois un en chair et en os. »
Juste à côté de Nagisa, Yukina l’avait expliqué. En tant que Chamane Épéiste de l’ Organisation du Roi Lion, Yukina connaissait bien une grande variété de bêtes démoniaques, mais naturellement, même elle n’avait pas eu la chance de voir de si près des bêtes démoniaques marines rares en voie d’extinction. Bien qu’elle ait gardé la tête froide, elle n’avait pas pu cacher son excitation pour cette expérience extraordinaire.
« Ces yeux sont si mignons, hein… Je veux aussi essayer de le nourrir…, » murmura Nagisa d’un ton mélancolique.
Au bord du réservoir d’eau, des dresseurs de bêtes démoniaques en combinaison nourrissent les hippocampus. Ils leur apprenaient des trucs en prévision de l’ouverture de l’attraction l’année prochaine.
La rumeur voulait que le parc des bêtes démoniaques ait été construit dans le but d’utiliser les droits d’entrée des visiteurs pour couvrir les coûts énormes de l’élevage des bêtes démoniaques pour la recherche. Apparemment, le premier spectacle d’hippocampus au monde devait être leur joyau pour attirer les visiteurs, ce qui expliquait le zèle des dresseurs dans leurs instructions.
Comme les vampires et les hommes bêtes, les bêtes démoniaques étaient suffisamment intelligentes pour se mettre d’accord avec les êtres humains, mais contrairement aux démons dont les droits étaient garantis par le Traité de la Terre Sainte, leurs protections étaient en retard. Dans le monde, de nombreuses bêtes démoniaques étaient encore considérées comme des monstres dangereux, avec une chasse excessive et des incidents de massacre qui ne cessaient jamais.
De plus, la réalité était que de nombreuses bêtes démoniaques possédaient de grandes capacités de combat, et que les espèces susceptibles d’attaquer les gens étaient loin d’être rares. Si des installations telles que le Parc des bêtes démoniaques se développaient et que les recherches sur leur écologie progressaient, peut-être l’humanité pourrait-elle être en mesure de coexister pacifiquement avec elles, mais une voie vers l’égalité semblait impensable.
Alors que Yukina se laissait aller à de tels sentiments, Nagisa, juste à côté d’elle, laissait échapper des cris de joie tandis que l’hippocampus jonglait avec des ballons de plage comme des artistes de rue avec des sacs à haricots. Yukina regardait en silence.
« — Yukina ? Quelque chose ne va pas ? »
Nagisa, remarquant le regard apparemment dubitatif de Yukina, avait hoché la tête et l’avait inclinée pour répondre à sa question. Yukina avait souri et avait secoué la tête.
« Nan, je me demandais juste… n’as-tu pas peur de l’hippocampus ? »
« Aie, bon sang… ! Kojou, c’est ça ? Ça ne le regarde pas d’aller te dire ça ! »
Nagisa avait levé les deux mains en l’air comme pour afficher sa colère, en expirant fortement.
« … Ça ne le regarde pas ? »
« À propos de ma démonophobie. Tu as probablement entendu que j’ai été hospitalisée à cause d’un incident, non ? »
« Oui. » Yukina acquiesça docilement.
Nagisa Akatsuki avait été gravement blessée lors d’un incident terroriste impliquant des démons, et depuis, elle avait une peur extrême du contact avec les démons. En fait, c’est Asagi qui lui en avait parlé plutôt que Kojou, mais ça n’avait pas d’importance.
Plusieurs fois, Yukina avait été témoin de la panique de Nagisa face à des démons. Il était plutôt surprenant que Nagisa ait cru que sa démonophobie était restée secrète pendant tout ce temps.
« Je ne veux pas faire de discrimination, mais j’ai toujours un peu peur. Des vampires, des hommes bêtes et tout ça, » avait avoué Nagisa d’un ton désespéré. Cependant, en regardant le visage inquiet de Yukina, elle s’était immédiatement mise à sourire joyeusement.
« Mais les bêtes démoniaques ne me dérangent pas. La peur des hommes ne te fait pas craindre les chiots mâles, non ? J’aime les animaux. J’aime même les reptiles. Mais je ne suis pas douée avec les insectes. Alors s’il y a des araignées de mer ou autres, je pense que je vais passer mon tour. »
« Insecte… ? »
Yukina avait commencé à se demander si elle devait préciser que les araignées ne sont pas des insectes. Nagisa avait regardé le visage de Yukina avec un profond intérêt.
« Hé, hé, penses-tu encore à Kojou et à Asagi ? »
« Enfin… un peu. Je me sens mal pour elle et Senpai de n’avoir que nous pour nous amuser comme ça. » Un mince sourire douloureux était apparu chez Yukina.
Environ une heure auparavant, Kojou et Asagi étaient partis rapidement pour aller travailler à temps partiel en portant des chemises de l’Élysium Bleu. Yaze s’étant enfui, prétextant qu’il devait aider l’entreprise familiale, Yukina et Nagisa, laissées pour compte, n’avaient eu d’autre choix que de visiter le parc des bêtes démoniaques par elles-mêmes.
Et bien que tout cela soit amusant, Yukina se sentait assez coupable à ce sujet, en particulier de son point de vue en tant qu’observatrice de Kojou.
« Oh, tu veux dire que… ? »
Mais Nagisa avait l’air découragée en baissant la tête. Apparemment, la réaction de Yukina n’avait pas été celle qu’elle attendait.
« Ah ? »
« Eh bien, je veux dire, il n’y a rien que nous puissions faire pour aider avec le travail. Comme Yaze l’a dit, on est encore au collège… Et de toute façon, ce n’est même pas ce que je veux dire. Je veux dire, tu sais, Asagi. »
« Et pour Aiba ? »
Les yeux de Yukina avaient clignés alors qu’elle demandait. L’expression de Nagisa était devenue grave, apparemment à dessein.
« En d’autres termes, hum, de toute façon, Yukina, que penses-tu d’Asagi ? »
« Euh… C’est une très belle personne, elle est très courageuse, et elle est gentille. »
C’était les sentiments honnêtes de Yukina. Après tout, Asagi avait sauvé la vie de Yukina deux fois. La première fois, c’était quand elles avaient été enlevées par le Front de l’Empereur de la Mort Noire. La seconde fois, c’était pendant la bataille de Yukina contre Meiga Itogami.
Dans des circonstances qui auraient laissé une personne normale paralysée par la peur, Asagi avait conçu un programme pour détruire les Nalakuvera la première fois, et piraté les pods de sécurité d’une installation pour sauver Yukina la seconde fois. Une Chamane Épéiste de l’ Organisation du Roi Lion avait été sauvée par une lycéenne sans aucun entraînement au combat. Après cela, Yukina avait témoigné à Asagi autant de respect que de prudence.
Et puis…
« Yukina, je t’aime ! »
« … Hein !? »
Yukina avait été déconcertée par l’étreinte soudaine de Nagisa, n’ayant aucune idée de ce qui se passait. Nagisa semblait très excitée, en quelque sorte, car elle serrait fortement Yukina avec ses deux bras.
« Yukina, tu es incroyable. Je savais que tu ressentirais ça. Tu as compris. Oui, Asagi est intelligente, gentille, et vraiment cool. Je le dis à tout le monde, mais ils ne comprennent pas vraiment. »
« … Ils ne comprennent pas vraiment ? »
« C’est vrai. Personne ne loue Asagi pour autre chose que son apparence. Surtout les garçons de notre classe ! Du genre : “Elle a l’air si érotique”, “Je veux qu’elle m’apprenne tel ou tel mouvement”, “On dit qu’elle sort pour de l’argent”… Argh, les garçons ! »
Nagisa semblait de plus en plus agacée à mesure qu’elle se le remémorait, presque comme si elle était en colère pour son propre compte. Yukina, hors d’elle, avait regardé Nagisa pendant un moment, mais…
« Tu aimes vraiment Aiba, n’est-ce pas ? »
Le sourire agréable accompagnant la déclaration de Yukina avait fait rougir Nagisa qui avait hoché légèrement la tête.
Pour Nagisa, qui avait été hospitalisée pendant de longues périodes depuis son arrivée sur l’île d’Itogami, Asagi était une amie précieuse, proche d’elle par l’âge, l’une des rares personnes du monde extérieur avec laquelle elle était vraiment connectée. Même sans cela, il était naturel pour Nagisa d’admirer une personne aussi intelligente et belle qu’Asagi.
« Ce serait vraiment bien d’avoir Asagi comme grande sœur, hein… Si on met de côté le fait que c’est un gâchis pour elle de se mettre en couple avec Kojou, » murmura Nagisa sur un ton qui semblait trop sérieux pour être pris pour une blague.
Yukina avait failli dire « Je suppose que oui », mais elle avait préféré ne pas dire une chose aussi grossière sur le grand frère de son amie.
« Euh… hum, c’est…, » avait bégayé la Chamane Épéiste.
« Mais c’est pareil pour toi ! »
« … Vraiment ? »
Les pensées de Yukina s’étaient figées un instant lorsque la conversation s’était soudainement dirigée vers elle.
« Eh bien, j’aime vraiment Asagi, mais ma position est neutre, donc je t’encourage aussi, Yukina ! C’est pourquoi je voulais te demander tes sentiments honnêtes et tout ça. Mais peut-être que c’est mieux de ne pas demander. Wow, maintenant je suis inquiète… »
« Euh, je pense que tu comprends mal certaines choses ici. Vois-tu, je…, » en offrant une excuse sinueuse, Yukina avait commencé à protester contre Nagisa, qui se tenait la tête avec angoisse. Elle ne pouvait pas vraiment lui dire Non, je ne fais qu’observer ton grand frère.
Mais Nagisa n’avait pas prêté attention au conflit intérieur de Yukina.
« Bien que j’hésite un peu à t’appeler grande sœur, Yukina… Tu es un peu excentrique… »
« E-Excentrique… ? »
Yukina avait été quelque peu frappée par l’évaluation étonnamment pauvre de son amie. Elle ne s’attendait pas à ce que Nagisa, parmi tous les autres, la voit de cette façon. C’était un choc pour Yukina, qui était censée être une personne toujours fiable.
***
Partie 2
J’ai vraiment besoin de réfuter ça, avait pensé Yukina, en s’empressant d’ouvrir la bouche. Mais à l’instant suivant — .
Une violente secousse, comme si elle avait été provoquée par une bombe, s’était propagée de sous leurs pieds jusqu’au-dessus de leurs têtes, faisant bruyamment trembler le flotteur.
Ayant l’impression que son pied allait se dérober sous elle, Yukina s’était instantanément agrippée à la balustrade de la passerelle.
« C’est… !? »
« Qu’est-ce que… c’était à l’instant ? »
Quand Yukina avait regardé, elle avait vu Nagisa s’accrocher à un poteau comme Yukina le faisait.
Mais c’était le seul et unique changement.
La surface du flotteur ne tremblait pas. Il n’y avait pas non plus de vagues à la surface de l’eau. Les autres visiteurs du Parc des Bêtes démoniaques avaient continué leur visite avec le sourire.
Yukina et Nagisa étaient les seules à avoir remarqué que quelque chose n’allait pas. Elles seules, toutes deux puissantes médiums spirituelles, avaient détecté l’onde de choc invisible. Il s’agissait probablement d’une poussée d’énergie démoniaque — de plus, quelqu’un libérait une telle énergie démoniaque massive pour faire trembler l’ensemble de l’Élysium Bleu.
Ce n’est pas possible, pensa Yukina alors que Kojou lui venait immédiatement à l’esprit. Si l’un des Vassaux Bestiales du Quatrième Primogéniteur se déchaînait, comme cela s’était produit plusieurs fois auparavant, cela expliquerait une telle flambée d’énergie démoniaque à grande échelle.
Cependant, Yukina avait senti que l’énergie démoniaque avait clairement des caractéristiques différentes de celle de Kojou.
En outre, elle avait le sentiment que la source de l’énergie démoniaque ne se trouvait pas dans l’Élysium bleu lui-même. Elle semblait venir d’un endroit plus éloigné — loin du flotteur, au fond de la mer.
En d’autres termes, même à une telle distance, l’énergie démoniaque semblait être à la même échelle que celle d’un Vassal Bestial du Quatrième Primogéniteur. Si c’était le cas…
Est-ce que cela fait de l’être qui dégage cette poussée d’énergie démoniaque un monstre encore plus grand que le quatrième Primogéniteur… ?
Un frisson avait parcouru l’échine de Yukina quand elle était arrivée à cette possibilité.
Puis, les pensées de Yukina avaient été ramenées à la réalité par le cri effrayant de Nagisa.
« Yukina… les bêtes démoniaques sont… ! »
Tombant dans un état de terreur, les bêtes démoniaques perdirent la tête et se déchaînèrent sous les vagues. Le monstrueux poisson makara avait percuté le côté du réservoir d’eau, créant une fissure déconcertante dans le verre renforcé. L’hippocampus, proche de la surface de l’eau, se débattit, heurtant la hanche d’un dresseur et le faisant chuter.
Mais ce n’était pas leur intention d’attaquer, ils avaient simplement peur.
Les bêtes démoniaques, encore plus sensibles à l’énergie démoniaque que les médiums spirituels comme Yukina et Nagisa, avaient senti cette puissante vague d’énergie et s’empressaient de fuir la zone.
« Arrg… » Yukina se mordit mal à l’aise la lèvre.
Même en connaissant les circonstances, elle n’avait aucun moyen de maîtriser les bêtes démoniaques pour le moment. Yukina n’avait pas le Loup des Neiges sous la main, et de toute façon, il lui était impossible de maîtriser toutes les bêtes démoniaques à l’intérieur du réservoir à elle seule. De plus, elle était réticente à tuer des bêtes démoniaques juste parce qu’elles avaient peur.
Mais à un moment ou à un autre, le réservoir d’eau se briserait et l’intérieur de l’Élysium bleu subirait sans aucun doute d’immenses dégâts. Il est probable qu’il n’y ait pas que les bêtes démoniaques dans la zone d’alimentation marine, celles des zones ouvertes à la surface devaient également être en panique. Si elles se déchaînaient à l’extérieur du Parc des Bêtes démoniaques, même les visiteurs ordinaires seraient en danger.
Que dois-je faire ? pensa Yukina, frappée par le désespoir. Alors…
« — Calmes-toi. »
La voix calme qui était sortie des lèvres de Nagisa était obsédante. Simultanément, une vague massive d’énergie démoniaque semblait refroidir le corps de Yukina jusqu’à la moelle.
Submergées par l’immense énergie démoniaque, les bêtes démoniaques enragées se turent d’un seul coup. Prisonniers de la peur, plonger leur cœur dans le désespoir les rendait au contraire tranquilles.
La lumière qui remplissait les yeux de Nagisa était aussi calme et sans émotion qu’une plaque de glace. L’aura surnaturelle qui l’accompagnait était bien supérieure à celle d’un humain ordinaire. Quelqu’un doté d’une puissante énergie démoniaque possédait Nagisa. Quelqu’un dont la puissance rivalisait avec celle d’un Vassal Bestial du Quatrième Primogéniteur — .
« Vous êtes… ? »
Yukina avait désespérément maîtrisé son sentiment de crainte, fixant Nagisa pendant qu’elle posait la question. Cependant, juste sous les yeux de Yukina, toute la force du corps de Nagisa s’était évanouie, comme une marionnette dont on aurait coupé les fils.
La possession avait soudainement été levée, apparemment par crainte de mettre trop de pression sur le corps de Nagisa.
« Quoi… !? »
Ayant perdu l’équilibre, Nagisa risquait de tomber, mais Yukina l’avait rattrapée au dernier moment. Nagisa secoua la tête, apparemment inconsciente de ce qui venait de lui arriver.
« Aie, aie, aie… Euh ? Le mignon hippocampus et tous les autres… ? »
« Ils ont… ? »
Yukina s’était tue, ne sachant pas trop ce qu’elle devait dire à Nagisa. À sa place, elles avaient toutes deux entendu une voix discrète venant de derrière, une voix qu’elles n’avaient pas reconnue. C’était une voix raffinée, mais qui semblait distante, froide, abrupte.
« Il semblerait qu’ils se soient déjà calmés. »
Yukina, qui n’avait pas senti de présence avant d’entendre la voix, avait regardé en arrière avec surprise.
La voix venait d’une jeune femme. Elle était assise seule sur un banc au bord de la passerelle.
La jeune fille était jolie, et ses longs cheveux noirs, portés à l’ancienne, lui allaient bien. Son uniforme avait un fond noir, il provenait d’une école privée réputée de la ville d’Itogami. Elle tenait un appareil photo reflex à objectif unique sur ses genoux soignés. Un cylindre noir, probablement un étui pour transporter un trépied, était appuyé contre le mur.
« — Ai-je tort ? »
Devant la surprise de Yukina, la jeune fille aux cheveux noirs inclina la tête. Même si elle avait sûrement vu les bêtes démoniaques en panique de près, elle semblait extrêmement détendue — au point que son calme n’était pas naturel.
« Non… vous avez raison. »
Yukina acquiesça, toujours désemparée. Bien qu’il ne soit pas facile de lire la fille devant ses yeux, elle ne sentait aucune intention hostile. Elle semblait simplement observer Yukina et Nagisa. Presque comme si elle observait un petit animal rare qui s’était égaré dans son jardin…
Apparemment amusée par la perplexité de Yukina, la jeune fille avait demandé : « C’était effrayant tout à l’heure, n’est-ce pas ? »
Yukina avait continué à tenir Nagisa en hochant vaguement la tête. « Euh, et vous êtes ? »
« Une photo. »
« … Hein ? »
« Puis-je… vous prendre en photo ? »
La fille aux cheveux noirs avait doucement tourné l’objectif de son appareil photo vers Yukina et Nagisa. Nerveuse face à la demande soudaine de la fille, Yukina avait mis une main sur ses yeux, presque comme une célébrité écartant les paparazzi.
« Non… ah, pour le moment c’est… un moment privé, vous voyez… »
« Est-ce ainsi ? C’est dommage. »
En entendant l’excuse ambiguë de Yukina, la fille aux cheveux noirs avait visiblement légèrement expiré. Elle s’était levée, ramassant le trépied au passage. Les coins de ses lèvres s’étaient relevés, comme pour dire Adieu.
« Nous nous retrouverons. Probablement, en tout cas. Si possible, je serais heureuse que ce soit amicalement ? »
Laissant ces derniers mots derrière elle, la fille aux cheveux noirs leur avait tourné le dos. Yukina s’était mordu la lèvre en entendant les mots de la fille, qui semblaient impliquer quelque chose.
Toujours soutenue par Yukina, Nagisa avait exprimé ses sentiments d’admiration. « Cette personne… elle est si jolie. Et plus vieille que nous, hein… ? »
Un sourire spontané et tendu se dessina sur Yukina devant l’attitude insouciante de son amie. Mais les mots suivants de Nagisa avaient coupé le souffle de Yukina, car elle-même avait inconsciemment réalisé la même chose…
« Elle est un peu… comme toi, Yukina. »
+++
Au coin d’une piscine géante, sous les rayons d’un soleil brûlant…
Un sourire radieux se dessinait sur Asagi Aiba, debout à la caisse d’un petit chariot de nourriture. Elle portait un T-shirt blanc qui ne se distinguait que par le logo boiteux qu’il portait. C’était un T-shirt du personnel de la franchise Radaman Pavillionz.
« Trois yakisoba et deux thés oolong, un cola et un soda au melon. Ça fait deux mille deux cent cinquante yens ! Kojou ! »
« D’accord, les trois yakisoba arrivent ! »
Avec un rythme pratiqué, Kojou avait accepté l’ordre d’Asagi. Kojou ne portait pas seulement le même T-shirt qu’elle, mais aussi une casquette de franchise. Il se tenait devant une grille grésillante.
« Dahh ! La plaque est si chaude… Je vais mourir ! Brûler jusqu’à être croustillant ! Me transformer en cendres ! »
Kojou n’avait cessé de se plaindre en vidant la graisse de la plaque de cuisson. La vapeur dégagée par la cuisson du porc avec os et des légumes avait fait grimper l’indice d’inconfort de l’étal.
D’abord, ils étaient venus dans une station pour s’amuser, alors pourquoi devait-il vendre des yakisoba depuis un chariot de nourriture au bord de la piscine ? Il était tout à fait naturel pour lui de vouloir évacuer ses frustrations.
« Ce n’était pas l’accord. N’était-ce pas censé être une station balnéaire amusante sur la plage !? »
« Oh, tais-toi. Tu n’es pas le seul à avoir chaud ici, alors ferme-la. »
Asagi s’était emportée contre Kojou, grognant à voix haute alors même qu’il emballait les yakisoba terminés dans un récipient. Comme pour souligner ses paroles, Asagi était également couverte de sueur. L’espace laissé par ses cheveux relevés pour faire face à la chaleur exposait son cou pâle, complètement trempé de sueur.
« Oui, mais il fait vraiment chaud, hein… Kojou, assure-toi de boire plus d’eau. Tu vas t’effondrer si tu es déshydraté. »
« D-D’accord… »
Kojou avait dégluti en acceptant la boisson dans une bouteille en plastique qu’Asagi lui avait offerte.
Il ne savait pas si elle s’en rendait compte, mais le T-shirt, trempé de sueur, lui collait fortement à la peau, rendant la silhouette d’Asagi assez visible. Pour une raison ou une autre, cela le tiraillait plus que si elle se baladait en maillot de bain. En outre, ses cuisses pâles qui dépassaient de l’ourlet de son T-shirt étaient difficiles à ignorer. Il en était d’autant plus conscient que l’exiguïté du chariot les plaçait dans une position très rapprochée par nécessité.
« Kojou… qu’est-ce qui ne va pas ? »
Asagi avait remarqué le comportement inhabituel de Kojou et avait rapproché son visage de façon suspecte. Il avait hâtivement détourné son regard.
« Ah, non, je pensais juste que ce look te va très bien. »
« Par ce look, veux-tu dire le T-shirt ? »
Asagi baissa les yeux sur sa chemise et expira profondément. Du point de vue d’une personne aussi soucieuse de la mode qu’Asagi, elle avait à de multiples niveaux sans doute des objections quant à ce logo stupide.
« Je n’ai pas l’impression que ce soit un compliment. Merci, cependant. »
Ce n’est pas l’aspect du T-shirt qui convenait à Kojou, mais le fait de la voir travailler au stand de nourriture. Les apparences mises à part, Asagi était une fille sérieuse au fond, quelqu’un qui travaillait dur dans tout ce qu’elle faisait. Bien qu’elle ait été embauchée comme débutante, elle s’était appuyée sur sa vivacité d’esprit et son excellente mémoire pour gérer facilement les clients, même ceux qui venaient en masse à l’heure du déjeuner. De plus, le fait que Kojou la connaissait depuis longtemps rendait le travail ensemble très facile.
***
Partie 3
Grâce à tout cela, Kojou et Asagi, des amateurs de rang, avaient si bien géré le stand de nourriture qu’ils ressemblaient à des vétérans chevronnés pour un œil non averti. Et comme pour souligner l’auto-évaluation de Kojou, la femme connue sous le nom de chef était de bonne humeur quand elle les avait appelés :
« Bon travail. Vous deux avez été incroyables. Pour être honnête, je ne pensais pas que vous seriez aussi utiles. Je dois vraiment remercier Moki pour ça. »
« Errr, Moki ? »
Kojou et Asagi étaient sur le point d’éclater de rire devant ce surnom mignon, qui ne convenait pas du tout à Yaze. D’une certaine manière, la chef était amie avec Yaze comme s’il était un frère pour elle, mais l’entendre l’appeler si facilement Moki lui donnait l’impression de l’aimer beaucoup. Nous devons suivre cette affaire, Asagi avait transmis à Kojou avec un regard significatif, Kojou avait acquiescé par un contact visuel et un hochement de tête.
La chef, ne connaissant pas les pensées de Kojou et d’Asagi, avait souri affectueusement.
« Vous n’êtes pas habitué à cela, vous devez donc être fatigué. Vous pouvez faire une pause, un à la fois. »
« Oui, merci beaucoup. Kojou, tu peux y aller en premier. »
« Désolé. C’est d’une grande aide. »
Kojou avait essuyé la sueur de son front en expirant avec soulagement. Sans surprise, il était à la limite de son endurance à force de rester debout derrière la grille stupidement chaude.
« Oh, oui. Je retourne au bureau, alors pourriez-vous faire une livraison pour moi ? Apportez-le à la station de surveillance. »
« Bien sûr. »
Kojou avait accepté sans hésiter la demande de la chef, déjà d’humeur joyeuse depuis qu’il avait pu souffler un peu. Elle lui tendit un plateau avec une douzaine de grandes boissons. C’était assez lourd à porter pour une seule personne.
« La salle de contrôle… Hein, là ? Le centre des sauveteurs… Attends, c’est vraiment loin ! »
Depuis le stand de Radaman, il pouvait voir le bâtiment où il devait livrer juste de l’autre côté des bassins. Il était bien éloigné, près d’un kilomètre à pied. Il semblait être à la fois une station de surveillance, une clinique et un centre d’objets perdus.
« Merde… Elle m’a piégé. La chef a dit qu’elle me donnait une pause, mais elle la voulait pour elle-même… ! »
En lâchant ces mots comme s’il s’agissait d’une malédiction, Kojou grommela et se dirigea vers le centre des sauveteurs. Maintenant qu’il y pense, Asagi pourrait l’avoir laissé partir en pause en premier parce qu’elle avait flairé les intentions de la chef.
Même s’il s’agissait d’une ouverture à titre d’essai, la zone de la piscine était toujours bondée. Contrairement à Kojou, qui marchait sur du béton grésillant, les personnes excitées dans l’eau semblaient très à l’aise.
Une bonne dose de jalousie et d’envie faisait peser davantage le lourd plateau dans ses bras. Se frayant un chemin à travers le labyrinthe de piscines, Kojou avait été mort de fatigue lorsqu’il arriva enfin à sa destination.
« Yo… centre de sauvetage ! Je suis venu avec vos boissons ! »
Kojou avait appelé le centre de sauvetage avec la voix forte et sans retenue qu’il avait affinée lors de compétitions sportives.
« Ohh, juste là. J’attendais ça. »
Un maître-nageur, la peau brûlée par le soleil, sortit la tête du poste de surveillance. Physiquement, il était en superbe état. Sa poitrine musclée faisait gonfler son T-shirt au point de le déchirer.
« … Hm ? »
« Qu’est-ce qu’il y a ? »
Le corps de Kojou était devenu rigide après avoir été minutieusement examiné. Monsieur le sauveteur était resté silencieux pendant qu’il faisait le tour du flanc de Kojou.
« Quel est ton nom ? »
« Kojou ! Kojou Akatsuki. »
« Hmm… ton corps est étonnamment beau. Voudrais-tu devenir un maître-nageur ? Je peux te présenter des entraîneurs qualifiés ici même. Il y a un studio d’entraînement entièrement équipé, juste pour le personnel. »
Pendant qu’il parlait, l’homme frotta doucement le dos de Kojou comme s’il évaluait l’état des muscles de Kojou.
« N-Non, je vais passer mon tour. Je travaille déjà à temps partiel et tout. »
« C’est ainsi. Appelle-moi si tu changes d’avis. Sauver des vies, c’est du bon travail ! »
Le Sauveteur se tapota la hanche et rit à gorge déployée. Le visage souriant de Kojou avait tressailli tandis qu’il baissait la tête et quittait le poste de surveillance pour s’échapper. S’il laissait le gars continuer, il finirait par soulever des poids avec lui en peu de temps. Ce n’était pas qu’il avait un problème avec l’exercice, mais il n’y avait aucune chance qu’il soit intéressé à faire de la musculation avec un bodybuilder autoritaire par une journée ridiculement chaude.
« … Bon sang… Tout ce soi-disant temps de pause va être utilisé… »
Kojou avait faiblement soupiré en regardant l’horloge sur le mur du centre de sauvetage.
Pour une raison inconnue, la vue d’une petite fille entrant dans son champ de vision à ce moment-là avait attiré son attention.
La jeune fille portait une parka à capuche en nylon sur un maillot de bain bleu à deux pièces. Elle devait avoir onze ou douze ans. Elle avait tiré sur la capuche volumineuse de sa parka en s’asseyant seule au poste des objets trouvés.
Réalisant que Kojou avait posé les yeux sur elle, la fille avait soudainement détourné la tête. Les cheveux voyants qu’elle portait jusqu’aux épaules se balançaient doucement.
Puis, la jeune fille s’était levée, s’était dirigée vers le comptoir et avait dit : « Merci beaucoup. J’ai trouvé la personne avec qui je suis, alors je vais bien maintenant. Vous m’avez été d’une grande aide. »
Puis elle avait formellement incliné la tête devant l’employé.
Pour une fille qui est perdue, elle se comporte très bien, avait pensé Kojou avec une touche d’admiration. Il semblerait qu’il n’avait pas besoin de s’inquiéter à ce sujet. Avec ce jugement à l’esprit, Kojou était retourné à l’étalage une fois de plus.
+
« — Tu es en retard ! »
Ce qui attendait Kojou à son retour au chariot de nourriture était un regard plein de ressentiment de la part d’Asagi. Apparemment, elle avait géré le chariot à peu près toute seule pendant que Kojou était parti faire la livraison. Et juste à ce moment-là, un groupe de clients avait rempli l’endroit, rendant la zone autour de la cuisine aussi désespérée que les conséquences d’un typhon. Asagi était complètement furieuse d’être si occupée.
« Eh bien, désolé ! La destination de la livraison était lointaine, je n’ai pas pu faire autrement ! »
« Hmmm… »
Asagi avait fixé son regard sur quelque chose pendant que Kojou se défendait. Pour une raison inconnue, son expression était celle d’un mépris ouvert.
« Alors, qu’est-ce qui se passe avec cette fille ? Tu ne vas pas me dire que tu as flirté avec elle, n’est-ce pas ? »
« … Flirter ? »
De quoi parles-tu ? pensa Kojou, perplexe, en regardant par-dessus son épaule, suivant le regard d’Asagi. Il y avait là une élève de l’école primaire qu’il avait instantanément reconnue : la fille portant la veste à capuche en nylon. Ses cheveux étaient aussi colorés que la fourrure d’un chat, combinés à ses grands yeux, elle donnait vraiment l’impression d’un chaton capricieux.
La fille se tenait immobile derrière Kojou, fixant son dos sans un mot.
« Euh ? N’es-tu pas la fille perdue près du centre de sauvetage… ? »
Lorsque Kojou s’était adressé à elle avec surprise, la jeune fille avait docilement hoché la tête. Ses grands yeux semblaient remplis d’émotions contradictoires : un mélange de méfiance et d’espoir.
« Eguchi. Yume Eguchi. »
La fille s’était nommée d’une voix raide. Kojou était un peu perplexe devant sa réaction.
« … Yume ? » demande-t-il.
« Oui. Vous pensez peut-être que c’est un nom étrange, enfantin… Je vous prie de m’excuser. »
« Ah bon ? Je pense que c’est un joli nom, ordinaire. Et c’est mignon, non ? »
Kojou avait dit ce qu’il pensait vraiment. D’abord, il avait rencontré des gens avec des noms bien plus étranges, alors un de plus n’était pas un problème, et si on devait parler de noms, « Kojou » était assez étrange.
Cependant, la réponse de Kojou avait apparemment frappé la fille comme étant quelque chose d’un peu inattendu. Ses grands yeux avaient cligné deux fois, et après cela, ses joues avaient rougi alors qu’elle baissait son visage.
« C’est — c’est ainsi. Même si ce n’est que de la flatterie, je suis heureuse. »
« Qu’est-ce que tu fais, tu baratines une petite fille comme ça !? »
L’instant suivant, Asagi avait frappé Kojou à l’arrière de la tête. Je n’ai rien fait, pensa Kojou avec des yeux larmoyants, en fixant Asagi sur l’absurdité de tout cela.
« Mais de toute façon, Yume ? Tu es dans cette échoppe à la recherche de quelqu’un ? »
« Ne vous inquiétez pas, vous êtes celui que je cherchais. Vous êtes Kojou Akatsuki, oui ? »
En disant ces mots, Yume avait levé les yeux vers Kojou et l’avait fixé. La fille tenait dans ses mains une photo qui avait été déchirée.
« Comment connais-tu mon nom ? C’est la première fois que nous nous rencontrons, non ? »
« Votre petite amie m’a parlé de vous, Monsieur Kojou, et m’a dit que je pouvais compter sur vous si jamais j’avais des problèmes. »
« Petite amie… !? » Asagi avait crié. Son regard incroyablement furieux avait fait que Kojou s’était empressé de secouer la tête.
« Non, je ne sais rien de tout ça ! Je n’ai pas la moindre idée de qui elle veut dire ! »
« Euh, ça ne me regarde peut-être pas, mais je pense que tromper est mal. Le double jeu est simplement… »
Yume, qui observait l’échange entre Kojou et Asagi, avait prononcé son admonestation d’une manière très chaste, digne d’une petite fille. Kojou avait gémi, se serrant la tête.
« Je ne le suis pas ! Qui t’a soufflé ces conneries à l’oreille ? » avait-il rétorqué.
« … Une très jolie fille âgée, grande. Elle a de gros seins, et elle portait ses cheveux comme ça. »
« … Une fille avec des seins énormes et une queue de cheval… Ce n’est pas possible… »
« Kirasaka ? »
En écoutant l’explication de Yume, les yeux de Kojou et d’Asagi s’étaient rencontrés.
D’une manière ou d’une autre, elle a eu l’idée bizarre que je suis le petit ami de cette femme qui déteste les hommes, avait pensé Kojou, en tordant le cou alors qu’il était perplexe sur cette notion étrange. En revanche, Asagi avait juste dit, « Je vois », croyant que c’était parfaitement logique.
Kojou, reprenant ses esprits, demanda. « Attends, si tu as rencontré Kirasaka, elle est aussi ici sur l’Ély Bleu ? Quel est ton lien avec elle ? »
L’expression de Yume s’était assombrie alors qu’elle répondit de façon hésitante, « Cette personne… est venue me sauver alors que j’étais enfermée. »
« Enfermée… ? »
Le regard de Kojou était devenu grave aux mots sombres sortant de la bouche de Yume. Enlèvement, séquestration, ou même trafic d’êtres humains — toutes sortes d’implications désagréables que Kojou n’avait pas spécialement envie d’imaginer s’élevaient dans le fond de son esprit l’une après l’autre. À l’exception du groupe de Kojou, toutes les personnes invitées à l’ouverture progressive de l’Élysium Bleu étaient des invités spéciaux — en d’autres termes, de riches VIP de la haute société ou des membres de leur famille. Il ne serait pas étrange que l’un d’entre eux soit la cible d’un enlèvement.
D’ailleurs, si Yume avait été impliquée dans un enlèvement, cela expliquerait pourquoi Sayaka l’avait secourue. Elle était une danseuse de guerre chamanique de l’Organisation du Roi Lion, chargée de contrer les crimes de sorciers. Il était tout à fait possible qu’ils enquêtent sur l’organisation qui avait séquestré Yume.
« Alors, où est Kirasaka en ce moment ? »
« Je ne sais pas… »
La voix frêle de Yume avait frémi à la question impromptue de Kojou. Alors que Kojou la regardait, les yeux de Yume étaient devenus larmoyants et elle avait éclaté en un déluge de larmes. Les tentatives désespérées de Yume pour retenir ses émotions s’étaient effondrées à cause d’une remarque imprudente de Kojou, et tout s’était déversé en même temps.
« Nous étions en train de nous enfuir, et les personnes qui nous poursuivaient nous ont trouvés. Elle a dit, “Yume, continue. Je te rejoindrai bientôt.” Mais peu importe combien de temps j’ai attendu, elle n’est jamais venue, et puis — . »
Yume avait parlé d’une voix faible et hésitante, en sanglotant plusieurs fois. Quand Kojou avait vu Yume commencer à pleurer, sa nervosité avait fait que tout dans sa tête soit vide.
« Ah, a-attends… ne pleure pas ! Euh, ne pleure pas, Yume ! Bon, des yakisoba, tiens, prends des yakisoba ! Il y a aussi du jus de fruits ! »
« … Sérieusement, qu’est-ce que tu crois faire ? »
Asagi s’était doucement touchée la joue en regardant Kojou qui consolait désespérément Yume.
Il semblerait qu’une fois de plus, ils aient été impliqués dans une sorte d’incident gênant.
***
Partie 4
Le service de Kojou et Asagi s’était terminé à 17 heures. La chef était quelque peu déçue de les voir partir, mais elle avait dit qu’ils serviraient des boissons alcoolisées à partir de cette heure, et qu’ils ne pouvaient pas faire travailler les mineurs plus tard.
Kojou, mort de fatigue après avoir préparé tous ces yakisoba, traîna son corps en quittant le bureau de Pavillon Radaman. Il portait sur son dos une Yume qui dormait profondément. La rencontre avec Kojou et Asagi avait semblé couper toute sa tension comme si c’était une corde fragile, Yume avait pleuré jusqu’à s’endormir.
Asagi grimaça en tapotant sur son smartphone adoré. « … Pas bon. Le nom de Yume Eguchi ne figure pas dans les registres de résidence de l’île d’Itogami. »
Asagi avait apparemment infiltré les serveurs de la Corporation de Management du Gigaflotteur et accédé à des données personnelles. Elle avait sans doute pensé qu’elle pourrait clarifier l’identité de Yume, leur permettant de contacter ses tuteurs, mais — .
« J’ai vérifié l’enregistrement de démon juste pour voir, mais aucune correspondance. Je ne trouve pas non plus d’anciens enregistrements d’elle. »
« … Ce qui signifie que Yume ne vit pas dans la cité d’Itogami ? »
« Probablement pas. Je doute qu’elle utilise un alias, après tout. »
« Oui, ça se voit. »
Kojou était d’accord avec l’hypothèse d’Asagi. La réaction de Yume à l’éloge de son nom par Kojou semblait extrêmement naturelle, ni l’un ni l’autre ne pensait que c’était un acte. D’ailleurs, ils ne voyaient aucune raison pour qu’elle utilise un faux nom avec deux personnes qu’elle rencontrait pour la première fois.
« L’Ély Bleu est un piège à touristes… donc il ne serait pas étrange qu’elle vienne en avion depuis le continent. »
« On dirait bien. Alors qu’est-ce que tu vas faire ? Vas-tu essayer de l’amener à la police ? » Asagi demanda en regardant le visage endormi de Yume.
Si ce que Yume avait dit était vrai, elle avait été victime d’un enlèvement. Il était possible que les parents de Yume aient déjà demandé à la police de la rechercher. Le bon sens dictait que la remettre à la police était plus sûr, mais…
« Non, je veux qu’Himeragi la rencontre avant d’aller voir les flics. »
« … Himeragi ? »
« Peut-être que je réfléchis trop, mais le fait que Sayaka sauve cette fille me dérange un peu. Peut-être que les gars qui ont kidnappé Yume sont hors de portée des flics normaux. »
Cependant, cela rendrait les choses beaucoup plus compliquées, pensa Kojou avec un soupir.
Si l’Organisation du Roi Lion était impliquée, il y avait de fortes chances que les ravisseurs soient des criminels démoniaques ou sorciers. S’ils venaient faire un raid pour reprendre Yume, les policiers ordinaires ne seraient guère plus que des ralentisseurs.
Si c’était le cas, elle était plus en sécurité entre les mains du groupe de Kojou. En dépit de Kojou, Yukina était une Chamane Épéiste de l’ Organisation du Roi Lion — une experte en combat anti-démon. Il ne fait aucun doute que Sayaka avait remis Yume à Kojou pour qu’il la mette sous la protection de Yukina.
« Hmmm. C’est vrai… Elle est dans le même groupe que cette fille Kirasaka, l’Organisation du Roi Lion ? »
La question d’Asagi semblait avoir un sous-entendu d’insatisfaction.
Ce n’est que très récemment qu’Asagi avait appris que Kojou était devenu un vampire et que Yukina était son Observatrice. Bien qu’il s’agissait d’une réaction tout à fait naturelle, Asagi semblait avoir encore de la rancune d’avoir été la seule à ne pas être informée du secret pendant tout ce temps.
Eh bien, je comprends ce qu’elle ressent… pensa Kojou, en haussant les épaules avec Yume toujours sur son dos.
« Elle semble être dans une autre section que Himeragi, mais, hmm, nous devrions au moins lui demander ce qu’il en est, non ? »
Bien qu’elles fassent partie de la même organisation, la Chamane Épéiste Yukina et la Danseuse de guerre chamanique Sayaka semblaient avoir des chaînes de commandement complètement distinctes. Il y avait beaucoup de choses que chacune ne connaissait pas concernant les missions de l’autre.
Kojou s’était demandé si la raison pour laquelle Sayaka appelait Kojou au téléphone de temps en temps pour lui demander comment allait Yukina était parce qu’elle n’avait pas la permission de contacter Yukina directement. Mais cela faisait que demander à Kojou, la cible de la surveillance de Yukina, semblait incorrect d’une certaine façon.
« Alors quel genre d’organisation est l’Organisation du Roi Lion ? »
« Euh, on m’a dit que c’était une agence fédérale établie par la, euh… la Commission Nationale de Sécurité Publique. Sa principale mission est d’arrêter les catastrophes de sorcellerie à grande échelle et le terrorisme, du moins c’est ce que j’ai entendu. »
Kojou exprimait les connaissances dont il se souvenait après avoir interrogé Yukina il y a quelque temps. Apparemment, une lignée directe pouvait être tracée à partir des guerriers Takiguchi Musha protégeant le trône impérial contre le surnaturel à l’époque Heian. Ainsi, ceux chargés de combattre directement les démons étaient devenus des Chamane Épéistes, ceux affectés à la répression des rébellions et à la protection des VIP sont devenus des Danseurs de guerre chamaniques.
En gros, les Chamane Épéistes chassaient les démons et les Danseurs de guerre chamaniques combattaient le terrorisme. Yukina, une Chamane Épéiste, surveillait Kojou parce qu’il était en quelque sorte considéré comme un monstre lui-même.
« Hmmm… Alors, quelle est la taille de l’organisation ? Combien de personnes travaillent pour elle ? Combien sont-elles payées ? Les avantages sociaux ? »
« Je n’ai pas demandé tout ça. D’ailleurs, c’est toi qui es spécialisée dans la vérification des choses, non ? »
« J’ai enquêté, mais je n’ai rien trouvé. C’est comme une légende urbaine. Il y a tellement de désinformation que je ne peux rien obtenir de solide. De plus, beaucoup d’organisations de ce genre ont des réseaux fermés coupés du Net, donc je n’ai pas de ligne directe. » Asagi avait fait une moue enfantine. Même un hacker de génie comme elle ne pouvait pas trouver d’informations si elles n’étaient pas sur le Net.
« Eh bien, si ça te dérange, pourquoi ne pas demander toi-même à Himeragi ? Cependant, je ne suis pas sûr de ce qu’elle sait vraiment. »
Puis il avait ajouté dans un murmure bas, « Elle est une sorte d’apprentie et tout ça. »
Ce n’était pas se vanter que de dire que Yukina était de premier ordre en matière de capacité de combat, mais il n’y avait pas de quoi cacher le fait que ses connaissances n’étaient pas très complètes. Elle semblait mal informée de la structure interne et de la politique de son organisation.
« … Plus important encore, pourquoi n’en sais-tu pas au moins autant ? Cette fille te suit depuis plus de trois mois, non ? », se moqua la cyberpirate.
« Je n’ai pas pu m’en empêcher, je n’étais pas intéressé. Quoi, ne pas savoir est-il un problème ? »
« Je dirais que ne pas savoir est dangereux »
« … Dangereux ? »
Kojou était déconcerté et perdu, mais le regard qu’Asagi lui avait lancé était anormalement sérieux.
Tu sais, quand elle ressemble à ça, elle est plutôt belle, pensa Kojou, le sentiment étant assez déplacé. Asagi avait semblé lire dans l’esprit de Kojou, soupirant bruyamment avec un air exaspéré.
« Une agence gouvernementale signifie qu’il s’agit au final d’un seul département. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de guerres de territoire avec d’autres agences lorsque leurs intérêts ne sont pas alignés. Cela ne veut pas dire non plus qu’il n’y a pas de conflits internes. »
« Yukina et Sayaka s’entendent pourtant très bien. Elles sont un peu comme des sœurs. »
« Même si deux personnes s’entendent comme ça, cela ne veut pas dire que les organisations le font. Tu n’as aucune idée de l’état des relations entre l’Organisation du Roi Lion et la police ou d’autres organisations, n’est-ce pas ? »
« … Attends, dis-tu que c’est lié à l’enlèvement de Yume ? »
Kojou avait posé la question à voix basse pour ne pas réveiller Yume de son sommeil. Il avait finalement une vague idée de ce qui préoccupait Asagi.
« Je ne sais pas si c’est lié, je pense juste que tu ne devrais pas leur faire une confiance inconditionnelle. Je veux dire, l’Organisation du Roi Lion en tant qu’organisation, indépendamment de ce que tu penses penser personnellement de Yukina et Sayaka. »
« Ce n’est pas que je leur fasse vraiment confiance ou quoi que ce soit… »
Après tout, Kojou était quelqu’un que l’Organisation du Roi Lion surveillait de près. D’ailleurs, c’était une menace permanente quant au fait de se poignarder avec une lance sacrée et de se tuer purement et simplement.
« Mais je comprends ce que tu essaies de dire. Ça ne veut pas dire que ce que fait la bande de Sayaka est une vraie justice. Yume n’est pas non plus nécessairement une petite fille ordinaire. »
« Eh bien, oui. »
Asagi avait souri sarcastiquement, semblant rougir du fait qu’elle n’était pas du genre à avoir une discussion sérieuse comme celle-là.
« La justice et la méchanceté peuvent facilement échanger leurs places selon l’endroit où l’on se trouve. Qu’il s’agisse de personnes ou d’organisations, il y a toujours un revers à leur médaille. »
« Ouais, ça se pourrait, » dit Kojou avec un vague hochement de tête d’affirmation.
Yume leur avait dit qu’elle avait été enfermée et que Sayaka lui avait permis de s’échapper. Donc, Kojou avait fait confiance à Yume. Kojou avait supposé tout seul que Sayaka était entrée en combat avec une organisation criminelle pour sauver Yume.
Mais il avait eu tort. Il ne pouvait pas décider que c’était le cas. Après tout, l’Organisation du Roi Lion n’était pas une organisation de superhéros sauvant les gens sans condition. Les chances que Yume soit une criminelle capturée, et que Sayaka l’ait sciemment fait sortir de prison, n’étaient pas nulles.
Si c’était le cas, ça faisait de Kojou et les autres des co-conspirateurs criminels pour avoir hébergé Yume.
« Cela dit… Tout d’abord, penses-tu vraiment qu’elle puisse être une mauvaise personne ? »
Kojou avait parlé d’une voix désinvolte en désignant le visage endormi et sans défense de Yume.
« Euh. » Asagi avait hésité, semblant reprendre ses esprits en émettant ce son discret. « … Elle n’en a vraiment pas l’air, n’est-ce pas ? Même si elle était mauvaise jusqu’à l’os, abandonner la fille est un peu… »
« C’est sacrément vrai. Bref, retournons au chalet. On réfléchira à ce qu’on va faire plus tard. Yaze a dit qu’il y avait des lits en trop, non ? »
Puis Kojou avait ajouté : « Ça ne sert à rien de s’inquiéter de choses que nous ne pouvons pas savoir, » suggérant qu’ils remettent les choses pour après. Pas d’objection ici, le signe silencieux et désinvolte de la main d’Asagi semblait dire ça.
