Nozomanu Fushi no Boukensha – Tome 1

Table des matières

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Prologue

C’est... c’est vraiment mauvais en ce moment.

Il s’agissait de la première pensée qui m’avait traversé l’esprit lorsque le monstre devant moi avait ouvert ses lèvres rouge pourpre, se précipitant vers moi avec la gueule grande ouverte.

Dans une zone particulièrement rurale, ces terres se trouvaient le royaume de Yaaran, et à la périphérie du royaume se trouvaient une petite ville du nom de Maalt. Moi, Rentt Faina, un aventurier de rang Bronze inférieur, m’était retrouvé à chasser des monstres faibles dans le Donjon de la Réflexion de la Lune — qui, si je pouvais ajouter, était proche de la commune de Maalt. Ce jour-là, comme tous les autres, j’avais continué ma chasse incessante aux squelettes et aux gobelins, assemblant le plus de matériaux de faibles niveaux et de minerais magiques que je pouvais.

Après tout, il s’agissait de ma routine quotidienne. Je faisais la même chose quasi tous les jours, retournant en ville le soir et apportant les matériaux rassemblés à la Guilde des Aventuriers pour une humble somme d’argent. Du moins, c’était ce que j’avais l’intention de faire aujourd’hui, comme je l’avais toujours fait auparavant.

Cependant, la perturbation de ma routine bien établie avait été soudaine et abrupte — un changement rapide dans les rouages de ma vie, si vous voulez le savoir.

Je devrais peut-être m’étendre un peu sur le sujet des donjons. Comme j’avais parcouru chaque jour les pièces et les couloirs du Donjon de la Réflexion de la Lune, il y avait peu ou pas de possibilité que je me perde. Ironiquement, il s’agissait de cette familiarité qui avait été ma perte, car j’avais découvert ce qui semblait être un nouveau passage différent le long de mes anciens et familiers itinéraires. Je suppose qu’on pourrait appeler ça de la malchance.

Eh bien, allons de l’avant à propos de ça.

Dans des circonstances normales, j’aurais probablement négligé une telle chose. Après tout, les aventuriers étaient censés être des individus qui s’aventuraient d’où leur nom. Cela étant dit, la définition de « l’aventure » ne se précipitait pas exactement dans des situations sans précautions ou planifications préalables.

Cependant, en réalité, il y avait beaucoup plus d’aventuriers qui avaient simplement foncé la tête la première dans n’importe quelle situation — et aussi honteux que je sois d’être compté parmi eux, j’avais, moi aussi, fait de telles erreurs.

Cela m'aurait probablement fait du bien d’avoir pris plus précaution.

Pour commencer, le Donjon de la Réflexion de la Lune avait été découvert il y a bien longtemps. Trouver de nouvelles salles et de nouveaux passages dans un donjon aussi bien exploré était pratiquement impossible — en d’autres termes, il s’agissait d’une grande découverte. On en déduirait sommairement qu’une sorte de grimoire ou d’arme magique avec une plage de prix farouchement ridicule se trouverait au bout de ce chemin mystérieux. En outre, on pourrait atteindre un certain degré de gloire et de fortune en cartographiant une zone précédemment inexplorée d’un donjon.

Et c’est ainsi que je m’étais aventuré dans ce passage inconnu, avec des pensées de richesses potentielles obscurcissant à la fois mon esprit et mon jugement. Cependant, mon rapide voyage d’exploration ne s’était pas bien terminé. Je m’étais vite retrouvé face à face avec un monstre aux proportions gigantesques dans une grande pièce. Et quand il pleut, il pleut à verse — c’était ce qu’on disait. Le monstre, de toutes les choses possibles, devait être un Dragon.

Vous savez, les Dragons. Des monstres qui se trouvaient au sommet de la hiérarchie des monstres. Normalement, il faudrait être un aventurier de Rang Platine ou Mithril pour avoir une chance contre eux, car ils étaient les monstres parmi les monstres.

Au premier coup d’œil, il semblait un peu différent de la vision habituelle d’un Dragon. Alors que la plupart des Dragons avaient l’air d’un dragon si l’on peut dire, celui-ci était très différent — il ressemblait à un gros serpent, ou peut-être à une grenouille. Cependant, il n’y avait pas de malentendu que le monstre en question était une sorte de Dragon — dans tous les cas, c’était ce que je pensais.

Les aventuriers malheureux qui croisaient la route des Dragons ne s’en sortaient généralement pas vivants pour raconter l’histoire. Comme les dragons n’apparaissent généralement pas très souvent devant les individus, les témoignages oculaires étaient rares, peut-être même un fait historique. En fait, vous pourriez même compter les rencontres existantes et cataloguées avec une main. La légende racontait qu’il n’y avait pas plus de quatre de ces Dragons dans le monde, et on disait que leur force rivalisait même avec celle du Seigneur-Démon. Certains diraient qu’ils n’étaient pas des monstres, mais plutôt des êtres divins, tandis que d’autres diraient qu’ils étaient au-delà de cela.

En d’autres termes, quelqu’un comme moi, qui avais été coincé dans le Rang Bronze pendant des années malgré tous mes efforts, serait vraiment totalement écrasé et vaincu si le Dragon levait son petit doigt.

— Pendant un moment, je m’étais demandé si les Dragons avaient vraiment des doigts.

Avec un Dragon apparaissant devant moi, je n’avais pas d’autre choix que d’être surpris — en premier lieu, je n’avais aucune illusion ou pensée de vouloir ou pouvoir le combattre. C’était précisément la raison pour laquelle j’avais décidé de fuir. Si je ne courais pas, je mourrais sûrement — et mes pieds avaient commencé à bouger, comme il se devait.

Mais après ça — .

Je suppose que le Dragon était vraiment le monstre des monstres, car il avait rapidement remarqué ma tentative et mon intention de m’échapper. Peut-être qu’il n’avait pas pu s’empêcher de le remarquer, tout comme mes pieds n’avaient pas pu s’empêcher de geler sur place. Et ainsi, je m’étais retrouvé incapable de bouger.

Il était peut-être plus juste de dire que mon corps lui-même refusait de bouger. Il n’avait même pas tremblé. Un individu normal se demanderait pourquoi c’était ainsi — s’il s’agissait, disons, d’une personne normale qui n’avait jamais été confrontée à un monstre auparavant.

En raison de mon long mandat d’aventurier, il ne m’avait pas été difficile de comprendre le phénomène qui m’affectait actuellement. Les aventuriers finissaient par apprendre à lire leurs adversaires, quelle que soit leur nature, qu’ils soient humains ou monstres. En résumé, la pression et l’aura libérée par un être de grande force étaient souvent suffisante pour opprimer et intimider les faibles. On disait que c’était comme être écrasé par une masse lourde et invisible.

Du moins, c’est ainsi que les rumeurs s’étaient propagées. Mais c’était exactement ce que j’avais vécu.

Incapable de résister à la pression émanant du Dragon, j’étais incapable de bouger, complètement enraciné sur le sol. En réalisant ma situation, j’avais souhaité du fond du cœur que le Dragon m’épargne. Mais ce ne serait probablement pas le cas. Ça, je le réalisais parfaitement.

À ce moment-là, tout ce que je pouvais faire, c’était de rester debout et de regarder le Dragon s’approcher de moi — tout en priant pour qu’il change d’avis sur le fait de me manger. Cependant, la réalité n’était pas aussi indulgente.

Après qu’il m’eut aperçu, le Dragon avait rapidement ouvert sa bouche, la déplaçant dans ma direction. Bien sûr qu’il allait me manger — comme prévu. Il s’agissait de la conclusion à laquelle j’étais arrivé lorsque j’avais réfléchi, un peu calmement, face à une mort certaine.

En même temps, une petite voix dans ma tête me rappelait à quel point la situation était désastreuse et le fait que je serais bientôt mort. Il n’y avait pas grand-chose que je pouvais faire, cependant — mon corps ne bougeait tout simplement pas.

Cela faisait une dizaine d’années que j’étais devenu un aventurier. J’avais commencé à l’âge de 15 ans. À l’époque, j’avais cru qu’un jour je dépasserais le Rang Platine et deviendrais l’un des rares aventuriers légendaires du Rang Mithril — c’était mon rêve lorsque j’avais commencé.

J’avais donc entrepris des quêtes simples, effectuant mes missions quotidiennes dans les donjons tout en continuant à rêver d’un tel avenir. Quand j’en avais fini avec mes quêtes quotidiennes, je continuais mon entraînement quotidien. Et bien que j’avais fait tout cela, il semblait que tout s’arrêterait ici.

C’était pathétique, malheureux, oui, mais surtout pathétique.

 

 

Avec des sentiments de regret extrême en moi, et un étrange sentiment de libération sachant que ma vie relativement inutile se terminerait ici et maintenant, mon corps avait été englouti dans la bouche du Dragon — et c’était tout.

◆◇◆◇◆

Cependant, ce à quoi je ne m’attendais pas, c’était la sensation étrange de se réveiller après une période indéterminée. Il semblerait que je me sois réveillé, alors même que j’étais sûr d’avoir été mangé par un Dragon, confirmant ma mort de mes propres yeux. Pourtant, j’étais là, éveillé.

Et puis j’avais remarqué — .

Attends, non, non, ce n’est pas possible.

C’était ce que je pensais en me réveillant, tout en confirmant la situation autour de moi.

Tout cela semblait impossible, en particulier la question de ce qui était arrivé à mon corps. Je ne pouvais pas traiter ce qui se passait, même si, d’abord, un coup d’œil à mes mains était justifié.

C’était alors que la prise de conscience m’avait frappé. Il n’y avait pas de chair sur mes mains — bien qu’il aurait dû y en avoir — et il n’y avait pas de peau non plus. En fait, tout ce qui restait de ce qui était autrefois ma main était une série d’os fins et blancs.

— Et c’était tout ce qu’il y avait.

Cette étrange maladie ne s’était pas arrêtée à mes mains, mais elle avait apparemment affligé chaque centimètre de mon corps. Mes pieds, eux aussi, n’étaient que de l’os — pas de chair ni de peau nulle part. Même chose pour mes cuisses, ainsi que pour mes deux bras.

Quant à mon visage... Eh bien. Les aventuriers n’avaient pas l’habitude de transporter des miroirs transportables. Inutile de dire que je n’en avais pas. Je suppose, en toute connaissance de cause, que j’avais probablement un crâne comme visage. En d’autres termes :

Moi, Rentt Faina, aventurier de Rang Bronze inférieur, j’avais apparemment effectué un Changement de Classe d’« Aventurier » à « Squelette » à un moment donné.

Impossible...

***

Chapitre 1 : Compréhension de la situation et de l’évolution existentielle

Partie 1

Je me trouvais maintenant dans une situation totalement invraisemblable. Ma première pensée fut — que faudrait-il que je fasse maintenant ?

Pour commencer, il serait correct de dire que j’avais été mangé par le Dragon avant ça. Je pense que je devrais être reconnaissant au destin si j’étais en vie, même si j’étais en ce moment sous une forme quelque peu non humaine.

Eh bien, non. Je ne pouvais pas en être sûr — étais-je vraiment vivant en ce moment ? Les squelettes étaient un monstre de type mort-vivant, des créatures qui étaient déjà mortes une fois. En tant que tel, il serait facile pour les évêques et les prêtres de l’Église de les exorciser avec une simple magie de purification. Au contraire, il s’agissait de monstres exceptionnellement faibles.

L’explication derrière la purification des squelettes était simple : étant un tas d’os ambulant, ils étaient des créatures présentes contre la logique divine des dieux. D’autres explications incluaient les plus simples « ils sont morts, et en tant que tels, ils ne peuvent exister sur ce monde ». Pour le dire simplement, c’était vrai. Cette défiance continue des règles divines de vie et de mort était apparemment la raison principale de leur faiblesse face à ladite magie.

Personnellement, je n’avais aucune idée si tout cela contenait une part de vérité, parce qu’en premier lieu je n’étais pas évêque ou prêtre. Cependant, l’argument général en faveur de cette théorie me semblait solide, et pour moi, à ce moment-là, il s’agissait d’un élément d’information d’une importance vitale.

En clair, si je devais développer cette logique, j’étais vraiment très, très, mais vraiment très mort. Plus précisément, j’existais dans le monde comme une pile d’os morts. C’était vraiment une très, très mauvaise chose.

Comme je l’avais mentionné il y a quelque temps, le fait qu’un mort continue d’exister avait apparemment fait étalage d’un viol flagrant de la nature divine. Si je devais simplement retourner en ville et entrer dans une taverne comme si rien ne s’était produit, cela ne se terminerait pas bien. Peu importe à quel point je prétendrais être Rentt Faina, un prêtre bon à rien qui passait tout son temps dans la taverne, du matin au soir, pourrait tester ça et il se débarrassait rapidement de moi avec son bâton. Si cela devait se produire, mon existence serait tout simplement effacée de la surface de ce monde. C’était quelque chose que je voulais absolument éviter.

Tels étaient les faits clairs dans cette situation. Du bon côté, j’étais encore en vie. Même si je devais exister en tant que squelette et que je défiais les lois de la vie et de la mort, en ce qui me concernait, ma conscience était intacte, et j’étais encore très vivant. C’est précisément la raison pour laquelle je ne pouvais pas simplement retourner en ville et me faire tuer en agissant avec imprudence.

Alors, que dois-je faire ? C’était la question du moment.

Je me trouvais en ce moment dans le Donjon de la Réflexion de la Lune, et les aventuriers se rendaient certainement dans ce donjon comme ils l’avaient toujours fait auparavant, tuant allégrement les monstres qu’ils trouveraient sur leur chemin. Même pour un donjon relativement orienté pour les débutants qui était peuplé de monstres plus faibles, les aventuriers plus forts que moi avaient souvent été les visiter jusqu’ici. Si je comparaissais devant de tels individus, je serais certainement tué — pour de bon, cette fois-ci.

Dans tous les cas, que devrais-je faire maintenant ?

Tandis que je continuais à réfléchir à cela, quelques fils de pensée s’étaient reliés dans mon esprit :

On pouvait parfaitement supposer que j’étais maintenant un monstre d’une certaine sorte. Il y avait un certain aspect mystérieux chez les monstres : les monstres plus âgés et plus expérimentés avaient tendance à évoluer vers des versions plus puissantes d’eux-mêmes. Ce phénomène était communément appelé « Évolution Existentielle ».

Bien que je ne sois pas absolument certain d’être en ce moment un monstre, j’avais l’impression d’être une sorte de squelette ambulant quand je me regardais. Si c’était vraiment le cas, ce concept ne s’appliquerait-il pas également à moi ?

— Toute cette histoire d’« Évolution Existentielle » était quelque chose que je connaissais. Après tout, la connaissance des monstres était en quelque sorte une exigence professionnelle pour les aventuriers. Si je me souvenais bien des détails, les squelettes pouvaient apparemment évoluer vers des goules ou mangeurs de chair — du moins, c’était ce dont je me souvenais avoir lu dans un livre traitant des monstres.

Bien que les goules soient également une sorte de monstre mort-vivant, et qu’elles allaient donc aussi à l’encontre des lois divines régissant la vie et la mort, elles avaient au moins une apparence plus humanoïde qu’un squelette. Bien que le corps de la goule soit pourri et desséché, elle avait quand même de la chair. Ainsi, avec une robe et un masque, je pourrais peut-être passer pour un humain — c’étaient mes pensées sur la question.

Si je le faisais, je pourrais me faufiler en ville sans problème et j’aurais enfin l’occasion d’expliquer la nature de cette situation à mes amis et compatriotes. J’étais, bien sûr, très conscient de la nature absurde de mon plan. En vérité, cela n’était pas très bien pensé, bien que ce soit tout ce avec quoi j’avais pu réfléchir à ce moment-là.

J’avais ainsi pris une décision —

Je viserais à déclencher d’une manière ou d’une autre cette Évolution Existentielle. Moi, Rentt Faina, j’évoluerais en goule dans le Donjon de la Réflexion de la Lune.

***

Partie 2

L’Évolution Existentielle du Squelette vers la Goule avait été la première chose dont j’avais dû parler. Bien que j’avais déjà décidé de cette ligne de conduite, je n’étais pas certain de l’étendue de mes capacités de combat. Après tout, je n’étais qu’un aventurier de classe Bronze qui se trouvait proche des échelons inférieurs de la guilde. J’avais cependant mieux réussi que les aventuriers de la classe Fer, qui étaient les plus récents parmi les nouveaux. Si je devais énoncer objectivement mes prouesses au combat, je dirais qu’abattre un ou deux gobelins et squelettes était faisable, et bien à l’intérieur des limites de sécurité que j’avais. Je pourrais au moins faire ça.

Mais dans ce genre de combat, je ne m’en sortirais pas indemne.

S’il y avait plus de deux ennemis en même temps, ce serait peut-être un peu plus difficile, mais je pourrais quand même gagner en agissant différemment. S’il y avait quatre ennemis, je m’enfuirais certainement, mais s’il y en avait cinq, alors je serais foutu. C’est ainsi que les choses se présentaient à ce moment-ci.

Cependant, il ne serait pas correct de me traiter de faible. Mais disons, je n’avais pas grand-chose à dire à ce sujet, car j’avais commencé mon expérience en tant qu’aventurier il y a seulement dix ans. Mais je m’entraînais dur depuis presque 20 ans, bien avant que je sois un aventurier à part entière. En fait, j’aimerais avoir un peu d’empathie venant des autres pour tout ça — car même si je m’étais entraîné depuis si longtemps, je ne pouvais pas faire grand-chose de plus que ce que je pouvais faire en ce moment.

Si l’on me demandait pourquoi j’avais passé autant de temps et d’efforts à m’entraîner, pour n’avoir rien réalisé de spectaculaire, alors la réponse était très simple : Je n’avais pas assez de réserves de mana, d’Esprit ou de pouvoir divin. De plus, je n’avais pas beaucoup des capacités requises pour contrôler adéquatement mes maigres réserves d’énergie magique. On pourrait dire qu’il s’agit d’une question plus que critique pour tout aventurier en herbe.

Pour le dire franchement, j’apprécierais en vérité quelques éloges pour avoir fait tout ce que j’avais fait jusqu’à présent.

Je suppose que je n’avais pas expliqué ce qu’était la magie, le pouvoir de l’Esprit ou le pouvoir divin. Pour commencer, parlons de la nature du mana. La possession de mana est une condition préalable nécessaire pour lancer des sorts magiques — la source d’énergie magique mystérieuse avec laquelle certains individus naissaient rarement. Si l’on pouvait le dire simplement, ceux qui avaient été bénis par le mana à la naissance étaient capables de conjurer les flammes et le vent sans l’utilisation d’objet, de faire couler l’eau librement provenant de nulle part et de persuader la terre elle-même de se déplacer sous leurs pieds. À plus d’un titre, la magie était une compétence très pratique.

Bien que les rapports différaient entre les différentes races d’êtres sensibles qui peuplaient ces terres, un individu sur 50 environ était né avec le mana dans la race humaine. Ce n’était donc pas un si petit nombre que ça.

Cependant, ceux qui avaient assez de mana et de compétence pour devenir de puissants mages étaient au nombre d’un pour mille — telle était la rareté de cette bénédiction. Cependant, tant que l’utilisateur possédait une certaine quantité de mana, des sorts simples comme la vénérable boule de feu Foteia Borivaas, ou bien la flèche de terre Gie Vieros, pouvaient être lancés sans trop de problèmes. Cependant, pour aller au-delà des sorts d’attaque rudimentaires, il fallait la combinaison susmentionnée de mana et de talents, qui n’était disponible qu’à un humain sur mille en moyenne.

Il valait peut-être la peine de mentionner que, même si j’avais des réserves de mana à la naissance, elles étaient pathétiquement basses — à peine une fraction de ce dont on aurait besoin pour devenir un puissant mage. Après tout, j’avais été incapable de lancer des sorts d’attaque de bas niveau malgré mes longues périodes d’entraînement. Mon manque de talent dans ce domaine était douloureusement apparent.

Cependant, je pourrais conjurer de l’eau pour boire et des braises pour allumer des feux de camp. Pour cela, j’étais reconnaissant, même si ces bénédictions étaient faibles. Pourtant, il était extrêmement regrettable que je ne puisse pas utiliser la magie au combat.

Une explication du pouvoir spirituel, ou Esprit serait peut-être nécessaire. Souvent désigné par une pléthore d’autres noms, tels que « Chakra » ou « Prana », le pouvoir spirituel est la force vitale de tous les êtres vivants.

Contrairement à la magie, l’Esprit est la racine de toute vie, et en tant que telle était disponible à toute personne vivante. Si on l’utilisait bien, on pourrait renforcer son propre corps, augmenter ses attaques et même obtenir une endurance bien supérieure à celle d’un humain moyen. Cependant, comme la plupart des individus avaient inconsciemment utilisé l’Esprit comme un moyen de rester en vie, peu d’entre eux en venaient à réaliser son véritable potentiel.

D’autre part, même si l’on prenait conscience de son propre Esprit, il fallait beaucoup d’entraînement pour l’utiliser adéquatement, en plus d’exiger un talent naturel pour canaliser sa force vitale.

Dans mon cas, je n’avais pas assez de contrôle sur mes réserves spirituelles pour l’utiliser efficacement, même si j’avais pris conscience de son existence. Mais même ainsi, j’avais réussi à amplifier la force d’une seule attaque de 1,5 fois en une seule journée — personnellement, j’avais considéré cette capacité comme ma carte maîtresse. Bien que l’attaque augmentée ait porté une quantité significative de force, elle serait certainement considérée comme un jeu d’enfant pour un pratiquant réel des arts spirituels.

La dernière, mais non la moindre serait une explication du pouvoir divin, ou Divinité pour faire court. Je suppose qu’on pourrait dire que c’est encore plus rare que la bénédiction du mana, car la plupart des individus n’avaient aucune affinité pour elle. On dit que la Divinité était conférée aux humains par des êtres divins, tels que les dieux ou les fées. Le fait d’avoir une réserve de pouvoir divin en soi-même était en effet considéré comme une chose rare, et la plupart des individus qui en avaient fait le bénis se retrouvaient à travailler pour l’église.

Selon la façon dont on l’utilisait, la Divinité était connue pour permettre l’utilisation de sorts de guérison et de purification qui, à un niveau rudimentaire, pourraient être utilisés pour guérir des maladies ou exorciser les morts-vivants. Les utilisateurs possédant de plus grandes réserves de Divinité étaient même capables de purifier de vastes étendues de terres corrompues.

De plus, en raison de sa nature de capacité accordée par les êtres divins, les quelques chanceux qui avaient du pouvoir divin en eux se trouvaient capables de communiquer avec les fées et les dieux. Dans certains cas, ils atteignent même des positions sociales de premier plan.

Dans ce cas, si nous ne parlions que d’un individu ordinaire, ils n’auraient probablement pas une seule trace de Divinité en eux. Mais moi, pour une raison ou une autre, j’avais un fragment de Divinité en moi. Cela étant dit, un fragment restait un fragment, donc des tâches plus grandes me dépassaient complètement.

Si ma mémoire était bonne, ce fragment de Divinité provenait d’un événement de ma jeunesse, où j’avais décidé, pour une raison inconnue, de réparer une sorte de sanctuaire local délabré. Les esprits qui habitaient ce sanctuaire avaient probablement jugé bon de me bénir, et c’était déjà la fin de l’histoire.

Bien que je sois capable d’utiliser un peu les arts divins depuis lors, tout ce que j’avais réussi à faire était de purifier l’eau sale pour qu’elle soit potable. Je pouvais aussi l’utiliser pour nettoyer une plaie de ses infections. Des choses comme la fermeture instantanée des plaies ou la purification d’une terre corrompue étaient, et restaient encore, malheureusement, au-delà de mes capacités.

Il s’agissait toutefois d’une capacité dans la vie quotidienne très pratique. Je me retrouvais très souvent à remercier cette fée ou cet esprit du fond de mon cœur pour le don qui m’avait été accordé.

Et cela concluait ainsi mon explication sur la raison pour laquelle il m’avait été difficile de continuer à progresser en tant qu’aventurier en ayant ces dons et capacités. Après tout, les réserves de mana et de Divinité en moi étaient tellement petites, et même moi je savais que je n’étais pas exactement fait pour l’aventure.

Il valait peut-être la peine de noter que les personnes ayant la capacité d’utiliser les trois capacités étaient extrêmement rares. En vérité, je ne me souviens pas avoir rencontré quelqu’un d’autre comme moi. Malheureusement, le facteur important n’étant pas le nombre, mais le degré de talent et de puissance que l’on possédait, et de ces deux côtés, on pourrait aussi dire que j’avais été extrêmement malchanceux.

La plupart des personnes qui aspiraient à devenir des aventuriers avaient généralement une forte disposition innée à l’une des trois capacités — environ la moitié des aventuriers étaient dans ce cas là. Quelqu’un comme moi, qui n’avais rien de tout ça et qui continuais malgré tout était une curiosité très rare. En fait, des individus comme moi auraient probablement choisi un emploi normal, ne combattant jamais, et vivraient ainsi toute leur vie dans une paix relative. Moi aussi, j’aurais dû le faire, du moins, c’était ce que je pensais rétrospectivement.

Une chose m’avait empêché de faire ce que j’aurais dû faire : le fait que j’avais un grand rêve.

Dès mon plus jeune âge, je l’avais pourchassé, et j’avais continué à le faire — pour devenir un aventurier de la classe Mithril. Je ne pouvais pas abandonner après tout ce temps.

Mais à la suite de mon grand rêve, j’avais semblé avoir fini sous la forme d’un squelette. Bien qu’il n’y ait pas grand-chose à dire à ce sujet pour l’instant, je n’avais pas l’impression de devoir abandonner.

Indépendamment de mon apparence actuelle, je n’étais apparemment pas complètement mort. Bien que je n’avais aucune idée de la raison pour laquelle j’étais encore en vie au début, j’avais l’impression d’être encore là, étant donné que mon corps bougeait encore.

On disait que les humains trouveraient un moyen tant qu’ils seraient en vie. On disait aussi qu’ils étaient capables de réaliser de grands exploits précisément parce qu’ils vivaient. C’était avec cette pensée dans mon esprit que j’avais continué à vivre.

En y repensant, être un squelette n’était pas entièrement une mauvaise chose. Bien qu’il s’agissait d’un énorme problème en soi, en plus du fait que je ne savais pas si j’étais vraiment en vie, je pouvais bouger, et donc je n’étais pas entièrement impuissant. Il n’y avait rien de mal à penser que je pourrais continuer à travailler dur à partir de maintenant, même dans ma forme actuelle.

Juste pour être sûr, j’avais effectué avec les capacités que j’avais quand j’étais « vivant » quelques petits essais. Le mana, l’Esprit et la Divinité semblaient tous fonctionnels, m’ayant apparemment suivi dans l’au-delà. Je sentais que j’en avais plus qu’assez pour continuer avec ces avantages.

Dans tous les cas, je pourrais dire que j’avais un certain avantage face à un monstre de type squelette typique de ce niveau, qui n’aurait certainement aucune de ces capacités. Je pourrais probablement me battre avec ça — c’était plus que suffisant.

Il était également intéressant de noter que, bien que mes aspirations à évoluer vers une Goule semblaient alarmantes, je n’avais pas l’intention de manger de la chair humaine. Je le faisais juste pour obtenir une forme plus humaine.

Quoi qu’il en soit, je ne me souvenais pas que les goules avaient besoin de chair humaine pour se nourrir. Si j’étais contraint de le faire par instinct ou pour d’autres raisons, je franchirais ce pont quand j’y serais arrivé.

Peut-être que je le ferais en secret, ou du moins, trouverais-je un moyen de satisfaire ma faim, car pour l’instant, cela ne valait pas la peine d’y penser. Plus important encore, il était vital de vérifier l’étendue de mes forces au combat et de continuer ma tâche d’évoluer vers une goule.

Pour y parvenir, je devais vaincre les habitants — plus précisément, les monstres — du donjon dans lequel je me trouvais actuellement. Justifier mes actions en le faisant était simple. L’Évolution Existentielle n’était déclenchée que par le fait que les monstres acquièrent plus d’expérience et de force avec le temps —, du moins, c’est ainsi que s’était déroulée l’explication typique en la matière.

Le meilleur exemple de ce type de manuel serait, ironiquement, un Dragon. Les dragons, nés juvéniles et ayant mûri au fil des ans pour devenir un dragon ancien, en étaient une bonne illustration. Cependant, les Dragons étaient des monstres avec une grande capacité latente et une grande puissance dès le départ. Comparés aux Dragons, les squelettes étaient simplement restés des squelettes, quel que soit le temps qui s’était écoulé.

Après tout, les monstres morts-vivants étaient bien morts. Même s’ils passaient des milliers d’années sur place, ils existeraient tout simplement. Les récits de monstres morts-vivants devenant plus forts simplement en se tenant debout sur place étaient pratiquement inconnus.

La logique derrière tout cela était simple : les os étaient des os. Un tas d’os morts ne pouvait pas grandir.

Une fois de plus, je m’étais retrouvé perdu, mais pas pour longtemps. Je devais acquérir de l’expérience, donc je devais me battre.

Il avait été dit que les monstres absorbent la force vitale des autres monstres s’ils tombaient au combat. Cela s’était avéré exact, tant pour les humains que pour les monstres. La différence fondamentale des humains était que les humains, quelle que soit la force qu’ils avaient absorbée en provenance des monstres tués, ils restaient humains. Alors qu’il y avait beaucoup de combattants et d’aventuriers forts et expérimentés, ils étaient encore humains à l’intérieur.

Cependant, les monstres différaient des humains dans cet aspect — après avoir obtenu une certaine quantité d’expérience et absorbée de la force, le monstre typique évoluait vers une forme plus puissante à l’aide dudit phénomène de l’Évolution Existentielle. Sur cette base, il semblerait que mon chemin soit déjà tracé pour moi.

Bien sûr, le problème de savoir si oui ou non j’étais vraiment un monstre restait encore. Mais même ainsi, je pourrais le découvrir facilement par le biais d’une série de combats. Je le considérais comme une condition préalable qui devait être réalisée avant l’évolution.

En tant que telle, ma première tâche avait été de localiser et de vaincre un monstre proche de moi en termes de puissance.

Quant aux monstres que même un simple squelette pourrait vaincre... slimes, gobelins et autres squelettes m’étaient venus à l’esprit. Heureusement, ils se trouvaient tous dans ce donjon. Bien que je me trouvais actuellement dans une section inexplorée du Donjon de la Réflexion de la Lune, je me souviens d’avoir vu un certain nombre de monstres sur le chemin.

Il y avait de multiples théories sur les raisons pour lesquelles les monstres existaient dans les donjons. Cependant, toutes ces théories semblaient s’accorder sur le fait que les monstres réapparaissaient après un certain temps une fois tué. Le phénomène, communément appelé « respawn », verrait les monstres ressusciter après un certain temps, allant de 30 minutes à quelques jours, voire quelques années. En particulier, les monstres faibles dans les donjons pouvaient réapparaître en moins d’une heure.

Bien que je n’aie pas pu déterminer avec précision combien de temps s’était écoulé depuis que j’avais été mangé par le Dragon, j’étais sûr que le temps nécessaire pour que lesdits monstres réapparaissent avait passé depuis longtemps. Après tout, ma mort ne ressemblait pas à une simple période de cinq à dix minutes. Bien qu’il me semblait idiot de penser que mon horloge biologique aurait un sens, étant donné que j’étais actuellement un tas d’os secs, tout ce que j’avais à faire était d’attendre si mon estimation du temps n’était pas respectée.

En gardant cela à l’esprit, j’étais reparti vers le chemin d’où j’étais arrivé, ayant jugé que c’était le moyen le plus rapide de rencontrer un autre monstre. Soulevant mes pieds osseux, j’avais commencé à marcher, retournant sur le sentier usé avec une série de pas lourds.

Cependant, en essayant de bouger, j’avais découvert que mon corps était douloureusement lourd — j’avais supposé en tant que tel que je ne pouvais pas me battre comme je pouvais le faire de mon vivant. Cependant, le fait que je pouvais bouger avait rempli mon cœur de soulagement.

Bien que je sois actuellement le plus faible dans la hiérarchie globale des monstres, j’étais toujours considérablement plus rapide et plus fort qu’un humain moyen. Je ne pouvais qu’espérer que cela fonctionnerait d’une manière ou d’une autre, mais cela aurait pu être tout simplement un optimisme sans fondement de ma part.

En ce qui concernait mes armes, je m’étais retrouvé encore équipé de mon épée à une main bien usée de ma vie antérieure ainsi que de mon armure, donc il n’y avait pas de problèmes dans la section équipement. Cependant, tous les autres aspects de mon potentiel de combat devraient être testés sur le terrain.

Il ne m’avait pas fallu longtemps pour croiser le chemin d’un autre monstre, ce qui m’avait pris environ cinq minutes après le début de ma quête. Mon adversaire, pour le meilleur ou pour le pire, était comme moi, mais sans armes ou armure — un autre squelette.

***

Partie 3

C’est ainsi que j’avais fait face à mon adversaire dans les passages sombres de la Réflexion de la Lune. Mon adversaire était un squelette, tout comme moi. Une pile pâle d’os, retenus ensemble par le strict minimum de force vitale nécessaire pour qu’ils puissent se déplacer. Il était incapable d’utiliser la magie, ne possédait pas une once d’Esprit, et n’était pas capable de canaliser la Divinité d’aucune sorte. C’était, dans tous les sens du terme, un squelette normal.

Pendant que je mettais en place mon épée, le squelette qui allait se battre contre moi regardait dans ma direction, comme s’il confirmait ma présence.

*Clack clack clack!*

Ses os s’étaient heurtés les uns aux autres, libérant un son épouvantable. Si je n’en savais pas plus, je penserais qu’il se moquait de moi.

Squelettes —

Je les avais combattus de nombreuses fois au cours de ma carrière d’aventurier. Mais maintenant, je m’étais trouvé bien plus conscient de leur existence, peut-être en raison de ma nouvelle perspective.

Une fois qu’une chose vivante était devenue une pile d’os, elle n’existerait plus jamais. Cependant, le squelette devant moi pouvait se déplacer en dépit de cela, comme un défi continu aux lois divines de la vie et de la mort. Plus je le regardais, plus je sentais que son existence en soi était une moquerie de la nature.

Il m’était venu à l’esprit que j’étais probablement perçu de la même façon par d’autres êtres humains. Peu importe la façon dont je voyais les choses, il m’avait semblé impossible de retourner à Maalt tel que je l’étais actuellement.

Une fois de plus, je ne pouvais m’empêcher de soupirer. Bien que je n’avais pas d’organes pour respirer, et encore moins de poumons, je l’avais fait. N’étant devenu rien d’autre que des os, je suppose que c’était évident.

J’avais senti une nouvelle vague de choc m’envahir lors de cette révélation — le fait que j’étais maintenant quelque chose de complètement inhumain avait été enfoncé profondément dans mon esprit. Il n’y avait pas grand-chose que je pouvais faire à ce sujet. C’était comme ça désormais.

Bien que je sentais que j’avais déjà digéré les faits de mon nouvel état de squelette, il semblerait que beaucoup d’autres choses à propos de ce développement me dérangeaient encore. Je me sentais plus hésitant que jamais.

Malgré cela, je n’avais pas d’autre choix que de continuer. Je devais vaincre cet autre squelette devant moi et évoluer à tout prix en Goule ! Avec cela à l’esprit, j’avais mis ma colonne vertébrale en mouvement pour cette tâche en fonçant à pleine vitesse vers ce squelette.

Du moins, c’était ce que j’avais voulu faire. La vitesse à laquelle j’avançais vers l’autre squelette était, faute d’un meilleur mot, douloureusement lente. Je suppose qu’on pourrait le définir comme une sorte de course, ou peut-être un jogging. Cependant, la vitesse à laquelle je me déplaçais laissait beaucoup à désirer — cela ne semblait pas être un rythme adapté au combat.

Dans tous les cas, j’étais plus rapide qu’un habitant banal de Maalt. Mais j’étais toujours décidément plus lent que l’aventurier le plus classique, et même les aventuriers de Fer les moins bien classés.

Il semblerait que mes capacités physiques aient également été affectées par ma mort prématurée. C’était peut-être évident, si on y pensait :

Un squelette n’était rien de plus qu’un tas ambulant d’os. Comme toutes les choses vivantes avaient besoin de muscles pour bouger, c’était un miracle que les squelettes puissent bouger — et c’était un fait qu’ils ne se déplaçaient pas particulièrement bien.

Comme pour prouver mon point de vue, la vitesse du squelette adverse était également très lente. En y repensant, tous les squelettes que j’avais rencontrés jusque-là se déplaçaient de la même façon. On pourrait même dire que leur lenteur en avait fait une proie parfaite pour les aventuriers de classe Bronze comme moi. C’est peut-être grâce à eux que j’avais continué à exister en tant qu’aventurier pendant si longtemps.

Mais même si les squelettes étaient des proies faciles pour les aventuriers de la classe Bronze, j’étais aussi un squelette. Ce n’était sûrement pas un combat facile, et je l’avais compris dès le moment où j’avais levé mon épée.

Bien qu’il soit évident que mon jeu d’épée serait beaucoup plus lent qu’il ne l’était dans la vie, ce n’était pas comme si j’avais soudainement oublié comment frapper avec mon arme. Au moins, je me rappelais fermement les bases. C’était en sachant cela que j’en étais arrivé à une conclusion simple : la seule attaque rapide que j’avais dans mon répertoire à ce moment-là était une simple oscillation vers le bas. Pour être sûr, j’avais décidé de tester ma théorie. Les résultats avaient cependant été extrêmement décourageants.

D’une part, il était difficile de soulever mon épée. C’était probablement dû aux changements dans ma musculature, ou à l’absence de celle-ci. Mais même ainsi, j’avais été accueilli avec plus de difficultés, car j’avais fait de mon mieux pour soulever mon arme. Le poids combiné de l’épée, ainsi que la force nécessaire pour inverser la direction dans laquelle elle se déplaçait, était vraiment extrême.

Si mes observations étaient vraies, c’était dû à un manque de muscles. En d’autres termes, toutes les techniques et tous les mouvements que j’avais appris jusqu’à présent ne pouvaient pas être utilisés dans cette situation.

Encore une fois, il m’était venu à l’esprit que c’était un fait évident. Après tout, les techniques que j’avais apprises étaient utilisées et enseignées par des humains. Il n’y aurait pas eu une seule technique ou attaque conçue pour le physique d’un squelette.

Malgré tout, je m’étais efforcé de trouver une solution. Si je m’arrêtais ici et maintenant, je serais sûrement vaincu par l’autre squelette et mourrais, encore une fois. Peut-être, alors, c’était un coup de chance que mon premier adversaire soit un squelette léthargique et simple.

Comme j’étais retrouvé à tester des attaques potentielles à l’épée, l’adversaire avait pris de la vitesse et se précipitait dans ma direction — jusqu’à ce qu’il glisse rapidement. À la suite de sa malheureuse chute, l’os de la jambe droite de mon adversaire s’était apparemment délogé. Le squelette était maintenant assis sur le sol dans une position quelque peu inconfortable, essayant désespérément de récupérer et de rattacher sa jambe détachée.

Je n’avais pas pu m’empêcher de rire de la comédie noire présente dans cette scène. Au moins, je voulais rire, mais les squelettes en général étaient incapables de produire un tel son. Les seuls sons qu’un squelette pouvait faire étaient des bruits de cliquetis, et c’était à peu près tout. Sans grand choix, j’avais décidé d’imiter le son que le squelette adverse avait fait lorsqu’il avait posé les yeux sur moi pour la première fois. Une misérable série de clac était le résultat de ma tentative de rire.

Comme enragé par mon rire osseux, le squelette ennemi avait bloqué son os détaché dans sa cavité, puis s’était levé et s’était précipité vers moi une fois de plus. On aurait dit qu’il allait sérieusement m’attaquer cette fois-ci.

Je ne pouvais pas voir cela comme une bonne chose — ce n’était certainement pas le cas. Bien que les squelettes soient des monstres faibles, ils avaient assez de vitesse et de puissance pour tuer un homme adulte — mais bien sûr, moins que l’aventurier typique. Cela étant dit, même l’aventurier le plus faible de la classe Fer subirait de graves dommages à la suite d’un tel coup.

Tandis que j’étais perdu dans mes pensées, la charge du squelette m’avait frappé droit dessus, et nous étions maintenant tous les deux tombés au sol. Je cherchais nerveusement un moyen de contre-attaquer, convaincu que si je ne faisais rien, l’autre squelette me tuerait sûrement. Mais apparemment, ce n’était pas nécessaire.

La raison en était simple : l’autre squelette n’avait tout simplement pas tenté d’attaquer. Cela était peut-être dû à une combinaison de facteurs, y compris le fait que l’élan auquel il se déplaçait, et l’angle spécifique que je tenais mon épée, avaient fait en sorte que mon arme s’était fermement ancrée dans son crâne. Un événement vraiment fortuit.

Mais ce n’était pas suffisant — l’ennemi était après tout un monstre mort-vivant. Le squelette ennemi semblait plus irrité par le fait que son champ de vision était maintenant bloqué par une épée qui sortait d’une de ses orbites. Ce fait ne l’avait pas tué, et cela n’avait l’air que de le déranger par le fait que l’épée en question était un instrument métallique pointu dans son crâne.

À en juger par tout ce que j’avais vu jusqu’à présent, il était juste de supposer que les squelettes ne possédaient pas beaucoup d’intelligence ou de logique, même s’ils avaient une forme quelque peu humanoïde. Le squelette qui m’avait attaqué était un bon exemple, car il était complètement confus par les développements actuels et n’arrivait apparemment pas à décider quoi faire.

Profitant de cette chance, j’avais rapidement saisi le manche de ma lame, plaçant ce que je pouvais sur l’arme. J’avais pensé qu’il suffisait de pousser la lame, étant donné qu’elle avait été empalée dans le crâne de l’ennemi.

Cela m’avait cependant rappelé le malheureux fait que j’étais un squelette presque impuissant. Après tout, l’os était un matériau utilisé pour fabriquer des armures, et il était très dur. Le crâne de l’ennemi ne se briserait probablement pas avec le peu de force que j’avais. Même si j’essayais de mettre tout mon corps dans l’attaque, cela ne fonctionnerait pas, car je n’avais pas beaucoup de puissance au départ.

Je m’étais retrouvé complètement perdu.

Je devais canaliser plus de puissance dans la poignée de la lame, peu importe le coût. Si cela continuait, je serais probablement coincé à lutter dans la boue contre ce squelette pour toujours. Il n’était pas du tout souhaitable que ma première bataille dure des centaines d’années.

En tirant mon esprit de sa rêverie sans espoir, il m’était venu à l’esprit que je devrais au moins essayer d’utiliser l’une des capacités que j’avais acquises dans la vie. En fin de compte, je n’étais pas un squelette normal, et je devrais exploiter ce fait au maximum.

J’étais devenu trop préoccupé par le fait que j’étais actuellement un squelette, et j’avais oublié que j’avais vaincu de nombreux squelettes dans ma vie antérieure. En fait, j’étais capable de vaincre les squelettes avec bien plus que la force brute. J’avais aussi le mana, l’Esprit et la Divinité à ma disposition.

Bien que les squelettes normaux n’en soient pas conscients, leurs mouvements étaient également actionnés par la magie. Par conséquent, les squelettes possédaient une capacité de vitesse et de puissance plus élevée que la moyenne, d’où leur classification en tant que monstre. Comme je n’étais plus moi-même un être humain, il m’était venu à l’esprit que je devrais utiliser mes nouvelles capacités en tant que monstre autant que possible.

Parmi les trois capacités dont je disposais, l’Esprit était celui qui convenait le mieux à l’application de la force brute — et, en tant que tel, le plus adapté à ma situation actuelle.

Après avoir finalement arrangé mes pensées, j’avais commencé à me concentrer, entourant mon corps d’énergie spirituelle. Au milieu des considérations que j’avais utilisé pour la dernière fois cette capacité quand j’étais plus qu’un tas d’os, je n’avais aucune idée si cela fonctionnait vraiment. Mais je devais le tester d’une manière ou d’une autre. Si ça ne marchait pas, je devrais compter sur la force simple. Si c’était le cas, d’un autre côté...

J’étais connu dans la vie pour aller de l’avant, même si les choses semblaient sombres. Ça n’avait pas de sens d’abandonner maintenant.

En continuant à me concentrer, j’avais l’impression que mon pari était payant — avec toute ma force, j’avais enfoncé la poignée de l’épée, poussant lentement l’arme à travers l’orbite du squelette et finalement brisant son crâne. Mais la force de l’attaque ne semblait pas s’arrêter là — une série de craquements désagréables se répandit à travers le corps du squelette ennemi, et tout à la fois, tous les os de son corps se brisaient en mille petits morceaux.

Comme une marionnette avec ses cordes coupées, ce qui était le squelette ennemi s’était effondré en une pluie de fragments osseux, éparpillés sur le sol du donjon. Jusqu’à il y a quelques instants, ces os étaient reliés et formaient le corps d’un squelette. Mais avec sa tête écrasée et sa forme compromise, le squelette semblait avoir perdu ses caractéristiques de morts-vivants, retournant une fois de plus dans une pile d’os sans vie.

J’ai gagné. D’une façon ou d’une autre.

Bien que ce fut une démonstration maladroite et complètement honteuse d’une première bataille, tout ce qui comptait, c’était ma victoire.

Bien que je ne sois pas aussi agile ou fort que je l’étais dans la vie, j’avais réussi à utiliser les capacités à ma disposition pour une victoire tendue. Peut-être que je ne l’avais pas fait aussi mal que je le pensais.

Avec cette notion dans ma tête, je m’étais penché en arrière, et mon esprit était en quelque sorte rempli d’un sentiment ambivalent de soulagement et de crainte.

***

Partie 4

Bon. Alors que c’était bien que je puisse vaincre un autre squelette, est-ce que ce serait un véritable pas vers mon évolution ?

En cherchant au milieu des os brisés de mon adversaire, j’avais ramassé ce qui semblait être un cristal magique. Je l’avais placé contre moi, comme si je m’attendais à ce qu’un changement se produise. Malheureusement, rien de tel ne s’était produit — du moins, je l’avais supposé. Soudain, comme pour me prouver que j’avais tort, un flot de lumière s’éleva lentement des restes brisés du squelette, se dirigeant graduellement vers mon corps.

Est-ce encore en vie !?

Alarmé par ce qui arrivait, j’avais rapidement pris une position de combat, mais le flux de lumière ne m’avait pas semblé hostile. Il avait cependant ignoré mes tentatives les plus vaillantes pour l’esquiver et s’était finalement frayé un chemin dans mon corps. En me préparant à une sorte de choc, je m’attendais à ce que la lumière me fasse mal, mais cela n’avait pas été le cas. À la place, je sentais beaucoup de puissance en elle.

Alors que je commençais lentement à absorber la lumière, je sentais l’énergie que j’avais dépensée dans le combat précédent me revenir. Bizarrement, même mes réserves de mana, d’Esprit et de Divinité semblaient augmenter, ne serait-ce que d’une once. Était-ce l’Évolution Existentielle tant vantée que les monstres avaient traversé ?

En décidant de le découvrir, j’avais procédé à une inspection approfondie de mon corps — ce qui n’avait pas été très long à faire. Bien que je me sentais vraiment plus fort, j’étais encore visuellement un tas d’os qui marchait, et pas encore tout à fait la goule que j’espérais devenir. En fait, mon apparence n’avait pas du tout changé.

Alors que l’absence d’un miroir m’empêchait de le vérifier, les parties visibles de mon corps, comme mes bras et mes jambes, étaient encore de l’os blanc pâle. Mon visage ne s’en était probablement pas mieux tiré. Dans ce cas...

Alors, ai-je fait tout cela pour rien !?

Il s’agissait de la première pensée qui m’avait traversé l’esprit à ce moment-là.

En y pensant calmement, j’avais réalisé que l’Évolution Existentielle n’était probablement pas quelque chose qui pouvait se produire du jour au lendemain, et certainement pas avec la défaite d’un seul squelette. C’était aussi la connaissance qui avait été glanée à partir de mes lectures de divers tomes concernant les monstres — de nombreux livres semblaient arriver à la même conclusion.

Par exemple, si ladite évolution se produisait vraiment avec la simple défaite d’un monstre par un autre monstre du même type, ils deviendraient alors instantanément des monstres plus forts et plus virulents. Et donc, si c’était le cas, ils se répandraient comme un feu de forêt et feraient du monde un enfer vivant pour le reste de l’humanité. Bien que les terres soient peuplées de différents types de monstres, y compris ceux qui représentaient des menaces crédibles pour l’humanité, la plupart de ces créatures étaient des monstres qui pouvaient être chassés et éliminés en toute sécurité par de simples aventuriers. C’est ainsi que l’humanité avait réussi à vivre dans une paix relative à l’intérieur des villes et villages établis.

En tant que tels, ces mêmes livres que j’avais lus avaient déduit que peu de monstres pouvaient effectuer l’Évolution Existentielle sur une base régulière. En termes simples, le processus ne s’était pas déroulé facilement ou rapidement. On aurait peut-être besoin de vaincre un grand nombre d’ennemis d’abord, avec certains ayant un degré de force plus élevé, ou de vivre pendant un certain temps avant même qu’elle se produise.

Dans mon cas, je venais de devenir un monstre, et j’avais lutté pour vaincre un autre squelette. L’évolution n’allait pas frapper à ma porte de sitôt — c’était une hypothèse raisonnable. Au contraire, je devrais être reconnaissant d’être devenu un peu plus fort, et cela serait d’autant plus vrai si l’augmentation de la force et la légère augmentation de mes capacités étaient quelque chose de réel.

Bien que je me sois entraîné pendant des jours, des semaines et des mois sans beaucoup de résultats dans la vie, la gratification instantanée de ma bataille précédente était vraiment préférable. Avec la défaite d’un seul ennemi, j’étais devenu un peu plus fort.

En relativisant tout ça, je trouverais donc les batailles plus faciles, plus je me battrais — une déduction raisonnable, selon moi. Bien sûr, il n’y avait aucune garantie que mes batailles aboutiraient à la victoire chaque fois. J’avais aussi eu de la chance pour mon premier combat.

Eh bien, je suppose qu’en fin de compte, c’était à moi d’essayer de vaincre les autres monstres de la région. Je devais au moins essayer.

Avec cette pensée en tête, j’étais reparti dans les couloirs du Donjon de la Réflexion de la Lune une fois de plus.

***

Partie 5

Comme prévu, mon hypothèse était correcte — j’avais progressé en devenant un peu plus fort avec chaque adversaire vaincu. Après cette première bataille, j’avais rencontré et rapidement vaincu un certain nombre d’autres squelettes. Chaque fois, cette étrange lumière s’élevait de leur corps et se frayait un chemin à l’intérieur du mien.

Avec chaque lumière absorbée, je me sentais plus fort et plus rapide. Ce n’était pas seulement une sorte d’illusion mentale, mes mouvements étaient devenus nettement plus rapides et plus puissants. Même mes attaques utilisant le pouvoir spirituel avaient vu leur force offensive augmentée. Alors que j’avais lutté pour enfoncer ma lame dans le crâne de l’ennemi lors de ma première rencontre, je pouvais maintenant envoyer les os de mon adversaire voler si j’y mettais toute ma force, les écrasant dans le processus.

Le temps était peut-être venu pour moi de passer à des proies plus grosses, comme les slimes. J’étais certainement devenu assez fort pour avoir de telles pensées.

Bien que les slimes soient quelque peu faibles, tout comme les squelettes de base, les qualités à ne pas sous-estimer étaient leurs formes indéterminées et leurs corps en forme de gélatine. En raison de ces caractéristiques, les attaques physiques n’allaient pas très bien fonctionner sur eux, donc la façon la plus facile de vaincre des slimes était de les attaquer avec des sorts d’une sorte ou d’une autre.

Cependant, cela étant dit, il était inexact de dire que les slimes étaient invulnérables à tout sauf à la magie, et il était encore très possible de les vaincre par des attaques physiques.

Il y avait deux façons de procéder : on pouvait écraser le noyau du slime, qui était un organe cristallin à l’intérieur du slime. Si cet objet était détruit, le slime se dissoudrait et mourrait, ne laissant que des cristaux magiques dans son sillage. Mais c’était beaucoup plus facile à dire qu’à faire. Le noyau d’un slime n’était pas stationnaire, car il se déplaçait souvent à l’intérieur de son corps fluide. Certains degrés de technique et de finesse étaient nécessaires pour l’endommager avec une épée ou une lance. De telles compétences étaient communément trouvées chez les aventuriers ayant dépassé le niveau de la classe Bronze-intermédiaire. Sur cette note, j’étais un aventurier de classe Bronze-inférieure, donc je ne pouvais évidemment rien faire de la sorte.

L’autre méthode était quelque peu désordonnée, car on pouvait simplement disperser les parties gélatineuses du slime avec des frappes de force amoindries, atteignant finalement le noyau avant que le slime ne puisse se régénérer, le détruisant ainsi. Comme il s’agissait d’une méthode extrêmement simple, même moi j’étais capable de l’exécuter. Elle allait toutefois exiger un certain temps d’exécution.

La nature gélatineuse d’un slime signifiait qu’il pouvait se réformer même s’il était dispersé, en commençant par les plus gros morceaux. Pour éviter que cela ne se produise, il fallait soit un coup relativement puissant, soit une série de coups rapides. Dans mon cas, j’avais choisi une seule et puissante attaque renforcée par le pouvoir spirituel. C’était tout ce que j’avais fait.

En gros, je n’avais pu chasser qu’un seul slime par jour dans ma vie antérieure. J’étais incroyablement faible.

Après tout, j’étais un aventurier de classe Bronze-inférieure. Pour empirer les choses, j’avais souvent voyagé seul, au lieu de me joindre à un groupe.

Les slimes étaient de simples monstres qui pouvaient être facilement vaincus même si le seul membre du groupe avait une faible capacité pour la magie. Il n’était pas nécessaire d’être un grand mage pour tuer des slimes, car une seule boule de feu ou une flèche de terre ferait l’affaire. En fait, peu d’aventuriers avaient choisi d’utiliser la méthode inefficace et fastidieuse que j’étais maintenant forcé d’utiliser.

En échange, j’avais pu chasser des monstres de niveau inférieur, comme les squelettes ou les gobelins, en nombre relativement important. Il en était résulté des revenus respectables pour un aventurier de classe Bronze-inférieure comme moi, bien que dans ma forme actuelle, je puisse même vaincre ma némésis, le slime, pour l’argent proverbial qu’il représentait.

Ayant enfin pris l’habitude de mon corps squelettique, j’avais pu donner des coups d’une force considérable, même sans utiliser le pouvoir spirituel. Ce serait sûrement suffisant pour disperser le corps gélatineux d’un slime.

Il était temps de mettre en pratique mes nouvelles compétences. J’étais parti pour une zone de la Réflexion de la Lune qui était bien connue pour être habitée par mon ennemi juré. Bien que j’en avais déjà vaincu un sur mon chemin dans les territoires inexplorés du donjon, un certain temps significatif s’était écoulé pour qu’une repop se produise, selon mes hypothèses. Bien sûr, il était tout à fait possible qu’un autre aventurier se soit rendu au slime avant moi.

Après avoir exploré les donjons pendant de si longues périodes, on finissait par développer un sens biologique du temps à l’intérieur de ses murs, ce qui était pratique pour suivre le temps depuis chaque mort occasionnée. Dans les donjons très peuplés, l’odeur du sang et du métal remplissait souvent l’air, en plus des vibrations causées par les combats que l’on pouvait sentir dans le sol et les murs. Dans mon cas, j’avais passé la majeure partie de mon temps à explorer ce donjon en particulier, et en tant que tel, j’avais une relativement bonne compréhension de son écosystème. Grâce à cela, j’avais même pu déterminer quelles zones du labyrinthe connaîtraient une forte circulation d’aventuriers à des moments précis de la journée.

En tant que tel, j’avais déterminé qu’il n’y avait aucun aventurier connu pour fréquenter ce donjon en ce moment. Ce n’était après tout pas le seul donjon proche de la ville de Maalt. Il y en avait un autre, plus grand et plus proche, apparemment appelé le Donjon de la Nouvelle Lune.

De nombreuses parties de ce donjon étaient restées inexplorées, avec de multiples zones et étages partiellement cartographiés. En conséquence, la plupart des aventuriers de Maalt s’étaient dirigés vers la Nouvelle Lune. Ceux qui avaient plutôt choisi de fréquenter le Reflet de la Lune étaient soit des aventuriers têtus, soit des aventuriers solitaires qui ne trouvaient pas de groupe pour explorer les profondeurs de la Nouvelle Lune.

Pour le dire franchement, je faisais partie de ce dernier groupe. Bien que j’avais à l’origine voulu explorer le Donjon de la Nouvelle Lune, il était peuplé d’un grand nombre de monstres, y compris ceux qui attaquaient les aventuriers en restant en meute. Un aventurier de classe inférieure qui errait dans ce donjon ne vaudrait pas mieux qu’une condamnation à mort. À moins d’avoir été invité à la dernière minute pour remplir une place dans le groupe de quelqu’un d’autre, j’avais préféré chasser dans le Donjon de la Réflexion de la Lune.

En y repensant, c’était une vie relativement solitaire que j’avais menée jusque là.

Il y avait beaucoup de raisons pour lesquelles je m’aventurais seul, mais la raison principale était simple : aucun autre aventurier ne voulait faire de groupe avec moi. Après tout, j’étais resté coincé dans la classe Bronze-inférieure pendant une dizaine d’années. Même les aventuriers les moins doués s’élèveraient au niveau de la classe Bronze-intermédiaire ou de la classe Bronze-supérieure au cours de cette longue période.

— Ce n’était évidemment pas le cas pour moi.

Mais même ainsi, je n’étais pas complètement isolé, j’étais parfois invité à me joindre à d’autres groupes. Cependant, comme je voulais devenir un aventurier de classe Mithril avec ma propre capacité, la nature de mon rêve m’avait empêché de me joindre assez souvent aux groupes d’autres aventuriers. De plus, ma longue stagnation dans les rangs des aventuriers m’avait apparemment valu le nom de « Le Classé Bronze depuis des Milliers d’Années », et par conséquent, même les invitations occasionnelles à des groupes s’étaient finalement taries.

C’était une triste histoire, alors laissons cela pour l’instant. Plus important encore, je devais chasser un slime en solo.

J’avais continué d’aller de l’avant, et j’avais rapidement été accueilli par la vue d’un monstre en gelée presque transparente qui se déplaçait lentement.

— C’était indubitablement un slime.

En dégainant mon épée, je me glissai lentement sur ma némésis, le même genre de slime que j’avais chassé ces dix dernières années.

***

Partie 6

Il ne m’avait pas fallu longtemps pour remarquer que ce slime était légèrement différent de ses pairs. Son corps était clair et transparent —, il était évident qu’il était réapparu il n’y a pas si longtemps.

Un slime transparent comme celui-ci était très rare. Il valait peut-être la peine de mentionner que les teintes de slimes étaient souvent devenues floues après avoir vécu un certain temps, principalement à cause de la consommation d’autres monstres ou d’un petit animal malchanceux. Piégée dans le corps gélatineux du slime, sa proie commençait lentement à se dissoudre, ce qui entraînait une vision désagréable. Il n’était pas rare de voir des os et des restes à moitié digérés de monstres suspendus dans le corps d’un slime. Les nouveaux aventuriers qui n’étaient pas encore habitués à la vue des viscères s’étaient souvent retrouvés en train de vomir.

Alors que la vue de souris mortes et d’autres trucs semblables, c’était quelque peu tolérable, les slimes absorbaient parfois les restes de monstres humanoïdes comme les gobelins, ou même, dans certains cas, les cadavres à moitié digérés d’aventuriers qui étaient morts en explorant le donjon. La plupart des aventuriers perdraient leur envie d’exploration après un tel spectacle, s’il n’avait pas l’estomac pour. Bien sûr, ceux qui continuaient d’être si facilement dégoûtés ne seraient pas restés longtemps chez les aventuriers. Même ceux qui avaient poussé plus loin sur le chemin des aventuriers avaient continué à trouver des cadavres à moitié digérés dégoûtants.

Dans mon cas, je me sentais très peu affecté, ayant continué comme aventurier pendant une dizaine d’années. La sagesse commune avait déclaré que les aventuriers avaient besoin de se surpasser pendant leur première année d’aventure.

En retirant mon esprit de mes pensées sur le sujet, j’avais de nouveau pris conscience de la clarté relative du slime se trouvant devant moi. Bien que je sois actuellement un squelette, et que je pouvais être plus effrayant pour l’homme de la rue dans certaines situations (au moins, plus qu’un slime au milieu de la digestion de son repas), mes émotions étaient encore très humaines.

Je ne voulais pas qu’on pense que j’avais pris du plaisir à détruire un corps entouré de slime. Mais ce slime particulier était clair, et très transparent. Le liquide d’un slime fraîchement engendré comme celui-ci valait la peine d’être récupéré. Si quelqu’un devait recueillir ses fluides avec une sorte de récipient, il pourrait être vendu à la Guilde des Aventuriers ou à un alchimiste en tant qu’ingrédient rare et précieux. Même les liquides d’un slime impur pouvaient être bouillis et mélangés avec divers ingrédients médicinaux pour créer des potions curatives de base, de sorte que ce n’était pas un mauvais ingrédient. Cependant, les fluides d’un slime pur et propre avaient beaucoup plus d’utilisations. Et ainsi, cela pouvait être vendu pour des sommes beaucoup plus importantes.