Kojou et les deux filles se dirigeaient vers l’arrêt de bus central de la zone de la piscine. On lui avait dit que les bus sans conducteur faisaient une boucle à l’intérieur de l’Élysium Bleu, et qu’en les empruntant, ils pourraient retourner gratuitement au chalet.
Cependant, juste avant qu’ils ne traversent une intersection, Asagi avait remarqué quelque chose et s’était arrêtée dans son élan en disant : « Attends. Kojou, as-tu de l’argent sur toi en ce moment ? »
« Eh bien, j’ai mon portefeuille sur moi… Pourquoi ? »
« Nous ferions mieux d’acheter à Yume des vêtements de rechange avant de retourner au chalet. On ne peut pas la laisser se balader en maillot de bain pour toujours, n’est-ce pas ? Il faut lui acheter quelque chose à porter. »
« Ahh, tu as raison… »
Elle est vive, pense Kojou avec admiration, en sortant son portefeuille de la poche de son maillot de bain.
« Attends, tu veux dire que c’est moi qui paie !? Tu as aussi ton portefeuille, n’est-ce pas !? »
« C’est toi qui l’as ramassée. Demande à Kirasaka de te rembourser plus tard. Demande-lui de le facturer comme une dépense. Hmm, c’est vrai, il y avait une boutique un peu trop belle par ici… »
« … C’est peut-être mon imagination, mais j’ai l’impression que tu vas acheter quelque chose de très cher… »
« C’est une marque haut de gamme qui vient de débarquer sur les côtes japonaises pour la première fois. On dit qu’elle approvisionne même la famille royale d’Aldegia. »
« Wôw !? »
Sans broncher, Asagi avait arraché le portefeuille de Kojou de ses mains et s’était dirigée directement vers le magasin de grande marque. Comme elle avait clairement l’intention de dépenser beaucoup plus que nécessaire, Kojou avait pâli et l’avait suivie en vitesse.
***
Partie 5
Asagi, de retour au chalet avec la grande quantité de vêtements qu’elle avait achetés, avait immédiatement commencé à trier les marchandises. Yume ne s’était pas encore réveillée, elle dormait sur un lit dans la chambre des filles.
N’ayant rien à faire, Kojou était entré dans le bain. Alors qu’il utilisait le savon pour se laver soigneusement le corps, empestant l’air salé et la yakisobasauce, il entendit un chahut proche de l’entrée. Apparemment, Yukina et Nagisa, occupées à d’autres choses, étaient retournées au cottage.
Ce qui lui paraissait étrange, c’était le silence de Nagisa. Connue pour le volume de ses paroles, elle ne disait presque rien. Au lieu de cela, il avait entendu la voix de Yukina, qui parlait avec un ton d’inquiétude.
« … Vas-tu bien, Nagisa ? La couleur de tes lèvres est plutôt… »
« Oui, je vais bien, je vais bien. Je vais rebondir dès que je me serai un peu reposée. »
Il avait l’impression que Nagisa était appuyée sur l’épaule de Yukina, souriant faiblement. Sa voix semblait frêle et tremblante, presque comme un murmure qui menaçait de s’évanouir à tout moment.
« … Nagisa !? »
Kojou était sorti de la baignoire en vitesse, ne prenant pas le temps de se sécher les cheveux. Les yeux de Yukina s’étaient agrandis quand elle avait remarqué que Kojou était toujours torse nu. Kojou était sous le choc lorsque Nagisa lui avait fait un signe de la main.
« Ah, Kojou. Tu es rentré le premier. Le travail t’a-t-il épuisé ? »
« Ce n’est pas le moment pour des salutations désinvoltes ! »
Kojou était complètement hors de lui, et sa voix était devenue stridente. Nagisa était toujours aussi vive, mais ce n’était absolument pas parce qu’elle était dotée d’une grande endurance. Elle avait fait des allers-retours réguliers à l’hôpital jusqu’à l’année dernière, et elle s’était effondrée d’anémie seulement deux semaines auparavant.
« Himeragi, dis-moi. Nagisa s’est-elle encore effondrée ? »
« Non, c’est… euh… »
Lorsqu’il avait insisté sur ce point auprès de Yukina, elle avait semblé hésiter et avait détourné les yeux.
« Tee -hee, » Nagisa gloussa, souriant comme un enfant méchant, même si Yukina la maintenait sur ses pieds.
« Er, eh bien, elle a fait les montagnes russes dans la zone du parc d’attractions trois fois de suite et cela a fini… comme ça. »
« ... ... ... Les montagnes russes ? »
« Oui, c’est cette montagne russe “Hades” qui plonge dans l’eau qui fait la renommée de l’Ély Bleu. Elle monte jusqu’à 97 mètres et se jette dans l’eau à 170 km/h. Ça donne un sacré coup. »
« Les gens normaux seraient renversés ! Pourquoi es-tu monté dans ce truc trois fois de suite !? »
Le récit impénitent de Nagisa avait fait hurler Kojou, qui l’avait regardée avec un air choqué. Nagisa avait gonflé ses joues en se faisant gronder.
« Je veux dire, on a pu y aller gratuitement, alors je me suis dit que ce serait dommage de ne pas le faire plusieurs fois. Avec Asagi et toi qui partez, même si nous allions à la piscine, nous n’aurions personne à qui montrer nos maillots de bain, et c’est ennuyeux. Je suis sûre que Yukina pensait la même chose au fond d’elle-même. »
« Hein… !? »
Yukina, prise complètement par surprise, s’était immédiatement figée sur place, incapable de placer un seul mot. Cependant, Kojou avait balayé d’un revers de main la dernière déclaration de Nagisa.
« Ne t’occupe pas de ça, va te reposer un peu. Je te réveillerai quand le souper sera prêt, d’accord ? »
« OK ! »
Toujours maussade, Nagisa répondit à contrecœur et s’affala sur le canapé du salon. Quelles que soient ses protestations, elle était vraiment épuisée, elle émettrait de petits sons de sommeil en peu de temps.
Kojou avait soupiré en regardant tout ça et s’était tourné vers Yukina, immobile dans le couloir.
« Désolé qu’elle t’ait causé des problèmes. »
« Peu importe, est-ce que c’est… est-ce que c’est… ? »
« Euh… Himeragi ? »
« Non, ce n’est pas grave. »
Le regard de Yukina ne transmettait aucune émotion.
Kojou, incapable de comprendre pourquoi elle était d’humeur maussade, était un peu décontenancé quand il déclara : « Eh bien, de toute façon, je suis désolé de te dire ça juste après ton retour, mais je veux que tu rencontres quelqu’un. Pourrais-tu venir avec moi pour un moment ? »
« Ah, oui. »
Peut-être Kojou avait-il fait comprendre à quel point il était sérieux, car Yukina avait immédiatement hoché la tête malgré son expression dubitative.
Kojou l’avait emmenée en haut de l’escalier du chalet, en direction de la chambre des filles au deuxième étage. C’est là qu’Asagi et Yume, toujours endormie, auraient dû être.
« … Écoute, Himeragi. N’aie pas l’air surpris, et écoute l’histoire de cette fille Yume gentiment et calmement. »
« D-D’accord. »
Kojou avait scrupuleusement préparé Yukina pour être aussi prévenant que possible. Pour Yukina, elle et Sayaka étaient d’anciennes colocataires et pratiquement des sœurs. Cette même Sayaka avait pu être confrontée au danger. Il n’était pas acquis que Yukina tiendrait le coup quand elle apprendrait cela, alors Kojou avait pensé qu’il valait mieux la préparer émotionnellement autant que possible avant de rencontrer Yume. Le regard que Yukina lança à Kojou était encore plus suspicieux, mais cette quantité de méfiance était une bonne chose, selon lui.
Avec ces pensées, Kojou avait atteint la poignée de la porte de la chambre des filles.
« Asagi, j’arrive. »
« — Hein !? A- Attends un peu… ! »
Lorsque Kojou avait ouvert de manière inscrite la porte, ce qui était apparu dans son champ de vision était la vue d’Asagi et Yume, assises à moitié nues sur le lit. Elles étaient en plein milieu d’un changement de vêtements.
Yume était en relativement bonne forme, le dos tourné à Kojou pendant qu’elle enfilait une robe de la tête au pied, mais Asagi venait juste de commencer à enfiler son maillot de bain. Elle avait son bikini dans sa main droite, avec seulement sa main gauche couvrant ses seins. Kojou, émotionnellement non préparé à cela, s’était figé, abasourdi, les deux filles étant toujours dans sa ligne de mire.
« Uh… uhhh ? »
« Ne me fais pas chier ! Qu’est-ce que tu fais à entrer dans la chambre d’une fille sans frapper !? »
Asagi s’était levée et avait lancé un réveil de chevet. Il avait volé tout droit, frappant Kojou directement dans le ventre alors qu’il se tenait immobile et sans défense.
« Guoah ! »
Kojou avait gémi d’angoisse alors qu’il était poussé dans le couloir.
Yukina avait fermé la porte de la chambre des filles sans un mot. Elle avait regardé Kojou, flétrie par l’agonie, et avait soupiré sincèrement.
« Senpai… »
***
Partie 6
Ce jour-là, ils avaient eu un barbecue pour le dîner, à la fois parce que le chalet était équipé de son propre gril et parce que Yaze, parti faire des choses de son côté, était revenu avec une grande quantité de viande.
« Hyaaa ! Viande, viande ! »
Au milieu de la faible obscurité de la soirée, Yaze éleva bruyamment sa voix excitée. Debout à côté de Kojou, qui surveillait le feu de charbon de bois, Yaze mâchait régulièrement de la viande grillée en disant : « Pourquoi n’en prends-tu pas, Kojou ? C’est de la viande fraîche, magnifique et très chère, fournie par votre serviteur ! »
« Oh, tais-toi, je vais la manger ! Aide-moi à la griller un peu plus. C’est chaud, bon sang ! Et qu’est-ce que c’est que cette merde de “viande fraîche à prix élevé”... Il y a de gros autocollants “pour vente rapide” partout sur les paquets, n’est-ce pas !? »
Est-il vraiment le fils d’une famille riche ? se demanda Kojou avec méfiance, en attisant le charbon de bois.
Et si je suis venu ici pour m’amuser dans les piscines de la station, pourquoi dois-je passer le premier jour debout devant une plaque de cuisson ? se demanda-t-il. Être de si près dans la chaleur du feu de charbon de bois épuisait son endurance plus vite qu’il ne l’avait prévu.
« Maintenant que j’y pense, Yaze, où es-tu parti tout seul pendant que nous travaillions ? »
« Hm, je te l’ai dit. J’ai dû aider l’entreprise familiale, » répondit Yaze en grignotant une côte fraîchement grillée.
Kojou lui lança un regard sceptique. « Quel genre d’aide t’a poussé à venir dans un piège à touristes ? »
« J’inspecte l’intérieur de l’île. Je devais voir à quel point il est facile pour les gens ordinaires d’utiliser les installations, d’évaluer les services fournis par le personnel, puis de prendre quelques photos pour le site Web public… »
« Des photos ? Puis-je y jeter un coup d’œil ? »
« Fgnn… !? »
Avant que Yaze, en train de manger, puisse donner une réponse, Kojou avait pris son appareil photo numérique et l’avait allumé. L’écran LCD avait affiché la vue de Kojou et Asagi travaillant harmonieusement au chariot de nourriture.
Gwah ! avait dit Kojou, se raclant involontairement la gorge.
« Pourquoi tu — quelle inspection !? C’est juste une photographie ! »
« Non, non, tu as tort, c’était juste un petit bonus. L’autre partie était le vrai travail. Il y a aussi des photos de jolies filles jouant dans la piscine — . »
« C’est encore pire ! »
Kojou avait choisi d’effacer toutes les données incriminées sans un instant d’hésitation. « Uwaaaaa », se lamenta Yaze, pleurant à moitié alors que la viande commençait à trop cuire.
« Yahoo, la viande ! »
Sans rapport avec Yaze et Kojou, Nagisa s’était enflammée avec Yume à ses côtés.
Nagisa, apparemment remise des montagnes russes qui l’avaient rendue malade, s’était apparemment prise d’affection pour Yume, ne la quittant pas des yeux depuis leur rencontre. En tant que cadette de la fratrie, elle ne pouvait s’empêcher d’être heureuse d’avoir l’impression d’avoir une petite sœur à elle.
« Mais je suis tellement surprise. Qui aurait pensé que Kojou choisirait une jolie fille comme ça ? »
Nagisa l’avait félicité avec une apparente admiration. « Hmm, » dit Yaze, croisant les bras en acceptant solennellement.
« Tu as restauré ma foi en toi. Tu es exceptionnellement doué pour baratiner les élèves du primaire. Mec, tu n’es pas un siscon pour rien. »
« Siscon n’a rien à voir avec ça, bon sang ! » Pour faire passer son message, il avait offert une réfutation, « Et je n’aime pas ma sœur pour commencer », mais toutes les personnes présentes l’avaient silencieusement ignoré. Malgré cela, Kojou n’avait pas cédé et avait forcé sa voix.
« Je vous l’ai dit plus tôt, elle est avec une amie d’Himeragi. Je m’occupe d’elle jusqu’à ce qu’elle prenne contact et vienne la chercher… »
Kojou avait continué à s’excuser tandis que Nagisa lui tournait le dos, mettant la viande grillée de côté pour Yume.
« Yume, prends-en aussi. Ne te retiens pas. »
Yume, entièrement changée dans une adorable robe en une pièce, avait baissé la tête en signe de politesse.
« Oui, merci pour la nourriture. Aussi, Nagisa, je pense qu’il est préférable que tu manges plus de légumes. Manger uniquement de la viande n’est pas bon pour une alimentation équilibrée. »
« Hmm… tu marques un point là. Pourtant, Yume, tu dis ça, mais il te reste encore des carottes. »
Nagisa avait souri de façon taquine en le faisant remarquer. Yume avait baissé les yeux en se sentant coupable.
« C’est… euh, les carottes sont les seuls aliments avec lesquels j’ai des problèmes. Je peux les manger quand elles sont râpées et mises dans du curry, par contre… »
La vue de Yume agissant avec un âge approprié avait fait se tortiller Nagisa, les yeux brillants.
« Si mignonne… ! Kojou, je vais faire du curry tout de suite ! »
« Calme-toi. Fais juste du curry pour le dîner de demain. »
Kojou, qui avait réussi à calmer Nagisa, se sentait fatigué et secouait la tête. Puis, les yeux de Kojou s’étaient tournés vers Asagi, qui était assise sur le bord d’un banc. Depuis tout à l’heure, elle n’avait même pas touché à sa nourriture, regardant la mer d’un air maussade.
En voyant Asagi comme ça, Kojou s’était levé et avait dit, « Asagi, la… viande est grillée. Voici… tes baguettes. Pour la sauce, c’est le doux et ça c’est le moyennement épicé. »
Il avait fait des efforts pour lui apporter un plateau de nourriture. Cependant, Asagi avait arraché les baguettes de Kojou sans un mot, en lui faisant un signe de la main comme pour lui dire « Va-t’en ».
Qu’est-ce qu’elle a ? Kojou était retourné vers les autres avec un regard mécontent.
Yume avait demandé d’un ton prévenant, « … Tu ne t’es pas encore excusé ? Pour tout à l’heure. »
Kojou avait baissé la tête. « Je l’ai fait, un grand nombre de fois. Mais elle m’en veut toujours et en fait tout un plat. »
« Je ne crois pas qu’Asagi soit vraiment en colère… Plutôt, tu es simplement maladroit quand il s’agit de suivre l’ambiance. »
Le conseil de Yume avait été donné sur un ton réservé.
Kojou avait effilé ses lèvres. « Je ne comprends pas. Tu parles de suivre l’ambiance… Je suis désolé d’être entré sans frapper, mais c’est elle qui a oublié de fermer la porte à clé, et elle m’a frappé dans le ventre avec un réveil, non ? »
« Je ne crois pas que tu doives adopter cette attitude. Même si Asagi portait un nouveau maillot de bain à ce moment-là, tu n’as pas dit un mot à ce sujet. Même les vêtements occidentaux qu’elle porte maintenant sont ceux qu’elle a choisis après s’être changée plusieurs fois. »
« … Hein ? Qu’est-ce que ça a à voir avec quoi que ce soit ? »
Ne comprenant pas ce qu’elle voulait dire, Kojou posa la question d’un air tout à fait sérieux. D’abord, qu’aurait-il dû lui dire quand elle ne portait que le bas ?
Yume avait soupiré profondément dans une apparente résignation. Elle avait regardé Kojou avec un regard un peu rancunier.
« De plus, il n’y a pas qu’Asagi qui a été vue en train de changer de vêtements… »
« Ah… errr… D-Désolé pour ça. Vraiment désolé. »
« Compris. Je te pardonne. »
Yume sourit de façon taquine en regardant Kojou baisser la tête. Elle était encore un peu rouge sous les yeux, probablement parce qu’elle avait pleuré avant de s’endormir. Même si son comportement semblait robuste, la position de Yume était fondamentalement aussi incertaine qu’avant.
Le fait que Kojou ait brouillé les pistes en entrant dans les chambres des filles pendant qu’elle se changeait avait pour effet qu’il n’avait pas encore demandé à Yume les détails de sa séquestration. Yume elle-même semblait déchirée quant à la façon dont elle devait expliquer.
Même ainsi, Kojou et les autres ne pouvaient pas simplement continuer à griller de la viande pour toujours.
« — Senpai, merci beaucoup pour le téléphone portable. »
Après être rentrée discrètement du chalet, Yukina avait tendu le téléphone portable qu’elle avait emprunté à Kojou. Elle avait appelé l’Organisation du Roi Lion pour avoir une idée de la situation.
« Qu’en est-il ? Peux-tu entrer en contact avec Kirasaka ? » demanda Kojou à voix basse, en croisant le regard de Yukina.
Elle secoua doucement la tête et dit : « Non. Il est strictement interdit aux danseurs de guerre chamaniques de communiquer avec les autres pendant une mission. Pour commencer, ce sont des agents secrets chargés des malédictions et des assassinats… Ah, il y a plutôt peu de missions d’assassinat de nos jours, mais le travail de protection des VIP et l’infiltration et le sabotage ont augmenté dans la même mesure. »
« Je vois… Maintenant que tu le dis, il ne faut pas que des informations s’échappent quand on fait l’un de ces boulots, hein ? »
Kojou grimaça, acceptant son explication. Si même le QG de l’Organisation du Roi Lion n’avait aucun contact avec Sayaka d’après les rapports réguliers, il n’y avait probablement aucun moyen de la contacter. Cela expliquait pourquoi Sayaka n’avait pas répondu aux appels répétés de Kojou.
« Oui. C’est pourquoi je ne pouvais pas parler à Sayaka des détails de ma propre mission. »
Yukina avait baissé les yeux en murmurant avec regret. Elle était encore comme ça quand Kojou avait dit « Hey », en lui tendant une assiette avec de la viande grillée.
« Désolée, merci beaucoup pour la nourriture, » déclara Yukina en l’acceptant. « Mais le maître a dit qu’aucun danseur de guerre chamanique n’a été envoyé à la place de Sayaka. »
« … Maître… Ohh, tu veux parler du Professeur Kitty… »
Kojou se souvenait avoir rencontré le professeur de Yukina au bureau de l’Organisation du Roi Lion. Cependant, il n’avait posé les yeux que sur son familier félin que lorsqu’ils s’étaient « rencontrés »…
« En d’autres termes, Sayaka est toujours en mission ? »
« Au minimum, je crois qu’il est certain qu’elle est encore en vie. »
Yukina avait répondu d’un ton fort, presque comme si elle le disait pour son propre bénéfice.
***
Partie 7
Ils ne connaissaient pas le but de la venue de Sayaka à l’Élysium Bleu. Mais si elle était incapable de poursuivre sa mission, l’Organisation du Roi Lion aurait sûrement immédiatement envoyé un autre Danseur de Guerre Chamanique. En d’autres termes, le fait qu’un danseur de guerre chamanique de remplacement ne soit pas en route signifiait qu’ils pouvaient déduire que Sayaka était saine et sauve.
« Mais si c’est le cas, pourquoi ne vient-elle pas pour Yume ? »
« Je ne sais pas… bien qu’il soit possible qu’elle pense que Yume est en sécurité sous ta protection. Après tout, en tant que gardien d’élèves de primaire, tu es le plus puissant du monde. »
« Euh, ça semble faux, d’une certaine manière… »
Kojou fut pris au dépourvu par le jeu de mots dans la métaphore de Yukina, car cela pouvait plus que probablement causer une sorte de malentendu. Le Quatrième Primogéniteur était peut-être le Vampire le plus puissant du monde, mais parler de lui comme du protecteur le plus zélé des petites filles le mettait dans une situation délicate.
En premier lieu, Kojou ne pensait pas que Sayaka lui faisait confiance à ce point. En outre, c’était le genre de moment où Sayaka venait rendre visite à Yukina, faisant une grande entrée. Elle, qui voulait tellement rencontrer Yukina dans des conditions normales, ne manquerait jamais volontairement une occasion parfaite comme celle-ci.
Dans ce cas, Sayaka devait vraiment avoir une bonne raison de ne pas pouvoir retrouver Yume. D’une certaine manière, elle s’était apparemment retrouvée dans une situation plus difficile qu’elle ne l’avait prévu.
« Euh… peut-être qu’elle aurait pu essayer de rencontrer Riru ? »
Yume avait ouvert la bouche en signe de considération pour Kojou et Yukina, qui s’étaient tus. Kojou avait plissé les yeux en signe de surprise.
« Riru ? Qui est-ce ? »
« Ma grande sœur. »
« Ta grande sœur… ? »
« Oui. Elle était confinée dans le laboratoire du Kusuki-Elysée avec moi. »
Yume avait expliqué avec un minimum de mots. Kojou et Yukina avaient établi un contact visuel et avaient silencieusement hoché la tête ensemble.
Qu’il y ait une autre fille en plus de Yume dans des circonstances similaires était une information inattendue, d’un autre côté, cela expliquait quelque chose de significatif : à savoir, pourquoi Yume était capable de rester si mystérieusement calme alors qu’elle avait été enfermée, et comment elle était capable de se comporter si fermement en ce moment. L’hypothèse selon laquelle Sayaka était à la recherche de cette fille Riru pendant tout ce temps semblait être une explication convaincante, mettant ces doutes de côté.
« Kusuki-Elysée, j’ai l’impression d’avoir déjà entendu ça quelque part… »
« C’est le nom d’un investisseur de l’Élysium Bleu. Je crois qu’il est le principal financier du parc des bêtes démoniaques. »
Yukina avait immédiatement répondu à la question de Kojou. Après tout, elle et Nagisa avaient visité le Parc des Bêtes démoniaques quelques heures auparavant.
« C’est vrai. C’était sur une brochure de l’Ély Bleu… C’est vrai, c’est une société qui importe, exporte et élève des bêtes démoniaques pour l’industrie… »
Après avoir entendu cela, l’expression de Kojou était devenue rigide. Si les mots de Yume étaient vrais, elle n’était pas impliquée dans un simple incident d’enlèvement. C’était un crime organisé impliquant une grande entreprise.
« Alors la société qui gère l’Ély Bleu serait le cerveau derrière l’enlèvement de Yume et Riru ? »
« Si c’est le cas, je peux comprendre pourquoi l’Organisation du Roi Lion a envoyé Sayaka. C’est à Sayaka et à ses semblables de s’occuper du crime international organisé de sorcellerie. »
L’expression de Yukina s’était également figée lorsqu’elle avait fait cette déclaration. Kusuki-Elysée était une société bien connue. Même l’Organisation du Roi Lion ne pouvait pas mettre le doigt dessus sans preuve solide. C’était sûrement la raison pour laquelle Sayaka avait été envoyée pour enquêter secrètement. Après tout, une danseuse de guerre chamanique ayant des compétences en matière d’assassinat était le genre d’individu que l’on envoyait pour infiltrer le camp de l’ennemi.
« Mais… Je ne comprends pas. »
Kojou avait choisi les légumes sur son assiette de nourriture chaude en murmurant, l’air profondément dans ses pensées.
« L’Organisation du Roi Lion sait que Yume est avec nous, non ? Alors pourquoi n’ont-ils rien dit ? Les parents de Yume ne sont pas inquiets pour elle ? »
« … Ils veulent peut-être nous utiliser comme un leurre. »
Le murmure hésitant de Yukina était d’une voix si calme que Kojou l’avait à peine entendu.
« Veux-tu dire qu’ils attendent que Kusuki-Elysée vienne reprendre Yume ? »
Kojou avait regardé Yukina d’un air grave. Yukina avait secoué la tête, presque comme si elle reprenait son opinion.
« Bien sûr, ce n’est pas gravé dans la pierre. »
« Non, mais… maintenant que j’y pense, c’est logique. »
Kojou avait accepté la pensée avec un regard amer.
Certes, il était difficile pour l’Organisation du Roi Lion d’infiltrer les installations de Kusuki-Elysée. Mais si quelqu’un de Kusuki-Elysée venait de son plein gré, c’était une autre histoire. Et doublement si c’était dans le but d’enlever une petite écolière, rien n’empêcherait une arrestation dans ce cas.
L’Organisation du Roi Lion attendait peut-être que Kusuki-Elysée passe à l’action et tente de récupérer Yume. Cela leur donnerait une carte puissante à jouer pour écraser Kusuki-Elysée. De plus, ils avaient une Chamane Épéiste de l’ Organisation du Roi Lion qui protégeait leur leurre, Yume. Il n’y avait aucune chance qu’ils n’exploitent pas cette coïncidence.
« Cependant, une telle opération pose des problèmes. Après tout, comparé à la société Kusuki-Elysée, tu es bien plus dangereux, Senpai. T’impliquer, alors que tu es une source d’ennuis bien plus importante pour les autres et une menace bien plus grande… ! »
Yukina n’avait même pas réalisé qu’elle rabaissait Kojou d’un ton ultra-sérieux. Kojou avait émis un faible gémissement. Il avait l’impression qu’elle avait dit quelque chose d’assez grossier à son égard, mais il ne pouvait pas gérer une réfutation. De toute façon, Kojou avait précédemment laissé le pouvoir du Quatrième Primogéniteur se déchaîner, infligeant de graves dommages à l’île d’Itogami, une réapparition sur l’Élysium Bleu la ferait probablement sombrer dans la mer sans laisser de trace. Yukina avait raison de s’inquiéter.
En premier lieu, le fait que Yume soit un leurre n’était qu’une hypothèse, rien de plus qu’une spéculation de leur part. Ils ne pouvaient pas exclure la possibilité que l’Organisation du Roi Lion et Kusuki-Elysée recherchent quelque chose de complètement différent.
« Hé, Yume… Au fait, pourquoi Kusuki-Elysée voulait vous enfermer toutes les deux ? » Kojou, tenant toujours la pince à servir, se tourna vers Yume. « Ahh, bien sûr, tu n’as pas à dire quoi que ce soit si tu ne veux pas répondre à cette question. Mais si ta grande sœur a des problèmes, il vaut mieux l’aider le plus vite possible, non ? Peux-tu au moins nous dire si elle est en danger ? »
« Je crois que tu n’aies pas besoin de t’inquiéter pour Riru. » La déclaration de Yume était ferme. Sa voix était pleine de certitude, ne ressemblant en rien à du bluff ou de l’esbroufe. « En premier lieu, c’est de Riru dont les gens de Kusuki-Elysée ont besoin, pas de moi. Ils ne lui feront sûrement pas de mal. De plus, Riru a coopéré avec leur expérimentation depuis le début. »
« Expérimentation ? »
« C’est… Je suis désolée… Je ne veux pas en parler pour l’instant. »
« Non, désolé de demander. J’ai dit avant ça que tu n’avais pas besoin de le dire, n’est-ce pas ? »
Kojou avait baissé la tête en vitesse. Même si elle parlait comme une adulte, il s’agissait d’une petite fille, une écolière du primaire confinée par un groupe pour une raison folle. Ce n’était pas vraiment un choc qu’elle ne veuille pas penser à une expérience désagréable. Même Kojou avait compris qu’il était mauvais d’essayer de la pousser à en parler.
« Ah… Toute cette utilisation de ma tête plus que d’habitude me donne faim. Laissez-moi manger un peu. »
Kojou avait rapidement changé de sujet avant que cela ne rende Yume déprimée. D’ailleurs, il avait vraiment faim. Il avait fait griller tellement de viande pour tous les autres qu’il n’avait pas posé un seul doigt dessus.
Mais la viande avait déjà disparu de la marmite, il ne restait que des restes de choux bouillis, mijotant tranquillement.
« — Euh, quoi — ? Où est passé le boeuf ? Hey, Yaze, n’y avait-il pas plus de viande qui n’avait pas encore été grillée ? »
Kojou interrogea Yaze, assis sur un banc et mangeant une glace en guise de dessert. C’est un peu tard pour demander ça, c’est ce que l’on pouvait lire sur le visage de Yaze, qui avait haussé les épaules et déclara : « Oh, ces trucs-là, eh bien… Asagi a grillé avant de manger tout ça. »
« Tout ça !? »
Quand Kojou avait examiné plus en détail la situation, il avait vu que le plateau de viande que Yaze avait acheté était complètement vide et avait été mis dans un sac poubelle. Et il n’y avait pas que la viande : Tous les légumes et les différentes sortes de champignons avaient aussi disparu. Kojou était resté bouche bée en comprenant cela. Pour commencer, la viande que Yaze avait achetée aurait dû être suffisante pour plus de dix personnes.
« Hmph. »
Avec Kojou stupéfait et sans voix, Asagi avait jeté un regard en biais sur lui et avait reniflé avec satisfaction. Contrairement à son apparence mince, elle avait un sacré appétit. Kojou s’était maudit de s’être permis d’oublier ce fait.
Alors que Kojou posait une main sur son ventre vide et gémissait d’agonie, Asagi était enfin de meilleure humeur. Yume avait regardé entre les deux et avait éclaté en rires.
Puis Nagisa, qui avait fini de manger sa propre glace en silence, s’était levée d’un bond et a dit : « Ouf ! … Je suis vraiment pleine. Hé, Yaze. Allons faire des feux d’artifice ! Tu as dit que tu en avais acheté tout à l’heure. J’aime beaucoup les feux d’artifice qui font beaucoup d’étincelles. »
« Oh… vous avez des feux d’artifice ? Vraiment ? » Yume avait relevé le visage, les yeux brillants.
En entendant ce que disait Yume, Nagisa s’était tournée vers elle et lui avait tendu la main.
« Viens par ici, Yume. Regardons-les ensemble. »
« Oui ! »
La lueur d’un feu d’artifice éblouissant avait illuminé le visage de Yume. Kojou fixait distraitement la vue de Yume innocemment excitée, comme n’importe quelle fille ordinaire.
Et pourtant, ce sourire semblait extrêmement fugace, voire solitaire.
La nuit s’abattit sur l’Élysium Bleu — le « paradis bleu » créé par l’homme.
***
Partie 8
Le Parc des Bêtes démoniaques s’enorgueillissait d’une vaste étendue de terrain, mais les zones ouvertes au public ne représentaient même pas 40 %. Les quelque 60 % restants étaient consacrés à l’élevage et à l’alimentation des bêtes démoniaques, ainsi qu’à une salle de recherche où leurs capacités étaient analysées.
Dans cette dernière section où étaient menées des recherches de pointe, l’accès était accordé à un nombre très restreint de personnes, même parmi Kusuki-Elysée, l’organisme de financement du Parc des Bêtes démoniaques.
Et là, dans la partie la plus profonde de la salle de recherche, se trouvait un invité imprévu.
Il s’agissait d’un homme adulte au physique bien trempé. Il portait un costume blanc coûteux d’apparence soignée — il avait environ trente ans, à quelques années près. Il passait pour un homme d’intellect qui manquait de chaleur humaine.
Dans le bureau, une fille aux cheveux noirs portant un uniforme de lycéenne était venue le saluer.
« Nous vous attendions, Président Kusuki. »
Même la vue de la jeune fille dans une tenue déplacée n’avait apporté aucun changement dans l’expression de l’homme qu’elle appelait Kusuki.
« Vous ne semblez pas surprise, Mage d’attaque Kisaki. »
« J’ai été informée de votre arrivée. »
« Je suis heureux d’avoir trouvé une partenaire aussi compétente. Quel est le statut du Serpent ? »
Après la réponse professionnelle de la jeune fille, Kusuki l’avait regardée avec un léger sourire amusé.
Kazuomi Kusuki, fondateur de Kusuki-Elysée, avait la réputation d’être un homme extrêmement compétent. Bien que certains lui reprochaient de traiter les employés de son entreprise comme des outils jetables, il distribuait les postes les plus prisés à des subordonnés compétents, sans tenir compte de l’âge ou du parcours professionnel. Du point de vue d’un tel homme, il n’y avait aucune raison de se soucier de l’âge ou du sexe de ses partenaires commerciaux.
La jeune fille aux cheveux noirs actionna le panneau du bout des doigts, faisant apparaître une carte sur l’écran de la salle de bureau. Elle affichait la topographie des fonds marins sur une large zone, avec l’île d’Itogami au centre.
Il y avait un indicateur rouge clignotant dans la section inférieure droite de la carte. Il se rapprochait de l’île d’Itogami, mais à un rythme si lent qu’on pouvait presque le manquer.
« D’après la balise de suivi de l’Isrus coulé, il dérive toujours sur une ligne de dragon, s’approchant de l’est-sud-est. Nous estimons qu’il arrivera juste au large de l’île Itogami entre demain après-midi et le lendemain matin. »
« C’est ainsi. Comme prévu, plus ou moins, » dit Kusuki en hochant la tête. Cependant, son regard de satisfaction s’était immédiatement assombri.
Les yeux de Kusuki étaient fixés sur une vieille statue de pierre placée sur le bureau de la salle de travail — une statue d’une déesse portant des ailes de hibou.
« Donc son réceptacle n’est pas encore revenu ? » demanda Kusuki d’une voix qui comportait une légère pointe d’irritation.
« Vous ne devez pas vous inquiéter — il est inévitable qu’elle revienne de sa propre volonté. »
La fille aux cheveux noirs avait donné une réponse indifférente. Mais Kusuki semblait mécontent en secouant la tête.
« Ce n’est pas que je doute de vos paroles, mais je suis mal à l’aise. Si nous ratons cette occasion, il faudra encore quatre ans, à peu près, avant que le Serpent ne revienne sur l’île d’Itogami, non ? Je préférerais être pleinement préparé. »
« Compris. Dans ce cas, je vais faire un petit geste de mon côté. »
« Je n’en attendais pas moins. »
La décision rapide de la jeune fille avait finalement fait se relâcher les joues de Kusuki.
« Au fait, j’ai entendu dire que quelqu’un avait aidé le réceptacle à s’échapper ? »
« Ce n’est pas un problème. Nous avons capturé une danseuse de guerre chamanique de l’Organisation du Roi Lion pendant son infiltration de Kusuki-Elysée. En l’utilisant comme monnaie d’échange, nous nous sommes assurés que le gouvernement n’interviendrait pas. »
Pendant un bref instant, lorsqu’elle avait prononcé les mots danseuse de guerre chamanique, les lèvres de la fille aux cheveux noirs avaient formé un sourire.
« Je vois. Vous avez donc transformé une blessure en un grand succès, » marmonna Kusuki d’un ton indifférent en tournant à nouveau les yeux vers la carte de l’écran.
Son expression n’avait pas changé. Mais la jeune fille avait regardé Kusuki avec beaucoup d’intérêt et avait dit : « Vous semblez aimer cela, président. Est-ce que je me trompe ? »
« Bien sûr que j’aime ça… Je suis arrivé au point où le rêve que j’ai depuis que je suis un petit garçon est enfin à ma portée. »
Les coins des lèvres de Kusuki s’étaient retroussés pendant qu’il parlait. Il avait tendu une main vers la carte sur l’écran, comme s’il était sur le point de saisir le monde lui-même.
La jeune fille fixa sans émotion son visage souriant, qui semblait pourtant cruel, et murmura : « Je vois… Un rêve, c’est ça ? »
+
La jeune fille, maintenant sortie du bureau, avait descendu une série d’escaliers pour se rendre au sous-sol.
C’était un couloir spartiate en béton nu. De chaque côté se trouvaient des rangées de petites pièces avec d’épaisses portes métalliques. C’était des salles médicales pour isoler les bêtes démoniaques blessées.
Cependant, ce n’était pas une bête démoniaque confinée dans cette pièce particulière, mais une grande fille avec une queue de cheval.
Sayaka Kirasaka semblait bouder alors qu’elle était assise, jambes croisées, sur un lit simple et bon marché, les deux mains toujours menottées. Il y avait des cicatrices mineures sur ses bras et ses jambes, mais il n’y avait pas de blessures flagrantes en dehors de cela. Elle était simplement d’une humeur très aigrie.
La jeune fille aux cheveux noirs avait actionné un panneau numérique pour déverrouiller la porte et se laisser entrer.
« — Vous êtes réveillée ? »
Puis, ses sourcils s’étaient froncés et elle avait tourné son regard vers le sol. Deux hommes en blouse blanche étaient inconscients sous le lit de Sayaka.
« … Et ils le sont ? » demanda la jeune fille, déconcertée.
Les lèvres de Sayaka s’étaient tordues en signe de mépris et elle déclara, « Aucune idée. Ils ont probablement pensé qu’ils allaient me peloter pendant que j’étais assommée. C’est pour ça que je déteste les hommes… ! »
« Je vois. » La jeune fille soupira. Apparemment, les chercheurs de Kusuki-Elysée avaient trouvé Sayaka pendant qu’elle dormait et étaient entrés dans la chambre sans autorisation. C’était sa faute pour ne pas avoir mieux surveillé.
Les chercheurs ne savaient pas qui ou ce qu’était Sayaka Kirasaka — non pas pour la sécurité de Sayaka, mais pour la leur.
« … Les avez-vous tués ? » s’enquit la jeune fille aux cheveux noirs en s’accroupissant à côté des hommes effondrés.
Sayaka haussa froidement les épaules. « Bien sûr que non. Mais si vous ne dissipez pas rapidement les effets, cela pourrait laisser des séquelles mentales. »
« Si l’on met de côté leurs actes méchants, c’était très imprudent. Penser que l’on puisse tenter de toucher une danseuse de guerre chamanique de l’Organisation du Roi Lion, une experte en malédiction et en assassinat, même si elle a perdu connaissance… » La jeune fille s’arrêta pour soupirer.
Excellentes prêtresses, les danseuses de guerre chamaniques étaient aussi des lanceuses de sorts et des assassines. Cela restait vrai même lorsqu’elles dormaient.
Les danseurs de guerre chamaniques se couvraient inconsciemment de puissantes malédictions pendant leur sommeil. Quiconque les touchait avec de mauvaises intentions voyait ces malédictions se répercuter sur eux, amplifiées de nombreuses fois. Seul un lanceur de sorts de rang égal ou supérieur pouvait toucher le corps de Sayaka — sauf peut-être quelqu’un à qui Sayaka avait ouvert son cœur.
« On dirait que vous savez tout sur nous, Mlle Six Lames du Bureau d’Astrologie. Grâce à cela, vous m’avez bien trompée.
« Mm-hmm, » continua Sayaka, fixant la jeune fille avec des yeux froids et pleins d’abus.
« Vous êtes une Mage d’Attaque manipulant le flux du yin et du yang traitant des désastres de sorcellerie, hein ? C’est pourquoi vous utilisez l’école des Huit Dieux du Tonnerre. Six Lames du Bureau d’Astrologie et Chamane Épéistes de l’Organisation du Roi Lion sont deux pois dans une gousse, après tout. »
« … Oui, je suppose que oui. »
La jeune fille n’avait pas nié l’affirmation de Sayaka.
Comme l’Organisation du Roi Lion, le Bureau d’Astrologie était une agence gouvernementale spéciale. Et la fille que Sayaka avait appelée Six Lames était un Mage d’Attaque fédéral, tout comme les Chamane Épéistes et les Danseuses de guerre chamaniques.
Cependant, contrairement à l’Organisation du Roi Lion, dont l’objectif était d’arrêter les catastrophes de sorcellerie d’origine humaine et le terrorisme sorcier, la mission du Bureau d’Astrologie était d’empêcher les catastrophes sorcières d’origine naturelle. Pour généraliser, les Chamane Épéistes étaient des experts en combat anti-démon, et les Six Lames étaient des experts en combat anti-bête démoniaque, au point que certains les appelaient les Chamane Épéistes noirs.
« Je suis Kiriha Kisaki. »
La fille aux cheveux noirs s’était présentée discrètement. Puis, elle avait sorti une petite télécommande et l’avait utilisée pour déverrouiller les menottes qui liaient Sayaka.
« Je n’avais pas l’intention de vous tromper, mais je suppose que je dois m’excuser auprès de vous, Sayaka Kirasaka. »
« … À quel jeu jouez-vous ici ? »
Sayaka était devenue méfiante en frottant ses poignets maintenant libres. Devant la Sayaka dubitative, Kiriha tendit une longue épée en argent — l’Écaille lustrée.
« Je ne suis pas votre ennemi. Vous l’avez sûrement compris ? »
« Que vous travaillez aussi sous les ordres du gouvernement ? »
Sayaka grimaça en acceptant l’épée, l’arrachant de la main de Kiriha.
Sayaka avait pour ordre de sécuriser et protéger Yume, séquestrée par Kusuki-Elysée. Mais Kiriha avait coopéré avec Kusuki-Elysée et entravé la mission de Sayaka. Si elle agissait selon les ordres du Bureau d’Astrologie, cela signifiait que le Bureau d’Astrologie et l’Organisation du Roi Lion étaient complètement en désaccord l’un avec l’autre.
« En d’autres termes, le gouvernement n’est pas monolithique dans son opinion. Les objectifs d’une personne changent en fonction de son point de vue, non ? »
Cela dit, Kiriha avait sorti quelque chose de l’étui noir qu’elle portait sur son dos. Il s’agissait d’une arme métallique longue et fine. La pointe tournait tandis que la poignée coulissante changeait de forme, la transformant en une longue lance de près de deux mètres de long. Sa pointe était divisée en deux pour produire une lance fourchue —
Sa belle silhouette ressemblait beaucoup à un diapason.
Sayaka jeta un coup d’œil au fait que Kiriha ait soudainement sorti son arme et saisit sa propre épée.
« L’échelon supérieur du Bureau d’Astrologie a parlé à l’Organisation du Roi Lion. Quand cette mission sera terminée, vous serez libérée. Mais avant cela, vous lui servirez de réceptacle pour une courte période. »
« Elle… ? »
Ting fut la réverbération aiguë qui retentit dans l’oreille de Sayaka, figeant son expression. L’arme de Kiriha n’était pas une simple lance. C’était un amplificateur permettant de concentrer et de libérer des sorts rituels.
Mais ce n’est pas possible ! pensa Sayaka, déconcertée. Ce n’était pas l’énergie rituelle de Kiriha qui était libérée par la lance fourchue, mais plutôt quelque chose de plus distant. C’était une puissante énergie démoniaque, un pouvoir ancien, qui rivalisait probablement avec celui d’un vampire primogéniteur —
« Ce pouvoir… Ne me dites pas que c’est… la Sorcière de la Nuit !? Vous voulez dire que Yume Eguchi est son réceptacle… !? »
Réalisant le véritable objectif de Kiriha, Sayaka fit pivoter l’Écaille lustrée vers le haut.
Mais c’est là que le mouvement de Sayaka s’était arrêté. L’immense énergie démoniaque libérée par la lance fourchue avait brisé le mur mental de la danseuse de guerre chamanique, prenant le contrôle de l’esprit de Sayaka. Elle avait pris le contrôle du corps physique de Sayaka.
« Pourquoi… faites-vous… cela… !? »
Au milieu de sa conscience mince comme du papier, Sayaka tissait désespérément les mots. Kiriha sourit faiblement et secoua la tête.
« Une question stupide, Sayaka Kirasaka. Il n’y a qu’une seule raison pour que le Bureau d’Astrologie se déplace. Nous devons protéger cette nation… Non, le monde. »
Puis, Kiriha avait tranquillement baissé les yeux, et avait murmuré si faiblement qu’elle seule pouvait entendre :
« Même si l’île d’Itogami doit couler dans le processus… »
***
Chapitre 3 : Le réveil de Lilith
Partie 1
Kojou s’était réveillé avec une douleur dans le dos. Il était un peu avant quatre heures du matin. Il se souvenait que la dernière fois qu’il avait vérifié, l’horloge était déjà entre minuit et une heure, donc il n’avait dormi que trois heures au maximum.
Ce devait être la nouvelle lune, car le ciel était sombre à l’extérieur de la fenêtre.
Le plafond n’était pas familier, et la scène autour de lui semblait indiquer qu’il se trouvait dans le salon d’un petit chalet.
Finalement, Kojou s’était rappelé qu’il visitait l’Élysium Bleu.
« Je vois… J’ai dû m’endormir… »
Asagi et Nagisa prenaient Yukina en sandwich sur le canapé, dormant épaule contre épaule. Les cartes à jouer étaient éparpillées sur la table. La nuit précédente, une fois les feux d’artifice terminés, elles avaient joué au poker à punitions avec un niveau de fanfare bizarre, jouant jusqu’à ce que tous les participants se fatiguent et s’endorment.
La lutte pour le titre de champion s’était déroulée entre Yukina, étrangement forte aux jeux de cartes, et Asagi, armée de calculs précis et d’une capacité de mémorisation, Yaze étant très compétitif en raison de son caractère glissant et distant. À l’exception de Yume, qui s’était retirée à mi-chemin à cause de la somnolence, Nagisa, pour qui le poker était un concept étranger, et Kojou, qui se vantait d’être le moins chanceux de tous les participants, avaient dû supporter le poids du jeu de punition encore et encore.
« … Bon sang, même Himeragi est là comme ça ? Tu vas attraper froid, tu sais. »
Kojou avait poussé un soupir exaspéré en regardant les filles, endormies sur le canapé. C’était peut-être la toute première fois qu’il voyait le visage endormi de Yukina comme ça, sans surveillance.
Sans maquillage, Asagi semblait juste un peu plus jeune que d’habitude. En revanche, Nagisa avait l’air beaucoup plus adulte lorsqu’elle était endormie. Toutes les trois portaient des tenues assez révélatrices, mais la façon dont elles semblaient si harmonieuses pendant leur sommeil faisait chaud au cœur, d’une certaine façon. Kojou se sentait un peu comme un père alors qu’il augmentait le climatiseur d’un cran, mettant la couverture que quelqu’un avait apportée dans le salon sur elles.
« Vais-je retourner dormir au lit, », marmonna Kojou en bâillant et en se dirigeant vers la chambre des garçons.
Un instant plus tard, il remarqua une silhouette debout dans le couloir.
« … Yaze ? Tu es réveillé ? »
Il a dû éteindre les lumières du salon, pensa Kojou en regardant la vue de son ami en short. Cependant, Yaze n’avait pas répondu. Au lieu de cela, ses lèvres avaient maladroitement tremblé alors qu’il disait :
« … ina… »
« Hein ? »
Kojou avait involontairement froncé les sourcils en entendant le murmure étrange que Yaze avait laissé échapper. Avec Kojou comme ça, Yaze avait fait un pas vers lui, ouvrant les deux bras en grand en disant,
« HIINAAAAAAA ! »
« DWAAAAAH ! »
Kojou s’était figé et avait eu des sueurs froides lorsque Yaze avait soudainement crié et s’était mis à le tenir dans ses bras.