Bien que je sois maintenant un squelette, la ceinture à outils que j’avais dans la vie était toujours attachée à ma taille. Dans cette ceinture à outils se trouvait un conteneur que j’avais préparé spécifiquement pour cette situation, et j’avais rapidement décidé que c’était le plan d’action que je prendrais après avoir vaincu le slime.

Lentement, et avec des mouvements très suspects, j’avais commencé à m’approcher du slime. Pendant que je le faisais, le slime, comme s’il me remarquait, frissonnait intensément, tirant sur moi ce qui semblait être un globe d’eau.

Anticipant son attaque, j’avais esquivé proprement sur le côté. Le globe d’eau que j’avais esquivé avait rapidement touché le sol, puis il commença instantanément à dissoudre le sol. Il n’avait pas fallu longtemps pour qu’une petite traînée de fumée s’élève de la malheureuse zone impactée.

C’était l’une des attaques classiques du slime — la Projection Acide. Comme son nom l’indiquait, le slime produisait une substance acide à l’intérieur de son corps et l’éjectait comme une forme d’attaque de projectile à courte distance. Tout ce qui était assez malheureux pour être touché par ladite attaque se dissoudrait alors.

Il s’agissait d’une attaque simple, à base d’acide, et selon l’endroit où la victime avait été frappée, elle ne causerait pas trop de dommages. Cependant, s’il en avait une qui nous touchait dans les yeux, la malheureuse victime ne s’en sortirait pas indemne. Au minimum, il fallait s’efforcer de protéger son visage lors d’une telle rencontre.

Bien que je ne perdrais pas ma vision en raison d’une simple attaque à l’acide au visage dans ma forme actuelle, la structure osseuse de mon crâne se dissoudrait très probablement, auquel cas je mourrai simplement. Donc, perdre la vue n’était pas le problème ici. Il m’était venu à l’esprit que je devais éviter toutes les attaques des slimes, juste pour être en sécurité.

Il était intéressant de noter que si l’attaque du slime était très dangereuse, le slime lui-même était très lent. Un slime normal comme celui-ci n’était pas connu pour se déplacer rapidement. De plus, ses mouvements étaient facilement prévisibles, tout ce que j’avais à faire était d’être suffisamment prudent. Tant que l’on était attentif à la menace toujours présente du projectile d’acide avec des mouvements rapides, les slimes n’étaient en aucun cas des monstres redoutables.

Le principal problème auquel les aventuriers avaient dû faire face lorsqu’ils avaient tenté de vaincre un slime était celui lié à leurs propres compétences et capacités.

En raison de mon état actuel de squelette et des énergies absorbées des autres squelettes que j’avais vaincus, j’étais plus fort que jamais. Dans tous les cas, j’étais maintenant capable d’effectuer des mouvements proches de ma vitesse initiale de quand j’étais en vie. Je ne perdrais probablement pas à cause d’un slime selon moi.

Au fur et à mesure que j’avançais, le slime se déplaçait pour tirer encore un autre projectile d’acide dans ma direction. Cependant, cette fois j’étais préparé, tenant mon épée et augmentant ma vitesse avec mes capacités spirituelles. Chargeant vers le slime, je l’avais attaqué avec mon épée en un éclair, frappant son corps et me retirant rapidement avant qu’il puisse finir de projeter son acide.

Bien que j’avais senti quelque chose se trancher quand j’avais effectué mon coup, il n’était pas possible que j’aie instantanément vaincu le slime. Avec cette pensée en tête, je m’étais rapidement remis en position d’attaque, me préparant une fois de plus à recevoir un autre coup.

Mais cette fois, le slime avait fait quelque chose d’inattendu. Au lieu de donner suite à une attaque, il s’était simplement arrêté, tremblant sur place. Tout à coup, il s’était complètement arrêté de bouger, avant de se dissoudre rapidement en une flaque sans vie.

C’était un phénomène communément observé lorsque les slimes se retrouvaient morts — la force vitale soutenant leur corps gélatineux ayant disparu, ils retournaient à un état liquide, s’étalant mollement sur le sol du donjon. En termes simples, le slime que j’avais frappé avec mon arme était tout simplement mort.

Je n’avais pas pu m’empêcher d’être choqué par cette soudaine tournure des événements. C’était incompréhensible. Après tout, je n’avais jamais été capable de vaincre un slime en un seul coup quand j’étais encore un aventurier de classe Bronze-inférieure. Malgré tout, la vérité devant mes yeux était indéniable.

En raison de la nature de mon attaque désespérée, je n’avais pas été en mesure de le confirmer, mais peut-être que mon arme avait touché le noyau du slime par un coup de chance. Je serais alors en mesure de justifier pleinement ce qui venait d’arriver.

Au contraire, je devrais être tout à fait prêt à ne pas être aussi chanceux lorsque je rencontre mon deuxième slime. La prudence, dans ce cas, était une grande vertu.

Plus important encore, il y avait la question de la gelée du slime — l’ingrédient alchimique que je voulais récolter. Si les liquides d’un slime touchaient le sol, elle ne serait plus utilisable comme ingrédient propre, de sorte qu’il faudrait la préparer avec un contenant à portée de main au moment opportun.

Bien sûr, si l’on essayait de faire cela à un slime vivant, le conteneur rebondit simplement sur sa membrane. Heureusement, cette membrane avait été dissoute à la mort du slime, et cela ressemblait beaucoup à enfoncer ses bras dans un seau de gelée.

Récupérant un flacon de récipient de ma ceinture d’outils, j’avais enfoncé l’ouverture dans le corps du slime mourant, le remplissant entièrement. Bien que les slimes aient projeté de forts fluides acides dans la vie, comme la Projection Acide, il n’était étrangement pas acide lors de leur mort. En fait, les aventuriers qui avaient l’habitude de coller leurs mains dans des slimes morts avaient constaté que leurs mains finissaient souvent propres et rajeunies. Sur cette note, je mentionnerais que les fluides corporels d’un slime étaient souvent utilisés dans les cosmétiques féminins. En fait, le liquide visqueux propre était souvent utilisé à cette fin, car il avait apparemment des propriétés médicinales en raison de sa composition unique.

Bien qu’un ingrédient aussi rare puisse être facilement utilisé pour créer des niveaux plus élevés de potions de guérison, la plupart d’entre eux avaient fini par être utilisés pour les cosmétiques. Il m’était venu à l’esprit que la quête féminine de la beauté était une aventure apparemment infinie.

Était-il vraiment nécessaire de créer des cosmétiques à partir de restes de monstres... ?

Eh bien, je suppose qu’il y avait une certaine justification à cela — on disait que les ingrédients à base de monstres avaient des effets significatifs sur les humains. Leurs impacts allaient de l’immortalité, à la résurrection des morts, ou même à la jeunesse d’un vieil homme... C’était peut-être une progression naturelle dans l’ordre des choses.

Terminant mon monologue interne, je m’étais tourné vers le contenant, qui avait été rempli par le cadavre en dégonflage rapide du slime. En le remplissant jusqu’au bord, je l’avais glissé lentement hors du slime mourant, en prenant soin de ne pas renverser le précieux liquide.

Bien. Cela se vendra sûrement pour une bonne quantité d’or.

En effet, c’était une somme important qui vaut peut-être même quelques jours de travail.

Comme je l’avais mentionné, les slimes clairs valaient leur poids en or — presque littéralement. Pour rencontrer un tel slime, il faudrait attendre environ une heure pour qu’elle réapparaisse, en plus de ne pas contaminer le slime lors du combat en raison des sorts de feu ou de terre. En fait, il n’y avait pas de moyen facile de recueillir du fluide non contaminé avec de la magie, c’est pourquoi il fallait vaincre le slime avec la force brute.

Pour ces raisons, il avait été dit qu’il s’agissait d’un ingrédient qui n’avait été recueilli que par des aventuriers qui avaient à la fois de l’endurance et de la force. En fait, les aventuriers qui pourraient vaincre les slimes en un seul coup pourraient espérer des récompenses encore plus grandes. Cependant, pour quelqu’un comme moi, cela prendrait probablement tout simplement une demi-journée pour le réaliser.

Cela dit, je n’avais aucun moyen de vendre cet ingrédient, et encore moins d’utiliser les fonds pour payer une auberge ou un logement. De ce point de vue, mes efforts semblaient quelque peu inutiles.

En laissant ces pensées de côté, j’avais une fois de plus mis mon esprit à l’évolution — je devais devenir une goule à tout prix.

Si je pouvais évoluer, je pourrais marcher en ville, et même vendre l’ingrédient rare que je venais de collecter.

Quant à l’hébergement... Eh bien, bien que je n’étais pas sûr de l’opinion des propriétaires potentiels, les propriétés locatives ne devraient pas être si difficiles à trouver.

J’avais aussi besoin de parler avec quelqu’un au sujet de ma présente situation, quelqu’un qui ne s’enfuirait pas simplement en apprenant que j’étais devenu une sorte de monstre. Cependant, à cet égard, j’avais justement la personne parfaite en tête.

Au fur et à mesure que je pensais à cette personne et à la façon dont je l’avais rencontrée, j’avais décidé de quitter ma position actuelle et de chercher ma prochaine cible.

***

Partie 7

C’était après avoir vaincu le cinquième slime ce jour-là que j’avais commencé à prendre conscience des changements dans mon corps. Bien que j’avais cherché et combattu beaucoup d’autres monstres depuis lors, il semblerait que ma rencontre initiale avec lui, et la défaite subséquente du slime n’était pas après tout un hasard. Tous les slimes que j’avais rencontrés après le premier avaient péri à peu près de la même façon.

Ma force dépassait rapidement le point où il était vivant après avoir encaissé une première attaque.

Quand j’étais un aventurier de classe Bronze-inférieure, je ne ressentais aucun sentiment de progrès, peu importe l’entraînement que je faisais. En fait, je ne semblais pas du tout progresser. Mais maintenant, j’étais là, devenant plus fort dans la mort. Je n’étais pas tout à fait sûr si je devais me sentir heureux ou triste à l’égard de ce développement, bien qu’il soit grandement préférable que de stagner à l’infini.

Bien que je ne savais pas où je plafonnerais encore une fois si je continuais de progresser à ce rythme, j’avais sorti ces pensées de mon esprit. À la place, j’avais décidé de faire ce que je pouvais à ce moment-là — je continuais à me battre sans fin.

Après avoir combattu et vaincu dix autres monstres, j’avais ressenti un sentiment étrange au fond de moi — un sentiment presque inconnu que je n’avais pas ressenti jusque-là. Ce n’était pas du tout un sentiment désagréable. En fait, j’avais plutôt l’impression que quelque chose jaillissait des profondeurs de mon être.

Cependant, étant plus prudent que jamais, j’avais fait de mon mieux pour endurer et résister. En fin de compte, mes efforts s’étaient avérés vains.

Un son lent et crépitant remplissait tout mon corps. Puis le son était devenu progressivement plus fort au fur et à mesure que mon corps était englouti dans un flux de lumière chaude.

Que se passe-t-il... !?

Il s’agissait de la seule pensée que mon esprit avait pu traiter avant qu’une autre chose inexplicable ne se produise devant mes yeux — de la chair desséchée et ratatinée avait commencé à apparaître autour des os blancs de mon corps. Comme pour cacher la dure blancheur de mes os, la chair continuait à ramper, avant d’entourer mes os.

C’était tout à fait ça — je pouvais le sentir. Mes souhaits avaient été exaucés — .

C’était l’Évolution Existentielle.

C’était ce qui se passait à ce moment-là.

J’avais continué mon monologue intérieur pendant que le phénomène se poursuivait, s’étendant lentement au reste de mon corps. La chair brune, sèche à tel point que j’avais commencé à douter de l’existence d’humidité dans ses veines, avait commencé à progresser et à s’enrouler autour de mes bras, de mes jambes et de tout ce qu’elle pouvait trouver.

Bien que j’avais été un tas d’os jusqu’à présent, j’avais finalement été béni avec de la chair... !

Un peu après ça, le phénomène s’était arrêté. Juste pour être sûr, j’avais décidé d’inspecter mon nouveau manque de surfaces osseuses.

Comme on pouvait s’y attendre, la chair était fermement attachée à mes membres — des membres qui avaient été jusqu’à présent des bâtonnets d’os d’un blanc éclatant.

Cependant, la chair en question était bien loin de ce à quoi je ressemblais quand j’étais humain. Au début, cela ressemblait à des feuilles extrêmement sèches et minces de brun tendues sur ce qui était autrefois de l’os blanc. De plus, ma nouvelle chair n’avait pas du tout fait un travail très minutieux pour cacher mes os — des fragments de blanc égaient apparus à travers la canopée de brun.

Je me sentais comme une pile d’os sur lesquels de la viande était collée un peu au bonheur la chance. Si je sortais du donjon sous cette forme, les loups, les chiens et autres me trouveraient sûrement comme une délicieuse collation. Peut-être que je serais mangé.

Alors que mon corps se retrouvait ainsi, mon absence de miroir, une fois de plus, m’avait fait supposer que mon visage était identique. Cependant, j’étais familier avec un monstre qui ressemblait à cela. Des morceaux de viande séchée qui s’accrochent aux os — ce n’était nul autre qu’une goule.

J’étais maintenant indubitablement une goule, la cible initiale de mes objectifs d’évolution.

Si ma mémoire était bonne, les goules ressemblaient à des humains avec leur peau enlevée : avec de la chair déchirée encore attachée à l’os, et avec des morceaux de cette dernière montrant leurs muscles. Ils avaient aussi l’air très... secs.

En d’autres termes, j’étais absolument dégoûtant — mais bien sûr, il n’y avait pas moyen qu’un cadavre desséché ait l’air attirant. J’étais un monstre mort-vivant. Il était également évident que personne n’aurait envie d’une telle forme, et encore moins d’aspirer à lui ressembler d’une manière ou d’une autre. Cependant, pour moi, c’était un énorme pas en avant, ne serait-ce que parce qu’il y avait maintenant de la chair sur mes os.

Ayant fait l’expérience de l’Évolution Existentielle, j’étais maintenant conscient du fait que je pouvais continuer à gravir la hiérarchie proverbiale des monstres si je continuais à travailler dur. C’était un fait qui valait la peine d’être célébré.

Les monstres morts-vivants, en particulier, semblaient de plus en plus humains à mesure qu’ils montaient sur l’échelle. Par exemple, si je devenais un vampire, ce qui était une existence encore plus élevée que les goules, je deviendrais fondamentalement indiscernable d’un humain — auquel cas je pourrais me déplacer dans les rues de Maalt sans aucun problème.

Dans ma forme actuelle, le mieux que je pouvais probablement faire était de me faufiler en ville — je ne pourrais toujours pas marcher sans prendre d’importantes précautions. Cependant, je connaissais bien les gardes de Maalt. Si j’arrivais à bien jouer mes cartes, je pourrais entrer et sortir à ma guise.

Mais bien sûr. Bien qu’il s’agissait principalement de viande sèche, j’avais actuellement un corps, et en tant que telle il y avait une chose importante que je voulais essayer.

« ... VAAAH... VAAAAAAH... »

J’avais vaillamment essayé de canaliser l’air dans ma gorge pour voir si je pouvais parler. Il semblerait que la production d’une sorte de son, au moins, était possible.

« IL... HEEH... VVO... HEH... VO. OOD... MOV... NINV... GGGUH... HEH... VVO... »

 

 

...

Non. Ça ne suffirait pas.

Bien que je me sois trouvé capable de parler, cela n’était pas du tout fluide — ou très cohérent, d’ailleurs. Je suppose qu’il fallait s’entraîner.

D’autre part, je préférais de loin cet état par rapport à celui d’un squelette qui ne pouvait pas parler et ne pouvait faire que des bruits de cliquetis. Avec cela, je pourrais parvenir à une compréhension mutuelle avec n’importe quel être humain qui serait entré dans le donjon... C’est du moins ce que j’espérais.

Bien sûr, la condition préalable étant que la personne à qui je parlais ne resterait pas terrifiée par rapport à moi.

Alors que je continuais à réfléchir à diverses possibilités, un bruit aigu de métal entrant en collision interrompit mes pensées. On aurait dit que quelqu’un était engagé dans un combat avec des monstres à une distance considérable, car il s’agissait clairement du son d’une épée frappant une surface dure.

Comme la plupart des monstres que j’avais vaincus jusqu’à présent, cet étage ne comportait rien d’autre que des monstres faibles, et encore moins ceux qui produiraient un son métallique. De ce seul fait, on pourrait en déduire que le son irrégulier venait d’un aventurier — il n’y avait pas d’autre possibilité.

Ce son... Un être humain vivant était ici ! Mon cœur avait bondi face à cette pensée.

Jusqu’à présent, je n’avais vécu qu’un peu plus d’une journée dans ce donjon. Cependant, j’avais combattu des monstres tout au long de la nuit. C’était logique si on y pensait.

Jusqu’à présent, j’étais toujours entré dans les donjons pendant la journée, retournant à Maalt le soir pour y chercher de la nourriture. Mais avant de m’en rendre compte, j’étais devenu un squelette, et je ne voyais aucune lueur d’espoir dans mon avenir. En tant que tel, j’avais continué à tuer des monstres à l’intérieur du donjon — il était peut-être naturel que la présence d’autres humains me manque.

Je voulais parler à quelqu’un, et cela, peu importe qui cela serait. Si un aventurier était présent alors qu’il en soit ainsi.

Cependant, je m’étais vite remis de mon excitation. En raison de mon apparence, tenter de parler à un humain serait une entreprise un peu difficile.

Bien que je ne sois plus un tas ambulant d’os, une goule restait une goule... une goule. Si je devais approcher un aventurier avec ce corps de cadavre desséché, il serait clairement sur ses gardes, préparant promptement son épée pour le combat. Une conversation serait la dernière chose qui le préoccuperait.

Bien que le résultat de la rencontre pourrait être un peu différent si j’étais une espèce de monstre sensible et intelligent, j’étais actuellement une goule. Mes perspectives étaient sombres à cet égard. J’avais donc choisi de m’éloigner de la source du son, afin de ne pas entrer en contact avec l’aventurier en question.

Cependant, la curiosité avait pris le dessus — serais-je vraiment capable d’ignorer et de m’éloigner d’un être humain alors qu’ils étaient si près de moi ?

— Non. Je n’avais pas pu résister.

Tel était le degré de mon isolement et de ma solitude — je voulais voir une personne, quoi qu’il arrive.

Et c’est ainsi que j’avais fait mon choix, me faufilant jusqu’à la source du son tout en restant silencieux de mon côté. Si j’étais découvert, je m’échapperais tout simplement.

Je pensais que jeter un coup d’œil depuis l’ombre serait probablement acceptable. Je cachais alors ma présence du mieux possible, avançant aussi doucement que possible.

Comme les sons devenaient de plus en plus forts, mon cœur suivait le même rythme. Un peu plus...

Je n’étais plus très loin d’un autre être humain. Lentement mais sûrement, j’arrivai à destination, les bruits du combat continuant de se faire entendre devant moi.

Tout en restant prudent en remontant le couloir, j’avais jeté un coup d’œil dans le coude du couloir, regardant ce qui s’y trouvait. Il y avait là, comme je m’y attendais, un autre aventurier, l’épée dégainée et engagée dans un combat contre un monstre.

***

Chapitre 2 : Rina, l’Aventurière

Partie 1

« ... Ahh !! »

Alors qu’elle déplaçait son arme vers un squelette, une jeune fille, dont la voix semblait sonner avec plus de force que son attaque combattait en ce moment un monstre seul.

La qualité de son équipement, ou plutôt, son manque d’équipement avait été la première chose qui m’avait sauté aux yeux. La jeune fille était vêtue d’une armure bon marché, complétée par une épée à une main tout aussi bon marché. Elle était vraiment une nouvelle aventurière de classe Fer.

Il valait peut-être la peine de noter que je connaissais très bien mes compagnons aventuriers, du moins ceux qui résidaient à Maalt. Cependant, cette fille n’était pas un visage familier — d’où mon hypothèse.

Même si les aventuriers de classe Fer me surpasseraient un jour et qu’ils n’étaient considérés comme n’étant rien de plus que des rivaux potentiels, je m’assurais de me souvenir de leur visage et de mieux les connaître — ne serait-ce que parce que c’était un moyen d’empêcher le flot incessant d’aventuriers désireux de se moquer de mon manque de talent. Je m’étais alors créé une relation amicale avec eux et de là, en plus de mémoriser leurs positions sociales et leurs relations, j’avais pris un chemin différent du leur.

Il était intéressant de noter que même si je n’avais absolument aucun talent pour l’aventure, j’avais plutôt la chance d’avoir une bonne mémoire et une bonne connaissance de la rue, ce qui me permettait de surpasser facilement n’importe quel aventurier de la classe Fer qui avait une mauvaise mémoire et de faibles connaissances. Par conséquent, ma ruse était connue même des aventuriers de haut rang à Maalt, et j’étais le plus souvent laissé seul. Cela était peut-être aussi dû au fait que Maalt accueillait surtout des aventuriers ayant un bon caractère.

De plus, je m’étais aussi fait un point d’honneur d’inculquer un bon sens moral aux aventuriers malhonnêtes dès le début de leur carrière. Cela avait eu des effets à long terme, se transformant finalement en une amélioration générale de la moralité des aventuriers de Maalt. C’était l’une des raisons pour lesquelles la guilde ne m’avait pas demandé d’abandonner mon épée pendant tout ce temps, bien que je sois resté coincé dans l’un des rangs inférieurs des aventuriers pendant près d’une décennie.

Pour dire les choses simplement, j’avais été suffisamment intrigué — dans le bon sens du terme, bien sûr, et tout ça pour rester dans la course.

Je m’étais concentré sur la jeune aventurière. Non seulement elle était vêtue d’une tenue complète de débutant, mais ses prouesses laissaient aussi beaucoup à désirer. En fait, elle semblait un peu plus faible que je ne l’avais été alors que j’étais en vie.

Cependant, c’était peut-être une comparaison injuste — n’importe quel aventurier de la classe Bronze était facilement au-dessus de leurs homologues en Fer. Après tout, j’avais été capable de vaincre un squelette sans trop de problèmes. Bien que je n’appellerais pas ça facile, j’étais tout à fait compétent, surtout si l’on considère que les citadins normaux diraient leurs prières après avoir rencontré un squelette. Même les aventuriers de classe Fer auraient dû se regrouper par deux ou trois pour facilement en vaincre un.

En tant que telles, mes expéditions continues en solo devraient au moins démontrer que j’étais quelque peu capable — mais pas dans une mesure dont je pourrais être fier.

C’est avec ces pensées en tête que je considérais la fille qui se tenait devant mes yeux comme irrémédiablement faible. Bien qu’elle semblait se battre vaillamment contre son ennemi squelettique, il ne lui aurait fallu qu’une seule erreur pour que son ennemi change la donne, après quoi elle perdrait assurément la vie. Voilà où était l’étendue de ses pouvoirs.

Cependant, peu importe à quel point un aventurier était bleu, un aventurier était un aventurier. Dans l’éventualité d’une erreur, elle pourrait facilement s’échapper — et c’est ainsi que les choses se seraient passées. Je ne m’inquiétais pas trop de son bien-être, du moins, c’était ce que je pensais — .

Hé, maintenant.

En y regardant de plus près, la situation semblait beaucoup plus grave que je ne l’avais imaginée à l’origine. Comme si elle ne pensait pas vraiment à la possibilité d’une défaite, la jeune fille continuait à essayer de dominer son ennemi.

Cependant, ses efforts avaient été vains. Comme elle manquait manifestement de l’endurance nécessaire, l’aventurière avait commencé à se replier, incapable de suivre les attaques de son adversaire. Il s’agissait d’une situation potentiellement fatale, étant donné qu’elle se trouvait actuellement dans un couloir étroit sans voies d’évasion évidentes.

Comme le squelette continuait de pousser la fille vers l’arrière, elle s’était soudainement arrêtée.

« ... Euh !? »

Le dos de la jeune fille était maintenant littéralement contre le mur, et il semblerait qu’elle venait seulement maintenant de le remarquer.

J’avais secoué la tête. C’était un piège qui se produisait avec les aventuriers qui n’avaient pas inspecté soigneusement leur environnement. De plus, une épéiste de son calibre aurait besoin d’espace pour bouger et frapper avec sa lame. En d’autres termes, le sort de l’aventurière avait été scellé au moment où elle s’était retrouvée prise au piège.

Comme s’il le remarquait, le squelette qu’elle avait combattu avançait sur elle, levant les bras avec empressement et bougeant pour la frapper à mains nues.

Bien que le squelette ne soit pas armé, il était finalement un monstre. Si cette frappe était réussie sur un aventurier qui n’était pas protégé par une armure lourde, ou par des sorts de protections, ils s’évanouiraient sûrement. De plus, si le coup frappait à un endroit critique, ils pourraient même finir par être instantanément tués. Il va sans dire qu’une personne normale ne pouvait espérer résister à un tel coup.

En gros, si l’attaque du squelette était réussie, la fille mourrait. Tout ce que je pouvais faire, c’était d’accepter ce fait lorsque j’en étais arrivé à cette conclusion.

Bien que je ne voulais pas dire que je pouvais simplement accepter la mort de la jeune fille telle qu’elle était — je voulais simplement dire que j’avais l’intention de continuer mes observations, car apparaître devant elle comporterait toutes sortes de risques.

Bien que j’avais été pris dans l’intensité de ce moment avant d’arriver à cet endroit, j’avais finalement calmé mon esprit en voyant un humain vivant et respirant. Même si je me présentais devant elle maintenant, elle me considérerait comme un monstre, alors une conversation dépasserait mes rêves les plus fous.

Cela me peinait de laisser la fille mourir.

Bien que je sois maintenant physiquement un monstre, mon cœur restait celui d’un humain. À moins que la personne en question ne fût une sorte de canaille, j’essaierais au moins de les aider. Pour moi, c’était le bon plan d’action : un aventurier senior protégeant la vie de leur junior face à la dureté impitoyable du donjon.

C’est pourquoi j’avais fait ce que j’avais fait.

« ... GAAAAAAAAH !! »

Pour distraire le squelette de sa proie, j’avais sauté hors de ma planque, rugissant aussi férocement que possible. Je n’étais pas sûr que mon plan fonctionnerait, car il s’agissait au départ d’un bluff, principalement en raison du fait que j’étais actuellement une goule.

N’étant pas un expert dans le comportement des monstres, je n’avais aucune idée de l’attention qu’un monstre accorderait à un bruit fort généré par un autre monstre. Les monstres que j’avais combattus jusqu’à présent semblaient me voir comme ennemi, alors qu’ils se préparaient immédiatement au combat en posant les yeux sur moi. Peut-être que quelque chose en moi m’avait rendu différent des autres monstres. C’est pourquoi je l’avais fait ainsi — si quelque chose était réellement différent, alors mon plan devrait avoir un taux de réussite élevé.

Il ne m’avait pas fallu longtemps pour voir que mon pari avait porté ses fruits. S’arrêtant au milieu de son attaque, le squelette s’était alors tourné et m’avait fait face, avant de se précipiter dans ma direction.

Les yeux de la jeune fille s’étaient écarquillés face à ce développement. Il semblerait qu’elle avait l’intention de tuer le squelette là où il se tenait, le squelette lui ayant montré son dos. Cependant, la jeune fille semblait trop bouleversée par le choc et elle s’était contentée de rester figée sur place.

Il n’y avait tout simplement pas le choix : j’avais dégainé mon épée, courant vers l’ennemi. Bien qu’à l’origine j’avais l’intention de le sauver, j’avais commencé à canaliser l’Esprit dans mon épée. Il fallait que je le termine rapidement avec un coup décisif.

Après avoir évolué vers une goule, j’avais pris conscience du fait que les attaques d’Esprit pouvaient maintenant être utilisées plusieurs fois sans que je manque d’énergie — j’avais donc supposé qu’une attaque maintenant n’affecterait pas trop mes réserves.

En levant mon épée dans un mouvement bien maîtrisé, j’avais mis le poids de mon corps dans la frappe, balançant mon épée vers le bas avec une force considérable. C’était un coup propre, profondément enfoncé dans le corps osseux de mon adversaire. En une fraction de seconde, le squelette s’était coupé en deux moitiés nettes, se brisant en de nombreux fragments au fur et à mesure que ce qui restait de son corps touchait le sol.

« ... Incroyable... »

L’aventurière, stupéfaite, ne pouvait pas s’arrêter de regarder les restes de ce qui avait été le squelette il y a quelques secondes à peine.

Je ne pouvais pas lui en vouloir. Bien que les squelettes soient des monstres faibles en général, peu d’aventuriers de ma classe pouvaient facilement les couper en deux. N’importe qui serait surpris, oui, même moi.

C’était vraiment incroyable.

Euh.

Suis-je déjà devenu si fort ?

C’était ce que j’avais ressenti après avoir tué le squelette. J’étais resté silencieux pendant un certain temps, réfléchissant à ce qui venait de se produire.

J’avais l’impression d’être encore plus fort qu’avant. Si je continuais à progresser à ce rythme, mon objectif de devenir un vampire semblait à portée de main. J’avais senti une lueur d’espoir dans mon cœur — bien que je m’avançais peut-être un peu trop.

Avec cette pensée, j’étais sorti de mes pensées — .

La fille était toujours là où elle se tenait. Elle était sûrement plus importante que mes monologues internes.

Avait-elle été blessée ?

Bien que j’avais fait signe de vouloir lui parler, j’avais l’impression que quelque chose s’était pris dans ma gorge. Cela m’avait immédiatement rappelé que je n’étais rien de plus qu’une goule. Si je l’avais approchée avec insouciance, elle s’enfuirait certainement, ce qui serait contre-productif.

Alors... que dois-je faire ? pensai-je.

En me tournant vers la jeune fille, je l’avais trouvée avec son épée levée, me fixant avec une peur bien visible

Il ne semblait pas que nous ne puissions pas discuter si facilement.

 

***

Partie 2

« N-Ne t’approche pas ! » cria la jeune femme.

Il s’agissait de la réponse de la jeune fille alors que je m’approchais d’elle avec la main tendue, un « Vaaaaahh... » échappant de mes lèvres pendant que j’essayais de parler.

Encore une fois, je ne pouvais pas lui en vouloir. Il n’y avait peut-être pas une seule personne vivante qui ne s’inquiéterait pas si une goule s’approchait d’eux dans un donjon avec les bras levés.

À bien y penser, il était également étrange que quelque chose comme une goule soit présent dans le Donjon de la Réflexion de la Lune. Ceci était dû au simple fait que les goules étaient d’une classe encore plus élevée que les squelettes, et qu’ils n’apparaissaient pas simplement au hasard dans un endroit si souvent fréquenté par des aventuriers mal classés.

Si l’un d’entre eux apparaissait, ce serait sûrement dû à une sorte d’irrégularité aux niveaux inférieurs, ou serait un monstre unique régi par l’une des règles mystérieuses du donjon. Dans ces cas, ces monstres seraient considérés comme spéciaux, et ils étaient le plus souvent beaucoup plus forts que leurs homologues normaux.

Si un débutant devait rencontrer un monstre comme celui-ci, sa mort était presque garantie — d’où la prudence de la jeune fille. En fait, il serait étrange qu’elle ne soit pas sur ses gardes.

Bien qu’il me semblait étrange de faire tout cela malgré le fait d’être conscient de l’apparence d’un être normal, ce n’était pas ce que j’avais l’intention de faire. Au contraire, je voulais la saluer et lui parler de façon décontractée. Cependant, je n’étais pas encore habitué à ce corps — même si je pouvais en quelque sorte me battre dans ce corps, parler me paraissait excessivement difficile.

En raison du fait que j’avais entraîné mon corps au cours de la dernière décennie et que je connaissais bien mes mouvements et mes faiblesses, je pouvais facilement compenser et régler tous les problèmes provoqués par mon nouveau corps.

Cependant, le fait de parler était un tout autre problème. Je ne m’étais jamais vraiment entraîné à parler au début, et ce que j’avais supposé être une tâche simple s’était avéré plus difficile que je ne le pensais. En conséquence, mes mots avaient été transformés en une série de grognement, et je ne pouvais absolument rien y faire.

Pour empirer les choses, il y avait le fait que mon corps était celui d’un cadavre ambulant. Le fait que cette aventurière en particulier était une jeune fille n’avait fait qu’exacerber le problème. Bien que j’aie été choqué par sa posture défensive et ses paroles, il n’y avait pas grand-chose à faire dans l’état actuel des choses.

Cependant, plus que mon apparence potentiellement dégoûtante, c’était le fait que j’étais une goule — c’était probablement suffisant pour qu’elle soulève sa lame contre moi.

Probablement.

Quoi qu’il en soit, je devais établir une forme de communication d’une manière ou d’une autre. C’était la raison pour laquelle je m’étais arrêté à ses paroles et j’étais resté sur place, essayant désespérément de transformer mes rugissements incohérents en mots.

« Vaa... VAAAaa... Ge... Attent... Aagghh... Ahh... Ah suis... Ven... Ventt... VENTT !! » déclarai-je.

« Arghaaahh !! »

L’augmentation soudaine du volume avait perturbé encore plus mes paroles déjà incohérentes, ce qui avait fait sursauter de peur la pauvre fille.

Mais je n’étais pas découragé. Au contraire, j’avais pensé qu’abandonner maintenant serait une très mauvaise idée.

Par exemple, si j’avais simplement abandonné et que je partais, la fille s’échapperait sûrement. Elle signalerait alors mon existence à la guilde, qui me classerait comme une sorte de monstre spécial, ce qui conduirait la guilde à envoyer des aventuriers puissants pour se débarrasser de moi. C’était une tournure des événements que je voulais absolument éviter.

Bien que je sois devenu un peu plus fort après avoir combattu et vaincu de nombreux autres monstres, il y avait beaucoup d’autres aventuriers qui étaient plus forts que moi. Si quelqu’un comme ça était envoyé pour me chasser, ma vie se terminerait une deuxième fois.

C’est pourquoi l’établissement d’une sorte de communication avec cette fille était de la plus haute importance. Au moins, je devais la convaincre que je n’étais pas une menace.

Bien que l’option de tuer la jeune fille pour la faire taire restait ouverte, je ne pouvais pas me résoudre à le faire — après tout, j’étais, et je suis toujours humain. Je ne pouvais vraiment pas faire quelque chose comme ça.

Si la jeune fille était un bandit ou une sorte de criminel, je pourrais peut-être envisager l’idée. Cependant, elle semblait être une aventurière effrayée se battant pour sa vie, et je ne pouvais pas la voir comme autre chose. Même si c’était pour mon propre bénéfice, je ne pourrais pas me résoudre à lui enlever son avenir — pas à une personne aussi jeune qu’elle.

C’est pourquoi j’avais essayé de parler.

« S... S’il vo... plait... ! Éc... Écoutt... moi... Ahh... Pas... Ennem... »

J’avais continué à répéter mes paroles incohérentes. La jeune fille, à son tour, fut surprise de mes actions et de mon manque d’hostilité, alors qu’elle semblait commencer à écouter.

« Ah... ? Est-ce que... cela parle... ? » demanda-t-elle.

« O-Oui... Ouiii... Je... suissss... Renttt ! Je... aven... turier..., » déclarai-je.

Il fallait peut-être s’attendre à ce que les choses soient un peu différentes avec quelqu’un à qui parler. Lentement mais sûrement, mon discours était devenu plus cohérent.

La clarté s’était peu à peu réintroduite dans ma voix — ses rugissements, autrefois secs et râpeux, arboraient maintenant un certain degré de cohérence. Au moins, c’était assez clair pour qu’elle me comprenne vaguement.

« Avent... Aventurier ? Vous ? Un aventurier !? Euh... Avez-vous déjà été un aventurier... Peut-être... ? » me demanda-t-elle.

« Oui ! Av... Aven... turier... ! No... Nom... Rentt ! » répondis-je.

« Monsieur Rend ? » me demanda-t-elle.

« Rentt... Ren... tt ! Ren... tt... » répondis-je.

« Ah, Monsieur Rentt..., » déclara-t-elle.

Il semblerait qu’elle s’était habituée à moi.

Il m’était venu à l’esprit que cette fille avait un tempérament plutôt courageux. Bien qu’elle ait continué à saisir fermement son arme, elle ne semblait pas s’inquiéter du fait qu’elle était actuellement engagée dans une conversation avec une goule. Un aventurier normal m’aurait simplement frappé ou aurait cherché une ouverture pour s’échapper.

« Alors, Monsieur Rentt... Votre apparence... Est-ce une sorte de déguisement ? » me demanda-t-elle.

« Non... Non. Je... suis mort..., » répondis-je.

Bien que ses yeux se soient élargis lors de ma déclaration, son expression était lentement passée à celle de la pitié alors que je poursuivais mon histoire.

« Ah... Quelque chose comme ça s’est passé, hein... Peu importe comment vous le dites, vous ressemblez à une goule... Hmm. Mais j’ai entendu parler de gens qui sont devenus des monstres morts-vivants après leur mort. Bien que je n’aie jamais entendu parler de quelqu’un qui garde sa personnalité et ses souvenirs..., » déclara la jeune femme.

Les observations de la jeune fille étaient justes. Bien qu’il existait des cas de monstres morts-vivants conservant une partie de leur mémoire après la mort, c’était surtout ces souvenirs qui influençaient le comportement et les manières d’agir du monstre. En tant que tels, ils n’étaient pas considérés comme ayant la même clarté mentale et la même sensibilité qu’une personne normale et vivante.

L’inverse était également vrai — des légendes parlant d’individus qui, grâce à une magie hautement avancée, avaient réussi à se réincarner en tant que monstres morts-vivants avec leur conscience intacte et fonctionnelle. Cependant, les observations les concernant étaient peu nombreuses et très espacées dans le temps. Inutile de dire que je n’avais pas rencontré un tel être jusqu’à maintenant.

En d’autres termes, une goule comme moi, qui était pleinement capable de parler, d’agir de manière logique et d’avoir un raisonnement cohérent, n’était pas un événement rare, mais plutôt un événement impossible.

Je m’étais retrouvé perdu — je n’avais aucun moyen d’expliquer pourquoi j’en étais arrivé là. Cependant, j’avais eu une intuition. Si je devais deviner ce qui s’était passé, alors le Dragon qui m’avait mangé avait certainement quelque chose à voir avec ça.

En dehors de cela, cependant, j’avais déduit que j’étais, à toutes fins utiles, une goule classique.

Mais ce n’était pas quelque chose que je pouvais simplement dire à cette fille.

Plus important encore, j’avais besoin qu’elle comprenne que j’étais sensible et capable de raison. Après tout, l’obtention d’une source de coopération et d’aide éventuelle était la première de mes priorités.

Je devais retourner à Maalt à n’importe quel prix. Et pour que cela arrive, je devais enrôler cette fille pour m’aider — c’est pourquoi j’avais dit dans ce but.

« ... Je sais... Je... Je ne sais... pas pourquoi... mais... je... je... suis en vie ! » déclarai-je.

« E-Est-ce que c’est vrai ? Vous... Vous vivez ? C’est un peu étrange venant de vous... Mais vous n’êtes pas un monstre normal... Et vous m’avez sauvé la vie. Oh, si, vous l’avez fait ! Alors, merci beaucoup ! » déclara la jeune femme.

Comme si elle s’en rendait compte à mi-parcours de son discours, la jeune fille m’avait remercié, tout en tenant son épée alors qu’elle l’avait fait.

J’avais répondu de la même manière.

« Ce... Ce n’est rien... Les... Aven... turiers... aider... les... autres, » déclarai-je.

« Euh... Est-ce que ce que vous dites est vraiment la vérité ? Alors, puis-je partir ? Vous n’allez pas me tuer ou quoi que ce soit du genre ? » demanda-t-elle.

Je m’étais trouvé plus agité que je n’aurais dû l’être face à la question de la fille.

« Je... je... ne veux pas... vous... tuer. Mais... J’aurais... aurais besoin... d’un... peu... d’aide... de votre... part, » déclarai-je.

« Pffff ! C’est un soulagement ! Je pensais que j’étais fichue... Mais... De l’aide ? Une demande... ? Eh bien... Vous êtes la personne... Je veux dire, le monstre, qui m’avez sauvé la vie... Alors je vais vous écouter ! Eh bien... J’espère que vous ne me demandez pas mon sang, ma chair ou quoi que ce soit..., » déclara-t-elle.

« Bien... Sûr que non. À propos... de ma... requête... j’aurais... besoin... de v... vêtements... à porter, » déclarai-je.

« ... Des vêtements ? À porter ? Hmm. Ahh... Ahh. C’est vrai. Je comprends, » déclara-t-elle.

En disant cela, la jeune fille me fixait, comme si elle inspectait de près un spécimen biologique. Finalement, elle hocha la tête en comprenant ma situation difficile.

« Si vous continuez comme vous l’étiez... d’autres aventuriers pourraient simplement vous confondre avec un monstre et vous attaquer... Hmm. Alors, une robe ou quelque chose pour cacher votre corps suffirait-il ? » me demanda-t-elle.

« O... Oui. Cela... m’a... l’air... bon... Merci... beaucoup. Tenez... Un peu... d’argent... pour ça, » déclarai-je.

La jeune fille était probablement une aventurière de classe Fer qui n’avait pas beaucoup de revenus. C’était ce qui était visible de son équipement.

Bien que je sois moi-même d’une faible classe d’aventuriers, je n’avais pas beaucoup de difficultés à gagner de l’argent dans les donjons, et j’avais toujours l’or et l’équipement que j’avais sur moi avant mon malheureux décès.

Une partie de mon équipement était restée sur moi, bien que d’autres objets aient été éparpillés dans la pièce. Bien sûr, j’avais récupéré mes effets personnels et j’avais effectué les vérifications nécessaires pour détecter les dommages.

Après avoir détaché mon sac rempli de pièces de monnaie de ma ceinture, je l’avais placé sur le sol, reculant de quelques pas en arrière alors que je demandais à la jeune fille de le ramasser. La jeune fille, pour sa part, avançait lentement et prudemment avant de se pencher et de ramasser le sac pour en vérifier le contenu.

« C-C’est... Wôw ! Vous avez fait fortune ! Je suppose que vous étiez un aventurier célèbre dans la vie ? » demanda la jeune fille, surprise.

En vérité, ma richesse avait été accumulée régulièrement en mettant de côté au fil des ans, au lieu de gagner soudainement une grosse somme d’argent. La fille tenait maintenant toute ma fortune entre ses mains.

Cependant, vis-à-vis de sa remarque, j’étais resté silencieux. Je ne voulais pas commencer à expliquer ma situation — si je le faisais, cela me ramènerait sûrement au Dragon, d’une façon ou d’une autre. Au lieu de cela, j’avais décidé de réorienter la conversation en soulevant une fois de plus le sujet à portée de main.

« V-Vêtements... Une fois que vous aurez... Prends-les. Vous pouvez... Utilisation. Le reste pour... vous-même. S’il vous plaît, » déclarai-je.

Face à ces mots, la fille avait répondu cela.

« Je... Je comprends. Je suppose que vous avez traversé beaucoup de choses... Mais vous n’avez pas l’air d’un mauvais monstre. Vous savez, sans vous, je serais déjà morte... Moi, Rina Rupaage, fille de chevaliers, je rembourserai certainement cette faveur. Attendez-moi, Monsieur Rentt... »

Après ça, la jeune fille avait continué à reculer, tenant toujours son épée. Peu après, elle était partie.

Il semblerait qu’elle avait encore un peu peur de moi. Mais bien sûr, c’était normal que cela soit le cas. C’était ce qu’il fallait faire en tant qu’aventurier. Les aventuriers qui étaient négligents ou trop confiants étaient voués à mourir quelque part, et le plus tôt possible.

Je sentais qu’elle deviendrait un jour une aventurière compétente.

Le problème était maintenant simple : tiendrait-elle réellement sa promesse ou s’enfuirait-elle tout simplement avec mon argent ? Muni de ma décennie d’expérience en matière d’évaluation du caractère des nouveaux aventuriers, je sentais que Rina ne me trahirait pas. Elle semblait un peu trop sérieuse et moralement droite pour faire quelque chose comme ça.

Et bien, même si elle m’avait trahi, je suppose que je m’occuperais des retombées.

Si, en conséquence, un aventurier fort devait être envoyé après moi, je devais au moins essayer de me défendre — je devais devenir plus fort. Ou serait-il plus approprié de simplement affiner mes talents pour me cacher ?

Je me sentais bête d’évoquer la possibilité d’une telle situation. Je suppose qu’il s’agirait simplement de devenir plus fort physiquement.

J’avais donc continué à chasser d’autres monstres dans le Donjon de la Réflexion de la Lune, tout en gardant ces pensées à l’esprit pendant que je patrouillais dans ses couloirs.

***

Partie 3

Rina Rupaage était une nouvelle aventurière et une jeune fille de 17 ans. Son armure et ses armes étaient visiblement bon marché — comme la plupart des autres objets sur son être. On pourrait presque dire qu’elle avait l’air d’être pauvre.

Cependant, en y regardant de plus près, certains détails lui avaient permis de se démarquer. Ses beaux cheveux blonds, qui étaient bien soignés, semblaient bien aller avec ses yeux bleu vif qui présentaient un regard rempli d’espoir. En fait, une robe et des vêtements plus délicats lui convenaient beaucoup plus qu’une tenue d’aventurière.

La raison de sa venue à Maalt, une ville aux confins des frontières de Yaaran, était claire : elle avait reçu des informations selon lesquelles deux Donjons de niveau débutant existaient près de cette ville — du moins, c’est ce qu’elle avait entendu dans la capitale.

Après tout, il y avait beaucoup d’aventuriers qualifiés dans la capitale de Yaaran, la plupart d’entre eux s’avérant assez forts. De ce fait, ce n’était pas l’endroit le plus propice pour une nouvelle aventurière qui n’avait pas encore réussi à se faire un nom. C’est pourquoi Rina s’était mise en route pour Maalt, à la recherche d’un endroit où elle pourrait se sentir plus à l’aise.

Elle avait également été informée par un membre du personnel de la Guilde des Aventuriers de la capitale que de nouveaux aventuriers étaient recherchés dans les villes frontalières. Cela lui avait permis de connaître les différentes villes disponibles — des villes où elle pouvait s’entraîner tout en économisant de l’argent. Rina, complètement absorbée par la description de ces villes par le membre du personnel, s’était finalement rendue à Maalt.

Normalement, les aventuriers basés dans la capitale de Yaaran ne se déplaçaient pas dans une ville marginale, quelle que soit l’intensité de la concurrence. Pour la plus grande moitié des aventuriers, la capitale était l’endroit où il fallait être, principalement en raison des quêtes plus payantes disponibles. En tant que tels, la plupart ne voudraient pas quitter la capitale du tout, et avaient appelé ceux qui avaient été affectés à des villes marginales « les abandonner de la capitale » — tels étaient les sentiments généraux des aventuriers de Yaaran.

Cependant, Rina ne ressentait pas ce genre de chose. En raison de sa situation personnelle, elle préférait de loin quitter la capitale dès qu’elle le pouvait, et c’est ainsi que Rina Rupaage s’était retrouvée en train de postuler pour une affectation à Maalt sur la recommandation du membre du personnel.

Cela ne faisait qu’un jour depuis que Rina avait atteint la ville de Maalt. Bien qu’elle ait d’abord mis les pieds à Maalt, remplie d’espoirs et de rêves, elle avait très vite trouvé ses rêves brisés.

La raison en était, une fois de plus, tout à fait évidente. Pour une aventurière fraîchement arrivée comme Rina, les deux Donjons de Maalt posaient trop de défis. Les explorer elle-même était beaucoup trop pénible, et bien que l’organisation d’un groupe soit la meilleure façon de procéder, personne n’avait voulu se joindre avec Rina. Cela était dû au sexe de Rina, à son apparence et, peut-être, à son histoire.

C’est-à-dire que Rina était une femme, ce qui la plaçait automatiquement un échelon sous ses homologues masculins. Pour empirer les choses, elle avait l’air beaucoup trop délicate et était équipée des articles les moins chers que l’argent pouvait acheter. De plus, il y avait à peine un mois qu’elle était devenue une aventurière. Il était facile pour n’importe quel vétéran chevronné de supposer simplement que Rina était « aventurière » comme passe-temps et ne pouvait donc pas être prise au sérieux. Une histoire malheureuse et peut-être discriminatoire.

En réalité, Rina était peut-être un niveau au-dessus de l’aventurier typique qui venait à Maalt. En plus d’être familière avec son arme, elle possédait également une personnalité sincère et honnête. Pour une personne qui avait l’œil pour le talent, une telle combinaison de force et de volonté pour son niveau d’expérience était rare — et dans tous les cas, Rina pourrait certainement tirer son épingle du jeu dans un groupe.

Cependant, il semblerait que Rina Rupaage n’avait pas eu beaucoup de chance. Toutes les personnes qu’elle avait approchées pour former un groupe avec elle avaient tiré des conclusions erronées au sujet de ses capacités.

Dans des circonstances normales, la Guilde des Aventuriers locale employait plusieurs observateurs, généralement à la recherche de nouveaux talents. Il était important de noter ici que l’observateur de la guilde de Maalt n’était autre que Rentt Faina. En son absence, un aventurier de plus haut niveau le remplacerait. Malheureusement pour Rina, aucune des deux n’était présent à son arrivé.

En conséquence, Rina, qui ne trouvait personne d’autre avec qui s’aventurer, avait fini par décider d’explorer seule le Donjon de la Réflexion de la Lune. Bien que les membres du personnel de la Guilde des Aventuriers de Maalt avaient eu des doutes, ils avaient reçu de la capitale des rapports sur les capacités de Rina, et donc déterminé que les chances que Rina perde la vie dans le Donjon étaient faibles. C’est pourquoi la guilde avait permis à Rina d’entreprendre une quête toute seule, bien qu’avec des paroles d’avertissement.

Pour Rina, ce ne serait qu’une question de temps avant que Rentt ou l’un des aventuriers annoncés de la guilde ne vienne la chercher, donc cela n’aurait probablement pas beaucoup d’importance si elle était partie explorer par elle-même entre-temps. Bien que la plupart des hypothèses de Rina soient vraies, elle aurait peut-être pris une décision différente si elle en savait plus sur le monde extérieur.

Rina avait été tenue à l’abri avant aujourd’hui. Bien qu’elle soit capable d’une grande variété de compétences en maniement de l’épée, la plupart de ses techniques étaient de nature cérémoniale, de sorte qu’elles ne servaient à rien au combat. Pour empirer les choses, Rina n’avait pas beaucoup d’expérience au combat. C’est pourquoi Rina avait fini par s’aventurer seule dans le Donjon de la Réflexion de la Lune, selon les recommandations de la Guilde des Aventuriers de Maalt. Et là, elle avait fini par se retrouver dans une situation qui avait failli lui coûter la vie.

Elle avait pris un bon départ et avait réussi à vaincre quelques monstres par ses propres moyens, de sorte qu’elle aurait pu s’arrêter à ce moment-là. Elle avait récupéré les ingrédients et les cristaux magiques qu’elle pouvait vendre pour une somme intéressante. Cependant, Rina avait surestimé ses capacités et avait décidé d’aller plus loin.

Au contraire, il s’agissait d’une erreur souvent commise par de nouveaux aventuriers. Alors que Rina était liée par de nombreuses autres règles et souvent traitée comme un excédent de bagages dans les groupes, elle avait l’habitude d’avoir des camarades aventuriers avec elle — et des vétérans, à leur tour, qui offrait des paroles de mise en garde. Cependant, ce n’était pas le cas dans l’affaire à Maalt — et Rina avait pris une décision potentiellement fatale à cause de cela.

À la suite de ses actions, elle avait frôlé la mort en face d’un squelette — si la lutte avait continué, elle aurait sûrement perdu la vie.

Mais Rina avait eu de la chance, après tout, elle avait fini par croiser le chemin de quelqu’un qui avait décidé de l’aider.

Alors que le squelette avait levé son bras pour le coup de grâce, un cri sauvage avait percé l’air.

« ... GAAAAAAAAH !! »

Soulevant la tête face à ce son, Rina pouvait voir une silhouette au bout du couloir.

Alors qu’elle se demandait qui pouvait être son sauveur, Rina se retrouva à court de mots, car ce qui se tenait dans le couloir était un monstre beaucoup plus mortel qu’un squelette typique — une goule. Il ne semblait pas non plus être une goule normale — une série complexe de tatouages avaient été gravés sur son visage, émettant une faible lueur bleue.

Bien que Rina n’avait pas rencontré beaucoup de monstres dans sa courte carrière d’aventurière, même elle avait compris que le monstre devant elle était unique. C’était probablement un monstre spécial, originaire de ce Donjon.

Il y avait quelques types différents de monstres spéciaux, y compris des « monstres rares nommés » et des « monstres rares ». Comme leurs noms l’indiquaient, ils étaient en effet exceptionnellement rares et n’apparaissaient normalement pas du tout dans le Donjon. Ils avaient aussi des caractéristiques uniques. Pour empirer les choses, ces monstres étaient beaucoup plus forts que leurs homologues normaux dans la plupart des cas. Si l’on n’était pas bien préparé, on pouvait facilement perdre sa vie.

Par conséquent, la goule qui était apparue devant Rina semblait posséder des traits visuels comme la plupart des monstres spéciaux. Alors que ses différences étaient bien visibles, l’aura qui émanait de son être était un indicateur encore plus évident.

C’est mauvais..., pensa-t-elle.

Telle était la conclusion à laquelle Rina Rupaage était arrivée.

Comme pour aggraver ses peurs, la goule avait chargé le squelette, celui-là même qui allait lui prendre la vie, et l’avait facilement tranché en deux avec une unique frappe de son épée. Ses mouvements étaient si nets que Rina oublia momentanément que celui qui maniait la lame était une goule.

Après s’être calmée, Rina s’était immédiatement rendu compte qu’elle était dans une situation difficile. Il était maintenant clair pour elle qu’elle ne pouvait pas vaincre cette goule, et que sa vie d’aventurière prendrait fin.

Rina s’y était préparée.

Cependant, il semblait que la rencontre de Rina avec la goule soit une bonne chose. Pour une raison ou une autre, le monstre qui était apparu devant Rina avait commencé à parler, demandant finalement son aide. Pour être plus précise, la goule avait demandé qu’elle achète des vêtements pour elle.

Devenant rapidement d’accord de faire ça, Rina s’était précipitamment enfuie en direction de Maalt. Après tout, elle parlait avec un monstre. En tant qu’aventurière, il serait logique de ne pas faire confiance à un monstre et de simplement rapporter ce qu’elle avait vu à la guilde. Du moins, c’était ainsi que le bon sens aurait fonctionné.

Cependant, Rina avait compris que la goule lui avait sauvé la vie. Par conséquent, elle sentait qu’elle devait rembourser la faveur d’une façon ou d’une autre.

Alors qu’elle était maintenant une aventurière, Rina était autrefois la fille d’une fière famille de chevaliers.

***

Partie 4

Rentt Faina n’était pas revenu. Sheila Ibarss, membre du personnel de la Guilde des Aventuriers de Maalt, estimait que c’était très irrégulier que cela survienne.

Bien que Sheila n’ait travaillé à la guilde que pendant cinq ans et qu’elle était junior par rapport à ses collègues, elle connaissait Rentt depuis beaucoup plus longtemps. Rentt était le premier aventurier qu’elle avait rencontré lorsqu’elle avait commencé à travailler dans la guilde. Alors que Rentt était alors plus jeune, un aventurier de 20 ans, il avait déjà été aventurier déjà depuis cinq ans, même s’il était encore un aventurier de classe Bronze-inférieure. Il était évident que Rentt n’était pas exactement fait pour ce travail.

La plupart des aventuriers qui n’étaient pas faits pour l’aventure se contentaient d’arrêter l’aventure après quelques années. Ils retournaient dans leur ville natale ou cherchaient d’autres emplois lorsqu’ils se rendaient compte qu’ils manquaient de talents ou de capacités pour l’aventure. Bien que cela puisse paraître comme tel, ce n’était pas exactement une chose honteuse, et un bon nombre d’aventuriers avaient fait un tel choix.

Bien qu’il y avait des imbéciles qui accusaient ceux qui prenaient leur retraite de ne pas travailler assez fort ou de ne pas vouloir risquer leur vie, il y avait ceux qui savaient que l’aventure n’était pas un travail à prendre à la légère. En réponse, ceux qui étaient incapables de comprendre cela étaient considérés comme des imbéciles — tel était le sentiment commun parmi la plupart des aventuriers ayant du bon sens.

En d’autres termes, Rentt était déjà proche de l’âge de la retraite, et il incombait à Sheila Ibarss, qui avait été désignée comme son superviseur, de l’informer de la nouvelle.

Cependant, Sheila n’avait pas aimé devenir la superviseuse de Rentt à l’époque. La raison n’était pas due à une aversion personnelle pour Rentt. Les membres du personnel de la Guilde des Aventuriers avaient le devoir de guider et d’assister les aventuriers jusqu’à leurs derniers jours. En regardant l’âge et l’histoire de Rentt, il était évident qu’il devrait bientôt prendre sa retraite en tant qu’aventurier — et malheureusement, c’était aussi son travail de lui dire ça. C’était un travail que quelqu’un devait faire, mais aussi un travail que personne n’aurait voulu faire. La plupart du temps, les membres du personnel évitaient habituellement d’avoir une telle affectation.

Sheila s’était trouvée quelque peu déprimée par le fait que son premier emploi était de congédier un aventurier. Mais il semblerait que Sheila s’était à la fin inquiétée pour rien.

Pour la Guilde des Aventuriers de Maalt, Rentt était apparemment exempté de telles considérations. Bien que ses années d’expérience et le simple fait d’être un aventurier (sans grand progrès significatif) avaient fait de lui une bonne cible pour les recommandations de retraite, il était considéré comme un atout trop précieux à perdre. Cela était dû au fait que les activités de Rentt à l’intérieur et à l’extérieur de la guilde avaient eu des effets positifs indéniables pour la population de Maalt. Il avait donc été décidé que pour le moment, Rentt ne serait pas promu, mais qu’il resterait simplement tel qu’il était.

En fait, le Maître de la Guilde des Aventuriers de Maalt envisageait d’enrôler Rentt en tant que membre du personnel de la guilde si jamais Rentt se retirait de l’aventure — telle était la valeur de Rentt pour la guilde.

Pour commencer, Rentt avait servi à de multiples fins, et il avait rempli de nombreux rôles au sein de la guilde. Non seulement il était bon pour juger de l’aptitude des nouveaux aventuriers, mais il les présentait aussi aux membres du groupe pour qui ils seraient un bon candidat. Il avait également éduqué les nouveaux arrivants sur les règles, le bon sens et les connaissances du terrain nécessaires pour explorer correctement un Donjon. Pour compléter le tableau, Rentt avait aussi souvent déjoué les complots d’aventuriers qui n’avaient rien de bon en eux.

C’était, dans l’ensemble, une connaissance de base que n’importe qui pouvait transmettre. Mais en raison d’un manque de personnel réellement disposé à accomplir de telles tâches, l’existence de Rentt était une bénédiction pour de nombreux nouveaux venus dans le monde de l’exploration du Donjon.

Dans des circonstances normales, une grande partie de ce travail incomberait aux représentants de la guilde. Cependant, Rentt avait effectué la plupart de ces tâches gratuitement. Bien qu’à l’occasion, la Guilde lui avait confié ces tâches, de tels événements étaient rares. Mais même ainsi, Rentt s’était acquitté de ses tâches avec bonheur et sans se plaindre.

De plus, en conséquence directe de ses efforts, le taux de mortalité des nouveaux aventuriers dans les Donjons environnants de Maalt avait fortement diminué par rapport à d’autres régions. La plus grande propension des aventuriers locaux formés par Rentt à suivre les lois et les règles s’était également traduite par une meilleure coexistence entre les aventuriers locaux et les citadins. Il était peut-être évident de dire que Rentt était une rareté.

Sheila, d’autre part, n’était pas originaire de Maalt, mais avait fait route vers la capitale pour passer l’examen d’entrée de la guilde. Après avoir réussi le test, elle avait été envoyée à Maalt, ce qui était très différent de la ville natale qu’elle avait laissée derrière elle.

Par contraste, les aventuriers de la ville natale de Sheila étaient pour la plupart des individus au caractère douteux. Bien qu’il y ait aussi des aventuriers au bon cœur, ils n’étaient dans l’ensemble pas appréciés par les habitants de la ville, qui étaient soit peu aimables en réponse, soit effrayés par eux. Alors que la plupart des aventuriers s’adonnaient à des crimes opportunistes et mineurs, certains d’entre eux étaient des criminels à plein temps.

Maalt, par contre, était radicalement différente. On faisait confiance aux aventuriers de Maalt, et si certains d’entre eux commettaient des crimes, ils seraient rapidement amenés devant la justice par leurs compagnons aventuriers. Sheila, étant la superviseuse de Rentt, comprenait parfaitement que l’existence de Rentt Faina était la chose même qui était responsable de la morale positive des aventuriers de Maalt.

Cependant, la raison pour laquelle Sheila avait été présentée à Rentt n’était pas simplement pour lui permettre d’offrir son expérience à un aventurier malchanceux. Au contraire, c’était l’inverse : Sheila, étant nouvelle, apprendrait beaucoup en travaillant avec Rentt, dont l’expérience dans les petits boulots et autres tâches ingrates faisait de lui un bon candidat pour transmettre des connaissances importantes — telle était la décision de la guilde. Au fil du temps, Sheila avait beaucoup appris de Rentt au sujet de la guilde et des caractéristiques désirées dans le personnel de la guilde, et elle était maintenant une membre très appréciée de la Guilde des Aventuriers de Maalt.