Les mouvements de Yaze étaient agiles pour quelqu’un qui était clairement somnambule. Avec Kojou incapable de bouger, Yaze tourna autour de lui et l’enlaça avec force par-derrière.
Si la mémoire de Kojou est bonne, Hiina était le nom de la fille plus âgée avec laquelle Yaze parlait avec gentillesse depuis longtemps. Apparemment, Yaze avait confondu Kojou avec elle.
Le fait qu’il me coince est mauvais, pensa Kojou, cherchant désespérément à s’enfuir, mais…
« Ha-ha, tu es aussi froide qu’un poisson, comme d’habitude… mais je n’abandonne pas aujourd’hui ! »
« Arrête de parler dans ton sommeil, idiot ! Réveille-toi ! Et bas les pattes ! »
La chair de poule se répandit sur tout le corps de Kojou qui secouait Yaze avec une force brute. Le corps de Yaze s’envola de façon spectaculaire, faisant un bruit sourd en s’écrasant contre le mur. De là, Yaze glissa sur le sol. Apparemment, cela faisait aussi mal que cela en avait l’air.
« Vas-tu bien, Yaze ? Désolé. Cependant, c’était totalement de ta faute. »
J’en ai peut-être trop fait, pensa Kojou, qui s’inquiétait en s’accroupissant à côté de Yaze. Cependant, Yaze ne semblait même pas avoir remarqué la présence de Kojou. Ses lèvres s’étaient tordues alors qu’il marmonnait pour lui-même :
« Merde, tu m’as bien eu… Le contrôle mental, hein… ? »
« Quoi ? »
Sous les yeux du Kojou surpris, Yaze s’était incliné en avant et s’était effondré, perdant conscience. Un regard d’angoisse était apparu sur son visage alors qu’il dormait, apparemment vidé de toutes ses forces.
« H-Hey, Yaze ? »
Qu’est-ce qui se passe ? pensa Kojou, en se serrant la tête de façon déconcertante. Le salon faiblement éclairé avait retrouvé sa tranquillité. Kojou avait cependant perdu toute envie de dormir. Le seul bruit qu’il entendait était celui de son propre cœur, qui battait avec force dans ses oreilles.
Il commença à entendre quelque chose d’autre mélangé à ces battements de cœur puissant : le son de la respiration laborieuse de quelqu’un. Il avait entendu les échos continus d’un faible halètement provenant du deuxième étage du cottage.
« Haah… Haah… »
« Yume ? »
Depuis quand est-elle là ? se demanda Kojou en regardant Yume avec surprise.
L’écolière portait une robe d’été, mais elle était assise à plat sur le palier de l’escalier alors qu’elle continuait à respirer de façon irrégulière. D’après l’aspect de son visage trempé de sueur, elle retenait désespérément quelque chose d’étrange qui remontait de l’intérieur de son corps. Elle ressemblait à Kojou quand il retenait son envie de boire du sang.
« Non… ne le fais pas. Kojou… n’approche pas ! »
« Euh, mais… »
Même si elle le suppliait, il ne pouvait pas laisser Yume seule alors qu’elle était visiblement en détresse, alors Kojou posa un pied sur les escaliers. Immédiatement, les joues de la fille s’étaient tordues dans une peur et une honte irrépressibles.
« Nooooooooon — ! »
« Yume… !? »
« Ne regarde pas… S’il te plaît, ne regarde pas… »
Yume recula, comme si elle avait peur de l’approche de Kojou. Entre ses jambes se trouvait quelque chose comme un serpent mince, semblant s’agiter avec un esprit propre.
« … N... non… »
Le visage de Yume avait pâli quand elle avait réalisé que Kojou l’avait vu. L’instant d’après, elle avait pivoté à une vitesse incroyable, s’élançant vers le deuxième étage du chalet.
Laissé derrière, Kojou se tenait sous les escaliers, abasourdi.
Du deuxième étage, il entendit une voix, riant comme si elle se moquait du monde entier. Cela ressemblait simultanément à la voix de Yume, mais aussi à quelqu’un de complètement inconnu. Ce fait avait déconcerté Kojou.
Il ne savait pas ce qui lui arrivait. Mais Yume n’était clairement pas dans son état normal. Les derniers mots que Yaze avait murmurés — contrôle de l’esprit — l’avaient fait réfléchir. Et puis…
« — Senpai. »
Au moment où Kojou s’apprêtait à monter les escaliers, quelqu’un l’appella soudainement, l’arrêtant dans sa course. Quand Kojou s’était retourné, il avait vu que Yukina était là, son aura indétectable.
« Himeragi, es-tu réveillée… !? »
Kojou avait expiré avec soulagement. Si Yume était victime d’un phénomène bizarre, c’était plus que ce que Kojou pouvait gérer tout seul. Il avait affaire à une fille à un âge difficile, donc la présence de Yukina était immensément rassurante.
« Tu arrives juste au bon moment. Allez, Yume agit bizarrement… »
« Yume… dis-tu ? » répondit Yukina, mystifiée, alors que ses yeux rencontraient ceux de Kojou.
« Oui. » Kojou avait fait la grimace et avait hoché la tête. « Il y a quelque chose qui pousse sur elle… juste entre ses jambes… ! »
« Euh, Senpai… ? »
Yukina avait soupiré avec un soupçon de colère et avait lancé à Kojou un regard de reproche. Elle avait l’air d’une grande fille qui réprimandait un petit garçon ignorant.
« Elle a beau être une élève de primaire, il ne serait pas étrange que le corps de Yume subisse certains changements à son âge… Eh bien, ah… probablement… »
« De quoi parles-tu ? Pas ça, une queue ! Elle a une Q-U-E-U-E ! »
« Une queue ? »
« Oui. »
Kojou s’était mordu les lèvres en réfléchissant au souvenir momentané qui s’était gravé dans ses yeux. Il n’y avait aucun doute que la chose qui dépassait de la jupe de Yume était une queue. C’était une queue d’animal, longue, noire, avec un bout pointu —
« Ce n’était probablement pas une bestialisation normale. Je n’arrive pas à mettre le doigt dessus, mais il y a quelque chose de différent. »
Peut-être que cette queue n’était pas complètement physique. Avec cette pensée dans son esprit, Kojou s’était dirigé vers les escaliers.
Cependant, avant qu’il puisse finir, il avait été tiré avec force par-derrière. C’était Yukina, qui s’accrochait aux vêtements de Kojou.
« Où crois-tu aller, Senpai ? »
Yukina avait entraîné Kojou en bas des escaliers et avait tourné autour de lui, semblant lui interdire de passer. Avec la seule lumière dans son dos, Kojou ne pouvait pas voir son visage. Mais Yukina dégageait un air un peu différent de son calme habituel.
« … Himeragi ? »
« Yume ceci, Yume cela… Aimes-tu vraiment à ce point les petites filles ? »
Sans prévenir, Yukina avait réduit la distance avec Kojou. Ses yeux ne pouvaient pas regarder dans les siens à plus de deux centimètres de distance. La voix de Kojou était devenue stridente et il avait paniqué.
« Hein !? Qu’est-ce que tu dis, Himeragi ? Ce n’est pas le moment de plaisanter ! »
« S’il te plaît, ne minimise pas cela ! »
« Hein ? Quoi — !? »
Suis-je le méchant ici ? angoissait Kojou pendant un moment quand Yukina l’avait grondé avec un regard sérieux. Avec Kojou comme ça, Yukina avait amené son corps juste contre le sien.
« Je suis ton observatrice, Senpai. Et pourtant, tu n’as prêté attention qu’à Yume et Sayaka, et aujourd’hui, tu es resté avec Aiba toute la journée, à jouer avec elle seule… »
« … Hein ? »
Il y avait une légère odeur de parfum sucré qui flottait autour de Yukina fraîchement réveillée. Kojou avait involontairement avalé sa salive en voyant comment le T-shirt fin transmettait son doux rebondissement en dessous.
« Alors ne suis-je vraiment pas bonne pour toi… ? Ne peux-tu pas te satisfaire de moi… ? »
« Euh, ce n’est pas vraiment un problème d’être satisfait ou non… »
Kojou s’était désespérément accroché à son mince contrôle de soi en éloignant le corps de Yukina du sien. À cet instant, un regard de désespoir avait surgi dans les grands yeux de Yukina.
« Tu es donc insatisfait, Senpai… Je vois. Alors il n’y a rien que je puisse faire en tant qu’observatrice, à part te tuer et mourir aussi… »
« Quoi… !? »
Yukina avait doucement tendu sa main droite. Elle avait récupéré la mallette noire qu’elle avait apportée, posée contre le mur. Elle contenait un Bodyboard, quelque chose qui n’attirerait aucune attention particulière dans une station balnéaire.
Cependant, il n’y avait pas de bodyboard à l’intérieur de la valise, mais plutôt une lance en argent familière. Le Schneewaltzer — une arme secrète de l’Organisation du Roi Lion, réputée capable de détruire même un vampire primogéniteur.
« Idiote ! Tu ne peux pas faire sortir ton arme dans un endroit comme celui-ci… ! »
Kojou avait reculé, reculant devant la pointe de cette lance familière tournée vers lui. Avec les choses ayant atteint ce point, même Kojou avait réalisé que Yukina n’avait pas toute sa tête. C’était la même chose que Yaze juste avant.
Il n’en connaissait pas la raison, mais leurs désirs subconscients se déchaînaient. Bien que ce soit un peu un problème si Yukina avait l’habitude de nourrir de telles pensées destructrices au fond de son cœur, mais…
« Qu’est-ce que tu fais, Kojou ? »
Alors que Kojou reculait, quelqu’un l’avait soudainement enlacé par-derrière. Lorsque Kojou s’était retourné dans la lumière tamisée, il avait pu voir une fille avec une coiffure extravagante et un sourire fin et fragile.
« Eh !? A- Asagi !? »
Ses tempes avaient enregistré une sueur froide.
***
Partie 2
Bien sûr, avec un tel vacarme dans un salon en pleine nuit, il n’était pas étrange qu’elle puisse se réveiller. Ce qui avait surpris Kojou était le regard sur le visage d’Asagi, comme si elle pouvait éclater en sanglots à tout moment.
« Alors qu’est-ce que vous faites tous les deux derrière mon dos à une heure pareille ? » demanda Asagi d’une voix faible et traînante. Des gouttelettes claires tombaient de ses yeux, qui étaient déjà remplis à ras bord de larmes.
Un sentiment absurde de culpabilité frappa Kojou qui avait humblement secoué la tête et déclaré :
« Euh, c’est… Comment devrais-je… dire ça… ? »
« Tu me caches des choses et tu fais encore l’école buissonnière avec Himeragi ? Alors tu la préfères vraiment… ? »
« … Eh !? »
« Et j’ai essayé si fort… J’ai même fait… toutes sortes de choses embarrassantes… »
Asagi avait étreint Kojou par-derrière avec force. Tout son corps tremblait comme si elle pleurait. Cette routine encore, avait pensé Kojou, en regardant le plafond alors qu’il disait :
« Alors même toi, tu deviens bizarre dans ta tête !? »
« Qu’est-ce que tu veux dire par “bizarre”, stupide Kojou !? J’ai des insécurités, aussi… Que tu me laisses ici et que tu partes loin, très loin, sans dire un mot. J’ai ressenti ça bien avant cette histoire de quatrième Primogéniteur… ! »
« A-Asagi… »
Asagi tapait faiblement sur le dos de Kojou. La maladresse d’Asagi et de Yukina n’avait pas changé d’un iota, mais contrairement aux tendances destructives de Yukina, Asagi se sentait beaucoup plus jeune et plus timide avec son subconscient qui s’emballait.
Ce n’est pas la vraie elle, Kojou avait compris dans sa tête, mais il était gelé, incapable de simplement les écarter. Avec Kojou immobile, Asagi était sur le point de lui chuchoter quelque chose à l’oreille quand…
" — Ça suffit, Aiba. »
Fais ta précieuse confession quand tu seras dans ton état normal, semblait dire le timing alors que Yukina touchait avec sa lance d’argent le cou d’Asagi.
C’était une coupure très douce, peut-être même pas une couche complète de la peau. Mais à cet instant, le corps entier d’Asagi avait été enveloppé d’étincelles pâles, et elle avait convulsé. Elle s’était effondrée sur place, et Yukina l’avait rattrapée par le côté.
« H-Himeragi… !? »
« J’ai libéré Aiba du contrôle mental. Je pense que cela lui rendra son esprit normal. »
Yukina avait parlé d’un ton sérieux. L’air calme qu’elle dégageait, comme d’habitude, soulageait Kojou au point qu’il avait envie de pleurer. Yukina semblait ruminer quelque chose de son côté, mais elle était apparemment revenue à la raison à un moment donné.
« Donc les filles, vous étiez contrôlées par quelqu’un. Est-ce pour ça que tu agissais bizarrement, Himeragi ? »
« Bien sûr. Grâce au Loup des Neiges, j’ai pu me libérer… »
L’expression de Yukina était anormalement tendue alors qu’elle faisait cette affirmation avec une insistance étrangement lourde. Elle tenait la lance trop fort, ce qui faisait que la pointe de la lance à trois lames vacillait un peu.
« Donc ces choses que j’ai dites plus tôt n’étaient absolument pas mes vrais sentiments, ok ? Ils ne le sont pas, d’accord ? »
« D-D’accord. »
Kojou hocha nerveusement la tête, accablé par son regard intimidant. Il ne savait pas quelle autre réponse donner. Pendant ce temps, il avait donné un coup de main à Yukina en déposant Asagi inconsciente sur le canapé.
Au loin dans la faible obscurité, Kojou avait eu l’impression d’entendre quelqu’un se tortiller et se lever. « Oh, allez », gémit-il, ayant un vague sentiment de ce qui allait suivre.
« Ko… jou… »
Alors qu’il se couvrait les yeux d’exaspération, Nagisa l’enlaça.
Il avait l’impression que l’aura qu’elle dégageait était en quelque sorte différente de la normale, mais en même temps, ce n’était pas non plus si inhabituel. « Toi aussi, hein ? » dit-il, en poussant un lourd soupir apathique.
« Hé, Kojou… En fait, je… »
« Himeragi, s’il te plaît. »
« … Oui. »
Kojou avait interrompu les paroles de Nagisa et l’avait rapidement maintenue au sol. Yukina avait mis sa main droite directement devant le nez de Nagisa. Sans fanfare, le claquement des doigts de Yukina avait fait disparaître toute force du corps de Nagisa, peut-être était-ce une sorte d’hypnose. Nagisa, tombant mollement sur le canapé, avait recommencé à faire des bruits de sommeil.
Si elle n’a pas utilisé le Loup de la dérive des neiges, comme dans le cas d’Asagi, c’était peut-être parce qu’elle avait jugé qu’il n’y avait pas la même urgence, ou peut-être parce qu’elle avait pris en compte le manque d’endurance physique de Nagisa, l’un des deux — ou peut-être les deux.
Quand Nagisa s’était calmée, Kojou avait finalement réussi à se remettre de la pagaille. Il ne savait pas ce qui les avait poussées à se déchaîner, mais il ne voyait aucun inconvénient à les laisser là pour le moment. La plus grande priorité, celle qui ne pouvait pas attendre, était Yume.
Avec cette pensée en tête, Kojou avait regardé les escaliers une fois de plus. L’instant suivant, une voix amusée et rieuse était descendue du plafond.
+++
Le visage d’une jeune fille avait surgi de la rampe de l’escalier.
Elle avait de grands yeux et des cheveux doux et distinctifs qui atteignaient ses épaules, des caractéristiques de Yume que Kojou et Yukina connaissaient bien. Cependant, ce sourire particulier sur son visage donnait une impression très différente de celle de Yume dans son état normal.
C’était une expression pleine de malice, comme pour se moquer du couple surpris.
« Pffff ? Tellement ennuyeeeeeux . Après que je me sois donné la peine de leur faire dire leurs vrais sentiments et tout… »
Elle parlait d’une voix haletante, haussant les épaules en signe de déception. Ses lèvres étaient restées effilées dans une moue alors qu’elle regardait entre Yukina et Kojou.
« La Grande Soeur là-bas est revenue à la normale avec le pouvoir de cette lance bizarre, mais qui pourrais-tu être exactement pour résister à mon contrôle mental, Grand Frère ? Tu n’es pas un démon ordinaire, hein. Je veux dire, Kiriha a dit que je pouvais contrôler Levia et tout le reste. »
« … Levia ? » murmura Yukina, les sourcils froncés.
Kojou était choqué alors qu’il examinait la fille.
La fille debout dans l’escalier n’avait pas seulement une expression différente, sa voix et sa diction semblaient être celles d’une personne complètement différente. Elle semblait même avoir oublié les noms de Kojou et de Yukina.
« Tu n’es… pas Yume. Qui es-tu ? »
« Hey, je suis aussi Yume. Yume semble cependant m’appeler Riru. »
« … Riru !? »
Kojou avait pris une grande inspiration. Il se souvenait avoir entendu ce nom — le nom de la « grande sœur » de Yume, l’autre fille censée être retenue captive par Kusuki-Elysée, avec Yume.
Mais cette même Riru utilisait le corps de Yume pour rire juste devant les yeux de Kojou et Yukina.
« Est-ce que ça pourrait être… un trouble dissociatif de l’identité… ? » murmura Yukina en observant la fille qui se faisait appeler Riru. Elle avait apparemment une idée de la raison pour laquelle Yume avait subi ce changement soudain.
Mais les yeux de Riru s’étaient rétrécis d’amusement. « Tee-hee, voulez-vous dire des personnalités multiples ? Donc Yume a créé une autre personnalité pour protéger son esprit de toutes ses expériences désagréables ? Je suppose que ce n’est pas tout à fait vrai, mais pas tout à fait faux non plus. »
Riru avait ri de façon dérisoire en parlant comme si cela ne la concernait pas. Kojou s’était senti agacé par les paroles de Riru.
« Des expériences désagréables… Veux-tu dire le kidnapping ? »
« Un kidnapping ? Oh non, pas comme ça, » dit Riru. « Comment as-tu eu cette idée ? » Elle se serra le ventre en riant. « Yume est victime d’intimidation depuis longtemps — par les élèves de son école et par ses propres parents. Yume était toute seule quand Kusuki-Elysée l’a recueillie, alors n’est-ce pas un peu son bienfaiteur ? »
« Intimidation… pourquoi ? »
« Ehh… Eh bien, n’est-ce pas évident… ? Parce que Yume est une succube. »
Riru avait répondu sans hésiter à la question de Kojou. Malgré son aveu peu enthousiaste, Kojou n’avait pas pu comprendre le sens de ses paroles.
« Succube… dis-tu ? »
« Oui. Une succube. Une espèce rare de démon, mais vous savez ce que c’est, non ? Elles utilisent des techniques de contrôle mental pour entrer dans la tête des autres et les manipuler à leur guise, en stimulant leurs désirs et autres. C’est embarrassant d’être une enfant ecchi comme ça. Alors tout le monde les déteste et tout ça… Bon, je parle comme si ce n’était pas mon problème, tee-hee. »
Riru avait retroussé les coins de ses lèvres, apparemment à ses propres dépens. D’une certaine manière, l’expression semblait également être triste.
« Yume ne voulait pas accepter cette partie d’elle, alors elle m’a créée, se coupant des désirs et des capacités d’une succube. Totalement injuste. Elle repousse toutes les mauvaises choses sur quelqu’un d’autre, pour pouvoir rester pure. Bon sang, Yume, tu es tellement déprimante ! Et tu as cette chose géniale qui pousse à partir de toi et tout ça. »
Sous l’ourlet de la robe d’été qu’elle portait, une fine queue noire se balançait dans tous les sens. C’était une queue bestiale d’énergie démoniaque solidifiée. Elle fournissait une preuve éloquente de la vraie nature de Yume.
« Alors Yume est aussi un démon non enregistré…, » murmura Kojou d’une voix basse et discrète.
Il ne savait pas à quel point les succubes étaient rares. Mais l’enfermement de la jeune fille par Kusuki-Elysée n’avait aucun sens si Yume n’était qu’une petite fille ordinaire.
« C’est vrai. Tee-hee, donc maintenant tu détestes aussi Yume, n’est-ce pas, Grand Frère ? »
Riru avait parlé sur un ton qui exprimait un étrange sex-appeal que l’on n’attendrait pas d’un élève d’école primaire. Kojou l’avait regardé fixement, en jurant dans son souffle, non amusé.
« C’est impossible. »
« … Ahh ? »
« Yume est une succube ? Eh bien, je suis un vampire. Si tu veux parler de choses plutôt indécentes, j’ai même bu le sang d’Himeragi et d’autres filles. Et avoir une queue sur soi comme ça, c’est plutôt mignon, non ? »
En entendant les mots de Kojou, le sourire de Riru avait disparu.
Ses jeunes lèvres s’étaient tordues de consternation.
« Hmm, tu es un bon gars, Grand Frère. Tu es juste, tu sais, un de ceux-là — un hypocrite, ou dans la pitié mutuelle… ou peut-être, un lolicon ? »
« Qui est… ? »
« Si tu es comme ça, je ferais mieux de faire ce que Kiriha m’a demandé. »
Les sourcils de Riru s’étaient levés de façon malveillante alors qu’elle sautait par-dessus la rampe de l’escalier. Le dos de sa robe d’été s’était déchiré et des ailes avaient poussé dans son dos. Les ailes étaient à moitié solides, formées d’énergie démoniaque.
D’un battement d’ailes, Riru avait atterri derrière Kojou et Yukina sans un bruit. Puis, elle avait ouvert une fenêtre en verre et s’était envolée hors du chalet, tout cela en un instant sans qu’on ait le temps de l’arrêter.
« Yume, attends… ! »
Kojou était sorti après elle. Riru était debout, pieds nus, sur l’herbe de la cour.
Mais à l’instant où Kojou avait essayé de s’élancer vers elle, un rayon argenté s’était précipité vers lui depuis le coin de sa vision. C’était une chouette avec des ailes en métal. Kojou s’était arrêté net au moment où la chouette était passée devant lui, l’effleurant à peine et creusant une profonde déchirure dans son T-shirt à hauteur de poitrine.
« Senpai ! À terre ! »
La chouette tournait en l’air pour attaquer Kojou quand Yukina l’avait interceptée avec sa lance. Avec un jet d’étincelles féroce, la chouette avait perdu une de ses ailes et s’était écrasée sur le sol. Elle s’était transformée en une fine feuille de métal, ne bougeant plus.
« C’est quoi ce truc… !? »
« Un shikigami. Mais ce rituel est… »
Yukina avait pris un air grave en regardant la feuille de métal à ses pieds.
Kojou avait regardé attentivement la zone.
***
Partie 3
Le shikigami avait attaqué Kojou quand il avait essayé d’arrêter Riru. Le timing de l’attaque était étrangement précis. Compte tenu de la situation, ce devait être quelqu’un de Kusuki-Elysée qui était là pour reprendre Yume.
Comme pour appuyer la déduction de Kojou, Riru, debout dans l’obscurité, avait laissé échapper un cri de joie.
« Alors tu es venue pour moi, Kiriha. Je suis de retour ! »
Une fille aux cheveux noirs en uniforme de lycéenne était arrivée. Elle attendait près d’une voiture garée dans la rue juste en face du chalet pendant que Riru se précipitait vers elle.
Elle avait un visage symétrique et un physique à la fois élégant, mais aussi souple et tenace. Elle portait sur son dos un étui noir pour un trépied.
D’une certaine manière, elle ressemble beaucoup à Yukina, avait pensé Kojou.
« Bienvenue, Riru. Ton humeur semble s’être quelque peu éclaircie ? »
« Je suppose que oui. »
Riru se pavanait autour de la fille aux cheveux noirs, en riant de manière tapageuse.
Kojou et Yukina s’arrêtèrent, déconcertés face à la jeune fille aux cheveux noirs. Ils ne s’attendaient pas à ce que la personne envoyée par Kusuki-Elysée soit une lycéenne.
« … Vous êtes cette “Kiriha” ? »
« Oui, Kiriha Kisaki. C’est un plaisir de vous rencontrer, Quatrième Primogéniteur. La fille derrière vous doit comprendre la signification des mots Prêtresse des Six Lames du Bureau d’Astrologie. »
La fille qui s’était fait appeler Kiriha avait calmement regardé Kojou en parlant.
Kojou était un peu déconcerté qu’elle sache tout de lui. Cependant, Yukina était plus surprise que lui. Les yeux de Yukina s’écarquillèrent, presque comme si elle ne pouvait pas croire ce qu’elle voyait, ne faisant aucun mouvement, semblant figée sur place.
« … Pourquoi le Bureau d’Astrologie se mêle-t-il de la mission de Sayaka… ? »
« Il y avait une différence mineure de politique, rien de plus. Je ne cherche aucun conflit avec vous… personnellement, du moins. »
« — !? »
Avant même que Kiriha n’ait terminé, Kojou avait reçu un coup sur le côté qui l’avait fait tomber au sol.
C’était Yukina qui avait repoussé Kojou qui se tenait debout, hébété.
Une flèche d’un arc de style occidental avait effleuré l’endroit où Kojou se tenait jusqu’à l’instant précédent. S’il était resté là, la flèche aurait sans aucun doute complètement traversé son torse.
Toujours au sol, Kojou avait levé les yeux et les avait dirigés vers la direction d’où la flèche avait été envoyée. Puis, il avait regardé avec un faible gémissement.
Il y avait une grande fille élancée qui brandissait un arc recourbé argenté pour apparemment défendre Riru et Kiriha. Elle avait de longs cheveux relevés en queue de cheval qui dansaient dans l’obscurité de l’avant-veille.
« Kirasaka… pourquoi diable es-tu… ? »
Kojou gémit sous le choc, fixant toujours Sayaka Kirasaka qui encochait une nouvelle flèche sur son arc recourbé.
Sayaka avait envoyé la soif de sang de Kojou un bon nombre de fois. Mais c’était la première fois qu’elle, avec son amour profond pour Yukina, avait attaqué Kojou quand cette même Yukina pouvait être placée dans le feu croisé.
C’était suffisant pour qu’il juge que Sayaka n’avait pas non plus toute sa tête.
« Sayaka !? » Yukina s’était exclamée, laissant tomber sa lance.
Cependant, il n’y avait aucun changement d’expression de la part de la fille tenant l’arc. Tout ce qui venait d’elle était un regard froid et mécanique alors qu’elle examinait sans émotion Kojou et Yukina.
+++
« Partons, Riru. Le président Kusuki nous attend. »
Tournant le dos à Kojou et Yukina, qui étaient incapables de bouger, Kiriha Kisaki s’était avancée. La voiture qui les attendait, elle et Riru, appartenait à la société Kusuki-Elysée.
Kojou et Yukina avaient simplement regardé, abasourdis.
Si Kiriha entraînait Riru de force, ils auraient probablement pu se mettre en travers du chemin. Cependant, Kiriha n’avait rien fait. Riru partait avec Kiriha de son plein gré, et Sayaka, danseuse de guerre chamanique de l’Organisation du Roi Lion, leur barrait la route.
Si Riru — non, Yume Eguchi — était enlevée juste comme ça, Kojou et Yukina n’auraient aucune raison valable pour la récupérer. Tout se passait comme Kiriha et son organisation le souhaitaient.
« Himeragi, puis-je te laisser Yume ? Je me débrouillerai avec Kirasaka. »
« Senpai ? »
Alors que Kojou s’adressait à elle d’une voix calme, Yukina l’avait regardé, ses yeux vacillant d’un malaise visible.
« Mais, Senpai. Pour l’instant, Sayaka n’est pas… »
« Je le sais. Ce truc de contrôle de l’esprit, c’est ça ? On dirait que c’est un cas plus grave que celui que tu avais avant. Bon sang, comment est-ce arrivé ? Elle était supposée s’occuper de Riru. »
« Oui. Mais ici, je devrais vraiment être celle qui… »
« Pas question, Himeragi. » Kojou avait parlé à Yukina avec un ton fort.
Certainement, si l’objectif était de vaincre Sayaka, compter sur le pouvoir de Yukina était le pari le plus sûr. Le Loup de la dérive des neiges de Yukina pouvait annuler la capacité vile de l’Écaille lustrée de Sayaka — sa pseudoséparation spatiale. Elle savait aussi ce qu’il y avait dans l’arsenal de la Danseuse de Guerre Shamanique de Sayaka. Mais…
« Écoute-moi, vas-y ! Kirasaka se sentira mal quand elle retrouvera sa santé mentale si elle apprend qu’elle a essayé de te tuer ! »
« Compris. Senpai, s’il te plaît, fait attention. Si elle se bat sérieusement, même moi je ne parviendrais à vaincre Sayaka qu’une fois sur cinq. »
« Eh… !? »
Yukina ayant laissé derrière elle cette incroyable déclaration, le visage de Kojou avait tressailli en la regardant courir au loin. Peut-être qu’il aurait mieux fait de ne pas entendre cette pépite d’information, surtout avec ce timing.
Maintenant qu’il y pensait, Yukina était encore une apprentie, alors que Sayaka était une danseuse de guerre chamanique à part entière. Sayaka devait avoir beaucoup plus d’expérience de combat. En plus de cela, contrairement à Yukina, une mauvaise lanceuse de sorts, Sayaka était une utilisatrice compétente d’une multitude de sorts. La grâce salvatrice était qu’elle n’avait pas de Loup de la dérive des neiges avec lequel annuler l’énergie démoniaque de Kojou…
« Mais cet arc était plutôt méchant, n’est-ce pas… ? »
Comme si elle lisait l’esprit de Kojou, Sayaka avait tiré une flèche maudite.
La flèche se dirigea vers les cieux en sifflant, la grande réverbération créant un sort de haute densité. Un cercle magique géant s’était déployé, et les éclairs qu’il avait créés s’étaient abattus sur Kojou avec une précision extrême.
« Ah, merde ! Viens par ici, Regulus Aurum ! »
Kojou invoqua son vassal bestial sans hésiter. Le lion de foudre, enveloppé d’une vaste puissance démoniaque, entra en collision avec les éclairs qui se déversaient, annulant la formidable attaque de Sayaka.
Le choc des énormes énergies magiques envoya un tremblement inquiétant dans tout le sous-flotteur. Kojou et les autres avaient senti l’électricité statique dans l’air leur piquer la chair tandis que les lampadaires brûlaient dans des éclairs éblouissants de lumière.
« Tu ne te retiens pas, n’est-ce pas ? »
Kojou était pétrifié, submergé par la puissance absurde de l’attaque de Sayaka. Comme il s’agissait de Regulus Aurum, il avait été capable de parer le coup, mais un Vassal Bestial de vampire ordinaire aurait sans aucun doute été soufflé par ce seul coup. C’était un sort d’une ampleur extraordinaire qu’un simple être humain pouvait manier à lui tout seul.
Maintenant qu’il y pense, Sayaka avait été désignée comme observatrice de Dimitrie Vattler. En d’autres termes, même ce vampire maniaque du combat reconnaissait la force de ses capacités. Peut-être que Sayaka, combattant sérieusement, s’avérerait une ennemie bien plus difficile que Kojou ne l’avait imaginé.
Sayaka, réalisant que sa flèche maléfique avait été bloquée, se précipita sur son prochain mouvement.
« Kojou Akatsuki !! »
« — Wôw !? »
Le mouvement descendant de la longue épée avait frôlé le bout du nez de Kojou qui l’avait évité de la largeur d’un papier. Même avec la vitesse de réaction améliorée par le vampirisme de Kojou, il semblait pratiquement miraculeux qu’il ait pu échapper à un coup tranchant aussi terrifiant.
« Es-tu un ogre ? Vas-y doucement avec un amateur, bon sang ! »
Kojou libéra son vassal bestial invoqué et courut vers les collines de toutes ses forces. De toute façon, les Vassaux Bestiaux de Kojou étaient trop puissants pour être utilisés avec Sayaka comme adversaire. Après tout, en lâcher un sur Sayaka à une distance aussi proche, Kojou serait pris dans une attaque mortelle, sans parler de l’explosion de Sayaka sans aucune trace.
Cela dit, les vampires qui se retrouvaient incapables d’utiliser un Vassal Bestial étaient comparativement plus fragiles que les démons. Contre un Mage d’attaque ultra haut de gamme comme Sayaka, fuir était tout ce à quoi Kojou pouvait penser.
Apparemment, il ne pouvait pas espérer que le contrôle mental laisse à Sayaka un soupçon de raison, ce qui l’aurait incitée à se montrer indulgente envers lui.
***
Partie 4
« Merde… étais-je trop pressé ? »
Il ne pouvait s’empêcher de regretter d’avoir envoyé Yukina en avant. Même s’il l’avait su dès le début, Kojou arrêtant Sayaka tout seul était beaucoup trop demandé.
Tout d’abord, il ne pensait pas que même Yukina serait capable de la mettre facilement hors d’état de nuire. Ce n’était pas comme quand elle avait mis Asagi et Nagisa hors jeu. Ce qui poussait Sayaka à agir n’était pas un contrôle mental incomplet qui laissait libre cours à ses désirs cachés. Elle était complètement contrôlée, et essayait sérieusement de tuer Kojou.
Il ne savait pas comment un contrôle mental aussi puissant était possible sans s’appuyer sur le pouvoir de Riru. Cependant, cela ne signifiait pas non plus qu’il était à court d’options. Même s’il ne comprenait pas la cause profonde, même Kojou pouvait trouver au moins un moyen de briser le contrôle mental sur Sayaka. Une méthode seulement possible pour un vampire comme Kojou…
« L’essentiel est donc de neutraliser ce qui la contrôle avec une énergie démoniaque encore plus forte ! »
Le problème étant de savoir si je peux le faire ou non, pensa Kojou en se mordant la lèvre.
Il y avait un certain nombre d’obstacles que Kojou devait franchir pour que ce plan se réalise. Franchir le premier point de contrôle était un défi de taille dans une situation où il était constamment attaqué.
Avec une vitesse terrifiante, Sayaka poussa son épée en avant, effleurant la joue de Kojou.
Même s’il utilisait quelque chose pour bloquer ses attaques, il était impossible de repousser la lame alors que l’effet de séparation spatiale l’enveloppait. Il avait besoin d’un moyen de faire face à cela et de libérer Sayaka du contrôle mental en même temps —
« Ça va être un peu brutal, mais je vais essayer… »
Le murmure de Kojou sembla le remettre sur pied avec un sourire audacieux. Au fond de son esprit, il repensa à la conversation triviale qu’il avait eue avec Yukina à la piscine, à savoir que Sayaka et l’eau ne faisaient pas bon ménage…
« Viens par ici, Natra Cinereus ! »
Kojou avait invoqué un nouveau vassal bestial — une bête fidèle servant à partir du propre sang d’un vampire. Le quatrième Vassal Bestial du Quatrième Primogéniteur, Avrora Florestina, était une bête géante à la carapace dure, entourée de brume.
« — !? »
Le visage de Sayaka s’était figé lorsqu’elle avait réalisé qu’elle avait perdu la notion de terre ferme.
Natra Cinereus était le Vassal Bestial incarnant la capacité vampirique de la brume. Cependant, sa portée effective n’était pas limitée à Kojou, son hôte, il était capable d’affaiblir les forces de liaison de la matière solide, transformant tout type d’objet en brume. C’était la destruction et la calamité incarnée, digne de son titre de Vassal Bestial du Quatrième Primogéniteur.
Bien sûr, il ne pouvait pas utiliser un pouvoir aussi dangereux sur Sayaka elle-même. La cible de Kojou n’était pas Sayaka, mais plutôt le sol à ses pieds.
Sayaka se tenait sur un sous-flotteur construit en résine et en métal. Si ce sol artificiel venait à disparaître, il n’y aurait rien en dessous — sauf la mer.
« Aaaaaaaaaah ! »
Enveloppée par une brume argentée, Sayaka était tombée sous l’effet de la gravité.
Il y avait probablement six ou sept mètres avant qu’elle ne touche l’eau. Avec un cri inattendu, Sayaka avait plongé dans l’eau, provoquant une éclaboussure spectaculaire.
« Euh, ce n’est pas bon !? »
L’attaque du trop puissant vassal bestial avait « marché », mais, bien sûr, les choses ne s’étaient pas arrêtées là. La brume incroyablement puissante se répandit plus loin, creusant un trou géant dans le sol artificiel de plusieurs dizaines de mètres de rayon. La fondation soutenant le sous-flotteur, le sol décoratif qui le recouvrait, ainsi que les arbres et les lampadaires, furent anéantis.
Ayant perdu son support, la chaussée s’était effondrée, les morceaux tombant les uns après les autres dans la mer.
« Merde… J’en ai trop fait… Kof ! »
Kojou, accroupi sur la surface inclinée du sol, toussa alors que l’eau de mer lui tombait dessus depuis le haut. le Vassal Bestial avait allègrement impliqué son hôte, Kojou, dans la destruction écrasante qu’il avait causée.
L’endroit qui était autrefois la pelouse du cottage avait été joliment creusé, créant à sa place un bras de mer en forme de cuvette. Il aurait peut-être dû bénir sa chance que les bâtiments environnants n’aient pas eux aussi sombré dans la mer.
« Où est Kirasaka ? »
Kojou libéra l’invocation de son Vassal Bestial et regarda autour de lui.
Le moment suivant, il regarda en arrière, sentant la soif de sang derrière lui. Sayaka, qui venait de ramper hors de la mer, effectuait un coup vers le bas sur Kojou à ce moment précis.
Cependant, l’attaque de Sayaka n’avait pas la même vitesse qu’avant. Les vêtements trempés qu’elle portait lui ôtaient sa vivacité de mouvement. Kojou avait timidement réussi dans son objectif. Au-delà de ça…
« Wôw… C’est… ! »
Kojou avait involontairement pris son souffle en regardant Sayaka, l’épée en position haute.
Sayaka avait retiré la veste détrempée de son uniforme, jugeant peut-être qu’elle la gênait dans ses mouvements. La chemise blanche de l’école qu’elle portait en dessous était aussi complètement trempée. Avec le tissu transparent et collant à sa chair, sa peau pâle et son soutien-gorge joliment conçu étaient exposés à ses yeux.
Le spectacle était d’autant plus dévastateur que Sayaka était déjà très élégante. Alors qu’elle faisait tournoyer son épée, le contraste entre sa chemise transparente et ses seins rebondis avait capturé la vision de Kojou.
Il maintenait sa distance avec Sayaka alors qu’il s’enfonçait de plus en plus dans l’eau. Le poursuivant, elle était dans la mer une fois de plus.
La surface de l’eau leur arrivait déjà aux hanches. Dans ces conditions, Sayaka ne pouvait plus balancer son épée, car si l’effet de déchirure de l’espace produit par l’Écaille lustrée touchait l’eau, la personne qui la manie, Sayaka, n’en sortirait pas indemne. Par conséquent, la poussée était devenue sa seule option d’attaque.
Sachant cela, Kojou avait sa propre carte à jouer.
« Kirasaka… ne me blâme pas pour ça ! »
Kojou s’élança du fond de l’eau, utilisant pleinement sa force vampirique. En un instant, il réduisit une distance de quatre ou cinq mètres, se précipitant sur Sayaka directement de face.
« Kojou Akatsuki… ! »
La réaction de Sayaka fut rapide. Suivant facilement le mouvement de Kojou, elle leva son épée longue et la poussa en avant.
Kojou n’avait pas esquivé. Ajoutant un pas pour accélérer plus loin, il s’était empalé sur la pointe de son épée.
L’action imprévue de Kojou avait un peu déréglé la visée de Sayaka. L’épée qui aurait dû lui transpercer le cœur avait plutôt empalé Kojou dans le ventre et le dos.
« Guoaaaa ! »
Kojou laissa échapper un cri. La douleur seule pourrait le tuer. Mais il s’était résigné à cela depuis le début.
Avec Sayaka courant sur Kojou jusqu’à la poignée, elle ne pouvait pas retirer son épée de lui. Et Kojou pouvait encore bouger.
Devant ses yeux, Sayaka était figée, en état de choc. La main de Kojou s’était étendue et avait touché son cou.
Son cou pâle était trempé de sueur et d’eau de mer. Sa clavicule fine dépassait de sa chemise trempée. Elle avait un visage si raffiné qu’il pouvait vous attirer avant même que vous ne le sachiez, et un profond décolleté entre ses seins qui ne convenait pas à un physique aussi mince…
Même en se battant pour sa vie, c’était plus que suffisant pour stimuler sa convoitise. De plus, c’était le désir sexuel qui était à l’origine de l’envie d’un vampire à boire du sang — .
« Quoi — !? »
Kojou avait tiré Sayaka par le col de sa chemise. Les crocs de Kojou s’étaient enfoncés dans sa chair maintenant exposée.
« — !? »
Le visage de Sayaka s’était tordu de douleur. Kojou n’y avait pas prêté attention, il avait bu son sang.
La légende disait qu’un vampire pouvait contrôler un être humain simplement en buvant son sang. Malheureusement, Kojou ne pouvait pas faire quelque chose d’aussi astucieux, mais au moins, il pouvait injecter la puissante énergie démoniaque du Quatrième Primogéniteur. Cela suffirait sûrement à faire disparaître le contrôle mental exercé sur Sayaka.
Mais avant que le contrôle mental ne se lève complètement, Sayaka sortit une fléchette argentée de sous sa jupe. Elle la fit tourner dans sa main et dirigea la pointe vers l’arrière de la tête de Kojou.
Même un vampire serait abattu en un seul coup si on lui empalait le cervelet avec une telle chose. Cependant, Sayaka était en train de déplacer ce vilain instrument vers le bas lorsque sa main s’arrêta à mi-chemin. Une fraction de seconde avant, comme si elle avait défié le contrôle mental avec sa propre volonté, la fléchette glissa de sa main alors qu’elle s’installait contre Kojou.
« Ah… ! »
Un doux soupir s’était échappé des lèvres de Sayaka.
Kojou avait senti sa douceur et sa chaleur alors qu’il soutenait son corps détendu.
À un moment donné, le ciel avait commencé à s’éclaircir.
La lumière du ciel matinal tranquille brûlant éclairait silencieusement leur étreinte sanglante.
***
Partie 5
L’atmosphère précrépusculaire était chargée d’une énergie magique persistante.
C’était les résidus de l’attaque de foudre déclenchée par Sayaka, et de Kojou invoquant son Vassal Bestial pour la bloquer.
La voiture de fonction de Kusuki-Elysée était garée sur une route côtière à une petite distance du chalet. Le système de conduite automatisée dont elle était équipée avait effectué un arrêt d’urgence lorsqu’il avait détecté des éclairs. Kiriha Kisaki faisait sortir Riru de la voiture. Sans doute, elles renonçaient à se déplacer en voiture et prévoyaient de rentrer à Kusuki-Elysée à pied.
Mais avant qu’elle ne puisse emmener Riru par la main, Kiriha s’était arrêtée et avait levé la tête. Son regard se déplaça jusqu’à ce qu’il rencontre Yukina, debout avec sa lance d’argent en équilibre.
Avec un regard furieux, Yukina déclara, « Je veux que tu rendes Yume. »
« Wow. » Riru avait levé les yeux vers Kiriha avec amusement.
Kiriha secoua la tête avec un soupir et sortit sa lance de l’étui situé dans son dos. C’était une lance argentée et fourchue, dont la pointe était divisée en deux dents.
« Ne comprenez-vous pas, Yukina Himeragi ? Vous n’avez aucune raison de ramener Riru avec vous, » dit doucement Kiriha.
C’était le devoir de Yukina en tant que Chamane Épéiste de surveiller le Quatrième Primogéniteur — Kojou Akatsuki. Peu importe qui était Yume Eguchi, cela ne donnait pas le droit à Yukina de la reprendre. Mais…
« Je crois que le lavage de cerveau de Sayaka pour qu’elle attaque Akatsuki-senpai est une raison suffisante pour vous considérer comme mon ennemi ? » Yukina avait calmement répliqué ceci.
Kiriha avait indirectement tenté de nuire à Kojou, sa cible d’observation. C’était un sophisme, mais cela représentait sûrement un casus belli pour Yukina de se battre contre Kiriha.
« Je ne souhaitais pas que Riru entre en contact avec le Quatrième Primogéniteur. Il est un joker et simplement trop dangereux, vous voyez. »
Kiriha avait secoué la tête avec consternation en répondant.
L’instant d’après, elles avaient entendu un énorme bruit explosif derrière elle. Un brouillard argenté ressemblant à de la fumée d’arme à feu s’éleva dans le ciel avant l’aube. Kojou avait utilisé un des vassaux bestiaux du quatrième Primogéniteur.
« N’avez-vous pas besoin d’aller voir comment il va ? »
Kiriha semblait la taquiner avec cette question. Cependant, Yukina secoua la tête, son expression restant inchangée.
« Sayaka s’en sortira. Senpai aussi, probablement. »
« … Alors, vous faites confiance au quatrième Primogéniteur ? C’est plutôt inattendu. »
Kiriha avait plissé un sourcil avec méfiance. Puis, elle avait secoué la tête, comme pour dire que je me suis mal exprimée.
« Ah, ne vous méprenez pas… Je n’ai aucun intérêt dans le quatrième Primogéniteur. Je suis consciente que vous le surveillez, et je n’ai aucune intention d’interférer. Ce n’est pas moi qui ai impliqué le Quatrième Primogéniteur dans cette affaire, mais Sayaka Kirasaka. »
« Que comptez-vous faire de Yume une fois que vous l’aurez ramenée à Kusuki-Elysée ? Pourquoi le Bureau d’astrologie les aide-t-il ? »
Yukina avait demandé, ignorant les excuses de Kiriha.
Comme l’Organisation du Roi Lion, le Bureau d’Astrologie était un département spécial du Ministère de l’Intérieur. Son implication dans le présent incident expliquerait pourquoi l’Organisation du Roi Lion ne pouvait pas agir ouvertement pour protéger Yume. Le Bureau d’Astrologie exerçait probablement une pression sur le gouvernement pour tenir l’Organisation du Roi Lion à distance.
« Tee-hee, » dit Kiriha en riant, l’air sûr de sa victoire en souriant. « Kusuki-Elysée est le tuteur légal de Yume Eguchi. De plus, elle revient de sa propre volonté. Même l’Organisation du Roi Lion n’a pas le droit de m’arrêter. »
Avec Kiriha comme ça, Yukina avait fait un petit signe de tête, semblant céder à ses paroles en disant, « Je suppose que oui, si Yume le désire vraiment. Cependant — ! »
« Uu !?
Sans prévenir, Yukina s’élança du sol et envoya sa lance vers Kiriha. Instantanément, la lance fourchue avait paré le coup tandis que Kiriha maugréait dans son souffle, car elle avait réalisé que la cible de Yukina n’était pas Kiriha, mais plutôt la lance qu’elle brandissait.
La lance de Yukina avait émis une lueur pâle lorsqu’elle était entrée en collision avec l’arme fourchue de Kiriha. Il s’agissait de la lumière purificatrice de l’Effet d’Oscillation Divin — capable d’annuler toute énergie magique et de déchirer toute barrière. Un son violent, perçant les oreilles, se répandit alors que l’énergie magique autour de la lance fourchue disparaissait.
“Le Schneewaltzer de l’Organisation du Roi Lion. Une arme gênante, en effet…” Kiriha sourit férocement en forçant l’autoritaire Yukina à reculer. »… Quand avez-vous remarqué la vraie nature de cette lance ? »
« Depuis le début. Après tout, le fait que vous apparaissiez juste après le réveil de la personnalité de Riru était trop opportun pour être une coïncidence. »
Après avoir atterri, Yukina regarda Kiriha et positionna sa lance une fois de plus.
La personnalité de Riru qui dormait à l’intérieur de Yume s’était soudainement réveillée en pleine nuit. Une personnalité différente s’était déclenchée, mais aucun stimulus ou expérience ne l’avait provoquée. Par conséquent, il n’y avait qu’une seule possibilité à laquelle elle pouvait penser —
Quelqu’un avait contrôlé l’esprit de Yume de l’extérieur et avait forcé Riru à se réveiller.
« Le Ricercare du Bureau d’Astrologie… La capacité de cette lance est ce qui a réveillé la personnalité de Riru et implanté des suggestions dans Sayaka, oui ? »
Yukina avait jeté un regard froid à la lance de Kiriha alors qu’elle prononçait ces mots.
Ricercare : une arme d’exorcisme construite selon une méthode différente de celle utilisée par l’Organisation du Roi Lion. Sa capacité était d’amplifier l’énergie démoniaque accumulée et de la libérer selon la volonté de celui qui la maniait.
Grâce à l’utilisation de la lance fourchue, le porteur était capable d’employer des capacités spéciales censées dépasser les moyens humains et de manipuler de vastes énergies démoniaques. Le Ricercare pourrait être décrit comme une arme qui copiait l’énergie magique et démoniaque.
« Donc vous avez attiré l’énergie démoniaque de Riru, non, de Yume, dans la lance. Vous avez utilisé cette capacité à l’envers pour que Yume se réveille en Riru. »
« Correct. Bien que je n’aurais jamais imaginé voir toute l’énergie démoniaque que j’ai attirée être balayée comme ça… », déclara Kiriha, bien qu’avec un ton totalement dénué d’excuses.
Pour Ricercare (capable de manipuler l’énergie démoniaque), le Loup de la dérive des neiges de Yukina (capable d’annuler l’énergie démoniaque) était son ennemi mortel. La perte de l’énergie démoniaque accumulée avait déjà déchiré le sort de Kiriha.
« Yukina — !? »
Yume, ayant retrouvé sa vraie personnalité, avait appelé Yukina avec un cri plaintif. Le fait qu’elle n’était pas si surprise de voir Yukina manier la lance signifiait peut-être qu’elle avait quelques souvenirs de ce qui s’était passé lorsqu’elle était Riru.
Quoi qu’il en soit, la situation avait changé. Cette Yume ne souhaitait pas retourner à Kusuki-Elysée. Si, malgré cela, Kiriha entraînait Yume de force, elle n’était qu’une simple kidnappeuse. Yukina pouvait sauver Yume indépendamment de sa mission d’Organisation du Roi Lion.
« Maintenant j’ai une raison de vous arrêter. Ou allez-vous simplement vous retirer, Six Lames ? »
Yukina a dûment prévenu Kiriha. Sûrement, même Kiriha a compris qu’ils avaient échangé leurs places. Si Kiriha restait plus longtemps, le prestige du Bureau d’astrologie serait en jeu.
Malgré cela, Kiriha avait fait tournoyer sa lance avec un simple bruit et avait dit : « J’espérais sincèrement que nous nous entendrions, mais vous ne me laissez pas le choix… Cela va à l’encontre de notre accord avec l’Organisation du Roi Lion, mais je suis sûre qu’ils vont considérer que ce sont des circonstances exceptionnelles — ! »
« — ! »
La lance fourchue était devenue un typhon qui avait stoppé net la lance d’argent de Yukina.
La lance de Kiriha n’était plus chargée d’énergie démoniaque, mais elle n’avait rien perdu de sa fonctionnalité en tant qu’arme dans le processus. De plus, le Loup de la dérive des neiges de Yukina ne pouvait pas utiliser son effet spécial contre les attaques dépourvues d’énergie démoniaque. Les deux étaient sur un pied d’égalité.
« Si vous pensiez que sceller la capacité de Ricercare était suffisant pour gagner, vous êtes naïve ! »
« … Urk ! »
L’incroyable rafale d’attaques de Kiriha avait forcé Yukina à se mettre sur la défensive. La Chamane Épéistes de l’Organisation du Roi Lion et les Prêtresses des Six Lames du Bureau d’Astrologie avaient des racines communes. Les techniques utilisées par les deux étaient très similaires.
Ainsi, c’est la différence entre les compétences des manieurs qui déterminait qui avait le dessus.
Même si elle était talentueuse, Yukina manquait cruellement d’expérience au combat. Elle ne pouvait pas non plus nier qu’elle avait un désavantage physique. Chacune des attaques d’une Prêtresse des Six Lames, experte en combat contre les bêtes démoniaques, était un coup rapide et lourd. Le petit physique de Yukina pouvait être facilement malmené, même en se protégeant.
Cependant, ce n’était pas Yukina qui semblait nerveuse mais Kiriha, l’attaquante.
Les attaques mortelles de Kiriha ne touchaient pas Yukina.
Une Chamane Épéistes de l’Organisation du Roi Lion était capable de scruter un bref instant l’avenir. Il en allait de même pour une Prêtresse des Six Lames du Bureau d’Astrologie. Cependant, Yukina était la première à lire les mouvements de Kiriha.
La vue spirituelle de Yukina était bien supérieure à celle de Kiriha.
« J’aurais dû m’y attendre de la part de l’individu que l’Organisation du Roi Lion a choisi pour surveiller le quatrième Primogéniteur… J’avais pensé que vous étiez une petite enfant buveuse de lait avec une belle apparence comme caractéristique, mais ça… Tee-hee, ça en vaut la peine — ! »
Kiriha avait éclaté d’un rire féroce. Sa façade raffinée était tombée, exposant pleinement sa vraie personnalité : sadique et belliqueuse.
« Éclair brut — ! »
Kiriha avait déséquilibré Yukina avec une seule attaque de force brute, suivie d’un coup de genou sévère. Il s’agissait d’une technique d’attaque brutale imprégnée d’énergie rituelle pour le combat contre les bêtes démoniaques. Être frappé par un tel coup détruirait invariablement les organes internes de tout humain normal.
Mais Yukina avait évité cette attaque impitoyable et s’était glissée dans le flanc de Kiriha à son tour.
« Déforme ! »
Yukina avait déclenché une attaque éviscérante à bout portant. Kiriha avait instantanément basculé en arrière, parant le choc du coup.
« Lynx des brumes — Lunes jumelles ! »
Lorsque Kiriha avait poussé son Ricercare, ses lames jumelles avaient résonné, dispersant des ondes soniques destructrices tout autour. Le bâton amplificateur d’énergie magique avait boosté l’énergie rituelle de Kiriha, lui permettant de lancer un puissant sort rituel offensif.
« — !? »
« Yukina — !? »
Yume avait crié à pleins poumons en voyant Yukina engloutie par la vague sonique destructrice. Cependant, Yukina n’avait pas faibli. La lueur émise par la lance d’argent qu’elle brandissait avait créé une énergie rituelle qui avait tranché la vague sonique destructrice. Ensuite :
« Loup de la dérive des neiges ! »
Yukina avait avancé sa lance, traçant une spirale ascendante qui avait fait tomber la lance fourchue de Kiriha.
Kiriha avait reculé avec agacement après avoir vu son énergie rituelle cisaillée. Elle toussa violemment, envoyant du sang couler de ses lèvres. Elle n’avait pas été capable de neutraliser complètement la puissance du coup à bout portant de Yukina.
« Le sang… Mon sang… »
Kiriha essuya violemment ses lèvres humides avec sa paume, soulevant une excitation visible. Ses yeux portaient un regard qui frisait l’ivresse en fixant sa paume teintée d’écarlate.
« Comme je pouvais m’y attendre, je suis désavantagée en combat anti-personnel. Je ne pensais pas qu’un duel avec une Chamane Épéiste de l’ Organisation du Roi Lion serait aussi… stimulant. Quel gâchis que notre temps soit écoulé. Vous ne trouvez pas ? »
« Le temps est écoulé… ? »
Yukina s’était sentie quelque peu décontenancée par les paroles de Kiriha. Mais son visage était illuminé par une lueur éblouissante. Au-delà de la route, l’horizon aquatique était teinté de blanc par le reflet du soleil matinal. L’aube s’était levée.
Kiriha avait abaissé sa lance, ayant apparemment perdu la volonté de se battre.
L’instant suivant, le flotteur de l’Élysium Bleu avait été assailli par une vague d’énergie démoniaque massive, suffisante pour faire trembler le sol.
« — !? »
Yukina tomba à genoux, incapable de résister à l’onde de choc excessive. C’était la même chose que ce que Yukina avait ressenti dans le Parc des Bêtes Démoniaques la veille. Mais en comparaison, la densité de l’énergie démoniaque avait augmenté.
« Cette vague… Mais qu’est-ce que… !? »
Yukina avait regardé la mer avec surprise. La source de la vague d’énergie démoniaque se trouvait au fond de la mer. Une grande quantité de cette énergie était émise sans discernement quelque part sous les vagues, loin de l’Élysée bleu.
Si Yukina avait été plus versée dans les affaires militaires, elle aurait pu se rendre compte que l’impulsion d’énergie démoniaque ressemblait au sonar actif d’un sous-marin militaire, et que quelque chose se cachant dans les profondeurs de la mer émettait une onde d’énergie démoniaque comme un capteur pour discerner la position de son ennemi — .
« Ombre, mais pas ombre, brume mais pas brume, lame mais pas lame — ! Comme le rêve tranchant, jouons l’instrument de la destruction ! »
Yukina étant distraite par l’impulsion d’énergie démoniaque, Kiriha avait saisi l’ouverture momentanée et elle psalmodia une incantation. Son Ricercare amplifia la vaste énergie magique qui s’écoulait d’elle pour former une lame de vagues soniques.
Yukina fit immédiatement un mouvement pour lever le Loup de la dérive des neiges, mais il était trop tard. Avant que Yukina ait pu se préparer, l’attaque de Kiriha arriva, la fauchant. L’onde de choc de la lame traversa l’air.
Yukina ne s’était pas défendue à temps. Pourtant, ce n’est pas Yukina qui avait émis un faible gémissement de surprise, mais Kiriha, qui avait lancé l’attaque.
« Yu… moi… ? »
« Riru ? »
Les deux filles s’étaient adressées simultanément à la jeune fille par deux noms différents.
***
Partie 6
L’attaque de Kiriha avait été bloquée par une paire d’ailes noires, apparemment déployées pour protéger Yukina. Il s’agissait d’ailes ombragées tissées d’énergie démoniaque, et c’était Yume qui les avait déployées. C’était elle, et non Riru, qui puisait dans son propre pouvoir de succube, protégeant Yukina de son plein gré.
« S’il vous plaît, arrêtez ça. Kiriha, Yukina, toutes les deux — »
Yume avait fait un sourire solitaire en appuyant sur le col de sa robe d’été déchirée. Puis elle avait tourné le dos à Yukina et Kiriha, et avait tourné son regard vers l’Élysium Bleu.
Sous le ciel de l’aube, de l’autre côté de la crique, elle pouvait distinguer le Parc des Bêtes Démoniaques — le site du laboratoire de Kusuki-Elysée.
« Ça n’a plus d’importance… Je vais… en finir avec tout ça, alors… »
Yume avait alors battu des ailes. Sans un bruit, son petit corps s’était élevé dans le ciel, semblant planer alors qu’elle s’envolait.
« … Yume… Pourquoi !? »
Yukina, instantanément laissée pour compte, ne comprenait pas ce qui venait de se passer. Pourquoi Yume, censée fuir Kusuki-Elysée, aurait-elle soudainement changé d’avis ? Et quelle était cette impulsion d’énergie démoniaque émise depuis le fond de la mer — ?
Pour une raison inconnue, un petit sourire impétueux s’était emparé de Kiriha, sûrement consciente de ces réponses alors qu’elle levait les yeux au ciel et regardait Yume s’envoler.
Yukina et Kiriha avaient toutes deux maintenu leur garde, mais elles avaient déjà perdu toute raison de se battre.
Yume, après tout, était partie.
« Asagi… Aiba… »
Abaissant sa lance fourchue, Kiriha murmura tout en déplaçant son regard vers la zone située derrière Yukina. Yukina, entendant des bruits de pas s’approcher, avait également regardé par-dessus son épaule. Asagi courait vers elles, portant des sandales et respirant lourdement. Asagi, ayant repris conscience au chalet, avait réalisé que Kojou et Yukina étaient absents et elle était venue les chercher.
« — Himeragi, que s’est-il passé ? Où est Yume ? »
« Aiba, ne fais pas ça ! Ne t’approche pas ! »
Yukina avait crié, se méfiant de la façon dont Kiriha pourrait agir. Asagi s’était arrêtée, surprise par sa voix.
Cependant, Kiriha n’avait fait que jeter un regard indifférent dans la direction d’Asagi. Les seules émotions que ses yeux portaient vers Asagi étaient la pitié et le dédain.
« Je vois… vous êtes… la prêtresse de Cain… »
« Qui êtes-vous, bon sang… ? »
Kiriha lui envoyant un regard qui ressemblait à de la haine pure et simple, Asagi lui rendit son regard avec un déplaisir visible. Kiriha tenait fermement sa lance, apparemment avec la soif de sang qui la parcourait, mais elle avait immédiatement réfléchi et avait secoué la tête en disant :
« C’était… illogique de ma part de vous faire des reproches. Mais je suis désolée. Ne me dépréciez pas pour ça… »
Après coup, elle avait ajouté « Adieu » et elle s’était tournée vers Yukina et Asagi.
Sans un autre mot, Kiriha était partie.
Yukina ne pouvait rien faire d’autre que regarder.
+++
L’endroit qui était autrefois la cour du cottage s’était transformé en un spectacle tragique.
Le sol s’était effondré, comme si une pelle géante avait creusé un trou dans le sol. Les supports structurels de l’île artificielle, désormais exposés, étaient submergés par l’eau de mer. Des copeaux de caoutchouc s’étaient répandus sur la route et même les glissières de sécurité avaient été emportées sans laisser de traces. Les vagues s’écrasaient sur l’herbe verte, inclinée en biais.
Yukina avait instinctivement su qui était responsable. Kojou avait utilisé un Vassal Bestial. Pourquoi avait-il besoin de déclencher une destruction aussi incroyable juste pour libérer Sayaka du contrôle mental ? se demanda Yukina, se sentant étourdie d’une certaine façon.
« Senpai !? »
Une partie de la pelouse s’enfonçait dans la mer. Là, apparemment au bord même des vagues, un garçon et une fille étaient tombés dans un enchevêtrement. La fille portait ses cheveux en queue de cheval tandis que le garçon portait un simple T-shirt et aucune chaussure. Tous deux semblaient presque morts, car ils gisaient inconscients, leurs corps entiers couverts de sang.
Asagi, ne connaissant pas les circonstances, avait couru vers le couple, le visage pâle. « Attendez un… Qu’est-ce que c’est… !? Tentative de suicide en amoureux !? »
Maintenant qu’elle le mentionnait, la main droite de Sayaka tenait une épée longue imbibée de sang, et le ventre de Kojou portait les cicatrices de son empalement. Cela ressemblait vraiment aux conséquences d’une querelle d’amoureux qui s’était terminée par la fille poignardant le garçon avant de le rejoindre dans la mort.
« Hé, Kojou, tiens bon ! Toi aussi, Kirasaka… Qu’est-ce qui se passe ici !? »
Avec le corps de Sayaka affalé sur celui de Kojou, Asagi les avait traînés au loin. Elle commença à les ramener sur la terre ferme, alors qu’ils risquaient de sombrer dans la mer, lorsque Kojou, ayant repris conscience, objecta d’une voix rauque :
« Ça fait mal… Merde. Ne me secoue pas trop. J’ai un trou dans l’intestin et j’ai failli mourir et tout. »
Sans réfléchir, Asagi avait jeté un coup d’oeil par-dessus le T-shirt de Kojou, taché de cramoisi. « … Quoi ? Un trou dans ton intestin… Hein !? »
Puis Yukina s’était adressée vers Sayaka, effondrée. « Sayaka, comment te sens-tu ? Es-tu blessée ? »
Elle n’avait pas de blessures majeures visibles. Le col de sa chemise d’école était anormalement lâche, mais c’est à peu près tout.
Yukina avait froncé les sourcils quand elle remarqua les vestiges de saignement de quelque chose comme un suçon sur le cou fin de Sayaka.
« Yukina… ? »
Sayaka avait ouvert les yeux avec une expression vide. Levant les yeux vers Yukina dans son champ de vision, elle inclina la tête, comme si elle soupçonnait qu’elle rêvait encore.
« Es-tu consciente ? »
« Où… suis-je ? J’ai rencontré cette fille effrayante de Prêtresse des Six Lames au Kusuki-Elysée, et puis… »
Sayaka murmura d’une voix inconstante quand elle sursauta soudainement, revenant à la lucidité. « Kojou Akatsuki !? Est-ce que tu vas bien ? J’ai cependant un peu fait passer l’Écaille lustrée à travers ta poitrine à pleine puissance… ! »
Naturellement, même Yukina était consternée par la stupéfiante confession de Sayaka. « À travers sa poitrine… !? »
Apparemment, Kojou n’avait pas exagéré ou fait une hyperbole en disant qu’il avait un trou dans le ventre et qu’il avait failli mourir.
Yukina pouvait comprendre la logique : Kojou, un amateur au combat, avait besoin d’un sacrifice de ce niveau pour empêcher Sayaka de bouger. Mais pourquoi devait-il faire quelque chose d’aussi imprudent dans mon dos ? pensa Yukina, se sentant plutôt indignée.
Ne sachant pas ce que Yukina criait dans son cœur, Kojou s’était assis et s’était adressé à Sayaka d’une voix posée. « … Quoi, donc tu te souviens de ce que tu as fait quand tu étais contrôlée ? »
Même s’il grimaçait de douleur en parlant, il n’avait pas l’air d’être si accablé par ses blessures. Sans aucun doute, le pouvoir de super guérison que possèdent les vampires Primogéniteurs était à l’œuvre.
Sayaka avait les larmes aux yeux en regardant entre sa main droite tachée de sang et le visage de Kojou et déclara :
« — Kojou Akatsuki. Je… euh… »
« Oh… c’est bon, ne t’inquiète pas pour ça. C’est moi qui l’ai provoqué, et la plaie est déjà presque fermée. Tu m’as rendu le sang que j’avais perdu et tout. »
« D-D’accord… »
Sayaka baissa la tête en pressant une main sur son cou. La rougeur de ses joues n’était sûrement pas due uniquement au fait qu’elle avait été baignée par les rayons du soleil matinal.
Peut-être se sentait-elle coupable d’avoir blessé Kojou, mais l’attitude étrangement douce de Sayaka avait fait que Kojou avait détourné les yeux, comme s’il rougissait un peu, lui aussi.
« Au fait, Sayaka, peux-tu… faire quelque chose pour ces vêtements ? C’est un peu difficile de te regarder comme ça… »
« … Eh !? »
Lorsque Kojou le lui fit remarquer, Sayaka réalisa pour la première fois que son col était ouvert. Exposée jusqu’à son soutien-gorge, elle laissa échapper un cri contraint, couvrant son décolleté.
Pendant un moment, Asagi avait regardé la scène à l’eau de rose entre Kojou et Sayaka en silence, puis elle déclara finalement : « Je vois… J’ai une assez bonne idée de comment vous avez fini dans cet état. »
De même, Yukina avait posé un regard glacial sur Kojou. « J’aurais pu m’y attendre, Senpai. De penser que tu boirais le sang de Sayaka dès que tu seras hors de notre vue. Avais-tu cela à l’esprit lorsque tu m’as envoyée après Yume ? »
Pendant ce temps, Sayaka avait serré ses genoux en s’asseyant où elle était.
« Être vu comme ça… et par Yukina en plus… Je veux juste mourir. Tuez-moi maintenant… »
Elle dégageait une aura très sombre alors qu’elle se murmurait à elle-même encore et encore.
Sentant que tout le monde le blâmait, Kojou avait baissé la tête et avait regardé tout autour de lui.
« Eh ? Erm ? Pourquoi parlez-vous comme si j’avais fait quelque chose de mal ? J’ai sauvé Kirasaka, non ? »
« Plus important, Senpai… à propos de Yume… »
Yukina, se sentant découragée par le comportement décontracté de Kojou, avait changé de sujet.
« … Je n’ai pas pu la ramener. Je m’excuse. »
« C’est donc… Il faut vraiment qu’on fasse quelque chose pour cette personnalité de Riru, alors… »
Kojou s’était gratté la tête avec consternation. Riru était retournée à Kusuki-Elysée de sa propre volonté. Il ne pouvait pas reprocher à Yukina d’être incapable de la ramener.
Mais Yukina s’était mordue la lèvre et avait secoué la tête.
« J’ai été capable de ramener Yume à la conscience. Cependant, après, il y a eu une puissante interférence d’énergie démoniaque du fond de la mer, et Yume a soudainement dit qu’elle voulait en finir, alors… »
« … Une interférence d’énergie démoniaque ? » demanda Kojou, perplexe.
Il pouvait comprendre que Kusuki-Elysée voulait Yume parce qu’elle était un type de démon rare, mais il ne voyait pas ce qu’elle avait à voir avec l’énergie démoniaque transmise par le fond de la mer. D’ailleurs, qu’est-ce que ça voulait dire « en finir » ?
Alors que Kojou et Yukina se taisaient sous ses yeux, Sayaka s’était empressée de murmurer : « Comment est-ce possible… ? ? Ils en sont déjà arrivés à ce stade… !! »
Kojou et Yukina l’avaient regardée avec surprise.
« Sayaka ? »
« Sayaka, tu sais ce que veut cette fille, Kiriha ? Si tu le sais, dis-le nous. On ne sait rien de ce qui se passe ici. Que compte faire Kusuki-Elysée avec Yume ? »
« Er… ah, c’est… »
Avec Yukina et Kojou qui insistaient fortement sur la question, Sayaka semblait instantanément en conflit. Elle hésitait sans doute à partager les détails de sa mission de danseuse de guerre chamanique. Mais peut-être pensait-elle que c’était inévitable après les avoir entraînés aussi loin, car Sayaka expira alors avec une apparente résignation.
« Le rôle de Yume Eguchi est celui d’être un… sacrifice humain. »
« … Un sacrifice humain ? »
« Le président de Kusuki-Elysée a l’intention d’utiliser les pouvoirs de contrôle mental des succubes pour contrôler une arme vivante immergée au fond de la mer. Yume Eguchi est le sacrifice humain choisi à cette fin. Elle est le successeur de Lilith, la sorcière de la nuit — en d’autres termes, la succube la plus puissante du monde. »
« La plus puissante… Succube ? »
Kojou avait fait écho aux mots apparemment irréels de Sayaka comme un idiot. Yukina et Kojou étaient tous deux en état de choc. Mais aucune personne présente ne s’aventura à nier la déclaration de Sayaka. Aussi absurde que cela puisse paraître, un exemple défiant tout sens commun, connu sous le nom de Vampire le plus puissant du monde, se tenait juste devant leurs yeux. Par conséquent, l’existence d’une Succube la plus puissante du monde n’était pas si étrange.
Asagi s’était soudainement souvenu de quelque chose et avait demandé, « Par “arme vivante immergée au fond de la mer”, quoi, comme ces Nalakuvera il y a quelque temps ? »
Elle avait été témoin du débarquement des Nalakuvera sur l’île d’Itogami lors d’un incident terroriste plusieurs mois auparavant. Bien qu’ils aient réussi à limiter les dégâts au minimum, les capacités de combat des Nalakuvera étaient choquantes. Ils étaient sur le point de réduire l’île d’Itogami en cendres.
Si une arme vivante dormant au fond de la mer rivalisait avec le Nalakuvera, il n’était pas étrange que certains veuillent mettre la main dessus. C’était encore plus vrai pour une société à la pointe de la recherche écologique sur les bêtes démoniaques.
Mais Sayaka secoua la tête avec un regard de peur non dissimulée dans les yeux.
« Non. Les Nalakuvera ont été construits par les Devas, autrement dit, une ancienne race de surhommes. Ils avaient peut-être une civilisation rivalisant avec la science moderne, mais au final, ils n’étaient que des humains. »
Puis, Sayaka fixa droit sur la mer, sous le crépuscule frais, tandis que sa voix tremblait.
« Mais cette arme vivante est différente. C’est un monstre de l’âge des dieux. Ce n’est pas quelque chose que l’humanité peut contrôler. »
Yukina murmura, semblant se poser la question à elle-même, « C’est donc pour cela qu’ils sacrifient Yume… ? »
Asagi haussa les épaules et poussa un profond soupir en déclarant avec ironie : « Depuis toujours, il est de coutume de sacrifier des vierges pour apaiser la colère des monstres. »
« Mais qu’est-ce que c’est que ce monstre, alors — ? » Kojou demanda à Sayaka, en lui lançant un regard noir.
Sayaka semblait timide en le regardant. Son sourire crispé était décontracté, en quelque sorte.
« Même vous, vous devez au moins connaître le nom. »
« Eh ? »
« C’est un monstre marin dont ils ont parlé dans la Bible, le serpent de la jalousie, la plus puissante créature créée par les dieux… »
« — Le Léviathan. »
***
Chapitre 4 : Un autre plus puissant
Partie 1
Dans la partie centrale du parc des Bêtes Démoniaques, le centre de recherche Kusuki-Elysée était construit sur un cap qui s’avançait dans la mer. Le bâtiment avait une silhouette futuriste, comme un coquillage en spirale de couleur argentée logé dans la surface du sol.
Quatre bateaux privés appartenant à Kusuki-Elysée étaient amarrés à une jetée désignée en bord de mer. Deux d’entre eux étaient des transporteurs pour les bêtes démoniaques et leur nourriture. Un autre était un navire à grande vitesse utilisé comme ferry pour l’île d’Itogami. Le dernier était un étrange sous-marin peint en blanc comme la neige.
Le Yotaka avait une silhouette bizarre, bombée à des endroits bizarres. La coque était recouverte d’un épais métal et la poupe était équipée de deux vis de propulsion géantes. Kusuki-Elysée avait acheté un petit prototype de sous-marin destiné à l’origine à un usage militaire.
Développée pour la reconnaissance, la coque n’atteignait même pas cinquante mètres de long. Le cockpit, construit pour trois personnes, était exigu. À l’arrière de l’étroit poste de pilotage se trouvait un réservoir d’eau transparent, ressemblant à un cercueil, qui se tenait à la verticale.
À l’intérieur du réservoir d’eau, rempli de liquide bleu, se trouvait Yume Eguchi, les yeux fermés, portant une tenue ressemblant à un maillot de bain.
« C’est donc ça, LYL. Étonnamment petit, oui ? »
Kazuomi Kusuki murmura en regardant les machines qui occupaient l’espace autour du réservoir d’eau. Bien qu’il ait remarqué la présence de Yume à l’intérieur, il avait simplement plissé les yeux avec indifférence.
« À proprement parler, ce n’est qu’une partie de LYL — le module de contrôle. »
Kusuki, debout sur une grue mobile, avait entendu une voix provenant du haut-parleur derrière lui. C’était une voix synthétique qui ressemblait à celle d’un homme d’âge moyen à la voix gutturale. La voix parlait avec des tournures de phrases bien en retard sur l’époque, des traces mineures de prononciation étrangère subsistaient.
En regardant lentement en arrière, Kusuki vit un étrange véhicule entièrement revêtu d’une armure rouge. La masse de métal ressemblait à une tortue, avec quatre pattes courtes et trapues qui en sortaient. C’était un prototype de micro-tank pour la guerre urbaine contre les démons.
« Les calculs nécessaires pour contrôler le Serpent sont effectués sur l’ordinateur central ici au laboratoire. La faible batterie d’un sous-marin ne peut pas supporter un système à l’échelle requise, c’est donc une précaution contre les circonstances imprévues. »
« Une sage décision. Peut-être qu’une amélioration supplémentaire permettrait cependant de contrôler le Serpent en solo. »
Les paroles du conducteur du tank robot n’avaient pas changé l’expression de Kusuki, il avait simplement hoché la tête.
La personne isolée à l’intérieur du tank était une hackeuse expérimentée connue sous le nom de Tanker. C’est elle qui avait conçu le système spécial que Kusuki-Elysée avait baptisé LYL. Malgré son apparence bizarre, ses compétences en tant que programmeur étaient réelles. Et si ses subordonnés étaient compétents, Kusuki ne se souciait pas de leur apparence.
« Qu’en est-il de Yume Eguchi ? Vous l’avez endormie ? »
Kusuki avait finalement demandé des nouvelles de Yume, là, dans la citerne d’eau. Tanker, toujours relié au sous-marin par d’innombrables câbles, avat lentement fait tourner la caméra.
« C’est un état semi-éveillé, car Lilith perdra sa réserve d’énergie démoniaque si la conscience est perdue. En d’autres termes, la fille est en train de rêver en ce moment. »
« … Je vois. Donc seulement une succube dans ses rêves. »
En murmurant ainsi, Kusuki avait renâclé, visiblement peu amusé.
« C’est très ironique que la plus puissante succube du monde soit une fille comme ça. Même moi, je me sens un peu désolé de l’avoir sacrifiée comme ça… »
« Mais c’est ce que Lilith elle-même désire. Et c’est dans ce but que LYL a été créé, alors… »
Tanker avait fait cette déclaration avec son ton exagéré.
« C’est vrai. Alors le moins que l’on puisse faire est de s’assurer que son sacrifice n’est pas vain, » dit Kusuki, un sourire audacieux apparaissant sur son visage.
L’instant d’après, un jeune employé du Kusuki-Elysée arriva en courant. Son visage tremblait de peur et il tenait une tablette PC.
« Président, nous avons déterminé la position du Serpent. Il se trouve à 14 nœuds au sud-ouest de l’île principale d’Itogami. La profondeur semble être d’environ quatre cents mètres. »
« C’est comme prévu. »
Tanker avait retiré les câbles, leur devoir accompli, et avait ri avec plaisir. Un mince sourire s’était également emparé de Kusuki alors qu’il regardait Yume, maintenue dans le réservoir d’eau.
« Donc il a en effet été séduit par Lilith. Ils peuvent l’appeler une arme vivante de l’âge des dieux, mais au final, ce n’est qu’une bête. Bien que si elle ne l’était pas, cela rendrait les choses… difficiles. »
« La vitesse du Serpent est estimée à 16 nœuds. À cette vitesse, on craint que le réseau de surveillance des garde-côtes ne le détecte en moins d’une demi-heure, mais… »
« Pas de problème. Le Yotaka est prêt à être lancé, oui ? »
Kusuki avait balayé le rapport de l’employé inquiet et avait sauté à bord du sous-marin blanc. Le Yotaka était le nom que Kusuki avait utilisé pour baptiser le sous-marin.
« Une fois que les modules ont fini de démarrer, à tout moment. »
La tank avait retiré le dernier câble.
Lorsque l’écoutille de maintenance du sous-marin avait été fermée, des lumières s’étaient allumées dans le cockpit. Yume, vêtue d’une tenue moulante ressemblant beaucoup à un maillot de bain, se tordait comme si elle souffrait, soulevant des bulles dans le réservoir d’eau. Les machines apparemment placées pour l’entourer émettaient de faibles gémissements lorsqu’elles s’activaient.
« Avez-vous vraiment l’intention de monter dedans vous-même, président ? Nous n’avons pas encore confirmé que c’est complètement sûr — . »
« Il en va de même pour ceux qui restent au laboratoire, n’est-ce pas ? De son point de vue, quatorze nœuds, c’est à peine le bout de son nez. » Kusuki sourit doucement à l’employé qui s’adresse à lui. « De plus, un roi doit monter une monture digne d’un roi. Aucun peuple ne peut suivre avec zèle un souverain qui s’enferme dans un château. »
« Vous dites vrai, » répondit Tanker avec bonne humeur aux paroles théâtrales de Kusuki.
Kusuki avait jeté un regard d’adieu au robot tank avant de reporter son regard plus loin sur la jetée. Une jeune femme se tenait là, semblant être témoin de l’embarquement de Kusuki dans le sous-marin.
Elle avait des cheveux noirs et un uniforme scolaire noir — Kiriha Kisaki.
« Je vous remercie de votre coopération. Si je parviens à apprivoiser le Serpent en toute sécurité, je veillerai à ce que vous soyez richement récompensé, » déclara Kusuki sur le ton d’un dictateur faisant un discours public.
Avec un gloussement, Tanker avait secoué le véhicule.
« Votre considération est inutile, monsieur le président. Après tout, j’avance aussi mes propres projets. »
« Très franc de votre part, bien que cela rende vos paroles d’autant plus dignes de confiance. »
Kusuki avait hoché la tête en signe de satisfaction et s’était dirigé vers le sous-marin. Il avait fermé l’épaisse double trappe et était entré dans le cockpit étroit et silencieux. Le moniteur principal situé devant le siège du pilote affichait une image en 3D de la situation actuelle sous la mer. Une énorme ombre nageait tranquillement au centre.
Le sous-marin blanc avait commencé à s’immerger. Le champ de vision de Kusuki était teinté de bleu. Alors qu’il contemplait les magnifiques paysages sous-marins, Kusuki s’était mis à rire férocement.
« Maintenant, partons, roi des bêtes démoniaques. Montre-moi ton pouvoir, comme l’a fait autrefois le Seigneur de la guerre perdue, et juge la race humaine arrogante… »
+++
Les rideaux de la chambre des filles du cottage étaient fermés. Au milieu d’une rangée de trois lits, Asagi Aiba avait ouvert un ordinateur portable. Kojou regardait par-dessus son épaule et jetait un coup d’œil à l’écran. Yukina et Sayaka étaient plantées de chaque côté.
Même si Kojou était entouré de filles de son âge, il ne sentait pas son cœur battre la chamade, grâce à l’enjeu : pirater la salle de contrôle des garde-côtes.
« Nous y voilà… C’est probablement ça. Léviathan. »
Asagi avait parlé tout en se connectant à la patrouille anti-sous-marine. L’image affichée était un mélange de motifs orange et verts, comme l’affichage d’un détecteur de poissons.
Kojou avait penché son cou et l’avait regardé pendant un moment.
« Cette image est difficile à lire. Où est la chose ? »
« Je l’ai déjà dit, c’est ça. C’est un Léviathan du début à la fin. »
« Hein ? »
Kojou cligna des yeux, ses yeux s’écarquillèrent alors qu’il fixait la partie qu’Asagi désignait. Il avait regardé entre elle et le terrain environnant, revérifiant les caractères affichés avec l’image plusieurs fois.
« Er, mais c’est… un peu trop grand ! Combien de mètres fait ce truc !? »
« Mon estimation approximative est une longueur totale d’environ quatre kilomètres. Peut-être que c’est étonnamment petit pour un monstre marin légendaire ? »
Asagi avait fait cette déclaration d’une voix sèche et détachée. Du point de vue d’une habitante du monde numérique comme Asagi, elle devait accepter ce que les données affichaient, aussi fous que soient les chiffres.
Sans surprise, Yukina avait fixé Asagi avec perplexité.
« Est-ce vraiment une créature vivante ? »
« Je suppose qu’on ne l’appelle pas la plus puissante bête démoniaque du monde pour rien. Les porte-avions et les sous-marins nucléaires n’ont rien à voir avec ça. »
Asagi avait négligemment haussé les épaules pour que tout le monde puisse le voir. Comme pour appuyer ses paroles, Sayaka avait ouvert la bouche à contrecœur.
« Le Léviathan est une arme vivante des temps anciens — l’âge des dieux. Auparavant, tout ce que l’on savait, c’était qu’elle existait, mais heureusement, elle était restée en sommeil jusqu’à présent. Elle a simplement erré au fond des mers profondes le long des lignes de dragons. À part le fait de couler les navires malchanceux, il n’a pas fait d’effort pour attaquer l’humanité. »
« Attends, donc le président du Kusuki-Elysée pense qu’il peut dompter cette chose ? »
« C’est ça, utiliser le pouvoir de Lilith qui sommeille en Yume Eguchi. »
Sayaka avait hoché la tête en réponse à la question de Kojou. D’une certaine façon, son expression semblait peinée. Elle se sentait sans doute responsable d’avoir été incapable de remplir sa mission de garder Yume en sécurité.
« Lilith… la plus puissante succube du monde, dis-tu ? »
Le visage de Kojou était dur quand il avait posé la question.
Il savait qu’un type de démon connu sous le nom de succubes existait, mais en rencontrer une en chair et en os était une première, même pour Kojou, qui vivait dans un sanctuaire de démons. Même les mots « Succube la plus puissante du monde » n’avaient pas donné lieu à une image ferme dans son esprit. C’était sûrement la même chose pour Asagi et Yukina.
Sayaka, se sentant en quelque sorte bienveillante, avait poliment expliqué :
« Les succubes ne sont pas très puissants comme démons. Leur contrôle mental ne fonctionne que lorsque leurs victimes sont sans défense, comme lorsqu’elles sont endormies. En outre, le croisement avec les êtres humains signifie qu’il n’y a pratiquement plus de succubes de sang pur. »
S’il n’y avait plus de succubes de sang pur, cela signifiait que Yume était probablement un mélange d’humain et de succube. Pas étonnant que Kojou et les autres n’aient pas réalisé qu’elle était un démon.
« Mais même si leur pouvoir est généralement faible, une exception apparaît parfois : une succube dotée de pouvoirs de contrôle mental incroyablement puissants. Le représentant de ce groupe est — »
« Lilith, c’est ça ? »
« Oui, » dit Sayaka avec un hochement de tête grave. « En tant que race, les succubes ne sont pas immortels comme les vampires, donc leur pouvoir est hérité par la réincarnation. Lorsque la Lilith d’une génération précédente décède, la Lilith de la génération suivante naît quelque part dans le monde. C’est donc tout à fait par hasard que Yume Eguchi a hérité de son aptitude à être un réceptacle pour Lilith. »
« Donc elle vivait comme un être humain normal quand son pouvoir de Succube la plus puissante du monde s’est réveillé un jour ? »
***
Partie 2
Je peux comprendre ça, pensa Kojou en se mordant la lèvre. Du point de vue de Kojou, ayant eu la « condition » d’être le plus puissant vampire du monde, il ne pouvait s’empêcher de ressentir une affinité avec Yume. D’autant plus que Yume était une élève de l’école primaire. Elle avait dû être secouée par cette situation encore plus profondément que Kojou.
« Je suis sûre qu’elle était sous le choc, et apparemment il y avait des frictions avec ses deux parents. Il y a même un rapport indiquant qu’elle a été victime d’abus sexuels. »
« Je vois… Donc ils ont fini par apporter Yume à Kusuki-Elysée, » murmura Kojou alors qu’un air de compréhension lui venait enfin.
Depuis sa rencontre avec Kojou et les autres la veille, Yume n’avait pas dit une seule fois qu’elle voulait retourner chez ses parents. Maintenant, ils savaient pourquoi.
Asagi avait froncé les sourcils en signe de mécontentement et avait demandé : « Donc Kusuki-Elysée savait depuis le début que le pouvoir de Yume leur permettrait de contrôler le Léviathan ? »
Si Kusuki-Elysée le savait, ils avaient dû conclure l’accord pour Yume avec l’intention de l’utiliser comme sacrifice humain dès le début.
« Je n’en suis pas si sûre. »
De manière inattendue, Sayaka avait calmement secoué la tête.
« Les succubes sont facilement persécutées, c’est pourquoi Kusuki-Elysée finance leurs soins et leur soutien. Après tout, les capacités des succubes sont très efficaces pour apprivoiser les bêtes démoniaques, donc elles pourraient bien devenir de futurs employés du Kusuki-Elysée et des employés du parc des bêtes démoniaques. »
« Donc ils attendent un retour sur investissement, hein… ? Ça semble assez crédible, » murmura Kojou, déconcerté.
La protection des succubes n’avait pas seulement renforcé l’image de marque de Kusuki-Elysée, elle lui avait également permis d’obtenir des employés de valeur. Pour les succubes elles-mêmes, le soutien d’une grande entreprise était une bonne chose. Jusqu’à présent, les deux avaient été liés dans un cycle vertueux et symbiotique.
Et ils seraient restés ainsi, s’il n’y avait pas eu de Léviathan.
Asagi avait sombré dans la réflexion avec une expression sérieuse. « Donc Kusuki-Elysée n’a pas pris la garde de Yume parce qu’elle est Lilith… ? Est-il possible qu’ils n’aient réalisé qu’elle était Lilith qu’après coup… ? »
Si l’explication de Sayaka était vraie, c’était une simple coïncidence que Kusuki-Elysée ait pris la garde de Yume. Cela n’avait rien à voir avec la situation actuelle.
« Maintenant que j’y pense, la plupart des gens ne penseraient pas que tu puisses utiliser ce pouvoir pour contrôler le Léviathan juste parce qu’il est efficace pour entraîner les bêtes démoniaques. C’est juste un saut logique trop important… En d’autres termes, quelqu’un a murmuré à l’oreille d’un haut responsable du Kusuki-Elysée que Lilith et le Léviathan étaient liés… »
Kojou s’était tourné vers Asagi avec surprise. « Donc quelqu’un les a incités à utiliser Yume pour apprivoiser le Léviathan, alors… ? »
Le souffle de Yukina s’était soudainement arrêté.
« Se pourrait-il que le Bureau d’Astrologie — ? »
Kiriha Kisaki — la Prêtresse des Six Lames du Bureau d’Astrologie. C’était elle, et ceux qui étaient avec elle, qui avaient guidé Kusuki-Elysée et provoqué la situation actuelle. En pensant ainsi, Yukina pouvait comprendre pourquoi Kiriha avait ramené Yume avec elle.
Sayaka s’était soudainement mise à expliquer, sans doute pour le bénéfice de Kojou, mince sur les connaissances historiques.
« … Lilith et Léviathan sont tous deux des symboles des sept péchés capitaux. De plus, les deux sont profondément liés aux serpents dans les mythes. Certains disent que Lilith était le serpent qui a tenté Eve dans le jardin d’Eden, d’autres disent que c’était le Léviathan. Quelle que soit la vérité, il est indéniable que ces deux êtres ont une affinité l’un pour l’autre. »
L’expression de Kojou s’était durcie à la connexion inattendue entre Yume et le monstre qui vit au fond de la mer.
« Ainsi, voir Lilith dotée de puissants pouvoirs de contrôle de l’esprit, en tant qu’ancienne unité de contrôle du Léviathan, une arme vivante façonnée par les dieux, est une déduction qu’un petit nombre d’humains éduqués en sorcellerie ferait. Il n’est pas surprenant que le Bureau d’Astrologie l’ait remarqué, même si le président de Kusuki-Elysée ne l’a pas fait. »
« Le Bureau d’astrologie n’a-t-il pas pour mission d’empêcher les catastrophes naturelles causées par des bêtes démoniaques avant qu’elles ne se produisent ? Si c’est le cas, le fait qu’ils veuillent contrôler le Léviathan me semble être une histoire assez étrange. »
Kojou murmura son doute soudain sur les informations présentées. Yukina et Sayaka le regardaient de gauche à droite, semblant l’encercler.
« C’est en effet étrange. »
« S’il était dangereux, bien sûr, mais si c’est un monstre qui ne fait aucun mal aux gens, qui court après sa propre queue au fond de l’océan, pourquoi se donner la peine de titiller l’ours ? »
« Eh bien, c’est ce que je veux savoir ! Allez demander à cette fille Kiriha vous-mêmes ! » Kojou essaya désespérément de se défiler, intimidé par leur vigueur.
Les lèvres de Sayaka s’effilèrent comme un enfant qui boudait. « J’ai bien l’intention de faire ça la prochaine fois que je la verrai ! »
« Mais en mettant de côté les intentions du Bureau d’Astrologie, pourquoi Kusuki-Elysée coopère-t-il avec eux ? » Yukina avait ignoré la querelle entre Kojou et Sayaka, posant la question dans un calme relatif.
Asagi tapota son clavier, ne dansant que sur sa propre mélodie. « J’ai une assez bonne idée de pourquoi. Ce Kusuki, le président de Kusuki-Elysée, est le financier derrière l’Arche Véritable. »
« L’Arche Véritable ? »
Yukina avait cligné des yeux et hoché la tête, n’ayant jamais entendu parler de cette organisation. Asagi avait affiché le site Web de l’entreprise sur l’écran de son PC mobile.
« Un groupe autoproclamé de protection de l’environnement, mais plutôt des écoterroristes qui font du sabotage au nom de la sauvegarde de l’environnement. Ils ont attaqué des navires de recherche scientifique au nom de la protection des bêtes démoniaques, détruit des filets de protection contre les bêtes démoniaques, interféré dans la chasse aux bêtes démoniaques qui ont attaqué des colonies humaines — bref, toutes les activités criminelles habituelles. »
« Que fait le président d’une société qui achète et vend des bêtes démoniaques en envoyant de l’argent à un groupe comme celui-là ? » Kojou avait fait la grimace.
Asagi avait soupiré, comme si elle aussi trouvait cela ennuyeux.
« Les gens comme ça ne font pas attention aux petites choses comme l’hypocrisie. Ils décident que leur cause est juste, et leur processus de réflexion s’arrête là. »
Ce genre de chose, hein ? Kojou partageait son irritation.
Bien sûr, la protection des espèces de bêtes démoniaques en voie de disparition était un travail utile, mais cela ne voulait pas dire que tout était permis pour cela. Attaquer des humains pour protéger des bêtes démoniaques était inadmissible, d’autant plus pour Kusuki-Elysée, qui capturait des bêtes démoniaques et les vendait ou les utilisait pour ses propres recherches.
Son soutien aux activités terroristes était probablement son idée personnelle, ce qui, dans l’esprit de Kojou, rendait sa logique douteuse encore plus défectueuse.
« Bien que, c’est un peu un problème si un préservationniste radical des bêtes démoniaques met la main sur l’arme vivante la plus puissante du monde. Qu’est-ce qui l’empêcherait de dire que je vais massacrer tous ceux qui font du mal à une bête démoniaque ? »
« … Tu te moques de moi ! Veux-tu dire que ce bâtard de Kusuki va sacrifier Yume au nom d’une “justice” égocentrique comme ça !? »
Kojou respirait difficilement. Entre les craquements de ses doigts serrés, une énergie démoniaque irrépressible s’échappait, éparpillant des étincelles bleu pâle.
Il ne faisait aucun doute que l’homme appelé Kusuki avait l’intention d’utiliser le Léviathan pour le terrorisme. Si le pouvoir du Léviathan était réel, il pourrait défier des nations entières dans une bataille. Il essaierait d’intimider ceux qui capturent et chassent les bêtes démoniaques en leur imposant ses propres croyances.
« Cela ressemble vraiment à une mauvaise blague. Je suis quelqu’un de tolérant, et même moi je suis énervée ! »
Apparemment, Kojou n’était pas le seul à se sentir chauffée. Les doigts furieux d’Asagi avaient tapé vigoureusement sur le clavier, l’écran LCD du PC mobile avait été recouvert d’innombrables caractères anglais et de chiffres.
Peut-être que l’attitude hostile d’Asagi avait rendu Sayaka inquiète, car elle avait demandé timidement, « A-Aiba… ? Er, ah… Qu’est-ce que… tu fais ? »
Cependant, Asagi n’avait même pas jeté un regard dans sa direction alors que les données déchiffrées apparaissaient sur l’écran et qu’elle disait :
« … LYL ? Dans le module de contrôle du Léviathan… Yotaka, hein… ? Je vois. Donc ils dirigent l’opération elle-même depuis le laboratoire. C’est comme une salle de contrôle pour une navette spatiale. »
« Attends, ne me dis pas que tu as pénétré dans les ordinateurs de Kusuki-Elysée ? C-comment… ? » Sayaka se figea dans un choc évident, oubliant même de cligner des yeux.