La portée des directives de Rentt n’était nullement réduite. En fait, un coup d’œil rapide dans les différents coins de Maalt avait révélé de nombreux nouveaux aventuriers, dont la plupart avaient été guidés par la main de Rentt. Il ne serait pas étrange que l’un de ces nouveaux aventuriers passe finalement à la classe Mithril, car Rentt lui-même veillait souvent sur ses juniors, s’assurant qu’ils obtenaient les conseils dont ils avaient besoin.

Alors que Rentt rêvait de devenir lui-même un jour un aventurier de la classe Mithril, il s’était aussi mis au travail — s’engageant dans un régime d’entraînement quotidien strict, à l’insu de Sheila ou d’autres aventuriers. Cependant, Rentt était plus conscient que n’importe quel autre individu quand il était venu à accepter le fait qu’il avait peu de talent pour l’aventure. Si Rentt avait un éclat ou une once de talent dans son corps, ses efforts auraient sûrement été récompensés. Malheureusement, la réalité n’était pas aussi gentille. Il n’y avait pas grand-chose à faire face à cela.

Alors que Rentt aurait pu simplement faire équipe avec d’autres aventuriers forts et devenir célèbre en tant que groupe uni, de nombreux aventuriers locaux de Maalt connaissaient le but de Rentt — son rêve de devenir un aventurier de classe Mithril.

Mais Rentt n’avait pas cherché à devenir un tel individu à cause de la gloire. Non, il voulait devenir un aventurier Mithril grâce à ses propres capacité. En tant que tel, le fait de dépendre d’un autre individu, ou d’un groupe d’aventuriers aurait fait échouer ce but. Pour réaliser son rêve, Rentt n’avait pas d’autre choix que de continuer, aussi improbable qu’il fût de réussir. Après tout, c’était la seule voie qui s’offrait à lui.

Comme l’aventure et le combat étaient les moyens les plus rapides de développer sa force, c’était exactement ce que Rentt avait fait. D’autres aventuriers, à leur tour, avaient évité de faire des groupes avec Rentt en dehors des urgences. Les autres aventuriers de Maalt l’avaient fait par considération pour Rentt, connaissant son rêve. Aussi improbable que cela puisse paraître, il n’était pas dans leur intérêt de déprécier la quête de Rentt vers la force — même si la vérité était évidente pour tout le monde.

Rentt était, faute d’un meilleur mot, faible. Ainsi, d’autres aventuriers locaux savaient que la mort frapperait à sa porte tôt ou tard. Mais Sheila et les autres aventuriers pensaient que cette possibilité était relativement faible. Pourtant, à la fin, ils avaient laissé Rentt faire ce qu’il voulait, sans dire un mot, alors qu’il poursuivait sa quête en solitaire.

Bien que Rentt soit un aventurier de classe Bronze et qu’il avait la force d’un aventurier, ses connaissances ainsi que son expérience de l’aventure étaient plus que suffisants pour rivaliser avec celles des vétérans chevronnés. Même s’il était en quelque sorte confronté à un ennemi dangereux, il resterait sûrement calme et prendrait les bonnes décisions — du moins, c’est ce que les autres aventuriers de Maalt pensaient de Rentt.

Cependant, cela dit, un fait était resté vrai : Rentt Faina n’était pas revenu.

Rentt Faina, l’aventurier de la classe Bronze-inférieure qui entrait dans le même Donjon à la même heure tous les jours, retournait à la guilde à la même heure avec des ingrédients similaires, signait les tâches qui lui avaient assigné et partait ensuite s’entraîner ailleurs.

Telle était la vie quotidienne de Rentt. Cela se produirait tous les jours, sans faute, et pourtant — .

Personne ne savait où il avait disparu. Sheila n’était que l’une des nombreuses personnes qui s’inquiétaient de son absence.

Rentt...

Rentt Faina —

S’il te plaît, sois prudent — telles étaient les prières inouïes de Sheila alors qu’elle poursuivait ses tâches quotidiennes à la guilde.

« Euh... »

La voix d’une jeune fille avait fait sortir Sheila de ses pensées. En levant la tête, elle avait découvert que la propriétaire de la voix était, en effet, une jeune fille — et une fille familière.

La jeune fille était une nouvelle aventurière qui avait été affectée à Maalt en provenance de la capitale quelques jours auparavant. En raison de son arrivée à un moment quelque peu malheureux, ni Rentt ni d’autres aventuriers de haut niveau n’étaient présents — et en tant que telle, elle s’était finalement lancée seule dans l’aventure.

Sheila se souvient de son nom — Rina Rupaage. Sur ce, elle avait rangé une liasse de papiers dans ses mains, avant de prêter attention à ce que Rina avait à dire.

 

 

***

Partie 5

D’un coup d’épée, j’avais tranché le squelette se trouvant devant moi. Je ne savais plus combien j’en avais vaincu, car j’avais cessé de compter depuis longtemps. Bien que j’avais dû faire des efforts considérables pour vaincre un squelette dans la vie, ces souvenirs semblaient être des mensonges. J’avais manœuvré jusqu’à me retrouver à l’arrière de mon ennemi squelettique sans effort, abaissant ma lame et tranchant une fois de plus les os blancs de mon adversaire en deux moitiés bien découpées.

C’était incroyable.

Les changements n’avaient pas été provoqués par une amélioration de ma technique, mais au contraire, j’étais simplement devenu plus fort — c’est-à-dire physiquement. Mes réserves de mana, d’Esprit et de Divinité, aussi, semblaient augmenter avec chaque monstre que j’avais vaincu. En utilisant ces trois aspects, j’étais maintenant capable de renforcer mon corps de différentes manières, je bougeais enfin comme je l’avais toujours voulu.

Ces vitesses étaient impensables pour moi en vie — et pourtant, mon corps bougeait en douceur et rapidement. J’avais souffert de beaucoup de cloques de sang, alors que je poursuivais mon entraînement. Mais peu importe à quel point je m’étais entraîné, je n’étais pas devenu plus rapide ou plus fort.

La réalité aujourd’hui était cependant différente. Mon corps bougeait selon mes instructions, il n’y avait pas d’erreurs dans mes mouvements. Je pouvais aussi voir clairement les mouvements de mon ennemi — mes sens étaient plus aiguisés qu’ils ne l’avaient jamais été. Les aventuriers qui m’avaient surpassé avaient sûrement vu le monde de cette façon.

Je me rappelais comment j’étais dans la vie, comment j’avais été incapable de voir quoi que ce soit. Si possible, j’aurais voulu atteindre ce degré de pouvoir pendant que je respirais encore, bien que je suppose que c’était maintenant impossible. Mais peut-être devrais-je être reconnaissant du fait que j’étais encore entièrement avec le contrôle de mes facultés, et cela même dans la mort. Avec cela, je pourrais même réaliser mon rêve de devenir un aventurier de la classe Mithril...

C’était avec cette pensée qu’une question s’était posée dans mon esprit :

Vais-je continuer à être un aventurier après tout ce temps ? pensai-je.

Bien sûr, il y avait différents types d’aventuriers. On devenait un aventurier si on le voulait, mais beaucoup d’aventuriers s’étaient arrêtés après avoir plafonné au niveau Bronze, un peu comme moi. À quelques exceptions près, n’importe qui pouvait devenir un aventurier à condition d’être âgé d’au moins 15 ans.

Cependant :

Un monstre pourrait-il être un aventurier ? Me demandai-je.

Après cela, une autre question avait surgi des profondeurs de mon esprit. C’était possible — telle était la réponse à laquelle j’étais arrivé, comme s’il s’agissait d’une sorte de bon sens.

Cependant, la réalité n’était pas si gentille. J’avais réfléchi un peu plus à la situation. Si, par exemple, un jour, une goule s’était simplement présentée à la Guilde des Aventuriers, puis s’était simplement dirigée vers le comptoir de la réceptionniste, étendant sa main à moitié pourrie tout en parlant dans sa voix à moitié grinçante, que se passerait-il ?

« Avvv... Aveentu... rier... de... ret... our ! »

C’était vraiment comme dans une histoire d’horreur.

La réceptionniste refuserait certainement d’interagir avec moi. De plus, elle appuyait instantanément sur le bouton de panique sous son bureau, convoquant immédiatement les aventuriers dans le coin, ou même le maître de la guilde. Et ainsi, la goule serait éliminée — et ce serait la fin de celle-ci.

Cependant, cela étant dit... Il ne m’était jamais traversé l’esprit, même une seule fois, que je pourrais être incapable de continuer à être aventurier — c’est-à-dire jusqu’à maintenant.

Je suppose que je devrais arrêter de penser à cela. Plus important encore, je devais penser à la façon dont je continuerais à vivre à partir de maintenant, car j’avais encore un rêve à réaliser : devenir un aventurier de classe Mithril.

Après tout, le goulot d’étranglement avec lequel j’avais lutté le plus longtemps avait été supprimé. J’avais maintenant le talent et les capacités requis pour l’aventure... en échange des périls provoqués par ma forme monstrueuse actuelle.

Si cette forme m’empêchait de rester un aventurier, ce serait un gros problème. J’en étais venu à la conclusion que je devais penser à une façon de continuer à être aventurier, peu importe mon apparence ou ce que je devenais.

Bien que j’avais mentionné les politiques généreuses de la guilde à plusieurs reprises, j’avais supposé que m’attendre à ce que la guilde accepte un monstre dans ses rangs était un peu trop demander.

J’avais demandé à Rina d’acheter des vêtements en mon nom, mais cela n’avait pas résolu un autre problème important. Une robe pouvait cacher la plus grande partie de mon corps desséché, mais elle ne pouvait pas cacher mon visage ni mes bras. Naturellement, je devais me pencher pour lire ou remettre de l’or et des ingrédients — donc cacher mes bras était impossible, c’est le moins qu’on puisse dire.

J’avais regardé mes bras avec résignation. Ils étaient, comme je m’y attendais, très pourris et secs. Il n’y avait pas d’autre façon de le dire.

En fait, la couleur de ma peau semblait s’être détériorée — alors qu’elle était brune, il n’y a pas si longtemps, elle était maintenant rayée de lignes noires. Je serais étonné si un être humain vivant ne réagissait pas à la vision de mes bras. Bien qu’il y avait peut-être des personnes qui pourraient regarder au-delà de cela et ne pas s’inquiéter lors qu’ils interagissaient avec moi...

Non. C’était juste un vœu pieux.

Moi, Rentt Faina, je n’étais pas exactement célèbre pour mes prouesses d’aventurier — mais mon visage était une chose qui était largement connue, malgré ma réputation. J’étais célèbre, ou peut-être tristement célèbre, pour ne pas avoir abandonné dans mes efforts, et j’étais donc bien connu dans toute la ville de Maalt.

En d’autres termes, plus de la moitié de la Guilde des Aventuriers de Maalt savait de quoi j’avais l’air quand j’étais en vie. Si je me présentais soudainement avec mes bras dans cette forme, on me poserait sûrement beaucoup de questions.

Le personnel de la guilde continuerait à s’inquiéter de moi, pensant que j’avais été blessé par un terrible monstre dans le Donjon. Dans leur quête d’information, ma robe serait inévitablement arrachée de force — et ce serait fini. Je me voyais bien me trouver une excuse ou une autre si ce n’était que mes bras...

Par exemple, disons qu’un monstre avait aspiré la vie de mes mains, ce serait possible. Cependant, ce serait fini une fois qu’ils auraient vu mon visage.

Bien que je ne sois pas en possession d’un miroir, mon visage était manifestement horrible. Je serais sûrement traqué et éliminé, quelles que soient mes raisons ou ma situation, d’autant plus que j’étais mort et que j’avais perdu mon humanité.

Les choses ne se présentaient pas très bien.

La situation ne se prêtait pas à d’autres interprétations et, encore une fois, j’avais trouvé ma volonté vacillante.

Mais j’avais déjà pris ma décision.

Le seul problème ici était mon apparence. Si je pouvais faire quelque chose quant à mon apparence, une solution se révélerait sûrement à moi. Pour ce faire, j’avais dû me calmer et me concentrer une fois de plus sur mon objectif initial — celui d’atteindre l’Évolution Existentielle. Jusqu’à ce que je commence à paraître au moins quelque peu humain, je devrais rester loin de la Guilde des Aventuriers. Il m’était toutefois venu à l’esprit que je n’aurais plus de source de revenus.

Une voix familière m’avait rapidement fait sortir de mes nombreuses considérations de soucis et de problèmes.

« ... Rentt ! ... Monsieur Rentt ! Vous êtes là ? Quelque part !? »

Cette voix n’appartenait à personne d’autre que Rina Rupaage, la fille que j’avais envoyée pour acheter des vêtements en mon nom.

***

Partie 6

« ... Aïe ! »

En me percutant accidentellement alors qu’elle poursuivait ses recherches, Rina l’aventurière avait laissé échapper par inadvertance un cri de surprise. Bien qu’on ne s’attendait généralement pas à un cri comme réaction lorsqu’on rencontrait une connaissance, je suppose que c’était inévitable compte tenu de mon apparence.

Rina, apparemment toujours terrifiée, commença à parler d’une voix encore tremblante.

« Euh... Hmm... M-Monsieur Rentt... ? Est-ce vous... ? Ou, euh, êtes-vous une autre de ses amies-goules ? ... ? » demanda Rina, l’épée à la main.

Je ne pouvais pas lui en vouloir. Après tout, les goules étaient presque impossibles à distinguer. Leur corps et leur chair séchée étaient en grande partie de couleurs similaires, ce qui n’avait certainement pas aidé à la tâche. Au moins, j’étais équipé d’armes et d’armures. Bien que les goules de rang supérieur me ressemblaient, armes et tout, une débutante comme Rina n’était probablement pas au courant de ce fait.

J’avais donc répondu calmement à la question de Rina. « ... O... Oui. Je... suis... Ren... Rentt. »

Bien qu’encore un peu sèche, ma voix était un peu plus cohérente — je m’entraînais depuis ma dernière rencontre avec Rina. Ma voix était maintenant plus claire et plus facile à comprendre — du moins, c’est ce que je ressentais. Mais je ne pouvais pas être sûr, après tout, je me parlais simplement à moi-même en raison d’un manque de partenaires de conversation, d’où mes sentiments sur le sujet.

Rina, cependant, semblait soulagée.

« Ah... C’est génial ! Je me demandais ce que je ferais si ce n’était pas vous... Hmm ? Votre discours semble s’être un peu amélioré..., » déclara Rina.

Il semblerait que je n’étais pas seulement en train d’imaginer des choses.

« Je... E-Entraîner. Pratiqué. Être... apable. Pour parler... Plus, » déclarai-je.

« Oh, c’est vrai ? C’est vraiment génial ! Alors, entrer en ville ne devrait pas être un problème... Oh ! C’est vrai, voilà, les choses que vous m’avez demandé d’aller chercher ! Et voici votre monnaie ! » déclara Rina.

Après ça, Rina avait tendu un sac. En y regardant de plus près, il semblait s’agir d’un tas d’objets, y compris la robe que je lui avais demandé d’acheter pour moi.

Avec un peu d’excitation, j’avais avancé avec empressement vers Rina. Elle, cependant, se retira involontairement, avec un regard d’appréhension sur son visage.

Le choc m’avait fait m’arrêter sur mon avancée. Rina s’était empressée d’offrir une explication.

« Je... Je suis désolée. Euh. Vous êtes toujours un peu effrayant... Pourriez-vous me donner un peu de temps pour que je m’habitue à vous... ? » me demanda Rina.

C’était comme Rina l’avait dit. Je suppose que c’était vraiment comme ça. Il n’y avait rien que je pouvais faire à propos de mon apparence — au contraire, j’étais reconnaissant du fait que Rina communiquait volontiers avec moi, étant donné que j’avais au départ l’air d’un monstre.

J’avais offert ma réponse. « ... Non... Pas... besoin... sentir... désolée... Plus... important... encore... Puis-je... voir... contenu... du sac ? » lui demandai-je.

La réponse de Rina était, au moins, un peu plus joyeuse qu’avant.

« Oui ! S’il vous plaît ! J’ai acheté d’autres choses en plus de la robe que vous vouliez, vous devriez les regarder ! »

Avec son approbation, j’ai lentement marché jusqu’au sac, en regardant le contenu à l’intérieur.

Au moins, la réponse de Rina était un peu plus joyeuse qu’avant.

« Oui ! S’il vous plaît ! Venez voir ce que j’ai acheté ! » déclara Rina.

***

Partie 7

En mettant la main dans le sac après avoir confirmé son contenu, j’avais agrippé la robe avec mes mains, j’avais sorti le vêtement et je l’avais inspecté de près. Elle était relativement spacieuse et ample, en plus d’être totalement noir. Elle était également équipée d’une capuche, ce que j’avais trouvé pratique pour mes besoins particuliers. Les robes comme celles-ci étaient en grande partie portées par les mages, et je n’aurais jamais pensé en porter une dans la vie.

Il s’agissait au contraire d’un obstacle pour les épéistes. Comme j’étais maintenant, cependant, la capacité de me cacher en son sein était une aubaine, car la robe me couvrait entièrement de la tête aux pieds, et elle avait même des manches longues pour cacher mes bras. Avec cela, aller acheter des articles dans les magasins serait un jeu d’enfant.

J’avais applaudi le sens de la mode de Rina — elle avait bien compris ce que je voulais malgré mes instructions simples. Cela étant dit, applaudir était impossible pour mes mains desséchées.

Après avait eu cette pensée, j’avais décidé d’essayer le vêtement. Mes bras s’insèraient parfaitement dans les manches de la robe, et le matériau était très agréable au toucher. Avoir ce sens du toucher tout en étant dans un corps de chair séchée était quelque peu surprenant, sans parler de ma nouvelle capacité à bouger d’une manière aussi agile. Mais en y pensant calmement, j’étais encore un monstre — c’est sûrement la raison de ces irrégularités.

Il fallait aussi se demander si une pièce d’équipement présentait des problèmes de mouvement pendant le combat, en plus d’être à l’aise. Soulevant rapidement le capuchon de la robe, j’avais décidé de me le recouvrir, et j’avais été agréablement surpris par les résultats. Alors que mon champ de vision était quelque peu restreint par le capuchon, je n’avais aucun problème à voir droit devant moi, et je pouvais même jeter un coup d’œil à mon environnement en toute sécurité dans une certaine mesure. Si je devais être encerclé, cependant, je n’aurais pas d’autre choix que de l’abaisser — mais ce ne serait pas nécessaire si je ne combattais que face à un ou deux monstres.

« ... Comment est-ce ? Est-ce à votre goût ? » me demanda-t-elle.

« ... O-oh. Oui... Vous. Ça m’a surpris, » déclarai-je.

Rina avait apparemment jugé bon de s’approcher de moi pendant que j’essayais la capuche. Elle était maintenant beaucoup plus proche de moi qu’elle ne l’avait jamais été, malgré le fait qu’elle était visiblement terrifiée par moi il y a quelques minutes à peine.

Bien qu’elle tenait encore son épée, l’extrémité « efficace » de sa lame n’était plus pointée vers moi.

S’habitue-t-elle déjà à moi ?

Je me demandais si elle s’était sentie à l’aise avec de nouvelles choses si soudainement.

« ... C... Vêtements. Bon ajustement. Mo... Plus important encore. Êtes-vous... Vous n’avez pas peur ? Effrayé... De moi ? » lui demandai-je.

« Non, pas du tout ! Comme vous avez caché la plupart de vos parties non humaines, alors... Ce n’est pas trop difficile pour moi de me tenir à cette distance, » déclara Rina alors qu’elle se tenait à trois pas de moi.

— Un peu plus près que la portée de sa lame, si je devais le dire de cette manière.

Il semblerait qu’elle se trouvait à une distance suffisante pour réagir de façon appropriée en cas de problème. Contrairement à l’expression initiale que j’avais eue d’elle, il semblerait que Rina était relativement prudente. Mais même ainsi, je voyais cela comme une grande amélioration — c’est ce que j’avais pensé au moins pendant que je continuais à inspecter les mouvements de Rina.

Alors que je pouvais parfaitement dire que toute la série des événements avait commencé par le fait d’avoir été mangé par un Dragon. J’étais ressuscité en tant que squelette, ce qui avait été, disons-le, franchement, un peu malchanceux. Mais la rencontre avec Rina avait probablement été la chose la plus fortuite qui m’était arrivée jusqu’à présent.

Bien qu’il soit vrai que je lui avais sauvé la vie, il n’y aurait normalement pas d’humains capables de parler ainsi avec les monstres. Et même si je ne savais pas ce que l’avenir me réservait, le fait que Rina ait continué à coopérer avec moi était quelque chose dont j’étais extrêmement reconnaissant.

« Oh, oui... C’est vrai. J’ai aussi acheté d’autres choses... Voilà, voyez-vous ? Des chaussures, des gants et même une ceinture. Ce serait mauvais si on vous voyait dans la rue avec ces mains et ces pieds, n’est-ce pas ? » demanda Rina.

En disant cela, Rina avait tendu la main dans le sac, retirant les objets susmentionnés avant de les poser délicatement sur le sol du Donjon.

Les chaussures et les gants étaient faits de cuir de qualité, de couleur, mais les deux objets étaient discrets. Ils avaient été vraisemblablement choisis de façon à ce qu’ils ne se démarquent pas.

J’avais trouvé cela très agréable. Pour commencer, je n’avais pas demandé de telles choses à Rina — dans ma situation, je ne pouvais penser qu’à demander une robe. Et pourtant, Rina avait lu inopinément entre les lignes, pensant en détail aux objets dont j’aurais besoin pour revenir à Maalt en toute sécurité. Je ne pouvais m’empêcher de me demander s’il y avait un autre monde où les jeunes filles choisissaient des vêtements appropriés pour les monstres.

Ayant rencontré la première personne qui m’avait traité avec gentillesse depuis que j’étais devenu un monstre, j’avais l’impression de pouvoir pleurer — mais hélas, cela n’était pas possible avec ce corps.

Dans tous les cas, j’avais décidé de mettre les chaussures et les gants. En raison de la nature de ma chair séchée, je n’étais pas tout à fait sûr que l’un ou l’autre objet me serait utile, mais pour l’instant, je m’étais contenté de les porter.

En gardant cela à l’esprit, j’avais mis mes pieds dans les chaussures, tout en ajustant les gants étrangement larges avec ma main libre. Il était difficile de tenir mon arme à travers ces gants, et alors que les implications étaient inquiétantes, j’avais accepté cela comme faisant partie d’un sacrifice nécessaire pour retourner à Maalt.

« Wôw... C’est une aura intimidante. Vous avez l’air... Comment ça s’appelle, déjà ? Des goules... ? Ouais, vous avez l’air d’une goule ! Oh, c’est vrai, j’ai aussi un miroir ici. Qu’est-ce que ça donne ? » demanda-t-elle.

Sonnant de plus en plus comme une sorte de commerçant à chaque seconde qui passait, Rina me couvrait d’éloges... si le fait d’être appelé goule pouvait être considéré comme un éloge. Retirant un miroir du sac apparemment sans fond, Rina le posa une fois de plus sur le sol.

Alors que le refus de Rina de me remettre directement le miroir était un peu triste, je suppose que cela avait quand même progressé depuis la dernière fois.

La prévenance de Rina, qui m’avait apporté le miroir, avait certainement été un geste utile. Après tout, je n’avais pas pu voir à quoi je ressemblais depuis que j’étais devenu un squelette, et la question flottait dans ma tête tout ce temps. Bien sûr, je ne m’attendais pas à ressembler à ce que j’avais l’habitude — j’avais un visage un peu jeune qui ne semblait pas avoir changé entre 15 et 25 ans. Juste pour info, mon apparence n’était pas du tout stupéfiante ou époustouflante quand j’avais été en vie.

Et entre toute chose, un visage effrayant n’était pas non plus trop une mauvaise chose. C’était bien d’avoir une expression intimidante, du moins, quand c’était pour un aventurier.

Avec ces pensées en tête, j’avais pris le miroir. Sa surface était apparemment une sorte de métal poli. En y jetant un coup d’œil, j’étais à peine préparé à ce que je voyais.

« ... C’est... C’est... moi..., » murmurai-je.

Cela ne voulait pas dire que je n’avais pas anticipé cela. Cependant, j’avais été choqué de voir le visage desséché d’un cadavre. Il faisait vraiment très mort-vivant, avec les orbites s’enfonçant profondément dans mon crâne. En fait, il manquait l’un de mes yeux — c’est une chose que je n’avais pas prévue. Même si c’était un mystère quant à la raison pour laquelle je pouvais encore voir des deux yeux, ce n’était pas le problème que je voyais actuellement reflété.

Peu importe comment je le regardais, c’était le visage d’un cadavre.

Cependant, la seule chose qui ressortait, c’était une série de tatouages compliqués et lumineux sur mon visage, pulsant dans une teinte douce de bleue. Bien qu’ils soient en fait un peu jolis à regarder, les tatouages avaient également produit une aura mystérieuse, presque incompréhensible. J’en avais déduit que ces tatouages avaient quelque chose à voir avec ma transformation en un membre des morts-vivants.

Mais mis à part tout cela, il était indéniable que la situation était désastreuse, et mes efforts de déguisement avaient été ruinés par ces tatouages lumineux. Au contraire, ils m’avaient fait ressortir comme le nez au milieu de la figure.

Les tatouages eux-mêmes auraient été très bien, mais le fait qu’ils rayonnaient rendait les choses bien pires. Après tout, on pouvait les voir clairement, même si j’avais le capuchon relevé. Déterminé à voir si je pouvais remédier à la situation, j’avais levé mon capuchon plusieurs fois et essayé différentes positions de repos, mais mes efforts s’étaient avérés infructueux. La lumière apparaissait régulièrement de l’intérieur de mon capuchon — peu importe comment on le regardait, ce n’était pas une chose très humaine.

En fin de compte, je devrais vivre ma vie comme une goule, une goule, avec un terrible et redoutable capuchon bleu luisant.

... Non. Non ! Non !

Ce serait mauvais !

Qu’est-ce que je dois faire ?

Je tenais ma tête en plein désespoir.

« Ah, c’est vrai. Vous ne m’avez pas demandé d’acheter ça, mais c’était bon marché, et je me suis dit que vous aimeriez avoir quelque chose comme ça... Qu’en pensez-vous ? » demanda Rina, une fois de plus, en récupérant quelque chose depuis son sac sans fond.

L’objet que Rina m’avait tendu n’était pas quelque chose que j’avais vu lors de ma première inspection de son contenu. Était-ce vraiment un sac magique ?

Pour l’instant, j’avais été forcé de mettre de côté cette pensée.

Plus important encore, l’objet que Rina en avait retiré n’était autre qu’un masque. Il s’agissait d’un grand masque facial pleine grandeur, fait de ce qui semblait être de l’os. Comme sa taille le suggérait, il était assez grand pour cacher complètement mon visage, mes tatouages et tout le reste.

« ... Quoi... Est-ce que c’est... ? » demandai-je.

Je voulais lui demander pourquoi elle l’avait acheté pour commencer, par opposition à la nature de l’objet. Cependant, Rina m’avait rapidement offert une réponse joyeuse.

« Monsieur Rentt... Voulez-vous retourner à Maalt ? Vous devriez vous cacher le visage pour le faire, et je ne pense pas qu’on vous laisserait entrer avec un visage rayonnant, non ? » demanda-t-elle.

Encore une fois, c’était comme Rina l’avait dit.

Cette fille... Elle était vraiment quelqu’un. Alors que je sentais mes régions faciales se réchauffer, il n’y avait malheureusement pas de larmes de gratitude. J’avais essayé de pleurer, mais Rina n’avait probablement pas remarqué de changement dans mon comportement.

En m’approchant du masque que Rina avait posé sur le sol, je l’avais ramassé, puis je l’avais inspecté de près. Il semblait avoir des trous de taille adéquate pour les yeux et la bouche, de sorte qu’il ne me semblait pas que j’aurais beaucoup de problèmes à voir ou à respirer. Cependant, la question de savoir si je pouvais même respirer comme je le fais actuellement était un tout autre problème.

En gardant cela à l’esprit, j’avais tenu le masque avec les deux mains et je l’avais attaché. Sans prévenir, le masque s’était soudainement collé à mon visage, se collant presque sur ma peau sèche et morte.

« ... Argh ! » Ce son étrange s’était échappé de mes lèvres.

Avant même que je m’en rende compte, le masque était bien ajusté sur tout mon visage.

« Wôw... Cela vous va bien, vous savez ? » déclara Rina, démontrant une fois de plus son sens unique des éloges. Face à ses mots, je m’étais regardé dans le miroir — .

Reflété là, il y avait ce qui semblait être un épéiste d’apparence suspecte utilisant de la magie noire, qui avait aussi, comme par hasard, un masque en forme de crâne couvrant tout son visage.

En effet, cela me semblait bien me convenir. Après tout, j’avais été un squelette il y a à peine quelques jours, alors, en tant que tel, un masque squelettique m’irait parfaitement.

— Du moins, c’était ma logique.

Cependant... Ce masque était très serré, presque comme une seconde peau. Est-ce que ça s’enlèverait ?

Soudain rempli d’un sentiment de malaise, j’avais essayé d’enlever le masque, en positionnant mes doigts pour l’arracher de mon visage. C’est alors que j’avais réalisé — .

« ... Coi... Coincé. Je ne peux pas... Allez, enlève-toi, » déclarai-je.

« Ah... »

Face à mes mots, les louanges joyeuses de Rina s’étaient vite éteintes.

***

Partie 8

« ... Est-ce vraiment coincé ? » demanda Rina, alors que de la sympathie était évidente dans sa voix pendant que je continuais à lutter avec mon masque.

Alors que j’avais vaillamment lutté pour l’enlever après l’avoir enfilé, mes efforts avaient été vains. Comme s’il était collé sur mon visage, ou peut-être fusionné avec lui, le masque restait résolument en place.

« P... Pas bien... Vraiment. Ce n’est vraiment pas bien..., » déclarai-je.

Rina avait fait des excuses, alors qu’une expression de remords était présente sur son visage.

« ... Oh, non... Je suis désolée, tout est de ma faute... En vérité, maintenant que j’y pense, la personne qui m’a vendu ce masque était un peu bizarre... Il avait ce stand dans la rue, et tous ses produits étaient étonnamment bon marché..., » déclara Rina, apparemment inconsciente de la gravité de ses paroles.

La description de Rina du commerçant correspondait à de la qualité, à l’exception de ses prix incroyablement bas. J’en étais arrivé à la conclusion que le commerçant en question était probablement un fraudeur, même si certains commerçants étaient des escrocs dans une certaine mesure.

« À... ce propos. Comment... Beaucoup ? Combien... Est-ce que ça a coûté... ? » demandai-je.

« Trois pièces de cuivre. Il était fait de métal et avait l’air assez solide... Je suppose que c’était trop bon marché... ? Je veux dire, ça avait l’air cool, et j’ai vraiment aimé ça, alors... »

Elle avait vraiment aimé ça !?

Je suppose qu’il n’y avait pas le choix... Mais bien sûr, ce n’était pas quelque chose que je pouvais facilement accepter. En outre, c’était trois pièces de cuivre.

Il était peut-être intéressant de noter que les aventuriers masqués n’étaient pas si rares, pas plus que l’existence de masques destinés à une telle clientèle. Cela s’expliquait par le fait que de nombreux aventuriers avaient souvent accumulé des cicatrices et des blessures au cours de leur carrière, et que de nombreuses cicatrices ne pouvaient pas être enlevées ou guéries avec de simples premiers soins ou de la magie de guérison. Les blessures graves aux membres et au corps ne pouvaient souvent être traitées que par des prêtres-saints présents dans l’Église, et ceux qui cherchaient un tel traitement devaient souvent payer un prix exorbitant pour les services de l’Église. Ainsi, ceux qui n’avaient pas les moyens de se soigner étaient souvent résignés à vivre avec leurs blessures ou leurs prothèses.

Les blessures au visage, comme les brûlures ou les cicatrices graves, étaient à leur tour souvent cachées par des masques. Après tout, même l’attaque de Projection d’Acide d’un slime de bas niveau contenait assez de puissance pour faire fondre les traits du visage d’une personne. Pour empirer les choses, de tels monstres n’étaient pas vraiment rares.

C’est pourquoi les masques étaient un accessoire d’aventurier assez courant, la plupart des aventuriers souhaitant pouvoir vivre une vie bien remplie sans jamais avoir à en utiliser un.

Cela étant dit, je devais mentionner le fait que le masque métallique actuellement collé sur mon visage ne me semblait pas du tout bon marché. Si je devais l’estimer, alors on dirait que j’aurais dû au moins payer une pièce d’argent pour cela, car l’achat d’un article comme celui-ci avec des pièces de cuivre était presque inconnu, à moins que le marchand en question ne vende à perte. En d’autres termes, la valeur de la ferraille du masque lui-même valait certainement plus que trois pièces de cuivre — et pourtant, c’était exactement le prix auquel Rina l’avait acheté.

Elle aurait dû avoir quelques réserves au sujet d’un article aussi bon marché, mais elle l’avait quand même acheté, probablement incapable de résister à sa valeur pour ce prix.

« ... » J’avais regardé Rina intensément, malgré le fait qu’il me manquait l’un de mes yeux.

Pendant que je le faisais, Rina agitait frénétiquement les mains devant son visage, comme pour nier toute responsabilité.

« Ah, euh, non, vous voyez, tout va bien, n’est-ce pas ! Je n’avais pas l’impression que c’était maudit ou quoi que ce soit du genre... Quand on y pense, je l’ai tenu à mains nues et je vais bien ! Bien que je pensais qu’il y avait une raison pour que ce soit si bon marché... et j’espérais qu’elle ne soit pas maudite..., » déclara-t-elle.

Il semblerait que c’était comme Rina l’avait dit. Pour sa part, elle avait aussi retiré le masque sans grande fanfare et l’avait posé sur le sol sans incident.

Alors... Le masque n’était-il pas maudit ?

— Non. En concentrant mon attention sur le masque qui était actuellement collé à mon visage, j’avais senti une trace du mal : la puanteur indubitable de la magie noire. C’était, sans aucun doute, une sorte de malédiction persistante.

Quant à la raison pour laquelle Rina n’avait pas été affectée... Eh bien, c’était simple : la fille n’avait naturellement pas tenté d’essayer le masque. Même moi, je n’avais rien senti lorsque j’avais manipulé le masque avec mes mains. Pour être précis, c’était une malédiction qui ne prenait effet qu’une fois que le masque était placé sur le visage d’une victime potentielle.

C’est terriblement malchanceux — et c’était peut-être un euphémisme.

Une malédiction... Si c’était vraiment une telle chose, j’avais eu plusieurs idées.

Avec une profonde respiration, j’avais concentré mes pensées, activant mes réserves intérieures de Divinité. En réponse à mon appel, une faible lueur bleue s’était répandue de mon corps, enveloppant le masque d’une aura silencieuse.

« Q-Qu’est-ce que c’est... ça ? Ne me dites rien... Est-ce que c’est de la Divinité... ? » demanda Rina, avec une surprise clairement inscrite sur son visage.

Encore une fois, je ne peux pas lui en vouloir. La Divinité, et la capacité à l’utiliser étaient en effet un talent très rare. Bien que l’on puisse observer son utilisation par des prêtres ou d’autres personnes divines pendant les festivals, le voir de près n’était pas vraiment une expérience quotidienne.

La raison pour laquelle j’utilisais maintenant cette capacité était évidente, car la Divinité avait la capacité de purifier ce qui était le plus grossier et contre nature. Il pouvait aussi, bien sûr, lever les malédictions et autres, et c’était souvent une compétence monopolisée par les prêtres susmentionnés et leurs semblables. Même moi, je n’avais aucune connaissance précise sur la façon de lever les malédictions. Au lieu de cela, j’avais simplement travaillé avec l’hypothèse qu’une explosion de Divinité, même sans la compréhension aiguë du fonctionnement de la levée de malédiction, servirait au moins à affaiblir la malédiction imprégnée dans le masque.

Cela aurait été impossible pour moi dans la vie. Le mieux que je pouvais faire à l’époque, c’était de purifier l’eau pour qu’elle soit potable — et c’était tout. J’aurais été incapable de lever les malédictions même si j’avais essayé.

Mais j’étais différent maintenant, j’avais subi l’Évolution Existentielle et vaincu de nombreux monstres. Ainsi, j’avais mis mon esprit à la tâche.

Franchement, il y a eu des résultats. Alors que le masque était resté obstinément coincé jusqu’à il y a quelque temps, il s’était soudainement mis à vibrer en réponse à l’aura générée par ma Divinité.

Est... Est-ce que ça s’enlèvera ? Me demandai-je.

J’espérais que ce serait le cas.

« ... Eh... Oh ? Monsieur Rentt... Votre aura blanche et bleue... C’est de plus en plus sombre, ou c’est juste moi ? » Rina parlait d’une voix inquiète, continuant à m’observer.

Comme elle l’avait dit, mon aura avait vraiment commencé à s’estomper. Pour être plus précises, mes réserves s’épuisaient. Bien que la quantité de Divinité que j’avais à ma disposition avait certainement augmenté, ce n’était pas une différence énorme. Jusqu’à présent, la force à l’intérieur du masque semblait presque menacée par ma Divinité. Cependant, le flux s’était maintenant inversé, et j’avais presque l’impression que ma Divinité était repoussée. J’avais supposé que ce serait trop pour moi, du moins pour l’instant.

En abandonnant, j’avais lentement arrêté la libération de mon aura. De même, le masque avait cessé de resonner peu de temps après ça. Immédiatement après l’arrêt, le masque s’était à nouveau collé sur mon visage — je n’avais pas l’impression d’avoir la moindre chance de l’enlever dès maintenant.

Comme je m’en doutais, je n’étais pas encore assez fort pour lever sa malédiction.

« ... Donc... Je suppose que ce n’est pas bon…, » déclara-t-elle.

« Ouais... Non... Bien. Ce n’est pas bon, » répondis-je.

Fatigué par mes efforts et le choc initial du masque figé, je m’étais assis sur le sol du Donjon.

« Je suis vraiment désolée... Je ne voulais pas acheter un objet maudit comme ça…, » Rina s’était rapidement excusée.

A-t-elle interprété mes actions et mon comportement comme une déception, c’était peut-être le cas ? Rina, les yeux à moitié remplis de larmes, semblait incroyablement pleine de remords face à cette malheureuse tournure des événements.

C’était inattendu, c’était le moins que l’on puisse dire. Bien qu’il soit vrai que le masque ne pouvait pas être enlevé, je n’avais aucune raison de réprimander Rina pour ce qu’elle avait fait. Elle m’avait simplement trouvé un masque par bonté d’âme.

J’avais fait quelques mots de réconfort à Rina : « Ne faites pas… cette tête. C’est... très bien. Je... Dois me cacher... le visage. Quoi qu’il en soit. Je serai... Très bien. Comme ceci... Pendant un moment. »

« Mais…, » déclara-t-elle.

« J’avais l’impression que ça s’enlèverait... Tout à l’heure. Je... dois devenir plus fort, il pourra... alors... s’enlever. On pourrait aussi... Trouvez un prêtre... Un prêtre... peut dissiper... des malédictions, » déclarai-je.

J’avais essayé de réconforter Rina au mieux de mes capacités. J’avais tendu la main pour la caresser sur l’épaule, mais je m’étais arrêté à temps. Ma main, maladroitement, restait suspendue dans l’air. Comment pourrais-je oublier ? J’étais une goule maintenant, et Rina n’était pas encore habituée à moi — je ne devrais pas la traumatiser davantage.

Cependant, comme pour accepter mon geste, Rina s’était tenue vers moi, tenant mon gant tendu avec ses mains.

« Qu... Quoi... Êtes-vous…, » j’avais été choqué.

« Je... J’ai compris. Vous n’êtes pas une mauvaise personne... Ou, euh, un monstre ? Monsieur Rentt — vous n’êtes pas effrayant... Pas... effrayant du tout…, » déclara Rina.

Malgré ses paroles, les mains de Rina frissonnaient, quoique légèrement.

J’avais compris. Contrairement à ce qu’elle prétendait, Rina avait encore peur. Mais même ainsi, elle avait pensé à me rassurer — je l’avais compris.

C’est pourquoi j’avais dit à Rina : « Merci... à vous. Mais... pour le moment... pas besoin... de vous forcer... ainsi... si... vous avez... peur de moi. »

En disant cela, j’avais lâché sa main avec douceur, en prenant soin de ne pas la blesser. Rina, cependant, était catégorique.

« Je m’y habituerai rapidement ! Très vite ! C’est vrai ! » Elle avait souri, sans la moindre preuve à l’appui de sa déclaration.

C’était une vision presque enfantine, comme s’il s’agissait d’une situation normale que l’on pouvait observer n’importe où. Cependant, c’est à ce moment-là que j’avais eu l’impression d’être vraiment en vie. J’étais rempli de bonheur d’être capable de tenir une conversation correcte et humaine avec un autre être humain.

***

Partie 9

« Alors, c’est peut-être soudain, mais voulez-vous... maintenant retourner à Maalt ? »

Telle avait été la question qui m’avait été posée dès que j’avais fini d’équiper le reste des vêtements fournis par Rina. Je m’étais retrouvé momentanément perdu face à ces mots, ne serait-ce que parce que je ne savais pas si un tel exploit était possible.

Bien que j’avais entrepris de réaliser l’Évolution Existentielle pour simplement pouvoir retourner en ville, la perspective que cela soit possible maintenant était quelque peu déconcertante pour moi. J’avais pensé que le fait d’accomplir cette tâche était profondément troublant.

« Pensez-vous que... cela irait... d’y aller ? »

— C’est pourquoi j’avais posé une telle question à Rina.

Pour un être humain normal, j’étais vêtu d’une robe, de gants, courbé et équipé d’une épée à la taille. Je me demandais si cela suffirait pour que je puisse me promener en ville. Après tout, je n’avais personne d’autre que Rina pour donner une opinion humaine.

« Hmm... Vous avez l’air un peu bizarre, mais beaucoup de personnes sont comme ça. Même si quelqu’un exige que vous montriez votre visage, ce masque est maudit, pour le meilleur ou pour le pire. Ça ne s’enlèvera pas, n’est-ce pas ? Alors vous devriez le dire aux gardes à la porte. Hé, peut-être qu’ils peuvent même essayer d’y arriver par eux-mêmes. Comme ça, ils sauront que ça ne s’enlèvera pas, » déclara Rina.

La réponse de Rina était étonnamment détaillée.

« Mais... Si je le fais... ça... ma... peau..., » commençai-je.

« Vous êtes censé bluffer pour traverser ça... ! Disons qu’un monstre vous a attrapé et a absorbé la vie de votre visage ou quelque chose comme ça. S’ils connaissaient la vérité, ils vous identifieraient probablement comme un monstre mort-vivant, mais le bon sens leur dirait que parler avec un mort-vivant est impossible. Même si vous avez encore de la difficulté à parler, ils n’arriveront pas immédiatement à la conclusion que vous êtes un mort-vivant. Au contraire, ils penseront que vous êtes un aventurier chevronné qui portait des cicatrices de combat. S’ils pouvaient voir votre visage, ce serait certainement un problème — mais maintenant, ils ne peuvent pas ! Ça va marcher ! »

Les paroles de Rina m’avaient donné beaucoup de courage. Si j’y réfléchissais calmement, la plupart des propos de Rina étaient justes. Seuls les monstres morts-vivants de très haut niveau seraient capables de communication et de logique. Alors que l’on sentirait la puissance de son aura si l’on s’approchait d’un tel être, je n’avais actuellement pas donné cette impression. Pour commencer, si j’avais vraiment de tels pouvoirs, je ne m’inquiéterais pas pour quelque chose d’aussi simple que de trouver un moyen de retourner à Maalt.

Je blufferais si les gardes devenaient suspicieux, et ça marcherait. Je sentais que je pouvais au moins faire ça. Le reste dépendait de ma propre performance.

« D’accord, alors... Allons... y, » déclarai-je.

« Oui ! Allons-y ! »

J’avais incliné la tête d’un côté face à la déclaration de Rina.

« Quoi... !? Que voulez-vous dire ? » lui demandai-je.

« Hein ? On n’y va pas ensemble, non... ? » me demanda-t-elle.

La réponse de Rina à ma question avait été rapide. Au contraire, elle semblait confuse quant à la raison pour laquelle je demandais ça.

J’avais été terriblement surpris. De toutes choses possibles, je ne m’attendais pas à ce que Rina vienne avec moi, étant donné que j’étais actuellement un mort-vivant. Elle prenait un grand risque, facilitant l’entrée en ville d’un monstre comme moi. Si nous étions découverts, elle serait traitée comme une anomalie qui s’était alliée à un monstre et serait facilement persécutée.

Ne pensait-elle pas aux conséquences ? Je devais au moins lui en parler.

« ... Si... vous venez avec... Avec moi. Vous seriez... En danger... Rina, » déclarai-je.

« Ah... C’est probablement le cas... Mais il y a encore plus de chances de succès si vous venez avec moi ! Si quelqu’un était avec vous et parlait de vous comme à un humain, pourquoi un gardien à la porte aurait-il une raison de penser que vous êtes un monstre ? » me demanda Rina.

« C’est... est vrai. Mais est-ce que c’est... Bien ? Si... s’il y a quoi que ce soit... Ce qui arrive..., » demandai-je.

« On traversera ce pont quand on y arrivera ! ... Monsieur Rentt, sans vous, je serais déjà morte. J’ai l’impression que je peux risquer ma vie au moins une fois pour vous, non ? » Rina avait prononcé ces mots comme si c’était la chose la plus évidente à faire.

Cependant, avec cela, il m’était soudain venu à l’esprit que Rina était une personne très attentionnée — peut-être trop. Quoi qu’il en soit, j’étais reconnaissant pour la gentillesse de Rina.

En y pensant sous l’angle du bien-être de Rina, j’aurais dû vraiment refuser son aide, même si je devais retourner à Maalt. En outre, c’était comme Rina l’avait dit : s’il y avait un être humain qui se porte garant de moi, mes chances de succès augmentaient considérablement.

Il ne m’avait fallu qu’une seule entrée réussie à Maalt pour que je puisse passer à l’avenir sans inquiétude relative. Si les gardes se familiarisaient avec moi, leurs inspections deviendraient sûrement beaucoup plus détendues.

J’avais donc décidé de confier mon avenir à Rina.

« Eh bien... Alors. Je vais... compter... sur vous. Mais ne... risquez votre... votre vie. S’il y a quoi que ce soit... qui arrive. Disons... Disons que je vous ai piégé... vous. » Même si on me découvrait, Rina allait probablement s’en sortir si elle jouait cette carte.

Bien que j’avais des doutes sur l’ensemble, il était vrai que les morts-vivants qui parlaient n’étaient, en général, pas très communs. En fait, prétendre que j’étais un aventurier avec des blessures hideuses à cause de mes batailles était beaucoup plus crédible.

En hochant la tête face à mes paroles, Rina avait répondu de la même façon.

« Ce serait génial si nous n’avions pas à faire quelque chose comme ça... Si ça se résume vraiment à ça, je trouverais certainement quelque chose, » déclara-t-elle, affichant un léger sourire affectueux sur son visage.

***

Partie 10

« ... Suivant ! » La voix stricte d’un garde résonnait à travers la zone proche des portes occidentales de Maalt.

En entendant cela, Rina m’avait poussé, m’encourageant à bouger.

« ... C’est notre tour, Monsieur Rentt..., » en disant cela, elle s’était dirigée vers le garde, la poitrine en avant, comme si rien ne sortait de l’ordinaire.

Cette fille est vraiment quelque chose d’autre..., pensant ainsi, j’avais rapidement suivi Rina.

« Une femme et... un homme ? Du moins, je pense ? ... Document, s’il vous plaît. » Bien qu’il avait quelque peu hésité, il semblerait que le garde m’avait identifié comme un homme.

De plus, c’était un garde que je n’avais jamais vu auparavant. Il semblerait que choisir une porte que j’avais rarement utilisée était après tout une bonne idée. Si le garde avait été familier avec moi quand j’étais en vie, cela n’aurait conduit qu’à toutes sortes de questions gênantes. D’un autre côté, ça aurait pu marcher en ma faveur... C’était un sujet compliqué, quoi qu’il soit.

Dans tous les cas, Rina avait remis au garde son permis, qui était une carte quelque peu terne. En retirant mon propre permis de ma ceinture à outils, j’avais fait la même chose.

« ... Rina Rupaage et... Rentt... Faina. Vous semblez tous les deux avoir des permis acceptables, il ne semble pas y avoir de problèmes ici — hein. Vous, là-bas, » déclara le garde.

J’avais pensé que nous pourrions facilement passer à travers l’inspection et entrer dans Maalt avant même de nous en rendre compte — il semblerait que ce n’était plus le cas.

Merde. Après tout, il m’a bloqué — mais j’avais dû faire quelque chose sans paniquer.

« ... Oui. Qu’est... ce... qu’il y a ? » lui demandai-je.

« ... Vous parlez bizarrement, vous savez ça ? Pourriez-vous s’il vous plaît enlever votre masque... ? » me demanda-t-il.

Aux paroles du soldat, Rina s’interposa.

« Je suis désolée... Son masque est maudit, voyez-vous. On a essayé de l’enlever, mais ça ne s’enlève pas. La raison pour laquelle il parle ainsi est... Ah, un monstre l’a frappé à la gorge... Eh bien, pas seulement sa gorge — tout son visage... »

Telle était l’explication de Rina.

Le soldat écoutait, avec un mélange de suspicion et de surprise sur son visage.

« ... Vous pourriez... Faites un essai... Et aussi. Cela ne marchera pas... Venez... Essayez, » déclarai-je.

En disant cela, je m’étais penché vers l’avant. Le soldat, à son tour, avait tenté de retirer le masque de toutes ses forces.

« ... Argh... Euh. Cela ne s’enlève pas vraiment... Est-il vraiment maudit ? » demanda le garde.

« Nous ne mentirions pas à propos de quelque chose comme ça... Il a acheté un masque pour cacher les cicatrices que tous ces monstres lui ont infligées, mais il en a accidentellement eu un qui a été maudit... Il a vraiment de la malchance... Apparemment, la malédiction ne s’active pas en touchant simplement le masque avec les mains... Il faut le mettre, et il s’est collé à son visage depuis..., » expliqua-t-elle.

« Ahh... Oui, j’ai entendu des rumeurs sur des objets qui fonctionnent de cette façon. Pourriez-vous demander à un prêtre de l’enlever ? » demanda le garde.

« Cela ressemble à une forte malédiction, et je pense qu’un prêtre normal aurait du mal à le faire... Il faudrait demander à une personne compétente et... eh bien, vous savez..., » commença-t-elle.

« Le prix, hein ? Oui, ce serait difficile pour les aventuriers de la classe Fer ou Bronze. C’est pour ça qu’il a encore des cicatrices, hein... Je vois..., » déclara le garde.

L’explication de Rina ne montrait pas la moindre hésitation. De ce fait, le soldat ne semblait plus avoir d’appréhension.

« D’accord, j’ai compris. Vous pouvez y aller ! » déclara-t-il.

Et c’était tout ce que le soldat avait eu besoin de dire pour que cela soit fini.

En entendant cela, Rina avait légèrement plissé ses yeux, et un sourire doux avait à nouveau illuminé son visage.

***

Chapitre 3 : L’infiltration en ville d’un certain mort-vivant

Partie 1

« La ville... de Maalt... » Il s’agissait de mes premiers mots quand je regardais ce qui se trouvait autour de moi.

C’était sans aucun doute la ville bien vivante de Maalt. Même si je n’étais parti que quelques jours, j’avais l’impression que c’était une éternité depuis la dernière fois ou j’étais venu. J’avais pensé que je ne pourrais plus jamais revenir en ville.

C’était ce que j’avais pensé dès le départ — et pourtant, j’étais ici, dans la ville de Maalt.

Maalt — J’étais dans la ville de Maalt !! Je voulais sauter de joie, car je ne pensais jamais revoir Maalt. Il serait cependant étrange pour moi de le faire si proche des portes.

J’avais aussi beaucoup à faire, mon arriéré était long, c’est le moins qu’on puisse dire. Peut-être que je pourrais célébrer à cœur joie une autre fois.

« On est passés à travers, hein ? Je suis contente, Monsieur Rentt ! » Rina parlait, marchant toujours à mes côtés.

C’était vraiment une fille ayant un grand cœur, à tel point qu’elle faisait preuve de gentillesse envers un mort-vivant comme moi. Dire que Rina avait fait tout ça pour moi...

Mais je ne pouvais pas laisser les choses aller plus loin. Toute autre participation lui causerait certainement des problèmes à un moment ou à un autre. Et c’est pour ça que j’avais dit :

« C’est vrai... pour tout cela... Merci. À vous, Ri... Rina. Et... maintenant. Je peux y aller... Tout seul..., » déclarai-je.

« Hein ? » s’exclama-t-elle.

« ... Rina. Notre... Le temps. Ensemble est arrivée... à sa... fin. Si vous... Restez... avec moi plus longtemps... vous pourrez... problèmes... je vous trouverai... d’une manière... ou d'une autre, » déclarai-je.

Rina avait l’air vraiment surprise de mes paroles. Et ainsi, Rina avait commencé à soulever ses objections. « Monsieur Rentt... Je... »

Mais je ne l’avais pas laissée finir — je ne pouvais tout simplement pas.

« Rina... Merci... à vous. Pour tout... Jusqu’à maintenant. Quand je... suis... à nouveau humain... Je vais certainement... venir vous trouver, » déclarai-je.

Après ça, j’avais piqué un sprint. J’étais après tout une goule alors ma vitesse et ma force physique avaient dépassé de loin celle d’un humain normal. Un aventurier de classe Fer comme Rina ne pouvait pas me suivre. J’y avais tout mis et j’avais couru aussi vite que j’avais pu, tout cela pour que Rina ne puisse pas me rattraper.

De derrière moi, j’avais entendu sa voix — la voix de Rina, me suppliant d’arrêter.

Mais je... Je ne pouvais pas m’arrêter.

Bien que je n’aie passé que peu de temps avec Rina, c’était plus que suffisant pour que je prenne conscience de son potentiel en tant qu’aventurière. S’associer à une existence étrange, presque illogique comme moi ne servirait qu’à menacer son brillant avenir, et je ne pouvais pas le permettre.

J’avais l’impression de l’avoir simplement abandonnée après avoir atteint mes objectifs, même si j’avais dépendu d’elle pour bien des choses auparavant. Peut-être que je n’étais pas quelqu’un de bien... mais je n’avais pas le choix. Si je ne le faisais pas, son association continuerait avec moi, cela laisserait sûrement une marque négative sur sa vie. Et même si je n’avais pas du tout l’air très humain maintenant, cela changerait avec le temps. Quand ce moment serait arrivé... Je la retrouverais sûrement une fois de plus. Après tout, je devais des excuses à Rina.

Mais jusque-là, je ne pouvais que veiller sur elle...

C’est pour son bien — c’était ce que je pensais.

***

Partie 2

Cela dit, il était indéniable que j’avais encore besoin d’une sorte d’assistant humain. Après tout, entrer dans la guilde avec mon apparence actuelle serait une perspective trop intimidante. Pourtant, j’étais parti à l’aventure dès mon plus jeune âge, et j’avais travaillé incroyablement dur toutes ces années. Je ne savais pas qu’il y avait autre chose à faire que de gagner ma vie en continuant à être un aventurier.

Bien sûr, il y avait toujours la question de mon apparence... Tant qu’il y avait des demandes de tuer des monstres ou de rassembler des ingrédients, je serais capable de les compléter facilement. J’avais une décennie d’expérience, après tout.

Et pourtant... entrer moi-même dans la guilde était la partie la plus difficile de l’équation.

La raison pour laquelle je me sentais ainsi était simple comme le jour, peut-être de façon écrasante : tous les membres de la guilde étaient des experts sur les monstres et leur physiologie. Même si j’étais équipé d’une robe, d’un masque et de gants, la possibilité que la plupart de mes vêtements me soient enlevés si quelqu’un avait des soupçons sur moi était inconfortablement élevée. Et pour ma part, je n’avais pas l’intention de prendre de tels risques.

Ce qui nous ramène à notre premier point — la seule façon de sortir de cette énigme était par l’intermédiaire d’un assistant humain.

Idéalement, ce ne serait pas une personne brillante et basique comme Rina, mais quelqu’un qui pourrait être discret sur toutes ces choses. Peut-être qu’il aurait même quelques secrets à cacher. C’est-à-dire qu’il devait s’agir d’une relation mutuellement bénéfique. Si ce n’était pas le cas pour une raison inconnue, j’avais l’impression que je recevrais sûrement la petite paille. Je ne pouvais plus compter sur la décence et la gentillesse.

Mais est-ce que quelqu’un comme ça existait ?

En réalité, j’avais déjà quelqu’un en tête. Quelqu’un qui, dans la ville de Maalt, pourrait au moins être considéré comme ma meilleure amie. J’avais marché jusqu’à la maison de cette personne pendant tout ce temps.

Et en quelques pas de plus, j’étais rapidement arrivé sur le pas de sa porte.

***

Partie 3

... Toc, toc, toc !

De l’autre côté de la porte en bois émanait une série de coups étranges.

... Mais il n’y avait pas eu de réponse.

Sans aucune autre option possible, j’avais frappé une fois de plus. Et encore une fois, j’avais été accueilli par du silence. Dans des circonstances normales, j’aurais abandonné tout simplement et je serais parti. Cependant, il ne s’agissait pas de circonstances normales — loin de là.

Si je ne réveillais pas rapidement l’habitante de cette maison, tout ce que je pouvais voir dans mon avenir était une cacophonie sans fin de problèmes. Même si je n’avais pas besoin de nourriture parce que j’étais un mort-vivant, il n’y avait pas non plus d’endroit où je pouvais résider en toute sécurité. Si je me promenais en ville habillée comme ça, les soldats de Maalt me captureraient sûrement pour m’interroger.

J’avais une place dans un dortoir d’aventuriers dans la vie, mais je ne pouvais pas exactement y retourner maintenant, habillé comme tel. Heureusement, le loyer du dortoir était payé au début de chaque mois. Il serait simplement nettoyé et loué de nouveau une fois mon contrat terminé. Il était peut-être intéressant de noter que les dortoirs faisaient généralement partout la même chose lorsqu’un aventurier ne revenait pas après une longue période, la supposition commune étant qu’il était, faute d’un meilleur mot, mort. Et c’est pourquoi laisser ma chambre de dortoir dans son état actuel ne posait pas trop de problèmes.

En parlant de problèmes, j’étais maintenant revenu à celui qui était à portée de main — gagner l’accès de cette demeure. C’est pourquoi j’avais renoncé à frapper, et j’avais plutôt placé ma main sur la poignée, lui faisant faire un bon tour.

Pour dire la vérité, j’avais l’intention de le faire dès le début. La personne qui vivait ici ne s’occupait pas vraiment de recevoir des invités. En fait, elle n’avait presque jamais eu d’invité, et elle m’avait encouragé à entrer librement quand je le voulais. Et c’est exactement ce que j’avais fait pendant tout ce temps.

Mais cette fois, compte tenu de ma situation d’aujourd’hui, je me devais de frapper, car la résidente serait sûrement surprise de me voir dans cet état. Si je pouvais passer la porte en toute sécurité et la fermer derrière moi, nous pourrions au moins avoir une conversation. C’était de toute façon ce que je ressentais à ce sujet.

Mais peu importe la courtoisie que j’avais effectuée, il semblerait que mon amie n’avait pas l’intention de répondre à la porte.

Décidant que je n’avais plus besoin de me retenir, j’avais tourné la poignée de porte, avec l’intention d’entrer comme je l’avais toujours fait. Comme prévu, la porte était déverrouillée, et la poignée tournait doucement. Elle n’offrait pas la moindre résistance. On pourrait dire que mon amie était une personne négligente... ou peut-être, sans trop de soucis.

Après cela, j’avais fait un grand pas dans sa maison si familière pour moi.

***

Partie 4

Rien n’a vraiment changé depuis que je suis parti...

Il s’agissait de la première pensée qui m’était venue à l’esprit en entrant. Les piles de livres omniprésentes et imposantes, l’atmosphère poussiéreuse — on ne pouvait pas avancer sans marcher sur un livre, ou trébucher sur un objet mystérieux. Bien qu’il y avait quelques meubles normaux, la plupart avaient été utilisés comme étagères de fortune pour les livres et autres bibelots. Les chaises étaient dans le même cas, et elles ne ressemblaient guère à des chaises sur lesquelles elles étaient assises.

Le seul endroit dans la petite maison qui n’était pas jonché de livres était l’endroit où la personne que je cherchais dormait. Actuellement étendue sur ce qui semblait être un lit, il y avait un individu aux cheveux longs et ondulés, habillé d’une robe quelque peu désordonnée et froissée.

En approchant, j’avais posé une main sur son épaule, lui donnant une bonne secousse.

« ... Hey... Hey. Réveille-toi, » déclarai-je.

« ... Oui... euh. Un peu plus... dormir... Un peu plus..., » déclara-t-elle.

Malgré ses protestations de personne endormie, j’avais continué à la secouer. Il fallait peut-être plus de persuasion ici...

« ... Si... tu dis. La même chose... encore une fois. Je vais lâcher... un livre... sur ta tête..., » déclarai-je.

« ... Allons, ne fais pas ça... Tout sauf ça. Argh... Quoi, c’est toi, Rentt ? Qu’attends-tu de moi à cette heure ? N’es-tu pas habituellement quelque part dans le Donjon autour de cette — ahhh !? »

Ouvrant lentement les yeux pendant qu’elle parlait, elle s’était rapidement réveillée en posant les yeux sur mon visage, avec sa phrase précédemment somnolente qui se terminait sur une note aiguë.

Après que j’eus affirmé que je ne portais qu’un masque, elle semblait soulagée. Sentant un peu désolé d’avoir dû faire cela, j’avais ensuite levé la main devant son visage, en retirant mon gant comme je l’avais fait. Des morceaux de chair séchée qui s’accrochaient à l’os — c’était à cela que ma main ressemblait.

On serait normalement surpris d’une telle vue. Cependant — .

« ... Qu’est-ce qui t’est arrivé ? » me demanda-t-elle.

Tout à coup, en adoptant une expression sérieuse, j’avais trouvé l’enthousiasme de mon amie pour ces choses-là étrangement rassurant. Puis, prenant une profonde inspiration, j’avais commencé à expliquer tout ce qui s’était passé jusque-là.

***

Partie 5

« ... Un Dragon, hein. C’est difficile à croire, peu importe comment on le fait tourner. Mais..., » en me regardant au milieu de sa phrase, elle secoua lentement la tête.

« Je n’ai pas d’autre choix que de te croire, vu ton apparence... aussi incroyable que cela puisse paraître. Penser qu’un vieil ami à moi deviendrait soudainement un mort-vivant... Ce n’est pas quelque chose à laquelle on pense tous les jours, tu sais, » déclara-t-elle.

Après que j’eus retiré ma robe, elle avait plissé les yeux pendant qu’elle inspectait soigneusement chaque centimètre de mon corps desséché. Elle l’avait fait avec la ferveur de l’érudite-aventurière qu’elle était, car elle était ma vieille amie, Lorraine Vivie.

Elle était habillée de la même robe désordonnée et fripée qu’elle portait toujours. Ses cheveux, sauvages et indomptables, passaient devant ses épaules en longues mèches. Bien qu’il semblerait qu’elle se souciait à peine de son apparence, il y avait une aura de glamour qui émanait d’elle d’une manière étrange.

Je la connaissais depuis longtemps — une dizaine d’années, disons, dix ans après mon arrivée à Maalt. Alors que je la connaissais depuis une décennie, nous ne nous étions rapprochés que récemment — ses connaissances nous avaient toujours été utiles, et cela nous avait été d’une grande aide à plus d’un titre. En tant que tel, je ne pourrais pas penser à une meilleure personne que Lorraine pour discuter de ma situation actuelle.

Elle avait été clairement surprise par ce que j’avais à dire, mais jamais elle n’avait douté de moi ou refusé de croire en mes paroles. Au contraire, Lorraine semblait déjà avoir accepté mon récit des événements comme la réalité, et elle était maintenant profondément dans ses pensées.

 

 

« Suis... Suis-je le seul... qui ne veut pas... le croire... qui je puisse... devenir... comme ça ? » demandai-je.

Lorraine hocha la tête en entendant mes paroles.

« Oui... C’est tout à fait ça. Mais qui est celui qui a dit que les gens deviennent des morts-vivants s’ils sont mangés par un Dragon... ? Un dragon dans le Donjon... C’est incroyable. C’est toujours là maintenant ? » demanda-t-elle.

« Non... C’était... Déjà parti. Quand je... Je me suis réveillé. Son aura... Il a aussi disparu. Probablement... Pas là. Plus maintenant, » répondis-je.

Le fait de rapporter sa présence à la guilde avait été l’une des premières choses auxquelles j’avais pensé quand je m’étais réveillé — mais bien sûr, il était déjà parti à ce moment-là.

Il était parti sans laisser de trace, comme si mes expériences jusqu’alors avaient été une sorte de rêve... Je me demandais comment le Dragon pouvait simplement apparaître et disparaître comme il le voulait. Bien que la raison de son comportement m’ait échappé, on pourrait aussi dire que cela ne servirait pas à grand-chose s’il était capable de se retirer de la zone sans problème.

Bien qu’une enquête soit certainement justifiée, le dépôt d’un rapport sans preuve en main était une préposition risquée. En tant que tel, il serait traité comme un canular ou un mensonge. Même si je leur montrais mon corps et prétendais que c’était le résultat de ma rencontre avec le Dragon, ce serait, une fois de plus, m’exposer à un terrible risque. Pour commencer, je n’avais aucune idée de la raison pour laquelle j’étais devenu un mort-vivant juste parce que j’avais rencontré un Dragon, donc ma supposition était aussi bonne que la leur.

Fondamentalement, le manque de preuves était un problème grave, et si cela se passait mal, je serais en grand danger. Et donc, j’avais décidé de mettre de côté pour le moment l’idée de rapporter ma vision de Dragon.

Lorraine semblait d’accord, hochant la tête à la conclusion à laquelle j’étais arrivé.

« Ta logique est saine. Même si tu disais avoir vu un Dragon, peu de gens, s’il y en a, te croiraient. Je te connais depuis longtemps, donc je peux te dire que tu ne me mens pas... Mais je doute que ça marche pour tout le monde. S’ils voulaient te croire, le bon sens leur dirait le contraire. Je veux dire, si tu te présentais dans ton état actuel, ils enverraient probablement des aventuriers après toi tout de suite. Ils iraient même mettre ton visage sur une liste de quête. Laisse tomber, Rentt. » En agitant la main de cette façon et en continuant la description de son scénario, Lorraine avait souri.

Comme vous pouvez le voir, Lorraine était étrangement détendue proche de moi malgré le fait que je faisais partie des morts-vivants. Cela pourrait peut-être être attribué à sa personnalité — elle était très audacieuse, à sa manière. Depuis que je la connaissais, Lorraine n’avait jamais été du genre à être obsédée par les petits détails, bien qu’il restait à voir si le fait que je devienne une goule était un si petit détail ou non.

La deuxième raison était peut-être la plus importante : elle était une érudite. Plus précisément, un érudit des monstres et de la magie. Au contraire, elle s’intéresserait davantage à la façon dont une personne vivante et respirante pourrait devenir ainsi, et se plongerait dans son travail en cherchant la réponse à ses questions. Ses longues périodes de réflexion au cours de nos conversations avaient probablement été consacrées à réfléchir à ces mêmes questions.

« Mais tu sais, plus je te regarde, Rentt... plus tu as l’air d’un mort-vivant. Je déteste te demander ça, mais... es-tu le même Rentt que j’ai toujours connu ? Et si tu étais quelqu’un — quelque chose de similaire, mais pas tout à fait le même... ? » Me demanda-t-elle.

C’était une question difficile — une question à laquelle même moi, je voulais connaître la réponse.

Bien que je pouvais consciemment m’identifier comme Rentt Faina, j’étais, en tant qu’être vivant mort une fois. Il n’y avait aucun doute à ce sujet. En fait, j’étais un tas d’os quand je m’étais réveillé. Il était difficile de prétendre que j’étais une chose vivante, du moins dans cet état.

Mais j’avais encore mes souvenirs et ma conscience. Même si cela seul ne pouvait pas prouver que je sois le même Rentt Faina que je l’étais lorsque je vivais, les monstres morts-vivants avaient été fondamentalement emplis de leurs origines vivantes à partir du moment où ils étaient devenus morts-vivants. Je pourrais dire que j’étais un autre genre d’existence, du moins, mais même à l’époque, je n’en étais pas si sûr. Et c’est pour ça que j’avais dit cela — .

« Je n’en ai aucune idée. »

En entendant mon explication, Lorraine semblait convaincue.

« Oui, oui. La vérité ne peut pas être glanée simplement en y pensant. Si tu me le demandais, je saurais dire que tu es Rentt d’après la façon dont tu as répondu à ma seule question. Bien que tu possèdes les mêmes souvenirs et la même personnalité... la question de savoir si tu es “la même existence” ou non serait tout à fait différente de notre première question... Eh oui. Moi aussi, je n’en ai aucune idée. Mettons ça de côté, j’y penserai plus tard. Plus important encore, Rentt... que vas-tu faire à partir de maintenant ? C’est la chose la plus importante à régler maintenant, n’est-ce pas... ? »

Lorraine avait apparemment jugé bon de faire avancer la conversation dans une direction sensée. C’est ce qui rendait si facile de lui parler. Le point qu’elle avait soulevé, à son tour, était l’une des principales raisons de ma visite.

J’avais recommencé à parler une fois de plus : « Toujours... Vouloir. Pour être un aventurier... Mais. Mais... Je ne peux pas. Aller à la guilde... » déclarai-je.

« Tu serais directement traqué, n’est-ce pas ? Hmm... Alors que dirais-tu que j’aille chercher tes quêtes et rendre tes objets collectés ? C’est pour ça que tu es venu me voir, n’est-ce pas ? Et, bien sûr... tu souhaites rester ici, n’ayant pas d’autre endroit où aller, » déclara Lorraine.

Avec ces seuls mots, Lorraine avait correctement déduit toute ma demande. Comme prévu, elle ne me connaissait que trop bien.

Cependant, son empressement à accepter ma proposition m’avait inquiété.

« Es... es-tu sûre ? » Je n’avais pas pu m’empêcher de demander.

« Ça ne me dérange pas vraiment. Même moi, je vais parfois à la Guilde des Aventuriers, donc ce n’est pas trop compliqué si tu y penses. Ahh... Mais même si je te disais que je le ferais gratuitement, tu n’aimerais pas vraiment, n’est-ce pas ? Alors... Autant m’aider dans mes recherches, » déclara Lorraine.

La réponse de Lorraine avait été rapide.

« Re... Recherche. Recherche... Euh, » déclarai-je.

J’avais imaginé un tel résultat. Il était peut-être plus juste de dire que j’étais ici précisément à cause de cette ligne de pensée. Après tout, j’étais devenu un mort-vivant. Au moins, je serais utile à la recherche sur les monstres de Lorraine. Mais je n’avais pas pensé à la façon dont j’allais m’y prendre pour y arriver.

Comme si elle lisait mes pensées, Lorraine continuait son explication.

« Ne t’inquiète pas, c’est facile. Tu sais ce que j’étudie, n’est-ce pas ? » demanda-t-elle.

« Les monstres... Et. Magie... ? » lui demandai-je.

« Oui, c’est bien vrai. Il se trouve que le sujet de l’Évolution Existentielle s’inscrit parfaitement dans les limites de mes recherches. D’un point de vue réaliste, je n’ai pas pu faire beaucoup de recherches sur ce sujet, pour des raisons évidentes... Mais maintenant, tu es là, Rentt. Un spécimen réel, un trésor d’informations, » déclara-t-elle.

« ... Je ne... savais pas. Mais... Je ne... veux pas être... disséqué, » déclarai-je.

« Je sais que j’approfondis mes recherches, mais je ne suis pas un scientifique fou, tu sais. Eh bien... peut-être que des échantillons de peau et de chair ne feraient pas de mal..., » déclara Lorraine.

« ... »

Il m’était venu à l’esprit que Lorraine était assez folle à plus d’un tel titre. Cependant, j’avais gardé mes pensées pour moi... du moins pour l’instant. Il serait troublant que mon refus de remettre des échantillons annule notre accord préalable.

J’avais cependant été surpris de constater qu’il n’y avait pas beaucoup de recherches sur le sujet de l’Évolution Existentielle. Bien que je ne savais pas grand-chose à part les bases, j’avais supposé que les universitaires professionnels et autres auraient beaucoup plus d’informations que moi.

À cela, Lorraine avait dit ce qui suit :

« Eh bien. Parfois, nous avons des dompteurs de monstres coopératifs qui nous aident à faire avancer nos recherches. Mais alors, dit-on, les dompteurs sont rares — au moins, aussi rares que la capacité elle-même l’est déjà. Pour empirer les choses, les monstres qui ont été complètement apprivoisés ne semblent plus évoluer. Il est très difficile au départ de leur demander d’exercer toutes leurs capacités et de ramener un spécimen relativement indemne. Bien sûr, après cela vient la question des droits de recherche et des frais... C’est un processus très difficile, le comprends-tu ? »

Il semblerait que ce fut le cas.

Une fois de plus, en lisant mes pensées, Lorraine m’avait expliqué les nombreuses façons dont je pouvais être utile.

« Tout d’abord, il est impossible d’obtenir le consentement verbal et l’accord civilisé d’un monstre. Et aussi, tu as déjà fait l’expérience de l’Évolution Existentielle une fois auparavant. En d’autres termes, tu as de grandes chances de repasser par le même processus. Si tu peux me rendre compte de ce qui se passe, ce serait très utile. Bien que... Je suppose que ta situation me rend difficile la publication de mes recherches. Mais ma curiosité a besoin d’être rassasiée, et je suppose que tu veux aussi en savoir plus sur toi-même. »

« Savoir... plus ? À propos de... moi-même ? » demandai-je.

« Oui, spécifiquement sur les routes de l’évolution que tu prendrais à partir d’ici, et ainsi de suite. Bien sûr, je te prêterai mes connaissances et ferai converger mes pensées avec les tiennes lorsque cela sera approprié. Tu en sais peut-être beaucoup plus sur les monstres que l’aventurier moyen parce que tu as lu la plupart de mes livres, mais je le fais pour gagner ma vie, tu sais. Tu bénéficieras de mes recherches — il ne fait aucun doute là-dessus, » déclara-t-elle

***

Partie 6

Ayant obtenu le titre de « Grand Professeur » à l’âge de 14 ans, Lorraine Vivie avait ressenti, du fond de son cœur, un ennui débridé dans ce monde.

Elle était considérée comme un génie depuis qu’elle était jeune, et cela n’avait guère changé à mesure qu’elle grandissait, puisqu’elle avait été admise dans la plus prestigieuse institution éducative du royaume à l’âge de dix ans. Elle avait ensuite obtenu le titre de « Professeur » à 12 ans, et celui de « Grand Professeur » à 14 ans. Pour Lorraine, il n’y avait pas beaucoup de choses dans le monde qui restaient inexpliquées. Même s’il y avait un sujet qu’elle ne connaissait pas beaucoup, une brève période d’étude lui avait permis de comprendre beaucoup plus que les chercheurs spécialisés qui avaient étudié le sujet pendant des années.

Pour Lorraine, le monde était très, vraiment très ennuyeux. C’était peut-être la raison de ce qu’elle avait fait.

Un jour, sans avertissement ni préavis, Lorraine abandonna tout et elle se rendit dans l’un des pays les plus ruraux du continent, le Royaume de Yaaran. Sa destination n’était pas la capitale, mais la petite ville de Maalt, encore plus rurale — c’est là que Lorraine s’était installée.

Lorraine avait ses raisons de le faire. Elle s’était spécifiquement rendue à Maalt à la recherche d’une herbe médicinale qu’on ne trouvait nulle part ailleurs. Lorraine, qui avait l’intention de la cueillir de ses propres mains, avait fini par se déplacer à Maalt.

Bien qu’elle aurait pu simplement faire une demande et envoyer un aventurier ou un autre pour trouver l’herbe, Lorraine s’ennuyait vraiment. Elle désirait une sorte d’excitation dans sa vie, alors c’était la raison même pour laquelle elle avait eu l’idée déraisonnable de décider d’aller chercher, et ensuite de cueillir l’herbe par elle-même.

C’était un sentiment très absurde — n’importe qui s’inquiéterait si la plus jeune et, historiquement, la plus talentueuse adolescente digne d’un titre de « professeur » disparaissaient soudainement dans les airs sans laisser de traces.

Les rivales de Lorraine de l’époque, qui avaient au moins quatre fois son âge, la recherchaient frénétiquement dans la Capitale Impériale. Il était peut-être difficile d’imaginer à quel point les autorités scientifiques en question étaient inquiètes. Bien sûr, avec le passage d’une décennie, même Lorraine elle-même était consciente du caractère enfantin de ses actions qu’elle avait entreprises à l’époque. Même ainsi, à cet âge-là, elle ne pensait guère à de telles préoccupations.

Bien que douée pour ses études, Lorraine n’était qu’une enfant à l’époque, et elle ne connaissait pas grand-chose du monde en dehors de ses livres. Heureusement, il y avait quelqu’un qui lui avait appris exactement ce qu’était ce monde — un aventurier de Maalt encore assez jeune à l’époque, connu sous le nom de Rentt Faina.

Tout avait commencé lors d’une recherche dans les zones forestières autour de Maalt — une recherche dans laquelle Lorraine avait rencontré Rentt pour la toute première fois.

***

Partie 7

Bien que Lorraine détienne déjà le titre de « Grand Professeur » à l’âge de 14 ans, il y avait une autre exigence pour obtenir le titre en plus des résultats académiques. Plus précisément, il fallait aussi avoir un certain niveau de maîtrise de la magie. En tant que tel, il faudrait utiliser la magie, et bien la maîtriser. Selon les standards de la guilde, ce niveau de compétence serait chez un mage de classe Argent.

Cependant, cette classification et ce rang n’étaient pas l’équivalent d’un aventurier de classe Argent, car cela ne tenait compte que de son aptitude à la magie et au lancement de sorts. Dans des circonstances normales, un mage de classe Argent serait probablement également un aventurier ayant acquis une quantité proportionnelle d’expérience. Mais le cas de Lorraine était légèrement différent — en raison de sa nature académique et de ses domaines d’études, elle avait atteint un niveau similaire de talents magique sans jamais mettre les pieds à l’extérieur.

Alors qu’une personne avec une telle histoire ne pourrait jamais espérer devenir un mage à part entière en raison d’un manque d’expérience au combat, Lorraine avait été bénie — ou peut-être maudite dans cet aspect — en ayant déjà exercé les capacités requises en raison de son talent. Même si elle n’avait aucune expérience au combat, elle était capable d’utiliser instinctivement divers sorts magiques et avait fini par apprendre beaucoup de sorts de la classe Argent.

À l’époque, Lorraine était confrontée à une énigme particulière : elle avait besoin de l’autorisation de la guilde pour entrer dans une certaine zone dans le but exprès de collecter des ingrédients. Lorraine avait donc rendu visite à la guilde dans l’espoir de s’inscrire afin qu’elle puisse ramasser les herbes requises. Cependant, la réceptionniste de l’époque ne prêtait pas beaucoup d’attention à Lorraine, et avait supposé d’après son titre de « Grand Professeur » qu’elle était en quelque sorte une aventurière de classe Argent, l’inscrivant sous ce rang. Bien que l’inscription des aventuriers ne pouvait se faire que si la personne en question avait plus de 15 ans, le titre de Lorraine remplaçait son âge.

Strictement parlant, la gestion du processus d’enregistrement de Lorraine était truffée d’erreurs. S’il était vrai qu’elle portait le titre de « Grand Professeur », la décision de la Guilde sur les restrictions d’âge avait toujours été prise en premier.

Pourtant, cette décision s’était accompagnée d’un problème sémantique quelque peu persistant. Le consensus ou l’hypothèse générale de la guilde et de ses membres en ce qui concerne le titre de « Grand Professeur » était simple : un tel titre ne pouvait pas être mérité par une personne de moins de 15 ans. Les auteurs de la règle n’avaient pas pensé à tenir compte d’une telle possibilité. Le problème avait été exacerbé par les actions de la réceptionniste, qui avait fait diverses hypothèses concernant ladite situation.

Il convient également de noter que cette règle particulière était encore intacte et inchangée. Ainsi, une personne âgée de moins de 15 ans pourrait s’inscrire en tant qu’aventurier — du moins, si elle détenait le titre de « Grand Professeur ».

Bien que Lorraine elle-même pensait qu’il y avait des problèmes avec le processus, elle n’était pas sur le point de dire à la réceptionniste comment faire son travail, et ainsi, elle avait gardé le silence sur la question. En raison des circonstances mentionnées précédemment, Lorraine s’était retrouvée avec un permis d’aventurier en argent brillant, et avec cela, elle était sur le point de partir pour sa destination dans une humeur relativement positive.

L’objectif de Lorraine était explicite : elle allait se faire un peu d’argent par elle-même, en plus de ramasser l’herbe qu’elle était venue chercher à l’origine.

Cependant, une voix l’avait appelée avant qu’elle ne franchisse les portes de la guilde. En se retournant sans trop réfléchir, Lorraine avait été accueillie par un grand épéiste musclé, et à l’allure un peu particulière.

« Hé, jeune mademoiselle… Vous avez pris la quête de la forêt d’Azuul, n’est-ce pas ? Alors, amenez ce type avec vous — il portera au moins vos affaires. » En disant cela, l’épéiste avait poussé un jeune homme vers Lorraine tout en semblant s’amuser.

Bien que Lorraine n’y pensait pas grand-chose à l’époque, ce fut en fait un tournant majeur dans sa vie, car ce jeune homme n’était autre que Rentt Faina.

Bien sûr, l’épéiste savait que Lorraine aurait des réserves, et recommander un aventurier à un autre de cette façon n’était pas après tout quelque chose qui se faisait tous les jours. En vérité, l’épéiste offrait volontiers une explication pour ses actions.

« Vous voyez… Ce type est encore un peu nouveau. Il veut acquérir toutes sortes d’expérience, et me suit habituellement dans la forêt pour ramasser les ingrédients. Mais alors, vous voyez, je suis occupé aujourd’hui — quelque chose d’autre au programme — donc j’ai cherché quelqu’un d’autre pour le sortir un peu aujourd’hui. C’est là que vous êtes arrivée, jeune mademoiselle… Alors, qu’en dites-vous ? Ce n’est pas une mauvaise affaire, n’est-ce pas ? Il portera vos affaires. »

C’était vraiment quelque chose de soudain qui se présentait à elle. Ce n’était pas vraiment une pratique courante d’emmener quelqu’un que l’on n’avait jamais vu auparavant lors d’une expédition. D’après la conversation, le jeune en question était probablement de classe Bronze ou moins. En d’autres termes, ils ne seraient rien de plus qu’un obstacle pour Lorraine, un aventurier de classe Argent (nouvellement baptisé).

Alors qu’elle s’apprêtait à refuser, l’étrange épéiste, affichant une fois de plus ses facultés cognitives, avait interrompu Lorraine.

« Haha, ne vous inquiétez pas — je ne vous demanderai même pas de frais d’embauche ! Amenez cet imbécile avec vous. La quête que vous venez d’accepter était une mission de récolte, n’est-ce pas ? Si vous l’emmenez, vos récompenses ne feront que monter — plus de mains, vous comprenez. Et bien sûr, vous pouvez tout garder… Et il va tout porter pour vous. Alors, vous voyez. Allez, jeune mademoiselle. Retirez-moi une épine du pied, » déclara l’épéiste.

L’épéiste était arrogant, c’était peu dire. Il n’avait montré aucun signe de recul par rapport à sa demande farfelue. C’est ainsi que Lorraine, n’ayant pas d’autre choix que de hocher la tête, avait fini par emmener un jeune qu’elle connaissait à peine dans sa mission. Cependant, Lorraine ne savait pas qu’elle remercierait du fond du cœur toute sa vie ce jeune.

***

Partie 8

La forêt d’Azuul était grande et s’étendait à perte de vue. En vérité, il s’agissait d’un bastion de la nature, abritant toutes sortes de flore et de faune. Lorraine, ayant glané toutes ses connaissances dans les livres, connaissait la forêt dans une certaine mesure. Le voir en personne, cependant, avait été une autre expérience, avec les nombreuses différences entre ce qu’elle avait vu et ce qu’elle avait lu, et cela n’arrêtait pas de la fasciner.

Pour le dire franchement, Lorraine ne se débrouillait pas très bien dans son périple à travers la forêt, car elle n’avait pratiquement pas exploré de zone avant ça. Le problème ici n’était pas exactement un manque d’endurance — l’endurance ne devrait pas être un problème pour un enfant de 14 ans. De plus, Lorraine avait renforcé son corps avec divers sorts d’amélioration.

Cependant, à l’insu de Lorraine, il y avait des techniques de base et des connaissances en ce qui concerne la traversée de terrains boisés — en particulier, c’était une connaissance qu’elle n’avait pas. Lorraine s’était trouvée de plus en plus fatiguée en marchant dans les broussailles, son endurance semblant être sapée par la forêt elle-même à chaque pas.

À l’inverse, le jeune de la classe Bronze qui l’accompagnait, bien que son rang d’aventurier soit beaucoup plus bas, ne semblait pas du tout fatigué. Invoquant de l’eau de nulle part, il en offrit une tasse à Lorraine, qui se reposait actuellement à cause de ses efforts soutenus.

En jetant un coup d’œil au jeune, Lorraine avait remarqué que sa ceinture à outils, qui était auparavant vide, était maintenant remplie d’herbes médicinales de toutes sortes qu’il avait dû ramasser dans divers endroits pendant qu’elle ne regardait pas. À la demande de Lorraine, le jeune lui avait remis une partie des herbes. Il n’avait pas fallu longtemps à une érudite comme elle pour remarquer que chacune des herbes avait été récoltée correctement et méthodologiquement.

Bien qu’elle ait déjà commandé des herbes de toutes sortes auprès d’apothicaires et autres, elle ne se souvenait pas d’avoir vu des herbes préparées jusqu’à ce degré ni avec une telle compétence. C’était aussi le cas lorsqu’ils rencontraient des monstres.

Jusqu’à ce moment de sa vie, où elle avait décidé de s’aventurer dans une forêt à la recherche d’herbes, Lorraine n’avait pas combattu de monstres sous quelque forme que ce soit. Bien sûr, en tant que « Grand Professeur », la magie de Lorraine avait plus de puissance qu’il n’en fallait pour se débarrasser du monstre moyen. Mais comme Lorraine était généralement accompagnée d’un compagnon ou d’une escorte lors de ses voyages, elle n’avait guère eu l’occasion d’utiliser sa magie, car le monstre aurait déjà été vaincu avant même qu’elle n’y ait pensé.

C’est peut-être la raison pour laquelle Lorraine s’était contentée de se tenir debout et de regarder sans émotion le monstre. À moins que le jeune ne soit avec elle, elle aurait été seule cette fois-ci. Ce n’était qu’à ce moment-là que Lorraine avait constaté à quel point les monstres pouvaient être féroces.

Son esprit était dans un état de choc — elle savait qu’elle devait se battre, qu’elle devait jeter un sort quelconque. Cependant, son corps ne bougeait pas.

C’est alors que la voix de l’homme avait retenti, la sortant de sa stupeur.

« Lorraine ! Une boule de feu ! Foteia Borivaas ! Utilise-le ! » déclara le jeune.

Si Rentt n’avait pas crié, Lorraine serait restée éternellement figée, et cela aurait pu être la fin de sa vie. Mais des instructions lui avaient été données, et Lorraine les avait suivies. En effet, Lorraine ne semblait guère plus qu’une marionnette au cours de cet incident.

Alors que les restes carbonisés de ce qui était autrefois un monstre continuaient à fumer à la suite de la magie de Lorraine, on avait pu encore une fois constater qu’elle était immobile, avec une expression vide qui éclaboussait ses traits. Rentt, en découvrant que Lorraine avait peu ou pas d’expérience au combat, avait décidé de lui donner des détails sur les monstres, les techniques de combat et les mouvements communs de ces monstres pendant la bataille.

Lorraine était sage, en fait, elle était beaucoup plus sage que n’importe quel mage ordinaire. Et ainsi, elle avait rapidement absorbé les connaissances que Rentt avait à offrir, absorbant tout cela à une vitesse étonnante. Cependant, elle n’avait pu le faire que grâce à l’intervention de Rentt lors de sa première bataille, et elle en était pleinement consciente.

C’était la même chose quand elle avait appris les subtilités de sa mission, à savoir la récupération de certaines herbes médicinales. Selon ses livres, les herbes étaient assez communes malgré le fait qu’elles ne poussaient qu’à certains endroits. Pour cette raison, l’herbe ne serait pas très difficile à trouver.

Mais la réalité était très différente, car Lorraine s’était retrouvée les mains vides. Après une demi-heure de recherche, Lorraine ne pouvait s’empêcher d’être déçue, sa grande découverte n’étant qu’une seule herbe, l’une des nombreuses herbes nécessaires à sa quête. Frustrée par la situation, Lorraine nota mentalement qu’elle donnera un bon coup de poing à l’auteur du livre qu’elle avait étudié la prochaine fois qu’elle les rencontrera.

Pourtant, malgré tout cela et la frustration croissante de Lorraine, Rentt, qui marchait derrière elle depuis tout ce temps, souriait tout simplement d’un sourire ironique alors que les herbes dans la poche de sa ceinture à outils continuaient à augmenter. En se retournant, Lorraine s’était rendu compte que les herbes qu’il avait ramassées avaient doublé depuis sa dernière vérification — et parmi elles se trouvaient des grappes entières des herbes qu’elle avait été chargée de ramasser.

Il s’était avéré que l’auteur du livre avait raison. Lorraine n’avait tout simplement pas remarqué les herbes en question en passant par les endroits marqués. À ce moment-là, Lorraine avait finalement réalisé à quel point elle savait peu de choses sur le monde.

Lorraine avait ensuite demandé à Rentt de lui faire une démonstration et de l’éduquer sur une variété de sujets : des bases du combat et de l’aventure, à la cueillette et à la préservation des herbes, et même là où ces herbes poussaient. Rentt, pour sa part, était heureux de le faire. C’est ainsi que les deux individus étaient finalement revenus dans la soirée, complétant la mission de Lorraine à temps.

***

Partie 9

Ce n’est que plus tard que Lorraine avait été informée de la vérité par l’étrange épéiste. Il avait compris que Lorraine n’avait pas d’expérience au combat tout simplement à cause de ses mouvements et de son équipement (ou de son manque d’équipement), et il avait eu l’intention de faire de Rentt son guide. Lorraine, surprise du développement, ne pouvait s’empêcher de se demander si la Guilde des Aventuriers prenait grand soin de chaque nouvel aventurier. Mais ce n’était pas le cas, car Rentt, qui était alors stationné à la taverne, avait simplement remarqué Lorraine. En discutant de la question avec son compagnon épéiste, Rentt s’était rendu compte que Lorraine ne reviendrait probablement pas vivante si on la laissait sortir dans la nature telle qu’elle était. C’est pourquoi les deux aventuriers avaient élaboré un plan pour s’approcher d’elle, présentant Rentt comme quelqu’un pour porter ses sacs afin d’éviter de blesser sa fierté.

Lorraine avait l’impression que leur petit projet lui causait des ennuis et, dans une certaine mesure, prenait beaucoup de leur temps, mais elle était reconnaissante de leur intervention — cela lui avait finalement sauvé la vie. Une fois de plus, Lorraine avait réalisé à quel point sa connaissance du monde était limitée, puisqu’elle n’avait presque rien vu au-delà de ses livres et du bout de ses doigts.

Lorraine s’imaginait qu’une fois devenue maître de la connaissance, — en comprenant le connu, et en tenant compte des problèmes connus facilement trouvables dans son esprit, tout en tenant compte des inconnues qu’elle pourrait un jour rencontrer, elle pourrait tout surmonter.

Mais en réalité, Lorraine ne savait pas grand-chose — et c’était tout ce qu’il y avait à dire. En fin de compte, c’était Rentt qui lui avait enseigné certaines des choses qui lui manquaient, et c’était elle qui avait appris par la suite des choses provenant de l’expérience de Rentt en tant qu’aventurier.

Lorraine s’était retrouvée dans la ville de Maalt après cet incident. Pour la première fois de sa vie, elle avait vu la couleur — là où les choses étaient autrefois grises et ennuyeuses, elle était maintenant remplie de joie. Pour la première fois, Lorraine avait eu du mal à quitter un lieu, en particulier la ville de Maalt.

Mais Lorraine appartenait déjà à un autre endroit, car elle n’était à Maalt que pour une mission, une simple tâche. Après de nombreuses demandes et communiqués de la capitale suppliant pour son retour, Lorraine s’était finalement décidée :

Elle retournerait dans la capitale — et ensuite, elle repartirait une fois de plus pour la ville de Maalt. Cette fois, elle n’aurait pas de regrets ou de détails à régler.

Pour commencer, les érudits avaient droit à une vie relativement libre — elle n’avait pas nécessairement besoin d’être dans la capitale pour poursuivre ses études. C’est pourquoi Lorraine était retournée dans la capitale, réglant diverses affaires et questions qui nécessitaient son attention, tout en planifiant de retourner à Maalt après que tout ait été dit et fait.

De retour dans la capitale, Lorraine avait été surprise de constater que ce qu’elle considérait auparavant comme sans vie et gris était exactement le contraire. Ouvrant les yeux, Lorraine avait vu que ses collègues et amis de la capitale étaient inquiets pour elle, et c’est alors qu’elle s’était rendu compte que sa position dans la capitale était plus qu’une chaise vide — les gens s’en souciaient vraiment. C’était, une fois de plus, quelque chose qu’elle n’avait réalisé qu’après sa rencontre avec Rentt.

L’aventure avec Rentt lui avait ouvert les yeux sur le monde, et Lorraine elle-même l’avait compris.

Malgré tout cela, Lorraine s’était une fois de plus retrouvée à se languir de la ville de Maalt. Bien qu’elle n’ait pas nécessairement été ravie de laisser ses collègues et amis, anciens et nouveaux, derrière elle dans la capitale, elle n’avait pas le choix.

Comme prévu, son annonce avait été accueillie avec une mer de visages déçus, mais à la fin, les amis et collègues de Lorraine avaient laissé faire. C’est peut-être parce qu’ils avaient réalisé qu’il y avait quelque chose de différent en Lorraine — que sa volonté, cette fois entre tous les temps, ne serait pas si facilement ébranlée.

En échange de sa demande, cependant, il y avait une condition : Lorraine devait revenir dans la capitale une fois par an. À son tour, on lui avait accordé la permission de rester à Maalt et d’y établir ses propres installations pour ses activités de savant. Cet arrangement avait permis à Lorraine d’établir de nouvelles relations à Maalt tout en poursuivant ses recherches et en publiant ses résultats sur une base annuelle. Cela permettrait également de maintenir une ligne de contact entre Lorraine et la capitale.

Promettant de faire sa part avec une attitude décontractée, Lorraine avait finalement quitté la capitale, faisant ce qu’elle avait dit qu’elle ferait. En résumé, Lorraine avait acheté une maison dans la ville de Maalt et avait continué ses recherches au cours de ses temps libres. Mais c’était alors que la nature négligente de Lorraine s’était finalement relevée.

Si la passion et l’amour de Lorraine pour la recherche étaient vrais, comme en témoigne sa quête incessante de connaissances, sa ponctualité en matière de communication laissait beaucoup à désirer. Alors qu’au départ, elle avait été relativement ponctuelle avec les correspondances, cela s’avérerait rapidement être davantage l’exception que la norme.

Alors que les missives de la capitale arrivaient toujours à l’heure, Lorraine avait eu du mal à réagir. Même sa promesse de retourner dans la capitale une fois par an était vite tombée à l’eau, au fil des années, Lorraine faisant remonter parfois l’idée ici et là. Avant même de s’en rendre compte, Lorraine avait chargé Rentt de répondre à ses lettres et de planifier ses voyages de retour au pays.

La raison en était simple : l’un des amis de Lorraine de la capitale, comprenant la futilité de toute l’entreprise, avait écrit à Rentt pour lui demander de prendre soin de Lorraine au mieux de ses capacités. Il semblerait que l’ami en question connaissait bien Lorraine et ses tendances.

En réalité, Lorraine dépendait de Rentt dès le début — tout, de l’achat de sa maison jusqu’à ses conditions de vie, avait été laissé à Rentt, qui s’était occupé de plus de la moitié de l’ensemble des procédures. Rentt avait enseigné à Lorraine divers types de compétence pour la vie quotidienne, se répétant souvent jusqu’à ce qu’elle aussi soit capable de prendre soin d’elle-même d’une manière raisonnable. Si Lorraine prenait du retard dans l’exercice de ses fonctions, Rentt, lors d’une de ses nombreuses visites, arrangerait les choses pour elle.

Mais ce n’était pas exactement quelque chose que Rentt avait fait gratuitement. En échange de son aide ménagère et de son aide pour d’autres affaires, Lorraine avait de son côté enseigné à Rentt beaucoup de choses.

Lorraine, malgré tous ses défauts, était encore un « Grand Professeur » et érudite. Plus précisément, elle était l’une des meilleures érudites quand tout était dit et fait. En d’autres termes, alors que Rentt aurait normalement dû payer une belle somme d’argent pour un tuteur du calibre de Lorraine, il avait plutôt fait tous ses travaux ménagers et ses corvées, recevant les leçons en retour en guise de paiement.

Rentt n’avait pas cette idée en tête.

Pour commencer, il connaissait peu l’histoire de Lorraine. Il l’avait seulement déduit au cours des rangements des livres tombés de Lorraine, et Lorraine expliqua le reste après ses questions initiales. Bien que Lorraine n’ait pas menti, elle n’avait pas vraiment parlé à Rentt de son passé, ni de la façon dont elle avait abandonné sa vie dans la capitale pour vivre à Maalt, ni de la façon dont ses amis avaient essayé de l’arrêter, ni du fait qu’elle exerçait encore une certaine influence dans les affaires du royaume, ni du fait qu’elle était l’un des meilleurs érudits du pays.

Heureusement, la personne avec qui elle parlait était Rentt. Bien que Lorraine ne soit pas sûre s’il croyait à son explication, Rentt n’avait pas creusé davantage, et il avait laissé les choses telles qu’elles étaient.

Dix ans s’écoulèrent ainsi. Lorraine, pour sa part, était satisfaite de l’arrangement. Elle était satisfaite, et elle souhaitait que cela puisse durer indéfiniment — peut-être, du moins, jusqu’à sa mort.

Si Rentt voulait continuer l’aventure, c’était bien. Elle se contentait de regarder et de se tenir à ses côtés. En fait, Lorraine était d’accord pour faire ses recherches, comme elle l’avait toujours fait, avec Rentt à proximité. Elle aimait les repas qu’ils partageaient parfois en parlant d’affaires mondaines — elle n’avait pas la moindre suspicion ou le moindre doute que ces jours ne dureraient pas indéfiniment.

Mais un jour, Rentt Faina avait disparu.

Lorraine était remplie d’un pressentiment d’appréhension, car il n’était pas normal que Rentt ne se présente pas pendant plusieurs jours d’affilée. Les pensées de Rentt mourant face à des monstres remplissaient l’esprit de Lorraine. Si c’était effectivement le cas…

Lorraine avait trouvé son cœur rempli d’un chaos tourbillonnant. C’était une force violente — une force qu’elle n’avait jamais ressentie auparavant. Elle voulait vraiment patrouiller dans les rues en criant le nom de Rentt pendant qu’elle cherchait — c’est ce qu’elle ressentait.

Mais dans son esprit brillant et logique, Lorraine s’était vite rendu compte de la futilité d’une telle entreprise. Si une telle méthode s’avérait infructueuse, il suffirait de changer de méthode. Il serait prudent de demander à d’autres aventuriers de le chercher, l’argent n’avait pas d’importance. Après tout, elle avait beaucoup d’économies.

Alors qu’elle était sur le point de lever sa plume, Lorraine avait été interrompue par un son familier provenant du heurtoir de sa porte — un cliquetis familier et rythmique…

Durant ses dix années de résidence dans la ville de Maalt, Lorraine avait beaucoup d’amis et avait forgé pas mal de relations. Il était possible que son visiteur soit l’un de ces nombreux amis. Cependant, il y avait quelque chose d’autre à propos de ce son — quelque chose de différent.

Lorraine, avec son esprit typiquement curieux, avait rapidement discerné les caractéristiques particulières du rythme de ce cliquetis. Il n’y a pas eu d’erreur. Une seule personne frappait de cette façon particulière — .

Rentt Faina.

Avec cette pensée en tête, Lorraine avait voulu se précipiter pour s’assurer que c’était bien lui — mais cela serait sans doute considéré comme étrange. Dans tous les cas, Rentt avait survécu. C’était suffisant pour elle.

Mais Lorraine n’avait pas pu s’empêcher de remarquer autre chose. Pendant toutes ses années, Rentt avait rarement frappé à la porte. Le fait qu’il frappait actuellement signifiait que quelque chose n’allait pas — ou bien, dans tous les cas, qu’il y avait une différence. Dans des circonstances normales, Rentt entrerait probablement tout seul après un certain temps — du moins, c’était comme ça depuis toujours. C’est la raison pour laquelle Lorraine avait décidé de le rencontrer comme d’habitude. Mais il n’y avait qu’un seul problème :

Elle dormait habituellement sur son canapé à cette heure de la journée.

C’était avec cette idée en tête que Lorraine avait décidé de le faire. Faisant passer ses mains dans ses cheveux pour se donner une apparence éreintée, Lorraine s’allongea sur le canapé et ferma les yeux.

C’est alors qu’un clic familier retentit dans la pièce — la poignée de porte avait été tournée. Avec les pas qui s’approchaient, une voix familière…

« … Hey… Hey. Réveille-toi. »

***

Partie 10

Dès lors, Lorraine avait visité la guilde en mon nom, remettant les ingrédients et les cristaux magiques que j’avais fini par rassembler lors de mes voyages à travers le Donjon. Bien sûr, on lui avait fourni de l’or pour ces matériaux. Alors qu’autrefois je devais économiser religieusement et surveiller mes dépenses, j’avais maintenant trouvé mes poches très lourdes.

En fin de compte, Lorraine elle-même m’avait acheté la fiole de liquide visqueux — pour une jolie somme d’argent, en plus. Bien qu’il s’agissait d’un ingrédient assez précieux pour la guilde, il n’y avait aucune règle qui dictait à qui je pouvais vendre mon butin. C’était à la discrétion de chaque aventurier.

Pour commencer, Lorraine était assez douée en alchimie, et elle fabriquait souvent ses propres médicaments et potions. En retour, elle avait besoin d’une variété de matériaux pour travailler, et il se trouve que je transportais l’un de ces ingrédients — un ingrédient coûteux, ajouterais-je — pour lequel Lorraine avait payé un juste prix. En fait, l’achat direct à la source avait permis à Lorraine de réaliser des économies, qui devait généralement l’acheter à des prix élevés auprès de la Guilde des Aventuriers.

Mis à part cela, il était peut-être intéressant de mentionner que je me promenais actuellement dans les rues de Maalt. Bien que je voulais me prélasser dans l’atmosphère de la ville, après avoir été absent pendant une longue période, je ne m’étais pas vraiment mis en route pour une promenade sans but.

J’avais effectivement un but. Un important, en fait — j’étais en route pour acheter une arme. Après tout, j’avais utilisé les mêmes armes et armures que j’avais utilisées dans ma vie lorsque j’étais devenu un squelette, jusqu’à ce que je devienne une goule. En vérité, je les utilisais encore aujourd’hui, mais les armes et les armures étaient maintenant endommagées, peut-être de façon irréversible. Bien que cette épée m’ait servi fidèlement pendant de nombreuses années de ma vie, des changements récents dans mon physique et dans mes réserves internes de mana et d’autres choses du même genre avaient fait des ravages à sa surface. L’épée était maintenant avec des rayures partout et visiblement endommagée.

C’était peut-être une évidence. Je n’avais utilisé les arts spirituels qu’une seule fois par jour, et je n’avais jamais pensé à infuser mes armes et armures de Divinité ou de magie. En raison de ces considérations, j’avais surtout acheté de l’équipement bon marché. Considérant le fait que j’avais utilisé la magie, l’Esprit et la Divinité à plusieurs reprises au cours des derniers jours, il fallait s’attendre à ce que la lame en subisse les conséquences. C’était malheureux, oui, mais je n’aurais pas pu faire grand-chose.

Alors que j’avais l’intention de l’utiliser pendant un an de plus, je n’avais pas d’autres armes sur moi, de sorte que l’abus continu fait à mon arme avait abouti à la situation actuelle. C’était vraiment une tragédie.

La combinaison de divers facteurs, tels que l’augmentation globale de mes capacités, qui se traduisait par une chasse au monstre plus efficace, le fait que Rina avait rendu ma monnaie après avoir acheté ma robe, et même la vente des matériaux des monstres qui en avait résulté, tout cela avait contribué à une chose : j’étais maintenant considérablement plus aisé. À tel point que le moment était venu pour moi d’investir dans une nouvelle arme.

Cependant, j’avais fait une note mentale pour retarder l’armure. Après tout, des mesures étaient nécessaires pour la création d’un tel équipement — quelque chose qui aurait nécessité de retirer ma robe.

Ce n’était pas comme si j’avais peur d’être nu, ce n’était pas comme si j’étais une jeune fille. Mais j’avais mes raisons. D’une certaine façon, cela me terrifierait encore plus qu’une jeune fille qui devait rendre visible la moindre once de peau. Je veux dire par là : comment pourrais-je montrer calmement mon corps à moitié sec à une personne vivante ?

Non, c’était impossible… Peut-être seulement à ceux en qui j’avais confiance.

À ce moment-là, la seule en qui je pouvais avoir une telle confiance, c’était Lorraine… C’était en grande partie à cause de sa nature et du fait qu’elle avait tendance à ne pas se soucier des petits détails de la vie.

Ce n’était pas seulement une question de confiance — si mon identité et mon état d’être en tant que goule devaient être découverts, il n’y avait aucun moyen de savoir ce qui m’arriverait. Il m’était donc difficile de me montrer à quelqu’un d’autre que Lorraine à ce moment-là. C’est la raison pour laquelle je n’avais décidé d’acheter qu’une épée aujourd’hui.

Enfin, arrivé à destination, j’avais regardé l’enseigne familière de la boutique. Puis, en prenant une profonde respiration, j’avais rassemblé ma résolution et j’étais entré par la porte.

***

Partie 11

« Bienvenue ! … Hein ? » La voix d’une femme m’avait salué en entrant dans la boutique.

Le magasin en question n’était autre que le forgeron local, mieux connu sous le nom de « Harpon à trois dents ».

Avec ses cheveux blonds, ses yeux bleus et son comportement digne d’une noble dame, je n’avais aucune idée de la raison pour laquelle elle avait jugé bon d’épouser quelqu’un comme Clope. En parlant de cela, ces yeux très bleus étaient maintenant positionnés sur mon être. Peut-être que mon corps vêtu et masqué était un peu trop suspect. Alors que les masques pour les aventuriers n’étaient pas vraiment inhabituels, ma combinaison exacte de vêtements m’avait malheureusement fait ressortir.

Tandis que je continuais à ruminer, Luka s’approchait lentement, comme pour dire quelque chose à son client à l’air bizarre.

« … Désol… és… si je semble… suspect…, » déclarai-je.

« Oh, non ! Pas du tout. » Luka secoua rapidement la tête en entendant mes paroles. « C’est juste que… Vous ressemblez un peu à une personne que je connais. Mes excuses. Les aventuriers masqués ne sont pas très bizarres, du moins à ma connaissance. Je m’excuse si mon regard vous a mis mal à l’aise. »

Telles étaient les excuses de Luka. Après tout, je peux tout à fait supposé qu’elle était habituée aux clients comme moi.

Sur ce, Luka continua à parler. « … Ce qui m’amène à ma question : que puis-je faire pour vous aujourd’hui ? Êtes-vous venu au harpon à trois dents pour acheter des armes ou de l’équipement ? Ou peut-être cherchiez-vous un service d’entretien et de maintenance ? »

« O... Oui. Je voudrais… Comme. Une nouvelle… Épée. T... Tenez. » En disant cela, j’avais placé mon épée, mon fourreau et tout le reste sur le comptoir du magasin.

Sans expliquer mon intention, Luka comprit rapidement le sens de mon geste.

« Mais bien sûr. Excusez-moi, s’il vous plaît. » Après cela, Luka avait aussitôt sorti l’épée de son fourreau, l’examinant de près.

Bien qu’elle soit l’épouse de Clope, le forgeron résident de ce magasin, Luka jouait également un rôle important dans le service à la clientèle. Comme il convient à son poste, elle était armée d’une connaissance adéquate de l’identification des différentes armes, en plus d’évaluer leur qualité et leur degré d’usure. En fait, j’avais entendu dire que Luka elle-même pouvait même forger des objets simples.

Après une courte inspection, Luka avait annoncé le résultat de son évaluation, ses yeux fixés sur la lame abîmée de mon épée.

« J’ai peur que ce soit irréparable. D’après mes observations, je dirais que cette pièce d’équipement a été utilisée au mieux de son potentiel. Auriez-vous des préférences pour son remplacement ? Je vois les marques et les caractéristiques tenaces de la magie et des arts spirituels… Est-ce bien le cas ? » me demanda-t-elle.

Identifier les capacités du propriétaire d’une arme en regardant ses éraflures n’était pas une mince affaire — Luka en était vraiment capable.

J’avais décidé de lui dire avec honnêteté l’étendue de mes capacités, principalement parce que je n’essayais pas exactement de cacher quoi que ce soit au départ.

« Ah… Oui. Magie… Esprit… Divinité. J’utilise… Eux tous. Alors je… Comme. Une épée… Qui peut canaliser… Les trois, » déclarai-je.

« … Trois fois, bénis… Je vois. Comme c’est rare, en effet. Vous êtes le deuxième client que j’ai vu avec une telle disposition, » répondit-elle.

« Si… Possible. Pourriez-vous... Gardez cela… Secret ? » lui demandai-je.

« Bien sûr — des lèvres lâches couleraient un établissement comme le nôtre. Mais… cela étant dit, la nature de cette commande entraînerait… des frais considérables, en plus de prendre quelques jours à forger. Est-ce que ce serait acceptable… ? » me demanda-t-elle.

C’est ce que j’avais supposé. Les personnes qui pouvaient utiliser ces trois capacités étaient rares pour commencer — en vérité, presque inconnues. Peut-être qu’on pourrait en rencontrer un ou deux au cours de sa vie — mais un troisième serait tout à fait inhabituel.

Il va donc de soi qu’il fallait consacrer suffisamment de temps à la fabrication d’une arme pour un tel individu. En fait, les forgerons comme ceux-ci fabriquaient couramment des armes pour ceux qui utilisaient la magie ou les arts spirituels.

Ceux qui pouvaient utiliser la Divinité, par contre, étaient comparativement rares. Les prêtres et assimilés avaient souvent des magasins spécialisés qu’ils préféraient, par opposition au forgeron ordinaire. À cause de tout cela, la nature de mon ordre était en vérité une rareté en soi — .

Mais j’étais mentalement préparé pour les dépenses.

« N... Ne vous en… faites pas.... Mais… C’est… Tout ce que j’ai… » J’avais saisi le sac qui contenait mon or, le plaçant fermement sur le comptoir du magasin.

Il était rempli d’une quantité considérable de pièces d’or et d’argent — ce porte-monnaie contenait pratiquement toute ma fortune. Bien qu’il soit intéressant de noter qu’il ne valait probablement pas grand-chose pour les aventuriers de haut rang.

Confirmant le contenu de la pochette, Luka avait commencé à expliquer le processus de paiement. « … C’est plus qu’il n’en faut pour forger une pièce de qualité. En ce qui concerne le paiement, il nous faudrait avoir la moitié maintenant, à titre de dépôt. L’autre moitié sera collectée lorsque l’arme sera prête. »

« Est-ce que c’est... D’accord ? » lui demandai-je.

C’était une commande très spéciale, après tout. Pour dire la vérité, les matériaux impliqués coûteraient probablement une petite fortune.

« Oui, tout à fait. En retour — enfin, pas tout à fait, mais une faveur, si vous voulez. Pourriez-vous avoir quelques mots avec mon mari, Clope ? C’est le forgeron de ce magasin, et il voudrait certainement vous parler, étant donné son caractère. Pour vous dire la vérité, il vous demanderait probablement beaucoup d’informations pendant le processus de forgeage. »

Je connaissais Clope depuis longtemps. Inutile de dire que je connaissais aussi sa personnalité et ses bizarreries. Il prenait son travail au sérieux, même s’il s’agissait d’une simple épée, sans parler d’une commande spéciale. Il voulait sûrement que je teste la lame encore et encore pendant qu’il continuait à la forger — je ne connaissais que trop bien Clope. C’est pourquoi je m’attendais à moitié à ce que Luka avait à dire, et j’avais rapidement acquiescé à ses paroles.

« N... Ne vous… en faite pas. Quand... Il a besoin. Moi. Contact… Chercheur… Lorraine, » déclarai-je.

J’avais expliqué à Luka que Lorraine m’avait gentiment permis l’utilisation de sa demeure pendant que j’étais dans la ville de Maalt. En entendant ça, les yeux de Luka s’étaient écarquillés, plus qu’ils ne l’avaient jamais fait auparavant. Mais cela avait été rapidement remplacé par un sourire bien calme.

« Oh, bien sûr. Je comprends. Eh bien, alors, d’abord, je vous rendrai ceci… » En retirant la moitié de son contenu, Luka avait pris ma pochette de monnaie et me l’avait rendue.

« Je suis sûre que Clope aura beaucoup de questions à vous poser concernant la nouvelle épée que vous souhaitez forger, » déclara-t-elle.

Et après ça, Luka m’avait conduit à l’arrière du magasin, dans la pièce de forge.

***

Partie 12

L’arrière du magasin où j’avais été conduit contenait la pièce pour la forge : forge, forgeron, vapeur chaude, et tout le reste. Comme on pouvait s’y attendre, un homme couvert de muscles, mais quelque peu mince balançait son marteau calmement et méthodiquement, frappant du métal rouge et chaud encore et encore. Je m’étais dirigé de moi-même vers lui — il était impossible de lui parler quand il était comme ça.

Comme si elle lisait mon esprit, Luka avait une explication pénitente similaire à offrir. « … Je m’excuse. Il se peut que vous ayez à attendre un certain temps… Il sera prêt à parler dans, disons, une heure. Il vaudrait mieux que vous passiez votre temps dans un autre établissement en attendant… »

Une expression vraiment désolée était apparue sur son visage.

Peut-être qu’un nouveau client pourrait être décontenancé par ces développements. Moi, cependant, je ne l’étais pas, ayant connu Clope depuis tant d’années. C’était une bizarrerie de sa part de tomber dans un état presque en transe quand il martelait une arme, c’était comme ça qu’il était.

Bien sûr, lui parler dans cet état était impossible. En fait, Clope était tellement concentré que toute interruption pourrait simplement être répondue avec un seul coup de marteau. Il valait mieux pour toutes les parties concernées d’attendre qu’il pose son marteau après avoir atteint un point de progrès ou un autre. Encore une fois, je n’étais pas du tout inconnu des particularités du Harpon à Trois Dents.

« … Non. Ce n’est pas… grave. Puis-je… attendre, ici… à la place ? » lui demandai-je.

« Bien sûr, ce n’est pas grave, mais… est-ce que ce serait acceptable ? Rien d’intéressant ne se passe vraiment ici. Ne trouvez-vous pas ça ennuyeux ? » demanda Luka, apparemment curieuse de ma décision.

« Regarder… Forgeron… Au travail. Non… Ennuyeux, » avais-je répondu.

Une légère expression de surprise se répandit une fois de plus sur le visage de Luka, avant d’être rapidement remplacée par son sourire comme si de rien n’était.

« Dans ce cas, il y a une chaise dans ce coin à partir de laquelle vous pouvez surveiller de près le processus. J’apporterai des rafraîchissements — excusez-moi, » en disant cela, Luka avait quitté la pièce.

Franchement, ma décision de rester n’était pas un acte quelconque. J’aimais voir des personnes compétentes faire leur travail. J’avais trouvé que ceux qui étaient tout à fait compétents dans leur métier avaient une sorte de flux et de rythme dans leur travail — c’était quelque chose que l’on pouvait ressentir juste en regardant.

Clope était, pour sa part, indubitablement un forgeron extrêmement compétent, et l’on pouvait sentir un sentiment de beauté fluide dans les différents aspects de son travail. Il n’y avait aucun moyen de trouver un tel spectacle ennuyeux — pas possible, en effet.

***

Partie 13

Après un temps qui semblait considérable, le cliquetis rythmique du métal s’était finalement arrêté, se dispersant avec le nuage intangible de tension qui pendait dans la pièce de forge depuis une heure.

Clope tenait l’épée sur laquelle il travaillait et souriait lentement. Il était évident, d’après son expression, que c’était une pièce dont il était très satisfait. Moi aussi, j’avais senti que c’était une chose qui valait la peine d’être célébrée. Mais à ce moment-là, Clope s’était retourné pour me faire face.

« Désolé. Je vous ai fait attendre, hein ? »

D’après les paroles de Clope, je pouvais voir qu’il avait effectivement remarqué ma présence. Il était simplement trop concentré dans son travail pour me saluer. Un nouveau client offrirait probablement une ou deux plaintes à ce stade. Mais la nature de son travail signifiait qu’il ne pouvait pas simplement être arrêté à mi-parcours — pour ma part, je n’avais aucun scrupule à le faire.

C’est pourquoi j’avais répondu : « … Non… Pas du tout. Je ne… pas dérangé. C’était… Intéressant. »

En entendant mes paroles, Clope avait souri. « Et moi qui pensais qu’il est rare que Luka amène quelqu’un ici… On dirait que vous êtes un type intéressant. »

L’expression de Clope était plus digne d’un guerrier au plein cours d’un combat fixant un adversaire avec un sourire inébranlable — par opposition à celle d’un forgeron typique. Ses traits faciaux, cependant, indiquaient qu’il était un peu plus en avance sur son âge — quelque part dans la quarantaine, ce serait une bonne estimation.

Bien qu’il avait l’air un peu plus âgé que Luka, en vérité, les deux personnes n’étaient pas si éloignées l’une de l’autre dans leur âge. Bien sûr, je ne leur avais pas posé cette question avant ça. C’était plutôt une conclusion que j’avais tirée des déclarations de Clope au fil des ans. Ce qui était particulièrement révélateur était celui où il prétendait que Luka était son amie d’enfance, d’où mon hypothèse.

Bien que la pratique de demander directement l’âge de quelqu’un n’était pas inexistante, il s’était avéré extrêmement difficile de poser une telle question face à la pression émanant du sourire inaltérable de Luka. En gros, on ne le découvrirait probablement pas même si on lui avait demandé directement.

« Je… Je ne sais pas… sur le fait d’être intéressant. Mais je… On me l’a dit. Vous pourriez forger… Moi. Une épée, » déclarai-je.

« Oh, voudriez-vous une pièce spécialement faite sur commande ? Il y a beaucoup d’épées déjà affichées à l’avant, bien que… Et ce sont toutes des pièces de haute qualité, je peux en témoigner. Au lieu d’en commander une sur mesure qui est coûteuse, vous en trouverez peut-être une qui vous convient si vous regardez autour de vous ? » me demanda Clope.

Clope était un homme brutal, et un de ceux qui parlaient peu. Alors que quelqu’un qui n’était pas familier avec lui supposait simplement qu’il refusait ma demande, la réalité était tout à fait différente. Clope ne faisait que s’inquiéter des clients qui dépensaient inutilement des sommes d’argent considérables.

Avec ses yeux aiguisés et son expression parfois intimidante, il semblerait que Clope pourrait faire pleurer quelqu’un rien qu’en le regardant. Pour empirer les choses, la moitié de ses déclarations ressemblaient à des menaces ou à des expressions de mécontentement. Mais je savais mieux que quiconque que Clope, contrairement à son apparence et à ses manières, était en fait une personne très douce. C’est pourquoi j’avais répondu, sans être intimidé par ses manières.

« Les… Lames… que vous avez faites… à l’avant… du magasin. Impossible… besoin… Divin… ité. »

« Divi... ? Oh, Divinité ! Quoi, vous pratiquez les arts sacrés ? Vous n’avez pas l’air d’un prêtre. Si c’est le cas, n’auriez-vous pas une forge spécifique à laquelle vous allez ? » me demanda-t-il.

En effet, c’était tout comme Clope l’avait dit. Je n’avais pas, en fin de compte, l’apparence de près ou de loin à un prêtre. Au contraire, j’avais l’impression d’être à l’opposé de l’un d’eux — et pourtant, avec les choses telles qu’elles étaient, je n’avais pas d’autre choix que de m’expliquer complètement.

« Non… Un prêtre. J’ai aussi… Utilisation. Magie… Et… Arts spirituels. »

« Quoi… !? Vous voulez dire que vous êtes l’un de ceux trois fois bénits… ? Euh, je vois. D’accord. Eh bien, alors… On dirait que vous ne pouvez pas utiliser ceux de devant. C’est pour ça que Luka vous a amené à moi, hein. Avez-vous l’argent pour ça ? »

« La… Personne… à l’avant. Elle m’a dit que j’avais… assez pour… la commande. »

« Hmm. Si Luka le dit… D’accord, j’ai compris. Alors, c’est peut-être soudain, mais allons droit au but. À propos des honoraires, aussi. »

En disant cela, Clope avait récupéré une chaise dans un coin de son atelier, la soulevant par une de ses pattes. En le plaçant proche d’une petite table, le forgeron et moi avions finalement commencé notre discussion.

***

Partie 14

« … Eh bien, tout est réglé. Il ne reste que les derniers détails… J’enverrai un mot quand j’aurai besoin de vous, si cela vous convient ? » Clope avait dit cela après avoir finalisé les calculs impliqués dans le coût global de l’arme.

« Cela ne me… dérange pas…, » j’avais hoché la tête en réponse.

« Très bien, alors nous avons un accord. J’ai hâte de travailler avec vous, » après ça, Clope avait tendu la main.