Asagi envahissait le réseau interne de l’entreprise Kusuki-Elysée. C’était un accès totalement illégal — un crime flagrant. De plus, Asagi n’avait pas pris plus de temps pour faire une telle chose que de traverser une intersection à un feu rouge. Et il est peu probable qu’elle ait été assez maladroite pour laisser des traces.
« Kojou ! »
« Oui ? »
« Yume est dans un sous-marin qui se dirige vers le Léviathan. Kusuki est aussi à bord. »
« Un sous-marin ? Est-ce qu’ils essaient de s’accrocher au dos du Léviathan !? »
C’est mauvais, pensa Kojou en gémissant au fond de sa gorge. Naturellement, lui et les autres n’avaient aucun moyen de récupérer Yume si elle était immergée au fond de la mer.
« Le véritable système de contrôle du Léviathan est le système LYL du laboratoire de Kusuki-Elysée. Si nous le prenons, nous écraserons au moins les plans de Kusuki. »
« LYL… dis-tu ? »
Le visage de Kojou s’était durci, car ces mots lui étaient familiers. Asagi, ignorant l’existence de Riru, avait regardé avec suspicion la réaction de Kojou.
« Pour tirer en toute sécurité le pouvoir du succube, une partie de la conscience de Yume a été transférée dans un ordinateur, une sorte d’intelligence artificielle. On a l’impression d’être un double câblé, créé artificiellement. Donc cette LYL prend le contrôle de Yume et tire le pouvoir de Lilith. »
« C’est donc la soi-disant personnalité de Riru qui coopère avec Kusuki-Elysée… hein ? Je comprends maintenant. »
Kojou se souvenait des mots que Riru avait prononcés pour expliquer sa propre existence : que même si Riru contrôlait le corps de Yume, elle était un être distinct, séparé de Yume. Maintenant, il comprenait aussi pourquoi Riru était capable d’utiliser pleinement le pouvoir de succube de Yume lorsqu’elle la contrôlait : LYL était un système construit expressément dans ce but.
Tant que ce système était opérationnel, Kojou et les autres ne pouvaient pas sauver Yume. Même s’ils la ramenaient par la force, la personnalité de Riru émergerait sans aucun doute une fois de plus et tenterait de coopérer avec Kusuki. En d’autres termes, ils ne pouvaient pas se contenter d’aller sauver Yume, qui se dirigeait vers le Léviathan, ils devaient aussi faire quelque chose pour le système du laboratoire de Kusuki-Elysée.
Bien que cela l’ait ennuyé, le problème était trop important pour que Kojou s’y attaque seul.
« Asagi, puis-je te laisser LYL ? Je vais aller ramener Yume. »
Kojou se leva doucement en posant la question. Naturellement, traiter avec une intelligence artificielle était bien en dehors du domaine de Kojou, et même de celui des deux filles de l’Organisation du Roi Lion. Il n’avait pas d’autre choix que de laisser la question entre les mains d’Asagi.
« Attendez… Ne décidez pas de tout, tout seul, vous deux !! C’est ma mission, vous savez !? »
En écoutant l’échange entre Kojou et Asagi, une Sayaka visiblement nerveuse s’était immiscée dans la conversation. Cependant, Asagi l’avait ignorée, levant les yeux vers Kojou en disant :
***
Partie 3
« J’avais prévu de gérer ça dès le début, mais qu’est-ce que tu vas faire, Kojou ? Comment comptes-tu poursuivre un sous-marin pour la récupérer ? »
« Je pense que Kirasaka peut gérer ça d’une manière ou d’une autre. »
« Hein ? Moi ? »
Sayaka, soudainement le sujet de la conversation, montra le bout de son nez et se figea. Kojou déplaça un regard d’attente vers elle.
« C’est ta mission, après tout. »
« Me sortir ça tout d’un coup, quand même… ! »
« Excusez-moi. Peut-être que le Kusuki-Elysée a un sous-marin de rechange ? » Yukina demanda modestement alors que Sayaka avait des sueurs froides à la vue de tous.
« C’est ça, » dit Kojou, en claquant des doigts. « Si on peut en attraper un et aller chercher Yume avec, c’est fantastique. »
« Oui. C’est-à-dire, s’il y a un… »
Asagi avait sorti sa tablette PC de son sac de voyage et avait fait apparaître une carte aérienne des terrains du laboratoire avant de la remettre à Kojou.
« … Il n’y a pas de sous-marin, mais il y a un bateau rapide. Je pense que je peux le contrôler d’ici grâce au pilote automatique. Vous pourriez ou non attraper Yume et Kusuki avant qu’ils n’arrivent, mais vous pourriez avoir une chance de les atteindre pendant que le Léviathan fait surface. »
Combien d’ordinateurs as-tu amenés ici ? pensa Kojou avec exaspération, en acceptant la tablette. Apparemment, le quai était dans la partie la plus profonde du parc des Bêtes Démoniaques. S’y rendre semblait être un peu une épreuve.
« Dans ce cas, il serait bon de partir aussi vite que possible. »
« … Himeragi, tu viens aussi ? »
Kojou regarda en arrière avec surprise quand Yukina se leva, tenant calmement sa lance. « Ahem, » dit Yukina, se raclant délibérément la gorge.
« Je veille sur toi, après tout. Bien sûr, je vais aller avec toi, Senpai. D’ailleurs… ramener Yume était ma responsabilité. »
« Euh, hum… C’est ma… mission et tout… »
Sayaka étreignit son épée longue en argent, affirmant sa propre existence d’une voix frêle. Cependant, sa sincère affirmation de soi fut rapidement effacée par le bruit de la porte qui s’ouvrit soudainement.
« Yo… Hey, ah, où est-ce que vous allez les gars ? Tous debout si tôt le matin… »
C’était Yaze qui venait d’arriver, entrant dans la chambre des filles sans même frapper. Elles l’avaient laissé endormi dans le couloir, mais apparemment il venait de se réveiller.
« Rien du tout ! Va juste dormir ! »
Expliquer tout ce qui s’était passé avait semblé très difficile à Kojou, alors il avait jeté un oreiller, frappant Yaze à la poitrine.
Il était un peu plus de sept heures du matin. Vu qu’il avait veillé tard la nuit précédente, l’ordre ne pouvait pas être déraisonnable, mais…
« Non, je veux dire, tu dis ça, mais il doit y avoir un secret juteux derrière une grande agitation le matin comme ça. »
Pourquoi Yaze devait-il choisir ce moment pour présenter des arguments sensés ?
Asagi, en entendant cette déclaration mesquine, s’était retournée vers lui, visiblement irritée.
« Ferme-la et prépare mon petit-déjeuner. Va à l’épicerie et achète quelque chose ! »
« Attends, quoi… !? Un magasin de proximité ? Vous êtes dans une station balnéaire à peine aménagée, vous… »
« Ferme-la ! Vas-y ! »
L’ordre despotique de son amie d’enfance envoya Yaze se précipiter hors de la maison, tout en grognant. Kojou et les autres avaient expiré avec soulagement en le voyant partir, puis ils s’étaient préparés en hâte pour le sauvetage de Yume.
3
Kojou et les autres étaient montés dans un chariot électrique automatisé et s’étaient dirigés vers le parc des bêtes démoniaques.
En prévision du combat naval, Kojou portait une tenue minimaliste : un T-shirt et un maillot de bain. Yukina avait couvert son maillot de bain avec une grande parka en nylon et avait porté un étui noir pour un bodyboard sur son dos. Bien sûr, le Loup de la dérive des neiges était à l’intérieur de l’étui. À part ça…
« Hein, as-tu apporté un maillot de bain, Sayaka ? »
Kojou avait posé la question en regardant Sayaka, qui avait changé de vêtements à un moment donné.
Sayaka portait un bikini rose avec un ruban sur les bords. Elle portait également une chemise, mais la chemise ouverte ne servait qu’à mettre en valeur le maillot de bain, qui accentuait considérablement sa poitrine.
« Je l’ai, ah, emprunté à Aiba. Je veux dire, je ne pouvais pas me promener couverte de sang, non ? Il n’y avait rien d’autre qui aurait pu m’aller… C’est… c’est bizarre, n’est-ce pas… ? »
Sayaka lui lança des petits regards de travers en réagissant de manière timide.
« Ah ? Euh, je ne pense pas qu’il y ait de problème particulier concernant ta taille… », répondit Kojou sur un ton professionnel.
Les sourcils de Sayaka s’étaient levés en signe d’agacement. « C’est quoi cette politesse soudaine !? »
« Tu avais l’air de vouloir me découper si je faisais un commentaire imprudent… Plus précisément, tu as un beau corps, alors tu devrais te tenir plus droite. Si tu te penches en avant comme ça, tu mets l’accent sur certaines choses, et ça devient plutôt excentrique, donc… »
« Hein ? Se pencher en avant ? »
Sayaka baissa les yeux sur ses propres seins, ses joues devinrent instantanément cramoisies. Elle ne l’avait pas réalisé, mais à cause du maillot de bain d’Asagi qui était une taille trop petite pour la danseuse de guerre chamanique, le décolleté de Sayaka était en pleine exposition. Quand elle s’était penchée en avant comme ça, Kojou ne pouvait pas s’empêcher d’en avoir plein les yeux.
Lorsque Sayaka s’en rendit compte, elle passa silencieusement une main dans son dos, sortant son épée longue du sac qu’elle utilisait comme camouflage.
« Je vais te tuer ! Je devrais te tuer ici même ! »
« Et voilà, tu recommences ! Je ne faisais que donner un conseil amical ! »
« Tais-toi, espèce de Pervogéniteur — ! »
Sayaka s’apprêtait à frapper Kojou avec une frappe de sa longue épée. Soudain, une lance scintillant d’une couleur argentée glaciale fut projetée devant leurs yeux.
« Est-ce vraiment le moment pour vous deux de faire des bêtises ? »
Les visages de Kojou et de Sayaka s’étaient tous deux figés à la voix de Yukina, trempés d’une hostilité calme.
« H-Himeragi… !? »
« Tu te trompes, Yukina. C’est tout ce que fait le quatrième Pervogéniteur délinquant sexuel… »
« Et je ne plaisante pas du tout, bon sang ! Cette nana a fait sauter le couvercle toute seule — . »
« Quoi ? N’es-tu pas satisfait de quelque chose ? »
Yukina tourna un regard aussi froid que la glace vers Kojou et Sayaka qui continuaient à s’excuser. L’attitude imposante et inhabituelle de la Chamane Épéiste les avait fait frémir et baisser la tête.
« D-Désolé. »
« Je suis désolée. »
« C’est bon, » dit Yukina. Elle avait gonflé ses joues et jeté un coup d’œil à sa poitrine, couverte par sa parka, en laissant échapper un léger soupir.
Huh, ce n’est pas souvent que Yukina s’énerve comme ça, pensa Kojou, trouvant cela un peu étrange même s’il regardait devant lui. Ils étaient finalement arrivés à la porte d’entrée du parc des Bêtes Démoniaques.
La zone autour du parc était entourée de clôtures électrifiées à haute tension, avec de lourds volets abaissés au-dessus de l’entrée. Ces équipements avaient probablement été installés pour empêcher une évasion des bêtes démoniaques, mais ils constituaient également de sérieux obstacles pour les êtres humains qui tentaient de s’y introduire.
Kojou grommels en regardant sa montre.
« Ah oui, c’est encore fermé à cette heure-ci… Comment on entre dans l’enceinte ? »
Kojou, un vampire incomplet, n’avait pratiquement aucune capacité spéciale « vampirique ». Il ne pouvait ni se transformer en brume pour se déplacer, ni voler.
Franchir la clôture n’était pas compliqué, mais il hésitait bien sûr à s’engager dans des activités destructives sans rapport avec leur objectif. Il voulait garder un profil bas et ne pas impliquer le personnel régulier, si possible.
« Quand j’ai fait sortir Yume Eguchi d’ici, je suis entrée dans un tuyau de drainage souterrain, mais… il n’est plus utilisable. » Sayaka semblait également troublée en regardant la clôture et en gémissant.
« Veux-tu dire que Kusuki-Elysée le surveille maintenant ? »
« Non. C’est juste que je l’ai cassé quand je me suis échappée… »
Yukina et Kojou fixaient avec des visages vides la confession désinvolte de Sayaka. C’était une fuite plutôt négligée pour une soi-disant experte en assassinat.
« Sayaka… »
« Pour un étudiant de première année, tu ne te comportez pas comme tel. »
« Non, je… ! Vous vous trompez ! La femme aux six lames a attaqué, alors je n’avais pas d’autre choix que de… »
Kojou laissa les mots de Sayaka professant son innocence l’envahir tandis qu’il se grattait la tête sans réfléchir.
« Eh bien, si on y pense calmement, s’introduire dans un laboratoire d’entreprise et s’enfuir avec un sous-marin sont des crimes courants, même si ce n’est pas Sayaka qui le fait… Si nous sommes arrêtés, ce sera mauvais, non ? »
« Qu’est-ce que tu veux dire, même si ce n’est pas moi qui le fais… !? » Les joues de Sayaka se gonflèrent alors qu’elle s’opposait à être cataloguée comme une criminelle.
Pendant que Kojou et les autres restaient là à discuter, Yume se rapprochait du Léviathan. Penser à ça rendait Kojou nerveux.
« Euh, je veux dire, je ne suis pas vraiment préparé émotionnellement à faire irruption et à détourner un navire comme celui-ci —, » avait-il dit.
« Mon Dieu, quel genre d’homme es-tu ? N’es-tu pas censé être un vampire Primogéniteur cruel et sans cœur, ne versant jamais une larme ? »
« Eh bien, excuse-moi ! Je ne suis pas le genre de gros bonnet qui dirige son propre Dominion. Je veux juste vivre en paix comme un citoyen ordinaire de la ville ! »
La voix de Kojou devint grossière face aux critiques irrationnelles de Sayaka. Soudain, le groupe entendit un cri qui ne venait pas de Kojou, mais de quelque part plus loin.
« Attends, Senpai… Quelque chose ne va pas au Parc des Bêtes Démoniaques… »
Yukina s’était précipitée vers la clôture du parc, car les anomalies s’étaient produites à l’intérieur même du parc des bêtes démoniaques : de violentes secousses du sol, des cris discordants, des bruits de choses lourdes s’écrasant contre quelque chose et des cris de personnes fuyant en panique.
Kojou avait été secoué quand il avait réalisé ce qui n’allait pas.
« Les bêtes démoniaques deviennent folles… !? »
De haut en bas, les bêtes démoniaques du parc des Bêtes Démoniaques se déchaînaient en même temps. Les espèces nourries en plein air, les espèces entraînées dans les enclos et les bâtiments, et même les bêtes démoniques aquatiques dans les piscines extérieures étaient complètement paniquées.
Même de l’extérieur, Kojou et les autres étaient parfaitement conscients de la situation d’urgence.
Sayaka était devenue pâle et avait murmuré : « Ils ont peur. Ils peuvent sentir le Léviathan approcher… »
Sur un coup de tête, le Léviathan avait libéré une vague massive d’énergie démoniaque. Les sens aiguisés des bêtes démoniaques l’avaient détecté et étaient devenus terrifiés, craignant la mort.
« … De toute façon, combien de bêtes démoniaques sont gardées ici ? »
« Trois cents espèces, deux mille deux cents bêtes au total, » répondit sévèrement Yukina à Kojou.
La figure sans espoir avait fait tourner la vision de Kojou.
***
Partie 4
« C’est mauvais… S’ils sortent du Parc des Bêtes Démoniaques, on ne pourra rien faire…, » Kojou se murmure à lui-même en saisissant douloureusement la gravité de la situation.
Certes, le parc des Bêtes Démoniaques avait été conçu pour empêcher les bêtes démoniaques de s’échapper, mais ces précautions avaient été principalement créées en pensant aux bêtes démoniaques féroces. Mais maintenant, même les bêtes démons pacifiques, celles qui ne s’attendaient pas à blesser un être humain, étaient tombées dans un état de terreur. Si elles commençaient à devenir folles sans se soucier de leur propre préservation, ces mesures ne pourraient pas toutes les retenir.
Déjà, des bêtes démoniaques avaient commencé à se déchaîner et à briser les clôtures partout dans le parc et à l’intérieur du laboratoire. Des flammes vacillaient à plusieurs endroits. Certains enclos avaient été détruits, et les premières bêtes démoniaques qui s’étaient échappées avaient déjà détruit les systèmes de sécurité intérieurs du parc, aggravant encore le chaos.
Même si les trois cents espèces ne s’échappaient pas du parc, ce n’était qu’une question de temps avant que près de la moitié d’entre elles n’éclatent. Kojou ne pouvait même pas concevoir les dégâts s’ils se déchaînaient dans le parc d’attractions et les piscines remplis de touristes. Le personnel du parc des Bêtes Démoniaques ne pouvait pas mettre un terme à cela tout seul.
Yukina fixa l’épée longue en argent tenue par la danseuse de guerre chamanique de l’Organisation du Roi Lion et demanda, « Sayaka, peux-tu utiliser l’écaille lustrée ? »
L’Écaille lustrée était une Der Freischötz, une arme de suppression. Les malédictions de haute densité tissées par les flèches sifflantes activaient des malédictions haut de gamme au-delà des cordes vocales des êtres humains. Avec la puissance de telles flèches maudites, neutraliser plusieurs milliers de bêtes démoniaques à la fois était sûrement dans ses capacités.
Cependant, Sayaka semblait impuissante en secouant la tête.
« Il me reste des flèches de malédiction suppressives, donc je pense pouvoir les endormir, mais il n’est tout simplement pas possible de couvrir une zone entière aussi grande. Si nous les avions au moins dans une seule zone, alors peut-être… »
« L’essentiel étant de les rassembler en un seul endroit, hein… ? »
Kojou semblait ruminer et remballer les mots de Sayaka avec un faible gémissement. Ce n’était pas le moment de faire la fine bouche. Une brume cramoisie jaillit du bout de ses doigts au-dessus de sa tête, et avec elle, une énorme énergie démoniaque.
« Kojou Akatsuki !? »
« — C’est à toi de faire, Al-Nasl Minium !! »
Sans tenir compte de la surprise de Sayaka, Kojou invoqua le Vassal Bestial géant qui scintillait comme un mirage. C’était un bicorne à la crinière écarlate. Son corps énorme, de plus de dix mètres de long, était une masse d’oscillations rageuses.
Les cornes jumelles qui dépassaient de sa tête résonnaient comme un diapason, libérant une vague de vibrations diaboliques. Puis, le rugissement se transforma en une masse ronde formée d’ondes de choc, pulvérisant la porte d’entrée du parc des Bêtes Démoniaques sans laisser de trace.
« Merde, alors ça se résume à ça — ! »
Kojou avait agonisé devant les dégâts causés par son propre Vassal Bestial alors qu’il se dirigeait vers le parc des Bêtes Démoniaques.
L’émergence d’une énergie démoniaque diabolique rivalisant avec celle du Léviathan avait commencé à faire paniquer les bêtes démoniaques du parc.
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« Oui, oui, la saisie des droits administratifs est terminée. »
Asagi fredonnait pour elle-même en prenant le contrôle du réseau du laboratoire de Kusuki-Elysée. Cela n’avait pas pris une minute, mais Asagi semblait mécontente.
« Ça a pris plus de temps que prévu. Si ça devait être aussi difficile, j’aurais dû apporter quelque chose de plus puissant qu’un petit ordinateur portable. La bande passante n’est pas suffisante… Mogwai, comment ça se passe de ton côté ? »
« J’ai trouvé ce “LYL”… mais tu as dit que c’était un doppelgänger… !? »
L’IA partenaire d’Asagi qui la soutenait avait répondu d’un ton étrangement humain. Sa voix synthétique et sarcastique était stridente, comme pour montrer que, pour une fois, son intérêt avait été piqué. Elle semblait un peu énervée de réaliser ce qu’était LYL.
Les résultats de l’analyse des capacités de LYL par Mogwai étaient apparus sur l’écran LCD de l’ordinateur. Le score de puissance d’IA de LYL était extrêmement élevé, montrant qu’elle pouvait presque entièrement simuler la personnalité d’un être humain.
Elle avait été intégrée au système en connectant la conscience de Yume Eguchi à un dispositif magique. Elle était capable de prendre le contrôle du corps physique de Yume et d’utiliser ses pouvoirs de succube de manière stable. Asagi s’y attendait.
Ce n’étaient pas les capacités de LYL qui avaient laissé Asagi et Mogwai perplexes. C’était plutôt la nature des données à partir desquelles l’intelligence artificielle avait été créée — en d’autres termes, c’était ses souvenirs et ses traits de personnalité qui les avaient choqués.
« Qu’est-ce que c’est… ? C’est comme une grosse boule de haine envers le genre humain… ! »
Asagi avait éclairci sa gorge sèche.
Rage, malice, jalousie, ressentiment, impulsions destructrices et désirs suicidaires — LYL contenait toutes les mauvaises pensées que les êtres humains possèdent. Même à un jeune âge, nul doute que Yume ne faisait pas exception à cette règle.
Quelqu’un avait pris seulement les parties méchantes à l’intérieur de Yume et les avait intégrées dans une intelligence artificielle.
« Keh-keh… C’est incroyable. Utiliser cette chose comme système de contrôle pour l’arme vivante la plus puissante du monde ? Quelqu’un a du cran. »
Mogwai avait ri d’un plaisir apparent. Asagi avait rudement écarté sa frange de ses sourcils.
« Je vois… Ceux qui héritent de l’âme de Lilith reçoivent un concentré d’émotions négatives… Donc ils ont retiré, condensé et numérisé uniquement ces parties. »
Dès qu’Asagi avait murmuré, une voix étrange s’était mise à résonner dans les haut-parleurs de l’ordinateur. C’était une voix synthétique numérisée, ressemblant à celle d’un homme d’âge moyen parlant dans un japonais peu naturel, comme s’il sortait d’un drame historique.
« Ka-ka… Vous avez raison, impératrice. Et vous êtes également en bonne santé, Mogwai ? »
« Tu es… ! »
Asagi avait jeté un coup d’œil à l’identité de la personne qui s’était immiscée dans sa discussion vocale avec Mogwai, en serrant les dents de frustration.
« Cette façon idiote de parler… ! Lydianne Didier, c’est toi… !? Mais qu’est-ce que tu fais là, Tanker !? »
« Hmm, si vous demandez ça, alors je vais répondre à vos mots avec la vérité. J’ai été chargé d’administrer ce système par mon client, le Bureau d’Astrologie. »
Le propriétaire de la voix, connu sous le nom de Tanker, avait répondu dans une apparente défiance. Lydianne Didier était une hacker freelance voyageant dans les mêmes cercles qu’Asagi. Elle était employée à temps partiel par la Corporation de Management du Gigaflotteur car elle était une interceptrice exceptionnelle, repérant les intrus et les envoyant bouler.
Cependant, dans la vraie vie, elle était une jeune fille étrangère âgée d’à peine douze ans. De plus, elle était une élite élevée chez Didier Heavy Industries, une grande entreprise basée à Neustria en Europe occidentale.
« Tu es l’administrateur de LYL… !? Ne me dis pas que la conception de ce système est aussi ton œuvre ? » accusa Asagi, sa voix suintant l’hostilité.
L’intelligence artificielle était la malice d’une succube sous forme concentrée, et rien d’autre. Asagi était irritée par le fait qu’elle était administrée par une petite fille hacker pas plus âgée que Yume.
« En effet. Mais plus précisément, j’ai simplement fourni le réceptacle pour le transfert de la personnalité. »
« Ne comprends-tu pas combien une telle chose est dangereuse !? » Asagi l’avait prévenu à voix basse.
Si LYL, une masse concentrée d’intentions maléfiques, prenait le contrôle total du Léviathan, elle provoquerait probablement une incroyable tempête de destruction à la surface. Ce n’était pas un simple jeu d’enfant.
Cependant, Tanker avait calmement ri.
« Bien sûr que je le sais. Cependant, je possède un objectif qui m’est propre. »
« Pardon ? Ton objectif ? »
« En effet. Par exemple, engager sérieusement l’impératrice dans un concours d’armes comme celui-ci — n’est-ce pas une expérience plutôt rare — ? »
Asagi secoua la tête en signe d’agacement devant les paroles moqueuses de Tanker.
Bien que ce soit un fait malheureux du point de vue d’Asagi, elle était connue dans une certaine partie du monde de l’entreprise comme une hackeuse légendaire, affublée du surnom plutôt embarrassant de Cyber Impératrice. Si Tanker pouvait surpasser Asagi, sa renommée augmenterait sans aucun doute à pas de géant. D’abord, étant donné la personnalité de Tanker, elle attendait probablement avec impatience l’occasion de se mesurer à Asagi.
« Ah, bon sang ! Bien sûr, ça se transforme en quelque chose comme ça… C’est tellement ennuyeux… ! »
Asagi avait violemment tapé sur son clavier, activant des outils de piratage qu’elle avait elle-même créés.
Même si elle était une petite fille, les compétences en piratage de Lydianne Didier étaient réelles. Asagi n’avait aucune garantie de pouvoir la battre.
« Comment ça se présente, Mogwai ? »
« Honnêtement, tu devrais être en train de fuir maintenant, si tu le pouvais. Le désavantage quant aux spécifications du PC que tu utilises est trop important. »
« Eh bien, je ne peux rien faire à ce sujet. Je n’aurais jamais cru que j’aurais affaire à cet idiote de Tanker dans un endroit comme celui-ci — ! »
Même si Asagi avait crié sur son partenaire atypiquement timide, l’évaluation de Mogwai était bonne. Tout ce qu’Asagi avait sous la main à ce moment-là était un ordinateur mobile bas de gamme, bien loin de son équipement habituel. Bien qu’elle ait pu contrôler à distance le système informatique principal de la Corporation de Management du Gigaflotteur, le décalage des transmissions était un défaut fatal.
« Ne vous inquiétez pas, impératrice, car j’ai déposé un rapport à la police convenant à la miséricorde d’un guerrier. Vous serez au moins épargnée des poèmes embarrassants sur votre ordinateur qui seront diffusés partout. »
Alors qu’Asagi était acculée, Tanker semblait avoir pitié d’elle, la regardant d’en haut. Asagi avait émis un kiii aigu.
« Je n’ai pas de poèmes comme ça ! N’invente pas de faux passe-temps pour les autres ! Et d’ailleurs, dis-moi cette phrase après m’avoir battu ! »
« Hmm, ces mots — je devrais les voir comme si vous aviez accepté mon défi, non ? C’est bien, en effet ! »
« Argh… ! »
Asagi n’avait rien à reprocher à Tanker qui prenait ses paroles pour un engagement. Elle avait complètement coupé sa propre ligne de retraite.
« Bon sang, » fit Mogwai, qui semblait hors de lui en secouant la tête sur l’écran. « Que fais-tu, mademoiselle ? Tu te fais avoir par une gamine de l’école primaire comme ça… »
« Oh, la ferme ! Nous devons faire quelque chose pour elle si nous voulons arrêter LYL, bon sang. Il y a une dernière chose que je veux te demander, Tanker. »
« Et qu’est-ce que vous me demandez ? »
La voix de Tanker était pleine de rires. Asagi avait retenu sa respiration irrégulière et s’était tournée vers le microphone de son casque.
« Tu as dit que tu travailles pour le Bureau d’astrologie, pas pour Kusuki-Elysée, non ? Pourquoi diable le Bureau d’Astrologie veut-il utiliser un système aussi stupide ? »
« — L’objectif du Bureau d’Astrologie est de détruire l’île d’Itogami. Bien sûr, l’Élysium bleu inclus. »
« Hein ? »
La réponse de Tanker, bien loin de ses attentes, avait laissé Asagi momentanément désemparée.
« Attends un peu. Le Bureau d’Astrologie n’est-il pas une agence du gouvernement japonais chargée d’arrêter les désastres de sorcellerie ? Comment sont-ils passés de ça à couler l’île d’Itogami !? »
« Il vaut mieux que tu ne saches pas. Pour ton bien. »
Il n’y avait aucun soupçon d’espièglerie dans la voix de Tanker. Ils essayaient sérieusement de détruire l’île d’Itogami.
L’écran LCD de l’ordinateur d’Asagi était rouge avec des indicateurs d’avertissement. Tanker, l’administrateur système de LYL, avait apparemment commencé à déployer des efforts pour repousser l’invasion d’Asagi.
« Qu… !? Attends, Lydianne ! »
« Les pourparlers sont terminés, impératrice — en garde ! » déclara froidement Tanker.
Asagi avait maudit dans son souffle et avait commencé à monter sa défense.
Tranquillement, sans que personne ne le sache, le rideau s’était levé sur la bataille, la survie de l’île d’Itogami étant en jeu.
***
Partie 5
Le sous-marin blanc semblait glisser en avant à la surface de l’eau. La position actuelle indiquée sur la carte de navigation était à environ douze nœuds de la côte de l’Élysium Bleu. Déjà, il n’y avait aucun signe de la silhouette de l’île, il n’y avait que la surface bleue de l’océan à perte de vue.
Les vis de propulsion du sous-marin s’arrêtaient lentement. L’étroit cockpit était rempli de silence, seul le bruit des bulles dans le réservoir d’eau subsistait.
Yume Eguchi était dans le réservoir d’eau, mais ses yeux vides étaient tournés vers le haut. La personnalité LYL s’était emparée d’elle, extrayant sans retenue le pouvoir de la plus puissante succube du monde et l’utilisant pour attirer le Léviathan, qui rôdait au fond de la mer.
« Ici le Yotaka… Nous sommes arrivés au point de contact avec le Serpent. »
Kusuki, assis dans le siège du pilote, avait parlé à un émetteur. Il avait entendu la voix calme et posée de Kiriha Kisaki provenant du haut-parleur.
« Tout est comme prévu, président. Passez à la phase d’amarrage. »
« Roger, » murmura Kusuki, assis profondément dans son siège, complètement satisfait.
Ils auraient pu l’appeler la phase d’amarrage, mais ce n’était pas à Kusuki de la mettre en œuvre. Le sous-marin Yotaka devait pénétrer à l’intérieur du corps du Léviathan et devenir l’unité de contrôle de la plus puissante bête démoniaque du monde.
L’arme vivante de l’Âge des Dieux se déplacerait selon la volonté de Kusuki. Au minimum, il ne resterait plus personne défiant Kusuki sur les mers. Les nations insulaires, comme le Japon, trouveraient toutes leurs lignes de vie à la merci de Kusuki.
Bien sûr, Kusuki ne souhaitait pas de massacres et de destructions inutiles. Kusuki pensait simplement que le monde actuel était mauvais et devait être corrigé.
Guerres, violence, discrimination raciale, pollution environnementale — le monde actuel avait beaucoup trop de problèmes. Parmi eux, celui que Kusuki pouvait le moins pardonner était le traitement des bêtes démoniaques. On disait qu’il y avait entre dix et vingt mille espèces de bêtes démoniaques dans le monde, au bord de l’extinction. Malgré cela, plusieurs peuples avaient volé aux bêtes démoniaques leurs habitats et leurs sources de nourriture, et avaient continué le massacre qu’ils appelaient « éradication ». Une telle hérésie ne pouvait être pardonnée.
Son plan était de réveiller l’humanité de ses manières arrogantes pour parvenir à une coexistence pacifique avec les bêtes démoniaques. Ce n’était certainement pas un problème si un ou deux cent millions d’humains mouraient au nom d’un objectif aussi noble.
À l’heure actuelle, les humains et les démons coexistaient selon les termes du Traité de la Terre Sainte — mais pour que ce traité voie le jour, le Seigneur de la Guerre Perdu avait déclenché une guerre qui avait plongé le monde dans un chaos incroyable. Il avait fait en sorte que l’humanité reconnaisse les droits des démons en empilant d’innombrables cadavres les uns sur les autres. En fin de compte, Kusuki faisait simplement la même chose.
Il allait déployer le pouvoir de la plus puissante bête démoniaque du monde pour leur faire reconnaître les droits des bêtes démoniaques. Kusuki était le seul à pouvoir le faire. Kusuki était la seule personne capable de diriger l’arme vivante de l’Âge des Dieux. Kusuki était le roi élu, celui qui allait rétablir le monde.
Et devant les yeux de Kusuki, celui qui allait devenir roi, une grande ombre était apparue.
« Ohh… »
La mer se fendit, et un énorme monstre marine remonta à la surface. C’était le Léviathan, la plus puissante bête démoniaque du monde, si énorme qu’il ne pouvait pas en saisir toute la longueur. Cependant, sa forme ressemblait certainement à un serpent. Ou peut-être, le dragon légendaire et l’ichtyosaure, un dinosaure qui vivait sur Terre à l’époque préhistorique, étaient-ils une seule et même chose.
En même temps, il ressemblait à une arme. Son torse lisse et brillant ressemblait aux derniers sous-marins nucléaires, et ses écailles translucides étaient indiscernables d’un blindage.
Peut-être en raison du passage de plusieurs dizaines de milliers d’années, le corps entier du Léviathan était couvert de bernacles, avec un certain nombre de vieilles cicatrices. Son apparence était terrifiante, et en même temps, divine.
« Je vois… Voici donc le Léviathan. Vraiment, c’est la plus grande des bêtes forgées par les dieux, féroce, mais belle en effet. Ne le penses-tu pas, Yume Eguchi ? »
Kusuki, la voix aiguë due à une excitation irrépressible, s’était adressé à la jeune fille à l’intérieur du réservoir d’eau. Face à l’énormité du Léviathan, il avait sans doute enfin saisi la véritable étendue du pouvoir de Lilith qui le contrôlait. Il y avait une lueur de pitié dans les yeux de Kusuki quand il regardait Yume.
« Tu n’es pas un simple sacrifice humain pour le Léviathan. Sois fière, car avec ceci, toi et moi avons gagné le droit de contrôler la bête — ensemble. »
Bien que Kusuki ait pu l’appeler égoïstement, Yume n’avait pas répondu. Au lieu de cela, il entendit le bruit des vis de propulsion qui se mettaient en marche. Le sous-marin blanc commençait à bouger une fois de plus, se dirigeant vers l’énorme corps du Léviathan.
Les remous dus à l’ascension du Léviathan avaient secoué la mer, rendant sa surface agitée, mais le sous-marin accélérait malgré tout. Puis, alors que le Léviathan traînait à la surface de la mer, une grande ouverture s’était ouverte dans son corps, comme pour accueillir le sous-marin qui approchait. Une profonde cavité se prolongeait loin à l’intérieur. L’espace était aussi grand qu’un hangar de chasseur sur un porte-avions.
« C’est exactement comme l’a dit le Mage d’Attaque Kisaki. Il y a un espace respiratoire pour les humains à l’intérieur du corps du Léviathan… je suppose, une caractéristique naturelle pour une arme…, »
Alors qu’ils pénétraient à l’intérieur du corps du Léviathan, il soupira d’admiration en regardant tout autour de lui. Finalement, le sous-marin blanc comme neige s’arrêta à mi-chemin de la cavité. L’eau qui remplissait la zone autour d’eux s’était écoulée, et un espace avait été créé, dans lequel un être humain pouvait respirer de l’air.
Les projecteurs du sous-marin avaient éclairé une caverne d’environ quinze mètres de diamètre. Sa longueur était probablement supérieure à deux cents mètres. En utilisant cette cavité comme un hangar et en la remplissant d’armes, on pourrait sûrement envoyer des soldats sur les champs de bataille du monde entier.
Cependant, à ce moment-là, Kusuki était le seul à l’intérieur du Léviathan. Toute la puissance de la plus puissante bête démoniaque du monde était monopolisée par lui seul.
Rempli d’un sentiment enfantin d’omnipotence totale, il avait été ramené à la réalité par les sons ennuyeux de l’électronique qui résonnaient dans le cockpit.
« J’ai confirmé que l’amarrage est terminé. Dorénavant, Riru sera activée. »
Le son de l’électronique était émis par le module de contrôle de LYL attaché à la partie la plus arrière du cockpit. Le liquide qui remplissait le réservoir d’eau s’était écoulé, et Yume Eguchi, qui aurait dû flotter à l’intérieur, avait retroussé ses lèvres pour faire la moue.
« Vous avez commencé le module tout seul… !? »
Devant Kusuki choqué, le couvercle du réservoir d’eau s’était lentement ouvert, les doigts fins de la jeune fille s’étaient glissés dans les fentes. Sous sa frange trempée, le visage de Yume Eguchi était souriant.
La fille appelée la plus puissante succube du monde avait souri avec une expression malicieuse.
« Mage d’Attaque Kisaki, que se passe-t-il ? Lilith s’est réveillée ! »
Instinctivement saisi par la peur, Kusuki avait appelé l’émetteur. De l’autre côté, par-dessus les parasites, il avait l’impression que Kiriha Kisaki faisait un sourire crispé.
« Tout se passe exactement comme prévu, Président Kusuki. Je vous l’ai dit — Riru va s’activer. »
« Quoi ? »
« — Tu comprends ce que tu dois faire, Riru ? »
Kiriha ne s’adressait pas au Kusuki sidéré, mais plutôt à la fille qui se tenait derrière lui.
Riru rejeta ses cheveux mouillés en arrière et sourit. Une queue et une paire d’ailes, infusées d’énergie démoniaque, s’étendaient dans son dos.
« Bien sûr, Kiriha. J’ai juste besoin de détruire cette île artificielle de merde, non ? »
« C’est dingue ! Arrêtez LYL maintenant, Mage d’Attaque Kisaki ! Ce n’était pas le marché ! Comprenez-vous ce que vous êtes en train de faire !? »
Kusuki avait envoyé des crachats s’éparpiller en hurlant. Mais le ton de la voix de Kisaki n’avait pas changé.
« Bien sûr, président. C’est l’objectif du Bureau d’astrologie, après tout. »
« Qu’est-ce que vous avez dit… ! »
« Nous savions depuis le début que vous complotiez pour utiliser le Léviathan pour des activités terroristes. Normalement, c’est notre mission d’empêcher de telles choses avant qu’elles n’aient lieu, mais nous avions des raisons d’utiliser votre plan dans ce cas. »
« Vous m’avez donc trompé dès le début… Espèce de renarde sournoise ! »
Kusuki avait lancé des insultes à Kiriha alors qu’elle continuait à parler avec désinvolture. « Kya-ha ! » Riru, en entendant cela, avait ri d’une apparente moquerie.
« Je ne pense pas que tu aies le droit de critiquer Kiriha alors que tu avais prévu d’utiliser Yume comme sacrifice humain pour votre objectif. Hé, qu’est-ce que ça fait de savoir que le vrai sacrifice humain, c’est toi ? »
Kusuki rougissait de la tête aux pieds, fixant avec haine Riru avec des yeux injectés de sang. Cependant, même si elle ressemblait à une petite fille, il était toujours face à la plus puissante succube du monde, Kusuki était loin d’être dans sa catégorie.
« Oh non, c’est quoi cette tête ? Comment vas-tu, Monsieur ? »
Riru avait regardé avec amusement le visage de Kusuki, qui tremblait d’humiliation et d’impuissance. Puis, elle avait arraché le microphone des mains de Kusuki.
« Kiriha, merci d’avoir exaucé le souhait de Yume. J’ai vraiment aimé la façon dont tu as agi tout calmement alors que tu souffrais d’une conscience torturée. »
Kiriha n’avait pas été ébranlée, même par les paroles malveillantes de Riru. D’une voix douce et désolée, elle déclara à Riru avec juste une petite mesure de compassion :
« Adieu, Riru… et à vous, président, que vous fassiez de beaux rêves — . »
***
Partie 6
« … Moi, Danseuse du Lion, Archère du Grand Dieu, je vous implore. »
La voix solennelle de Sayaka avait résonné, coupant l’air du parc des Bêtes Démoniaques, rempli de cris et de hurlements.
Elle tenait un arc en argent dans ses mains. Une énorme énergie rituelle coulait dans la flèche maudite qui y était chargée alors qu’elle tirait la corde de l’arc.
« Très brillant cheval flamboyant, illustre Kirin, Celui qui gouverne le tonnerre céleste, transperce ces esprits maléfiques de votre courroux… ! »
Tirée dans un rugissement, la flèche maudite, entourée d’un tourbillon féroce, s’élança dans le ciel. Les violentes réverbérations des sons soufflés par la flèche sifflante couvrirent l’air d’un cercle magique invisible. Les miasmes épais qui s’en échappaient devinrent un nuage noir qui s’abattit sur la surface du sol.
Des centaines de bêtes démoniaques avaient été rassemblées dans un seul coin de la place du Parc des Bêtes Démoniaques. Le vassal bestial à la crinière écarlate de Kojou avait rassemblé celles qui s’étaient échappées de leurs cages à cet endroit. Tel un chien de berger rassemblant son troupeau, le vassal bestial du Quatrième Primogéniteur, doté d’un énorme pouvoir destructeur, avait conduit les bêtes démoniaques dans le rayon d’action de la flèche maudite.
« Si fatiguée… ! »
Après avoir tiré des flèches maudites l’une après l’autre, Sayaka avait l’air totalement épuisée en s’accroupissant mollement. Elle avait utilisé des malédictions tranquillisantes pour paralyser les bêtes démoniaques qui se déchaînaient, puis elle les avait plongées dans un profond sommeil. Elle avait sûrement gagné assez de temps pour sauver la situation.
« On s’est débrouillé, hein… ? »
Kojou avait expiré bruyamment en libérant son Vassal Bestial invoquée.
Yukina hocha la tête avec un air creux, comme si elle essayait de détourner les yeux de la réalité en disant : « Je crois que certaines des bêtes démoniaques peuvent, bien sûr, être affaiblies après avoir été baignées dans autant d’énergie rituelle, mais… Je crois que nous pouvons seulement affirmer que nous avons donné la priorité à la vie humaine. »
« Je suppose que oui… Nous avons fait de notre mieux pour limiter les dégâts au maximum. N’est-ce pas, Kirasaka ? »
« Je… Je préférerais que tu ne m’inclues pas dans le “nous” ici ! »
Quand Kojou avait demandé l’accord de Sayaka, elle s’était levée d’un bond et l’avait regardé fixement.
« Minimal !? De toute façon, pourquoi as-tu dû détruire des bâtiments pour conduire les bêtes démoniaques jusqu’ici !? »
En disant cela, Sayaka avait montré le spectacle désolant de l’intérieur du Parc des Bêtes Démoniaques. On aurait dit une zone de guerre. La belle place verdoyante avait été découpée, le bâtiment de l’aquarium était à moitié détruit. Les canaux étaient ensevelis sous le sable, et pratiquement rien au-delà de la porte d’entrée n’avait été épargné.
Bien sûr, c’était le Vassal Bestial de Kojou qui avait infligé une telle calamité, en s’engageant dans un peu trop d’enthousiasme au milieu du rassemblement des bêtes démoniaques enragées.
« Les Vassaux Bestiales sont trop forts, alors je n’ai pas pu m’en empêcher ! Je faisais tout ce que je pouvais, tu sais ! »
Sayaka lui lança un regard de reproche, et Kojou offrit désespérément une réfutation. Bien qu’il soit regrettable que le parc ait été détruit en conséquence, les bêtes démoniaques auraient pu infliger des dommages encore plus importants si Kojou n’avait pas utilisé son Vassal Bestial.
« Je suppose que oui. Étant donné l’implication de Senpai, nous devrions penser que c’est une chance que les dommages soient limités à ceci…, » dit Yukina, semblant lutter pour se convaincre que c’était vrai.
Sayaka avait pris fermement les épaules de Yukina avec une expression inquiète. « Yukina, cet homme te fait un lavage de cerveau ! Ce sont des dommages horribles selon toute norme normale ! Tu as juste été désensibilisée ! »
« Qu’est-ce que tu veux dire par désensibilisé ? C’était une situation d’urgence, quelle que soit la manière dont tu le regarde… ! »
« Je ne suis pas le méchant ici, » insista Kojou, affirmant sa propre innocence.
Un instant plus tard, Kojou et les autres avaient entendu une voix sereine, en contraste avec la dispute entre eux.
« Vraiment, vous êtes une personne encore plus effrayante que ce que j’avais entendu, Quatrième Primogéniteur… Même si c’était pour mettre un terme au déchaînement des bêtes démoniaques, penser que vous détruiriez le Parc des Bêtes Démoniaques sans hésitation. Il semblerait que ce soit votre véritable nature. »
« Ce n’est pas — ! »
Ne décide pas ça tout seul, grommela Kojou, en regardant vers la source de la voix, à ce moment-là, son visage se crispa. Une fille se tenait là avec des cheveux noirs, un uniforme d’école noir, maniant une lance à deux dents.
« Kisaki — ! »
« Peut-être devrais-je quand même vous remercier ? Après tout, nous n’avons pas été en mesure de préparer une contre-mesure contre les bêtes démoniaques en furie. Mais grâce à vous, nous avons eu le temps d’évacuer les visiteurs. »
« Évacuer… !? »
Kojou et les autres avaient jeté un regard perplexe à Kiriha.
Le déchaînement des bêtes démoniaques avait déjà été pris en charge. Il n’y avait plus de raison d’évacuer l’Élysée Bleu. Au moins, il n’était pas nécessaire d’échapper aux bêtes démoniaques — .
« En premier lieu, les garde-côtes ont sans doute détecté l’approche du Léviathan. Les dispositions avaient déjà été prises, l’ordre d’évacuation est donc arrivé immédiatement. Je vous recommande d’évacuer vous aussi avant que le port ne soit envahi par la foule. »
« Leviathan… ? »
Kojou était encore plus confus par les mots de Kiriha. Fuyez avant que le Léviathan n’arrive, disait-elle à Kojou et aux autres. Son comportement était comme si elle savait depuis le début que le Léviathan allait attaquer l’île.
Yukina dégaina sa lance d’argent, la mettant en position pour pouvoir se battre à tout moment. De même, Sayaka avait pris sa propre posture de combat. Cependant, Kiriha ne fit aucun mouvement. Elle n’avait pas l’intention d’engager le combat. Au contraire, elle semblait accorder une véritable considération à Kojou et aux autres.
« Attendez. Pourquoi les humains de l’Élysium Bleu ont-ils besoin d’évacuer ? Le laboratoire de Kusuki-Elysée est ici, non ? N’est-ce pas de là qu’ils contrôlent les Léviathan ? »
« Je suppose que oui… Qu’en est-il ? »
Kiriha avait légèrement haussé un seul sourcil en lui renvoyant la question. Son calme et sa sérénité agaçaient les nerfs de Kojou qui demandait :
« Pourquoi Kusuki mettrait-il l’Ély Bleu en danger !? C’est n’importe quoi ! »
« C’est une idée fausse de votre part, Quatrième Primogéniteur. »
« Hein… ? »
« Kusuki ne contrôle pas le Léviathan. C’est Riru. »
« Riru ? »
La réponse inattendue de Kiriha avait instantanément interrompu le processus de réflexion de Kojou.
« Attendez… L’autre personnalité de Riru Yume n’a-t-elle pas été reproduite par un ordinateur ? »
« Ah, cette conception n’est pas forcément erronée… » Puis Kiriha avait gloussé, souriant d’admiration. « Certes, l’esprit de Yume Eguchi comprend des portions malicieuses qu’elle a héritées de Lilith. Pourtant, elles sont incomplètes, insuffisantes pour être appelées une personnalité indépendante. Ce que nous appelons LYL est un système de soutien dérivé uniquement des composants méchants de l’esprit de Yume. »
« Soutenir avec une personnalité incomplète… Alors vous dites que, finalement, Riru est toujours une partie de Yume ? »
Kojou s’était souvenu des mots que Riru avait prononcés au chalet. Riru avait dit que Yume avait rejeté tous les trucs dégoûtants sur elle. Quand il considérait que le comportement de Riru était une seconde personnalité construite artificiellement, la description ne semblait pas fausse.