Une poignée de main — c’était bien sûr.

Pendant une seconde, j’avais hésité. Mes mains étaient les mains d’un mort-vivant — elles étaient sales. Je sentais que ce serait un gros problème pour n’importe qui de les toucher.

Mais cette hésitation n’avait duré qu’un instant. Après tout, je ne pouvais pas simplement discuter avec Clope de ma situation ou de mon nouveau destin en tant que mort-vivant. À la place, je devais réagir aussi normalement que possible, en serrant la main de Clope d’une poignée de main ferme.

« Je vous… laisse tout… entre vos mains, » déclarai-je.

Et c’était tout ce que j’avais pu dire.

***

Partie 15

Le client avait franchi les portes, puis il était parti. Il était certainement étrange, vêtu d’une robe tissée dans l’obscurité de la nuit. Sur son visage se trouvait placé un masque en forme de crâne, blanc comme de l’os, apparemment fait dans le pays des morts lui-même. Mais le plus troublant chez lui, c’était qu’il me rappelait un jeune qui, jusqu’à tout récemment encore, fréquentait souvent notre établissement.

Mais après ça…

« Hé, Luka. Qu’est-ce qui ne va pas ? Tu as un visage bizarre. »

C’était Clope, mon mari et le forgeron de cet établissement — notre établissement. Avec son sourire rude habituel, il m’avait appelée de derrière, après avoir finalement quitté son atelier.

En me retournant, je n’avais pas pu m’empêcher de lui dire : « … Tu sais, n’est-ce pas ? Tu sais que c’était… »

Clope avait repris là où mes mots avaient été laissés, car je n’arrivais pas à terminer cette phrase.

« Eh bien… Je ne l’ai pas vu dans la rue ou à la taverne récemment… Je pensais qu’il est allé quelque part, tu sais. On dirait qu’il s’est mis dans une sale situation… »

« Pourquoi ne nous demande-t-il pas de l’aide ? Ne nous fait-il pas confiance ? »

Clope semblait hocher la tête à mes mots — des mots qui s’échappaient des profondeurs de mon cœur, portant une lourde teinte de tristesse.

« Oui, peut-être… Je plaisantais, c’est tout ! Je plaisante. »

J’étais prête à pleurer à ces mots, la réaction était probablement suffisante pour secouer Clope de son humeur rugueuse. Il avait agité les mains de façon quelque peu dramatique, comme pour dissiper l’idée.

J’avais regardé Clope — je voulais son opinion, pas le reste.

« … Tu vois. Peut-être qu’il ne veut pas nous déranger ? Je ne sais pas pourquoi il a cette robe et ce masque, mais… peut-être qu’il a été maudit ou quelque chose comme ça ? Tu sais, ce genre de choses arrive parfois aux aventuriers. »

« S’il est vraiment maudit, les détracteurs de notre établissement viendront certainement ramper hors du bois. Eh bien, les gens comme ça ont toujours été là depuis le début. Ou peut-être qu’il pense qu’on ne le reconnaîtra pas, et qu’on lui dirait de s’en aller parce qu’il est maudit. Peut-être qu’il a juste besoin d’un peu de temps et qu’il nous le dira plus tard… Ou quelque chose comme ça, tu vois ? »

« Qu’est-ce que tu veux dire, “quelque chose comme ça” ? Tu ne lui as rien dit de tel, n’est-ce pas ? »

« … Oui, » répondit rapidement Clope, sentant la pression et la détresse croissantes dans mes mots. « Je ne parle pas aux vauriens, tu sais. Mais c’est comme ça qu’il est, tu vois. Il a toujours été comme ça… C’est probablement bien ainsi. On sait qu’il est vivant, alors pour l’instant, on va le laisser faire ce qu’il veut. Il nous le dira en temps voulu… Il nous a donné assez d’indices sur son identité. Je ne peux pas en être sûr, mais c’est peut-être tout ce qu’il peut faire pour l’instant… Il nous a quand même rendu visite, tu vois. Comme il le faisait avant. »

Les mots de Clope étaient convaincants. Un individu trois fois béni avec un accès libre à la maison de Lorraine —

C’était déjà un gros indice.

C’était indubitable — il nous avait intentionnellement donné cet indice pour nous dire qui il était. Mais même alors… nous n’avions toujours aucune idée de ce qui lui était arrivé exactement. Il semblait qu’il ne pouvait pas en parler librement.

Mais il était venu à nous à la recherche d’une arme — ce qui, en soi, était révélateur de la confiance qu’il avait pour notre établissement… Et nous aussi. J’avais l’impression de mieux comprendre la situation.

« Oui…, je suppose que oui, » déclarai-je, en me tournant vers mon mari alors que je frottais lentement les larmes sortant de mes yeux.

 

***

Chapitre 4 : Le Donjon de la Réflexion de la Lune et des restrictions gênantes

Partie 1

Je me tenais dans un passage particulièrement étroit dans le Donjon de la Réflexion de la Lune, face à deux squelettes qui me bloquaient le passage. Les deux squelettes avaient levé les bras pour me frapper, alors qu’ils se trouvaient maintenant à un seul pas de mon être.

Cependant, mon épée avait indiqué clairement que j’avais d’autres idées en tête, alors qu’elle avait tranché dans les squelettes se trouvant devant moi avant que leurs attaques ne puissent me frapper. À l’instant suivant, les deux squelettes avaient été tailladés sans difficulté en deux parts, se dispersant une fois de plus dans des piles non identifiables d’os sans vie. En me penchant vers l’avant, j’avais fouillé leurs restes, à la recherche de cristaux magiques. Les cristaux étaient petits, de la taille de mon petit doigt. En les plaçant dans la pochette de ma ceinture à outils, j’avais repris mon voyage à travers le Donjon.

Un jour après avoir passé ma commande au harpon à trois dents, j’étais reparti une fois de plus. Pour aller où, demandez-vous ? Il n’y avait pas d’autre endroit possible.

Je devais cartographier la zone inexplorée où j’avais posé les premiers yeux sur le Dragon. Même si la présence du Dragon avait disparu depuis longtemps, je devais au moins inspecter les alentours. Un simple rapport à la guilde ne suffirait pas — ils pourraient même ne pas me croire. J’avais donc décidé d’y aller en personne — telle était mon évaluation de la situation.

Quant à mon arme, Clope m’avait fourni une épée en prêt à la place pour que j’aie quelque chose à utiliser en attendant mon arme sur mesure. Il n’avait même pas voulu me causer du tort en raison de l’attente, m’avait-il dit. L’épée en question, tout en étant capable de canaliser la magie et les arts spirituels, était apparemment incompatible avec la divinité. Mais en prenant tout en considération, c’était une épée de qualité acceptable. En vérité, c’était bien mieux que l’arme que j’avais utilisée jusqu’à présent. De plus, sa compatibilité avec la magie et les arts spirituels m’avait permis d’utiliser librement les techniques pertinentes sans devoir forcer à travers la lame. C’était une grande amélioration de ma qualité de vie en tant qu’aventurier.

Après tout, j’étais une créature — ou peut-être un aventurier — ayant certaines habitudes. Ayant commandé ma nouvelle arme en plus de finir le reste de mes courses, il ne me restait plus qu’une seule chose à faire : explorer le Donjon.

Dans cet état d’esprit, j’avais fait divers préparatifs, j’avais informé adéquatement Lorraine de mon départ, puis j’étais parti pour le Donjon de la Réflexion de la Lune.

***

Partie 2

Cependant — .

« Wôw, tu m’as vraiment sauvé là ! Je n’avais aucune idée que le slime pouvait se déplacer de cette façon… Cela me fait frissonner en pensant à ce qui aurait pu m’arriver ! Arg ! » La personne à côté de moi m’avait déclaré cela, marchant à mes côtés alors qu’elle frappait à plusieurs reprises sa grande main contre mon épaule séchée, mais heureusement revêtue de tissu.

Il semblait être une sorte d’épéiste, et devait avoir une quarantaine d’années. Le mot-clé ici étant qu’il semblait être quelqu’un de cette nature. La façon dont il s’était déplacé dans la bataille précédente était au mieux problématique. Je pouvais dire qu’il n’avait pas du tout le talent pour cela, et qu’il s’entraînait à peine. Je venais de passer par hasard dans un couloir alors qu’il luttait pour vaincre un slime. Ne pouvais-je pas le laisser mourir ainsi ?

Cependant, les aventuriers avaient l’habitude de considérer que l’on était responsable de soi-même lorsqu’on explorait les Donjons. D’autres aventuriers n’étaient pas nécessairement obligés d’aider leurs compatriotes, même si cette personne se trouvait dans une situation de vie ou de mort. En vérité, si un aventurier mourait en explorant un Donjon, son destin ne serait que le résultat de sa faiblesse inhérente et de son manque de stratégie — du moins, c’était l’opinion publique sur de telles choses.

Cela dit, les aventuriers étaient, n’oublions pas, des humains. Tout comme il y avait des humains qui nourrissaient de mauvaises intentions, il y avait également des aventuriers qui voulaient faire le bien, et il n’était pas étrange pour ce dernier groupe de secourir des individus en difficulté. Mais ces décisions devaient être prises rapidement, car de nombreuses vies avaient été perdues au profit d’un sauveteur potentiel trop long à se décider s’ils devaient venir à la rescousse de la malheureuse victime… ou non.

La sagesse de l’aventurier nous avait dicté de concentrer nos efforts sur l’autodéfense et de n’aider les autres que s’ils avaient les moyens de le faire. Telle est, de manière réaliste, le bon choix — les aventuriers devraient chercher à éviter de se placer dans des positions désavantageuses. Par exemple, si l’on se plaçait héroïquement entre un monstre et sa victime, en défendant cette dernière avec sa vie, alors cela serait trop tragique, mais courant, que la victime poignarde son sauveteur dans le dos. Cette victime tuerait alors à la fois le monstre affaibli et leur sauveteur blessé avant de repartir avec le matériel et les biens de ce dernier. Il était regrettable que de tels aventuriers immoraux aient existé sur ces terres.

En outre, il était difficile de recueillir des preuves dans ces cas, principalement en raison du fait que les Donjons semblaient pour une raison inconnue s’autonettoyer. Des morceaux éparpillés de viscères et d’autres parties du corps étaient presque tous absorbés lorsque le monstre suivant réapparaissait à la place de son homologue tué, ne laissant aucune trace de l’horrible destin du monstre précédent.

En tenant compte de ça, il était possible de comprendre pourquoi les aventuriers étaient vus comme étant responsables d’eux-mêmes. Au contraire, ils devaient être constamment méfiants et sur leurs gardes, car il ne s’agissait en aucun cas d’un travail sûr. Mais j’avais fait le choix d’intervenir, tout en étant douloureusement au courant des faits susmentionnés.

Même si je n’avais pas fait face à quelque chose qui me dépassait, je ne viendrais pas non plus à l’aide d’aventuriers ayant des intentions malveillantes évidentes. Toutefois, j’interviendrais dans les cas où aucun de ces facteurs n’était vrai. C’était peut-être à cause de mon alignement relativement positif dans la vie et du fait que c’était probablement la seule façon pour moi de montrer mon humanité que j’agissais ainsi. Après tout, si j’avais laissé quelqu’un mourir de sang-froid sous la forme dans laquelle j’étais actuellement, serais-je différent d’un monstre typique ?

Ne pas offrir de l’aide à une personne qui pourrait perdre la vie, vivre pour ses propres désirs, et garder une existence inhumaine — ces formes de vie étaient ce que les humains appelaient des « monstres ». C’était exactement la raison pour laquelle je ne pouvais pas laisser cet aventurier à son sort funeste.

Mais comme je l’avais déjà mentionné, je ne voyais pas le besoin d’aider chaque aventurier. Dans des cas comme celui-ci, où je pourrais facilement offrir mon aide et ne pas être exposé à un grand danger, suivre mon alignement positif n’entraînerait pas trop de problèmes — c’est pourquoi j’avais fait ce que j’avais fait.

Cela étant dit, j’estimais maintenant qu’il aurait été acceptable pour moi de l’abandonner à son sort. C’était dû au fait qu’il avait décidé de rester à mes côtés au lieu de retourner à la surface où il serait en sécurité. Peut-être était-ce parce qu’il était face à une certaine crainte quant à ma puissance — ou était-ce pour une raison différente ? Bien que je ne pouvais pas deviner exactement ses intentions, je pouvais être sûr d’une chose : cet homme était très ennuyeux.

Je me dirigeais actuellement vers la zone inexplorée où j’avais rencontré le Dragon pour la première fois. S’il continuait à rester avec moi, il se mettrait sûrement en travers de mon chemin, et peut-être même mettrait sa propre vie en danger si le danger pointait le bout de son nez. Pour le dire franchement, je devrais dire quelque chose quant à tout cela, mais au lieu d’agir ainsi, je m’étais trouvé un peu à court de mots — telle était la situation dans laquelle j’étais actuellement.

Je n’essayais pas vraiment de me faire aimer d’autres aventuriers avec ma charité — il n’y avait après tout personne d’autre ici pour assister à un tel acte. Pour empirer les choses, si je lui avais simplement dit de partir parce qu’il m’ennuyait, il ne me prendrait probablement pas au sérieux. Bien que j’avais tenté de le congédier il y a un certain temps, même en utilisant un ton de voix plus fort, il semblait que cela n’avait eu que peu d’effet. J’avais fini par réaliser que les mots seuls ne suffiraient pas pour se débarrasser de cet homme.

« Pourquoi… êtes-vous… en train… de me suivre ? » lui demandai-je.

Décidant que j’en avais assez, j’avais regardé l’homme, posant finalement ma question directe. Après cela, cependant, le bavardage bruyant d’un homme sombre était soudainement devenu un silence atypique.

« … Parce que tu es fort, hein ? » C’était presque comme si les mots lui étaient retirés de force.

Il semblerait que j’avais frappé dans le mile. Ce n’était pas vraiment un comportement digne d’éloges. Il était indéniable qu’un tel choix était possible aux aventuriers du côté le plus faible des rangs, mais je pouvais faire preuve d’empathie dans une certaine mesure.

La plupart des aventuriers choisiraient de le laisser derrière eux. Pour commencer, ce Donjon particulier — le Donjon de la Réflexion de la Lune — avait en son sein des monstres qui étaient principalement orientés vers des aventuriers plutôt faibles. En d’autres termes, il n’avait pas besoin de me suivre pour rester en vie, car la situation était loin d’être aussi désastreuse. En vérité, la faiblesse relative de ce Donjon signifiait que le fait de s’aventurer avec quelqu’un d’autre entraînerait une diminution de ses profits globaux. C’était une chose étrange, en effet.

Comme s’il ressentait mon appréhension, l’homme m’avait donné une explication, quoique sur un ton qui suggérait que sa main était forcée : « J’ai vraiment besoin d’argent. J’ai besoin de trois pièces d’or d’ici la fin de la semaine… Sinon, ils prendront mon magasin et tout ce qu’il contient… ! »

Décidant d’en savoir plus, j’avais fait pression sur l’homme pour obtenir plus de détails. Il semblerait qu’il était propriétaire d’un petit restaurant, mais ce restaurant avait connu des temps difficiles au fil des années. En finissant par s’endetter en empruntant de l’argent à des taux agressifs, l’homme était tombé dans une pauvreté décrépie. Le restaurant serait repris s’il ne payait pas un acompte de trois pièces d’or, ou s’il payait sa dette de 50 pièces d’or avant la fin de la semaine. N’ayant aucune idée sur la façon de gagner rapidement de grandes quantités d’or, l’homme s’était plutôt tourné vers l’aventure, convaincu que cela lui permettrait de gagner ce dont il avait besoin.

Avec si peu de temps à disposition, la méthode était au mieux téméraire. Bien qu’il ne soit pas impossible de gagner ce montant en si peu de temps, ce serait très difficile en effet. Après tout, même des aventuriers beaucoup plus qualifiés prendraient environ cinq jours pour gagner 50 pièces d’or. Cependant, cet homme manquait de telles compétences — et il en était lui-même conscient.

C’est pour ça qu’il était resté avec moi pendant tout ce temps.

« … Si… vous voulez… faire ça, vous devriez… aller à la Nouvelle Lune. Non… Ici. N’est-ce pas ? » lui redemandai-je.

Il y avait un autre Donjon près de la ville de Maalt — un Donjon de très grande taille, communément appelé le Donjon de la Nouvelle Lune. Comparés à la Réflexion de la Lune, de nombreux types de monstres résidaient dans ses salles. Un aventurier qualifié avec un rang plus élevé que moi, qui était de classe Bronze, serait probablement en mesure d’y faire de tels gains. Si, par exemple, un aventurier expérimenté de la classe Argent avait fait des efforts dans la Nouvelle Lune, 50 pièces d’or n’étaient pas aussi irréalistes qu’il y paraissait.

Peu importait si je lui permettais de me suivre, ou s’il me suivait de son propre gré — les deux posaient des problèmes notables. Si nous rencontrions un monstre plus fort, il pourrait perdre la vie en une fraction de seconde, parce qu’il n’était pas très compétent.

En gardant cela à l’esprit, j’en étais venu à la conclusion que cet homme ne prenait pas exactement les meilleures décisions, car les probabilités étaient très élevées contre lui. C’était avec une certaine inquiétude que j’avais fait part de mes observations à l’homme.

« J’ai dit que je le ferais, vous savez… que je gagnerais tout cet argent. Je n’arrive pas à croire que je vais devoir rentrer les mains vides…, » déclara-t-il.

Il semblerait que toute la force et les fanfaronnades avaient disparu dans ses paroles. Il fallait peut-être s’y attendre. Après tout, un compagnon non qualifié n’était rien de plus qu’un obstacle dans un endroit aussi impitoyable qu’un Donjon. Même s’ils devaient être chargés de transporter des objets et de l’équipement, ils devraient au moins avoir la capacité de s’échapper et de remonter à la surface en cas d’urgence. En tant que tel, cet homme, qui ne pouvait même pas s’échapper d’un slime, n’était guère adapté à l’aventure.

Moi aussi, j’avais porté un tel jugement sur lui : il ne m’était d’aucune utilité.

« … Je suis… désolé, mais… je suis… occupé. Je n’… ai pas le temps… pour jouer… avec… vous, » déclarai-je.

Bien que je l’aurais gardé si j’en avais eu la capacité, j’avais actuellement déjà eu assez de problèmes de mon propre côté. Bien que je sois beaucoup plus fort que je ne l’étais dans la vie, je n’étais probablement encore que dans les régions de la classe Bronze supérieur en termes de force et de capacité. Alors, de m’attendre à gagner 50 pièces d’or dans cet état — .

C’était impossible.

Alors que les aventuriers recevaient une somme considérable pour leurs récompenses, ladite somme étant proportionnelle à leur rang. Ainsi, les aventuriers de rang inférieur ne recevaient pas vraiment des montants extravagants. À moins qu’une circonstance spéciale ou une aubaine ne se produise, les aventuriers de rang inférieur ne pouvaient même pas commencer à espérer mettre de côté ce montant de pièces d’or.

Quant aux circonstances particulières…

Maintenant que j’y pense, j’avais en fait quelque chose en tête — en vérité, c’était en premier lieu, la raison pour laquelle j’étais ici.

Je ne parlais pas du fait que j’étais devenu un mort-vivant. Peut-être qu’une personne serait prête à payer 50 pièces d’or pour me dénoncer à la guilde, mais cela me causerait toutes sortes d’ennuis. La circonstance spéciale en question n’était pas que je devenais un mort-vivant, mais le lieu où je l’étais devenu.

Oui, j’avais découvert une zone inexplorée du Donjon.

Il s’agissait d’une information précieuse, et la guilde paierait sûrement une grande somme d’argent à tous ceux qui l’auraient fournie. Mais il n’y avait aucune garantie que cette grande somme serait de 50 pièces d’or. Cependant, je suppose que le fait d’avoir une attente positive en tête n’était pas exactement une mauvaise chose. Franchement, j’aurais bien mieux fait de le signaler moi-même, mais cela s’avérerait très difficile étant donné ma forme physique actuelle.

Et disons-le franchement, j’avais dû compter sur quelqu’un d’autre pour fournir cette information — bien sûr, à l’origine, j’avais l’intention de demander de l’aide à Lorraine dans les deux cas. Il n’y aurait probablement pas de mal à demander de l’aide à cet homme.

Cependant, dans ce cas, la découverte de la section inexplorée serait attribuée à cet homme. S’il s’avérait que j’étais au courant plus tôt, mais que je n’avais pas rapporté cette information à la guilde, il y aurait sûrement beaucoup de questions auxquelles je devrais répondre. J’avais déjà assez d’ennuis comme ça, donc attirer plus d’ennuis était la dernière chose que je voulais faire. De plus, une personne d’apparence normale fournissant cette information serait probablement plus facilement crue par la guilde — après tout, j’avais l’air quelque peu suspicieux.

Peut-être que ce n’était pas une si mauvaise chose, étant donné que c’était au bénéfice des aventuriers qui tomberaient éventuellement au hasard sur ce secteur inexploré. Bien que mon incapacité à recevoir une récompense soit dommage, je gagnerais probablement 50 pièces d’or sur une période raisonnable. Bien sûr, cela m’avait été impossible quand j’étais en vie, mais dans ma forme actuelle, cela ne me semblait plus impossible.

Il s’agissait de la conclusion à laquelle j’étais arrivé.

C’est pourquoi j’avais trouvé acceptable de renoncer aux richesses se trouvant devant moi — c’était pour le mieux que je faisais ça.

Avec cette conclusion en tête, je m’étais tourné vers l’homme déprimé, l’informant de la bonne nouvelle. « J’ai… réfléchi… et vous devez… venir avec moi. Après tout, vous… pouvez… porter mon… stock. N’est-ce pas ? »

« Eh… ? » L’homme, considérablement surpris, s’était rapidement mis à me suivre.

« H-hey ! Attendez ! Êtes-vous sûr ? Puis-je vous suivre ? » me demanda-t-il.

« O... Oui, » répondis-je.

L’homme affichait une expression d’incrédulité — peut-être qu’il ne pensait pas qu’il était possible que je permette une telle chose.

Bien qu’il semble avoir été poussé à mendier par nécessité, il semblerait qu’il n’était pas une mauvaise personne au fond de son cœur. Bien sûr, il pourrait mentir et tout cela pourrait être une sorte de stratagème, mais je traverserais ce pont quand j’y arriverais. Mais cela étant dit, je ne le faisais pas exactement par bonté d’âme — c’était encore une autre action que j’entreprenais comme preuve de mon humanité.

Quant à savoir pourquoi c’était nécessaire… Depuis que je suis devenu une goule, je m’étais trouvé de temps en temps rempli d’un profond malaise. Je n’étais pas sûr de la façon de la décrire — c’était peut-être un sentiment étrange venant de temps en temps. C’est pourquoi j’avais décidé d’aider autant de personnes que possible. Peut-être qu’alors je n’oublierais pas qui j’étais vraiment.

Si je perdais mon humanité, tout s’arrêterait à ce moment-là. Je ne pouvais pas accepter cela — je ne pouvais pas du tout l’accepter.

Avec ces pensées en tête, j’étais parti pour l’endroit où j’avais rencontré le Dragon pour la dernière fois. Derrière moi suivait de près mon nouveau porte-bagages, avec un regard d’appréhension sur son visage. Dans le passé, est-ce que j’avais aussi une expression similaire sur la mienne ?

Pour une raison ou une autre, ces souvenirs me semblaient maintenant très loin — je ne pouvais pas m’en souvenir même si j’essayais de le faire. En y repensant, peu de temps s’était écoulé, et pourtant j’oubliais tant de choses.

Mais c’était un sentiment que je connaissais encore — celui d’un désastre imminent.

***

Partie 3

« Hey… Est-ce une impasse, non ? » demanda l’homme, vérifiant sa carte au fur et à mesure que nous avancions.

La carte qu’il portait était, bien sûr, une version couramment publiée et vendue dans la ville de Maalt. Le prix des cartes des Donjons variait considérablement, de sorte que, selon divers facteurs, une carte pouvait coûter une petite fortune. Par exemple, des facteurs tels que la difficulté globale du Donjon et le nombre d’étages qu’il contenait pourraient facilement avoir un impact sur sa valeur. De plus, les cartes qui incluaient des informations sur les caractéristiques spécifiques d’un Donjon, en plus des détails sur les monstres qui vivaient dans certaines régions, venaient souvent avec un prix important.

Certaines cartes pouvaient être encore plus détaillées, avec des emplacements de réapparition des monstres clairement indiqués, y compris des conseils et d’autres informations précieuses de la part d’aventuriers qui s’étaient rendus dans ces régions. L’extrémité extrême des possibilités inclurait des cartes faites par des cartographes et d’autres spécialistes, qui avaient publié des cartes de plus en plus détaillées pour surpasser la concurrence. Cependant, au-delà d’un certain point, les détails excessifs devenaient quelque peu insignifiants. Dans l’ensemble, plus une carte était détaillée, plus son prix était élevé. Une telle carte serait, sans aucun doute, très utile.

Cela étant dit, la carte que l’homme tenait actuellement était un produit standard, en vente libre. Bien qu’elle contenait des détails sur les étages qui avaient déjà été franchis, il contenait peu voir pas du tout d’informations sur d’autres points importants. En d’autres termes, ce n’était qu’une carte simple sans beaucoup de détail.

Pour cette raison, il semblerait que la carte qu’il tenait en main avait déclaré que ma direction actuelle était une impasse. Bien sûr, même moi, je le savais, ne serait-ce que parce que je tenais moi-même la même carte.

Il y avait cependant des différences entre les deux cartes — plus précisément, la mienne était remplie de notes et de marquages de toutes sortes. Je pouvais même aller vers une personne et dire que ma carte avait muté en quelque chose d’autre. Après tout, ma dernière décennie d’expérience n’était pas simplement pour le spectacle. Au contraire, j’avais probablement la carte la plus détaillée du Reflet de la Lune dans toute la ville de Maalt. Bien que je puisse probablement vendre la carte pour une jolie somme d’argent, j’avais l’intention de monopoliser cette information — je n’étais pas sur le point de l’enseigner à n’importe qui —, et encore moins à tout le monde.

C’était sur cette carte que j’avais marqué un nouveau passage, jusque-là inconnu, il y a quelques jours à peine. Bien sûr, il s’agissait de la zone dans laquelle le Dragon était apparu.

« … Viens… suis-moi… par ici, » déclarai-je.

Bien que l’homme ne semblait pas du tout convaincu, il n’avait pas d’autre choix que de le faire venir. Alors que je lui avais demandé de le faire, il céda finalement, puis il me suivit.

Il était devenu évident pour moi en marchant avec lui que cet homme avait peu de prouesses au combat. Bien qu’il soit équipé d’une épée longue qui pouvait sans doute faire du bon travail, l’homme lui-même ne semblait pas avoir les compétences pour l’utiliser. Si quelque chose arrivait, le fait de le garder à mes côtés dans cette situation serait extrêmement dangereux — mais il semblerait que l’homme n’avait pas non plus un bon sens du danger.

Sans dire grand-chose d’autre à l’homme, je m’étais retourné, continuant à avancer dans les couloirs de la Réflexion de la Lune.

***

Partie 4

« … Q-Qu’est-ce que c’est ? Quoi ? Mais ce n’est pas sur la carte ! »

Évidemment abasourdi, c’était ce que l’homme parvenait à bégayer lorsque nous étions arrivés de l’autre côté du couloir.

Je savais déjà ce que l’homme avait à dire — Je pouvais le dire, car j’avais ressenti la même chose lorsque j’avais découvert l’endroit pour la première fois. En vérité, j’avais été totalement submergé par les sentiments liés à la découverte, et j’avais alors simplement marché droit dans le lieu, ignorant les dangers qui l’attendaient.

En effet, c’était une chose très dangereuse et insensée à faire. Dans des circonstances normales, on se retirerait jusqu’à Maalt et on chercherait un partenaire adéquat avant de continuer à explorer cette zone inconnue.

Bien que je sois un aventurier chevronné, j’avais une excuse pour expliquer pourquoi j’avais agi différemment : si je n’avais pas dressé une carte de la région après ma découverte, il y avait une chance qu’un autre aventurier puisse présenter un rapport avant moi. C’était la raison pour laquelle j’avais paniqué et j’avais à l’époque marché profondément dans le secteur inexploré.

En y repensant, j’avais réalisé que peu d’individus, s’il y en avait, visiteraient pour commencer cet endroit précis, puisqu’il s’agissait d’une impasse. En réalité, j’étais arrivé à cet endroit alors que j’étais en train de chasser des monstres, alors peut-être que ce n’était pas trop difficile à dire que personne ne visiterait cet endroit sur la carte.

En plus, j’avais l’habitude de m’aventurer seul.

En d’autres termes, je n’avais personne pour m’accompagner dans cette nouvelle découverte. Lorraine était une option, bien sûr, mais elle était d’abord et avant tout une érudite. Je lui avais enseigné les bases (et beaucoup plus) de l’aventure, de sorte que, combinée avec ses compétences en magie, elle était plus que capable en tant qu’aventurière de classe Argent. Cependant, son expérience réelle sur le terrain dans le domaine de l’aventure était encore relativement faible. C’était peut-être approprié pour un érudit, car Lorraine me laissait le soin de rassembler les ingrédients et les autres tâches.

Ces derniers temps, il semblerait que la recherche de Lorraine soit entrée dans une nouvelle étape intense, où elle devenait de plus en plus occupée. Elle était devenue si occupée qu’elle n’avait presque jamais demandé mes services. Le dernier facteur dans tout cela était très probablement dû à une mauvaise décision de ma part — j’avais, j’en étais sûr, supposé qu’il serait impossible pour un grand monstre d’exister à la fin d’un passage de taille relativement normale. C’est pourquoi j’étais entré seul.

Les monstres forts et leurs semblables dégageaient généralement une grande aura, si l’on se concentrait, on pouvait facilement la détecter. Bien que les monstres de haut niveau et d’autres semblables puissent cacher leur aura, la Réflexion de la Lune n’était pas en vérité connue pour les monstres plus forts. Même si un monstre spécial m’attendait, j’étais persuadé que j’aurais la capacité de faire quelque chose. Bien sûr, par là, je ne voulais pas dire que cela consistait à m’engager dans le combat, mais plutôt préparer un plan et une voie d’évasion.

Mais pour le dire franchement, je ne savais pas à quoi m’attendre. J’agissais simplement en supposant que la probabilité qu’un monstre aussi puissant apparaisse dans la Réflexion de la Lune, relativement plus indulgente, était quelque peu faible. On pouvait difficilement être considéré comme un aventurier de bonne qualité si l’on restait constamment inquiet face à l’inconnu. Mais pour être honnête, je n’y avais pas vraiment réfléchi à l’époque, ce qui m’avait conduit à ma rencontre avec le Dragon.

En y repensant, il n’y avait peut-être pas grand-chose que j’aurais pu faire. En plus du fait que le Dragon ne dégageait aucune aura, mon corps avait refusé de bouger lorsque j’avais tenté de courir. Ce n’était pas exactement un adversaire qui pouvait être battu par le nombre ou une simple stratégie — même si j’étais un peu prudent, j’avais rencontré cet adversaire, et c’était la fin.

Le fait de réfléchir sur le passé ne m’avait pas servi à grand-chose — car je n’avais tout simplement pas de bonnes informations avec lesquelles travailler à l’époque.

J’avais tourné mon attention vers le présent, vers mon incursion actuelle de vouloir retourner au même endroit, mais je n’avais pas l’impression que quelque chose clochait ici. Je ne pouvais pas sentir la présence du Dragon sous aucune forme que ce soit.

Bien qu’il puisse facilement apparaître soudainement comme par le passé, il n’y avait rien que je puisse faire contre une telle possibilité. Après tout, une partie de la vie d’aventurier était d’apprendre à prendre des risques. Si quelque chose comme ça arrivait vraiment, je pourrais utiliser l’homme derrière moi comme appât et m’échapper. Ce serait extrêmement immoral, oui, mais ma main serait forcée dans une telle situation.

En y pensant logiquement, si le Dragon avait deux cibles, l’une d’elles pourrait s’en sortir vivante. Même si l’homme en question recevait l’argent dont il avait besoin si nous réussissions notre expédition, il avait fait tout ce chemin sans rien savoir des risques encourus. J’avais essayé de me convaincre que c’était acceptable, mais je n’y étais pas parvenu. C’était une chose terrible à faire. Mais il n’y avait plus grand-chose à faire.

« … Laissez-moi… marcher… en avant, » déclarai-je.

Dans tous les cas, l’homme ne s’était pas précipité tout seul. S’il restait derrière moi, ses chances de survie augmenteraient un peu. Si un Dragon était apparu devant lui comme il l’avait fait lors de ma précédente exploration du secteur, tout serait terminé. Si je marchais devant lui, il aurait probablement une certaine distance pour agir.

J’avançais le long du chemin, progressant à un rythme trop prudent et lent. Le passage n’était pas très différent de ceux que nous parcourions pendant tout ce temps. Il semblait être peuplé de squelettes, de gobelins et de slimes — ce qui ne m’avait pas causé beaucoup de problèmes.

Bien que l’homme ait essayé de m’aider au combat, il était clair qu’il n’avait aucune compétence dans ce domaine. Je suppose que les individus pouvaient vraiment prendre des décisions impulsives par curiosité ou par nécessité. Peut-être, qu’il aurait pu s’entraîner à devenir un aventurier suffisamment compétent au fil du temps, mais le temps disponible de cet homme n’était que quelques jours. Même moi, je n’aurais pas pu l’entraîner en si peu de temps. L’homme devrait renoncer à l’aventure — et cela réglerait le problème.

Cependant, avec son manque de compétence choquant, la guilde ne serait probablement pas prête à croire qu’il avait découvert et cartographié un secteur inconnu. Ainsi, j’avais décidé de lui transmettre quelques compétences de base, ainsi que des connaissances pour fuir aux monstres. S’il en savait autant, la possibilité qu’il atteigne cette zone ne serait pas trop exagérée, ce serait au moins quelque peu possible. Et si l’on regarde bien, il s’agissait d’un étage accessible d’un Donjon relativement facile.

En continuant à avancer sur le chemin, nous l’avions enfin atteint — un espace dégagé, caverneux, s’étendant au-delà de l’extrémité du passage.

L’endroit où j’avais rencontré le Dragon, et l’endroit même où je m’étais transformé en squelette.

***

Partie 5

« Une… impasse ? Franchement ? »

S’éloignant de mon déplacement lent, mais prudent, l’homme m’avait laissé derrière lui, marchant au milieu de la caverne fraîchement découvert. Après avoir regardé autour de lui alors qu’il se trouvait au milieu de la pièce, c’était apparemment tout ce que l’homme avait à dire.

Mais c’était comme il l’avait dit : la caverne semblait vraiment être une sorte d’impasse. C’était une découverte décevante s’il n’y avait rien d’autre — de penser qu’après tout ce temps, ce secteur jusqu’alors inconnu n’avait rien d’autre à révélé de mystérieux qu’une pièce vide.

Peut-être que c’était typique pour un être humain d’avoir l’impression qu’il devrait y avoir quelque chose au bout du tunnel — peut-être un trésor en quelque sorte, ou même un monstre. Cependant, à bien des égards, on pouvait supposer sans risque de se tromper que ce qui avait été ici à un moment donné dans le passé avait disparu.

Fondamentalement, ce ne serait rien d’autre que le Dragon que j’avais rencontré.

Si tel était le cas, tout ce qui restait ici ne serait certainement rien d’autre qu’un grand espace vide. C’était un peu… triste.

L’homme avait parcouru la pièce, comme pour vérifier un détail oublié ou quelque chose du genre. Et comme si c’était le moment tant attendu, sa voix avait rapidement traversé la salle.

« … Hé ! Il y a un vide ici ! » dit l’homme, avec une vigueur retrouvée.

Décidant de vérifier sa découverte, j’avais marché vers l’avant, m’arrêtant pour aller inspecter ledit trou. Bien sûr, il y avait un trou, en plus d’une petite, mais constante brise qui sortait régulièrement de la crevasse sombre. Il semblait que sa découverte était bonne, car quelque chose semblait se trouver au-delà de ce trou dans le mur.

En gardant cela à l’esprit, j’avais posé mes mains sur les murs froids et humides, à la recherche de tout mécanisme suspect. Il ne m’avait pas fallu longtemps pour trouver quelque chose qui correspondait exactement à cette description — une sorte de dépression sur laquelle j’avais immédiatement appuyé. Avec un clic audible, une partie du mur avait lentement glissé vers le haut, exposant un nouveau chemin.

« Un… passage… secret, » déclarai-je.

« Oh… oui, on dirait. Vraiment, pourtant ? Wôw… Si vous signalez ce chemin inexploré et ce passage caché à la guilde… Ne seriez-vous pas récompensé assez généreusement ? » demanda l’homme.

La possibilité était indéniable. Pensant que j’avais résolu les problèmes d’endettement de l’homme, je m’étais tourné vers lui et je l’avais trouvé en train de secouer nerveusement la tête.

« Non, non ! Bien sûr, je comprends que vous l’avez trouvé en premier ! Je ne fais que vous suivre, et après tout, je ne peux pas combattre de monstres. Je ne dirai rien, pas un mot du tout, sur la façon dont nous l’avons trouvé ensemble…, » tout en secouant la tête, l’homme poursuivit son monologue d’autodépréciation.

J’avais supposé que l’homme demanderait au moins une petite part des bénéfices, ayant fait tout ce chemin avec moi. C’était donc quelque peu inattendu pour lui de dire cela. Bien qu’une grosse somme d’or me serait en effet utile, je ne pouvais pas exactement la dépenser où je voulais, surtout étant donné mon apparence actuelle. Mais ce ne serait pas une mauvaise chose si je gagnais simplement une grosse somme, ici et maintenant, en la dépensant lentement au fur et à mesure que les jours passaient.

Peut-être que j’étais un peu trop charitable, mais encore une fois, il m’était impossible de rapporter mes découvertes à la guilde.

« Je… n’avoir… aucun… intérêt… pour la… récompense. Mieux… Pour. Vous à… prenez-la. Récompense. Plus… C’est important, » déclarai-je.

Le chemin s’étirait devant nous, menant à l’obscurité. Je m’étais senti plus attiré par ce qui se trouvait au-delà de cette porte cachée, et j’avais mis le pied vers l’avant, ne m’arrêtant pas une seconde pour entendre la réponse de l’homme face à ma déclaration.

***

Partie 6

Les couloirs au-delà de la porte cachée ne différaient pas beaucoup du paysage typique du Reflet de la Lune.

Même si la force de ses habitants monstrueux augmentait, ils étaient à peine dignes de mention, étant des sous-espèces de slime et autres. Plus précisément, on les appelait Slimes Poisons. De plus, certains squelettes-soldats se promenaient, leurs appendices osseux équipés d’épées bon marché et d’équipements abîmés. Bien que je ne sois pas à un niveau où je pouvais les ignorer complètement, c’était des adversaires que je pouvais combattre et vaincre en toute sécurité, car ils n’étaient en aucun cas difficiles.

Ce passage s’était rapidement avéré plus court que le précédent, et nous nous étions rapidement retrouvés dans un autre espace dégagé. Quelque peu préoccupé par la réapparition du Dragon, j’avançais lentement et prudemment, mais apparemment mon inquiétude n’était pas très grande.

La pièce, bien qu’elle ne soit pas exactement vide, ne semblait pas contenir quoi que ce soit dans ses profondeurs — à l’exception d’une seule chose. Au milieu de la chambre se trouvait ce qui semblait être une sorte de cercle magique, composé de lignes et de formes diverses gravées dans le sol. C’était encore une autre apparition rare —, mais quand même assez courante pour que les aventuriers connaissent leur existence.

Ces cercles magiques fonctionnaient généralement comme des dispositifs de téléportation, et ils se trouvaient généralement dans les zones les plus profondes d’un Donjon. Un groupe serait généralement incapable de progresser à moins qu’il ne trouve un moyen d’utiliser le cercle magique. S’il y avait une possibilité que le cercle magique, ici aussi, fût un tel dispositif, c’était la première fois que j’en voyais un en personne.

L’homme, en entrant dans l’espace dégagé, avait tendu son cou, regardant tout autour de la pièce une fois de plus.

« … Est-ce ainsi ? Il n’y a rien ici aussi. Y a-t-il un autre chemin caché quelque part ? » demanda-t-il.

L’homme semblait avoir complètement échoué à remarquer l’existence du cercle magique au milieu de la chambre.

« … Ça… ? »

Alors que je regardais le cercle pour lui donner un indice, l’homme m’avait regardé qu’avec une expression perplexe, réduisant à néant mon indice. Comme s’il ne comprenait pas mon inquiétude, l’homme avait simplement secoué la tête, continuant à se tenir là où il était.

« … S’est-il passé quelque chose ? » C’était apparemment tout ce qu’il avait à dire.

À en juger par ses paroles, il semblerait que l’homme était incapable de percevoir le cercle. Je ne savais pas comment le mettre en mots — s’agissait-il d’un cercle magique que j’étais le seul à pouvoir voir ? Si cet homme ne pouvait pas le voir, qu’en est-il des autres aventuriers ?

Mais bien sûr, je n’avais aucun moyen de le savoir. Il serait peut-être trop imprudent de sauter dans le cercle magique sans savoir ce qu’il faisait.

En pensant ainsi, j’avais levé la tête pour voir l’homme s’approcher de moi, comme pour discuter d’un sujet ou d’un autre. Avant que je puisse l’arrêter, l’homme avait placé un seul pied dans les bords extérieurs du cercle, s’engageant dans le dispositif dont j’essayais de le mettre en garde.

« Ah… »

Dans la seconde qui avait suivi, l’homme fut enveloppé d’une lumière vive, avant de disparaître rapidement dans l’air.

J’avais été immédiatement rempli d’un profond sentiment de regret. J’aurais probablement dû marcher sur le cercle avant lui, ou du moins l’avertir de son existence. Hélas, il n’y avait pas grand-chose à faire maintenant.

Je devrais plutôt penser à la prochaine étape —

Que dois-je faire ? pensai-je.

Mais il y avait une lueur d’espoir — avec la disparition de l’homme, j’avais compris que le cercle magique était une sorte de dispositif de téléportation. Il n’avait probablement pas été blessé, il avait été transporté dans une autre partie du Donjon.

Les cercles de téléportation — étaient des cercles magiques qui avaient été créés dans le but de se déplacer dans un Donjon. C’était vraiment un type spécial de magie. Par exemple, il n’était pas rare de trouver des cercles aux cinquième et dixième étages d’un grand Donjon composé de dizaines d’étages. Malheureusement, ces cercles n’avaient pas pu être créés par les mains de l’homme.

Des érudits et autres avaient tenté de recréer des cercles magiques sans résultat notable — les cercles n’avaient tout simplement pas fonctionné. La recherche avait révélé que la composition et l’écriture utilisées dans ces cercles étaient complètement différentes de celles utilisées par les humains, de sorte qu’il était apparemment difficile d’obtenir d’eux des informations utiles. Alors que de nombreux chercheurs avaient essayé de reproduire ce genre de cercle magique, ils n’avaient pas réussi jusqu’à présent — et c’est ainsi que la situation était.

En d’autres termes, ces cercles magiques étaient une particularité des Donjons. Comme je n’étais pas un professionnel de quelque sorte que ce soit, je ne pouvais pas exactement faire des recherches pour découvrir où cela me déplacerait.

Je n’avais qu’une seule option : entrer dans le cercle et voir où cela me mènerait.

J’avais deux choix à l’origine — je pouvais simplement suivre l’homme, ou j’abandonne et je retourne à Maalt. D’un point de vue prudent, abandonner et retourner en ville serait l’option la plus correcte. Après tout, si le cercle magique m’avait emmené dans un endroit lointain sans aucun moyen de retour, ce serait vraiment la situation désespérée.

— Mais je ne pouvais pas le laisser mourir.

C’était ma faute en premier lieu pour ne pas l’avoir averti qu’il y avait un cercle magique, même s’il ne pouvait pas le percevoir, j’aurais pu le faire. Le laisser à son sort actuel laisserait un mauvais goût dans ma bouche. De plus, il n’y avait pas nécessairement aucun moyen de revenir d’au-delà du cercle magique.

En pensant à l’information que j’avais glanée sur ces cercles, je m’étais souvenu qu’ils venaient habituellement par paires, principalement pour permettre le franchissement dans les deux sens. Cependant, mon malheureux compagnon n’avait pas une telle connaissance. C’était une hypothèse logique compte tenu du fait qu’il ne savait pratiquement rien sur l’aventure.

Il serait stupide de penser qu’il savait comment fonctionnent les cercles magiques, ou même ce que c’était. En plus de cela, le cercle était invisible pour lui — avec tous ces facteurs à l’esprit, j’avais conclu que je ne pouvais pas m’attendre à ce que l’homme traverse simplement l’autre cercle et revienne vers moi.

« … Putain… C’est…, » Plus j’y réfléchissais, plus je devenais agité.

Je devais me décider d’une façon ou d’une autre. Je ne pourrais pas dormir la nuit, sachant que je l’avais abandonné pour mourir dans les profondeurs d’un Donjon.

M’approchant lentement du cercle magique, j’avais regardé ses lignes pulsantes doucement pendant un court instant avant de finalement entrer dans la zone. Comme prévu, une lumière brillante s’éleva des profondeurs du cercle, enveloppant tout mon corps et me privant de ma vision. Certes, j’allais maintenant être transféré vers un endroit inconnu — telle était l’impression que j’avais des cercles magiques en général.

Bien que je sois entré dans le cercle de mon plein gré, je restais un peu inquiet. Mais maintenant que j’étais dans le cercle, je ne pouvais plus faire demi-tour. Si je sortais du cercle pendant le processus, quelque chose de terrible pourrait arriver, et je n’avais pas hâte de savoir si mon corps serait déchiré en deux. C’est pourquoi j’avais prié pour que le cercle me dépose en lieu sûr.

À ce stade, c’était tout ce que je pouvais faire.

***

Partie 7

Il semblerait que mes attentes et mes espoirs pour un endroit sûr avaient été très rapidement trahis. La raison pour laquelle j’avais dit cela se trouvait juste en face de moi — le paysage qui se trouvait devant mes yeux lorsque le mur de lumière s’était lentement retiré.

Il s’agissait d’un endroit avec un haut plafond de pierre, évidemment fait de pierre taillée. C’était un grand espace dégagé, mais probablement encore une partie du Donjon. Je l’avais supposé en regardant la vue qui se trouvait devant moi. Les murs mêmes de la pièce semblaient absorber instantanément toute sorte de sorts magiques qui leur étaient jetés.

Le secteur inexploré de la Réflexion de la Lune se poursuit-il encore plus profondément au-delà de ce point ? me demandai-je.

J’aurais aimé continuer à y réfléchir, mais je n’avais pas cette option, car il y avait une question beaucoup plus pressante sous mes yeux.

Devant moi se trouvait ce qui semblait être un monstre aux proportions gigantesques, assez grandes pour presque toucher le plafond. À ses pieds se trouvait la silhouette couchée d’un homme — pour être précis, c’était le même homme qui avait été avec moi plus tôt. Je pouvais le voir d’après sa coiffure et son équipement.

Bien que je sois quelque peu loin, il était probablement certain de supposer qu’il avait été attaqué de front par le monstre et qu’il était maintenant étalé sur le sol froid du Donjon. Ses mains et ses pieds semblaient bouger légèrement, il était donc encore vivant.

Je devais l’aider. Cependant, un grand obstacle se dressait entre moi et mon compagnon — le monstre en question.

C’était une grande créature, mais quelque peu familière, du moins pour moi. Une abomination faite d’os, vivant dans une poche éternelle de temps mort, avec une vie tout aussi éternelle qui faisait étalage des lois divines de la terre —

Ce n’était rien d’autre qu’un squelette. Plus précisément, il s’agissait d’un squelette géant, un squelette qui devançait ses petits compatriotes en matière de puissance. Ses éclats de rire résonnaient de façon menaçante dans toute la chambre, accompagnés de tremblements de terre alors qu’il faisait avancer les pieds. On pouvait difficilement penser qu’il n’était fait que d’os, car il secouait le sol sur lequel il marchait.

On s’échappait habituellement après avoir vu une telle chose dans le Donjon. Un squelette géant n’était pas seulement une variante plus grande du squelette commun. Bien qu’il soit fait d’os, il avait absorbé la puissance d’un géant à un moment de sa vie, et il était au moins deux à trois fois plus fort que ses frères communs. Pour empirer les choses, sa force physique avait été proportionnellement augmentée, et l’un d’eux serait sûrement envoyé en vol avec un seul coup.

Est-ce que je devrai me battre contre… ça ? me demandai-je.

Même si j’étais devenu un peu plus fort que je ne l’étais dans la vie, m’attaquer à un ennemi de ce niveau serait un acte de folie.

Et pourtant, cela étant dit, rien ne pouvait changer le fait que l’homme effondré était encore aux pieds du squelette géant. Si je ne voulais pas laisser l’homme mourir, je n’avais pas d’autre choix.

Mais surtout, il y avait un problème encore plus important : il n’y avait pas de sorties visibles de cette chambre caverneuse. J’étais familier avec un tel espace, qu’on appelle familièrement une « salle de boss ».

Le principe de la pièce était simple : toutes les sorties étaient fermées. Cela resterait vrai jusqu’à ce que l’aventurier en question ait vaincu le maître de la pièce. L’existence de telles salles était un fait bien connu de la plupart des aventuriers. Mais cette pièce n’était pas du tout un phénomène courant.

Pour commencer, la plupart des salles de boss permettaient une certaine forme de retraite, et elles n’allaient pas immédiatement sceller leurs entrées dès que les aventuriers étaient entrés dans leurs limites. Si tel n’était pas le cas, le taux de mortalité des aventuriers monterait en flèche, de même qu’une diminution inévitable du nombre de ceux qui chercheraient à devenir aventuriers. La capacité de se retirer d’une situation était une capacité importante en soi. Les aventuriers devaient aiguiser lentement leurs capacités, avançant à leur propre rythme, car cela ne servait à personne s’ils se précipitaient vers leur mort.

Cependant, les pièces à scellement automatique représentaient le niveau suivant dans la myriade de défis auquel les aventuriers avaient dû faire face. En fait, la rumeur disait que les chambres de boss dans les secteurs inexplorés d’un Donjon étaient toutes autoscellantes par nature. D’autres rumeurs avaient également parlé de l’augmentation de la fréquence de ces pièces après le quarantième étage d’un Donjon.

En termes simples, les pièces de boss autoscellants comme celle ici, représentaient l’un des défis les plus audacieux pour les aventuriers. Il faudrait se tenir au-dessus de tous leurs pairs, qu’ils soient débutants, vétérans ou aventuriers experts, en plus de nettoyer au moins quarante étages de Donjons, avant d’espérer avoir une chance d’être dans une telle pièce.

Cela étant dit, j’avais pris conscience du fait que je me trouvais au milieu de l’une de ces pièces — je n’avais pas d’autre choix que de faire ce qui devait être fait.

Renforçant ma détermination et dégainant mon épée, j’avais lentement avancé sur le squelette géant. La chance semblait être de mon côté, car mon apparence avait apparemment détourné l’attention du squelette de sa victime précédente. Le malheureux, presque inconscient, ne semblait plus piquer l’intérêt du squelette. Je devais y mettre fin rapidement et soigner ses blessures.

Avec cette pensée en tête, j’avais frappé mon pied sur le sol, me précipitant vers le monstre géant. Avec une brusque accélération que j’avais à peine expérimentée dans la vie, je m’étais propulsé vers l’avant, atteignant presque immédiatement les pieds du squelette géant. En levant mon épée, j’avais fait tomber sa lame sur le monstre sans la moindre hésitation.

Cependant — .

Clonk !

Alors qu’elle produisait un son désagréable, la lame avait rebondi sur le monstre, laissant à peine une marque. Et contre toute attente, les grandes mains du squelette s’étaient déplacées vers le bas dans une frappe menaçante.

 

 

Paniquant, j’avais immédiatement battu en retraite, esquivant la contre-attaque du monstre — tout en n’oubliant pas de saisir le corps de mon compagnon au sol, puis plaçant une certaine distance entre lui et le squelette. Je ne pouvais pas le laisser là jusqu’à la fin du combat, il serait certainement piétiné à un moment donné, et ce serait la fin pour lui.

Cependant, il y avait une lueur d’espoir dans toute cette affaire — alors que le squelette géant excellait en puissance destructrice, il n’était pas à la hauteur de ma vitesse. Bien que je ne connaissais pas grand-chose de ses capacités, du fait que c’était la première fois que j’étais confronté à un tel monstre, j’avais ressenti une lueur d’espoir.

Avec cet espoir en tête, j’avais laissé l’homme dans un coin de la pièce avant de me précipiter pour affronter à nouveau le squelette géant.

Ma vitesse était suffisante pour la tâche — le problème principal auquel j’étais actuellement confronté était en vérité celui de pouvoir endommager le monstre, étant donné la solidité de ses os.

Le coup d’avant, infusé d’une assez bonne quantité de mon art de l’esprit, était l’équivalent de mon attaque spirituelle la plus forte possible. Le fait qu’il ait continué à se tenir debout, en plus de ne même pas reculer devant mon attaque, avait fait en sorte que la victoire semblait être une perspective improbable.

Dans des circonstances normales, ce serait certainement la fin. Même si j’étais un peu plus rapide que mon adversaire, on perdrait automatiquement dans une bataille d’attrition si on n’avait aucun moyen d’infliger des dommages à son ennemi. Tant que je n’étais même pas capable de blesser l’ennemi, tout se terminait par un seul coup une fois que je manquais d’endurance.

Les monstres du Donjon étaient des existences étranges, sinon mystérieuses. C’était un fait connu que les monstres dans les pièces des boss ne manqueraient jamais d’endurance. De nombreuses explications avaient été données pour décrire ce phénomène. Le monstre pourrait puiser son énergie directement dans le Donjon, jusqu’au simple fait d’avoir une réserve infinie de puissance dans son corps. Bien qu’on ne sache pas laquelle de ces théories était vraie, l’expérience des aventuriers à travers les âges avait presque prouvé sa véracité. En tant que tel, attendre qu’un monstre d’une pièce de boss manque d’endurance était une aventure inutile. C’est pourquoi la puissance offensive était nécessaire — il fallait pouvoir percer les défenses du monstre ou perdre la vie dans le Donjon.

En gardant tout cela à l’esprit, il semblerait que ma situation actuelle était totalement désespérée. Cependant, j’étais différent de l’aventurier moyen, car il y avait encore quelque chose d’autre que je pouvais faire.

Bien que je ne sois pas un prêtre ou un saint aventurier au service de l’Église, j’avais une réserve de Divinité dans mon corps. Alors que le squelette géant était en effet un grand ennemi, il était encore un monstre mort-vivant, ce qui le rendait automatiquement vulnérable aux forces de purification divine.

On se demanderait pourquoi je n’avais pas simplement utilisé mon atout dès le début du combat, et bien, j’avais mes raisons. D’une part, dans cette pensée, j’utilisais à peine ma Divinité au combat, et je ne connaissais donc pas son efficacité. En outre, la question était aggravée par la nature de mon arme — cette épée de prêt que j’avais empruntée à Clope, bien qu’elle ait été fabriquée de manière experte, n’était pas faite pour canaliser la Divinité. Pour cette raison, je n’étais pas sûr de la façon dont la lame tiendrait bien si je forçais une bonne quantité de Divinité à travers son tranchant.

Cependant, je n’avais pas beaucoup de choix face à cette situation — si je n’agissais pas ici et maintenant, la vie de l’homme et la mienne seraient sûrement perdues. Tant qu’on pouvait faire quelque chose, je me devais d’essayer, c’était ce que cela signifiait d’être un aventurier.

Les aventuriers s’étaient battus et n’avaient jamais abandonné, jusqu’à la toute fin.

En me décidant, j’injectai la Divinité que je pouvais rassembler dans la lame de l’épée. La faible aura dorée qui avait enveloppé la lame jusqu’à il y a quelque temps s’était lentement retirée, remplacée par la brillante lueur blanc bleuté d’une aura divine.

En voyant la nouvelle teinte de l’épée, le squelette géant avait pris du recul, comme s’il avait peur de ce qu’il venait de voir. La purification divine était l’ennemi naturel de tous les morts-vivants, avec une forme de vie qui allait à l’encontre des lois naturelles de la vie et de la mort, il n’était peut-être pas étrange pour le squelette de démontrer la peur en réponse à l’aura de ma lame.

Alors qu’il était mystérieux de savoir pourquoi moi, une goule, j’étais indemne face à la Divinité qui habitait en moi, le fait que j’étais devenu un squelette était tout aussi mystérieux et inexpliqué. Le fait de me poser des questions à ce sujet ne me servirait pas à grand-chose — pour l’instant, j’étais simplement reconnaissant du fait qu’une telle capacité était à ma disposition.

Mettant en position mon épée une fois de plus, je chargeai de nouveau vers le squelette, mes pieds battant contre le sol du Donjon. Et en insufflant à mes jambes la puissance de l’esprit, je m’étais projeté vers l’avant, réduisant la grande distance entre le squelette géant et moi-même en quelques secondes.

Pour sa part, le squelette m’avait rapidement suivi jusqu’à mon nouvel emplacement — mais il était beaucoup trop tard. En levant ma lame au-dessus de ma tête, je l’avais fait entrer en collision sur l’épais os de la jambe en forme de tronc d’arbre du squelette.

C’était un coup net — et les os du squelette semblaient fondre au contact de ma lame, avant de se déconnecter proprement du reste de son corps. Perdant l’un de ses pieds à la suite de mon attaque, le squelette géant était tombé sur le dos, alors qu’il ne pouvait plus rester en équilibre avec une seule jambe fonctionnelle. Ne voulant pas laisser passer l’occasion, j’avais immédiatement préparé mon épée et m’étais précipité vers la tête du squelette géant tombé au sol.

Tout en raffermissant ma prise, j’avais une fois de plus frappé avec mon épée amenant finalement son tranchant bénit vers le bas en plein sur la tête squelettique du monstre. Avec une fissure retentissante, la lame avait coupé à travers et nettoyé l’os de sa corruption, brisant complètement son crâne en deux parts coupées proprement.

***

Partie 8

Après sa mort, j’avais ressenti un sentiment familier de puissance traversant mon corps. Ce pouvoir était indubitablement celui du squelette géant, le même que j’avais vaincu il y a quelques instants. La poussée d’énergie était plus intense que tout ce que j’avais ressenti jusqu’à présent, ce qui était la preuve qu’il s’agissait vraiment d’un ennemi redoutable.

Cependant, en parlant de ça, il fallait être au moins de classe Argent pour vaincre un tel ennemi. Pourtant, même ainsi… J’avais en quelque sorte triomphé.

J’avais regardé de haut les os éparpillés du squelette géant, qui avaient perdu leurs traits de morts-vivants après que j’eus brisé sa tête. J’avais soupiré de soulagement. Bien sûr, ce n’était qu’une façon de parler — car après tout, je n’avais pas de poumons fonctionnels avec lesquels respirer. C’était plus une question d’humeur.

Contrairement à l’ancienne version squelettique de moi-même, je pouvais sentir l’existence de tels organes dans ma poitrine. Malheureusement, ils n’étaient pas fonctionnels, contrairement à ceux des vivants. Bien que je puisse respirer, je n’avais pas l’impression de capter de l’air. Mais je pouvais me sentir respirer lorsque je balançais mon arme, ou lorsque j’exécutais certains mouvements complexes.

Peut-être s’agissait-il simplement de la force de l’habitude — ayant connu les bases de la respiration du combat dans ma vie, on ne pouvait pas faire grand-chose au sujet de mes tendances après ma mort. Il avait été dit que certains experts pouvaient lire et prédire les mouvements d’une personne simplement en observant sa respiration. Si je devenais un aventurier de la classe Mithril, je ne pourrais pas perdre face à un tel individu.

C’était dans cet esprit que j’avais décidé de faire quelque chose au sujet des méthodes de respiration que j’avais apprises lorsque j’étais en vie. Mais en ce moment, cela m’avait fait me souvenir d’une chose plus importante à m’occuper : l’homme que j’avais laissé dans le coin de la pièce.

Il aurait pu être blessé avant ma rencontre avec le squelette géant, et aurait pu être blessé pendant tout ce temps. Si je n’administrais pas les premiers soins rapidement, il pourrait très bien perdre la vie. Avant ça, il était encore en train de respirer, mais qu’en est-il maintenant ? Après tout, j’avais pris un certain temps pour vaincre le squelette géant.

Dans cet état d’esprit, je m’étais approché de l’homme et j’avais inspecté ses blessures. Il semblerait que la chance soit de son côté, car ses blessures semblaient superficielles. En y regardant de plus près, j’avais découvert que ce n’était nullement le cas. Ses blessures, bien que difficilement visibles, étaient quand même très problématiques — à savoir, plusieurs côtes cassées près du sternum, en plus de quelques os écrasés dans l’un de ses pieds. Si je l’avais laissé ici, il allait sûrement décéder à cause de la gravité de ses blessures.

Mais heureusement pour lui, j’étais là. Bien que je ne puisse utiliser aucune magie spécifique en matière de soins, j’avais en moi une réserve de Divinité.

Bien que la magie doive être étudiée avec sérieux, avec l’utilisateur comprenant la logique derrière elle afin de lancer des sorts, ce n’était pas le cas avec la Divinité. Beaucoup d’individus avaient plutôt utilisé la Divinité telle qu’elle était, presque instinctivement. En fait, c’était la raison pour laquelle même quelqu’un comme moi, qui n’étais en aucun cas un prêtre, était capable de purifier l’eau immédiatement après avoir été béni. Le seul problème était l’absence d’un enseignant, donc je l’avais appris par tâtonnements.

Cet homme avait eu de la chance, en effet, mes réserves de Divinité n’avaient augmenté qu’à la suite de ma transformation en goule. De plus, je me sentais plus en forme que jamais en raison de la poussée d’énergie provenant du squelette géant que j’avais vaincu.

Je sentais mon corps devenir plus fort — mes réserves de mana, d’esprit et de la Divinité semblaient s’intensifier au sein de mon être. Chacune d’elles était nettement plus forte qu’avant en raison de la défaite du squelette géant — du moins, c’est ce que j’avais ressenti. Si mes observations étaient vraies, je pourrais faire beaucoup plus que purifier l’eau, je pourrais peut-être guérir les blessures de cet homme, ici et maintenant.

Il valait peut-être la peine de noter que la guérison des blessures avec la Divinité se faisait habituellement dans le domaine d’activité des prêtres et autres, et était généralement traité comme des miracles divins. En vérité, une telle compétence n’était pas exactement commune même parmi ceux qui travaillaient pour l’Église. On disait aussi que la quantité de Divinité et de talent que l’on avait était directement proportionnelle à sa foi. Fondamentalement, si l’on était incapable d’utiliser de telles techniques, cela signifierait simplement que l’on manquait de foi.

En raison de cette série d’hypothèses, les membres de l’Église qui étaient capables d’exploits curatifs, ainsi que ceux qui portaient de grandes quantités de Divinité, étaient souvent vénérés comme des saints et étaient grandement vénérés aux yeux du public.

Cependant, de ce point de vue, le fait que je pouvais utiliser la Divinité en soi était un peu étrange. La raison en était plutôt ironique et dérisoire : je n’étais pas vraiment un homme de grande foi. En plus, la raison pour laquelle j’avais été béni avec la Divinité semblait un peu plus qu’une coïncidence. Même si j’en étais profondément reconnaissant, je ne pouvais pas vraiment dire que j’adorais religieusement les esprits ou les fées responsables de mes pouvoirs.

C’est pourquoi j’avais trouvé étrange que ma réserve de Divinité soit en constante augmentation. Peu importe à quel point j’y avais réfléchi, je n’arrivais pas à trouver une raison à cela. J’avais supposé que c’était bien, puisque ce n’était pas exactement une mauvaise chose.

Pour être clair, l’usage de la Divinité pour purifier et détruire les morts-vivants comme moi n’était pas du tout une bonne chose pour moi — mais mon usage continu de Divinité ne semblait pas m’avoir blessé de quelque façon que ce soit. S’il n’y avait pas de problème, c’était donc bien. Tel était le raisonnement d’aventurier au travail.

Après ça, j’avais supposé que je devrais commencer à traiter l’homme. Bien que je n’avais jamais rien fait de semblable auparavant, je pouvais au moins essayer.

Pour le dire franchement, c’était la première fois que j’essayais quelque chose comme ça dans ma vie, donc j’avais de sérieux doutes quant à sa réussite. J’avais l’impression que tout se passerait bien, même si je n’avais aucune preuve empirique à l’appui de mon affirmation.

Pendant un certain temps, je m’étais arrêté et je m’étais demandé : était-ce vraiment bien de faire ça sur un homme gravement blessé sans se sentir mal ? Cependant, j’avais aussi l’impression que ce n’était pas trop différent de la purification de l’eau sale. Peut-être qu’ils étaient semblables en principe…

Quoi qu’il en soit, je devais faire quelque chose pour remédier à la situation. En plaçant mes mains sur les parties blessées du corps de l’homme, je m’étais concentré, dirigeant mon énergie divine en moi vers mes paumes, comme lorsque j’enchantais mon épée avec de l’aura.

Comme prévu, une lueur bleu-blanc enveloppa mes mains. Bien qu’il aurait peut-être été préférable d’enlever mes gants, cela me causerait beaucoup de questions gênantes si l’homme se réveillait à la moitié de son traitement. C’est pourquoi j’avais décidé de faire preuve de prudence en gardant mes gants. Si les gants posaient vraiment un tel problème, je traverserais ce pont quand j’y serais arrivé.

Cependant, il semblait qu’heureusement, mon aura divine se souciait peu de mes gants — la surface rougeâtre-noir meurtrie de sa peau revenait lentement à une couleur plus naturelle au fur et à mesure que la Divinité faisait son travail. Lentement mais sûrement, les os de l’homme avaient commencé à se replacer, les morceaux précédemment brisés revenant dans leur position légitime.

Bien que je n’avais aucune idée du temps qu’il faudrait pour guérir complètement le sternum endommagé de l’homme, j’avais fini par arrêter, jugeant le traitement comme étant complet. Après tout, j’avais une autre blessure à soigner. Donc, avec cela à l’esprit, j’avais déplacé mes mains vers son pied écrasé. En activant mon aura divine, la peau et les os de l’homme avaient immédiatement commencé à guérir, tout comme mes observations précédentes. Finalement, le dernier os brisé semblait s’être remis en place et le pied de l’homme semblait maintenant aussi bon qu’à l’état neuf.

Mais est-il complètement guéri ? me demandai-je.

Bien que je sois responsable de son rétablissement, je ne savais pas avec certitude si j’avais fait un travail assez complet. Au moins, il avait l’air beaucoup mieux qu’avant que je ne le fasse. Même s’il n’était pas complètement rétabli, j’étais sûr que ce ne serait pas un énorme problème. Il se rétablirait probablement après un peu de repos.

Cependant, le contraste était quelque peu saisissant — il avait été à la porte de la mort quelques instants auparavant, mais maintenant il semblait en assez bonne santé pour revenir à Maalt si je le laissais seul. Tout bien considéré, il s’était cassé plusieurs os, ce serait mauvais si des complications d’une sorte ou d’une autre survenaient s’il faisait des mouvements brusques.

Finalement, j’avais décidé de veiller sur lui jusqu’à ce qu’il reprenne connaissance. Après tout, je devrais au moins vérifier s’il avait été blessé ailleurs avant de retourner à Maalt. En gardant cela à l’esprit, je m’étais assis et j’avais attendu.

***

Partie 9

« … Argh. Où… suis-je ? »

Bien que je l’avais doucement secoué lors de mes nombreuses tentatives pour le réveiller plus tôt, mes efforts étaient restés vains. Me résignant à une longue attente, j’écoutais tranquillement les sons dans mon entourage — c’est alors que j’avais entendu l’homme parler. On dirait qu’il s’était enfin réveillé.

Debout, je m’étais lentement approché de l’homme.

« … Êtes… vous… réveillé ? » lui demandai-je.

« Oui…, » l’homme avait simplement hoché la tête. « Où suis… je ? … C’est vrai, c’est vrai ! Cet énorme squelette était — argh ! »

Tenant son estomac en raison de la douleur, les yeux de l’homme s’étaient ouverts. Il semblerait que mon traitement était, en effet, quelque peu incomplet. Mais, disons-le franchement, j’avais fait ce que j’avais pu en ce moment — je m’attendais à peine à ce qu’il se remette complètement de mes seules mesures d’urgence. Je suppose qu’un voyage chez le médecin était prévu. Il devrait, dans tous les cas, être traité par de vrais guérisseurs.

Ma réponse avait été tout aussi simple : « … Je… tuer… le monstre… ceci… est la… preuve, » déclarai-je.

Alors que je disais ça, j’avais tendu la main, lui montrant le cristal magique scintillant dans ma paume gantée. J’avais découvert ce cristal au milieu des restes du squelette géant.

Cependant, le processus pour le trouver n’avait pas été si rapide que ça, car j’avais dû fouiller à travers une petite montagne de débris et de parties osseuses. Mais encore une fois, j’avais beaucoup de temps libre, et j’avais finalement réussi à localiser le cristal qu’après un effort assidu. Peut-être que sa grande taille m’avait permis de le localiser plus facilement…

L’homme ne pouvait regarder le cristal qu’avec une expression abasourdie.

« … Rien que par sa taille… C’est un cristal magique de classe Or, n’est-ce pas ? Je ne sais pas grand-chose à ce sujet, mais ça vaut beaucoup d’argent… »

Bien que l’on parviendrait facilement à une telle conclusion en regardant seulement le cristal, j’avais des doutes quant à la revendication. Personnellement, je ne pensais pas que vaincre un adversaire de la classe Or était même possible pour un être comme moi. Si c’était vraiment une telle chose, cela aurait pu être un coup de chance, et le cristal serait à son tour un élément relativement rare de ce type de monstre.

Ce genre de choses se produisait à l’occasion, où des monstres qui avaient vécu relativement longtemps abritaient habituellement des cristaux magiques de plus grande valeur dans leur corps. Le squelette géant que j’avais combattu avait probablement gardé cette pièce pendant très, très longtemps, d’où ma découverte d’un tel cristal dans ses restes.

Dans tous les cas, il s’agissait d’un cristal qui se vendrait pour une somme d’argent décente.

L’homme s’était remis à parler, les yeux fixés sur le cristal dans ma main.

« … Si j’avais un cristal magique comme ça… Ah, non. Peu importe… »

S’arrêtant au milieu de sa phrase, l’homme détourna le regard, comme pour détourner les yeux. Il n’avait pas fallu être un érudit pour comprendre le sens de ses mots — .

Ce cristal pourrait probablement se vendre plus de 50 pièces d’or. En d’autres termes, ce serait le salut de l’homme, car cela le débarrasserait immédiatement de toutes ses dettes.

Cependant, l’homme n’avait pas demandé le cristal ni ne l’avait supplié de quelque façon que ce soit. J’avais supposé que mes déductions n’étaient pas trop éloignées de cela.

C’est pourquoi j’avais dit à l’homme : « … Si… vous… le voulez… vous… pouvez… le prendre. »

Je pensais qu’en raison de sa nature, le cristal pourrait se vendre un bon prix.

***

Partie 10

« … Êtes-vous sérieux ? Vraiment ? Mais c’est vous qui avez vaincu ce monstre… Je ne peux pas simplement vous le prendre…, » déclara l’homme, mais le désespoir dans ses yeux était évident pour tout le monde.

En secouant la tête, j’avais continué ma déclaration : « … Je suis… pas besoin de ça… mais… vous… aidez… à moi… gratuitement… »

Avec cela, l’homme semblait un peu plus convaincu.

« Mais… Je vous ai déjà parlé de ma situation, non ? Je ne pense pas pouvoir faire quoi que ce soit pour un aventurier fort comme vous…, » déclara l’homme.

C’était vraiment comme le disait l’homme. Si je devais faire une évaluation honnête de ma puissance, je pourrais dire avec confiance que j’étais beaucoup plus fort que je ne l’avais été dans la vie. Ce n’était peut-être pas une supposition déraisonnable venant de quelqu’un comme lui, qui n’était pas un aventurier sous quelque forme que ce soit. Il supposerait naturellement qu’il ne pouvait pas m’aider.

Ce qu’il avait dit était vrai à certains égards, il était endetté et ses compétences d’aventurier étaient presque inexistantes. L’homme avait probablement supposé qu’il ne pouvait m’aider d’aucune façon, que ce soit financièrement, économiquement ou physiquement — .

Cependant, ce n’était que du point de vue de l’homme. Pour moi, cet homme avait plus de valeur que ce qu’il s’attribuait. Après tout, j’étais un mort-vivant. Je ne pouvais pas me promener dans les rues de Maalt. Il m’était difficile, voire impossible, de visiter les magasins de Maalt. Même si j’employais un intermédiaire, il serait pour commencer difficile de trouver un tel individu.

Ce que j’entendais par là, c’était que cet homme pourrait très bien être l’intermédiaire parfait et le coursier que je cherchais depuis tout ce temps.

Il n’y avait qu’un seul problème : même si je lui décrivais ma situation en détail, il ne semblait pas que mes paroles seraient si faciles à croire. Si je lui disais que j’étais un mort-vivant, il pourrait simplement me dénoncer aux autorités quand il le souhaiterait. Même s’il n’avait rien fait de la sorte, il pourrait être contre l’idée d’aider un non-humain.

C’est pourquoi j’avais décidé de lésiner sur les détails — tout ce que j’avais à faire était de le convaincre de m’aider.

« Ce n’est pas… n’importe quoi… trop… Difficile, » déclarai-je.

« Eh bien, qu’est-ce que c’est, alors… ? »

« Comme… vous pouvez… le voir…, je suis… ainsi. Je ne peux pas… Vraiment. Aller dans… magasins ou… la… guilde. Vous… deviez… le faire… et aller… dans ses endroits… pour moi, » répondis-je.

En disant cela, j’avais enlevé mon gant, montrant ma main à l’homme. J’avais supposé que c’était un pari relativement sûr, tant qu’il ne voyait pas mon corps ou mon visage.

De plus, je n’avais pas vraiment perdu mon bras — il était simplement desséché. Ce genre de choses arrivait parfois aux aventuriers, surtout aux vétérans, qui avaient vu pas mal de combats au cours de leur vie.

Cependant, cet homme en particulier, était l’un des plus récents parmi les plus bas aventuriers de classe Fer. À en juger par sa réaction face à ma capacité de combat, il n’était clairement pas familier avec les dangers de l’aventure.

Donc l’homme ne semblait pas détourner les yeux ou soupçonner que j’étais un monstre. À la place, il semblait plutôt convaincu que mon bras desséché n’était qu’une vieille blessure. Soulagé d’avoir facilement convaincu l’homme, j’avais continué à parler.

« Un monstre… je me suis battu… depuis très… longtemps… Il m’a… presque vaincu… et ainsi ma… voix… endommagée… et aussi… blessure… de… ce genre, » déclarai-je.

« … Je vois. Je suppose que les aventuriers forts font face à de tels risques…, » déclara-t-il.

Apparemment, l’homme était devenu un aventurier sans réfléchir aux dangers du travail. Il était probablement plus juste de dire qu’il n’avait pas le luxe de penser à de telles choses. Mais la vue de mon bras semblait l’avoir réveillé de sa folie.

Après avoir passé un certain temps dans ses pensées, l’homme avait finalement parlé.

« Je comprends. Si c’est juste ça, même moi, je peux le faire. Mais… est-ce que c’est vraiment correct ? C’est un peu étrange pour moi de le dire… mais cet accord est fortement en ma faveur…, » déclara l’homme.

« Ce sont… vos circonstances…, n’est-ce pas ? Mais oui, je vois… ce que vous… voulez dire. Que diriez-vous… de ceci ? Alors… » commençai-je.

L’homme, voyant que j’avais une autre condition à ajouter à l’offre, semblait capable de donner plus de sens à la situation générale.

Ironiquement, le fait que j’avais rendu l’affaire moins en sa faveur semblait le mettre plus à l’aise. Les mots que j’allais dire trahissent les attentes de l’homme.

« Alors, quand… vos dettes… sont toutes… payées. Je veux… être capable… de manger et boire… à volonté dans… votre restaurant et cela… gratuitement. Aussi longtemps… que je vivrai, qu’en… pensez-vous ? » lui demandai-je.

Comme s’il ne croyait pas ce qu’il venait d’entendre, l’homme avait mis une seule main sur sa tête, avec un sourire amer se formant lentement sur son visage.

« … Êtes… vous sérieux ? Êtes-vous… stupide ou… quelque chose d’autre ? » me demanda-t-il.

« Pourquoi… est-ce que vous… demandez ? » lui demandai-je.

« Je le dis — ! Je dis que quelque chose comme ça ne peut même pas commencer à payer un cristal magique valant plus de 50 pièces d’or ! Avez-vous compris cela !? » déclara l’homme.

« Alors… est… Ça. Une mauvaise chose… ? » lui demandai-je.

« Je ne dis pas que c’est mauvais… ! … Argh ! Mangez comme vous le souhaitez… Je vais… Je travaillerai dur… pour que ma boutique ne coule plus jamais ! Je travaillerai comme je n’ai jamais travaillé ! Merci beaucoup… Patron… ! » déclara-t-il.

Après cela, un sourire était finalement apparu sur le visage de l’homme. Cependant, ses yeux étaient rouges, avec de grosses perles de larmes coulant rapidement le long de son visage. En voyant sa réaction, je n’avais pas pu m’empêcher d’avoir l’impression d’avoir fait une sorte de bonne action.

***

Partie 11

Les problèmes liés au fait de trouver un humain coopératif et la dette de l’homme étant tous deux réglés par le cristal magique géant, j’avais décidé de lui demander son avis sur ce qu’il fallait faire à partir de maintenant. Cependant, cela étant dit, j’avais déjà une réponse claire en tête :

Nous devions nous déplacer. Plus précisément, nous devions quitter les limites de la Réflexion de la Lune et retourner à Maalt. L’homme avait, après tout, obtenu ce pour quoi il était venu, et il n’y avait plus aucune raison de l’exposer au danger. Même moi, je n’avais pas pu m’empêcher de penser qu’il serait gênant de le voir continuer à explorer le Donjon avec moi.

Bien que la Réflexion de la Lune ait été principalement habitée par des monstres normaux tels que les gobelins, les squelettes et les slimes, l’exception occasionnelle existait, comme l’avaient démontré les événements précédents. Si un autre squelette géant apparaissait, je ne serais pas en mesure de garantir la sécurité de l’homme, et encore moins sa vie. C’était la raison pour laquelle j’avais suggéré que nous devrions retourner à Maalt. L’homme, sans montrer le moindre désaccord, avait rapidement suivi mes traces.

Bien qu’il y avait certainement des préoccupations quant à la façon dont nous allions revenir, j’avais déjà résolu ce problème pendant que l’homme dormait. Un cercle magique était apparu après la défaite du squelette géant, il n’y avait rien de tel auparavant. Même si je n’avais pas testé le cercle pour voir où il allait, j’avais pensé qu’il était raisonnable de supposer qu’il nous aurait simplement ramenés dans la pièce qui nous avait envoyés dans cette salle. Même si ce n’était pas le cas, tout ce que nous avions à faire était de chercher une autre issue — l’absence de sorties de la chambre signifiait que nous n’avions pas vraiment le choix.

En entrant dans le cercle, nous avions été transportés dans la pièce d’où nous venions, à mon grand soulagement. Après cela, le chemin du retour s’était déroulé relativement sans incident. C’était probablement parce que l’homme était maintenant considérablement différent, car sa force, son courage et ses nerfs semblaient tous plus tempérés.

C’était peut-être parce que nous avions été témoins du squelette géant, ou parce que je lui avais enseigné les rudiments de la vie d’aventurier, mais l’homme était resté calme même lorsqu’un monstre était apparu. Il avait aussi une compréhension plus concrète de ce qu’il devrait faire dans une telle situation. Bien qu’il ne pourrait pas encore gagner contre un monstre dans un combat en tête-à-tête, il avait atteint un stade où il pouvait mettre une certaine distance entre lui et un monstre et chercher rapidement une occasion de s’échapper. S’il continuait à acquérir de l’expérience à ce rythme, il progresserait sans aucun doute vers au moins la classe Bronze en deux ans environ. Heureusement, cela n’était pas nécessaire pour l’homme.

J’avais toutefois jugé nécessaire qu’il comprenne au moins les bases du combat, étant donné qu’il ferait des courses et des affectations à la guilde en mon nom à partir de maintenant. Les travaux d’une certaine difficulté devaient encore être rendus par Lorraine, mais l’homme devait au moins avoir l’air capable d’explorer les étages les moins profonds du Donjon ou la forêt par ses propres moyens. C’était une attente raisonnable.

***

Partie 12

« … Ahh… On est enfin sortis de là. Ça fait une éternité que je n’ai pas respiré l’air extérieur… C’est nostalgique, même si je n’ai pas été absent pendant très longtemps, » déclara l’homme en prenant une grande respiration, et en s’éloignant de l’entrée du Donjon.

Il n’était pas trop difficile de compatir — il avait été dans une situation de mort imminente, après tout, et pouvait enfin se permettre de se détendre après avoir quitté un endroit aussi dangereux.

Cependant, même à l’extérieur du Donjon, des monstres se cachaient encore dans son environnement. Bien que l’on n’était pas censé laisser tomber sa garde même après avoir quitté les salles du Donjon, j’avais décidé de laisser passer ça aujourd’hui. Mais j’avais taquiné l’homme pour sa négligence.

« Peut-être… Je devrais… continuer… exploration… jusqu’à ce que nous soyons… de retour… à Maalt…, » sur ce, je m’étais retourné et je m’étais rapidement éloigné, la voix alarmée de l’homme traînant derrière moi.

« Hé, attendez, patron, j’ai compris ! » déclara l’homme

La voix de l’homme m’avait rappelé ce que c’était d’être un aventurier, et pour la première fois depuis longtemps, j’avais souri. Plus précisément, j’avais essayé de sourire, mais la peau desséchée de mon visage ne pouvait pas espérer imiter une telle expression humaine. J’aurais voulu un jour sourire comme un humain à nouveau, mais était-ce possible ?

En gardant cela à l’esprit, je m’étais dirigé vers un lieu de repos à proximité, où les fiacres qui retournaient à Maalt s’arrêtaient souvent.

***

Partie 13

« La voilà, patron… C’est ma boutique. Qu’en pensez-vous ? Pas trop minable, hein ? »

De retour à Maalt, l’homme m’avait rapidement ramené à son restaurant. Il était situé dans un coin étrange de la ville, et pour être honnête, je n’avais jamais vu un tel restaurant en dix ans de vie à Maalt.

Maalt était assez grand pour une ville rurale. La présence de deux Donjons à proximité signifiait qu’il y avait plus qu’assez de coins où boire pour les aventuriers de la ville — en tant que tel, il n’était pas trop rare de ne pas connaître certains établissements en dehors de son cercle social.

Cependant, cela valait la peine de noter que la boutique de l’homme n’était, selon ses mots, pas trop miteux. Il s’agissait d’un bâtiment en brique à l’aspect quelque peu élégant, mais son air d’élégance semblerait intimidant pour l’aventurier moyen. Il y avait une atmosphère unique, et ce ne serait peut-être pas une mauvaise chose à visiter de temps en temps — c’est ce que j’avais pensé en regardant.

Peut-être que la nourriture ici est terrible… ?

Je n’avais pas trouvé d’autre raison pour laquelle un établissement aussi respectable tomberait dans des temps difficiles.

Apparemment satisfait, l’homme avait poussé les portes de la boutique, et je l’avais suivi de près.

***

Partie 14

« … Chéri ! Tu es en sécurité… ! »

La première chose qui m’avait accueilli avait été la vue d’une belle femme se jetant sur l’homme, presque en criant alors qu’elle le faisait. Avec ses cheveux bruns ambrés se répandant dans son dos et sa silhouette mince, elle dégageait une aura fiable et travailleuse.

En toute politesse, c’était une beauté et une perle.

Cependant, de la façon dont elle s’était adressée à l’homme, je pouvais plus ou moins comprendre leur relation.

C’était au tour de l’homme de s’exclamer haut et fort.

« Isabel !! Je t’ai dit de ne pas t’inquiéter… Tu vois ? Je vais bien, d’accord ? »

« Mais… tu es allé au Donjon… Chéri, tu ne peux que cuisiner, et surtout pas explorer un donjon ! Je t’ai dit tellement de fois de ne pas faire quelque chose d’aussi stupide ! » déclara la femme.

« Hé, maintenant… Je suis un homme, hein ? Quelque chose comme le Donjon n’est rien… C’est ce que j’aurais aimé dire, mais j’ai peur que tu aies raison… Pour être franc, j’étais sur le point de me faire tuer par un monstre — mais j’ai été sauvé ! En fait, la seule raison pour laquelle je suis là, c’est en raison de lui ! Je dois remercier le patron ! » déclara-t-il.

« Ah… ? Oh ! Excusez-moi, je n’ai pas vu qu’on avait un invité… Merci beaucoup d’avoir sauvé la vie de mon stupide mari…, » déclara Isabel.

Finalement, en me voyant derrière son mari, Isabel avait rougi et avait baissé profondément la tête quand elle me remercia du fond du cœur. Belle et mignonne — le charme d’Isabel était tel que je pouvais à peine comprendre ce qu’elle voyait chez cet homme. Mais avec cette pensée, je n’étais pas aussi impitoyable pour simplement faire des remarques sur quelque chose comme ça en public.

En réponse, j’avais légèrement hoché la tête à Isabel.

« Non… n’est rien… Je faisais que passer. Alors, vous n’avez pas besoin de vous en faire pour ça ! »

Isabel semblait quelque peu curieuse de mon étrange façon de parler, mais l’homme m’avait rapidement offert une explication à ma place.

« Tu vois, Isabel, le patron est un aventurier très fort, mais il a beaucoup de blessures à cause des combats contre des monstres. Il n’est pas très doué pour parler, mais c’est vraiment un bon gars ! Il m’a aidé et — oh, c’est vrai ! Il m’a aussi donné ce cristal magique ! » déclara-t-il.

À ce moment-là, l’homme avait mis la main dans sa poche, tenant le grand cristal magique que j’avais récupéré dans les restes du squelette géant. Les yeux d’Isabel s’étaient ouverts en grand face à la lueur du cristal magique.

« Ce… Ce… eh… ? Qu’est-ce qui se passe ? Comment as-tu obtenu quelque chose comme ça… ? » lui demanda Isabel.

« Le Patron ici présent… Je lui ai expliqué notre situation, tu vois, et il m’a donné ça pour m’aider…, » répondit son mari.

Alors que l’homme voulait entrer dans une explication en profondeur, Isabel l’avait coupé brusquement, ne lui permettant pas de finir.

« Non ! Tu ne peux pas accepter quelque chose d’aussi cher que ça, chéri ! Tu as déjà causé assez d’ennuis à ce gentil passant ! Il t’a même sauvé la vie ! Tu ne peux pas lui prendre quelque chose comme ça… ! » déclara Isabel.

La voix d’Isabel avait résonné dans tout l’établissement. Bien qu’elle semblait agitée, il ne semblait pas que c’était par dégoût d’avoir une dette envers moi — au contraire, elle semblait sincèrement préoccupée par le fait que son mari m’avait dérangé d’une façon ou d’une autre.

Je devrais probablement réitérer le fait que le cristal n’avait pas été donné sans compensation. En pensant ainsi, je fixai du regard l’homme, espérant qu’il continuerait son explication.

« Isabel, écoute… Ce n’est pas de la charité, d’accord ? Eh bien, c’est une bonne affaire pour moi… Mais je vais travailler pour le Patron à partir de maintenant ! En retour, il m’a donné ceci pour m’aider dans cette situation… Je lui ai aussi promis qu’il pouvait manger ici gratuitement, donc il y a ça aussi…, » déclara l’homme.

« … Vas-tu encore faire quelque chose de dangereux ? » lui demanda Isabel.

« Non, non, ce n’est pas ça… Pas vrai, patron ? » se tournant vers moi pour la rassurer. Je n’avais pas pu m’empêcher de remarquer que l’homme ne semblait pas très confiant dans sa propre déclaration.

Cependant, j’avais simplement hoché la tête.

« Tu vois ? Ce n’est rien de dangereux, juste des choses simples, hein ? Comme le fait d’aller à la guilde avec du matériel… Ou aller dans les magasins…, » déclara l’homme.

« Ne serait-il pas capable de faire quelque chose comme ça tout seul… ? » demanda Isabel, absolument pas convaincue.

« Après de nombreux combats, je ressemble à ça. Je ne veux pas vraiment me montrer à la Guilde telle que je suis, » répondis-je.

En disant cela, j’avais retiré mon gant, en lui montrant un peu de mon bras. Bien que j’avais montré à l’homme tout mon avant-bras, j’avais décidé d’être un peu plus discret avec sa femme, afin de ne pas l’effrayer.

Comme prévu, Isabel avait dégluti, apparemment terrifiée par ce qu’elle venait de voir. Elle semblait plus convaincue qu’il y a quelques instants.

En baissant la tête une fois de plus, Isabel s’était excusée : « Je suis profondément désolée d’avoir dit des mots aussi insensibles… cet imbécile de mari, l’imbécile qu’il est, se fait souvent piéger par des canailles et autres… C’est par souci que je l’ai arrêté. Si vous êtes d’accord… Pourrions-nous, dans ce cas, accepter votre gentillesse ? »

Elle faisait référence au cristal magique. Après avoir bien compris la situation actuelle, Isabel semblait plus prête à accepter le cadeau. Bien sûr, je n’avais pas l’intention de lui refuser ce que j’avais déjà promis, alors j’avais lentement hoché la tête.

« C’est ce que j’avais prévu depuis le début. Vous pouvez l’avoir. Alors le marché vous convient ? » lui demandai-je.

Isabel m’avait tendu la main vers moi. « Oui, nous avons une dette envers vous ! »

J’avais été quelque peu surpris — elle demandait une poignée de main après ce qu’elle venait de voir ? Ça ne l’avait-il pas terrifiée ?

En regardant son mari, qui semblait hocher la tête avec enthousiasme, j’étais arrivé à la conclusion que c’était exactement le type de personne qu’Isabel était.

Avec cela à l’esprit, j’avais lentement offert ma main en retour. « Marché conclu. Bienvenue. »

Et ainsi, nous avions partagé une poignée de main ferme.

 

***

Partie 15

« En y réfléchissant, je n’ai jamais demandé votre nom, » déclarai-je.

Même l’homme semblait surpris de ma déclaration alors que nous nous tenions à l’extérieur de son restaurant.

« Maintenant que vous en parlez… Je suppose que c’est vrai. Puisque vous n’avez pas donné votre nom, Patron, je pensais que vous ne vous soucieriez pas du mien… devrais-je me présenter ? » me demanda-t-il. « Je m’appelle Loris — Loris Cariello. Je suis le propriétaire de ce restaurant, le Pavillon de la Wyverne Rouge. Et vous, patron ? »

« N’est-ce pas mieux pour vous de ne pas savoir mon nom ? » lui demandai-je.

Alors que c’était l’excuse que j’avais donnée à Loris, j’avais d’autres raisons de ne pas vouloir révéler mon nom. Loris, cependant, n’était pas du tout convaincu.

« Pourquoi pas !? Vous m’avez sauvé, hein ? Je devrais au moins connaître votre nom, patron ! Est-ce une si mauvaise chose à demander ? » demanda-t-il.

Loris avait apparemment jugé bon de me renvoyer mes mots. Je n’avais pas d’autre choix.

« Je peux vous dire mon nom, mais vous devez faire une promesse, » déclarai-je.

« Qu’est-ce que c’est ? » me demanda-t-il.

« Vous ne devez pas utiliser mon nom pour vous adresser à moi, » déclarai-je.

« Je ne comprends pas pourquoi c’est un tel secret, patron… mais oui, je comprends. Je vous appellerai “Patron” à partir de maintenant, d’accord ? Même si quelqu’un vous demande par votre nom, je ne dirai rien. Êtes-vous d’accord ainsi ? »

« D’accord, cela me convient. Eh bien… Alors. Mon nom… Rentt… Rentt… Faina, » déclarai-je.

En entendant ces mots, Loris hocha lentement la tête, pensant probablement qu’il était quelque peu inutile de cacher un nom aussi simple. Il m’avait tout de suite rassuré sur sa promesse.

« J’ai compris, patron. Merci beaucoup pour… eh bien ! À peu près pour tout, ouais ? Venez prendre un repas quand vous voulez. Vous êtes toujours le bienvenu ici. » Comme promis, Loris n’avait pas mentionné mon nom.

En hochant la tête, je m’étais retourné et, une fois de plus, j’avais marché dans les rues achalandées de Maalt.

***

Chapitre 5 : Preuve d’Inhumanité

Partie 1

Franchement, j’avais trouvé extrêmement regrettable que Loris ait une famille. S’il avait dit qu’il n’avait pas de famille, en plus de ne pas avoir de dettes, cela signifierait qu’il m’aurait menti. Si c’était le cas, cela aurait en fait fonctionné en ma faveur — du moins, c’était ce que je pensais.

La raison en était que l’instinct primitif en moi s’était intensifié ces derniers temps et qu’il me disait de faire une chose :

Manger un être humain.

Si je devais vraiment faire une telle chose… une méchante personne ne serait-elle pas mieux ? Et un menteur ? Si quelqu’un m’avait menti, cela serait-il acceptable… ?

Et pourtant… Loris était, en fin de compte, une personne de bonne volonté. C’est pour ça que je ne pouvais pas le manger. Après tout, si je le faisais, il aurait été préférable pour moi de ne pas connaître son nom. C’était en effet dommage — j’avais même accepté cet acte jusqu’à un certain point.

Quand j’avais remarqué que j’avais de telles pensées, j’avais rapidement secoué la tête, les rejetant.

C’est mauvais, pensai-je.

J’avais continué à secouer violemment la tête, essayant de sortir ces pensées de ma tête. Mais il était difficile de penser autrement. J’avais l’impression qu’un rideau lourd avait été drapé sur mon esprit.

Ma prochaine destination était la maison de Lorraine.

Quel est le goût de la chair humaine ? Est-ce délicieux ? Est-ce que son goût se répandrait sur le bout de ma langue ? me demandai-je.

Le sang humain serait sûrement comme le vin, servant à étancher ma soif.

Non… Non. C’est mal, pensai-je.

Ce n’était… pas quelque chose à laquelle je devrais penser. Mais je ne pouvais plus contrôler mes pensées.

Oui… Lorraine. La maison de Lorraine. Lorraine… Maison…, pensai-je.

***

Partie 2

La porte… s’était ouverte. Bien sûr que c’était normal

La maison de Lorraine. Je pouvais y entrer… librement.

C’est mon repaire, pensai-je.

Lorraine… aurait eu des difficultés, du moins si elle avait vécu dans un dortoir normal. C’est pourquoi elle vivait dans cette maison, et ce n’était possible qu’avec mon aide.

Elle vivait ici depuis une dizaine d’années. Bien que cela se soit produit il y a si longtemps, les souvenirs étaient frais, comme si les événements s’étaient déroulés hier. Nous étions presque comme des amis qui ne pouvaient pas se débarrasser l’un de l’autre. Cela faisait longtemps qu’on se connaissait… l’un et l’autre.

Mais plus important encore… Lorraine était mon amie.

Lorraine était distraite, elle verrouillait rarement sa porte, et aujourd’hui, comme d’habitude, sa porte était déverrouillée.

Peu importe à quel point elle était désordonnée… c’était tout de même la maison d’une jeune femme. Elle était trop négligente. Oui, trop négligente.

Mais elle est ainsi, pensai-je.

Son caractère était vraiment ainsi. Elle était désordonnée et vivait dans le même désordre.

Elle avait toujours fait beaucoup de choses dans les grandes lignes et avait probablement traité la sécurité de sa maison de la même façon. Peut-être qu’elle n’avait agi ainsi que parce qu’elle était forte. Cela aurait pu être une grande partie de la raison.

Personne n’attaquerait simplement un magicien de la classe Argent si ce n’était pas nécessaire, et Lorraine elle-même en était bien consciente. Même si elle était confrontée aux individus les plus malveillants, elle ne serait pas trop en danger.

Oui… Elle le savait. C’est pour ça qu’elle avait été négligente.

Je ne suis pas… un danger pour Lorraine. Pas encore.

Lorraine est forte — forte.

C’est pourquoi… Voilà pourquoi.

Alors… bien sûr.

Bien sûr, Lorraine n’aurait aucun problème… Même si une goule affamée de chair fraîche entrait dans sa maison…

***

Partie 3

« … Rentt ? Est-ce toi ? … Tu es de retour, » m’avait salué une voix alors que j’entrais dans la maison.

D’après le bruit des vêtements qui bougeaient, je le savais. Je savais que c’était elle — sa voix logique, mais glamour. Endormie, et pas brusque. Une voix douce et calme…

J’avais répondu comme d’habitude.

« … Oui. Oui… »

« Je vois. Tu étais en train d’explorer la Réflexion de la Lune aujourd’hui, n’est-ce pas ? Le dragon était-il là ? » me demanda-t-elle.

« … Non. Non…, » répondis-je.

J’avais à peine suivi ses plaisanteries alors que je m’étais approché lentement de Lorraine. Au fur et à mesure que je me rapprochais, je pouvais voir sa silhouette — elle était assise sur le canapé.

Lorraine.

Un livre lourd était sur ses genoux, mais ses yeux, son regard doux me regardait droit dans les yeux.

Cette sensation étrange…, pensai-je.

Après tout, j’étais une goule. Je n’étais pas humain — j’étais l’ennemi des humains…

Et devant moi, il y avait… cette femme

« Rentt… ? Quelque chose ne va pas ? Tu n’as pas grand-chose à dire… Es-tu en état de choc parce que le dragon n’était pas là ? » me demanda-t-elle.

« … Non… Rien… Comme. Ça. Je suis… Très… Heureux…, » déclarai-je.

Je m’étais lentement approché Lorraine, jusqu’à ce que je sois à un pas d’elle. Si je tendais la main, je pouvais la toucher. Voilà à quelle distance j’étais d’elle.

J’avais regardé le visage de Lorraine.

Ses cheveux étaient en désordre… comme d’habitude. Ses robes et ses vêtements… étaient placés un peu n’importe comment. Mais… il y avait un charme caché en elle…

Charme… ? Quel charme… ? Qu’est-ce que c’était ?

Lorraine m’avait posé une question avec innocence. « Tu es heureux ? Pourquoi ? S’est-il passé quelque chose de bien... »

Avant qu’elle ne puisse finir sa phrase, Lorraine était dans mes bras. Dans… mes bras.

***

Partie 4

« R-Rentt… ! Qu’est-ce que tu as… ? Es-tu ivre ? Mais attends… les morts-vivants ne peuvent pas se soûler…, » déclara Lorraine.

D’une voix un peu plus agitée que d’habitude, Lorraine avait remis en question mes actions. D’une manière ou d’une autre, cela n’avait servi qu’à faire ressortir encore plus de son charme.

Sa peau, couverte d’une teinte rouge et légèrement étincelante de sueur, dégageait une odeur familière — une odeur qui s’échappait nettement à travers l’air poussiéreux. Me sentant de plus en plus étourdi en ce moment, je m’étais accroché à l’odeur de Lorraine — et par conséquent, Lorraine elle-même, en la serrant avec force pendant que je parlais.

« Lo… Rraine. Je…, » commençai-je.

« O-Oui. Qu’y a-t-il, Rentt ? » me demanda Lorraine.

Je voulais dire quelque chose — quelque chose d’important. Cependant, ces pensées avaient disparu, presque comme si quelqu’un les avait recouvertes d’un pinceau. De larges traits de rouge avaient taché mon champ de vision. Je ne pouvais plus penser — le chaos remplissait mon esprit. La seule chose que je sentais, c’était l’odeur de Lorraine. Son odeur semblait…

… en effet, très délicieuse.

Avec cette pensée en tête, j’avais ouvert ma bouche, déplaçant une partie de sa robe d’une main libre pour exposer son épaule.

J’avais enfoncé mes dents dans sa chair blanche.

« … ! ? »

Lorraine n’avait pas crié. À la place, elle semblait avoir dégluti avec force, repoussant son cri de surprise dans les profondeurs de sa gorge. Son corps était tendu, alors qu’elle frissonnait considérablement en raison de la douleur, et aucun son ne s’était échappé à ses lèvres. Si elle criait, quelqu’un l’entendait sûrement — et quelqu’un viendrait demander quelque chose.

Après tout, la ville de Maalt était connue pour ses normes relativement élevées en matière de sécurité publique. Si quelque chose arrivait, le passant moyen était sûr d’intervenir. C’était peut-être précisément pour cette raison que Lorraine l’avait fait ainsi — .

Elle avait enduré la douleur de tout son être.

Cependant, sa résistance ne semblait que renforcer l’odeur qui s’échappait de sa chair. J’avais mordu plus bas dans son épaule — et avec cela, le goût frais du sang avait rempli ma bouche, coulant dans ma gorge.

Ah… Quel goût divin ! pensai-je.

Il s’agissait d’un goût qui m’était étranger, car je n’avais jamais rien goûté de tel avant. Le vin de 20 ans d’âge que j’avais bu une fois dans la vie était très pâle en comparaison — de l’eau par rapport au goût délicieusement sucré du sang.

J’en voulais plus.

Encore plus, j’en veux plus, pensai-je.

Cette pensée me remplissait l’esprit alors que je suçais ce qui sortait de la plaie ouverte de Lorraine, puisant du sang doux depuis ses veines déchirées.

« … Argh… Ahh… Ren… tt… tt. Tu…, » j’avais entendu Lorraine m’appeler par mon nom, mais je n’avais pas envie de m’arrêter.

Une autre pensée s’était glissée dans mon esprit cramoisi : Si le sang a ce bon goût, quel serait le goût de la chair humaine ?

Ce serait certainement un goût divin, d’un autre monde. Cela devait l’être.

J’avais mordu en étant affamé l’épaule de Lorraine, exerçant plus de force que jamais auparavant.

*Rrrip*

« … Ahh… !? »

J’avais arraché un morceau de l’épaule de Lorraine. Il n’y en avait pas beaucoup, je n’avais arraché qu’un petit morceau, de la taille d’un petit doigt. Mais bien sûr, ce goût… c’était comme je m’y attendais.

J’avais mâché le morceau, le savourant. Je pourrais me contenter à jamais de ce goût. C’était tout ce dont j’avais besoin — telle était l’intensité de sa saveur. Mais je n’y en avais pas eu assez. Je n’aurais jamais pensé qu’un petit morceau pourrait m’apporter tant de joie…

Cependant, ma joie avait été interrompue sans cérémonie. J’avais soif une fois de plus — je n’avais pas d’autre choix que de me sentir ainsi.

Je m’étais tourné vers Lorraine une fois de plus.

« Rentt… Rentt. Es-tu… toujours… là ? » me demanda Lorraine.

Cependant, Lorraine m’avait regardé droit dans les yeux — en moi — alors même que le sang coulait de son épaule lacérée.

Ah… ?

Rentt. C’était mon nom.

Étais-je encore là ? C’était le sens de sa question.

Mais bien sûr, j’étais encore là.

Je suis ici.

Alors… donne-moi plus de ton… sang.

Pendant une seconde, je m’étais arrêté — avant d’aller une fois de plus contre Lorraine. Mais Lorraine avait acquiescé face à ma réaction.

« On dirait… que tu es toujours… là-dedans quelque part. Bien. Alors… pour l’instant, tu devrais… DORMIR ! » Soudain, Lorraine avait haussé la voix, levant la paume de sa main dans ma direction.

Bien que je sentais les vrilles de la magie se rassembler dans la main tendue de Lorraine, il était beaucoup trop tard. Une magnifique boule de feu avait jailli, me fonçant droit dessus. Sa force et sa puissance convenaient à un magicien de classe Argent, car l’impact m’avait fait voler sur une bonne distance, avant de m’envoyer dans un mur.

En glissant lentement sur le sol, j’avais senti ma conscience s’éloigner, dérivant dans les profondeurs. Je pouvais voir la silhouette de Lorraine à mesure qu’elle s’approchait, d’une manière quelque peu désordonnée et paniquée. Elle avait posé une main sur ma joue.

« … Bien, tu es vivant. Tu pourras t’excuser à ton réveil…, » déclara Lorraine.

Son ton de voix était nettement différent. Il n’était plus agité, mais strict et contrôlé. Je pouvais distinguer les incantations d’un sort de sommeil dans ses mots.

Ma conscience semblait glisser à un rythme encore plus rapide. J’avais semblé entendre les mots de Lorraine chuchoter dans mon oreille juste avant que je ne m’éloigne complètement.

« … Tu ne te souviendras probablement pas de ceci, et c’est très bien ainsi. Mais si tu veux m’attaquer… Fais-le au moins lorsque tu es en pleine possession de tes facultés. Tu peux prendre une bouchée de moi n’importe quand, alors…, » murmura Lorraine.

Peut-être que je n’entendais pas vraiment de telles choses — mais même avec ma conscience qui s’estompait rapidement, je pouvais au moins en comprendre une partie.

Un étrange pouvoir semblait se frayer un chemin à travers mon corps.

***

Partie 5

Pour une raison ou une autre, mon corps était très lourd. C’était un sentiment étrange.

Attends, quelque chose n’allait pas. Qu’est-ce que je faisais là ? J’étais, après tout, dans la Réflexion de la Lune jusqu’à il y a peu de temps. Nous avions quitté les confins du Donjon et visité la boutique de Loris. Et puis… ?

Quand est-ce que je me suis endormi ?

Alors que cela semblait déclencher une réaction dans mon esprit, cette pensée m’avait réveillé. Une sorte de lumière vraiment brillante semblait envahir mes paupières, les forçant à s’ouvrir.

***

Partie 6

« … Tu es réveillé, Rentt. »

Ce qui m’avait salué lorsque j’avais ouvert les yeux était un spectacle étrangement familier — le plafond de la demeure de Lorraine. Sa voix avait ramené un flot de souvenirs — un retour en arrière, comme on l’appellerait. Je m’étais lentement rappelé la chaîne d’événements qui m’avait conduit ici.

En organisant mes pensées sur la situation dans une certaine mesure, j’avais finalement ouvert la bouche pour parler.

« Ah… Je m’excuse pour ce que j’ai fait. Je ne me sentais pas tout à fait normal, » déclarai-je.

« Non, il n’y a pas de quoi s’inquiéter, bien que j’accepte ces excuses. Le plus important, c’est ce que tu ressens en ce moment. Te sens-tu… dominé par une force étrange ? Te sens-tu obligé de faire quelque chose… d’inhabituel ? »

J’avais secoué la tête à la question de Lorraine. Ce que je voulais dire par là c’était que rien ne semblait être étrange en ce moment.

Il y avait une chose : le léger parfum de sang dans la pièce provoquait un appétit en moi, mais il n’avait rien à voir avec l’état de désir cramoisi dans lequel j’étais auparavant.

Alors qu’elle déplaça une main sur son épaule, Lorraine semblait satisfaite de ma réponse.

« Est-ce que… c’est vrai ? Alors, c’est très bien… Et aussi, je devrais le dire encore une fois… Ne laisse pas ce qui s’est passé te déranger. Ce n’était qu’un malheureux accident. Cela étant dit, nous devrions quand même faire quelque chose pour ça… De quoi te souviens-tu ? »

Lorraine m’avait tendu la main, interrompant rapidement mes excuses. Si ce n’était pas pour son geste, je serais probablement bloqué sur mes excuses pendant un temps considérable.

Connaissant Lorraine depuis si longtemps, elle semblait parfois comprendre ce que je pensais sans que j’aie à le mettre en mots. Bien qu’un peu irritant par moments, je me trouvais maintenant reconnaissant de la compréhension de Lorraine. Après tout, je pouvais être moi-même proche de Lorraine — et c’est pour cela que je pouvais accepter ses paroles pour ce qu’elles étaient, et ne pas rester accroché à ce qui s’était passé.

Bien sûr, il serait impossible de l’oublier tout de suite, mais peut-être que cela s’estomperait avec le temps. Dans tous les cas, pour l’instant, je devrais m’efforcer de répondre aux questions de Lorraine —, en particulier, de ce que je me souvenais avant de perdre conscience.

Que voulait-elle dire exactement ?

J’avais perdu le contrôle de moi-même en rendant visite à Lorraine, tout ce qui se trouvait devant mes yeux s’estompait en un pourpre profond, et je l’avais frappée. Après cela… Hmm.

Non… Ce n’était pas bon. Il y avait trop de divergences étranges dans mes souvenirs. C’était comme un rêve surréaliste — je me rappelais avoir ressenti de l’excitation, comme si de lourdes contraintes avaient été enlevées de mon être. Je ne me rappelais pas avoir pris de décisions logiques.

Lorraine hocha la tête tandis que je continuais à décrire le peu dont je me souvenais.

« Oui, oui, oui. Bien sûr, bien sûr. Je pensais que ce serait quelque chose comme ça. Tu t’es comporté différemment de ce que tu ferais normalement. Pour commencer, il fallait peut-être s’y attendre… Ce n’est pas trop surprenant, compte tenu de tous les facteurs en jeu. Je l’avais sous contrôle, moi aussi. C’est très bien, » déclara-t-elle.

Me trouvant allongé sur le canapé de Lorraine, je lui avais demandé d’expliquer ce qui s’était passé entre-temps. Lorraine, qui avait été assise à côté de moi tout le temps, avait offert une réponse claire.

« Il n’y a pas grand-chose à dire. Quand tu es rentré chez moi, tu m’as soudainement attaquée, et je t’ai envoyé voler avec un sort. J’ai bien visé, tu sais ? Bien que cela ne t’aurait probablement pas frappé si tu avais été normal…, » répondit-elle.

Est-ce que c’était vrai ? Malgré son apparence, Lorraine était une personne compétente. Contrairement à ce qu’elle était avant, elle pouvait maintenant facilement explorer le Donjon moyen en étant seule — je ne pensais pas qu’esquiver sa magie serait un exploit insignifiant.

Lorraine continua, comme si elle lisait mon esprit : « Ce serait peut-être le cas si j’étais bien préparée à la situation. J’ai été prise au dépourvu et j’ai paniqué, tu sais. En temps normal, je n’approcherais jamais un monstre de près. Tu sais que je préfère attaquer de loin après les avoir observés en restant éloigné. Puisque tu étais si proche… même la magie était difficile à utiliser. C’était un geste désespéré de comprimer soudainement une grande quantité de magie en un coup concentré, est-ce que tu comprends ? Et bien… ça a marché, donc je n’ai pas à me plaindre. »

Malgré ses paroles, Lorraine semblait secouée. Bien qu’elle semblait calme et analytique au sujet de la situation, n’importe quelle fille normale serait au moins quelque peu troublée lorsqu’un ami proche se retournait soudainement contre elles — violemment, en plus. Mais Lorraine l’avait caché du mieux qu’elle le pouvait — peut-être par souci de mon bien-être.

« … Je voulais m’assurer que tu te sens bien ? Des problèmes quelque part ? Je voulais réduire la puissance du sort, mais je n’ai pas vraiment d’expérience dans ce domaine. C’était… trop soudain. Ressens-tu des blessures mortelles ou autres… ? » me demanda-t-elle.

En fait, je me sentais un peu mieux que d’habitude. Lorraine semblait soulagée de ma conclusion.

« Je vois. C’est un soulagement, alors. Même ainsi… tu as quand même besoin de repos. Après tout, tu viens juste de te remettre de mon coup. Du calme pour aujourd’hui. Je vais… nettoyer la chambre — aïe ! »

La chambre de Lorraine était en effet plus horrible qu’elle ne l’était habituellement, avec des livres, des meubles et d’autres choses semblables éparpillés au hasard dans chaque recoin. Lorraine, cependant, n’avait pas cherché à faire du nettoyage dans cet état. Debout, elle tenait son épaule bien serrée, le visage plissé par la douleur. Je n’avais pas la tête assez grosse pour ne pas comprendre pourquoi elle se comportait ainsi :

C’était la blessure que je lui avais infligée.

Je m’étais levé, en soutenant son corps avec mes bras.

« … Argh. J’ai failli tomber. Désolée pour le dérangement, Rentt…, » Lorraine avait rapidement tenté de s’éloigner, comme si elle voulait se tenir debout avec ses propres forces.

« Montre-moi… ta blessure…, » déclarai-je.

En disant cela, j’avais déplacé sa robe avec ma main. Une série de bandages tachés de sang s’était présentée à moi, appliquée un peu n’importe comment et de façon désordonnée, avec du sang trempé qui passait à travers les couches. Ce n’était pas beau à voir. Il était évident que Lorraine n’avait pas fait grand-chose pour elle-même — il s’agissait au mieux de premiers soins rudimentaires. J’avais exigé de savoir pourquoi Lorraine n’avait pas été dans un sanatorium ou un lieu de guérison.

« Si je leur montre quelque chose comme ça, ils voudraient savoir ce qui l’a causé… Ne t’inquiète pas pour ça. Je préparerai une potion ou deux plus tard. J’en ai en stock, mais elles sont prévues pour la vente à l’apothicaire voisin… donc je suis actuellement en rupture de stock. Ne t’inquiète pas… Je peux facilement faire quelque chose pour soigner une blessure après ça…, » déclara Lorraine.

Apparemment, c’était la justification de Lorraine pour vouloir nettoyer sa chambre d’abord — je l’avais arrêtée, bien sûr.

« Laisse-moi… faire, » je parlais de ce qui concernait le traitement de la blessure de Lorraine.

Bien que je ne connaissais aucune magie de guérison, j’avais assez de Divinité en moi pour aider. Loris en était un bon exemple. Une blessure de cette taille pouvait être facilement manipulée même sans potion.

Lorraine, comme d’habitude, parlait comme si elle avait déjà lu mes pensées. « Mais… ton corps… »

Il semblerait que Lorraine s’inquiétait plus pour ma santé qu’elle-même. Cependant, j’allais bien. Plus important encore, je devais soigner la blessure de Lorraine. Même si elle pouvait être facilement guérie avec une potion, une blessure de ce genre laisserait sûrement une marque.

Bien que même une potion bon marché puisse guérir ses blessures, le traitement qui en résulterait laisserait des imperfections, des cicatrices et autres sur la peau. Ainsi, les aventurières utilisaient couramment des potions coûteuses, en particulier pour éviter un tel problème. Mais Lorraine n’avait jamais été dérangée par de telles choses. En fait, jusqu’à présent, elle avait utilisé ses propres potions maison pour sa guérison personnelle. Sachant comment elle était, elle ne mettrait probablement pas beaucoup d’efforts dans ces potions. Cela la laisserait à son tour avec une cicatrice — ou, dans tous les cas, la possibilité était présente.

Je serais responsable de cette cicatrice, et je ne pourrais pas vivre avec ça.

Dans cet état d’esprit, j’avais posé une main sur l’épaule de Lorraine, la maintenant en place. Comme si elle s’était résignée à son sort, Lorraine soupira, faisant un visage en acceptant le traitement.

« … C’est la première fois que je suis guérie par la magie divine. C’est… très apaisant, tu sais. Je me sens… si chaude, » déclara-t-elle.

N’ayant jamais essayé de guérir mes propres blessures auparavant, je n’avais aucune idée de ce que je ressentirais. Mais j’étais reconnaissant du fait que cela ne semblait pas être un processus douloureux.

En regardant de plus près, il y avait des marques de dents claires sur l’épaule de Lorraine, ainsi que des marques rugueuses correspondant à une blessure par lacération. Comme je le pensais, une potion normale laisserait de vilaines cicatrices. Je devais mettre tout mon cœur à l’ouvrage. Je m’étais concentré, faisant surgir une bonne quantité de Divinité dans ma main. Lentement, la plaie avait commencé à s’estomper, sa peau se réparant au fur et à mesure qu’elle revenait à son état antérieur. L’épaule de Lorraine était maintenant lisse et blanc pâle, comme elle l’était auparavant.

Confirmant visuellement que sa blessure avait disparu, Lorraine avait appuyé sur son épaule de sa main libre, comme pour vérifier s’il n’y avait pas de blessures sous la surface.

« … Ça ne fait pas mal du tout. L’usage de la Divinité pour le traitement des blessures, hein… Comme prévu, c’est vraiment autre chose, » après une pause, Lorraine poursuivit, d’une voix plus douce, « … Je suppose que je ne peux plus dire que je suis une marchandise endommagée maintenant, hein. »

Bizarrement, Lorraine semblait un peu déçue à cette idée. Confus, j’avais regardé Lorraine, mais elle avait lentement secoué la tête.

« Non… ce n’est… rien — ? »

Il semblait y avoir quelque chose qui n’allait pas avec mon visage. Comme si elle avait enfin trouvé ce qu’elle voulait me dire, Lorraine avait parlé une fois de plus.

« Hey… Rentt. Ton masque… Est-ce que ça s’enlève… ? » demanda Lorraine, regardant mon visage avec incrédulité.

***

Partie 7

« … Attends. Il devrait y avoir un miroir quelque part là-dedans…, » déclara Lorraine, commençant à chercher à travers les objets éparpillés dans la pièce.

Malgré tous ses caprices et sa personnalité relativement détendue, il semblerait que Lorraine possédait, après tout, un miroir — comme la plupart des femmes. Après avoir fouillé un peu plus dans la pièce, Lorraine avait finalement trouvé ce qu’elle cherchait.

« Nous y voilà. Regards donc ça… Eh bien, peut-être qu’il ne tombe pas, mais au moins il semble avoir changé la façon dont il se pose sur ton visage…, » déclara-t-elle.

Moi aussi, j’étais curieux et je ne pouvais m’empêcher de regarder dans le miroir que Lorraine tenait. Mon visage et mon masque y étaient reflétés, ce dernier étant un peu différent de la normale.

Mais il ne s’agissait pas seulement du positionnement. En y regardant de plus près, l’ensemble du masque avait changé de forme. Bien qu’à l’origine elle couvrait la plus grande partie de mon visage, elle ne couvrait plus que la moitié supérieure, exposant ainsi la partie inférieure de mon visage, ma bouche et tout le reste.

Mais ce n’était pas la chose la plus surprenante dans ma réflexion.

« … Peau, » murmurai-je.

Lorraine acquiesça d’un signe de tête face à ma constatation stupéfaite. « Ah, oui. J’avais oublié de le mentionner, à la lumière de tout ce qui s’était passé… avec moi. Rentt — tu as l’air différent maintenant. »

***

Partie 8

Grâce à une série de vérifications rapides, j’avais découvert que mon apparence avait en effet changé de façon spectaculaire. Je n’avais pas seulement fait référence à la question du changement de forme de mon masque.

En décidant d’enlever ma robe juste pour être sûr, j’avais découvert qu’il y avait maintenant des taches de ce qui semblait être une peau saine parmi les morceaux habituellement desséchés. Peut-être était-il plus facile de décrire mon état actuel comme celui d’un cadavre presque pourri, des morceaux de moi ressemblaient à ce que j’étais dans la vie, mais les autres parties étaient marquées de cicatrices, séchées et désagréables. Cependant, avec cela, il pourrait être possible de faire passer ces plaques de peau séchée pour des cicatrices infligées par des monstres.

Cela étant dit, prétendre que j’avais beaucoup de grandes cicatrices de ce genre pourrait être un peu long. Sinon, je pouvais simplement leur dire que j’étais une goule, mais ce n’était pas une bonne idée sous quelque forme que ce soit. Mon visage n’avait pas semblé aller beaucoup mieux, avec la moitié inférieure, non couverte par le masque, dans un état similaire à mon corps. En fait, cela semblait un peu plus monstrueux que ma peau ne l’était.

Bien qu’elle arborait des parties saines, les zones autour de ma bouche étaient nettement ressemblantes à un cadavre et très goulesque. On pouvait voir l’état de détresse de mes gencives — mais c’était peut-être un état plus squelettique d’avoir les dents exposées de cette manière. Je devais cacher ça d’une façon ou d’une autre… Y avait-il quelque chose que je pouvais faire ?

Je m’étais concentré, à la recherche d’une solution.

« … H-hey ! » Lorraine avait soudain fait entendre sa voix.

Pour une raison ou une autre, le masque s’était réduit en un matériau liquide, se glissant sur mon visage avant de se solidifier une fois de plus en un masque facial complet. Il était maintenant de retour à sa forme normale, en forme de crâne.

Ce qui se passait… ?

« … Rentt. Je ne pense pas que ce masque est “juste” maudit. Est-ce qu’il y a autre chose ? » Lorraine avait demandé, ses yeux scintillaient maintenant d’un regard familier de curiosité.

Mais c’était vraiment comme Lorraine l’avait dit. Un masque capable d’un tel comportement n’était pas n’importe quelle feuille de métal maudit normal. Bien sûr, le fait qu’elle ait été maudite au départ signifiait qu’elle n’était pas très normale.

Lorraine se pencha vers moi, inspectant de près le masque. « … Lorsque la forme de ton masque a changé, faisais-tu quelque chose de différent ? »

J’avais décrit à Lorraine mes pensées de ce moment-là, à savoir comment je me sentais quant au fait de montrer ma bouche en public.

« Hmm. A-t-il changé d’apparence à cause de ce que tu pensais ? Une sorte d’objet sensible, peut-être ? C’est très rare…, » déclara-t-elle.

Un objet sensible…

Les objets sensibles étaient en effet rares. C’était un terme communément associé aux épées démoniaques et autres. Ces objets avaient souvent une volonté propre, et on disait qu’ils pouvaient choisir leurs propriétaires. On les trouvait souvent dans les profondeurs d’un Donjon et on disait qu’ils étaient impossibles à reproduire par les technologies modernes à la disposition de l’homme. On pourrait dire qu’ils étaient à la fois rares et célèbres (ou infâmes).

J’en avais parlé à Lorraine. Peut-être que mon masque était un artefact similaire. Cependant, il y avait aussi le fait que ce masque avait été acheté par Rina pour quelques pièces de bronze. Peu importe comment on le pensait, c’était un peu trop bon marché pour un objet sensible.

Lorraine avait offert une réponse après mûre réflexion. « Tiens compte du fait qu’il est maudit. Le propriétaire de l’époque aurait pu simplement fixer un tel prix pour s’en débarrasser rapidement. Nous devrions également considérer si le masque a la capacité de contrôler les pensées du porteur dans une certaine mesure… »

Une réponse plus troublante que ce à quoi j’étais habitué.

Bien que je n’avais pas eu beaucoup de résultats quand j’avais essayé de le retirer à cause de sa nature maudite, je ne pouvais pas exactement accepter le fait qu’il aurait un contrôle de mon esprit — j’étais déjà assez étrange en tant qu’existence déjà sans. Dans tous les cas, je voudrais que mon libre arbitre reste intact.