Elle était une âme artificielle et incomplète composée uniquement des parties malveillantes à l’intérieur de Yume. Et maintenant, elle avait pris le contrôle de Yume et était censée contrôler le Léviathan.
« Certes, détruire les ordinateurs de Kusuki-Elysée signifie l’anéantissement de Riru. Je suppose qu’on pourrait penser que c’est simplement une partie de Yume qui lui revient, mais pour Riru, ce n’est pas différent de la mort. »
« Si elle comprend cela, pourquoi Riru attaque-t-elle l’Ély Bleu ? »
Kojou avait commencé à être irrité par la façon dont ils parlaient l’un de l’autre.
Elle avait dit que c’était Riru, pas Kusuki, qui contrôlait le Léviathan. Eh bien, ce n’était pas un problème. En premier lieu, Riru avait été créée comme un outil pour contrôler le Léviathan. S’il fermait les yeux sur le fait qu’elle soit une IA composée uniquement de méchanceté, Riru contrôlant le Léviathan ne comptait même pas comme une urgence.
Mais son attaque de l’Élysée bleu n’avait aucun sens logique. Après tout, si le laboratoire de Kusuki-Elysée était détruit par l’attaque du Léviathan, Riru elle-même serait anéantie avec lui.
Kiriha avait regardé avec un profond intérêt le Kojou déconcerté, mais finalement, elle en avait eu assez et avait donné une réponse. « Parce que c’est ce que Riru désire. »
« Quoi… ? »
« Elle veut être complètement effacée du monde. C’est le souhait de Riru, non, de Yume Eguchi. Après tout, Yume Eguchi a enduré de nombreuses épreuves, à cause du pouvoir de la plus puissante succube du monde qui s’est éveillé en elle. »
C’est fou, avait presque murmuré Kojou, mais il s’était soudainement souvenu : Riru lui avait certainement dit ces mots, puisque l’autre moitié de Riru, Yume, avait déjà vécu cette expérience.
« Par exemple, aujourd’hui encore, les deux parents de Yume Eguchi, ainsi que ses camarades de classe, sont dans un hôpital, dans le coma. La cause en est le pouvoir de succube de Yume Eguchi qui se déchaîne pour la protéger de leurs abus. »
***
Partie 7
Satisfaite que Kojou se soit tu, Kiriha continua :
« Yume Eguchi s’est sûrement reproché très profondément cette situation. Elle a sans doute pensé à s’ôter la vie plusieurs fois. Cependant, elle ne pouvait pas se permettre de mourir. Comprenez-vous la raison ? »
« … Vous ne voulez pas dire… parce que Yume, Lilith… ? »
C’est Yukina qui avait laissé échapper un murmure. Kiriha avait légèrement hoché la tête à sa réponse.
« Correct. Si Yume Eguchi meurt, le pouvoir de Lilith qu’elle possède sera sans doute hérité par une autre personne appropriée quelque part ailleurs dans le monde. Pour éviter qu’un autre enfant ne répète le même malheur, Yume Eguchi ne pouvait pas choisir la mort. C’est une abnégation puérile, mais louable en même temps. »
Sur ce, Kiriha baissa les yeux. Son ton était froid, mais Kiriha honorait probablement la force de volonté de Yume à sa manière.
« Cependant, si elle meurt à l’intérieur du Léviathan, c’est une autre histoire. Le Léviathan, une arme vivante des dieux, est recouvert d’une puissante barrière d’énergie démoniaque. Sans corps physique, l’âme de Lilith serait incapable de passer en dehors de la barrière, et elle serait finalement absorbée par le Léviathan et disparaîtrait complètement. »
« … Vous dites que Yume avait prévu de choisir l’endroit où elle allait mourir ? Elle voulait mourir à l’intérieur de cette chose depuis le début !? »
La voix de Kojou avait tremblé alors qu’une vague de colère sans issue le traversait. Enfin, Kojou avait compris ce que les derniers mots de Yume signifiaient.
« Je vais en finir avec tout ça… »
Elle essayait certainement de mettre fin à tout : pas seulement à sa propre vie, mais à l’éternelle chaîne de perte dû à la réincarnation de l’âme de Lilith —
« Il est douteux que Yume Eguchi en soit consciente, d’où sa tentative de fuite avec Sayaka Kirasaka. Mais Riru le sait. Riru coopère avec Kusuki-Elysée pour réaliser le souhait subconscient de Yume. »
« Alors c’est ça… C’est pour ça que vous avez réveillé la personnalité de Riru à l’époque, pour ramener Yume du cottage. »
« Oui, précisément. C’est pourquoi j’ai dit la même chose à l’époque : Je ne cherche aucun conflit avec aucun d’entre vous. »
Kiriha avait fait un sourire douloureux en pointant la pointe à deux dents de sa lance vers Yukina.
Certainement, les mots de Kiriha étaient exacts. Elle n’était pas l’ennemie de Yume. Les actions de Kiriha avaient pour but de réaliser le souhait de Yume.
Cependant, si Kojou et les autres pouvaient pardonner où ces actions avaient mené, c’était une toute autre question.
« Le Léviathan est déjà sous le contrôle de Riru. Et elle vient attaquer l’Élysium Bleu pour s’anéantir — pour anéantir LYL. Après tout, LYL fait partie de Yume Eguchi, qui souhaite la mort de chaque partie d’elle-même. »
Kiriha tourna son regard vers la mer pendant qu’elle parlait. Ils ne pouvaient pas encore voir le Léviathan. Pourtant, ils ressentaient vivement la présence oppressante de l’énorme arme vivante au-delà de l’horizon, qui semblait rendre la respiration difficile.
« Et qu’arrive-t-il à Yume si Riru est détruite ? »
« Sans le soutien de LYL, le pouvoir de succube de Yume Eguchi ne peut être utilisé de manière stable. Il sera sûrement difficile de garder le contrôle sur le Léviathan. Une fois hors de son contrôle, le Léviathan dormira au fond de la mer une fois de plus. Ce serait bien si l’île principale de l’île d’Itogami ne subissait aucun dommage entre-temps, mais… »
« Avec Yume dans son ventre, vous voulez dire… !? Comme si j’allais laisser cela se produire ! »
Kojou jeta un regard furieux et cria sur Kiriha, qui se tenait juste devant lui, lui bloquant le passage. Maintenant qu’il avait compris l’objectif de Yume, il devait la ramener sans perdre un seul instant. Chaque seconde passée à parler à Kiriha était une seconde perdue.
Alors que Kojou était pressé de partir, Kiriha le fixa d’un air étonné et demanda : « Avez-vous l’intention d’arrêter le Léviathan ? Votre adversaire est une arme vivante de l’âge des dieux. »
« Ha, » cracha Kojou, en souriant férocement. « Comme si ça m’intéressait. Si je m’appelle le plus puissant vampire du monde mais que je ne peux pas le faire dans un moment comme celui-ci, je serai la risée de tous ! »
« Je vois… Alors, je vais vous transmettre ceci. »
Kiriha avait sorti un porte-clés de la poche de son uniforme et l’avait lancé à Kojou. Kojou l’avait attrapé par réflexe. C’était un porte-clés très banal, avec une clé très banale attachée à celui-ci.
« C’est… ? »
« La clé du navire privé à grande vitesse de Kusuki-Elysée. La porte du quai est ouverte. »
Kiriha expliqua d’un ton sans émotion. Ce cadeau provenant d’une source improbable fit oublier à Kojou sa prudence et il regarda Kiriha, abasourdi.
« Vous n’allez pas nous arrêter ? »
« Je ne suis pas assez vaniteuse pour penser que je peux arrêter le Quatrième Primogéniteur en combat rapproché, » dit Kiriha, bien qu’en plaisantant.
Kojou jura dans son souffle. « Je suppose que je dois vous remercier pour ça ? »
« Je ne m’attends pas à une telle chose. Bien que, je dois dire, que le quatrième Primogéniteur me soit redevable est assez amusant. »
« Comme si c’était possible. La moitié de nos problèmes ici sont de votre fait ! »
En parlant, Kojou avait tourné son regard vers l’arrière du Parc des Bêtes Démoniaques. Selon la carte qu’Asagi avait trouvée, le navire était à un quai à l’extrémité du cap plus loin devant.
« Senpai, attends, s’il te plaît… »
Cependant, juste au moment où Kojou était prêt à courir, Yukina l’avait soudainement rappelé à l’ordre par derrière. Alors qu’elle faisait face à Kiriha, une expression angoissée était apparue sur Yukina. C’était comme si un choix difficile s’était imposé à elle.
« Himeragi… ? »
« Écoute-moi, Senpai. L’objectif de Kiriha en te remettant cette clé est… »
La joue de Kiriha s’était légèrement contractée à la mention de son nom, cependant — .
« Vas-y, Yukina. »
C’était Sayaka qui avait interrompu la voix de Yukina avec ces mots. Ayant déjà remis l’Écaille lustrée en forme d’épée, Sayaka pointa sa pointe vers Kiriha.
« Mais, Sayaka… ! »
« Je le sais. Je vais m’en occuper. Prenez soin de Yume Eguchi. Allez, et sauvez-la — . »
Yukina était sur le point de dire quelque chose, mais elle s’était retenue à l’instant où son regard et celui de Sayaka s’étaient croisés. Compris, traduisait la chute silencieuse des yeux de Yukina. Elle s’était précipitée aux côtés de Kojou.
« Partons, Senpai. »
« D-D’accord. »
Kojou ne savait pas quoi faire, il hocha la tête et se mit à courir, avec Yukina juste derrière lui.
Pendant un moment, Kiriha et Sayaka les avaient observés en silence avec des expressions neutres sur leurs visages.
« Quel dommage, Sayaka Kirasaka ! Tu m’aurais évité bien des soucis si tu étais partie avec eux… » Kiriha esquissa un sourire amer. « Hmph. »
La pointe de la lance qu’elle brandissait avait émis un minuscule frémissement, comme celui d’un diapason. Sa résonance l’avait envahie, amplifiant son énergie rituelle.
« Tu as remis à Kojou Akatsuki la clé de ce bateau parce que cet homme qui se déchaîne ici et qui écrase Riru te gêne, n’est-ce pas ? » demanda Sayaka après avoir soupiré. Elle regarda le parc des bêtes démoniaques, à moitié transformé en ruine.
Si Kojou avait défié Kiriha au combat, il y avait toutes les chances que ses Vassaux Bestiales invoqués se déchaînent et que Riru soit prise au piège. Kiriha avait peur de cela. Après avoir vu l’état pathétique du Parc des Bêtes Démoniaques, elle compatissait vivement à la méfiance de Kiriha.
« Yume Eguchi se déteste. Bien sûr, cela s’applique à Riru, une partie de Yume. C’est pourquoi elle va venir attaquer cette île — pour s’assurer que Riru soit anéantie, oui ? Autrement dit, si quelqu’un d’autre détruit Riru en premier, elle n’aura plus aucune raison d’attaquer cette île. »
Sayaka fixait le laboratoire du Kusuki-Elysée en parlant. Si sauver l’Élysium Bleu était le seul but, détruire Riru serait suffisant.
Cependant, s’ils détruisaient Riru, et que le Léviathan retournait au fond de la mer, ils perdraient à jamais leur chance de sauver Yume.
C’est pourquoi Yukina ne pouvait pas dire à Kojou d’utiliser ses Vassaux Bestiales et de détruire Riru.
Kiriha avait mis sa lance en position et avait avancé d’un pas.
« Je suppose que oui. C’est pourquoi je suis restée derrière, pour protéger Riru. »
« Alors, c’est simple. Je vais te balayer ici et réduire Riru en miettes. »
De même, Sayaka avait réduit l’écart entre elles.
La première fois qu’elles s’étaient rencontrées, Kiriha avait lancé une attaque-surprise, cette fois, Sayaka savait ce qui se cachait dans la manche de son adversaire. Les conditions étaient égales. Elle ne pouvait pas se permettre de perdre deux fois contre le même adversaire.
En envoyant Kojou et Yukina au secours de Yume, Sayaka s’était donné pour mission de détruire Riru. Pour atteindre ce but, elle devait vaincre Kiriha sur-le-champ.
« Cette fois, je n’aurai aucune pitié, danseur de guerre chamanique — . »
« Tu vas être gênée d’avoir dit ces mots quand tu perdras, Prêtresse des Six Lames. »
Les deux avaient lancé des insultes en s’approchant l’une de l’autre.
Entre elles, tout était silencieux, comme si le flux du temps lui-même s’était momentanément arrêté.
Puis, un instant plus tard, leur énergie rituelle était entrée en collision. Le rugissement qui en résulta résonna dans les ruines fraîches du parc des bêtes démoniaques.
***
Chapitre 5 : L’Épée du Jugement
Partie 1
Le bateau était amarré à un endroit très évident. Peint d’une partie en blanc et d’une partie en bleu, c’était un bateau à double coque qui semblait pouvoir se déplacer rapidement. La coque était plus grande que ce à quoi Kojou s’attendait, probablement près de vingt mètres de long.
Il n’y avait aucun signe du personnel de Kusuki-Elysée à proximité, peut-être ayant évacué pendant le déchaînement chaotique des bêtes démoniaques. Sans personne pour intervenir, Kojou et Yukina étaient facilement arrivés à la cabine de pilotage du navire.
Kojou s’était tourné vers Yukina, qui se tenait derrière lui, et il déclara : « Himeragi, s’il te plaît, reste sur l’île. Nous sommes arrivés jusqu’ici. Je peux faire le reste tout seul. »
À ce rythme, s’il s’en prenait à Yume, les chances de devoir affronter de front le Léviathan étaient élevées. L’adversaire était une énorme arme vivante. Une approche imprudente avec un navire de guerre, sans parler d’un navire civil privé, ferait couler quelqu’un en un instant. Kojou avait beau être immortel, il ne pouvait pas exposer une Yukina sans protection à un tel danger.
Elle secoue la tête avec obstination. « Nous y allons ensemble. Après tout, je ne peux pas te permettre d’y aller seul, Senpai. »
« Eh bien, ça n’arrivera pas ! Je pourrais avoir la plus puissante bête démoniaque du monde qui m’attaque. C’est trop dangereux ! »
« Je suis l’observatrice du plus puissant vampire du monde, tu sais. »
Pour une raison inconnue, Yukina avait fièrement levé le menton.
« Euh, non, même pas quand tu le dis comme ça. » Kojou était complètement déconcerté.
Yukina avait soudain dit d’un ton sérieux : « Que ferais-tu sans moi si le bateau coulait ? Ce n’est pas comme si tu savais nager. »
« Je — Je n’ai jamais dit que je ne savais pas nager, bon sang ! Je suis juste un peu mauvais à ça ! »
« Et qui s’est occupé de toi quand tu avais le mal de mer, Senpai ? »
« Himeragi — ! »
Yukina avait souri d’un air taquin alors que Kojou la regardait fixement. Yukina l’avait regardé droit dans les yeux et avait dit en toute sincérité :
« S’il te plaît, Senpai. Laisse-moi venir avec toi. »
Pendant un moment, Kojou avait été surpris par le regard désespéré sur le visage de Yukina. Il avait eu une faiblesse dans les genoux quand elle l’avait regardé avec cette expression étrangement franche.
« — Fais ce que tu veux, bon sang. »
« Oui. Alors je le ferai. »
Kojou avait détourné les yeux comme un mauvais perdant. Yukina l’avait regardé, souriant avec un soulagement apparent.
Kojou avait sorti son téléphone portable de son étui étanche et avait composé le numéro d’Asagi. Naturellement, prendre la barre d’un navire de vingt mètres à grande vitesse était bien au-delà des capacités d’une personne sans connaissances nautiques comme Kojou. Il n’avait vraiment pas d’autre choix que de s’appuyer sur elle.
« Allô, oui, oui ? »
La réponse d’Asagi avait été légèrement retardée. Sa voix semblait étrangement pressée, comme si elle était en plein milieu de quelque chose. Kojou avait l’impression de pouvoir entendre le son d’un clavier tapoté sans cesse de l’autre côté de l’appel téléphonique.
« Asagi, nous avons atteint le vaisseau. Le courant est aussi allumé. »
« Désolé, Kojou. Je suis tombé sur une vraie fautrice de troubles, alors je suis surchargée là. Je vais envoyer un guide et tu devras faire le reste, d’accord ? »
« … Ah, euh ? »
Qu’est-ce que tu veux dire par là ? aurait-il demandé, mais la connexion avait été coupée avant même qu’il ait pu prononcer les mots.
« Keh-keh. » Kojou, qui se tenait raide, avait entendu la voix étrangement rieuse à travers le téléphone portable dans sa main. Sur l’écran du récepteur GPS du siège du pilote du navire à grande vitesse, il avait vu s’afficher une étrange icône qui ressemblait en quelque sorte à un ours en peluche malicieux. Il avait pris le contrôle du pilote automatique du navire et avait démarré le moteur tout seul.
« Vous êtes… c’est vrai, vous êtes le partenaire d’Asagi… »
« Mogwai. En raison des circonstances, ce n’est pas mon apparence habituelle, mais bon. C’est un plaisir de faire affaire avec vous. »
La voix provenait de l’icône de l’ours en peluche, riant avec un autre « Keh-keh » comme pour se moquer des réactions de Kojou et Yukina.
Après s’être éloigné de la jetée, le navire à grande vitesse tourna doucement dans le port et commença à accélérer, soulevant régulièrement des embruns blancs dans le processus. Le ton comique avait agacé Kojou, mais les compétences de conduite de Mogwai étaient apparemment très bonnes. Cependant, sa conduite était autoritaire, sans aucun égard pour l’efficacité du carburant ou les sentiments des passagers. Le balancement féroce de la coque avait donné à Kojou une soudaine envie de vomir.
D’une manière ou d’une autre, il avait gardé sa nausée loin de lui alors que le voyage continuait pendant encore cinq minutes quand il a senti Yukina, regardant dehors à travers une fenêtre, son souffle s’arrêtant dans sa gorge.
« Senpai, c’est… »
« Une île… ? Y en avait-il une dans cette direction… ? »
Dans la direction indiquée par Yukina, il y avait une masse à la surface de la mer. Alors que le navire à grande vitesse s’approchait, elle était assez grande pour masquer l’horizon.
Kojou pensait qu’il regardait une île inconnue quand Yukina l’avait regardé avec une expression dure et avait déclaré :
« Non, c’est probablement le Léviathan. »
« … Es-tu sérieuse… !? C’est un peu trop gros, non !? »
Le sentiment trop irréel avait fait sortir Kojou d’un rire creux. Il avait peut-être compris les mots quatre kilomètres de long, mais le voir de ses propres yeux était un choc bien plus rude. Il avait entendu dire que c’était une créature vivante au même titre qu’eux, mais cela ne semblait pas réel. Sans exagération, c’était la différence entre une fourmi et une baleine. Ils étaient juste à des échelles complètement différentes.
De plus, il ne voyait aucun signe du sous-marin sur lequel Yume se trouvait, nulle part autour du Léviathan.
« Mogwai, où est Yume ? »
« Si vous parlez du sous-marin de Kusuki-Elysée, on dirait qu’il est à l’intérieur du gros. »
« Est-ce à l’intérieur ? Nous n’avons pas pu le rattraper à temps — !? »
La réponse franche de Mogwai avait fait que Kojou avait regardé le corps massif du Léviathan avec un sentiment de découragement.
« Vous ne pouvez pas au moins savoir dans quelle partie se trouve Yume ? Si nous ne pouvons pas dire l’endroit, nous devrons aller la chercher dans le ventre de ce monstre — ! »
« Keh-keh... J’aimerais vous dire que je n’en ai aucune idée, mais… Non, je peux vous dire où se trouve le sous-marin Yotaka. Riru y est connectée, après tout. »
« C’est vrai, les données passent entre lui et le laboratoire… Donc c’est là que se trouve Yume… !? »
« Si elle n’a pas été engloutie et digérée. »
« Hé, ne portez pas la poisse !! » Kojou avait crié en regardant l’icône du récepteur GPS.
Il y avait des chances que le Yotaka ait à l’intérieur une machine qui avait été construite dans le cadre de LYL. S’ils suivaient le signal entre les pièces du système, ils seraient capables d’estimer approximativement la position du sous-marin. Yume ne devait pas être loin.
« S’il vous plaît, amenez le navire le plus près possible de la position de Yume, Mogwai, » demanda Yukina, apparemment au nom des sentiments de Kojou.
Sans pouvoir s’immerger, le navire rapide ne pouvait pas entrer dans le corps du Léviathan. S’ils voulaient sauver Yume, ils devaient abandonner le navire et monter sur le Léviathan. Cela signifiait qu’ils n’auraient aucun moyen de retourner à l’Élysium Bleu, mais c’était inévitable. Trouver l’emplacement de Yume était la priorité absolue.
« C’est plus facile à dire qu’à faire, Mademoiselle la Chamane Épéiste. Un petit mouvement du grand gars et vous allez goûter à une grosse vague toute droite sortie des légendes… Eh bien, je vais essayer. »
Après la tentative d’effarouchement de Mogwai, le navire avait tourné. La proue s’était dirigée vers la surface de la mer, juste devant le Léviathan. Ce point, qui ressemblait à son énorme torse, était apparemment l’endroit où le sous-marin avec Yume à bord était entré.
Comme si elle avait senti Kojou et les autres approcher, la tête du Léviathan avait lentement bougé. Pour le monstre, ce n’était guère plus qu’un minuscule mouvement, mais ce mouvement avait provoqué un tourbillon féroce à la surface de l’eau. Ce qui semblait être un mur inexpugnable de hautes vagues frappait le navire à grande vitesse encore et encore.
« Guoh… ! »
Sur la crête d’une vague, la coque du navire à grande vitesse dansait dans les airs, jouant avec Kojou et les autres. La propulsion du navire émit un bruit étrange, la coque se déforma, apparemment frappée par une vague. Vu la force de l’impact, c’était un miracle qu’ils n’aient pas chaviré.
Le Léviathan libéra une vague d’énergie démoniaque dense qui déforma l’air lui-même. Prenant le gros de la vague à bout portant, Kojou hurla à pleins poumons. Il n’avait pas ressenti de douleur directe, mais le bruit dans sa tête ressemblait à des ongles rayant du verre.
« Argh… Qu’est-ce que c’est que ce sentiment effrayant !? »
« Une impulsion d’énergie démoniaque — ! Le Léviathan utilise probablement l’écho pour évaluer les environs ! »
Yukina parla en utilisant habilement le Loup de la dérive des neiges pour se défendre seule. Kojou s’était renfrogné, l’impulsion d’énergie démoniaque résonnant toujours dans ses oreilles alors qu’il disait :
« Veux-tu dire comme un dauphin qui utilise un sonar pour chercher de la nourriture… ? »
« Keh-keh... Ça veut dire que le grand gars a remarqué notre présence ici, n’est-ce pas ? »
« — !? »
L’avertissement brutal de Mogwai avait fait que Kojou et Yukina avaient repris leur souffle.
La surface de la mer se fendit, laissant apparaître la partie du trop grand corps du Léviathan que l’on pourrait appeler la nageoire dorsale. À la surface de cette nageoire, couvrant une surface équivalente à celle d’un pétrolier, s’ouvraient des trous profonds, chacun ressemblant à l’évent d’une baleine. Les écailles qui les entouraient s’illuminaient comme des circuits électriques, les unes après les autres. Une énergie démoniaque éblouissante et scintillante se rassemblait à l’intérieur des trous, comme si des boulets de canon géants étaient chargés…
« Attends une seconde… Ne me dis pas que ce sont des canons !? »
La voix de Kojou était devenue stridente alors qu’il détectait une quantité hors normes d’énergie démoniaque en train de se charger. Si quelque chose comme ça tirait, il ne resterait sûrement aucune trace de Kojou, Yukina, ou du navire. Dans le pire des cas, même l’Élysium Bleu pourrait couler d’un seul coup. L’armement vil n’avait pas fait honte au titre de l’arme vivante la plus puissante du monde.
Tous ces innombrables ports d’armes étaient pointés sur un seul et minable vaisseau rapide.
Avec un grondement explosif, les faisceaux déclenchés avaient instantanément vaporisé une grande quantité d’eau de mer, les enveloppant dans un énorme jet de vapeur alors qu’ils tombaient vers le navire de Kojou et Yukina.
« — Loup de la dérive des neiges ! »
Yukina, debout sur la proue du navire à grande vitesse, versa toute son énergie rituelle dans sa lance.
L’assaut des boulets de canon démoniaques du Léviathan était arrivé quelques instants plus tard.
La lueur de l’Effet d’Oscillation Divine émise par la lance annulait l’énergie démoniaque massive des boulets de canon, tranchant le puissant barrage. La lance purificatrice, capable de même tuer un Primogéniteur Vampire, pouvait rivaliser avec une arme vivante de l’Âge des Dieux.
***
Partie 2
La lumière des boulets de canon démoniaques s’était éteinte, et l’onde de choc avait secoué la coque du navire à grande vitesse. Mais le navire lui-même était sain et sauf. La décision en une fraction de seconde de Yukina avait sauvé le navire et Kojou.
« Himeragi ! Vas-tu bien !? »
« Oui. D’une manière ou d’une autre… Apparemment, l’énergie démoniaque a été concentrée et tirée comme une sorte de faisceau. La puissance était extravagante, mais… »
Yukina respirait difficilement, un genou sur le pont. Bien sûr, elle était épuisée, elle les avait défendus contre une attaque de Léviathan à elle seule.
Mais les attaques ne montrent aucun signe de relâchement. Léviathan passait à l’attaque suivante. Des choses ressemblant à des petits poissons avaient été lancées depuis une partie immergée de l’énorme corps du Léviathan.
Ils devaient être plus de cent.
Les petits poissons avaient laissé derrière eux des vagues blanches et écumantes en fonçant sur le navire à grande vitesse avec une force incroyable. Leurs mouvements sous-marins étaient infaillibles, comme des torpilles attaquant un navire de guerre ennemi.
Même les « petits » poissons devaient être pris dans le contexte de la taille du Léviathan. Chacun d’entre eux n’était pas plus petit que le navire de Kojou et Yukina. S’ils explosaient à bout portant, il n’y avait aucune chance qu’ils en sortent indemnes.
« Senpai ! »
« Des torpilles cette fois, bon sang — ! »
Yukina avait regardé en arrière, son visage était pâle, Kojou avait serré les dents nerveusement. Le Loup de la dérive des neiges pouvait seulement annuler l’énergie démoniaque. Il était inutile contre les torpilles vivantes formées de matière réelle.
« Merde ! Viens par ici, Sadalmelik Albus ! »
Acculé dans un coin, Kojou invoqua un Vassal Bestial en dernier recours. Il n’y avait aucun doute que la vaste énergie démoniaque dispersée par un Vassal Bestial du Quatrième Primogéniteur contrarierait davantage le Léviathan, mais Kojou, bien conscient de cela, n’avait plus d’autres cartes à jouer.
Il avait invoqué un monstre marin — une Ondine transparente, apparemment composée d’eau. Sa partie supérieure était une belle femme, sa partie inférieure, un serpent géant. Ses cheveux flottants étaient formés d’innombrables serpents.
Les torpilles vivantes s’élancèrent comme un seul homme, leur accélération transformant le milieu de la mer en un torrent furieux. Des jets sortants de mains fines fauchaient les torpilles vivantes les unes après les autres, les anéantissant sans même leur permettre d’exploser.
Le pouvoir de la jeune fille aquatique était la restauration et la régénération. Elle pouvait ramener n’importe quel objet à son état antérieur, avant même qu’il n’ait été créé. C’était un pouvoir de guérison assez destructeur pour tout ramener au néant.
Protégé par la servante d’eau, le navire à grande vitesse avait traversé la horde de torpilles vivantes, se rapprochant du Léviathan. Semblant avoir faim de résultats, le Léviathan déclencha une nouvelle attaque.
Des silhouettes bleues — trop nombreuses pour être comptées — furent lancées vers le ciel depuis l’énorme structure de l’arme vivante. Elles avaient tracé des arcs paraboliques vifs et avaient accéléré vers la surface de la mer. Cette vision avait fait que Kojou avait imaginé une volée de mouettes volant soudainement sur le dos d’une baleine.
Mais il ne s’agissait pas de mouettes se jetant sur la surface de la mer. Ces missiles vivants, volant à grande vitesse, créaient d’énormes piliers d’eau partout où ils explosaient.
« Des missiles antinavires ? Maintenant, ils arrivent par voie aérienne ! Ces armes vivantes de l’Âge des Dieux ont quelque chose pour tout le monde ! »
Le déluge incessant de missiles vivants semblait contenir une grande quantité de liquide explosif. S’il les abattait sans réfléchir, le liquide se disperserait dans la zone et ferait des dégâts tout seul.
Cela ne signifiait pas qu’il pouvait rester assis et regarder — .
« Argh… Viens par ici, Natra Cinereus — ! »
Kojou avait invoqué un deuxième vassal bestial. La bête à carapace, enveloppée de brume, transforma les missiles vivants en brume l’un après l’autre, les dissipant.
Malgré cela, les attaques du Léviathan n’avaient pas cessé. Sans aucun répit dans l’assaut des torpilles et des missiles vivants, même les Vassaux Bestiales du Quatrième Primogéniteur furent forcés de se mettre sur la défensive.
S’ils continuaient à baigner dans une telle concentration de feu, ce n’était qu’une question de temps avant que le simple nombre ne les submerge.
« Merde, pas le choix ! Regulus Aurum ! »
Kojou avait appelé un autre vassal bestial.
Le but de son attaque était de détourner l’attention du Léviathan. Il est certain que même la plus puissante bête démoniaque du monde ne pouvait pas supporter une attaque des vassaux de la quatrième Primogénitrice et simplement l’ignorer.
Le lion de foudre, enveloppé de courants électriques massifs, se transforma en foudre et assaillit le Léviathan. « Gyuaaaaaa — ! » Le rugissement semblable à un cri déchira l’air, les éclairs transformèrent la surface de la mer en or.
C’était le Vassal Bestial qui avait autrefois allègrement brûlé l’un des quatre Gigaflotteurs qui constituaient l’île d’Itogami. Cependant, contre le Léviathan, le laisser se déchaîner un peu n’était pas un problème. En effet, moins Kojou avait à se soucier de le retenir, plus il était facile de gérer la bête.
Le rayon pâle avait enveloppé l’énorme structure du Léviathan, brûlant complètement sa longue et énorme queue.
Cependant, les mouvements du Léviathan n’avaient pas changé. Il continuait à flotter tranquillement, apparemment sans se soucier de l’attaque du vassal bestial.
« — Aucun effet ! »
« Il est protégé par un mur d’énergie démoniaque…, » dit calmement Yukina en réponse aux mots choqués de Kojou.
« Un mur ? Veux-tu dire, comme une barrière… ? »
« Oui. De plus, elle est extrêmement puissante. Les vassaux bestiaux du quatrième Primogéniteur sont théoriquement capables de le traverser, mais… »
« Le mur d’énergie démoniaque amortit tellement la puissance qu’ils ne peuvent pas vraiment rôtir cette énorme chose, hein… ? »
Kojou avait maudit dans son souffle.
Là où le Léviathan avait subi un impact direct du vassal bestial, il y avait une cicatrice de l’attaque taillée à environ dix mètres de profondeur. Cela aurait été assez fatal pour n’importe quelle bête démoniaque normale, mais pour l’énorme structure du Léviathan, de tels dommages n’étaient rien de plus qu’une égratignure sur son dos.
« On… n’arrive à rien contre cette chose de l’extérieur. »
Kojou avait l’air à moitié exaspéré en analysant la situation. En plus d’un corps si énorme qu’il était hors de l’échelle, il avait également un solide bouclier d’énergie démoniaque. Kojou ne pouvait même pas être sûr qu’une frappe directe avec une ogive nucléaire serait suffisante pour vaincre un ennemi aussi difficile.
Yukina avait semblé devenir sérieuse en acquiesçant.
« De toute façon, nous ne pouvons pas ramener Yume à moins d’aller à l’intérieur, n’est-ce pas ? »
Il restait un kilomètre entre eux et le Léviathan. Mais il semblait impossible d’y amener le navire en un seul morceau.
« Mogwai, Yume est vraiment là-dedans !? »
Kojou avait crié sur l’écran du récepteur GPS.
L’icône de l’ours en peluche malveillant avait ri d’une voix irresponsable, à consonance humaine.
« Keh-keh, désolé. De toute façon, le gouvernail ne fonctionne pas. Vous êtes sur une trajectoire de collision — ! »
Pendant qu’il parlait, le navire accélérait encore plus. Aller à la vitesse d’éperonnage était imprudent, mais s’ils ne le faisaient pas, ils ne seraient jamais capables de traverser la mer agitée autour du Léviathan.
« — Moi, Vierge du Lion, Chamane Épéiste du Haut Dieu, je vous en supplie. »
Yukina, debout à la proue du navire une fois de plus, tenait sa lance en dansant. Les yeux fermés, l’épais mur d’énergie démoniaque déployé autour du Léviathan se profilait devant elle. Tant qu’ils ne pouvaient pas franchir ce mur, ils ne pouvaient pas atteindre le Léviathan. Si le navire se fracassait contre le mur, il serait sûrement réduit en cendres.
« Ô lumière purificatrice, ô loup divin de la dérive des neiges, par votre volonté divine d’acier, foudroyez les démons devant moi ! »
En ouvrant les yeux, Yukina avait fait apparaître sa lance d’argent.
Son Loup de la dérive des neiges était une arme secrète de l’Organisation du Roi Lion capable d’annuler l’énergie démoniaque et de déchirer n’importe quelle barrière. Il avait même déchiré l’invincible mur d’énergie démoniaque du Léviathan avec facilité, ouvrant un chemin pour le navire rapide.
« — Viens par ici, Al-Meissa Mercury ! »
S’approchant rapidement du Léviathan, Kojou avait invoqué un quatrième Vassal Bestial dans sa direction.
Ce dragon à deux têtes était un mangeur de dimension, capable de consommer l’espace de n’importe quelle dimension. Ses énormes mâchoires avaient déchiré les solides écailles du Léviathan, creusant une cavité dans son corps.
Et puis, enveloppé d’eau de mer, le navire rapide à bord duquel se trouvaient Kojou et Yukina avait plongé à l’intérieur du Léviathan.
Ayant perdu de vue son ennemi, la bête démoniaque gargantuesque avait poussé un rugissement féroce, apparemment en rage.
Elle frémissait de la colère de la mer, un spectacle à effrayer le monde lui-même.
+++
Pendant ce temps, Asagi Aiba était enfermée dans la chambre des filles du chalet, continuant à pianoter sur son clavier.
Sa peau brillante, pour une fois sans maquillage, était couverte d’une fine couche de sueur. Les coins de ses lèvres serrées se contractaient en signe de mécontentement. La guerre ne se passait pas bien.
Ou plutôt, elle était riche de la couleur de la défaite.
« Nous avons franchi le pare-feu du serveur relais, petite demoiselle. J’ai essayé d’envoyer des virus pour contre-attaquer, mais ça ne prendra que 30 secondes, tout au plus. »
Mogwai avait expliqué d’une voix insouciante comme si c’était le problème de quelqu’un d’autre. Les joues d’Asagi s’étaient gonflées de façon maussade en disant :
« C’est dur pour Tanker. Combien de proxys nous reste-t-il sous la main ? »
« Il en reste 12 000. On se fait complètement écraser en vitesse d’attaque, hein ? Miss Tanker essaie d’accéder à tous les systèmes de contrôle du trafic sur l’île d’Itogami. »
« Elle essaie de te voler ta capacité !? C’est frapper sous la ceinture ! »
L’attaque impitoyable de Tanker avait déconcerté Asagi.
Mogwai, le partenaire d’Asagi, était en réalité un ensemble de cinq superordinateurs en possession de la Corporation de Management du Gigaflotteur. Sa fonction propre était de maintenir et d’administrer l’île d’Itogami. Qu’il s’agisse de l’électricité, de l’eau, du contrôle de la circulation, de l’élimination des déchets ou même de la température des climatiseurs, sans Mogwai, l’île artificielle d’Itogami serait incapable de maintenir les services urbains de base.
En tant qu’employée à temps partiel de la Corporation de Management du Gigaflotteur, Asagi avait le droit spécial d’emprunter discrètement une partie du surplus de fonctionnalités de Mogwai à des fins personnelles. En d’autres termes, s’il n’y avait pas de fonctionnalité excédentaire, elle ne pouvait pas emprunter la puissance de Mogwai.
Sachant cela, Tanker avait lancé des attaques sur les systèmes de contrôle du trafic de l’île d’Itogami. Détourner l’attention de Mogwai signifiait priver Asagi de ressources de combat.
Si Asagi utilisait Mogwai à outrance malgré cela, le contrôle du trafic sur l’île d’Itogami serait paralysé, et dans le pire des cas, des citoyens innocents seraient victimes d’accidents de la route. En d’autres termes, Asagi prendrait l’île d’Itogami en otage. Pour Asagi, dont la force de combat était déjà très faible, c’était un handicap bien trop important.
« À ce rythme, ce n’est qu’une question de temps avant que vos poèmes embarrassants ne soient divulgués, mademoiselle. Qu’allez-vous faire ? »
Mogwai, maintenant réduit à un peu plus qu’un presse-papier, avait demandé sans une once de responsabilité. Asagi rejeta ses cheveux en arrière en signe d’agacement.
« Je l’ai déjà dit, je n’ai pas écrit de poèmes… ! »
« Keh-keh, peut-être que ce sera ces photos ternes de quand vous étiez plus jeune… »
« Ne les qualifie pas de fades ! Bon, oui, j’étais un peu plus terne que je ne le suis maintenant, mais… ! »
Asagi avait gémi, se serrant la tête en se rappelant qu’elle avait les cheveux noirs et des lunettes simples avant de rencontrer Kojou. Elle n’avait pas trouvé ça hideux ou quoi que ce soit, mais avec le recul, elle avait trouvé ça très embarrassant.
***
Partie 3
« Vous pensez enfin à jeter l’éponge, Impératrice ? Un honorable guerrier sait quand céder avec grâce. »
« Je ne suis pas un guerrier, je suis juste une lycéenne travaillant à temps partiel — ! »
Asagi avait ignoré le conseil de Tanker.
« Et puis, il n’y a aucune raison de lancer un match que je vais gagner de toute façon. »
« À ce stade, une telle fanfaronnade est une farce. Impératrice, je suppose que vous êtes du genre à manquer d’expérience réelle avec les hommes, mais à prétendre en avoir beaucoup pour ne pas avoir à dire la vérité ? »
« Tu n’es qu’une gamine de l’école primaire, alors ne parle pas comme si tu savais… ! » Asagi avait crié, son visage devenant involontairement rouge. La déclaration de Mogwai avait fait mouche et l’avait rendue encore plus furieuse. Et puis il y avait aussi le problème qu’elle n’avait aucune chance de victoire en combat direct. Peut-être qu’elle l’aurait fait contre un hacker moyen, mais elle était face à Lydianne Didier. Après tout, c’était un génie, une superélite élevée au sein du conglomérat géant Didier Heavy Industries, envoyée sur l’île d’Itogami pour tester un robot tank — .
C’est ça, avait pensé Asagi, les coins de ses lèvres se retroussant avec plaisir.
« Mogwai, brûle le reste des proxys. Tiens bon pendant une minute et trente secondes. »
« Keh-keh... Vous êtes enfin redevenue vous-même, mademoiselle. »
Mogwai riait comme s’il pouvait lire dans l’esprit d’Asagi. S’il se concentrait uniquement sur la défense, même Mogwai, maintenant privé de la plupart de ses fonctionnalités, pourrait s’en sortir.
Tanker soupira avec une apparente consternation face à l’attitude de mauvais perdants d’Asagi et de Mogwai et s’apprêta à lancer une dernière attaque.
« Il est futile de renforcer vos défenses à ce stade avancé. Je vais simplement vous encercler et vous écraser… »
Mais elle avait laissé échapper un son y — naa ! de surprise.
Soudain, comme une vague qui s’éloignait, les avis d’alerte qui recouvraient l’écran de l’ordinateur d’Asagi avaient disparu. L’attaque de Tanker s’était arrêtée. Non, plutôt, elle avait été privée de la capacité d’attaquer…
En revanche, la contre-attaque d’Asagi avait brisé les défenses de Tanker, faisant s’effondrer le système à l’autre bout.
Ayant perdu toute sa sécurité, Tanker n’avait plus aucune ressource de combat pour continuer la lutte. Elle était pratiquement nue.
« — Cette attaque vient-elle de l’impératrice !? De la Neustrie ? »
La voix de Tanker avait déferlé quand elle avait finalement réalisé d’où venait le hack d’Asagi.
La Neustrie était une province de l’Empire de la mer du Nord, une cité-État située à l’ouest du continent européen. C’est un petit pays qui produit des machines de précision et des systèmes d’armement, et c’est aussi le lieu de naissance de Lydianne Didier.
Et ce n’était pas par le laboratoire de Kusuki-Elysée administré par Tanker qu’Asagi l’avait attaquée, mais par la Neustrie.
Tanker n’avait pas encore réalisé ce que cela signifiait.
« Ouf… J’ai failli avoir des sueurs froides. Pas étonnant qu’ils t’appellent un intercepteur, Tanker — tes défenses sont vraiment quelque chose. S’il n’y avait pas un trou dans ta sécurité, même moi j’aurais eu des problèmes. »
Asagi s’était étirée au-dessus du lit pendant qu’elle parlait. Ses mots avaient ébranlé Tanker. Elle n’était encore qu’une élève de l’école primaire, elle n’avait probablement pas encore compris qu’elle était passée d’un avantage écrasant à sa propre défaite.
« Absurde… Mon système ne peut pas avoir été si fragile… »
« Vraiment ? »
Asagi avait souri ironiquement et avait secoué la tête.
« Tu es l’un des enfants de l’élite de Didier Heavy Industries, leur fierté et leur joie. Le robot tank dans lequel tu es enfermée est aussi un prototype de Didier, non ? »
« … Dites-vous que vous avez pris les ordinateurs de Didier Heavy Industries et que vous vous en êtes servi comme tremplin ? C’est un fabricant de machines militaires !? »
« Plus facile que d’attaquer le serveur de Kusuki-Elysée alors que tu le protéges bec et ongles, » déclara sans ambages Asagi à un Tanker choqué.
Le robot-tank utilisé par Tanker était un prototype de Didier Heavy Industries. Les données glanées lors des tests sur le terrain étaient régulièrement transmises à Didier Heavy Industries. La cible d’Asagi était le canal de communication privé utilisé à cette fin.
Si elle pouvait prendre le contrôle des ordinateurs de Didier Heavy Industries, s’introduire dans le tank robot était simple. Bien sûr, cela signifiait qu’il fallait déjouer la sécurité d’un grand fournisseur militaire, mais ce n’était pas un grand exploit pour Asagi.
« Impératrice… depuis le début, vous ne visiez pas LYL, mais mon Hizamaru… ! »
Tanker avait parlé d’un ton comme si elle avait été giflée. Hizamaru devait être le nom de son tank. Et cet Hizamaru était maintenant complètement sous le contrôle d’Asagi. Tanker ne pouvait pas sortir du tank de son plein gré, et encore moins se lancer dans le piratage.
« Ne me blâme pas… C’est toi qui as cherché la bagarre avec moi. Grâce à toi, je peux accéder à LYL par la porte d’entrée. Par pitié pour les guerriers, je n’enverrai pas tous tes poèmes. »
Plus tard, avait conclu Asagi, en mettant en sourdine la conversation avec Tanker.
L’interférence inattendue lui avait coûté du temps, mais Asagi avait encore le travail original — prendre le contrôle de LYL — à faire.
« Keh-keh... Au fait, mademoiselle, c’est quoi ce programme ? »
Ayant enfin retrouvé ses capacités, Mogwai demanda de sa voix humaine habituelle.
L’intérêt de Mogwai avait été piqué par la nouvelle application de violation de pare-feu qu’Asagi avait utilisée dans son attaque contre Tanker. Cependant, Asagi semblait ennuyée par l’application, la supprimant allègrement.
« Ahh, ça. J’ai pensé que les algorithmes d’attaque existants n’allaient pas suffire pour le piratage, alors j’ai fait quelque chose sur place. Je pense que sa praticité générale pourrait augmenter avec un peu plus d’amélioration, cependant… »
« Donc vous avez fait en sorte que quelqu’un d’autre s’occupe de la défense pendant que vous faisiez quelque chose d’intéressant comme ça… ? »
« De quoi te plains-tu ? C’est à ça que sert une IA de soutien, bon sang. »
Asagi et Mogwai avaient discuté entre eux avec désinvolture. Pour eux deux, c’était une affaire normale et quotidienne. Pourtant, le tank — Lydianne Didier — était sous le choc en écoutant la conversation depuis l’intérieur du tank immobilisé.
La jeune fille nommée Asagi Aiba ne se rendait pas compte à quel point ses capacités étaient ridicules. L’application qu’elle avait créée sur le champ avait une valeur telle que les agences de renseignement de n’importe quelle nation sur Terre auraient volontiers tué pour l’obtenir. Elle n’en avait même pas conscience.
« Ce n’est pas une erreur, impératrice… Vous êtes vraiment… »
Lydianne Didier avait enroulé ses bras autour de ses genoux en murmurant tristement.
Mais sa voix n’atteindrait plus Asagi.
+++
« Lynx des brumes — Lunes jumelles — ! »
La lance à deux pointes, rappelant un diapason, s’était élancée en avant, semblant creuser l’air.
La lance était enveloppée d’un pseudopouvoir spirituel de séparation de l’espace. C’était un rituel de très haut niveau qui produisait l’effet très réel d’un espace coupé en deux. À l’origine, c’était la capacité de l’Échelle lustrée de Sayaka. Le Ricercare de Kiriha Kisaki avait copié la formule.
« Une écaille lustrée ! »
Cependant, Sayaka ne s’était pas laissé décourager et avait frappé avec son épée longue en argent.
L’arc de cercle de l’épée longue avait créé une déchirure virtuelle dans l’espace, créant un mur défensif invulnérable. L’effet de séparation spatiale n’avait duré qu’un seul instant, mais c’était suffisant pour parer l’attaque de Kiriha.
« Ricercare, amplifiant l’énergie rituelle — c’est certainement une arme gênante, mais quand vous savez ce qui vous attend, la repousser n’est pas si difficile. »
« … Il en va de même pour votre Der Freischötz, n’est-ce pas, Sayaka Kirasaka ? »
La déclaration glaciale de Kiriha était venue alors qu’elle remettait sa lance en place.
« Et pourtant, le fait que vous soyez fière d’un exploit aussi insignifiant en dit long sur votre caractère. Vous êtes à court de shikigami et de flèches maudites, n’est-ce pas ? Avec votre énergie rituelle épuisée contre le Quatrième Primogéniteur et les bêtes démoniaques, il est impossible pour moi, une Prêtresse des Six Lames, d’être vaincue. »
Sayaka pouvait sentir qu’elle s’énervait à cause des remarques venimeuses de Kiriha.
« Merci pour l’avertissement — mais ne regardez pas de haut les danseurs de guerre chamaniques de l’Organisation du Roi Lion, » avait-elle déclaré avec sarcasme.
L’instant suivant, une profonde fissure s’était ouverte sur le sol aux pieds de Kiriha. C’était une contre-attaque de séparation spatiale avec l’écaille lustrale.
Sayaka déclencha des attaques tranchantes l’une après l’autre, ne laissant pas d’autre choix à Kiriha que de continuer à esquiver en arrière. Si la lance fourchue de Kiriha recevait un coup de l’Écaille lustrée alors qu’elle déchirait l’espace, elle serait coupée à coup sûr. En fin de compte, la capacité de Ricercare n’était qu’une copie — elle ne pouvait pas battre la vraie chose.
Et Sayaka était sans pitié dans ses attaques sur Kiriha.
Lors de leur première rencontre, Sayaka avait hésité à abattre Kiriha alors qu’elle était désarmée. C’était l’inconvénient de l’Écaille lustrée, trop puissante, qui empêchait Sayaka de puiser dans toute sa force. Ces circonstances étaient différentes, cependant. La vie d’un grand nombre de personnes visitant l’Élysium Bleu était en jeu.
Si Kiriha devait défendre Riru, Sayaka devait la vaincre.
L’expression de Kiriha s’était faite plus grave, presque comme si la détermination de Sayaka lui faisait de la peine.
« Le fait que Yume Eguchi ait choisi la mort met fin à votre mission, Sayaka Kirasaka. Vous n’avez plus aucune raison de vous battre avec nous, n’est-ce pas ? »
« Oh, vraiment ? Je suppose que cela signifie que vous n’avez pas encore atteint votre propre objectif ? »
Sayaka avait sourit d’un air moqueur en parlant.
L’expression de Kiriha avait disparu, et ses mouvements s’étaient arrêtés. Apparemment, Sayaka avait fait mouche.
« Utiliser le Léviathan — une bête démoniaque que vous devriez normalement éradiquer — pour couler l’Élysium Bleu est une méthode à laquelle seul le Bureau d’Astrologie penserait, mais si cela se produit, votre présence ici signifie que vous n’en sortirez pas non plus indemne. Quelle raison le Bureau d’Astrologie aurait-il de couler l’île, même au prix d’une précieuse Prêtresse des Six Lames ? »
Sayaka avait posé la question d’une voix calme.
Elle n’avait pas pu le croire jusque-là, mais après avoir fait tout ce chemin, elle devait l’accepter : Le Bureau d’Astrologie avait sérieusement l’intention de couler l’Élysium bleu. Mais Sayaka ne pouvait toujours pas en comprendre la raison.
Et peut-être pensant qu’il n’y avait plus de raison de le cacher, Kiriha avait volontiers exprimé sa réponse.
« L’objectif principal du Bureau d’Astrologie est d’éliminer Asagi Aiba — »
« Hein ? » La voix de Sayaka s’était échappée, complètement stupéfaite. « Asagi Aiba… Eh, cette Asagi !? La belle fille de la classe de Kojou Akatsuki… ? »
Sayaka, ébranlée, avait même laissé échapper l’évaluation privée qu’elle n’avait jamais voulu partager.
Kiriha ne répondit pas. Son silence indiqua à Sayaka que ses mots n’étaient pas faux.
« Pourquoi tuer Asagi… ? » La voix de Sayaka tremblait de perplexité.
Elle n’aurait pas été surprise qu’ils en veuillent à la vie de Kojou Akatsuki. Cet adolescent était le Quatrième Primogéniteur, après tout, le Vampire le plus puissant du monde, ce qui avait déséquilibré l’équilibre militaire mondial.
Cependant, Asagi Aiba n’était qu’une personne ordinaire. Elle n’arrivait pas à comprendre comment le fait de briser une île artificielle nouvellement construite était lié à sa seule élimination. De plus, les capacités de combat de Kiriha auraient dû lui permettre de tuer la fille à tout moment.
Kiriha avait prononcé une seule phrase, comme si cela devait répondre à tous les doutes de Sayaka.
« Asagi Aiba est la prêtresse de Caïn. »
« Prêtresse de… Caïn… ? »
« Ne connaissez-vous pas la vraie nature de votre rivale romantique, danseuse de guerre chamanique ? » Puis Kiriha avait gloussé.
***
Partie 4
Sayaka s’était finalement habituée à sa langue empoisonnée, mais cette fois-ci, elle pouvait dire qu’il y avait une véritable pitié pour Sayaka.
La pitié était probablement pour Sayaka d’avoir perdu sa rivale d’une manière si peu souhaitée, mais — .
« Ce ne sont pas vos affaires… Et attendez, quelle rivale romantique !? »
Kiriha continua à parler, sans tenir compte des objections de Sayaka. « La Prêtresse de Caïn est l’être qui, un jour, déclenchera la Purification. L’Organisation du Roi Lion et la Corporation de Management du Gigaflotteur semblent avoir l’intention d’utiliser Asagi Aiba, mais le Bureau d’Astrologie pense que c’est dangereux. »
Les opinions intérieures du gouvernement n’étaient pas un monolithe unique — en tout cas, c’est ce que ses mots à Sayaka laissaient entendre. Utiliser la Prêtresse de Caïn ou l’éliminer, même les plus grands Mages d’Attaque du gouvernement étaient divisés. C’est la raison pour laquelle l’Organisation du Roi Lion et le Bureau d’Astrologie en étaient venus aux mains.
« Mais comment passer de cela à couler l’Élysium bleu… !? »
« Car nous ne pouvons pas tuer Asagi Aiba tant que l’île d’Itogami existe. »
« … Vous ne pouvez pas la tuer ? »
Sayaka avait des doutes quant à la déclaration extravagante de Kiriha. Même si on l’appelait cette Prêtresse de Caïn, la chair et le sang d’Asagi Aiba étaient ceux d’un humain normal. Comment une Prêtresse des Six Lames du Bureau d’Astrologie pouvait-elle être incapable de la tuer ?
Cependant, Kiriha poussa doucement la pointe de sa lance à ses pieds en disant : « L’île d’Itogami, et l’Élysium bleu inclus, est une ville artificielle construite au mépris de la Providence naturelle. Pour Caïn, un être maudit par la terre ferme, l’île elle-même est un autel unique et géant. Tout ce qui se trouve sur cette île est son allié. Elle sera protégée par tous les moyens nécessaires à cet effet. »
« C’est absurde… ! »
Sayaka allait immédiatement se lancer dans une réfutation lorsqu’elle s’était soudainement souvenue d’une information contenue dans un rapport sur lequel elle avait déjà posé les yeux — à savoir, qu’environ un mois auparavant, au plus fort de l’incident du Sang du Sage, Asagi Aiba avait une fois péri, sous les yeux de Yukina et Kojou Akatsuki. Mais elle était immédiatement revenue à la vie par la main de Nina Adelard, la Grande Alchimiste de jadis.
Cela avait été considéré comme un pur hasard, sans que personne n’ait de doute sur le résultat final. Mais on peut penser qu’elle a été protégée par un événement fortuit.
« L’île d’Itogami est une scène meublée pour le bien de la Prêtresse de Caïn. Tant qu’elle sera au sommet de l’île d’Itogami, personne ne pourra tuer Asagi Aiba. Pas même le quatrième Primogéniteur, pas même le Loup de la dérive des neiges — . »
L’explication sans émotion de Kiriha donna des frissons à Sayaka. Si même le Loup de la dérive des neiges, capable de tuer un vampire primogéniteur, ne pouvait pas la tuer — cela signifiait-il qu’Asagi Aiba était plus un monstre que le Quatrième Primogéniteur ?
« Pour tuer Asagi Aiba, l’île d’Itogami doit d’abord être détruite. Par conséquent, la sixième branche a établi un plan pour utiliser le Léviathan. Fortuitement, le président de Kusuki-Elysée a mis en place tous les instruments nécessaires au contrôle du Léviathan. »
Kiriha avait jeté un coup d’œil au laboratoire de Kusuki-Elysée à moitié détruit.
Yume Eguchi, la succube la plus puissante du monde, et LYL, pour tirer parti de son pouvoir, avaient été fournies par Kusuki-Elysée.
Le Bureau d’Astrologie n’avait pas levé le petit doigt. Mais ils avaient murmuré à l’oreille d’un homme, Kazuomi Kusuki, et avaient fait naître son rêve de contrôler la plus puissante bête démoniaque du monde. Une fois qu’il serait mort, il ne resterait aucune preuve.
« Donc, après avoir utilisé Kusuki-Elysée comme ça, vous allez faire porter tout le crime sur leurs épaules. »
« Je suis désolée pour lui. Cependant, quand on pense à ce que Kusuki voulait faire avec le Léviathan, je crois que c’est une juste récompense ? »
Kiriha avait haussé les épaules face au regard réprobateur de Sayaka.
« Tout d’abord, l’Organisation du Roi Lion semble avoir réalisé le plan du Bureau d’Astrologie. Grâce au fait qu’ils aient amené Asagi Aiba à l’Élysium Bleu, nous avons pu retirer la destruction de l’île d’Itogami proprement dite de nos objectifs. À ce rythme, si tout se passe bien, les dégâts pourraient être contenus au minimum. »
« … Malheureusement, ce plan va échouer. »
Sayaka expira, trouvant tout cela gênant, en quelque sorte.
« Hm. » Kiriha fronça les sourcils. « Et pourquoi cela ? »
« Parce que Kojou Akatsuki et Yukina vont arrêter le Léviathan et ramener Yume Eguchi. Pendant que nous y sommes, je vais vous botter le cul et jeter tous les hauts responsables du Bureau d’Astrologie sur vos fesses pour avoir pensé à des trucs aussi stupides. »
« Vous parlez haut et fort d’objectifs qui dépassent les capacités d’une simple danseuse de guerre chamanique de l’Organisation du Roi Lion. Je vais vous tuer — ! »
Kiriha avait placé sa lance en avant avant même qu’elle ait terminé sa menace.
Sayaka avait bondi sur la droite. Kiriha avait vu le mouvement venir. La vision spirituelle d’une prêtresse des six lames : Comme Chamane Épéistes de l’Organisation du Roi Lion, Kiriha était capable de regarder un instant dans le futur. L’attaque de Kiriha ne pouvait être évitée.
Mais Sayaka avait évité cette attaque soi-disant inévitable. Elle avait bougé encore plus vite que la vision du futur de Kiriha.
« Secouer le Cosmos, Jugement ! »
Le coup de pied de Sayaka avait assailli Kiriha. Kiriha l’avait bloqué avec le manche de sa lance, mais la force du coup de pied avait fait voler la garde de Kiriha.
« Qu… !? »
Kiriha cria alors que ses poignets s’engourdissaient. Sayaka était peut-être dotée d’une grande silhouette, mais elle était loin d’être une culturiste. Un coup de pied de sa jambe mince n’aurait pas dû avoir la force d’écraser Kiriha.
« Cette vitesse… ! Un enchantement physique !? Comment cela peut-il être aussi étrange… ? »
« Les danseurs de guerre chamaniques de l’Organisation du Roi Lion sont experts en malédictions et en assassinats. Bien sûr, cela inclut une formation approfondie sur la façon de se maudire soi-même. »
Sayaka l’avait dit comme si ce n’était rien de spécial. Les enchantements physiques étaient des compétences de base utilisées par de nombreux Mages d’Attaque pour augmenter temporairement leur force physique et leur vitesse de réaction en utilisant l’énergie rituelle.
Cependant, le taux d’amélioration physique que Sayaka avait utilisé dépassait de loin les limites des connaissances de Kiriha. Sayaka avait tissé sur elle une malédiction si dangereuse que la moindre défaillance de contrôle la pousserait à s’autodétruire. Sauf pour les danseurs de guerre chamaniques, experts en malédiction, une telle tactique était plus qu’absurde.
« Sayaka Kirasaka ! Vous voulez dire que vous pouvez vous déplacer plus vite que la Vision spirituelle des Prêtresses des Six Lames ! »
La contre-attaque de Kiriha n’avait pas eu lieu. Même en regardant dans le futur, elle ne pouvait pas rattraper la vitesse de Sayaka. « Cependant, ce n’est pas tout, » dit Sayaka en secouant froidement la tête.
« Il doit encore y avoir des dégâts quand Yukina vous a frappé, Kiriha Kisaki. Comme vous êtes maintenant, je serais à cent contre zéro contre vous. D’ailleurs, ça doit être en train de faire effet en ce moment même ? »
« — !? »
La lance de Kiriha était tombée de ses mains. Avec un regard de choc, Kiriha fixait sa main droite, soudainement privée de toute sa puissance de préhension.
La main droite de Kiriha avait encaissé le coup de pied de Sayaka, mais ce n’était pas la cause. C’était simplement le signal qui avait déclenché la malédiction placée sur elle au préalable.
« Un rituel contraignant… Quand avez-vous… ? Vous ne m’avez même pas… touchée ! »
Les danseurs de guerre chamaniques étaient des experts en malédiction et en assassinat. Sachant cela, Kiriha s’était donné beaucoup de mal pour éviter d’être touchée par Sayaka. Sayaka n’aurait pas dû avoir l’occasion de jeter une malédiction sur Kiriha.
« Je suppose que non. Pas directement, en tout cas. »
En parlant, Sayaka enfonça son épée longue en argent dans le sol. Voyant cela, Kiriha inspira un peu.
« La malédiction de la contagion ! Vous aviez une malédiction plantée sur la poignée de Der Freischötz depuis le début !? »
Kiriha n’avait pas été touchée par Sayaka. Mais Kiriha avait touché son épée. Cela, à lui seul, avait jeté la malédiction de Sayaka sur elle. Si Sayaka avait été sérieuse, elle aurait sûrement pu tuer Kiriha par le biais de la malédiction à ce moment précis. C’est Kiriha qui avait eu pitié à l’époque.
Ce fait était une grande tache sur la fierté de Kiriha.
« Tonnerre Noir — ! »
Kiriha bondit, son corps entier débordant de l’énergie rituelle qui lui restait. Sayaka n’était pas la seule à pouvoir utiliser des enchantements physiques. Kiriha amplifiait sa force physique et sa vitesse de réaction au-delà de ses limites pour déchaîner un coup mortel. Les capacités physiques de Kiriha étaient maintenant égales à celles de Sayaka. Même si elle ne pouvait pas utiliser son bras droit, Kiriha était une Prêtresse des Six Lames, une experte en combat à mains nues. Sa victoire était assurée.
« Saturne/Saiha ! »
— mais Sayaka n’avait pas repris son épée longue, au lieu de cela, elle s’était jetée sur le flanc de Kiriha. Puis, elle déchaîna un coup sur un point vulnérable à bout portant. Kiriha, qui se déplaçait déjà au-delà de ses limites, ne pouvait pas parer le coup.
« L’école des Huit Généraux Divins… La technique de l’assassin silencieux de l’Organisation du Roi Lion… ! »
Frappée au tympan, Kiriha avait laissé sortir une voix au son douloureux.
« Pensiez-vous pouvoir battre une danseuse de guerre chamanique au corps à corps ? Je suis une experte en assassinat, vous savez ? »
Sayaka expira d’exaspération.
En fait, il n’y avait aucun écart entre ses capacités de combat et celles de Kiriha. Certes, les dégâts qu’elle avait subis de la part de Yukina la mettaient à mal, mais Sayaka était encore plus épuisée, et l’enchantement physique d’une Danseuse de Guerre Chamanique n’était pas non plus assez pratique pour être utilisé pendant une longue période. La démonstration de supériorité de Sayaka sur Kiriha n’était que du bluff, un stratagème tactique.
Mais le bluff de Sayaka avait atteint Kiriha, la déstabilisant.
Kiriha était une experte du combat contre les bêtes démoniaques. Et Sayaka était une assassin…
Les bluffs ne donnaient rien avec les bêtes démoniaques, mais ils faisaient des merveilles contre les adversaires humains. La victoire de Sayaka sur Kiriha reposait sur ce seul élément : son expérience contre des adversaires sur lesquels de tels stratagèmes fonctionnaient réellement.
« Certainement, ma sous-estimation de vous semble être ma perte, Sayaka Kirasaka. Mais vous arrivez trop tard. Même si vous détruisiez Riru maintenant, cela ne pourra plus arrêter l’attaque du Léviathan… »
Bien que Kiriha ait perçu qu’elle avait perdu, elle avait forcé un léger sourire en parlant.
« Vous avez peut-être raison, » admit Sayaka, ses épaules tombant.
Au-delà de l’horizon lointain, elle pouvait déjà distinguer faiblement l’énorme ombre du Léviathan. Même si elle détruisait Riru immédiatement, cela ne voulait pas dire que ce monstre laisserait l’Élysium Bleu entier.
« J’ai apprécié notre combat, Sayaka Kirasaka. Merci de m’avoir arrêtée… »
C’est la dernière chose que Kiriha avait dite avant de perdre conscience.
Même si c’était sa mission, peut-être même avait-elle angoissé à l’idée de prendre la vie d’un grand nombre d’innocents. D’une certaine manière, le visage de Kiriha semblait plus détendu maintenant qu’elle avait été libérée du lourd fardeau de voir les derniers moments de l’Élysium Bleu.
Sayaka se sentit un peu enviée par son attitude satisfaite et déclara : « Qu’est-ce que c’est que ce merci ? Je préférerais que vous ne nous enterriez pas tous tout de suite ! »
***
Partie 5
Traînant son corps fatigué, Sayaka se dirigea vers le laboratoire.
Sayaka n’avait pas renoncé à détruire Riru.
Même si Kiriha lui avait dit que ce n’était pas le moment, elle avait une raison de ne pas céder.
Sayaka ne se battait pas seule. Kojou et Yukina se dirigeaient vers le Léviathan.
Même si elle ne doutait pas de l’ampleur du Léviathan, elle croyait sans l’ombre d’un doute qu’ils allaient y arriver, d’une manière ou d’une autre.
« … Tu as réussi à me faire croire en toi, Kojou Akatsuki… Tu as intérêt à réussir ! »
Sayaka avait inconsciemment porté une main à son propre cou en murmurant. Sayaka ne pouvait s’empêcher de croire en l’adolescent dont elle avait poignardé les tripes avec son épée, mais qui l’avait quand même sauvée.
Sayaka ne pouvait donc pas céder. Elle n’avait aucune raison de le faire.
+++
Il n’avait pas fallu longtemps avant que Kojou et Yukina puissent dire que quelque chose s’était passé.
En même temps qu’un sentiment de décélération, les pulsations qui avaient continué à l’intérieur de l’arme vivante à intervalles réguliers s’arrêtèrent. Tout ce qui restait était un léger balancement, comme s’il flottait sur une vague — le Léviathan avait arrêté de nager.
« Léviathan… s’est arrêté ? » Kojou avait marmonné, en regardant le haut.
De son côté, Yukina semblait désemparée en examinant la zone.
Ils étaient à l’intérieur de la caverne intérieure du Léviathan. C’était un immense espace dégagé, ressemblant à un hangar sur un porte-avions — .
Il n’est pas clair si les dieux l’avaient conçu de cette façon ou si le Léviathan avait évolué de cette manière par lui-même, mais le Léviathan, une arme vivante, était équipé d’une cavité permettant de charger de petites armes vivantes pour sa propre défense.
Cependant, à ce moment-là, Kojou et Yukina étaient les seuls occupants de l’espace.
Le navire rapide qui leur avait permis d’aller si loin avait été détruit lorsqu’ils avaient pénétré dans les entrailles du Léviathan. Le vaisseau à double coque était divisé en deux, complètement incapable de naviguer plus loin.
Yukina, avec ses réflexes absurdes, s’en était sortie en grande partie indemne, mais Kojou avait subi des dommages sur tout le corps et semblait au bord de la mort. Si possible, il aurait aimé un peu de repos pour guérir ses blessures, mais malheureusement il n’y avait pas de temps pour cela.
Compte tenu de l’énorme structure du Léviathan, il était suffisamment proche de l’Élysium bleu, à plusieurs kilomètres de distance, pour atteindre et toucher l’île. Ils devaient ramener Yume avant que la plus puissante bête démoniaque du monde ne coule le flotteur.
Dos au mur, ils étaient reconnaissants de l’arrêt soudain du Léviathan, mais cela restait étrange. Kojou était toujours déconcerté, ignorant la cause, lorsque le téléphone portable dans sa poche s’était mis à sonner pour annoncer un appel entrant.
« Kojou, tu m’entends ? »
« Ah… Asagi ? »
Kojou avait été un peu surpris quand il avait entendu la voix d’Asagi sur l’application de communication. Même si la surface de la mer n’avait rien pour obstruer les ondes électromagnétiques, ils étaient encore trop loin de la côte. Ils auraient dû être trop loin pour que les téléphones portables soient utilisables.
« J’utilise ce sous-marin Yotaka comme relais. On dirait que tu es arrivé sain et sauf. »
« Oui, en quelque sorte. »
Kojou avait répondu sur le canal de communication, qui semblait assez lent. Sa lèvre coupée lui faisait encore mal, mais il pouvait encore supporter un appel téléphonique. Si Asagi utilisait l’équipement du sous-marin, cela signifiait qu’elle avait finalement réussi à pirater le laboratoire de Kusuki-Elysée.
« As-tu neutralisé Riru, Asagi ? »
« D’une manière ou d’une autre. Kirasaka semble aussi être arrivée au laboratoire de Kusuki-Elysée. »
« C’est ainsi. »
Il sentit que Yukina dégageait un air de soulagement maintenant qu’elle savait que Sayaka était saine et sauve. Sayaka devait être épuisée à force de tirer des flèches de malédiction l’une après l’autre, mais elle avait apparemment réussi à faire partir Kiriha.
Avec cela, il pouvait enfin entrevoir une faible lueur d’espoir pour sauver l’Élysium Bleu. Tout ce qui restait à faire était que Kojou et Yukina ramènent Yume.
« En tout cas, j’ai réussi à faire en sorte que le Léviathan se comporte bien pour le moment. Mais je ne fais que paralyser temporairement Riru, alors ça ne durera pas très longtemps — au mieux, cinq, dix minutes ? »
Asagi avait parlé avec un faible sentiment de nervosité. L’expression de Kojou était devenue encore plus grave.
« Donc nous ferions mieux de trouver Yume et de la faire sortir avant, hein. »
« Si je ne peux pas garder Riru coincée de ce côté, je demanderai à Kirasaka de détruire tout le système. Cela devrait enlever la raison pour laquelle le Léviathan a attaqué l’Élysium bleu, après tout. »
« J’ai compris. Ce serait bien… »
La ligne avait été coupée avant même qu’Asagi ne dise « Laisse-moi faire ». Apparemment, l’esprit d’Asagi était tellement occupé à garder Riru sous contrôle qu’elle n’avait pas pu perdre du temps, même pour parler au téléphone.
« Allons-y, Himeragi. On n’a pas le temps. »
« Oui. »
Kojou avait traîné son corps douloureux en avançant, Yukina avait suivi sans objection. L’intérieur du Léviathan était trop vaste pour tout régler en cinq minutes. Il n’y avait pas le temps de s’occuper des blessures de Kojou.
Yukina avait marché sur la paroi intérieure dure, semblable à une armure, et avait dit : « J’avais imaginé une chose plus vivante, mais c’est vraiment une arme… »
Il faisait sombre à l’intérieur du Léviathan, mais Kojou, étant un vampire, avait une vision nocturne très nette. Yukina, avec sa vision spirituelle, n’avait apparemment aucun problème.
L’intérieur du Léviathan dégageait un air qui tenait moins de la simple forme de vie que du produit manufacturé au design organique, un peu comme le capot d’une voiture de sport.
« Ne pas avoir l’air très vivant est une sorte de grâce salvatrice. Cependant, je n’ai pas l’intention de manger de l’anguille pendant un certain temps. »
Kojou grimaça en se rappelant que le Léviathan ressemblait à un serpent gargantuesque. Naturellement, l’idée d’être dans le ventre du monstre lui donnait des frissons.
En avançant dans la grotte légèrement incurvée, il avait pu distinguer une faible lumière.
La source de cette lueur blanche purement artificielle était le projecteur d’un sous-marin. Un sous-marin blanc comme neige était amarré là, comme s’il était entouré par l’intérieur du Léviathan.
« Senpai… »
« Oui… C’est ce sous-marin de Kusuki-Elysée, n’est-ce pas… ? »
Pas mal, pensa Kojou, remerciant intérieurement Mogwai pour ses indications précises.
L’identité du sous-marin était claire comme de l’eau de roche, même sans les caractères YOTAKA gravés sur la coque. Il n’y avait qu’un seul sous-marin qui aurait pu se trouver dans un endroit comme celui-ci.
L’écoutille du sous-marin était ouverte. Se déplaçant comme si elle ne pesait pas plus qu’une plume, Yukina sauta sur la coque du sous-marin, appelant Kojou en regardant à l’intérieur.
« Senpai. Il y a quelqu’un à l’intérieur… »
Un homme d’âge moyen portant une combinaison de plongée bleue était allongé sur le sol à l’intérieur. Ses yeux étaient fermement fermés, l’expression qu’il portait ressemblait à un homme terrifié par quelque chose.
« Ce type, Kusuki. Ne me dis pas qu’il est… mort ? »
Yukina avait secoué la tête à la question de Kojou.
« Non, il semble être endormi. Cependant, savoir s’il se réveillera un jour est… »
« De toute façon, à ce rythme, il va mourir si on le laisse comme ça… »
Pourquoi ça doit être comme ça ? Kojou avait mis une main sur ses yeux.
Il ne pouvait pas laisser le gars mourir comme ça, mais malgré tout, il n’avait pas de temps à perdre pour s’occuper de lui. Il était le seul dans le sous-marin. Yume était introuvable.
Où est Yume — ? pensa Kojou, en déplaçant son regard.
Soudain, il avait senti une étrange énergie démoniaque surgir dans son dos.
« Senpai — ! »
Yukina, réagissant un peu plus vite, avait essayé d’avertir Kojou.
Mais c’était trop tard. Avant qu’elle n’ait pu le faire, un fouet noir s’était tendu, coupant l’obscurité en frappant Kojou de plein fouet.
Kojou avait été envoyé en l’air sans même avoir le temps de gémir de douleur.
Le fouet qui avait frappé Kojou si fort était en fait une queue avec une pointe très effilée. En regardant la queue noire, imprégnée d’énergie démoniaque, qui s’élevait très haut, il vit la silhouette d’une fille de petite taille.
Elle portait une tenue fine et moulante, comme un maillot de bain. Des ailes noires dépassaient de son dos.
« Merde, ça fait mal… ! »
Kojou avait essuyé son front qui saignait et avait regardé la fille assise sur le toit du sous-marin.
Avec Kojou incapable de se lever, Yukina avait sauté à terre et avait levé sa lance pour couvrir son dos. Cependant, il y avait une hésitation dans les yeux de Yukina alors qu’elle fixait la fille. Yukina ne pouvait pas tourner sa lance vers la fille assise au sommet du sous-marin.
Après tout, c’est elle qu’ils étaient venus ramener avec eux — .
Kojou, se relevant enfin, avait appelé la fille à la queue noire.
« Yume ! »
Mais la fille avec le même visage que Yume avait fait « Ah-ha-ha », en riant et en écartant les bras de manière provocante.
« Tu as cru que j’étais Yume ? Idiot. C’est Riru. »
« … Riru, dis-tu ? »
Kojou était stupéfait en regardant fixement la fille qui se faisait appeler Riru.
La situation inattendue avait laissé ses pensées désordonnées. Asagi était censée peser sur la Riru à l’intérieur du laboratoire de Kusuki-Elysée. Il n’aurait pas dû y avoir la moindre chance pour que la personnalité construite artificiellement puisse contrôler Yume.
Cependant, la fille succube avait regardé avec un mépris visible le couple secoué sous elle.
« Vous êtes vraiment têtu pour me suivre jusqu’ici. N’avez-vous pas entendu de Kiriha ? Yume veut mourir à l’intérieur de ce monstre. Quoi, vous avez l’intention de la ramener contre sa volonté ? Est-ce que ça vous apporte quelque chose, Monsieur Kojou ? Peut-être que vous vouliez faire des choses perverses avec Yume… ? »
« Je n’ai pas — ! »
Kojou avait essayé de se rapprocher de la fille quand un pétard violet avait explosé à ses pieds. Le visage de Kojou s’était figé quand il avait réalisé qu’on lui tirait dessus.
« Senpai, s’il te plaît, fais attention ! Nous sommes encerclés ! »
« Qu’est-ce que — ? »
Kojou regarda tout autour de lui en réponse aux mots de Yukina. Une horde d’innombrables créatures se tortillaient dans l’obscurité partout où ses yeux pouvaient voir. Physiquement, elles ressemblaient à des bernard-l’ermite géants. Au lieu d’avoir de véritables pinces de crabe, elles étaient équipées de bras cylindriques qui ressemblaient à des mitrailleuses. Le coup de feu avait probablement été une cartouche d’énergie démoniaque sortant de l’une d’elles.
Bien qu’il y ait une certaine différence de taille entre les individus, les créatures mesuraient en moyenne deux mètres de long. C’était une brigade de petites armes vivantes, chacune enfermée dans une coquille dure. D’après ce qu’il pouvait compter, leur nombre dépassait la centaine.
La horde d’armes vivantes avait surgi du sol et des murs, remplissant la caverne supposée inoccupée pour entourer Kojou et Yukina.
« Vous pensiez être en sécurité une fois dans le Léviathan ? Cette partie est totalement militarisée, aussi, vous savez ? »
La succube avait froidement repoussé Kojou et Yukina, comme si elle disait : « Si vous ne voulez pas mourir, laissez-moi ici et partez tout de suite ».
***
Partie 6
« Je peux lire dans les pensées, vous avez, et bon sang, les tiennes m’agacent. Toute cette sympathie et cette hypocrisie… Vous voulez juste être rempli d’autosatisfaction en sauvant cette pauvre petite fille, n’est-ce pas ? Ou peut-être que vous avez vraiment envie de Yume ? Oh non, Monsieur Kojou, vous êtes un tel lolicon ! »
Pendant un moment, Kojou avait écouté sans émotion les calomnies de Yume. Puis, ayant attendu que ses paroles s’éteignent, il poussa un lourd soupir comme s’il balayait tout cela d’un revers de main. Puis, un sourire froid lui vint, semblant être expressément destiné à froisser l’orgueil de la jeune fille.
« Qui est un lolicon ici ? Ne va pas coller des fétiches bizarres sur d’autres personnes. Je ne suis pas intéressé par le corps d’une petite enfant ! »
« Qu… !? Je — je n’ai pas le corps d’un petit enfant ! Même moi j’ai… »
Peut-être que la raillerie de Kojou l’avait blessée, car la jeune succube s’énerva, répondant sans réfléchir. L’intégralité de ses paroles lui avait permis de voir la vraie elle.
En la voyant se couvrir la bouche, conscient de son propre lapsus, Kojou avait laissé échapper un rire tendu et apathique.
« J’ai compris. Arrête ce mauvais jeu d’acteur. Il n’y a plus besoin de ça, alors allons-y, Yume. »
« Je… je ne joue pas… »
Yume avait désespérément cherché à trouver une réfutation, mais Kojou lui avait coupé les jambes avec facilité.
« Riru ne m’aurait jamais appelé comme “Monsieur Kojou”. »
« Eeek ! » Sa gorge trembla alors qu’elle réalisa que la fête était finie.
Ses yeux vacillaient alors que des larmes s’y accumulaient. Elle se mordit la lèvre, essayant désespérément de retenir ses larmes alors qu’elle parlait d’une voix brisée.
« Comment… ? Pourquoi… ? »
Les ailes dans son dos avaient disparu. Avec un léger retard, la queue s’était également dissipée.
Il ne restait plus qu’une fille sans défense, les épaules tremblantes.
« Vous me connaissez à peine. Je ne suis ni une amie ni une parente, et pourtant vous êtes venue me chercher dans un endroit aussi dangereux ! Vous n’aviez aucune garantie d’en sortir vivant ! » cria Yume en tremblant, des sanglots s’échappant d’elle.
Ayant accepté Riru en elle, elle savait maintenant tout — y compris qu’elle était allée dans le Léviathan pour mourir. Si Yume mourait là-bas, le mur d’énergie démoniaque du Léviathan empêcherait l’âme de Lilith de se réincarner à nouveau. Par conséquent, il n’y aurait jamais d’autre enfant souffrant du même malheur à cause du pouvoir de Lilith.
C’est pourquoi Yume n’avait pas voulu impliquer Kojou et Yukina, qui n’avaient aucun lien avec elle. Donc elle avait sincèrement prétendu être Riru pour éloigner Kojou et Yukina.
Kojou comprenait ce qu’elle ressentait. Et il comprenait aussi son désir d’une mort douce.
Mais Kojou ne pouvait pas accepter ce souhait. Il avait une raison pour laquelle il ne pouvait pas.
« Il y a longtemps, j’ai connu quelqu’un qui te ressemblait beaucoup. »
« Hein ? »
La confession abrupte de Kojou avait fait cligner Yume des yeux comme si elle avait été giflée.
Le regard qu’il avait tourné vers elle était comme si Kojou regardait au loin.
« C’était elle aussi une fille ordinaire. Elle voulait aller à l’école et s’amuser. Mais elle avait reçu l’âme maudite du plus puissant vampire du monde, et avec ça dans les bras, elle est morte dans mes bras. Pour me sauver, et pour sauver Nagisa… »
Puis, Kojou avait esquissé un sourire amer, qui semblait s’autodéprécier.
Oui. C’est pourquoi Kojou devait sauver Yume. Il n’avait finalement retrouvé qu’un seul, vague et partiel, fragment de ses souvenirs d’elle. Les souvenirs palpitaient en lui comme une épine glacée plantée au centre de son cœur, suppliant Kojou de sauver Yume, pour son bien.
« C’est exactement comme tu l’as dit. Je suis un hypocrite qui fait ça. Je veux te sauver alors que je n’ai pas pu la sauver, juste pour m’imprégner de l’autosatisfaction de la chose ! Quand bien même, je te sauve quand même ! »
« Pourquoi — ! »
Yume avait crié d’une voix triste.
Kojou avait semblé effacer cette tristesse avec son propre rugissement.
« Tu n’as jamais été si heureux que tu t’es dit : “Je pourrais mourir maintenant”, n’est-ce pas ? »
« — !? »
Yume ne savait pas quoi dire, apparemment intimidée par le cri de Kojou. Alors que la fille était pétrifiée, Kojou avait doucement tendu sa main vers elle.
« Rentrons, Yume. Il n’y a pas que moi et Himeragi, Kirasaka et Asagi et ce salaud de Yaze t’attendent. Nagisa travaille dur pour faire du curry, pour ton bien. Il reste encore les feux d’artifice d’hier soir, et tu ferais mieux de t’amuser à la piscine et au parc d’attractions. Une fois de retour sur l’île d’Itogami, ne t’inquiète pas, je demanderai à Natsuki de te trouver une école. »
« Il n’y a… aucune chance que vous puissiez faire ça… Après tout, je suis… »
Yume avait secoué la tête, essayant désespérément de défier l’invitation de Kojou.
« Oh, la ferme ! » Kojou avait grogné, montrant grossièrement ses crocs. « Lilith ou la plus puissante succube du monde, ça n’a pas d’importance pour moi. Tu vas vivre une vie heureuse jusqu’au jour de ta mort. Je me fiche que ce soit le Bureau d’Astrologie ou le Léviathan, si quelqu’un se met en travers de ton chemin, je le détruirai jusqu’au dernier ! Tu n’es plus seul désormais. À partir de maintenant, c’est mon combat ! »
« … Monsieur... .Kojou… »
Pendant un seul instant, une expression vraiment heureuse avait semblé venir sur Yume. Mais même ainsi, elle secoua immédiatement la tête, comme pour dire que même si Kojou l’acceptait, ce n’était pas suffisant pour qu’elle puisse aller avec lui.
« Non, Senpai. C’est notre combat, oui ? » Les yeux de Yukina étaient doucement bridés alors qu’elle tendait une main à Yume, presque comme pour affirmer qu’il n’y avait pas que Kojou qui l’acceptait. « Alors, rentrons à la maison, Yume. Ensemble. »
« Yukina… »
Finalement, des larmes avaient coulé des yeux de Yume. Yume avait donné un coup de pied au toit du sous-marin et s’était précipitée vers Kojou et Yukina. Les deux avaient écarté leurs bras pour l’accueillir. Et à cet instant —
« Aaah — ! »
— Le petit corps de Yume s’était soudainement penché en arrière, comme s’il avait été choqué par un fil électrique.
Kojou et Yukina avaient à peine réussi à attraper Yume alors qu’elle tombait, inconsciente.
« Yume !? Merde, nous n’avons plus de temps — !? »
Kojou s’était exclamé en tenant dans ses bras la jeune fille molle et immobile.
Asagi avait dit que sa retenue de LYL ne durerait pas plus de dix minutes, tout au plus. Kojou soupçonnait à moitié qu’ils avaient dépassé le temps imparti et que la personnalité de Riru avait détourné Yume une fois de plus.
Cependant, peu importe le temps écoulé, Riru n’avait montré aucun signe de réveil. De plus, même si LYL avait redémarré, il était étrange que Yume se soit évanouie. Ce n’était peut-être pas le redémarrage de LYL qui avait causé la perte de conscience de Yume. Le phénomène s’était produit comme si le pouvoir du succube censé contrôler le Léviathan lui avait été renvoyé en pleine figure.
« Senpai, les armes vivantes sont — ! »
Le cri de Yukina avait interrompu le processus de pensée de Kojou. Sa voix fut étouffée par les tirs féroces. Yukina s’élança avec sa lance d’argent pour se défendre contre les balles d’énergie démoniaque violette qui volaient vers eux.
La horde d’armes vivantes de petite taille qui entourait Kojou et les filles s’était mise à bouger d’un seul coup. Yume, qui les contrôlait, s’était effondrée, sans aucun signe de réveil de Riru.
Qui contrôlait la horde d’armes vivantes de petite taille, si ce n’est Yume ? Qui était leur maître légitime ?
« Ce n’est pas possible… »
Kojou avait gémi en regardant ses propres pieds.
L’instant d’après, le rugissement du Léviathan, tremblant de rage, avait rempli l’air.
+++
Le rugissement de colère que le Léviathan avait déclenché avait même atteint l’île d’Itogami.
« C’est quoi cette vague d’énergie démoniaque ? Est-ce l’oeuvre de LYL ? » s’exclama Sayaka, sensible au déferlement féroce d’énergie démoniaque.
L’onde de choc était comme une enceinte de haut-parleurs qui lui explosait dans l’oreille.
Sayaka se trouvait en plein milieu du Parc des Bêtes Démoniaques — la partie la plus intérieure du laboratoire de Kusuki-Elysée. La vague d’énergie démoniaque qui la bombardait avait traversé les épais murs de béton comme s’ils n’étaient rien.
Des étincelles bleu pâle avaient commencé à jaillir de la machine géante surnommée LYL, apparemment incapable de supporter le reflux d’énergie démoniaque. Tout ce que Sayaka pouvait faire maintenant était de rester bouche bée.
« Kirasaka, cours ! Sors de là, vite ! »
Elle avait entendu la voix d’Asagi sur le téléphone portable qui leur permettait de rester en contact. La façon dont elle était paniquée avait fait que Sayaka s’attendait au pire.
« M-Mais qu’en est-il de la destruction de LYL !? »
« Léviathan s’est libéré du contrôle mental de Lilith par ses propres moyens… »
« Quoi ? »
« Je suppose que c’est bien approprié pour l’arme vivante la plus puissante du monde… Léviathan a développé une résistance au contrôle mental sans qu’aucun de nous ne s’en aperçoive. Le pouvoir de LYL ne peut plus l’arrêter. »
Sayaka avait senti le sang s’écouler de tout son corps alors qu’elle comprenait le sens des mots d’Asagi.
Léviathan avait échappé au contrôle mental de Lilith. De plus, Léviathan avait acquis le pouvoir de défier ce contrôle mental de son plein gré.
« Alors, la vague d’énergie démoniaque qu’il a envoyée sans discernement est… »
« On dirait un rugissement de colère. Il est probablement très en colère contre LYL et Riru pour l’avoir mis en laisse. »
« Ce… ce n’est pas drôle — ! »
Se précipitant hors du laboratoire, Sayaka vit la tête de l’énorme « dragon » s’élever au-dessus de l’horizon aquatique. Si cette bête démoniaque titanesque avait été capable d’expressions faciales, elle en aurait probablement porté une de rage débridée.
Léviathan avait défié Lilith. Il ne faisait aucun doute que la plus puissante bête démoniaque du monde avait trouvé le contrôle mental unilatéral profondément déplaisant. Et ayant échappé à ce contrôle, la bête démoniaque était passée à sa prochaine action : la vengeance.
Alors que la bête démoniaque flottait sur l’horizon de l’eau, quelque chose comme une volée d’oiseaux s’envolait de son dos. Mais il ne pouvait s’agir d’une volée d’oiseaux inoffensifs, après tout, l’adversaire était une arme vivante de l’Âge des Dieux.
« — Ne me dites pas que ce sont des missiles !? »
D’un seul coup d’œil, elle comprit le rôle de ces créatures, et également que personne ne viendrait la sauver. Des missiles géants vivants traçaient des arcs paraboliques et se déversaient sur l’Élysium Bleu. Ils n’étaient pas tout à fait une centaine au total : une puissance de feu impitoyable suffisante non seulement pour se venger de LYL, mais aussi pour réduire en cendres tout l’Élysium Bleu avec de la place à revendre.
« Argh, É-Écaille lustrée — ! »
Elle n’avait pas le temps d’hésiter. Sayaka leva son arc recourbé, encochant une des quelques flèches maudites qui lui restaient.
Cependant, la portée d’un arc normal était terriblement insuffisante contre les missiles. Sayaka n’avait plus qu’une seule option : utiliser les deux capacités de l’Écaille lustrée simultanément.
En tirant une flèche maudite à travers la déchirure de l’espace créée par sa capacité spéciale de sectionnement, la flèche pouvait instantanément atteindre la surface de la mer plusieurs kilomètres plus loin. C’était une application pratique de la magie de contrôle spatial, la spécialité de Natsuki Minamiya, la Sorcière du Vide.
***
Partie 7
La raison pour laquelle on avait accordé à l’écaille lustrale, qui était en fait une plateforme de tir pour les flèches maudites, une capacité bizarre telle que la séparation spatiale, était de permettre des attaques de précision à très longue portée. C’était le dernier recours d’un danseur de guerre chamanique. L’utiliser sans permission signifierait des lettres d’excuses, mais elle était, bien sûr, trop pressée pour faire attention à cette question.
La flèche que Sayaka avait lancée avait utilisé une déchirure dans l’espace pour se téléporter. Un cercle magique géant fut créé au-dessus de l’eau libre à plusieurs kilomètres de l’Élysium Bleu. Les éclairs et les flammes jaillissant du cercle magique interceptèrent les missiles vivants, enveloppant le flot de missiles dans une explosion après l’autre.
Sayaka tira une nouvelle flèche pour détruire les missiles qui avaient réussi à passer, mais elle avait atteint sa limite. Il y avait simplement trop de missiles pour qu’une seule personne puisse les abattre.
Un seul missile vivant se faufila à travers les malédictions de Sayaka, volant droit vers le laboratoire de Kusuki-Elysée.
« Je ne peux pas l’arrêter — ! »
Sayaka laissa échapper un cri de désespoir, regardant fixement le missile qui arrivait au-dessus d’elle. L’effet défensif de l’Écaille lustrée ne durait qu’un seul instant. Il n’était pas si facile à utiliser qu’elle puisse résister à la chaleur et au souffle d’un missile.
Mais avant que le missile vivant ne puisse atteindre le laboratoire de Kusuki-Elysée, il s’était soudainement fragmenté et avait explosé. Un seul coup de canon, tiré depuis un char au sol, avait abattu le missile vivant en plein vol.
Une énorme silhouette métallique accourut, semblant protéger Sayaka du déluge de flammes et de fragments de missiles. C’était un microrobot tank, n’atteignant même pas la taille d’un petit véhicule de tourisme.
Un bras manipulateur industriel se tendit, et le robot tank souleva une Sayaka surprise contre sa volonté. Quand elle regarda, elle vit Kiriha Kisaki encore inconsciente portée par l’autre bras manipulateur.
« V-Vous êtes… !? »
« Je m’appelle Tanker. Je suis une amie de l’impératrice Asagi Aiba. »
La question de Sayaka, faite d’une voix tremblante, avait été répondue par Tanker d’une manière très rigide.
Même pendant ce laps de temps, le canon principal du robot avait ouvert le feu une fois de plus, abattant un nouveau missile vivant.
« Comme tout le personnel du Kusuki-Elysée a été évacué, il ne nous reste plus qu’à nous échapper — mais je ne sais pas si nous pourrons nous débarrasser de cet ennemi titanesque. »
En gloussant bruyamment, Tanker avait fait accélérer le robot tank.
Derrière Sayaka et les autres, les missiles vivants étaient finalement arrivés, leurs explosions dispersant les décombres tout autour tandis qu’ils engloutissaient Kusuki-Elysée dans une mer de flammes.
+++
Kojou et Yukina s’étaient réfugiés à l’intérieur du Yotaka, emmenant Yume encore inconsciente. La zone entière était entourée d’armes vivantes de petite taille, ne leur laissant aucun endroit où s’enfuir.
De temps en temps, les armes vivantes de type bernard-l’ermite semblaient se souvenir de les baigner dans des balles d’énergie démoniaque violette, mais d’une manière ou d’une autre, le sous-marin, développé pour l’armée, résistait aux attaques.
« Je me suis dit qu’il était construit assez solidement. À ce rythme, ça pourrait tenir encore une heure ou deux, mais… »
Kojou était assis près de Yukina dans le cockpit exigu, murmurant d’un ton peu enthousiaste. À force d’avoir des problèmes les uns après les autres sans avoir le temps de se reposer, son endurance était sur le point de s’épuiser. Si possible, il aurait aimé rester là et se reposer comme ça pendant un moment.
Cependant, Yukina lui avait jeté la réalité au visage, presque comme pour étouffer les faibles espoirs de Kojou.
« L’Élysium Bleu sera sans doute détruit avant cela. Dans le pire des cas, même l’île principale d’Itogami — »
« Des chiffres… Pas le temps de se la couler douce, hein ? »
« Merde, » cracha faiblement Kojou, en relevant lentement la tête.
Il avait déjà obtenu l’essentiel de la situation directement d’Asagi. À savoir, que le Léviathan avait échappé au contrôle mental de Yume et attaquait l’Élysium bleu dans un accès de rage.
En fin de compte, s’ils laissaient le Léviathan à lui-même, tout se passerait comme le voulait la femme du Bureau d’Astrologie. Leurs efforts ne seraient qu’une goutte dans l’océan.
« Si ce grand gars n’est qu’une bête démoniaque, il suffit de lui faire suffisamment mal pour qu’il retourne au fond de la mer, non ? »
Kojou avait fait cette déduction après avoir trié tout ce qu’il savait sur le Léviathan. Si le contrôle mental des succubes était inefficace, il ne restait que l’action physique comme seule option. Détruire complètement l’arme vivante géante était un défi de taille, même avec la puissance du Quatrième Primogéniteur. Mais s’ils devaient juste le battre jusqu’à un certain point, cela réduirait considérablement les obstacles.
« Tu as peut-être raison. Il est peut-être en colère en ce moment, mais à la différence des êtres humains, il est peu probable qu’il cherche à se venger au point de se mettre en danger, » acquiesça Yukina.
Même s’il avait été construit comme une arme vivante, le Léviathan n’était pas une bête démoniaque belliqueuse. Le fait que la bête démoniaque se soit occupée de ses affaires au fond de la mer pendant des millénaires en était la preuve.