Cela dit, je n’avais pas l’impression d’avoir été contrôlé à aucun moment depuis mon réveil en tant que squelette. Alors que j’étais parfois submergé par d’étranges impulsions, je ne savais pas si c’était l’œuvre du masque. Après tout, j’avais sauté sur Lorraine.

Mais Lorraine semblait plus intéressée par le masque, et continuait à l’observer pendant que je restais silencieusement dans mes pensées.

« … Tu sais… s’il peut changer de forme en y pensant, cela ne signifie-t-il pas que tu es déjà capable de l’enlever ? » demanda-t-elle.

Les paroles de Lorraine avaient un sens. Convaincu que cela valait au moins la peine d’essayer, j’avais commencé à penser à enlever le masque. Malheureusement, le masque était resté immobile, et il était encore très collé à mon visage.

« Puis-je essayer de l’enlever ? » demanda-t-elle.

« Tu peux essayer, » déclarai-je.

Cependant, comme prévu, le masque n’était pas très réceptif aux efforts de Lorraine, apparemment collé à mon visage. Lorraine n’était pas exactement non plus sans force — bien qu’elle était probablement un peu plus faible qu’un soldat ou qu’un aventurier typique, elle était aussi une aventurière comme eux. Lorraine aurait dû avoir plus de force qu’il n’en fallait pour enlever mon masque — du moins, s’il s’agissait d’un masque normal.

En d’autres termes, mon masque semblait toujours coller fermement à mon visage, et il n’allait nulle part de sitôt.

« Ce n’est pas bon. Pourrais-tu penser à en changer à nouveau la forme ? » demanda-t-elle.

J’avais hoché la tête, imaginant une forme différente pour le masque dans mon esprit. Comme sur commande, le masque avait changé, une fois de plus, ne couvrant que la moitié supérieure de mon visage.

« Pourrais-tu essayer d’autres formes ? » me demanda-t-elle.

Tandis que j’avais continué à imaginer une variété de formes selon les instructions de Lorraine, le masque semblait n’avoir que trois formes générales : il couvrait soit tout mon visage, soit la moitié supérieure, soit la moitié inférieure.

Bien qu’il puisse prendre d’autres formes plus créatives, il finira par retourner dans l’un des trois états précités en moins d’une minute. Il semblait aussi capable de changer sa conception et son ornementation.

« … Ainsi, tu peux le façonner librement, mais tu ne peux pas l’enlever. Comme c’est étrange… Eh bien, ça marche en ta faveur, n’est-ce pas ? Ton visage est encore un peu proche de celui d’un mort-vivant, non ? » demanda Lorraine, apparemment satisfaite, hochant la tête alors qu’elle faisait son constat.

Comme elle l’avait déclaré, mon humanité serait remise en question si quelqu’un voyait bien la moitié inférieure de mon visage — non pas que pour commencer, je sois humain. Mon corps était malheureusement dans un état similaire. Si je leur montrais de quoi j’avais l’air, le citadin moyen se demanderait sûrement pourquoi j’étais capable de bouger, ne serait-ce que parce que les taches sur ma peau n’étaient pas seulement des blessures — certains os étaient encore visibles sous ma chair séchée. Il y avait aussi la question du sang — ou de l’absence de sang. Mes blessures n’avaient pas saigné.

Mais en tenant compte de tout cela, j’avais préféré cette forme — au moins, plus que ma dernière. J’étais humain en un bref et rapide coup d’œil. Je suppose que c’est là où je me situe actuellement sur l’échelle.

Mais ce n’est pas la seule chose qui avait changé.

« … Est-ce que… ma voix est étrange ? » demandai-je.

« Oh, oui, oui. Il semble beaucoup plus lisse maintenant, au point où je ne peux m’empêcher de le voir comme un peu étrange. Peut-être que je dois juste m’y habituer ? » demanda Lorraine.

« Je ne sais pas… Mais c’est plus facile de parler, » j’en étais très reconnaissant.

Cependant, la plus grande question qui avait surgi dans ma tête était de savoir ce qui avait provoqué ce changement.

« Est-ce que je l’ai… fait ? L’Évolution Existentielle ? » lui demandai-je.

Lorraine hocha la tête en réponse à ma question pendant que je continuais à m’examiner. « Il semblerait que ce soit le cas. Est-ce parce que tu as vaincu des monstres dans le Donjon ? »

J’avais mentionné à Lorraine que je me dirigeais vers le Donjon de la Réflexion de la Lune, d’où son hypothèse. Mais j’avais secoué la tête.

« Je ne… Je suis au courant de ça. Il est vrai que j’ai… combattu des monstres. Mais quand je… avais évolué en une goule, j’avais évolué immédiatement après que je… les avais vaincus, » déclarai-je.

« … Mais cette fois-ci, tu n’as évolué qu’après ton retour à la maison. Si nous devions identifier les différences… as-tu évolué après m’avoir vaincue ou… quelque chose d’autre dans ce genre ? » me demanda-t-elle.

« Tu plaisantes. Je ne t’ai nullement vaincue, » déclarai-je.

Bien que j’avais attaqué Lorraine, elle m’avait envoyé dans un mur avec une boule de feu bien placée, ce qui semblait être une perte totale.

« Je suppose qu’on pourrait plus exactement dire, c’est moi qui t’ai vaincu… Mais plus important encore — oh, oui… Tu as mangé ma chair et bu mon sang. C’était peut-être la raison ? » demanda-t-elle.

La déclaration de Lorraine était pour le moins choquante. J’avais écarquillé mes yeux en réponse, mais Lorraine avait simplement continué son explication.

« Penses-y. Ce n’est pas aussi étrange que ça en a l’air. Si je devais le dire… à en juger par ton apparence actuelle, tu me donnes l’impression d’être plus à un Thrall d’un Vampire qu’une simple goule. Au moins, tu serais une sorte de monstre sous les ordres d’un Vampire… Par conséquent, cela te classe un peu plus bas qu’un faible vampire dans la hiérarchie des monstres, » déclara-t-elle.

***

Partie 9

« Un Thrall, hein ? »

Alors que les Thralls des Vampires étaient des monstres quelque peu puissants, je n’en avais jamais vu de ma vie. Selon l’explication de Lorraine, les Thralls étaient une sorte de sous-fifre créé par un Vampire, et en tant que tel ne pourrait pas exister sans que ce dernier les crée. On savait que les Thralls ne semblaient pas réapparaître dans les Donjons. Cependant, les Petits Vampires qui les avaient créés réapparaissent quelque temps après avoir été tués. Pour cette raison, on pourrait même dire que les Thralls étaient un type de monstre quelque peu rare.

Cependant, cela étant dit, ils n’étaient pas exactement des créatures légendaires, car il y avait eu assez d’observations confirmées d’eux dans les zones où les vampires étaient connus pour vivre. Mais les Thralls dans ces cas étaient autrefois humains, ayant été transformés lorsqu’ils avaient été mordus par un vampire. Pour autant que je sache, on ne devenait pas simplement un Thrall sans les actions directes d’un parent vampirique.

« Oui… La ressemblance est là. J’ai déjà reçu une demande de tuer des Thralls. Tu ressembles un peu à ceux que j’ai vus à l’époque — eh bien, tu sembles avoir un peu plus de trous en toi que la moyenne des Thralls… Mais je me contente de classer cela comme une différence individuelle, » déclara Lorraine.

Lorraine était en fin de compte une érudite connaissant bien les caractéristiques des monstres. Si Lorraine avait dit que j’étais une sorte de Thrall et qu’elle avait déjà vu des créatures similaires en personne, je n’avais aucune raison de douter de ses affirmations.

Cependant, je n’avais pas du tout été mordu par un Vampire, il était donc difficile de comprendre les raisons de mon évolution. Selon moi, une goule évoluant en un Thrall était inédite — .

C’est pourquoi j’avais fait part de mes préoccupations à Lorraine.

« … Peut-on… vraiment devenir un Thrall juste par… l’Évolution Existentielle ? » lui demandai-je.

Lorraine n’avait pas facilement une réponse pour moi, secouant à la place lentement la tête.

« Comme je l’ai déjà mentionné, il existe peu de documents sur le sujet de l’Évolution Existentielle. Elle fait encore l’objet de recherches sur l’ensemble du territoire au moment où nous parlons, de sorte qu’il n’y a pas d’information adéquate pour déterminer ce qui est normal et ce qui ne l’est pas. Le tien est un cas particulier — du moins, je pense qu’il s’agit d’un cas particulier. Il n’y a pas de précédents disponibles… Je ne peux pas te donner une réponse facile, » répondit Lorraine.

C’était comme Lorraine l’avait dit — même un érudit des monstres comme elle n’avait pas de réponse pour moi. C’était probablement impossible à comprendre si facilement, et c’était très troublant de penser à cela, en effet.

Je tenais ma tête, essayant en vain de donner un sens à la situation. Sentant mon désespoir, Lorraine m’avait offert quelques mots de consolation :

« Eh bien… Je ne m’amusais pas vraiment pendant que tu explorais le Donjon. J’ai réfléchi à beaucoup de choses de mon côté — si tu veux mes observations de ces moments-là, je pourrais te les donner. Qu’en dis-tu ? » me demanda Lorraine.

Telle était l’offre occasionnelle de Lorraine — bien sûr, je n’avais aucune raison de refuser. J’avais compris que même une simple hypothèse de Lorraine pouvait être une information très utile.

Je n’avais pas perdu de temps pour communiquer mon intérêt à Lorraine.

« D’accord, alors, je vais t’en parler. Même si tu avais refusé, de toute façon, j’aurais simplement continué à parler, » déclara Lorraine, un sourire rampant sur ses traits.

« Maintenant… Par où dois-je commencer ? Il serait peut-être plus facile de comprendre si je passais en revue tous les événements qui se sont produits, en commençant par le début de ton évolution. Bien que je n’étais pas présente pour en être témoin… Rentt — tu étais un squelette au début, n’est-ce pas ? » me demanda Lorraine.

« Oui… Je voulais te montrer, mais je ne pouvais pas… retourner sous cette forme. Mais peu importe… Comment tu le dis… j’étais un… squelette. C’était… Plutôt surréaliste. Je regardais mon corps… et c’était des os blancs, » répondis-je.

Lorraine, momentanément stupéfaite de mon souvenir de mon temps en tant que squelette, avait rapidement retrouvé son sang-froid.

« Et… à partir de là, tu es devenu une goule ? » demanda-t-elle.

« Oui. Quand tu m’as vu, j’étais déjà une goule, » répondis-je.

« Oui, bien sûr… C’était assez étrange de te voir comme ça. Très… intéressant. Eh bien, ça suffit. Plus important encore… Mes observations sur ton évolution. Ne penses-tu pas qu’évoluer d’un squelette à une goule en soi est une chose étrange ? » me demanda-t-elle.

« Hmm… ? » Je n’avais pu que répondre à la soudaine question de Lorraine.

Comprenant que je ne comprenais pas le sens profond de sa question, Lorraine avait continué son explication.

« C’est-à-dire… L’Évolution Existentielle est le processus par lequel un monstre devient une version plus forte de lui-même. On pourrait le décrire de cette façon — vaguement, au moins. La vérité est peut-être très différente, mais pour l’instant, nous allons travailler avec ça. Me suis-tu toujours ? » me demanda-t-elle.

« Oui, » répondis-je

« Eh bien, alors… réfléchis-y. Les goules sont-elles des versions plus fortes des squelettes ? » me demanda-t-elle.

« Hmm…, » je n’avais pas pu m’empêcher de remarquer l’écart maintenant que Lorraine l’avait signalé.

Les livres que j’avais lus dans la demeure de Lorraine mentionnaient tous que les squelettes s’étaient transformés en goules, et j’avais accepté cela comme une vérité. Jusque-là, je n’y avais pas beaucoup réfléchi. Cependant, les squelettes avaient un certain nombre de variations, beaucoup plus fortes que leur forme de base non armée. En fait, le squelette géant que j’avais combattu avant cela était un bon exemple. D’autres modèles notables comprenaient les chevaliers-squelette, ou les squelettes-soldats plus faibles.

Si un squelette devait vraiment subir une Évolution Existentielle, ne deviendrait-il pas un soldat ou un chevalier ? Cela, au moins, semblait être le chemin le plus naturel. Mais bien sûr : on ne pouvait pas être sûr si en premier lieu l’évolution des monstres était une chose naturelle, mais je suppose que c’était une idée à creuser un autre jour.

Une fois de plus, j’avais offert mes réflexions sur le sujet à Lorraine, qui avait rapidement acquiescé de la tête.

« Oui, c’est ce que tu dis. Bien qu’il soit vrai que beaucoup de tomes de recherche et autres parlent de squelettes évoluant en goules, ce n’est pas une vérité absolue — en fait, quelqu’un a probablement été témoin de ce qui s’est passé à un moment donné. Cependant, on ne pouvait pas être sûr s’il s’agissait d’une sorte d’Évolution Existentielle ou non — et encore moins s’il s’agissait d’une exception quelconque, » répondit Lorraine.

« Quoi… !? Que veux-tu dire par là ? » lui demandai-je.

« … Je veux dire qu’en vérité, nous savons très peu — voir rien du tout — sur le sujet, » répondit-elle.

Je sentais que l’opinion de Lorraine était un peu dure, mais Lorraine avait simplement continué.

« … Cependant. En voyant comment tu as évolué vers une goule à partir de ton état squelettique, je suppose que cela prouve que mon hypothèse est correcte, » déclara Lorraine.

« Alors… Qu’est-ce que ça veut dire ? » lui demandai-je.

« En termes simples : je propose que l’Évolution Existentielle d’un monstre le propulse dans la direction de ce qu’il veut devenir, » répondit Lorraine.

Peut-être qu’il y avait de la vérité dans les paroles de Lorraine. Pour commencer, je m’étais fixé sur l’évolution vers une goule au moment où je m’étais rendu compte que j’étais ressuscité en tant que squelette. Il en était de même lorsque j’étais une goule : j’avais voulu évoluer vers un vampire afin d’obtenir une forme plus humaine. Peut-être que l’hypothèse de Lorraine était juste.

Bien que certaines questions soient restées dans mon esprit.

« … pourquoi ai-je… évolué dans un Thrall… depuis une goule ? J’aurais pu… devenir un Vampire directement ? » lui demandai-je.

Après tout, c’était mon objectif de départ. Si ce que Lorraine avait dit était vrai, je serais devenu un Vampire. Mais Lorraine semblait prête à répondre à ma question et m’avait offert une réponse :

« Penses-y comme les rangs des aventuriers de la guilde. Même si tu es habile en tant qu’aventurier, tu ne peux pas soudainement passer à la classe Or, n’est-ce pas ? De plus, tu ne peux même pas avancer si tu n’as pas la capacité de le faire, » répondit-elle.

J’avais compris l’essentiel des paroles de Lorraine. « … Il faut donc que j’évolue… Pas à pas… Une marche à la fois ? »

« Ce serait la conclusion la plus logique si nous examinions ton apparence actuelle. Il s’agit, encore une fois, d’une hypothèse, la taille de l’échantillon est beaucoup trop petite. Si je devais citer des preuves ou des documents à l’appui… Ma récente recherche sur les tendances évolutives de Puchi Suri suffirait. »

Les Puchi Suris étaient de petits monstres ressemblant à des souris que l’on pouvait trouver à peu près n’importe où, et qui étaient tout aussi facilement capturés. Les sous-espèces élémentaires et les versions évolutives pouvaient également être facilement trouvées, correspondant généralement à l’endroit où elles vivaient. Il semblerait que Lorraine avait fait des recherches dans ce domaine.

Lorraine avait poursuivi son explication. « C’est une expérience simple — on capture des Puchi Suris, puis on en place quelques-uns dans des cages à différents endroits. Une zone volcanique, près de l’eau, dans une forêt, une grotte, etc. Les résultats sont pour le moins intéressants. »

Selon l’explication de Lorraine, chacun des Puchi Suris avait pris l’élément de leur environnement, celui placé au volcan devenant une sous-espèce d’élément de feu — la même chose s’était produite avec chacun des spécimens dans leur endroit spécifique. De plus, il ne restait qu’un seul Puchi Suri dans chacune des cages à la fin de l’expérience. Si je devais deviner, c’était probablement parce que les Puchi Suris se battaient entre eux et qu’un gagnant final absorbait tout le pouvoir de ses congénères.

Le résultat de cela avait été l’Évolution Existentielle.

« Bien sûr, cela ne prouve pas à lui seul mes suppositions. On pourrait prétendre que le Puchi Suri réagissait simplement aux changements de son environnement — mais que se passerait-il s’il ne s’agissait pas d’une évolution passive, mais dirigée ? Et si le monstre lui-même voulait évoluer vers une certaine forme ? Peut-être que je prends de l’avance sur moi-même… Mais je n’exclurais pas cela après avoir observé un cas comme le tien. Après tout, prétendre que tu as évolué en goule en réponse à des stimuli environnementaux dans le Donjon de la Réflexion de la Lune serait un peu exagéré. Il y avait beaucoup d’autres formes que tu aurais pu prendre. »

Elle avait ensuite continué. « Dans ton cas… cette dernière explication est plus convaincante : tu as pris cette forme parce que tu le voulais. Tu m’as toi-même dit que tu avais consciemment souhaité évoluer vers la goule. Tu vois, il y a un certain poids derrière cette hypothèse, bien que je ne l’appellerais pas encore une théorie concrète. »

***

Partie 10

« … Alors… Est-ce que ça veut dire que pour… devenir un Vampire… je dois juste… y penser ? Et travailler dur pour l’obtenir… ? » J’avais posé ma question à Lorraine.

Si l’explication de Lorraine était vraie, cela signifierait que penser à devenir un Vampire tout en absorbant les énergies vitales d’autres monstres serait suffisant pour déclencher le processus d’évolution.

Lorraine, cependant, avait secoué la tête — pas la réaction à laquelle je m’attendais.

« J’ai dit plus tôt que ce n’était pas une théorie concrète… À certains égards, tes hypothèses sont solides, mais je soupçonne que la pensée seule ne suffit pas, » déclara Lorraine.

« … Qu’est-ce que tu veux dire… ? » lui demandai-je.

« Voici le point problématique de toute cette série d’hypothèses. Si tu pouvais simplement déclencher l’Évolution Existentielle en tuant des monstres, n’aurais-tu pas évolué dans le Donjon ? » lui demandai-je.

Lorraine avait raison. Si l’Évolution Existentielle était simplement déclenchée par l’absorption des énergies vitales des monstres tués, j’aurais été poussé au-dessus du seuil de l’évolution au moment où j’aurais vaincu le Squelette Géant. Telle était la quantité d’énergie qu’il m’avait accordée. Cependant, je ne pouvais pas nier que je manquais peut-être encore d’énergie après cette bataille. Quoi qu’il en soit, j’étais retourné à Maalt sans incident.

Cependant, sur le chemin du retour, j’avais vaincu plusieurs monstres — si j’avais manqué d’énergie, cela aurait sûrement réglé le problème. En réalité, rien ne s’était produit jusqu’à ma bagarre avec Lorraine, où apparemment j’avais évolué alors que j’étais inconscient. De ces seules observations, même moi, je pouvais comprendre que vaincre simplement les monstres était insuffisant pour que j’évolue.

En d’autres termes, ce que Lorraine avait dit tout à l’heure était tout à fait sensé.

« Peut-être, alors… moi mangeant ta… chair et ton sang était… la raison, » déclarai-je.

« En effet. J’en suis arrivée à cette conclusion après mûre réflexion — il n’y avait pas d’autres variables dans l’équation. Bien que les détails les plus fins du processus soient perdus pour moi, je peux dire en toute confiance que certains cas d’Évolution Existentielle sont déclenchés par des conditions spécifiques. Les preuves empiriques dans ce cas suggèrent que l’on ne peut pas évoluer en vainquant seulement les monstres — et c’est ce qui a été observé jusqu’à présent, » déclara-t-elle.

Apparemment, c’était la raison pour laquelle je ne pouvais pas évoluer vers un Vampire — du moins, pas seulement en vainquant seulement des monstres. Cependant, avec la pensée de moi évoluant en raison de la consommation de la chair et du sang de Lorraine…

J’avais fait part de mes doutes à Lorraine.

« C’est la partie complexe — c’est que c’était très difficile à vérifier. Les Thralls sont techniquement des sortes de vampires… Des vampires de bas niveau, mais des vampires quand même. On dit que les vampires absorbent le mana et l’esprit de leur adversaire en buvant leur sang. Bien qu’un vampire ne meurt pas s’il ne boit pas, il serait considérablement affaibli. Les seuils sont similaires à cet égard. En gros… Ils gagnent en force en buvant le sang des humains, » répondit-elle.

« Qu’en est-il… de la chair ? » lui demandai-je.

« Ce serait plutôt l’impulsion d’une goule. Tu as perdu le contrôle de toi-même à ce moment-là — c’est par la force de ce désir que tu as agi et que tu as fait tout ça. N’as-tu pas ressenti quelque chose comme ça alors que tu étais une goule ? Peut-être, une sorte de désir primaire ? » me demanda-t-elle.

Je me souvenais avoir pensé à manger de la chair humaine à plusieurs reprises pendant ma période en tant que goule. Mais je me rappelais consciemment qu’une telle chose était interdite, de sorte que le désir lui-même était au début facilement réfréné. Cependant, le désir avait finalement grandi, s’intensifiant tandis que j’avais vaincu de nombreux autres monstres.

Maintenant que j’en parle, lorsque j’avais rencontré Loris le restaurateur, mon désir de goule était à son apogée. La force de ce désir était telle que j’avais eu du mal à le réfréner après ma bataille avec le squelette géant.

Lorraine avait acquiescé à mon explication. « Les monstres ont besoin d’une sorte de nourriture — un moyen d’absorber l’énergie, si tu préfères. Si un monstre ne mange pas, ses désirs de base deviennent probablement plus forts en réponse à sa faim. C’est pourquoi tu as mordu un morceau de moi quand tu es arrivé ici : tes désirs se sont amplifiés et ont culminé à un point irréversible, et l’accomplissement résultant de ce désir a déclenché ton évolution. Il se trouve que le fait de manger de la chair humaine par hasard t’a aussi fait évoluer. Bien que je n’ai aucun moyen de savoir si tous les monstres ont des désirs qui alimentent leur évolution, je suppose que je pourrais faire quelques suppositions et dire que c’est le cas. Donc, en tant que tel, tu ne devrais pas seulement vaincre les monstres. À la place, tu devrais réfléchir sérieusement à ce qui peut déclencher ton évolution et agir en conséquence — du moins, c’est ce que je pense. »

Telle était la réponse de Lorraine. Mais les instructions de Lorraine étaient au mieux vagues.

« … On ne peut pas faire grand-chose pour les choses telles qu’elles sont en ce moment, » continua-t-elle. « Il y a des choses que même moi je ne sais pas, ce dont nous avons discuté tout à l’heure n’est rien d’autre qu’une série d’hypothèses — et en fonction de ce que tu demandes, des suppositions délirantes. Ah… si seulement j’avais plus d’échantillons. Si c’était le cas, nous aurions de bien meilleurs moyens de recueillir des données… »

Souhaiter plus d’êtres comme moi — je n’avais pas eu le cœur de dire à Lorraine qu’un tel jour ne viendrait peut-être jamais.

Même s’il ne s’agissait que de simples délires, les observations de Lorraine m’avaient donné plus qu’assez de nourriture pour réfléchir. Je n’en serais pas arrivé à de telles conclusions moi-même, ou, plus exactement, je n’avais jamais pensé à des choses aussi profondes. Sans ses conseils, j’aurais simplement continué à vaincre les monstres. C’était vraiment une amie qui valait la peine d’avoir — une savante sage que j’avais eu le privilège de connaître pendant longtemps.

« Eh bien, avec tout ce qui a été dit, le seul choix qui s’offre à toi est peut-être d’aller de l’avant. Tu pourrais bien être le premier dans l’histoire de toute l’humanité à suivre un tel chemin. Bien sûr, je ferai ce que je peux pour te soutenir, » déclara Lorraine.

Maintenant, plus que jamais, je me sentais reconnaissant de la présence de Lorraine.

« … Merci, Lorraine, » déclarai-je.

« Ne t’inquiète pas… Eh bien, c’est maintenant le bon moment ! Comme toujours — viens ici et mets-toi nu pour que je puisse t’inspecter à fond, » déclara-t-elle.

« Hein ? »

Je n’avais pas pu m’empêcher de penser que le commentaire soudain de Lorraine était inadapté à l’atmosphère solennelle qui était présente il y a quelques instants. Mais Lorraine ne semblait pas en avoir conscience.

« Eh bien ? Qu’est-ce que tu fais ? Enlève tes vêtements, vite, dès maintenant. Il se trouve que j’ai un Cristal d’Enregistrement ici… Nous devrions prendre une photo de ton apparence actuelle à des fins d’archivage. — Oh, c’est vrai. Es-tu maintenant capable de manger ? Eh bien, tu as mangé un peu de moi en tant que goule, alors je suppose que tu as quelques fonctions au niveau de ton estomac. Mais tu devras aussi essayer de manger de la nourriture normale. Oh, et tu ferais bien de me donner un morceau de ton corps. Je vais appliquer un anesthésique pour engourdir la douleur. En fait… Est-ce que les médicaments anesthésiants agissent sur toi ? Je devrais me rappeler de prendre des notes de recherche à ce sujet. Et aussi…, » déclara-t-elle.

Lorraine avait continué à énumérer une série d’expériences possibles — elle avait apparemment l’intention d’effectuer chacune d’elles sur moi.

Mais je n’écoutais pas exactement les divagations de Lorraine. Alors que Lorraine était normalement calme et patiente, elle avait la mauvaise habitude de plonger dans ses recherches une fois qu’elle avait décidé que quelque chose l’intéressait. Par conséquent, elle travaillait souvent tard dans la nuit, oubliant de manger ou de se reposer, et finissait par s’effondrer à un moment ou à un autre.

Cependant, j’étais là pour m’occuper d’elle chaque fois que quelque chose comme ça arrivait. Même si je devais la guider jusqu’à son lit et lui dire de se reposer, Lorraine ne serait qu’à contrecœur d’accord, tout en étant visiblement irritée que son travail ait été perturbé. Ses mauvaises habitudes étaient responsables de son comportement actuel.

Cependant, en écoutant les suggestions de Lorraine, il semblerait que les expériences qu’elle avait décrites étaient toutes cruciales pour comprendre ma condition, d’où mon éventuelle coopération. Par exemple, ses expériences devraient me permettre de comprendre si les médicaments fonctionnaient même sur moi — pratique pour explorer un Donjon. De même, la demande de Lorraine pour que je mange de la nourriture normale n’était pas trop farfelue non plus — si je pouvais manger, je devrais probablement le faire. Si je m’effondrais soudainement à cause de la faim ou de l’insuffisance de nutriments, cela ne profiterait à personne — en tant que tel, je devrais manger et me reposer si je le pouvais.

Il y avait aussi la considération que quelqu’un pouvait m’attaquer de nulle part, donc c’était bien d’être préparé.

Cela étant dit, j’avais aimé manger dans la vie. Si possible, j’aimerais continuer à manger. Bien que j’avais pris une bouchée de Lorraine après avoir évolué d’un squelette à une goule, je n’avais rien mangé d’autre entre-temps. Je n’avais aucune idée si le fait de s’abstenir de manger avait des effets néfastes. Au contraire, j’avais des doutes sur ma capacité à digérer la nourriture. J’avais supposé que ça valait au moins la peine d’essayer.

« Alors, Rentt. Pas la peine de rester assis. Commençons tout de suite les expériences… Du moins, c’est ce que j’aurais aimé dire, mais je suppose que c’est un peu trop pour aujourd’hui. Tu devrais te reposer, et nous pouvons continuer demain… Qu’est-ce que c’est ? Il y a un regard étrange sur ton visage, » déclara Lorraine.

Je n’arrivais pas à croire que Lorraine, avec autant d’empressement, permettrait de reporter ses expériences au lendemain.

« … Non… Je pensais simplement que tu… voudrais commencer tout de suite, » déclarai-je.

« Pour qui me prends-tu ? Même moi, j’ai parfois un peu de bon sens, » déclara-t-elle.

C’est quelque chose que je n’avais jamais attendu de Lorraine. J’avais pensé à le signaler, mais j’avais finalement décidé de ne pas le faire aujourd’hui.

***

Partie 11

Le lendemain — .

Après avoir confirmé que j’avais retrouvé un certain degré de normalité, Lorraine avait décidé de poursuivre ses expériences. Elle avait commencé par une inspection externe, au cours de laquelle elle était parfois entrée dans les moindres détails. Certaines des expériences de Lorraine n’avaient aucun sens pour moi, mais semblaient importantes pour une raison ou une autre. Je suppose que la plupart des érudits étaient ainsi, étant la plupart du temps agités jusqu’à ce qu’ils puissent faire une analyse complète.

Cela étant dit, je n’avais pas considéré toutes les expériences de Lorraine comme frivoles. En fait, les résultats de certaines de ces expériences avaient éclairci diverses questions que j’avais sur moi-même, et pour cela, j’en étais reconnaissant.

Les points saillants des expériences d’investigation étaient les suivants : Je pouvais apparemment manger de la nourriture normale, et les potions curatives, pour une raison inconnue, fonctionnaient aussi sur un mort-vivant comme moi. De plus, certaines choses avaient été complètement annulées par la nature unique de mon corps. Cependant, le plus grand avantage des expériences de Lorraine était le fait que je pouvais manger de la nourriture normale, au lieu d’être limité à la chair et au sang humains.

Cependant, pour le dire franchement, le désir de consommer de telles choses me hantait toujours, même après que j’aie évolué vers un Thrall. Je suppose que le désir de chair était après tout une impulsion de goule. Mon désir de sang était maintenant beaucoup plus fort, et je m’étais retrouvé à le désirer plus que jamais. Plus exactement, je semblais être capable de sentir le sang dans les veines des humains qui m’entouraient. Rien que par l’odeur, je pouvais discerner leur direction, l’âge, le sexe et l’état de santé des êtres humains autour de moi.

Peut-être fallait-il s’y attendre, la partie inattendue étant le fait qu’il sentait si bon pour moi. En particulier, je m’étais trouvé en train de convoiter le sang de jeunes femmes en bonne santé.

Je n’avais pas pu m’empêcher de penser aux conséquences négatives de cette évolution. Ce serait problématique si je ressentais cette convoitise tout le temps — en tant que tels, nous avions fini par mener des expériences sur la façon de réduire son intensité. Les résultats étaient quelque peu prometteurs, car la consommation d’aliments réguliers semblait réduire son emprise sur moi.

En plus de cela, Lorraine avait été assez généreuse pour fournir de petites quantités de son sang — et cela avait généralement eu un effet profond sur ma soif, la dissipant pendant un certain temps. Cependant, le contraste entre les deux sources était surprenant — je devais manger au moins trois fois plus qu’un homme adulte moyen pour rassasier ma faim. En comparaison, une seule goutte de sang de Lorraine m’avait immédiatement fait me sentir rassasié et revitalisé. Bien qu’il serait plus rentable de boire le sang de Lorraine dans ce scénario, je n’avais pas pu me résoudre à lui demander un approvisionnement constant. Cependant, Lorraine m’avait interrompu dans mes pensées par quelques déclarations personnelles.

« … En regardant les résultats de l’expérience, il serait plus logique que tu bois des quantités fixes de mon sang à intervalles réguliers. Pour l’instant, je te laisse avec une bouteille. La bouteille est tissée dans la magie de conservation — dans tous les cas, si tu n’en as plus, fais-le-moi savoir, » déclara Lorraine en me remettant la bouteille avec désinvolture.

Je sentais que la quantité d’une bouteille entière de sang était un peu trop, mais comme Lorraine l’avait dit, je n’avais besoin que d’une seule goutte à la fois.

En y pensant logiquement, cette bouteille me durerait au moins un mois si elle était correctement rationnée. Le problème, cependant, résidait dans l’efficacité du sort de préservation. Selon Lorraine, cela ne durerait qu’une semaine, après quoi je devrais lui demander de le rafraîchir une fois de plus.

Compte tenu du fait que les magies de conservation n’étaient pas absolues dans ce qu’elles faisaient, l’approvisionnement fourni par Lorraine ne pouvait pas être maintenu exactement frais pour toujours. Il était donc peut-être fortuit que la durée moyenne de conservation des denrées alimentaires et d’autres produits similaires fût d’environ un mois — juste ce qu’il fallait dans ce cas.

Mais cela dit, il y avait un autre problème en ce qui concerne cet arrangement : il était malsain pour Lorraine de fournir cette quantité de sang sur une base régulière. J’avais fait une note mentale pour être prudent au sujet du rationnement de mon approvisionnement en sang.

Sur cette note, cependant, il était indéniablement étrange pour l’un de nous de penser à boire le sang d’un autre, sans parler de le boire avec prudence. Dans tous les cas, ce n’était pas quelque chose que l’être humain moyen ferait, et ma tête me faisait mal en pensant aux implications d’un tel acte pour mon sens de l’humanité qui s’amincissait déjà. Je suppose qu’il était important de veiller à ce que mon sens de l’humanité ne se détériore pas davantage — manger des repas réguliers m’avait aidé à cet égard, du moins pour le moment.

Les expériences de Lorraine avaient également exploré mes résistances au poison, avec l’administration de poisons de plus en plus venimeux en moi. Il était intéressant de noter que je n’avais pas semblé être affecté par l’une de ses concoctions. Nous avions progressé d’une manière quelque peu désordonnée, armés seulement avec la connaissance des sorts de purification de poison de Lorraine en cas de problème. En dernier recours, je pourrais même utiliser ma Divinité pour annuler tout effet préjudiciable. Heureusement, nous avions réussi à terminer nos expériences sans avoir recours à l’un ou l’autre de ces moyens.

Avec cela, Lorraine avait déclaré que j’étais probablement immunisé contre la plupart des types de poisons.

« … Peut-être que les poisons ne fonctionnent pas très bien sur les cadavres ? » déclara-t-elle.

Lorraine avait deviné cela très facilement, et si elle n’avait aucune idée de la raison, je ne saurais pas mieux. Mais si c’était vraiment le cas, les potions curatives ne devraient pas non plus fonctionner puisque mon corps était mort.

Quoi qu’il en soit, je suppose que c’était bien d’accepter les déductions de Lorraine concernant ma résistance aux poisons. Après tout, les rapports selon lesquels certains humains seraient résistants aux poisons n’étaient pas vraiment inconnus. À cet égard, moi aussi, je n’étais pas aussi anormal que j’en avais l’air. Toutefois, étant donné la nature du reste de mon corps, cette déclaration pourrait être un peu exagérée.

Lorraine s’était tournée vers moi, toutes ses expériences s’étaient finalement terminées. « Eh bien ! Je vais prendre le temps de traiter toutes les données que nous avons extraites de nos expériences. Quant à toi… Eh bien. Je n’ai pas besoin de te dire quoi faire. »

En effet, c’était comme le disait Lorraine. J’avais déjà décidé de ce que je devais faire ensuite — à savoir, essayer d’une manière ou d’une autre d’évoluer vers une forme qui semblait vaguement humaine.

Si possible, j’aimerais redevenir humain. Si l’Évolution Existentielle avait effectivement orienté un individu vers sa forme désirée, cela ne serait-il pas possible dans mon cas ?

Je n’avais pas les réponses que je cherchais. Lorraine, pour sa part, n’avait pas de réponse concrète pour moi non plus.

« Il n’y a aucun moyen de le savoir avec certitude, mais bien sûr, ce serait le cas. Je ne peux cependant pas écarter la possibilité d’une telle chose. Pourquoi ne pas simplement pour l’instant en faire un objectif mental ? » demanda-t-elle.

Une belle réponse — comme on l’attendait de Lorraine. J’avais supposé que je devais suivre ses conseils et faire exactement ainsi.

J’avais décidé d’un nouveau but mental, ce serait du moins un bon but intérimaire. Pour que je puisse atteindre ce but, il fallait plus d’exploration en Donjon.

« … Penses-tu que… cette épée peut encore… être utilisée ? » en disant cela, j’avais dégainé hors son fourreau l’épée que Clope m’avait prêtée.

« C’est une sacrée usure que tu as sur la lame de l’épée… Tu devrais savoir mieux que moi qu’elle ne te servirait pas correctement, voir plus du tout, dans son état actuel. Des réparations seraient certainement nécessaires, » déclara Lorraine.

« Je… Je le pensais aussi…, » répondis-je.

L’état de l’épée s’était apparemment détérioré de façon dramatique à un moment donné au cours de mon aventure précédente, alors que je venais de la recevoir en prêt. Clope serait, sans aucun doute, très contrarié.

Quoi qu’il en soit, je ne pouvais pas continuer à l’utiliser tel quel. Il serait trop dangereux de se battre avec une arme endommagée.

Je m’étais préparé mentalement pour toute sorte de réprimandes, je m’étais dirigé vers le Harpon à trois dents.

***

Partie 12

« … Hé, franchement… qu’est-ce que c’est que ça ? » Demanda la voix bourrue de Clope.

Clope, mon forgeron de confiance n’avait pas pris la peine de cacher le dégoût sur son visage. Son expression était maintenant tordue vers une grimace inconfortable.

« … L’… Épée… que vous m’avez prêtée, » j’avais offert à Clope une réponse directe.

La réponse de Clope était tout aussi simple, quoiqu’accompagnée d’un grand soupir. « Je peux le voir en la regardant… Vous savez que ce n’est pas ce que je demande, n’est-ce pas ? »

Je suppose qu’il serait inutile de continuer à cacher la vérité à Clope, et c’est pourquoi j’avais décidé de lui dire avec honnêteté ce qui s’était passé.

« Mes excuses… J’ai dû… infuser la lame… avec la Divinité…, » déclarai-je.

« Hein ? Maintenant, pourquoi iriez-vous faire quelque chose comme — eh bien, je suppose que je peux l’accepter. Mais vous n’êtes allé qu’à la Réflexion de la Lune, n’est-ce pas ? Il ne devrait pas y avoir de monstres qui ont besoin d’une lame divine pour être vaincus ! »

Clope avait probablement fait cette déclaration parce qu’il savait que j’étais capable d’utiliser à la fois l’esprit et la magie. En d’autres termes, Clope savait très bien que la plupart, sinon tous les monstres de la Réflexion de la Lune pouvaient être vaincus par l’une ou l’autre de ces deux capacités.

Bien sûr, Clope n’avait pas tort dans ses observations. La réalité, cependant, était un peu différente.

« … J’ai rencontré un… squelette… géant. C’est pourquoi… C’est ce que j’ai été obligé de faire. Je n’avais… pas le choix. »

Clope avait écarquillé les yeux face à ma déposition. « Vous moquez-vous de moi ? Les squelettes géants n’apparaissent pas dans le Reflet de la Lune, non ? Mais… vous ne me mentiriez pas, hein. Où avez-vous trouvé quelque chose comme ça… ? »

« J’ai trouvé… une zone inédite… Une partie nouvelle du Donjon…, » répondis-je.

« Quoi !? Vous — Oi. Êtes-vous… sérieux ? » me demanda-t-il.

Bien que visiblement surpris, Clope s’était assuré de baisser le volume de sa voix. Il semblerait qu’il ait compris le poids de l’information dont il venait d’être informé.

« … Avez-vous vraiment… vu quelque chose comme ça ? » demanda-t-il.

J’avais hoché la tête en silence.

« … Eh bien. C’est un peu logique de savoir pourquoi vous êtes venu ici habiller comme ça… Alors quelque chose comme ça s’est produit, hein. Je peux l’accepter. Ça explique pourquoi l’épée est si endommagée… J’ai compris, c’est bon. Avez-vous fini votre exploration ? » me demanda-t-il.

En choisissant de ne pas répondre à la plupart des déclarations de Clope, j’avais plutôt répondu à la question qu’il m’avait posée.

« Non… Pas encore. C’est pourquoi… J’espérais. Que mon épée… Sois bientôt prête, » déclarai-je.

« Oui… Je comprends ça. Mais voyez ici : il n’y a aucune chance que je puisse faire votre épée aussi vite. C’est une pièce sur commande, vous savez. À la place, je vais vous remettre un autre prêt — un prêt qui est un peu mieux, cette fois-ci, » déclara-t-il.

J’avais fait ce voyage en espérant que Clope avait d’une manière ou d’une autre déjà terminé ma commande, mais je supposais qu’il avait besoin d’un peu plus de temps.

En hochant la tête, j’avais reçu avec reconnaissance l’épée que Luka, l’épouse de Clope, avait choisie et m’avait remise. Elle était apparemment capable de gérer de grandes quantités d’esprit et de magie, tout comme sa malheureuse prédécesseur. Satisfait, j’avais quitté le magasin.

***

Partie 13

*Coup !*

En quittant les portes du magasin, j’avais senti un choc réduit au niveau de ma tête. Plus précisément, l’impact avait été absorbé par mon masque, et quoi qu’il en soit, il semblerait que j’avais heurté quelque chose.

Mais bien sûr, quelque chose comme ça n’était pas suffisant pour déloger ou même endommager mon masque. Il était robuste au point d’être gênant, et impossible à décoller. En regardant bien la zone devant moi, je m’étais rendu compte que j’étais tombé sur un homme. Plus précisément, il s’agissait d’un homme vêtu d’une armure d’un blanc argenté, et on dirait presque instinctivement qu’il était une sorte de chevalier.

Bien que je n’avais aucune rancune contre le chevalier en question, ses apparences suggéraient une éducation quelque peu rigide, sinon pire. Il avait l’air intimidant à sa façon, alors j’avais décidé de quitter la zone dès que possible. Ainsi, j’avais baissé la tête, ne disant pas un mot pendant que je continuais mon chemin.

« Ah, mes excuses. Êtes-vous blessé ? » me demanda-t-il.

Maintenant que le chevalier m’avait parlé, je n’avais pas d’autre choix que de répondre.

« … Ahh, non. Je vais bien. Qu’en est-il… de vous ? » lui demandai-je.

« Oh, ne vous inquiétez pas, je vais bien. Sur une autre note… d’après vos apparences, mon bon monsieur, seriez-vous un aventurier ? » me demanda-t-il.

Une fois de plus, je n’avais pas d’autre choix que de répondre au chevalier en raison de son changement soudain de sujet. J’avais hoché la tête quand j’avais offert ma réponse.

En apprenant que j’étais un aventurier, le chevalier m’avait regardé avec une expression sérieuse.

« Eh bien, alors… Je voudrais demander — je suis à la recherche d’une aventurière dans cette ville : une jeune fille, avec des cheveux blonds et des yeux de couleur saphir… Elle s’appelle Rina. Avez-vous entendu parler d’elle ? »

***

Partie 14

Bien sûr que je me souviens de ce nom. Rina n’était autre que l’aventurière qui m’avait aidé à l’origine lorsque j’étais coincé dans la Réflexion de la Lune.

Je ne pouvais pas m’empêcher de me demander ce que Rina faisait maintenant. Depuis, j’avais pris grand soin de ne pas me faire remarquer en marchant dans les rues de Maalt, et je n’avais pas couru vers Rina jusque-là. En tant que tel, je n’avais pas non plus d’informations sur sa localisation actuelle. Finalement, avait-elle trouvé d’autres aventuriers avec qui faire un groupe ? Ou était-elle encore seule quelque part ? Avec son niveau de compétence, la guilde n’aurait aucun problème à la recommander à l’une ou l’autre groupe… du moins, c’est ce que je pensais.

En plus de cela… il y avait la question de cet homme en armure et chevaleresque devant moi. Ses cheveux blonds, ses yeux bleus et son apparence polie s’étaient réunis pour former l’image idéale d’un chevalier venant d’un conte de fées.

 

 

« … Eh bien… Pour commencer. Qui êtes-vous… ? » lui demandai-je.

Je devais m’assurer de la nature de cette personne avant de lui donner des informations, et la première chose dont j’avais besoin était un nom. Le chevalier, surpris un instant, l’offrit poliment.

« Oh, bien sûr. Je vous demande pardon. Je m’appelle Idoles Rogue, un chevalier du Premier Ordre des Chevaliers du Royaume de Yaaran, » déclara-t-il.

On disait que le premier ordre des chevaliers ne comprenait que les chevaliers les plus forts et l’élite du royaume. Le fait qu’il appartenait à un tel Ordre me disait beaucoup de choses : soit les membres du Premier étaient issus de familles privilégiées au pouvoir, soit ils étaient des épéistes talentueux. Quoi qu’il en soit, les membres du Premier Ordre étaient tous des personnes importantes d’une manière ou d’une autre, car les gens normaux ne seraient jamais admis dans leurs rangs.

Et pourtant, quelqu’un comme ça cherchait Rina ? Pourquoi en était-il ainsi ?

En résumé, j’avais demandé après son intention.

« Pourquoi quelqu’un… d’aussi important que vous… est à la recherche d’une jeune fille… ? », demandai-je.

L’homme avait répondu à ma question rapidement et honnêtement — il ne semblait pas cacher quoi que ce soit derrière ses paroles.

« Eh bien… C’est très embarrassant, car Rina, la jeune fille en question, est ma petite sœur. Je vais sauter les petits détails embarrassants, mais pour résumer, elle est simplement partie et a disparu un jour, apparemment désireuse de devenir une aventurière pour une raison ou une autre. Je suis arrivé à Maalt après avoir reçu les rapports de témoins oculaires de quelqu’un qui lui ressemble un peu — d’où ma question, » déclara-t-il.

« Alors… est-ce que cette Rina se fait appeler... “Rina Rogue”… ? » lui demandai-je.

« Je suppose que c’est le cas. Connaîtriez-vous quelqu’un de ce nom ? J’ai demandé autour de moi avant d’arriver ici, mais la guilde a cité des lois sur la protection des renseignements personnels et ne m’a rien dit. Un chevalier se renseignant dans une taverne serait en effet un spectacle étrange, d’où le fait que j’agisse ainsi, » répondit-il.

Il semblerait que le chevalier en question, à la recherche de Rina, avait visité des forgerons et d’autres endroits que les aventuriers fréquentaient — en demandant éventuellement même aux clients dans lesdits établissements. Même la Guilde des Aventuriers ne pourrait pas refuser une demande du royaume lui-même. Cet homme, cependant, n’avait apparemment pas invoqué de tels droits et avait simplement hoché la tête et était parti après s’être vu refuser l’information pertinente.

Si l’on posait la question à titre personnel, la Guilde des Aventuriers ne transmettrait certainement pas aussi facilement des informations privées. C’était quelque peu naturel compte tenu du fait que de nombreux membres de la guilde avaient une chose ou une autre à cacher. Par extension, il n’y avait pas de pénurie d’aventuriers qui voulaient garder leur passé caché — .

En tenant compte de tous ces facteurs, j’avais donné ma réponse avec désinvolture.

« Je n’ai jamais entendu parler de… quelqu’un du nom de… “Rina Rogue”, » déclarai-je.

« … Est-ce que c’est vrai ? C’est très regrettable. Si, par hasard, vous la rencontrez à l’avenir, je vous serais très reconnaissant de bien vouloir me contacter. En raison d’autres dispositions, je resterai dans cette ville pendant un certain temps — j’ai même pris congé de mes fonctions chez les Chevaliers. Cela dit, ce n’est pas une longue période d’absence. J’espère pouvoir la rencontrer et lui parler au moins une fois avant mon retour, » déclara-t-il.

Après quoi, le chevalier m’avait donné l’adresse de la maison d’hôtes dans laquelle il était actuellement logé avant de franchir les portes du harpon à trois dents. Peut-être qu’il avait aussi des questions similaires pour Clope.

Idoles dégageait une aura quelque peu triste, son être apparemment enveloppé d’une ambiance de solitude. Quoi qu’il en soit, je ne pourrais pas simplement donner les renseignements personnels de Rina sans son consentement.

Tout bien considéré, la Rina que j’avais rencontrée était indubitablement la personne que Idoles cherchait. Je pourrais le dire avec confiance, ayant passé la majeure partie de ma vie à Maalt. Pendant tout mon temps, je n’avais pas connu une autre aventurière du nom de Rina.

La description qu’Idoles avait fournie était à peu près exacte, bien que la combinaison de cheveux blonds et d’yeux bleus était quelque peu rare. Le folklore prétend que seules la noblesse, ou du moins celles de haute stature sociale et autres naissent avec une telle combinaison de traits. Inutile de dire que ces traits spécifiques n’étaient généralement pas observés dans une ville aussi rurale que Maalt.

Alors qu’une nouvelle aventurière de ce nom et de cette apparence aurait pu apparaître pendant mon absence de la guilde, la possibilité de cela était, logiquement parlant, quelque peu faible.

Strictement parlant, cependant, le nom que Rina m’avait donné était différent de celui qu’Idoles avait utilisé — mais bien sûr, Rina Rupaage était probablement un faux nom. En raison de la simplicité relative du processus d’inscription de la guilde et de l’absence de vérification des antécédents, Rina aurait pu s’inscrire sous n’importe quel nom. Après tout, la guilde fonctionnait surtout sur un système d’honneur.

Même s’il était clair qu’une personne inscrite et qui avait utilisé un faux nom, elle ne serait pas vraiment punie pour cela. Tout ce qui importait à la guilde, c’était la capacité de l’aventurier à accomplir les missions et les quêtes qu’ils avaient entreprises — et c’était tout.

Il existe des exceptions à cette règle : par exemple, si un fugitif ou un criminel s’inscrivait dans l’espoir d’échapper à la justice, ils peuvent être facilement remis aux autorités — à condition qu’il y ait suffisamment de preuves. Cependant, cela étant dit, un bon nombre de criminels avaient continué à se cacher des autorités sous prétexte d’être des aventuriers — c’était ainsi que les choses s’étaient déroulées.

Si le personnel de la guilde ne pouvait pas identifier un individu comme criminel en un coup d’œil, il passerait probablement à travers le système. Du point de vue d’un criminel en fuite, la Guilde des Aventuriers était très pratique. C’était la raison pour la plupart des habitants de la ville de voyait les aventuriers avec un œil suspicieux.

Je ne prétendais pas exactement que Rina était proche d’une criminelle, mais le fait qu’elle ait caché son vrai nom suggérait qu’elle ne voulait pas être retrouvée.

C’est pourquoi j’avais répondu à Idoles de la manière dont je l’avais fait — ma déclaration, bien que n’étant pas exactement un mensonge, n’était pas tout à fait vraie non plus. Car même si je n’avais pas entendu parler de Rina Rogue, l’apparence de Rina Rupaage correspondait parfaitement à sa description. Mes hypothèses résultantes n’étaient probablement pas trop éloignées de la réalité — mais c’était tout ce qu’il y avait à faire.

J’avais aussi des tâches à accomplir. Si Rina s’était mise dans une situation dangereuse, tout ce que j’avais à faire était de lui prêter mon aide à ce moment-là.

L’existence d’un chevalier dans cette ville suffisait à le faire ressortir comme le nez au milieu du visage — Idoles, bien sûr, ne semblaient pas s’en rendre compte.

En rangeant mes pensées sur la question, j’avais lentement commencé à faire mon chemin du retour. Pour l’instant, je suppose que je devrais retourner à la demeure de Lorraine.

***

Partie 15

En jetant un coup d’œil à la situation actuelle, je pourrais dire que j’avais maintenant l’air suffisamment humain. Si j’étais malin, je pourrais facilement acheter de nouvelles armures, etc. Grâce à ma nouvelle apparence, je pourrais probablement même me présenter en personne à la guilde — dans tous les cas, la possibilité que je sois persécuté sur place avait considérablement diminué.

Il valait la peine de noter que je devrais défier des monstres plus forts à partir d’ici pour le bien de l’Évolution Existentielle. Pour ce faire, cependant, je devais commencer à m’aventurer dans le Donjon de la Nouvelle Lune, car je ne pouvais pas rester seulement dans la Réflexion de la Lune si je voulais progresser.

Mais avant de partir pour la Nouvelle Lune, il y avait quelque chose que je devais faire.

« Alors… c’est pour ça que tu veux aller à la guilde ? Je pense qu’il est encore trop tôt…, » déclara Lorraine, la propriétaire de la maison dans laquelle je me trouve actuellement.

Après avoir préparé un repas pour Lorraine, nous nous étions tous les deux assis à la table, elle, savourant ma cuisine pendant que je léchais une minuscule quantité de son sang. C’est au cours de cette scène surréaliste que j’avais dressé la liste de mes tâches quotidiennes.

Pour être plus précis, je passais du Donjon de la Réflexion de la Lune, un Donjon mineur pour les débutants, au Donjon de la Nouvelle Lune, un Donjon majeur qui était populaire parmi la plupart des aventuriers — des débutants au visage frais aux vétérans de la classe Argent. Pour cette raison, j’avais décidé de prendre une sorte de demande à long terme auprès de la guilde, de peur que mon voyage ne soit un gaspillage.

La partie à laquelle Lorraine s’était opposée était précisément le fait que j’acceptais une quête de la guilde en personne. Son raisonnement était simple : bien que je sois un peu plus humain en apparence, j’avais toujours l’air extrêmement suspicieux.

Insatisfaite, Lorraine poursuivit son explication : « Ils demanderaient certainement le permis d’aventurier de Rentt Faina. Ton apparition conduirait alors à toutes sortes de questions — des questions assez étranges pour piquer l’intérêt du maître de la guilde. Il y a aussi le problème des autres aventuriers chevronnés. Ils peuvent être rassemblés dans la salle de guilde, comme ils le sont d’habitude. »

« Mais franchement… ils ne feraient pas… une telle agitation… simplement en raison… d’un aventurier de classe Bronze, » déclarai-je.

Pour le dire franchement, je n’avais jamais vraiment été un aventurier, alors je ne pensais pas que le fait de me présenter après une période d’absence, bien qu’en tenue étrange, serait un énorme problème.

Cependant, Lorraine ne partageait pas mon point de vue.

« … Peut-être dirais-tu cela du seul point de vue de la force, puisqu’il est vrai que tu étais faible. C’est pourquoi tu es resté à la classe Bronze pendant de nombreuses années, alors je suis d’accord avec toi sur ces points. Mais pour le reste, je ne suis pas d’accord. Pour la guilde, tu es une existence très précieuse. Bien que les nombreuses petites tâches et missions que tu as accomplies pour la guilde n’étaient individuellement pas trop remarquables, personne d’autre à Maalt n’a pu accomplir ces tâches avec le degré de perfection et de précision que tu as faite. La guilde t’a toujours tenu en haute estime, à tel point qu’ils sont prêts depuis longtemps à t’embaucher comme membre du personnel de la guilde si jamais tu cessais d’être un aventurier, » déclara-t-elle.

« … Hein ? Est… ce que c’est vrai ? Tu dois… simplement plaisanter, » déclarai-je.

Pour le dire franchement, j’avais vraiment été surpris par les paroles de Lorraine. Bien qu’il soit vrai que j’avais fait beaucoup de courses et autres pour la guilde, je ne pensais pas que mes actions étaient assez importantes pour que la guilde veuille m’embaucher comme membre du personnel. Je ne pouvais pas, après tout, vivre de façon aussi complaisante, pensant que mon avenir était assuré.

Mais avant même de penser à de telles choses, j’avais une fois de plus déclaré que je n’avais pas l’intention de renoncer à ma vie d’aventurier — c’était impensable.

« Je te dis la vérité, tu sais ? Hmph. Alors, c’est très bien… De toute façon, tant que tu restes qui tu es à partir de maintenant, le fait d’aller à la guilde serait le plus —, » Lorraine s’était arrêtée au milieu de sa phrase, secouant la tête, avant de commencer à marmonner à elle-même. « Tant que tu… restes ? Qui tu étais… ? Si Rentt était Rentt… Si Rentt n’était pas Rentt. Alors peut-être… Peut-être qu’il y a un moyen de s’en sortir… »

Telle était la nature des marmonnements de Lorraine.

Elle avait levé les yeux, puis avait enfin fini son monologue. Ce qu’elle avait dit ensuite n’était pas ce à quoi je m’attendais — et c’était pour le moins surprenant.

« … Rentt. Si tu veux absolument accepter les missions et les quêtes de la Guilde des Aventuriers, contre toute attente, alors… inscris-toi à nouveau. Je parle de te réinscrire dans la guilde. Mais tu devras changer de nom. Tu ne dois pas t’inscrire comme “Rentt Faina”… Ce n’est pas facile de distinguer les gens par leur prénom. Tu n’as qu’à changer ton nom de famille et à t’inscrire sous ce nouveau nom, » déclara-t-elle.

Incapable de comprendre la proclamation soudaine de Lorraine, je m’étais assis alors que Lorraine commençait à offrir une explication plus lente et plus détaillée, écoutant patiemment ce qu’elle avait à dire.

***

Partie 16

« … Oh… »

Comme c’était nostalgique de marcher une fois de plus dans les couloirs de la Guilde des Aventuriers — et pourtant, peu de choses avaient changé depuis la dernière fois que j’étais passé ici. D’un point de vue réaliste, peu de temps s’était écoulé depuis ma dernière visite. J’avais cependant pensé que je ne reverrais plus jamais Maalt, et encore moins la guilde. D’une certaine façon, je m’étais senti ému dans une certaine mesure lorsque j’avais mis les pieds dans ce bâtiment familier — au point où je pouvais commencer à verser des larmes.

La question de savoir si un Thrall avait des glandes lacrymales fonctionnelles était une autre question à laquelle je n’avais actuellement pas de réponse. Pour le savoir, j’étais resté immobile, ouvrant les yeux pendant trente secondes sans cligner des yeux. Mes yeux, cependant, ne se sentaient pas différents, ni plus humides. Après tout, dès le début, ils étaient secs — alors peut-être qu’il fallait s’attendre à ce qu’aucune larme ne tombe de mes yeux.

« … ? »

Les aventuriers de passage m’avaient jeté un coup d’œil, ils avaient dû penser qu’il était étrange que quelqu’un reste immobile à l’entrée de la guilde pendant toute une minute. Je m’étais rapidement écarté du chemin en paniquant un peu, faisant une ligne droite vers le comptoir de la réceptionniste alors que je me remémorais mentalement la tâche que j’étais venu faire.

« Excusez… Moi. »

« Oui ? Que puis-je faire pour vous aujourd’hui ? »

Je m’étais retrouvé face à face avec une autre vision bien spéciale pour les yeux endoloris lorsque la réceptionniste avait levé les yeux de son comptoir. Son visage avait provoqué un profond sentiment de nostalgie dans mon être.

Sheila Ibarss — elle travaillait à la Guilde des Aventuriers depuis environ une demi-décennie maintenant, et elle était une membre chevronnée du personnel qui s’était familiarisé avec tous les rouages internes de la guilde. De penser qu’elle n’était qu’une nouvelle stagiaire quand je l’avais rencontrée pour la première fois — .

J’avais repensé à la façon dont elle m’avait été assignée comme superviseur à l’époque par le maître de la guilde. Nostalgique, en effet. Même là, j’avais l’impression que je recommencerais à pleurer, mais ce n’était pas possible vu que mon corps desséché n’avait tout simplement pas de larmes à offrir. Me rappelant encore une fois mon état actuel, j’avais fait part de mes affaires à Sheila.

« J’aimerais… m’inscrire en tant que… aventurier, » déclarai-je.

« Oh, oui, oui. Inscription. ... Veuillez remplir ces formulaires ici. Vous pouvez laisser certaines parties vides si vous ne pouvez pas les remplir pour quelque raison que ce soit, » déclara Sheila.

Sur ce, Sheila m’avait remis une liasse de papiers rugueux. Ces papiers provenaient d’un certain pays spécialisé dans l’exportation de rouleaux magiques et autres. La guilde pouvait apparemment obtenir ledit papier à un tarif moins cher. Un papier plus lisse et de meilleure qualité était utilisé pour les documents importants émis par les organisations gouvernementales. Par conséquent, le coût plus élevé du papier de qualité supérieure en avait fait une rareté. Je me souvenais cependant d’en avoir vu des morceaux éparpillés négligemment dans la demeure de Lorraine…

Comme on me l’avait demandé, j’avais commencé à remplir le formulaire en question. Cela faisait dix ans que je n’avais pas rempli un formulaire comme celui-ci. À l’époque, je n’avais rien d’important à écrire, et tout ce que j’avais fini par écrire, c’était mon nom, mon âge et le fait que j’avais une certaine compétence avec l’épée.

Maintenant que j’y pense, j’aurais certainement pu écrire plus à propos de mes compétences. Peut-être que je ne savais pas qu’il s’agissait de compétences utiles qui valaient la peine d’être consignées par écrit à l’époque. Par exemple, j’avais des connaissances en herboristerie et autres, ainsi qu’une expérience en dissection et en chirurgie simple.

Même si j’étais un débutant dans l’une ou l’autre discipline, il s’agissait là de compétences rares pour un individu. J’avais appris ces compétences auprès d’un herboriste et d’un chasseur dans mon village natal, et j’avais fini par acquérir moi-même suffisamment de connaissances sur le terrain.

Si l’on se demandait pourquoi j’avais fait tout ce que j’avais fait pour apprendre de telles compétences, la réponse était simple : Je voulais devenir un aventurier, et j’étais convaincu que ces compétences seraient utiles.

Mon objectif depuis lors n’avait pas changé : que je devienne un jour un aventurier de la classe Mithril. C’était tout ce qu’il y avait à faire.