Ils devaient combattre le Léviathan et le renvoyer chez lui.
Dis-en ces termes, c’était d’une simplicité déconcertante, mais cela semblait être le seul moyen pour Kojou et Yukina de sortir de l’impasse. Et seul le pouvoir du quatrième primogéniteur pouvait y parvenir.
Bien que Yukina semblait quelque peu découragée, ses épaules étant tombées.
« Cependant, il est impossible de le combattre à la surface de la mer pendant de longues périodes, Senpai. Après tout, tu ne sais pas nager. »
« Ne t’occupe pas de moi, il n’y a personne qui peut nager avec un tel monstre qui se débat dans la mer ! »
Kojou avait l’air blessé en faisant cette réplique grossière.
En fait, Kojou pouvait utiliser la puissance de ses Vassaux bestiaux pour sortir facilement du Léviathan, sous-marin et tout. Le problème venait après ça. Peu importe la solidité de la construction du Yotaka, il n’y avait aucune chance qu’il puisse résister aux attaques du Léviathan. Un seul coup de canon à énergie démoniaque, et c’était fini.
Par conséquent, la seule chance de victoire de Kojou et Yukina était de régler les choses avant d’en arriver là.
« L’essentiel, c’est que je dois faire une quantité décisive de dégâts à cette chose en un coup, non ? »
« Peux-tu le faire ? Sans le mur d’énergie démoniaque, je pense que tu pourrais y arriver, mais la portée effective du Loup de la dérive des neiges est de plusieurs mètres, au mieux. »
« … Cette chose est juste trop grande en premier lieu… »
Kojou soupira profondément en se rappelant sa première escarmouche avec le Léviathan. Dans une certaine mesure, le puissant mur d’énergie démoniaque du Léviathan pouvait même repousser les attaques des Vassaux bestiaux de Kojou. Le percer d’un seul coup et faire perdre à la bête démoniaque sa volonté de se battre semblait au-delà de toute mesure raisonnable.
Cela dit, il ne pouvait pas invoquer un vassal bestial dans le ventre de la bête. Après tout, le grand nombre de torpilles et de missiles vivants qui s’y trouvaient constituait un énorme stock d’explosifs vivants. De plus, une quantité non négligeable d’énergie démoniaque était nécessaire rien que pour maintenir la structure géante de la bête.
Si Kojou devait faire exploser tout ça avec le Vassal Bestial, l’onde de choc de l’explosion rayerait facilement l’Élysium Bleu de la carte. Cela rendrait l’effort inutile.
Il avait besoin d’une attaque capable de rendre le Léviathan incapable de combattre en un seul coup, tout en évitant le risque d’une explosion en chaîne. C’était des conditions très difficiles, en effet. Il ne pouvait pas penser à quelque chose qui existait à la surface de la Terre et qui remplissait ces conditions. Oui, une telle chose n’existait pas — à la surface de la Terre.
« Je vois. Cela pourrait valoir la peine d’essayer… »
« … Senpai ? As-tu trouvé un moyen ? »
En entendant Kojou murmurer pour lui-même, Yukina s’était tournée vers lui, les yeux remplis d’espoir.
Il avait hésité un bref instant avant de hocher la tête.
« Ouais. Vas-tu coopérer avec moi, Himeragi ? »
« Oui. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir. »
Yukina avait répondu instantanément et sans hésitation, le visage plein d’un sentiment de responsabilité. Rassuré par sa réponse forte, le visage de Kojou s’était éclairé d’un sourire.
« Alors, très bien. S’il te plaît, enlève tes vêtements. »
« — Hein ? »
Yukina s’était figée, apparemment abasourdie, et un silence gênant s’était installé pendant un bref instant. Puis, la vision de Kojou s’était brouillée et avait tremblé. Sans prévenir, Yukina avait avancé le dos de son poing, frappant Kojou durement à la tempe.
« Ooooo — ! »
Sous le choc du coup, Kojou était tombé prostré contre la paroi du sous-marin.
Yukina avait nerveusement tendu la main vers le dos de Kojou. « Je suis vraiment désolée. Mais… c’est parce que tu as parlé d’une manière si frivole à un moment comme celui-ci, Senpai… »
« Ce n’était pas frivole ! J’étais totalement sérieux ! »
« Alors, c’est encore pire — ! »
Yukina avait regardé Kojou avec une expression sévère. Kojou porta une main à sa tempe, une douleur sourde la parcourant tandis qu’il se relevait en vacillant.
« Pas comme ça. Je veux boire ton sang. Je me dis que ce n’est toujours pas suffisant pour réveiller ça. En plus, quand j’ai bu le sang de Sayaka, c’était avec un gros trou dans les tripes… »
« Ce… ? Ahh, maintenant je vois ce que tu veux dire…, » Yukina soupira profondément, discernant enfin où Kojou voulait en venir.
Douze Vassaux bestiaux servaient dans le sang du Quatrième Primogéniteur. Cependant, même la moitié d’entre eux ne répondaient pas à sa convocation, car ils ne reconnaissaient pas Kojou comme leur hôte. Kojou était encore un vampire très incomplet, un simple être humain jusqu’à ce qu’il hérite du pouvoir du Quatrième Primogéniteur, il y a peu de temps.
Des sacrifices devaient être offerts pour que les Vassaux bestiaux du quatrième Primogéniteur, difficiles à satisfaire, le reconnaissent comme hôte. En d’autres termes, il devait boire le sang d’un puissant médium spirituel et l’introduire dans son propre corps — c’était en tout cas la méthode la plus rapide pour apprivoiser ses Vassaux bestiaux.
Le sang d’une Chamane Épéiste de l’ Organisation du Roi Lion, comme Yukina, était plus que qualifié comme sacrifice. Il ne lui restait plus qu’à donner à Kojou le stimulus approprié pour qu’il soit frappé par l’envie de boire du sang, mais…
« Mais je refuse. »
Yukina avait serré le col de sa parka, cachant son cou.
« Eh !? »
Sa réaction inattendue avait laissé Kojou perdu.
Le déclencheur des pulsions vampiriques n’était pas la faim, mais la luxure — en d’autres termes, le désir sexuel. En d’autres termes, si Kojou n’était pas en état d’excitation, il ne pouvait pas consommer de sang, même s’il le voulait.
Ils étaient piégés dans le ventre d’une bête démoniaque gargantuesque, entourés d’une horde d’armes vivantes. En plus de cela, il y avait un élève de l’école primaire qui dormait juste à côté de lui, et aussi un homme plus âgé qu’il ne connaissait pas sur le sol à ses pieds.
Même avec une jolie fille comme Yukina contre lui dans un sous-marin exigu, les circonstances étaient tout simplement trop rebutantes. Pour être franc, l’excitation sexuelle était difficile à obtenir dans cette situation.
***
Partie 8
« Euh, Mlle Himeragi. Vous allez coopérer avec moi pour réveiller le Vassal Bestial, n’est-ce pas ? »
« Je suppose que oui. J’ai promis, après tout. Si tu veux boire, bois comme tu veux. »
Yukina avait prononcé ces mots quelque peu froids en tournant le dos à Kojou. Elle agissait avec apathie, comme une épouse fatiguée de son mariage.
« Alors, enlève au moins la parka. Tu portes un maillot de bain en dessous et tout, non ? »
« — Je suppose que je le peux. Pourtant, je refuse. »
« Pourquoi ? »
« Après tout, tu ne seras pas heureux de voir un maillot de bain comme le mien, Senpai. »
En prononçant ces mots d’un ton boudeur, Yukina avait jeté un coup d’œil de côté, croisant le regard de Kojou.
« Tu as dit que voir le maillot de bain d’une collégienne ne te faisait pas plaisir. Que ce n’était pas grand-chose pour toi. »
« Euh… Ai-je dit quelque chose comme ça ? »
Désemparé, Kojou avait tâtonné dans ses souvenirs. Il ne pouvait pas se souvenir précisément des détails, mais d’une certaine manière, il avait l’impression de connaître la raison pour laquelle Yukina était si atypique et peu coopérative.
Cela dit, il était un peu incertain de ce que quelqu’un penserait d’un gars ravi de voir sa propre petite sœur et sa camarade de classe en maillot de bain, mais…
« Je ne suis pas à la hauteur de tes impulsions vampiriques, Senpai. Après tout, j’ai une si faible traînée dans l’eau — . » Yukina détourna une fois de plus le visage, parlant comme si elle se réprimandait elle-même.
Kojou se gratta la tête en signe d’exaspération. Il pensait que n’importe quel étranger verrait Yukina comme étant dotée d’un physique presque injuste, mais elle était étonnamment inconsciente de cela elle-même.
Certes, il pouvait comprendre que le fait d’être proche d’une vraie bombe comme Asagi et d’une fille élégante au visage de mannequin comme Sayaka puisse donner quelques inquiétudes à une fille, mais…
« Bon… si c’est comme ça, je suppose que je vais devoir utiliser uniquement les vassaux bestiaux que j’ai sous la main… »
Kojou avait abandonné l’idée de convaincre Yukina et avait tourné son regard vers ce qui se trouvait derrière la fenêtre.
En clair, arrêter le Léviathan avec ses ressources disponibles allait être difficile. Même s’il pouvait se battre sans souci, la bête avait un énorme avantage dans les combats en mer. Il ne pouvait pas perdre plus de temps à se morfondre.
« Senpai, cette blessure… ! »
C’est alors qu’il avait senti Yukina haleter fortement derrière lui. Elle fixait le dos de Kojou. Il était percé de plusieurs blessures profondes, son T-shirt était trempé de sang.
« Ah, ça. J’ai pris quelques coups quand nous sommes entrés dans le sous-marin… »
Ce n’est pas si grave, semblait dire Kojou en secouant négligemment la tête. Les blessures avaient été causées par les petites armes vivantes entourant le Yotaka. Il avait pris un certain nombre de balles d’énergie démoniaque quand ils avaient fui dans le sous-marin avec Yume.
« Tu as eu ça en protégeant Yume ? Pourquoi n’as-tu rien dit — !? »
« Hé, ne t’inquiète pas pour ça. Ce genre de choses se règlent très vite. Plus important, on doit arrêter le Léviathan dès que possible…, »
Kojou avait fermement rompu l’échange.
En fait, ce n’était pas des blessures profondes. Si Kojou était en parfaite condition physique, des blessures de ce niveau auraient déjà guéri, mais il avait simplement perdu trop de sang.
Il avait été transpercé par l’épée de Sayaka, et ses organes internes avaient pris un sacré coup quand ils avaient chargé le Léviathan. En plus de cela, il était à court d’énergie démoniaque à cause de l’utilisation de plusieurs Vassaux bestiaux. En cours de route, les dommages s’étaient accumulés petit à petit, empêchant la capacité de Kojou à guérir. Mais ce n’était pas le moment de s’inquiéter de tout cela.
« Bonté divine, Senpai… Tu es vraiment un vampire incorrigible… »
Yukina expira avec un sourire crispé, peut-être hors d’elle-même que Kojou lui ait caché les blessures.
Kojou avait eu l’impression d’entendre le bruit d’un bouton qui s’ouvre, et du tissu qui glisse vers le bas.
« C’est bon, Senpai. Tu peux regarder par ici. »
« … Eh ? »
Quand Yukina s’était adressée à lui, Kojou avait regardé derrière lui. Ses mouvements s’étaient arrêtés, comme s’il était figé.
Ce qui était apparu dans son champ de vision était une peau si blanche qu’on pouvait presque voir à travers.
Des épaules minces, l’échancrure de la clavicule, le gonflement modeste de ses seins, ses hanches serrées et légères… La chair était exposée sur tout le corps de Yukina, jusqu’à ses hanches.
« Euh, ah… C’est un peu gênant d’être regardé avec autant d’attention… »
Yukina semblait rougir en se tortillant sous le regard apparemment fixe de Kojou. Ces mots avaient finalement ramené Kojou à ses sens.
Yukina portait un bikini bleu pastel. En regardant de plus près, elle portait une jupe, son niveau d’exposition n’était pas aussi élevé qu’il n’y paraissait. Même ainsi, le regard de Kojou avait été volé par la vue de Yukina dans quelque chose qu’elle n’aurait normalement pas pu porter.
« Je… viens juste d’acheter ce maillot de bain. Je ne l’ai encore montré à personne d’autre, Senpai. »
Yukina avait parlé d’un ton tendu. Mais Kojou, captivé par elle, ne pouvait rien dire en réponse.
Kojou gardant son long silence, Yukina avait levé son visage avec un air d’inquiétude tout à fait naturel et avait dit :
« Est-ce que ça a l’air… bizarre ? »
« N-Non… Ça te va vraiment bien. Je pense que c’est mignon, » dit Kojou d’une voix rauque. Sa gorge était si sèche qu’il ne pouvait pas parler correctement.
Malgré tout, Yukina semblait heureuse, souriant timidement en disant : « Tee-hee… C’est la première fois que tu fais l’éloge du maillot de bain de quelqu’un, n’est-ce pas, Senpai ? »
« O-Oui. Maintenant que j’y pense, tu es peut-être la seule… »
Il ne se souvenait pas d’avoir fait un commentaire spécial à Asagi ou Sayaka, même Yume, sans parler de Nagisa. Il se souvenait pourtant qu’elles étaient en colère contre lui.
« Il n’y a que moi, n’est-ce pas… ? Est-ce ainsi… ? »
D’une manière ou d’une autre, Yukina semblait satisfaite en murmurant et en réduisant la distance avec Kojou. Apparemment, son humeur avait complètement rebondi à un moment donné.
L’odeur douce de Yukina avait rempli les sens de Kojou. La main que Kojou avait enroulée autour de son dos avait touché sa chair nue, sans défense. La sensation de la peau humaine était fraîche et confortable au toucher.
Le cou nu de Yukina était juste devant les yeux de Kojou.
« Himeragi… »
Les crocs de Kojou avaient mordu, brisant la peau douce de Yukina.
Du sang frais et brillant avait coulé le long du cou de Yukina. Sa voix s’était échappée de ses lèvres. Elle semblait endurer la douleur, relâchant chaque centimètre de son corps tendu alors qu’elle se penchait doucement sur Kojou.
Dans la pénombre du cockpit, éclairé seulement par les lumières de secours, deux silhouettes se pressaient et cessaient de bouger.
Leurs souffles et la chaleur de leurs corps s’entremêlèrent, se fondant tranquillement pour ne faire qu’un.
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La jeune fille était assise seule sur le toit d’une chaumière d’un blanc pur.
C’était une jeune adolescente qui dégageait une impression légèrement enfantine — Nagisa Akatsuki. Ses longs cheveux bruns, défaits, claquaient dans le vent qui sentait la fumée, ce qui la distinguait nettement de sa personnalité habituelle et énergique.
Le sourire de la Nagisa actuelle était si froid qu’on aurait pu croire que son corps entier était enveloppé de glace.
Ses grands yeux étaient dirigés vers une silhouette géante flottant à l’horizon.
À l’intérieur du cottage, Asagi était face à son ordinateur. Conduire les visiteurs de l’Élysium Bleu en lieu sûr, demander l’aide des garde-côtes, envoyer des avertissements aux navires en mer proches — Asagi faisait tout cela toute seule. L’émergence du Léviathan n’avait pas créé de panique au sein de l’Élysium bleu, en grande partie grâce à ses efforts.
Elle est vraiment quelqu’un… pensa Nagisa Akatsuki.
Le coût des efforts héroïques d’Asagi était que le hacker avait perdu sa chance d’évacuer. Bien qu’elle ne se soit sûrement pas sentie comme une martyre ou quoi que ce soit de ce genre. Il fallait le faire, alors elle l’avait fait. C’est tout ce que c’était. Oui, tout comme le garçon qui s’était calmement exposé aux tirs pour sauver sa petite sœur dans le Sanctuaire des démons d’un autre pays…
Elle pensait, si c’était possible, qu’elle voulait aider cette fière fille. Mais telle qu’elle était maintenant, Nagisa n’avait pas le pouvoir de repousser l’énorme arme vivante.
Pourtant, elle ne s’inquiétait pas, car elle sentait qu’un de ses chers compagnons s’était réveillé à nouveau.
« Je vois… Alors tu es le prochain… »
Ces mots prononcés, Nagisa leva les yeux vers le ciel — vers le ciel bleu et clair qui s’étendait au-dessus de la mer et que l’arme vivante de l’Âge des Dieux avait mis en émoi.
« Bonne danseuse de guerre, vas-tu bien — !? »
La complainte de Tanker était diffusée à fond par le haut-parleur externe.
Sayaka était assise sans bouger sur l’armure semi-sphérique qui rappelle une tortue terrestre :
« Je suis finie. Je n’ai plus de flèches maudites, et même mon endurance est à sa limite… ! »
« Ha-ha-ha ! C’est compréhensible. Mon canon est aussi hors service ! »
Le robot char tourna sur les pneus intégrés dans les pattes avant et accéléra.
Avec l’aide de Tanker, Sayaka avait déjà abattu près de trois cents missiles vivants du Léviathan. En ce sens, les deux filles étaient la principale raison pour laquelle les dommages à l’Élysium Bleu avaient été limités.
Sayaka ne savait pas pourquoi Tanker, prétendument au service du Bureau d’Astrologie, lui avait prêté son aide. Son duel de piratage avec Asagi lui avait probablement fait changer d’avis.
Cependant, leurs armes étaient maintenant épuisées. Tout d’abord, il était imprudent de leur part de défier une arme vivante de l’Âge des Dieux avec des armes de taille humaine.
« Prochaine frappe, en approche ! » Tanker avait annoncé bruyamment, en faisant tourner la caméra principale.
Sayaka serra les dents lorsqu’elle leva les yeux et vit une flopée de missiles vivants remplir le ciel à ras bord. Le nombre de missiles était bien supérieur à ce qui était nécessaire pour réduire en cendres l’Élysium bleu. C’était un spectacle que l’on pourrait attribuer à la fin du monde.
Mais soudain, cette même volée de missiles vivants avait disparu dans un rayon brillant. Un coup de tonnerre géant, scintillant et éblouissant avait englouti les innombrables missiles vivants, les faisant exploser.
« Quoi ? C’est un grand spectacle ! »
Sans se soucier de la tension, Tanker avait élevé la voix en signe d’admiration.
Les flammes avaient rempli le ciel, rappelant les feux d’artifice d’un festival, avec un boom différé par la suite.
Entouré de fumée de fusil, un lion de foudre avait émergé, dispersant des éclairs tout autour.
« Un vassal bestial… du quatrième Primogéniteur… ! Cela signifie que — . »
Comme si elle répondait au murmure de Sayaka, une petite explosion avait jailli de la surface du Léviathan.
Un obus à ondes soniques avait pulvérisé ses épaisses écailles. De l’intérieur de la cavité, un sous-marin blanc déglingué émergea, apparemment tiré par un cheval écarlate à deux cornes.
Le sous-marin était parti en vrille dans sa chute, soulevant une grande gerbe d’eau en atterrissant à la surface de la mer.
***
Partie 9
Le vassal bestial écarlate avait dispersé des vents de souffle à l’intérieur du Léviathan, le sous-marin Yotaka avait utilisé le recul résultant pour voler vers l’extérieur.
L’onde de choc avait fait craquer la coque de manière audible, brisant les projecteurs et arrachant les ailerons de stabilisation. Malgré cela, le sous-marin lui-même était sain et sauf. Alors que tout le monde était bousculé dans le cockpit exigu, Kojou se dégagea de Yukina et des autres, qui s’étaient retrouvés sur le sol sous lui.
« — Vas-tu bien, Himeragi !? »
« Oui. Yume va aussi bien ! »
Yukina, qui avait protégé Yume inconsciente, s’était aussi levée, une lance à la main.
La coque du Yotaka, conçue pour résister à la pression de l’eau dans les profondeurs de la mer, avait même tenu le coup face au tourbillon soulevé par le corps géant du Léviathan. Le sous-marin était incontrôlable et secoué par de grandes vagues, mais Kojou avait utilisé les vents soufflants dispersés par le bicorne pour le ramener à une distance sûre.
« Tiens juste un peu plus longtemps ! »
Kojou avait appelé le sous-marin qui grinçait impuissant en ouvrant l’écoutille et en grimpant dessus.
Le Léviathan avait éparpillé ses propres torpilles et missiles vivants, mais quand il s’agissait de puissance destructrice, les Vassaux Bestiaux de Kojou avaient l’avantage. Tant que la défense tenait, il n’avait pas à s’inquiéter de tomber facilement.
Le problème était l’énorme corps du Léviathan lui-même, protégé par un solide mur d’énergie démoniaque. Même Kojou n’avait aucun moyen d’arrêter quelque chose d’aussi massif. S’il s’avançait à pleine puissance, l’Élysium Bleu ne pourrait pas résister.
Kojou devait régler les choses avant que le Léviathan n’arrive au flotteur.
« … Une arme vivante de l’âge des dieux… la plus puissante bête démoniaque du monde, hein… ? »
murmura Kojou en levant les yeux vers le monstre marin.
La tête du Léviathan avait jeté un regard à Kojou, semblant être ennuyée par l’insecte qu’elle n’avait pas réussi à écraser.
Une puissance aussi impressionnante était suffisante pour faire croire qu’il n’était pas face à une bête démoniaque, mais à une force incontrôlable de la nature, comme une tornade ou une éruption volcanique.
Mais quand il s’agissait de niveaux de menace globale, celui de Kojou n’était pas moindre. Après tout, les douze Vassaux Bestiaux au service du Quatrième Primogéniteur étaient, eux aussi, la calamité incarnée.
« Maintenant que j’y pense, tu es peut-être la plus grande victime dans tout ça. Tu dormais confortablement au fond de la mer quand quelqu’un t’a réveillé et t’a contrôlé comme elle le voulait — alors je comprends pourquoi tu veux te lâcher. »
Même si Kojou savait que sa propre voix n’arriverait pas, il s’était adressé au Léviathan avec ce qui semblait être de la pitié.
Puis, ses yeux étaient devenus cramoisis et il avait rugi :
« C’est trop te demander de tout laisser tomber, Léviathan. Alors si tu dois détester quelqu’un, déteste moi — ! »
Une énergie démoniaque ressemblant à un miasme noir se dégageait de tout le corps de Kojou.
Il fixait le ciel bleu loin au-dessus de sa tête en levant les deux mains bien haut. C’était comme s’il sortait une épée géante et invisible de son fourreau en terre.
« Moi, Kojou Akatsuki, héritier de la lignée du Sang de Kaleid, je te libère de tes liens — ! »
Le miasme libéré par Kojou avait déformé l’air, créant finalement une cavité en forme d’épée.
Elle mesurait des milliers de mètres de haut, mais était clairement visible à l’œil nu. C’était une épée ridiculement énorme avec une lame de plus de cent mètres de large.
À proprement parler, sa forme reproduisait une arme ancienne connue sous le nom d’épée Vajra. On disait que c’était une lame utilisée par les dieux pour frapper les démons.
« … Une arme intelligente ! … Une Épée… de Jugement… ! » s’exclama Yukina, réalisant la véritable nature du vassal bestial de Kojou.
Yukina ne savait toujours pas une chose : la fille connue sous le nom de Root Avrora avait autrefois invoqué ce vil Vassal Bestial pour couler une partie de l’île d’Itogami.
« Allez, viens, Vassal bestial numéro sept, Kiffa Ater ! »
Répondant à l’appel de Kojou, l’énorme épée avait commencé à tomber.
La lame était enveloppée de flammes incandescentes alors qu’elle accélérait sous l’effet de la gravité. La vue était comme un météore tombant sur Terre. L’atmosphère avait rugi et tremblé, le ciel était devenu aussi brillant que si un nouveau soleil avait émergé.
Le Léviathan, sentant sans doute cette présence bizarre, avait commencé à tourner la tête. Il essayait de s’échapper du point d’atterrissage de l’épée noire.
Mais avant qu’il ne puisse le faire, l’épée noire était tombée encore plus vite. Kiffa Ater n’était pas une simple épée géante. C’était le Vassal Bestial qui possédait une volonté propre.
La capacité de ce serviteur était le contrôle de la gravité. L’épée, accélérant de plusieurs fois la force de gravité normale, devint une balle supersonique filant vers le cadre gargantuesque de Léviathan.
« Désolé, Léviathan. Ton énorme corps ne peut pas s’échapper. »
Kojou a fait un sourire fin et frêle, comme s’il avait pitié de la plus puissante bête démoniaque du monde.
L’instant suivant, l’épée Vassal Bestial devint un rayon de lumière empalant l’énorme corps du Léviathan.
Même le solide mur d’énergie démoniaque, la fierté de l’arme vivante de l’Âge des Dieux, était impuissant face à l’énergie cinétique d’une telle vitesse écrasante. L’épée géante, dont la lame faisait plus de cent mètres de large, avait complètement transpercé le Léviathan et avait plongé directement dans la mer.
Mais la destruction causée par Kiffa Ater ne s’était pas arrêtée là. La véritable puissance destructrice engendrée par l’épée noire était l’onde de choc massive juste après l’arrivée du coup d’épée.
L’impact de la chute du vassal bestial, rivalisant avec une météorite, avait frappé le corps géant du Léviathan et avait fendu la mer. Un jet d’eau incroyablement haut avait jailli. La surface de la mer s’était gonflée comme un tsunami, et au-delà, la réaction avait donné naissance à un énorme tourbillon de plusieurs kilomètres de diamètre.
Naturellement, Kojou et les autres n’étaient pas non plus sortis indemnes.
Étant si proches du Léviathan, ils avaient pris le gros de l’onde de choc. Cette fois, le Yotaka avait simplement été envoyé en l’air. Si Yukina n’avait pas immédiatement traîné Kojou à l’intérieur et fermé l’écoutille, il aurait très certainement coulé.
« Tu en fais trop, Senpai ! Essaies-tu aussi de couler l’Élysium Bleu !? »
Les vestiges laissés par la destruction de l’épée Vassal Bestial avaient fait pâlir le visage de Yukina qui avait jeté un regard à Kojou.
« Je n’ai pas pu m’en empêcher. Se retenir n’est pas vraiment une option ici… ! »
L’expression de Kojou s’était contractée et il avait transpiré. C’était en fait la première fois qu’il invoquait ce vassal bestial, mais il était bien plus difficile à contrôler qu’il ne l’avait imaginé. C’était une créature si vile qu’elle n’avait aucune utilité, si ce n’est de semer la destruction sans discernement. Kojou pria dans son cœur pour ne plus jamais avoir à l’invoquer.
Voyant que les vagues s’étaient calmées, Kojou et Yukina étaient sortis du Yotaka une fois de plus.
« — On l’a eu ? »
Kojou avait scruté la surface blanche et tourbillonnante de la mer à la recherche du Léviathan.
Naturellement, leur propre sous-marin avait atteint les limites de sa résistance à la traction. L’épaisse vitre était fissurée, et le cockpit commençait à être inondé. Il était peu probable qu’il coule immédiatement, mais il ne pouvait pas résister à la poursuite du combat. Kojou espérait désespérément que le Léviathan se retirerait à ce moment précis.
Cependant, l’énorme corps de la bête démoniaque s’était élevé à la surface de la mer, ignorant le souhait de Kojou.
« — Veut-il toujours y aller !? »
Kojou avait grincé des dents en regardant le Léviathan blessé.
La blessure de la bête démoniaque n’était pas superficielle. Il n’aurait pas été étrange qu’il prenne la fuite comme Kojou et Yukina l’avaient espéré. Mais le Léviathan n’avait pas perdu sa volonté de se battre. Si la bataille se poursuivait, elle ne se terminerait pas avant qu’un des deux camps ne soit mort.
« Non, Senpai ! L’Élysium Bleu ne peut pas résister à une autre attaque comme la dernière ! »
Kojou était sur le point de réinvoquer son Vassal Bestial quand Yukina lui avait demandé d’arrêter.
À vrai dire, la section côtière de l’Élysium Bleu avait subi des dommages considérables à la suite de la première attaque. Si elle subissait une autre onde de choc de même force la prochaine fois, elle risquait fort de subir des dommages mortels.
« Mais à ce rythme — . »
Kojou s’était exclamé en levant les yeux vers la bête enragée.
Si l’arme vivante blessée le défiait dans un combat fou jusqu’à la mort, Kojou n’avait pas la possibilité de se retenir. La prochaine attaque déterminerait qui vivrait et qui mourrait.
Sans aucun doute, le Léviathan avait aussi instinctivement compris cela.
Kojou et la bête démoniaque avaient augmenté leurs forces, attendant le bon moment pour lancer leurs dernières attaques.
Puis, sans prévenir, une petite silhouette s’avança doucement devant leurs yeux.
« Quoi — !? »
« — Yume !? »
Kojou et Yukina avaient crié simultanément. La supposée inconsciente Yume se tenait debout sur la proue du sous-marin, fixant le Léviathan.
Elle avait maladroitement tendu les deux mains, appelant silencieusement l’énorme bête démoniaque.
« Arrête, Yume ! Ton contrôle mental ne fonctionnera plus sur le Léviathan, donc… »
Réalisant ce que Yume essayait de faire, Kojou avait crié pour l’arrêter. Elle voulait utiliser son pouvoir de succube pour contrôler à nouveau le Léviathan et le renvoyer au fond de la mer.
Certes, si elle y parvenait, ils pourraient éviter une bataille aussi inutile, mais ce n’était plus possible. Léviathan, l’arme vivante, était devenu résistant à son pouvoir et ne lui obéirait plus —
déployant ses ailes noires, Yume les regarda en souriant pendant un bref instant. Puis, elle s’envola, comme si elle s’échappait de la main tendue de Kojou. Elle se dirigea juste devant les yeux de Léviathan. Dépourvu de ses propres ailes, Kojou ne pouvait que la regarder partir, abasourdi.
« Non… Senpai. C’est…, » murmura Yukina en regardant Yume.
Kojou avait compris ce qu’elle essayait de dire.
Une faible voix avait résonné dans sa tête.
La réverbération était comme une baleine appelant sa propre espèce.
Il avait un timbre simple qui allait au-delà des mots. Une mélodie douce et déchirante…
« Une chanson… ? »
Yume chantait. À proprement parler, ce n’était pas une chanson, une voix mélodieuse était simplement la façon dont Kojou et Yukina entendaient l’impulsion de contrôle mental que Yume émettait.
Cela avait aussi dû atteindre le Léviathan.
La colère de la plus puissante bête démoniaque du monde disparut. Les vagues d’énergie démoniaque dispersées par sa folie s’atténuaient.
« Elle a… convaincu l’arme vivante de l’âge des dieux… »
La surface de la mer avait commencé à s’agiter. Le corps maritime du Léviathan commença à s’immerger. Ses mouvements ne révélaient plus aucune inimitié envers Kojou ou les autres. La bête démoniaque avait accepté la persuasion de Yume.
« … Est-ce Lilith la sorcière de la nuit… ? »
Kojou avait rétréci ses yeux en levant les yeux vers la vue radieuse de Yume.
Les ailes sur son dos s’estompaient et disparaissaient, peut-être est-ce le résultat de l’utilisation de son pouvoir pour convaincre le Léviathan. Elle volait de plus en plus bas, et avant de pouvoir retourner au sous-marin, elle était tombée dans la mer.
Yukina, agrippée à un gilet de sauvetage, avait plongé dans la mer pour récupérer la jeune fille. Quelle sorcière ? avait pensé Kojou, en tendant la main alors que les deux nageuses revenaient à la nage.
Elle était comme une déesse de la lumière.
***
Épilogue
Sur un banc dans un petit parc avec vue sur la mer, une femme seule était assise.
De petite taille, elle était aussi jeune, ou plutôt, elle avait un visage très enfantin. Elle ne semblait pas avoir plus de onze ou douze ans. Elle était vêtue d’une robe élégante, lacée, et portait un petit parasol. La voir contempler la mer sans bouger, c’était comme regarder une belle poupée de style occidental, abandonnée et oubliée.
Un vent violent avait peut-être soufflé, car le parterre de fleurs du parc était en désordre. On aurait dit qu’un typhon venait de passer.
Pourtant, la mer était calme, le ciel, clair.
Avec le retrait du Léviathan, l’ordre d’évacuation de l’Élysium Bleu avait été levé. Il faudra du temps pour restaurer le parc des bêtes démoniaques, mais il avait été dit que les piscines et le parc d’attractions seraient de nouveau opérationnels dès que les inspections seraient terminées.
Environ 30 % des visiteurs avaient fui l’île, mais les 70 % restants semblaient s’adonner à leurs loisirs. La routine quotidienne des résidents du Sanctuaire des Démons ne pouvait être ébranlée par une simple attaque de bête démoniaque.
Pas même si l’attaquant était la plus puissante bête démoniaque du monde.
Finalement, un nouveau personnage était venu visiter le parc, assis au même banc que la femme au parasol.
Cette fille portait une jupe longue et unie qui semblait mal assortie à une station balnéaire. Elle avait des lunettes démodées et une coiffure qui ne sortait pas du lot. Elle tenait un livre épais sur ses genoux.
« — Il semblerait que le président de Kusuki-Elysée ait été arrêté pour suspicion de terrorisme, » dit la femme à l’ombrelle, prenant la parole en premier.
En dépit de son visage adorable, le ton de sa voix dégageait un air de majesté.
« Le fait qu’il finance l’écoterrorisme va déclencher un scandale en soi. Il n’y a pas moyen de l’en dissuader avec toutes les preuves laissées derrière lui. Je me sens un peu désolée de la façon dont ils traitent ce qu’il a essayé de contrôler comme un simple serpent de mer. » Elle sourit légèrement, semblant avoir pitié de Kusuki.
Le Léviathan était une arme vivante de l’Âge des Dieux : un monstre inviolable et sacré. S’il était établi qu’il était tombé sous le contrôle de l’homme, même temporairement, il n’y avait aucune garantie que quelqu’un d’autre ne surgisse pas pour essayer de le contrôler à nouveau, comme il l’avait fait.
Par conséquent, ils avaient enfermé la vérité.
Ce n’était pas un Léviathan que Kusuki avait essayé d’utiliser comme instrument de terreur, mais un modeste serpent de mer — et la bête démoniaque commune avait été exterminée par la Garde de l’île, qui l’avait transformée en une savoureuse pâte de poisson. C’était le résumé de l’incident rendu public.
Kusuki-Elysée avait été dissous, et le parc des bêtes démoniaques, lourdement endommagé, avait retrouvé une nouvelle vie en tant qu’entreprise de la Corporation de gestion du Gigaflotteur. En conséquence, le Sanctuaire des démons de l’île d’Itogami avait obtenu sans effort une installation pour garder les bêtes démoniaques. C’était un effet secondaire inattendu du tumulte. Et…
« Cette fois, nous avons été sauvés par le quatrième Primogéniteur, oui ? » déclara la fille au livre, une pointe de rire dans sa voix tranquille.
La femme à l’ombrelle avait haussé les épaules, semblant un peu hors d’elle. « Vous avez du culot de dire ça. N’est-ce pas vous qui l’avez entraîné dans cette histoire ? »
« Si nous ne l’avions pas fait, nous aurions perdu un certain nombre de précieuses cartes à jouer. Par conséquent, l’Élysium Bleu a également été sauvé. »
« Cartes à jouer… Je vois. Vous avez donc joué contre les modérés du Bureau d’astrologie ? »
« Mm-hmm. » La femme au parasol avait ri de façon dérisoire.
Les femmes de l’Organisation du Roi Lion avaient tout compris depuis le début : que le Bureau d’Astrologie utilisait Kusuki, et que leur but était d’éliminer Asagi Aiba.
L’Organisation du Roi Lion avait donc infiltré Kusuki-Elysée avec une Danseuse de Guerre chamanique, établissant un contact entre Lilith et le Quatrième Primogéniteur. Amener Asagi Aiba à l’Élysium Bleu n’était qu’un moyen expéditif de contenir les dégâts. Depuis le début, les femmes avaient l’intention de faire s’affronter le Léviathan et le Quatrième Primogéniteur.
Il n’est peut-être pas exagéré de dire qu’en conséquence, la situation s’était terminée exactement comme l’Organisation du Roi Lion l’avait souhaité.
« En raison de cet incident, le Bureau d’Astrologie nous doit beaucoup. De nombreux ennemis politiques au sein du gouvernement vont certainement perdre leur position. Il ne devrait pas y avoir de nouvelle tentative sur la Prêtresse de Caïn comme celle-ci avant un certain temps. »
« J’espère que non. Ce n’est pas une bonne sensation de voir la vie de ses adorables élèves prise pour cible — . »
La femme à l’ombrelle parlait sur un ton ni tout à fait plaisantin, ni tout à fait sérieux. Puis, elle déplaça lentement son regard et regarda la jeune fille.
« Au fait, qu’est-ce qu’il fait ? »
« Lui, vous dites ? » s’enquit la fille au livre avec un regard interrogateur.
La femme à l’ombrelle tordit ses lèvres, ressemblant à un enfant forcé de manger des épinards. « Il est là, n’est-ce pas ? L’idiot maniaque du combat qui a gâché une opportunité fulgurante de se battre avec un ennemi aussi puissant que le Léviathan. »
« Ahh, je vois. » Elle gloussa et secoua la tête. « Il n’est pas sur l’île d’Itogami pour le moment. »
« Il n’est pas… ? »
« Non. Je ne crois pas que ce soit une simple coïncidence que le Bureau d’astrologie ait provoqué cet incident pendant son absence… mais il a probablement ses propres idées. C’est un homme plutôt inconstant, après tout. » La jeune fille avait parlé sur un ton plutôt évasif.
« Ses propres idées, dites-vous… Même s’il ne semble pas qu’il reviendra bientôt sur cette terre. »
Les sourcils fins de la femme au parasol s’étaient levés face aux paroles suggestives de la fille. Elle avait fait tournoyer son parasol avec une apparente contrariété et avait lancé un regard noir à la fille.
« Alors laissez-moi vous demander, Organisation du Roi Lion : Où est-il ? »
La jeune fille reçut calmement le regard de la sorcière hostile en relevant le visage. Elle caressa une page du livre posé sur ses genoux en déplaçant son regard vers l’horizon lointain.
« Le dominion du Troisième Primogéniteur en Amérique Centrale — la Zone du Chaos. »
+++
« Si… fatigué… »
Kojou marchait sur un trottoir de l’Élysium Bleu en portant Yume, endormie, sur son dos.
Sa destination, le cottage, était encore à deux ou trois minutes de marche. Le poids de Yume n’était pas un grand fardeau pour un garçon devenu vampire comme Kojou, mais les puissants rayons du soleil de presque midi étaient plutôt durs pour lui.
« Je pense que c’est normal, » avait convenu Yukina.
Il n’y avait pas de grand changement dans l’apparence revigorante de la fille, mais à en juger par la facilité avec laquelle elle avait accepté ses paroles, elle devait aussi être assez fatiguée. De toute façon, ils étaient sur le chemin du retour après avoir combattu la plus puissante bête démoniaque du monde, ne pas être fatigué aurait été bien plus étrange.
De son côté, Sayaka avait dit qu’elle avait trop utilisé son énergie rituelle et qu’elle était incapable de bouger, elle se reposait donc dans la villa d’une amie d’Asagi pour un moment. Kojou était quelque peu curieux de la musique ancienne et du bruit des chars en arrière-plan de son côté, mais il avait rompu l’appel sans commentaire. Il ne voulait rien avoir à faire avec une « amie » insensée comme celle-là.
« Mais je suis soulagé que les dégâts n’aient pas été plus importants que cela. Toutes les bêtes du parc des bêtes démoniaques semblent aller bien, et la piscine et le parc d’attractions vont reprendre leur fonctionnement normal, semble-t-il. »
« Ouais… Eh bien, les gens qui vivent sur l’île d’Itogami sont un peu habitués aux typhons qui passent et tout ça… »
Kojou n’était pas sûr que son murmure soit d’une grande logique, mais il décida qu’il avait quand même du sens. Beaucoup de choses s’étaient passées, mais en tout cas, l’île était en sécurité. En outre, ils étaient revenus avec Yume. Il n’y avait pas de meilleur moment pour se sentir satisfait.
« Mais je n’ai vraiment pas envie de m’amuser par une journée pareille… Je vais aller flâner à la maison de campagne. »
Kojou avait poussé un soupir de soulagement en levant les yeux, s’approchant enfin du chalet.
Le bon côté des choses était que Kojou et les autres devaient rester pour une autre nuit. Sans rien à faire ce jour-là ou cette nuit-là, Kojou pouvait passer son temps dans une oisiveté molle jusqu’au matin.
Avec Kojou durcissant sa résolution vers ce but décevant, pour une raison inconnue, Yukina lui fit un regard mystifié alors qu’elle lui disait, « Je suppose que tu pourrais. Mais tu es vraiment d’accord avec ça, Senpai ? »
« Hein ? »
« Euh, je veux dire… Ou peut-être as-tu oublié que… »
Par souci pour Kojou, Yukina semblait hésiter avant de poursuivre ses paroles, quand…
« Aaah - ! »
Dans un bruit de pas, une silhouette était sortie en courant du chalet, criant assez fort pour déranger les voisins. C’était Nagisa.
« Kojou, Yukina, bon retour ! Yume est aussi avec vous !? Je suis tellement surprise ! Quand je me suis réveillée, tout le monde était parti — ah, plus important, oh non, Kojou ! Le temps, le temps ! »
« Hé, calme-toi. Quelle heure est-il, de toute façon ? »
Kojou avait demandé d’une voix rationnelle, essayant de calmer Nagisa. Alors que Kojou faisait cela, il avait entendu un nn derrière lui et avait senti que Yume se réveillait. La voix tapageuse de Nagisa l’avait apparemment réveillée. Et au-delà de ça :
« K-Kojou ! Sauve-moi ! »
Asagi avait couru vers Kojou et les autres, à la poursuite de Nagisa — ou plus exactement, fuyant une chose terrifiante. Naturellement, même Kojou avait été surpris qu’Asagi, normalement imperturbable, soit si troublée. Asagi n’avait même pas paniqué en apprenant que le Léviathan se rapprochait. Kojou ne pouvait s’empêcher d’être inconsciemment sur ses gardes face à ce qui avait pu l’effrayer à ce point.
« Asagi, que diable s’est-il passé… ? »
« Elle est là ! R-Regarde ! Là-bas — ! »
« … Eh ? »
Kojou avait déplacé son regard dans la direction indiquée par Asagi… et s’était figé.
Un chariot électrique familier se trouvait sur la place de parking devant le chalet.
C’était une voiture d’entreprise toute blanche, avec peu de décoration. Sur la porte côté conducteur était collé le logo d’une franchise appelée Radaman Pavillionz. A côté du chariot se tient une jeune femme portant une jupe serrée — la propriétaire du stand de nourriture au bord de la piscine.
« Ch-chef… !? »
« Ahh, Akatsuki. Bon retour parmi nous. Je viens juste d’arriver pour te récupérer. C’est le moment de reprendre cet amusant travail à temps partiel ! »
La Chef était en train de bavarder avec Yaze, mais réalisant que Kojou était de retour, elle lui avait tendu la main.
Oui, les piscines de l’Élysium Bleu avaient été remises en service, même immédiatement après un tumulte de cette ampleur. Si les piscines étaient en service, cela signifiait naturellement que le kiosque devait aussi être occupé. Kojou s’était senti étourdi quand il avait réalisé ce fait.
« Y-Yaze — !? » Kojou avait brusquement crié à Yaze, qui ne semblait pas si troublé.
« Quoi ? Je ne comprends pas vraiment ce que tu veux, mais je ne peux rien faire, d’accord ? C’est toi qui payes les frais de voyage avec un travail à temps partiel, après tout. »
Yaze avait dit la vérité. Avoir à combattre quelque chose comme le Léviathan avant le travail à temps partiel était de la faute de Kojou et Asagi. Mais même ainsi, avoir un travail à temps partiel si dur qui les attendait comme récompense pour avoir sauvé l’île par un combat mortel était trop horrible pour être dit.
Mais alors qu’un regard de désespoir s’était abattu sur Kojou et Asagi, une voix claire et féminine avait pris la parole pour réfuter Yaze :
« Veuillez patienter — ! »
Yume s’était calée entre eux, les bras écartés.
L’intervention soudaine de la jeune fille de l’école primaire avait surpris Yaze, la chef, et bien sûr, même Kojou.
« Y-Yume ? »
« Monsieur Kojou ne peut pas travailler. Il vient avec moi pour s’amuser. »
« … Hein ? Quoi ? »
« Eh bien, vous m’avez promis, Monsieur Kojou. Vous avez dit que vous m’emmèneriez à la piscine et au parc d’attractions. Je suis une nageuse experte. Ça va être amusant ! »
Yume avait levé les yeux vers Kojou avec un regard pétillant et enfantin.
Yaze et la chef, mis dans la position inconfortable d’être en désaccord avec Yume, regardèrent Kojou. Nagisa grommela, comme si le plaidoyer de Yume mettait en péril sa propre position de petite sœur. Qu’est-ce que ça veut dire ? s’était dit Asagi en lançant un regard à moitié fermé à Kojou.
Kojou avait porté une expression de choc en regardant Yume.
« P-Promesse… ? »
« Oui. Vous l’avez dit vous-même, n’est-ce pas, Monsieur Kojou ? Que vous me rendriez heureuse pour la vie. »
« Pour la vie… Uh… Uhhh !? »
Kojou avait fait un demi-pas en arrière, confus. Que se passe-t-il ? se demanda-t-il. Il se souvenait d’avoir prononcé des mots dont le sens était similaire, mais il les trouvait incohérents avec son saut de logique.
Elle avait fait croire qu’il l’avait demandé en mariage — des mots qu’il n’aurait jamais prononcés à Yume, une écolière, même par erreur.
« Ai-je… dit quelque chose comme ça ? »
Espérant trouver un point d’appui, il jeta un coup d’œil à Yukina, qui était là à ce moment-là, pour se porter garante de lui. Yukina — Yukina, de toutes les personnes — prouverait sûrement l’innocence de Kojou.
Malgré cela, la déclaration de Yukina était impitoyable. « Malheureusement, tu as dit quelque chose qui pourrait certainement être pris de cette façon, Senpai. »
« C’est fou, » avait gémi Kojou, en se serrant la tête.
Et avec Kojou ébranlé par l’accusation infondée qu’il était un lolicon, Yume avait enveloppé ses bras autour de lui et avait dit, « Tee-hee-hee. Nous serons ensemble pour toujours. »
Ses yeux s’étaient rétrécis en un sourire heureux tandis qu’elle parlait. Son expression était vraiment adorable, assez pour faire croire à n’importe qui qu’elle avait cinq ans.
« Kojou… »
« Kojou, ne me dis pas… tu es vraiment un… ? »
Nagisa et Asagi avaient lancé à Kojou des regards remplis de méfiance. Pendant ce temps, Yaze avait commenté, « Hm, bien, ils ont l’air heureux, » envoyant des mots irresponsables d’encouragement à leur façon.
Kojou avait déplacé son regard vers le ciel, comme pour détourner ses yeux de la dure réalité.
En levant les yeux vers le ciel bleu et serein, il avait été saisi par le sentiment qu’ils étaient au fond de l’océan.
« Laissez-moi en paix… »
Le murmure de la voix de Kojou s’était évanoui dans le ciel lointain.
Le Sanctuaire des démons de l’île d’Itogami, le flotteur de l’Élysium Bleu.
Il semblerait que la journée chargée sur l’île, au nom digne pour un parc d’attractions, allait se poursuivre pendant un certain temps par la suite.
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Illustrations
Fin du tome.
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