Pour cela, j’abandonnerais volontiers mes exploits de classe Bronze, même si je devais tout recommencer à zéro. Peu m’importait si « Rentt Faina » ne devenait pas un aventurier de la classe Mithril — tant que je le pouvais, sous quelques nom ou forme que ce soit, c’était suffisant.

Cependant, même si je disais ça… devenir un aventurier de classe Bronze n’était pas exactement une tâche ou un exploit énorme. Peut-être, que cela semblerait être le cas pour une personne normale, mais le Bronze était un peu bas parmi la mer d’aventuriers présents dans le monde. En tant que tel, recommencer à zéro n’était pas vraiment difficile à faire.

En outre, si jamais j’avais fini par évoluer vers un état où je ressemblais de nouveau à mon ancien moi, tout ce que j’avais à faire, c’était de remonter une fois de plus mes rangs avec ma première identité.

Bien que les règles de la Guilde des Aventuriers stipulaient qu’un seul aventurier ne pouvait pas s’inscrire sous deux identités, j’avais peu de choix en la matière. Même si j’étais découvert d’une manière ou d’une autre, il n’y avait pas de règles stipulant que je serais puni pour cela.

La raison en était simple, car il n’y avait pas beaucoup d’intérêt à ce qu’un individu s’inscrive deux fois. Il serait, après tout, un peu insignifiant de diviser leurs efforts en deux, réduisant de moitié leur taux de progression.

Même si j’avais toujours mon ancien permis sur moi, le simple fait de le détenir ne m’accordait pas exactement l’immunité contre les règles ou contre le fait d’être interrogé sur mon apparence. En tant que telle, la suggestion de Lorraine était un moyen de contourner ce problème — une méthode quelque peu peu orthodoxe, mais dans mon cas, efficace.

En gros, si « Rentt Faina » se présentait dans un tel état, habillé d’une manière si étrange, j’étais sûr d’être questionné. Cependant, si je me présentais comme quelqu’un d’autre, les chances que mon apparence fasse l’objet d’une enquête étaient devenues extrêmement faibles.

Cependant, pour le dire franchement, il n’était pas question de nier que j’avais l’air étrange. Mais cette étrangeté était quelque peu indigène aux aventuriers en général — et alors qu’un aventurier vêtu et masqué serait considéré comme bizarre, la plupart des gens finiraient par me regarder pendant quelques secondes de plus avant de retourner à leurs propres affaires.

Telles étaient les pensées dans mon esprit alors que je continuais à feuilleter les documents d’inscription pour finalement arriver à la dernière page. Le dernier, et pourtant, la première — un nouveau début, si vous voulez.

La dernière page était celle où l’on écrivait leur nom. Je supposais que je pouvais toujours utiliser mon prénom, mais qu’est-ce que j’utiliserais pour mon nom de famille ?

… Rien ne me venait à l’esprit.

Peu importe, je pouvais le remplir avec tout ce que je voulais. Ce ne serait qu’un faux nom, après tout.

Avec cette pensée en tête, j’avais écrit mon nom sur le papier en question, remettant finalement les documents à Sheila.

« … Ah, merci beaucoup. Voyons voir… Rentt Vivie, oui… ? »

***

Partie 17

Une expression quelque peu triste avait été présente sur les traits de Sheila alors qu’elle lisait mon nom à haute voix. Alors que je pensais que c’était étrange, je lui en avais demandé la raison.

« … C’est quelque chose… problème ? » lui demandai-je. 

« Non… C’est juste… Il y a quelques jours, un autre aventurier nommé Rentt a disparu…, » répondit-elle.

Cela n’était personne d’autre que moi. Cependant, j’avais répondu comme si je ne savais rien de la question.

« … J’ai entendu dire… que les aventuriers doivent être préparés… pour des occasions comme ça, » déclarai-je.

C’était un risque bien connu des aventuriers, car il n’était pas vraiment rare qu’un aventurier disparaisse soudainement.

La mort, bien sûr, n’était qu’une des nombreuses possibilités — l’aventurier en question aurait pu simplement se déplacer dans un autre quartier ou une autre ville. Parmi les autres raisons, l’aventurier en question ne souhaitait plus braver les Donjons, mais plutôt exercer une autre profession, ou il se peut qu’il eût été un fugitif en fuite tout au long de la carrière.

Alors qu’il y avait d’innombrables possibilités responsables de la disparition soudaine d’un aventurier, Sheila semblait pleinement convaincue que j’avais perdu la vie dans les profondeurs du Donjon. Je ne pouvais pas lui en vouloir, car il n’y avait pas d’autres raisons logiques à ma disparition.

Sheila avait continué : « Mais oui, c’est comme vous dites. Mais quand cela se produit dans la réalité… C’est une chose triste. Il a été le premier aventurier que j’ai supervisé… J’ai été un peu surprise que vos prénoms soient… les mêmes. »

« Je vois… Eh bien, si je peux demander… Est-ce que c’est un aventurier... Rentt Faina ? » j’avais formulé ma question de manière à ne pas éveiller les soupçons de Sheila.

C’était étrange de me poser des questions sur moi-même, et Sheila elle-même semblait quelque peu surprise.

« Eh bien, oui… c’est le cas. Vous le connaissez ? » me demanda-t-elle.

J’avais délibérément voulu obtenir cette question de Sheila, il semblerait que j’ai réussi dans mon entreprise.

J’avais offert à Sheila une réponse simple : « Oui… J’ai entendu parler de lui… de la part de Lorraine. »

Les yeux de Sheila s’étaient élargis lorsque j’avais mentionné le nom de Lorraine, comme si elle avait enfin réalisé quelque chose.

« Ahh… Alors c’était ça ! Vivie… Êtes-vous de la famille de Lorraine ? » demanda Sheila, ne soupçonnant rien.

Si je m’étais présenté comme un parent de Lorraine, il serait naturel que nous partagions le même nom de famille. Après tout, ce n’était qu’une question de temps avant que la guilde n’ait vent du fait que je vivais dans la demeure de Lorraine, donc il était préférable d’effacer toutes les causes potentielles de préoccupation le plus tôt possible.

Bien que cela ne m’avait pas vraiment affecté, Lorraine était une femme célibataire. Il serait inconvenant de ma part de causer d’autres problèmes à Lorraine — et en tant que tel, j’avais déjà préparé toutes les excuses et explications pertinentes pour aller de pair avec mon scénario proposé : si je me présentais comme un parent qui avait voyagé à Maalt d’un pays lointain, il y aurait moins de questions à traiter, ce qui n’était pas une mauvaise excuse.

Il valait peut-être aussi la peine de noter que « Rentt » était le nom d’une sorte de saint des siècles passés. Il ne s’agissait pas d’un nom peu commun sur l’ensemble des terres. Peu importe le pays, un nombre important de ses habitants étaient sûrs d’avoir des noms rares et identiques, donc un autre Rentt se présentant à Maalt n’était pas un motif de panique.

« Oui, je le suis… Je vivrai dans sa demeure… quand je serai en ville, » déclarai-je.

« Je vois. J’ai entendu parler d’une personne étrange entrant et sortant de la résidence de Lorraine ces derniers temps… Bien que je suppose que Lorraine elle-même n’est pas tout à fait normale, » déclara-t-elle.

Comme prévu, les rumeurs me concernant s’étaient déjà répandues.

J’avais répondu à la déclaration de Sheila par un simple signe de tête.

« Je suppose que… c’est moi. Eh bien… Je ne me qualifierais pas d’étrange. Je ne suis qu’un parent qui… a vécu avec cette fille… Depuis que je suis entré dans le pays…, » déclarai-je.

Bien que je n’avais aucune idée du déroulement de la situation, j’avais décidé d’aller de l’avant avec ce que je pensais être un mensonge raisonnable. Plus précisément, j’avais écrit le scénario dans lequel je jouais le rôle du grand-père de Lorraine, connu pour avoir soudainement rendu visite à ses petits-enfants sur un coup de tête.

Sheila, pour sa part, semblait convaincue.

« Je vois… Ça doit être dur de voyager autant ! Donc, celui vu à la résidence de Lorraine, c’était vous… L’idée m’avait traversé l’esprit, qu’il y avait des rumeurs à propos d’un homme étrange s’impliquant avec Lorraine, mais je suppose que ce n’était pas après tout le cas… Voilà votre permis d’aventurier. Tout est terminé. Voilà pour vous, » déclara-t-elle.

Terminant la conversation par le rejet occasionnel de ce qui semblait être une rumeur grossière, Sheila avait rangé la liasse de papiers dans ses mains. Il semblait qu’elle en avait fini avec mon processus d’inscription.

Dans ses mains se trouvait maintenant une carte en métal de couleur terne. Le symbole du débutant absolu d’un aventurier : la lueur métallique terne d’un permis d’aventurier de classe Fer. Chaque individu qui s’était inscrit en tant qu’aventurier avait commencé son voyage avec ceci en main. Même moi, je ne faisais pas exception, bien que cela faisait longtemps que je n’avais pas tenu une carte de cette couleur.

C’était un sentiment de nostalgie. Je l’avais tenue face à la lumière pour une raison ou une autre, la regardant avec des sentiments mitigés. Sheila, apparemment familière avec la vue devant elle, avait souri avec douceur.

« Dois-je expliquer les règles de la Guilde des Aventuriers, et d’autres détails ? » me demanda-t-elle.

Bien que j’appréciais l’offre de Sheila, j’étais déjà un aventurier chevronné.

Même si je n’étais pas si fort dans la vie, j’avais de nombreuses années de service à mon actif. Il va sans doute sans dire que j’étais — et je suis toujours — excessivement familier avec les règles en question. Dans la vie, j’avais même utilisé ces mêmes règles pour prendre le dessus contre les aventuriers ayant de mauvaises intentions. Après tout, je n’avais pas beaucoup de force au combat. À l’époque, c’était tout ce que je pouvais faire pour rester en tête du peloton.

C’est pourquoi j’avais répondu à Sheila de cette manière. « Non… Ce ne sera pas nécessaire. Les règles et… détails… sont écrits dans cela… N’est-ce pas ? » avais-je dit, en montrant du doigt un petit livre en cuir sur le comptoir de la réceptionniste.

« Oh ! Vous êtes au courant ? » demanda Sheila, visiblement surprise.

Je ne pouvais pas lui en vouloir, peu d’aventuriers en herbe seraient intéressés par ce livret, sans parler de savoir ce qu’il contenait. Le livret en question contenait divers règlements et détails concernant ces règles, et le personnel de la guilde recommandait souvent aux aventuriers de le lire s’ils avaient des questions.

Quant à moi, j’avais depuis longtemps mémorisé le contenu du livret, l’ayant lu à de nombreuses reprises au cours de ma longue carrière.

En montrant le livret à Sheila, j’avais simplement communiqué le fait que j’utiliserais la même méthode éprouvée pour répondre à toutes les questions que je pourrais avoir sur l’aventure.

« J’en ai entendu parler… venant de Lorraine. À propos de l’essentiel… de ce qui concerne le métier d’aventurier, » déclarai-je.

« Je vois. Après tout, vous vivez ensemble. Alors je suppose que c’est très bien ainsi ! Alors, Monsieur Rentt, s’il vous plaît, travaillez dur en tant qu’aventurier. Mais valorisez votre vie par-dessus tout ! » déclara-t-elle.

J’avais hoché la tête en réponse aux paroles de Sheila et je m’étais éloigné du comptoir de la réceptionniste alors que mon inscription tirait à sa fin.

***

Partie 18

Le long des murs de la Guilde des Aventuriers se trouvait une myriade de tableaux d’affichage, avec chacune des quêtes écrites et des missions de toutes sortes qui y étaient épinglées. Les missions en question, en général, avaient été triées par couleur et avaient été codées pour permettre aux aventuriers d’identifier rapidement le type de tâche répertorié.

Bien sûr, il y avait beaucoup d’emplois différents, allant des missions bizarres jusqu’aux requêtes qui exigeaient un certain degré de force et d’habileté au combat. Cependant, la couleur la plus dominante était celle de « l’aide classique » — faire des courses, aider avec des tâches mondaines, et ainsi de suite. Ainsi, même les aventuriers qui avaient peu de compétence au combat pouvaient facilement gagner leur vie — mais en même temps, c’était aussi la raison pour laquelle les criminels fugitifs pouvaient facilement se fondre dans la mer d’aventuriers disponibles.

En y repensant, alors que j’avais tué des monstres plus faibles et rassemblé des matériaux de Donjon dans la vie, j’avais aussi fait quelques petits boulots. En raison de mon histoire, j’étais plus qu’habitué aux petits boulots de toutes sortes, mais bien que je pouvais facilement accepter ces mêmes demandes maintenant, mon apparence actuelle ne se prêtait pas exactement à de telles tâches. En fait, ces missions bizarres que j’avais l’habitude de faire étaient maintenant beaucoup plus difficiles pour moi.

Je n’étais pas du tout intimidant quand j’étais en vie, j’étais connu pour mon visage apparemment inoffensif et enfantin. Ainsi, j’avais pu m’intégrer facilement à divers endroits, car je n’étais pas du tout détesté ou discriminé. Mais avec mon apparence actuelle, je serais sûrement considéré comme un étranger dans une robe et un masque à tête de mort — à peine le genre de personne que l’on voudrait voir faire leurs petits boulots et leurs courses.

Alors que les clients en question ne pouvaient probablement pas se permettre d’être trop pointilleux quant à savoir qui faisait leur travail pour eux, tuer des monstres et échanger leur matériel était maintenant un moyen beaucoup plus efficace de gagner de l’or pour moi. De plus, il n’y avait pas beaucoup d’interaction sociale — dans les deux cas, cela allait bien fonctionner pour moi.

C’était peut-être idiot de penser que je ne pouvais pas supporter le jugement des autres pendant que je faisais des courses. Bien que je puisse certainement le tolérer, il était tout aussi stupide d’accepter de telles demandes tout en étant capable de tuer des monstres pour de plus grandes récompenses.

En pesant les deux options, je m’étais rapidement décidé pour les couloirs sombres du Donjon.

Avec toutes ces pensées en tête, je m’étais approché du tableau de demande, récupérant une tâche écrite qui semblait bien dans mes capacités actuelles. Faisant une lecture rapide, j’avais hoché la tête, puis j’avais marché vers le comptoir de Sheila avec la demande en main.

« Ah, Monsieur Rentt. Avez-vous déjà décidé de travailler sur une demande ? » me demanda-t-elle.

J’avais remis la feuille de papier à Sheila en réponse, mais Sheila n’avait pas tardé à exprimer sa désapprobation après un regard fugace.

« … Une demande de tuer et de collecter des matériaux auprès des orcs dès le départ ? Avec tout le respect que je vous dois, Monsieur Rentt… peut-être pourriez-vous envisager à la place de collectionner les cristaux magiques des gobelins ? Après tout, vous venez juste de commencer l’aventure…, » déclara-t-elle.

Les orcs étaient, sans aucun doute, des monstres quelque peu forts. En gros, ils seraient faciles pour les aventuriers supérieurs, et de difficulté importante pour la classe Bronze. Bien que les préoccupations de Sheila soient valables, je pouvais facilement vaincre les orcs et leurs semblables avec mon niveau de puissance actuelle.

Mais cela dit, cependant, le fait d’être trop remarquable s’avérerait toujours un problème. Tout ce que j’avais à faire, c’était simplement d’éviter un tel scénario.

« … J’ai tué… orc, là où j’habitais… Avant. Alors que je suis en effet… un nouvel aventurier… J’ai une certaine confiance… Dans mes capacités, » déclarai-je.

Les épéistes et autres qui venaient de pays étrangers et qui devenaient des aventuriers n’étaient pas vraiment rares, donc mon raisonnement était parfaitement crédible.

Mais mes paroles n’avaient guère rassuré Sheila, qui était encore manifestement inquiète.

Cependant, elle n’avait pas essayé de m’arrêter, mais plutôt de continuer avec les procédures appropriées, comme si elle avait renoncé à me convaincre de faire autrement.

« … Ne faites rien de risqué. Après tout, nous ne vivons tous qu’une seule vie. Si ça a l’air mauvais, veuillez vous retirer dans un endroit sûr, d’accord ? » me demanda-t-elle.

Plus que quiconque, j’avais compris l’importance des conseils de Sheila — après tout, j’étais déjà mort une fois auparavant. Au contraire, j’avais toujours été du genre à me retirer à la hâte si je sentais le moindre danger, de sorte que les inquiétudes de Sheila, même si elles étaient bonnes, étaient mal placées.

Mais offrir des mots de prudence aux aventuriers n’était qu’une partie de son travail.

J’avais répondu par une simple reconnaissance de « je comprends », et c’est tout ce que j’avais à dire.

***

Partie 19

L’inscription en tant qu’aventurier étant terminé, je n’avais pas l’intention de me diriger soudainement vers le Donjon de la Nouvelle Lune. Bien sûr, il y avait le fait que j’avais accepté la demande pour des composants issus des orcs, mais il me restait beaucoup de temps pour y répondre à une date ultérieure.

Je devais d’abord me rendre ailleurs, plus précisément dans le secteur inexploré de la Réflexion de la Lune. En termes simples, j’allais à l’endroit où j’avais combattu pour la dernière fois le squelette géant.

Le Donjon de la Réflexion de la Lune était, comme d’habitude, assez calme. Alors que je passais occasionnellement à côté d’aventuriers de la classe Fer, ils ne semblaient pas me remarquer lorsque je passais, étant trop absorbé dans leurs propres batailles avec un monstre ou un autre.

En plus de faire un large détour, j’avais fait ce que j’avais pu pour supprimer ma présence magique et spirituelle, en marchant furtivement à travers les salles du Donjon. Dans le passé, tout ce que j’avais à faire pour me faufiler devant les humains et les monstres était d’être un peu plus silencieux, mais mes pouvoirs étaient si faibles que ni l’un ni l’autre ne m’aurait de toute façon remarqué.

Je n’étais pas sûr si je devais être si heureux que je devais faire quelque chose comme ça maintenant pour passer inaperçu, car c’était un peu gênant. Même ainsi, j’avais supposé que les problèmes comme ceux-là étaient des soucis que seuls les forts faisaient face. J’avais décidé de mettre ces pensées de côté pour l’instant, étant donné qu’il ne s’agissait pas de problèmes importants. Si je devais dire quelque chose, je le considérais comme une pratique, cacher mon mana et mon esprit à volonté améliorerait sûrement mon contrôle sur ces capacités au fil du temps.

Après être arrivé à une entrée familière, j’avais fait un pas dans le sentier caché, pour finalement atteindre et entrer avec confiance dans le cercle magique se trouvant sur le sol.

Après l’avoir utilisé une fois, le cercle ne semblait plus intimidant ou dangereux. Bien que j’aie entendu des histoires de cercles magiques qui transportent les utilisateurs à différents endroits chaque fois, j’avais eu du mal à croire qu’un tel mécanisme mal intentionné était présent dans ce Donjon. Il serait possible de rencontrer ces cercles dans des Donjons d’une plus grande difficulté, mais la Réflexion de la Lune ne semblait pas être un tel lieu.

Cela dit, il n’y avait pas d’autre moyen de vérifier mes soupçons. Heureusement, le cercle magique s’était avéré bénin, me transportant dans la même pièce où j’avais combattu pour la première fois le squelette géant. Préparant mon épée, j’étais lentement sorti du cercle — .

Comme je l’avais déjà vaincu, le squelette géant aurait pu réapparaître pendant mon absence. C’était, effectivement, une salle de boss, de sorte que le squelette en question pourrait réapparaître sans fin dans un cycle, ou il aurait pu s’agir d’une pièce unique. Ne sachant pas laquelle des deux pièces s’était, j’avais avancé avec prudence, mentalement préparée à la possibilité d’un combat. C’était le moins que je puisse faire, car il était bien d’être prudent dans le Donjon.

Cependant, peu importe combien de temps j’avais attendu après avoir quitté le cercle, le squelette géant n’était pas réapparu — en fait, je ne pouvais pas du tout sentir sa présence. Peut-être qu’il avait besoin de plus de temps, ou était un monstre qui n’était apparu qu’une seule fois. De toute façon, j’avais baissé mon épée, un peu plus soulagé que je ne l’étais auparavant. Mais, je n’avais pas l’intention d’envelopper ma lame avec une aura avant de savoir sur quoi je tomberais.

En regardant autour de moi, je m’étais retrouvé une fois de plus dans une grande pièce vide. On se demanderait pourquoi je m’étais retrouvé dans un tel endroit après avoir accepté une demande qui devait être satisfaite dans un autre Donjon — mais bien sûr, j’avais mes raisons.

Ce cercle magique dont je venais de sortir n’était apparu qu’après que j’eus vaincu le squelette géant — il était invisible avant cela. J’avais découvert ce cercle nouvellement formé lors d’une fouille de la salle alors que Loris, le propriétaire du Pavillon de la Wyverne Rouge, était inconscient.

Cependant, ce n’était pas tout ce que j’avais trouvé. En réalité, il y avait un autre cercle, positionné sur le sol non loin de celui dans lequel j’avais pénétré pour entrer dans la chambre du squelette géant. Si je devais le deviner, ce cercle était probablement relié à un autre endroit. Le Donjon de la Réflexion de la Lune semblait se poursuivre au-delà de ce cercle magique.

Lentement, j’avais fait un pas vers le cercle sur le sol. Bien que je n’avais pas compris le langage utilisé pour l’inscrire ni les principes derrière l’étrange magie utilisée pour l’alimenter, je pouvais au moins voir que ce cercle était dessiné un peu différemment de celui qui menait à la pièce du boss. Cela m’amènerait sûrement à un autre endroit.

Peut-être s’agissait-il d’une sorte de piège — deux cercles dans une pièce, les intrus les plus malchanceux se retrouvant dans une pièce scellée avec un squelette géant. J’avais supposé que de telles choses arrivaient de temps en temps.

Eh bien, alors… qu’est-ce que ce serait cette fois ? Des serpents ? Des démons ? Un Dragon, peut-être ?

Bien sûr, il n’y avait pas d’autre moyen de le découvrir. Quand le cercle magique avait commencé à émettre une lumière brillante, j’avais préparé mon épée une fois de plus, en attendant le changement éventuel dans mon environnement.

***

Partie 20

Après que la lumière avait commencé à s’estomper lentement, je m’étais rapidement tourné pour observer mon environnement, préparé à une attaque venant de n’importe quelle direction. Je ne pouvais pas aussi exclure la possibilité que ce cercle soit un piège, avec des monstres ou d’autres monstres à l’affût. Cependant…

D’après ce que j’avais pu voir, il n’y avait pas de monstres ici, et encore moins de pièges. Au lieu de cela, je m’étais retrouvé dans une pièce désordonnée et encombrée. Toutes sortes d’objets traînaient, certains pourrissant sur le sol. Tous les signes indiquaient que cet endroit avait été habité à un moment donné — en fait, il ne semblait pas du tout appartenir au Donjon.

Plusieurs étagères bordaient le mur — même une table et un lit étaient présents. Ce qui semblait être un jouet souple gisait sur le sol près de moi. Lorsque j’avais tendu la main pour le toucher, le jouet s’était effondré en poussière, ne laissant aucune trace de sa forme précédente. Je ne pouvais que supposer que cet endroit n’avait pas été touché pendant des années, peut-être même des siècles.

Cependant, ce qui avait retenu mon attention, c’était le lit au bout de la pièce — ou, pour être précis, ce qui dormait sur ce lit. Quelqu’un avait dormi leur dernière nuit ici il y a très, très longtemps, et même aujourd’hui, il avait continué son sommeil éternel.

Un ensemble d’os blancs reposait, un peu sereinement, sur le lit. Il n’y avait pas de lumière dans les orbites creusées du crâne, ce qui restait de ses yeux regardait droit vers le plafond, et ses mains squelettiques se serraient contre sa poitrine. Au premier coup d’œil, l’individu en question semblait être mort paisiblement dans son sommeil.

Un bouquet de fleurs séchées avait été placé près de son oreiller. J’avais tendu la main pour les toucher, pour être salué par la vue de ces fleurs qui se transforment en poussière sous mes yeux.

Qu’est-ce que… c’est cet endroit ?

Quelqu’un avait déjà vécu ici — je pouvais le voir — mais je n’avais jamais entendu parler d’un être humain vivant aussi profondément dans un Donjon de quelque sorte que ce soit.

Pour commencer, est-ce que quelque chose comme ça était même possible… ?

Je n’en avais aucune idée. Cependant, l’existence même de cette pièce avait prouvé une chose : si cette pièce existait, son propriétaire devrait aussi exister et y habiter à un moment donné.

Mais même ainsi… Je n’avais rien vu qui ressemblait à un trésor autour de moi. Quelle était la signification profonde de cet endroit ?

Avec cela à l’esprit, j’avais fouillé la pièce, regardant à travers les débris comme tout bon aventurier. Mais rien de notable n’avait été trouvé. Après avoir fait tout ce chemin… J’avais supposé qu’il y avait de vieux livres sur ces étagères ?

En jetant un coup d’œil sur les étagères, bon nombre des livres en question semblaient être des tomes de référence qui étaient très probablement indéchiffrables, sauf par les spécialistes les plus compétents. Curieusement, au milieu de ces volumes se trouvait ce qui semblait être des livres d’images minces. Est-ce qu’un enfant vivait ici ?

Il s’agissait, bien sûr, de livres très anciens. Si j’emmenais certains d’entre eux, j’étais sûr qu’ils vaudraient une bonne quantité de pièces.

Hochant de la tête, j’avais tendu la main pour les livres anciens — .

« … Toi, là-bas. Qu’est-ce que tu crois exactement faire ? » Une voix avait retenti de derrière moi.

Derrière moi… ? C’était anormal, voire impossible. J’avais été constamment sur mes gardes après tout, ne sachant pas ce qui se trouvait dans les profondeurs de cette pièce.

Je n’avais pas d’autre choix que de faire demi-tour. Le propriétaire de la voix aurait pu m’attaquer soudainement — mais à la place, il m’avait parlé, comme s’il s’attendait que je me retourne.

Lentement, je m’étais tourné vers la direction de la voix. C’était une femme : à première vue, elle n’avait pas l’air très spéciale. Des cheveux doux et blancs, des yeux bleus et un sourire doux et apaisant — telle était la femme qui se tenait devant moi dans cette petite pièce. Elle portait une robe noire, peut-être une sorte de magicien.

La femme m’avait parlé une fois de plus : « Je te le redemande : qu’est-ce que tu fais exactement ici ? »

C’était une voix calme, douce et apaisante, presque comme la voix d’un adulte qui interroge un enfant.

Moi, cependant, j’avais cessé de respirer. Pendant un moment, j’avais été saisi par un intense sentiment de nervosité, de tension…

Si je devais le dire simplement : cette femme était une mauvaise nouvelle.

J’avais fait confiance au sentiment instinctif sur lequel j’avais compté pendant la plus grande partie de ma vie, de sorte que je pouvais facilement dire cela sans aucune hésitation. Mais la femme se tenait devant le cercle magique, scellant ainsi mon seul moyen d’évasion.

Je n’avais aucune idée de ce que je devais faire. Je suppose que le seul choix que j’avais était de répondre à sa question, c’était la conclusion à laquelle j’étais arrivé après beaucoup de réflexion frénétique.

J’avais offert ma réponse à la femme : « … J’étais juste… Je cherche autour de moi… Tout ce qui a de la valeur… Je suis un aventurier, donc… »

« Hahaha. Valeur, valeur, valeur… Tout ce qui a de la valeur… Je vois. Alors, tu es un voleur ? Alors, j’espère que tu es prêt à mourir ici ? » déclara-t-elle.

« Quoi… ? » m’écriai-je.

« Tu as l’air troublé. Mais oui, bien sûr. Je comprends. Je comprends, mais… il y a des choses que je ne peux tout simplement pas pardonner. Je ne veux pas souiller cet endroit… Mais à cette fin, je suppose que je n’aurais qu’à te tuer — il n’y a pas d’autre moyen, » déclara-t-elle.

Après ça, la femme avait légèrement levé la main, la pointant vers moi. Je n’avais aucune idée de ce qu’elle faisait quand, presque instantanément, j’avais remarqué la quantité effrayante de magie se condensant dans la paume de sa main. Instinctivement, j’avais mis toutes mes capacités dans la magie et les compétences défensives. Avec un bouclier de magie, le renforcement de mon corps avec l’esprit, et l’infusion de ma lame avec la Divinité, je serais sûrement capable de repousser toute attaque.

Bien sûr, j’avais l’intention si possible d’esquiver l’attaque. L’agression de la femme, cependant, avait été beaucoup plus rapide, beaucoup plus précise.

Des flammes intenses jaillissaient de sa paume, qui s’écrasèrent sur mon être. C’était comme le souffle d’un Dragon, alors que la force s’enfonçait en moi comme un boulet de canon — telle était la puissance de son impact. C’était beaucoup plus lourd, plus puissant que le coup d’un simple squelette géant.

J’avais été envoyé dans un vol plané, m’écrasant dans un mur à proximité. J’avais senti une pointe de douleur dans mon dos. J’étais content d’avoir bloqué une seule attaque, mais la bataille était loin d’être terminée. J’avais immédiatement senti le même type de magie se rassembler une fois de plus dans la paume de la femme — la mort elle-même était condensée en boule de feu sur une courte distance devant moi.

Alors que je luttais pour me lever, la femme s’approcha lentement, la paume de sa main levée avec une intention meurtrière. Je ne pouvais pas me défendre contre le prochain coup.

Malgré tout, je ne pouvais pas abandonner et j’avais commencé les préparatifs pour une autre couche de protection magique. Je n’arriverais probablement pas à le faire à temps… Mais ensuite, j’avais remarqué le regard de la femme, qui s’était posé sur moi. Ce qui s’était ensuite produit était inattendu, car les mouvements de la femme s’étaient arrêtés là.

« … Toi… Ton… corps… ? » On dirait qu’elle avait une question pour moi.

Mon corps ? Qu’en est-il ?

Alors que mon corps était protégé par une vague de magie et d’esprit, ma robe avait été enflammée par la boule de feu précédente. La plupart de mes vêtements étaient maintenant brûlés, révélant les morceaux pourris de mon corps de Thrall. Peu importe comment on le regardait, j’avais à peine l’impression d’être humain avec des morceaux de chair pourrie et parfois séchée sur mon corps. La femme semblait surprise de cela.

Mais bien sûr qu’elle le serait, seuls les monstres ressembleraient à ça.

« … Quoi... Même moi… N’a pas choisi de… devenir comme ça. Pensez-vous que… J’aime… ressembler à ça ? » lui demandai-je.

Je n’avais aucune illusion quant à la situation. Il n’y avait aucun moyen d’échapper à cette femme. J’étais condamné à mourir dans cette pièce, alors je pourrais aussi bien dire ce que je voulais dire. C’est peut-être la dernière fois que j’aurais l’occasion de le dire.

La femme, cependant, ne semblait pas en colère contre mes paroles. À la place, elle baissa la main, les traces de magie s’estompant de sa paume.

« … Mais oui. Bien sûr… Je vois. Il semblerait que je me sois trompée — un malentendu. Je m’excuse. »

La femme… s’excusait-elle auprès de moi ?

« Oh… Je vois que ta robe a malheureusement pris feu. Je n’ai pas de robe de remplacement sous la main… Je pourrais peut-être t’offrir ceci à la place. Elle est bien faite, et je crois qu’il te serait utile. »

En disant cela, la femme avait enlevé sa robe noire, l’avait pliée et me l’avait remise.

« Ah, une dernière chose a noté : c’est une pièce d’une grande importance pour moi. Je suppose que même toi, tu comprendras que cet endroit est spécial. Pourrais-je te demander de ne pas parler de cette pièce à quelqu’un d’autre ? » demanda la femme, me regardant avec une expression sereine.

La femme savait sûrement que je serais d’accord, car après tout, elle m’avait laissé vivre en échange de garde secret l’emplacement de cette pièce. Ce que je n’avais pas compris, c’est comment la femme connaissait cette pièce et pourquoi je n’avais pas le droit de le signaler à qui que ce soit. Pour commencer, même si l’on n’était pas un aventurier, découvrir un secteur inexploré dans un Donjon était une grande découverte — on pouvait s’enrichir suffisamment pour durer toute une vie, alors il était normal que la personne moyenne rapporte cette information à la guilde.

« Toi… Tu ne veux pas que… le dise à la guilde… ? » lui demandai-je.

« Oui, je suppose que ce serait mieux ainsi. Plus précisément, si tu n’étais pas présent, il n’y aurait aucun moyen d’entrer dans cette pièce. Tu es arrivé ici par ce cercle magique, n’est-ce pas ? Ce cercle ne s’activerait que si tu y entres, » répondit-elle.

C’était ce que la femme avait à dire, en plus des nombreuses autres choses qu’elle avait ensuite mentionné que je n’avais aucun moyen de comprendre. Tel était l’écart de puissance entre nous, même Lorraine, qui était une mage de classe Argent, ne pourrait pas se comparer à sa force. Si je lui avais donné une réponse qu’elle n’appréciait pas, la mort serait sûrement sa réponse — je pouvais déjà l’imaginer.

Cependant, avancer dans le rang d’aventurier était aussi mon rêve. À l’origine, j’avais l’intention d’utiliser Loris pour rapporter le secteur inexploré, me redonnant à son tour l’or que je lui avais prêté à l’aide du cristal magique du squelette géant. Maintenant, avec mon apparence quelque peu humaine, j’avais pensé qu’il était possible de rapporter cette information à la guilde à un moment où il y avait moins de monde. Cela augmenterait certainement mon rang et mon influence au sein de la guilde, ce qui me rapprocherait de l’objectif de devenir un aventurier de la classe Mithril.

Du moins, c’est ce que je pensais. Cependant, cette femme ne voulait pas que je fasse quoi que ce soit du genre…

Comme si elle comprenait ce que je ressentais à propos de la situation, la femme avait recommencé à parler une fois de plus :

« … Cela étant dit, je suppose que tu ne voudrais pas rentrer les mains vides. Je comprends. Les aventuriers sont toujours à la recherche de résultats tangibles ou de réalisations. Peut-être qu’il ne s’agirait pas d’un remplacement, mais il te sera certainement utile. Qu’en penses-tu ? » me demanda-t-elle.

« C’est… »

L’objet qui m’était offert semblait être une sorte de parchemin ancien — il était aussi remarquablement vierge. D’un coup d’œil, je pouvais en déduire qu’il s’agissait probablement d’un artefact littéraire ancien. Malheureusement, il n’avait pas l’air de valoir une fortune.

Mais la femme avait continué son explication :

« Il s’agit d’un artefact qui cartographie automatiquement les secteurs du Donjon dans lesquels son propriétaire a mis les pieds — un objet magique connu sous le nom de Carte d’Akasha. Pour l’instant, rien n’est écrit dessus, mais cela n’est dû qu’au fait que le propriétaire précédent a effacé les cartes archivées. Il serait sûrement utile à un aventurier comme toi… Qu’en penses-tu ? »

Si ce que la femme avait dit était vrai, c’était vraiment un objet utile. En fait, il était surprenant qu’un tel article puisse exister — si j’envisageais de le vendre, l’établissement d’un prix juste à lui seul poserait un défi de taille.

Mais bien sûr, cela supposait que ce que la femme avait dit était vrai. Un tel objet fantastique pourrait-il exister dans notre monde ?

 

 

« Considères-tu au moins ma demande si je te prouvais la validité de mes revendications ? » demanda-t-elle.

J’avais hoché la tête à la question de la femme. Si la carte fonctionnait comme la femme le prétendait, la posséder rendrait certainement mon exploration du Donjon beaucoup plus facile. Je suppose que cela valait la peine d’écouter ses demandes, même si je restais sceptique sur toute l’affaire.

« Alors, canalise ta magie dans le parchemin…, » déclara-t-elle.

J’avais fait ce qu’on m’a dit, et — .

« … Incroyable… »

Je ne pouvais que retenir mon souffle imaginatif lorsque les lignes pointillées sur la surface du parchemin précédemment vierge formèrent finalement une carte détaillée de la Réflexion de la Lune. Même les petits détails et les notes que j’avais écrites sur ma propre carte abîmée étaient apparus, se dressant soigneusement sur le parchemin.

« Je suppose que nous avons un accord ? » me demanda-t-elle.

« … Oui. Je suppose que oui, » lui répondis-je.

Bien que je sentais toujours une forte envie de signaler ce secteur inexploré à la guilde, il y avait de fortes chances que cette femme viendrait me retirer la vie si je le faisais. Après tout, elle essayait sans aucun doute de me tuer il y a quelques minutes à peine — je ne pouvais pas aller à l’encontre de ses paroles, même si je le voulais.

« Je vois. C’est très agréable. Alors, je devrais te raccompagner, au moins jusqu’à l’entrée, » déclara-t-elle.

« Hein ? » m’exclamai-je.

Avant que je ne puisse dire quoi que ce soit d’autre, la femme avait activé une sorte de magie de translocation. Immédiatement après ça, j’avais trouvé une vision déformée devant moi. Souriant avec douceur en faisant des signes de la main, son expression semblait nettement différente du visage meurtrier qu’elle avait porté plus tôt dans notre rencontre.

« … Eh bien, dans ce cas, prends soin de toi… C’est peut-être un peu idiot de dire cela à quelqu’un comme toi, » déclara-t-elle.

Avec ces paroles d’adieu, elle était partie, et je m’étais vite retrouvé à l’entrée de la Réflexion de la Lune.

Est-ce que ce n’était qu’un rêve ?

J’avais regardé vers le sol : ma robe était en effet différente, et j’avais un vieux morceau de parchemin dans ma main.

… Qu’est-ce que c’était ?

Je n’arrêtais pas de penser aux événements qui venaient de se produire. Je n’avais plus l’intention d’explorer plus aujourd’hui et alors que les pensées inquiètes de ces affaires récentes me remplissant l’esprit, j’étais lentement retourné à Maalt.

***

Partie 21

« … C’est presque comme si tu étais maudit, Rentt. Pourquoi ces choses étranges n’arrêtent-elles pas de t’arriver ces derniers temps ? »

C’était apparemment ce que Lorraine avait à dire quand je lui avais décrit les détails de ma dernière aventure. Elle m’avait regardé avec une expression d’incrédulité et d’exaspération.

Ce n’est pas comme… j’aimais avoir… des choses étranges qui m’arrivent… tout le temps.

Bien que j’aurais voulu livrer une telle réprimande à Lorraine, c’est moi qui étais retourné à l’endroit où j’avais rencontré le dragon, avançant joyeusement au plus profond de l’inconnu du donjon. Même si je ne pouvais plus sentir la présence du dragon, me coller la tête dans un tel endroit n’était pas exactement intelligent —, en tant que tel, j’avais ravalé mes mots. Dans tous les cas, Lorraine avait raison.

« Eh bien… Les aventuriers sont connus pour se retrouver dans toutes sortes de situations étranges — les risques professionnels et tout ça. Je dirais qu’il est un peu trop tard pour se plaindre… C’est vrai, eh bien, cet objet magique qui est à toi… il semble que cela fonctionne relativement bien, » déclara Lorraine, regardant la Carte d’Akasha que j’avais obtenue de la femme aux cheveux blancs.

 

 

Alors que la cartographie automatique d’un donjon était vraiment pratique, j’avais déjà trouvé un objet maudit. J’avais donc pensé qu’il n’y aurait jamais trop de prudence lorsqu’il s’agissait d’évaluer des objets qui m’avaient été donnés, et donc j’avais décidé de demander à Lorraine d’effectuer une inspection pour déceler d’éventuels pièges ou appréhensions.

Alors que j’avais ma réserve de Divinité et que je pouvais facilement détecter les malédictions, des objets spéciaux qui étaient hors de ma portée existaient — mon masque, par exemple, était l’un d’eux. Le plus que je pouvais faire avec ma Divinité était d’avoir un sentiment brutal si quelque chose d’immonde m’attendait à l’intérieur de l’objet, car les examens détaillés dépassaient mes capacités.

Lorraine, cependant, avait sa part de connaissances savantes, en plus de ses compétences en magie et en alchimie. Avec son expérience, elle serait peut-être en mesure d’avoir un aperçu de la carte — d’où ma décision. Apparemment, elle possédait également les qualifications nécessaires pour évaluer officiellement les objets pour la guilde, de sorte qu’elle n’aurait aucun mal à trouver un emploi avec les qualifications qu’elle détenait. De plus, Lorraine n’effectuait l’évaluation des articles que sur une base de travaux irréguliers — je ne pouvais m’empêcher d’être jaloux de ses capacités.

« … As-tu découvert… tout ce qui concerne l’utilisation… cette carte en détail ? » demandai-je.

Alors que la femme m’avait simplement remis la carte et m’avait dit d’y insuffler ma magie, je savais peu de choses sur le fonctionnement de cette carte, ou si elle pouvait être utilisé d’une autre manière.

« J’ai essayé l’investigation, eh oui, il semble que je ne peux pas utiliser cette carte toute seule. On t’a dit que la magie qui parcourt cette carte fait qu’elle se dessine toute seule, n’est-ce pas ? Mais il semble que ta magie est spécifiquement requise, car la mienne seule ne fonctionne pas. Tiens, essaie. »

C’est ainsi que Lorraine m’avait remis la carte avec désinvolture — bien sûr, des lignes familières détaillant les passages et les étages du Reflet de la Lune avaient commencé à apparaître sur sa surface.

« Hmm… Il y a autre chose en effet. Ce… qu’est-ce que c’est que ce point ici ? » me demanda-t-elle.

En regardant de plus près, un point noir était visible à la surface de la carte, perpétuellement en mouvement. Surmonté par la curiosité, j’avais touché le point avec un doigt et, ce faisant, j’avais fait en sorte que ce qui semblait être un nom se matérialise sous le point.

« C’est… »

« Il semblerait que oui. C’est le nom d’un individu qui explore actuellement le donjon. De penser que la carte est capable de cela — est en effet vraiment terrifiant. Quelle capacité ! Il s’agit sans aucun doute d’un objet au même titre que les trésors nationaux d’un royaume, » avait déclaré Lorraine, apparemment émue par les capacités de la carte.

En vérité, je savais que j’avais fait une bonne affaire même sans connaître les fonctions supplémentaires de cette carte — mais en échange, j’avais presque perdu la vie à cause de la magie de cette femme. Compte tenu de ces facteurs, je suppose que le commerce était quelque peu égal.

Lorraine et moi avions continué à faire divers tests et expériences sur la carte, découvrant finalement que la zone illustrée par ladite carte pouvait changer tant que je le voulais — tant que j’y canalisais la magie. Par exemple, je pourrais facilement demander à la carte d’illustrer une autre zone, en changeant son affichage des salles de la Réflexion de la Lune à un autre endroit de mon choix.

De plus, la capacité de la carte à montrer les noms d’autres aventuriers n’avait fonctionné que si le manieur avait exploré le donjon en question. Bien que j’aie terminé la cartographie de la Réflexion de la Lune au cours de ma longue carrière, je n’avais guère exploré le donjon de la Nouvelle Lune.

En essayant de faire en sorte que la carte se concentre sur ce dernier donjon, je m’étais rendu compte que seules les zones que j’avais visitées auparavant étaient cartographiées. De plus, la fonction de suivi des aventuriers était inactive. Cela s’était avéré être le cas puisque Lorraine et moi avions regardé la carte ensemble pendant un temps considérable — mais aucun point n’était apparu à sa surface. Si je devais le deviner, je n’avais tout simplement pas cartographié ce donjon suffisamment pour que ladite fonction s’active.

Strictement parlant, c’était plus qu’une supposition, car la fonction de suivi avait fonctionné au premier étage de la Nouvelle Lune, que j’avais fini de cartographier il y a quelque temps. En tenant compte de ce fait, il était évident que les autres étages avaient besoin d’une quantité de travail similaire avant que la fonction de suivi en question ne commence à fonctionner.

Bien que la Carte d’Akasha soit certainement un objet pratique, elle avait encore ses propres limites.

Mais il y avait encore une chose que je devais demander à Lorraine : « Qu’en est-il… des malédictions et autres… ? »

« D’après ce que j’ai vu jusqu’ici, c’est sûr. Tu peux probablement l’utiliser sans trop de soucis. C’est tout à fait un bon artefact que tu as trouvé…, » déclara-t-elle.

« Vraiment ? »

L’évaluation de la valeur de la carte par Lorraine semblait quelque peu soudaine.

« Mais bien sûr. Elle est très résistante à la magie de toutes sortes et ne se coupe pas facilement avec des objets tranchants. Bien que je n’ai aucune idée à quel point elle résisterait à un épéiste compétent ou à une épée bien fabriquée, elle semble avoir plus de capacités défensives qu’une armure normale. Oui, ce serait une bonne analogie pour elle, » déclara-t-elle.

L’analogie de Lorraine était quelque peu étonnante, car si c’était vrai, cette carte serait tout à fait un artefact. Bien que je me sois trouvé vraiment déçu de ne plus pouvoir signaler à la Guilde des Aventuriers la découverte d’un secteur auparavant inexploré, le fait que j’avais obtenu un outil magique si pratique et un objet de défense de fortune m’avait impressionné. Peut-être que j’avais en fait gagné beaucoup plus de cette situation que ce que j’avais initialement supposé.

D’ailleurs, même si je rapportais ce secteur inexploré, le Donjon de la Réflexion de la Lune n’était qu’un donjon de niveau débutant, fréquenté par les aventuriers jusqu’au niveau de la classe Bronze. Bien que j’aurais pu m’attendre à une récompense de taille raisonnable, la reconnaissance que j’aurais obtenue d’une telle découverte ne serait pas si importante dans l’ordre des choses.

En gardant cela à l’esprit, je suppose que je pourrais appeler cette carte un atout certain. Après tout, les cristaux magiques que j’avais récoltés sur les monstres du secteur (à l’exception du cristal du squelette géant) avaient été vendus pour une somme modique par Lorraine, donc j’étais maintenant financièrement stable, sinon confortable.

Bien que j’avais remis à Clope la moitié de ma fortune en guise de dépôt pour mon arme sur mesure, je ne risquais plus d’entrer dans le rouge.

« … Eh bien. Enfin, il y a la question de la femme que tu as rencontrée à cet endroit… Je n’ai aucune information sur elle, malheureusement. Personnellement, je suis plus intéressée par la capacité et les techniques requises pour créer une sorte de demeure dans un donjon. Entre tous les endroits…, » déclara-t-elle.

Il semblerait que Lorraine et moi étions d’accord sur ce point. La femme était soudainement apparue et m’avait rapidement envoyé dans le donjon sans fournir beaucoup d’explications. En raison de notre interaction relativement courte, je n’avais aucun moyen de l’observer en détail et, par conséquent, aucun moyen de déduire qui elle aurait pu être.

Bien que j’étais certain de sa force, le fait qu’elle pouvait me réprimander et m’intimider de cette façon signifiait qu’elle était une rareté en soi.

Dans mon état actuel, je pourrais probablement affronter un aventurier de classe Argent inférieur. Même si je ne pouvais pas gagner, je pourrais au moins m’échapper. Si j’avais à faire face à un aventurier de classe Or ou plus haut, je serais sûrement vaincu en un instant. Ce serait une évaluation juste de ma force actuelle.

Mais bien sûr, je n’avais pas l’intention de stagner ici — je voulais grimper plus haut. Pour y parvenir, j’avais besoin d’un corps qui pouvait progresser, et c’était quelque chose que je possédais maintenant.

Cela dit, cependant, il y avait toujours la possibilité que, peu importe à quel point j’avais évolué, je reste toujours un monstre.

« En fait… J’étais sur le point de partir… vers ce secteur inexploré encore une fois… »

« Même si tu as été chassé la dernière fois ? Comme c’est courageux de ta part, » déclara-t-elle.

« La femme m’a dit… ne pas “rapporter” cet endroit… à la guilde. Elle n’a rien dit… à propos de “ne pas y retourner”, » répondis-je.

« … Je suppose que c’est vrai, du moins d’après ce que tu m’as dit. Il s’agit toutefois d’un détail technique, car elle ne souhaite évidemment pas que tu remettes les pieds dans ce lieu, » déclara Lorraine.

Les paroles de Lorraine sonnaient vrai, mais beaucoup de choses à propos de cette rencontre me dérangeaient encore. J’aimerais au moins lui parler encore une fois et lui poser certaines questions — tels étaient mes espoirs.

Si ce n’était pas possible, alors qu’il en soit ainsi, mais je devais au moins essayer. D’après la façon dont notre dernière interaction s’était terminée, je pourrais en quelque sorte supposer qu’elle ne ferait plus immédiatement une tentative contre ma vie.

Lorraine, à son tour, avait eu quelques paroles d’avertissement pour moi : « … Tu ferais bien d’être prudent. Cette femme n’est pas du tout normale — je peux le dire en écoutant ton récit. On ne sait pas ce qui provoquerait sa colère. »

« Je sais. »

Lorraine hocha la tête. C’était peut-être évident, mais après l’avoir affrontée en personne et avoir failli mourir à la suite de cette expérience, j’avais compris ce point mieux que quiconque.

Lorraine avait raison : je devais être prudent par-dessus tout, de peur de me retrouver face à la mort sans prévenir.

***

Partie 22

Il s’avérerait malheureusement que tous mes efforts avaient été gaspillés, comme je le découvrirais le lendemain.

La raison en était simple : ce qui était auparavant l’entrée du secteur inexploré de la Réflexion de la Lune avait apparemment disparu sans laisser de trace. Peu importe la façon dont je le regardais, l’impasse en question était maintenant un mur parfait — et c’était tout ce qui se tenait là actuellement.

Toujours invaincu, je m’étais approché du mur, le touchant ici et là de mes mains. Mais tout ce qui répondait à mes doigts, c’était une surface froide et lisse — et c’était tout. Avec cela, tous les moyens de récupérer des indices, ou n’importe quel moyen d’obtenir des réponses de la femme avaient disparu.

Franchement qui était-elle… ?

J’avais réfléchi à la question pendant un certain temps. Les réponses, cependant, m’avaient échappé. Après tout, personne ne s’approcherait simplement de moi avec toutes les réponses à mes questions.

Pourrais-je peut-être la revoir un jour ?

Je n’en avais aucune idée. Mais une chose était restée claire dans mon esprit : je continuerais à gravir les échelons vers mon but, devenant éventuellement un aventurier de la classe Mithril. Je la reverrais certainement, un jour. C’est du moins ce que j’avais ressenti.

Dans la vie, je m’étais entraîné dur, jour après jour, pendant une décennie entière, sans le moindre effet.

Mais les choses étaient maintenant très différentes. Une rencontre avec un dragon, la découverte d’une zone inexplorée d’un donjon… Et bien sûr, j’étais maintenant un mort-vivant.

Peut-être qu’une personne normale dirait que je devrais être malheureux. Mais ce n’était pas ce que je ressentais.

Je combattrais beaucoup de monstres, je rencontrais beaucoup de mystères, et surtout, je deviendrais plus fort. Tout cela, aussi, contribuerait à mon objectif de devenir un aventurier de la classe Mithril.

C’est le genre d’aventure que j’entreprenais actuellement — à bien y penser, les divers malheurs qui m’avaient visité récemment pourraient aussi être considérés comme des expériences précieuses et inestimables. Je saisirais certainement ce rêve de Mithril avec mes mains.

C’est avec ces pensées en tête que j’avais pris ma résolution. Mon rêve était difficile, et pour le réaliser, je devais sûrement rencontrer à nouveau le dragon et cette femme. Il faudrait que je sois au moins capable de les affronter quand ce moment viendra inévitablement.

Si j’avais la volonté, il y avait une chance… Je ne l’aurais pas par d’autres moyens.

***

Histoire secondaire : Le jour où Rentt se fâcha : Sixième année de l’Aventurière Lorraine

Partie 1

« … Oh, si ce n’est pas Lorraine. Comme c’est rare. Es-tu seule ? »

C’est au cours de ma sixième année d’aventure qu’une telle voix m’avait appelée, alors que j’étais assise dans la taverne de Maalt, ayant à peine eu l’occasion de me concentrer sur ma boisson. Celui qui m’avait appelée n’était autre que Zarid, un vétéran de la Guilde des Aventuriers.

Bien qu’il soit une sorte de vétéran, il n’était qu’un aventurier de classe Bronze supérieure. Dans l’ensemble, on ne pouvait pas dire que Zarid était extrêmement compétent, mais ses longues années de service et ses efforts pour défendre Maalt contre des hordes de monstres signifiaient qu’il était un aventurier digne de son titre.

En raison du fait que la plupart des aventuriers avaient perdu la vie, ou généralement un membre ou deux, Zarid ne portait que des cicatrices faciales — le fait que ses membres étaient encore intacts était un indicateur clair de ses capacités.

Pour certains, cependant, la prudence de Zarid était apparue comme de la lâcheté, et ils se moquaient de son manque de sens de l’« aventure » et d’autres choses semblables. Mais ces personnes n’étaient pas exactement sages dans leur évaluation. Le courage, après tout, n’était pas un déchaînement aveugle et une série d’agissements non planifiés. Les seuls qui le considéraient comme tel étaient sûrement des imbéciles qui ne pourraient jamais être comme Zarid.

Pour commencer, Zarid, bien sûr, n’était pas idiot, il était simplement franc. Comparé à Rentt, dont on disait souvent qu’il n’avait aucun talent, et à ma propre réputation d’être démotivée, Zarid était un aventurier relativement bon, sinon honnête et franc. C’est pourquoi je n’avais pas hésité à faire équipe avec lui dans un groupe à certains moments, car je le connaissais assez bien.

« Même moi, je ne suis pas toujours en couple avec Rentt. Pour commencer, nous passons probablement plus de temps séparés l’un de l’autre qu’ensemble. »

Un sourire quelque peu ennuyeux avait traversé le visage de Zarid lorsqu’il avait entendu ma réponse.

« Est-ce que c’est vrai ? Tu sais, ce pari entre moi et mes potes est toujours en cours… Celui où tu épouses un jour Rentt, » déclara Zarid.

Zarid, cependant, ne semblait pas se moquer vraiment de moi. Pour être précis, il semblait au moins à moitié préoccupé, alors que l’autre moitié étant son idée d’une blague. Après tout, j’avais 20 ans maintenant. C’est peut-être à cause de cela que Zarid l’avait dit, avec les notions d’une femme en âge de « s’enraciner » avec quelqu’un.

Maintenant que j’y avais réfléchi, les communications entre mes collègues et moi-même depuis que j’avais quitté la capitale semblaient toutes inclure des offres pour me présenter à quelqu’un. Cela dit, ce n’était pas comme si je n’avais jamais pensé au mariage… mais je n’espérais pas vraiment être à ce niveau-là être quelqu’un, et je ne le souhaitais pas non plus.

Mon point de vue sur le mariage était clair : si le moment était opportun et que la personne en question convenait, ce serait tout. Cependant, mes amies mariées ne pensaient pas grand-chose de mon point de vue. Tout ce qu’elles avaient à dire, c’était : « Si tu continues à dire ça, tu ne te marieras jamais, tu sais ! » Mais ce n’était qu’une question de politique, sur ce seul point, je n’étais pas prête à céder à leurs demandes et plaintes.

Pour clarifier les choses, je ne me contenterais pas d’un individu au hasard dans les rues de Maalt, ou n’importe où ailleurs, en passant. Dans tous les cas, toutes les lettres et la correspondance qui m’avaient offert de me présenter à ces personnes ne verraient jamais leur but accompli.

« Vous ne vous lassez pas de vos paris ? Personnellement, j’en aurais eu assez il y a des années. Pourrais-tu ne pas nous surveiller ? Tu peux sûrement faire ça pour une vieille amie, » déclarai-je.

« Ha ! Si le seul fait de regarder ces choses se produisait, même moi, je me marierais ! » déclara-t-il.

La réfutation rapide de Zarid m’avait rappelé qu’il était encore célibataire. C’était peut-être une évidence, car un tel style de vie serait difficile à supporter, étant donné son rang actuel d’aventurier. Pour un aventurier de la classe supérieure, l’aventure elle-même pouvait vraiment rapporter plus d’argent que l’emploi moyen à Maalt. En fait, ils n’avaient pas besoin de travailler jusqu’à la mort pour rester en vie. La grande question était de savoir s’ils pouvaient encore vivre jusqu’à demain.

Les fréquentations, peut-être, ne seraient pas un trop grand problème, mais le mariage en est un tout autre. Si le partenaire de l’aventurier en question n’était pas non plus un aventurier, ce partenaire devrait souvent s’attendre à ce que la personne qu’il aime ne revienne pas à la maison chaque fois qu’il met le pied à l’extérieur des portes de Maalt.

« Je suppose que j’ai dit quelque chose d’inutile. Je m’excuse, » déclarai-je.

« Oh, non. Ça ne me dérange pas. Je dis moi-même beaucoup de choses inutiles… Cela mis à part, cependant. Si tu es ici toute seule, ne veux-tu pas boire un verre avec moi ? » demanda-t-il.

« Quoi !? Maintenant, tu te retournes contre moi ? » lui demandai-je.

« Ne sois pas bête, Lorraine. Je ne suis pas le genre d’individu qui s’intéresserait à une enfant de quelques décennies plus jeune que moi, » déclara Zarid, une expression exaspérée sur son visage. Comme s’il prenait mes mots pour une affirmation, il avait soulevé une chaise d’une table voisine, la plaçant vers moi.

Dans un mouvement bien entraîné, il avait fait signe à un serveur voisin, passant une commande pour une grande tasse de bière comme il aimait la prendre. L’établissement, étant plus ancien que Zarid lui-même, était probablement habitué à nos pitreries à ce moment-là.

Si ma mémoire était bonne, le propriétaire actuel de la taverne était l’ancien chef de guilde de la Guilde des Aventuriers. Selon les rumeurs, c’était un individu redoutable lorsqu’il avait servi, avec un seul regard capable de réduire au silence même l’enfant qui pleurait le plus fort. On était loin du vieil homme joyeux qu’il était devenu.

Si l’on en croyait les potins de mes compagnons aventuriers, il était récemment devenu grand-père, son petit-fils étant né il y a quelque temps. En tant que tels, les développements en question n’étaient probablement pas si étranges si l’on en tenait compte.

« N’as-tu pas faim d’amour ? Après tout, tu te plaignais de ne pas pouvoir te marier il y a peu de temps, » demandai-je, posant la question à Zarid alors que je passais ma propre commande.

« Je ne voudrais pas vraiment te le dire, tu es une femme et tout ça, mais certains établissements existent pour ce genre de choses, tu sais ? Et aussi… se marier, surtout pour un aventurier, comporte toutes sortes de problèmes potentiels. Pour l’instant, il suffit de s’amuser avec quelqu’un. Alors que les aventuriers de la classe Bronze gagnent assez d’argent pour se maintenir à flot, beaucoup d’entre eux finissent de toute façon par se ruiner après leur jour de paie, » répondit-il.

« Donc, je suppose que tu es de ces derniers ? As-tu eu toute ta fortune arrachée par l’une ou l’autre femme ? » lui demandai-je.

« Oui, jusqu’aux poils de mon derrière. Mais encore une fois… Argh. La conversation est devenue un peu triste, n’est-ce pas ? » me demanda-t-il.

« Je n’en sais rien. D’après la façon dont tu le décrives, cela ressemble presque à une histoire d’un exploit héroïque, » répliquai-je.

« C’est vrai ? Un exploit héroïque, hein… Hmm ? » murmura Zarid.

Le commentaire de Zarid avait été interrompu sans cérémonie par une agitation. Un groupe de trois aventuriers avait apparemment fait une entrée assez bruyante dans la taverne.

À première vue, ils ne semblaient pas avoir plus de vingt ans. Ils avaient agi de façon impressionnante et ressemblaient à l’incarnation des aventuriers, mais cela ne s’étendait que jusqu’à leur apparence. À mon avis, leurs capacités laissaient beaucoup à désirer.

« Hmph. On dirait qu’on a quelques frimeurs ici. Bien sûr qu’ils ont l’air forts, mais c’est à peu près tout, n’est-ce pas ? » déclara Zarid d’une voix relativement douce, ronflant d’amusement.

Alors qu’on pourrait penser que cela ne sied pas à Zarid de juger la force des autres, ce n’était pas le cas ici. Il était simplement mécontent de la façon dont ces aventuriers étaient entrés dans l’établissement, peut-être à juste titre.

Après tout, il n’était pas difficile pour moi de comprendre ce qu’il ressentait à ce sujet — tout, de la façon dont ils avaient ouvert les portes de la taverne, à la façon dont ils se présentaient, semblait avoir pour seul but d’intimider d’autres clients.

De plus, ils s’étaient présentés de cette façon tout en sachant très bien que cette taverne était principalement fréquentée par d’autres aventuriers. Il n’était pas difficile de comprendre pourquoi Zarid s’était opposé à leur comportement.

« C’est bien vrai. Je dirais que tu es au moins dix fois plus fort, Zarid, » répondis-je.

« Allons, ne serait-ce pas au moins une centaine de fois ? » me demanda-t-il en réponse.

« Mais hélas, mentir serait indigne de moi, Zarid. Même s’il s’agit de ruffians qui ne connaissent pas les bonnes manières… Hmm ? » murmurai-je.

Lorsque ces mots étaient sortis de mes lèvres, le trio qui venait de faire irruption dans la taverne avait regardé dans notre direction, s’approchant rapidement de moi. Peu de temps après, ils s’étaient tenus devant moi, avec celui qui semblait être leur chef s’adressant à moi d’une manière très grossière.

« … Salut, ma petite dame. N’es-tu pas jolie ? Pourquoi ne viens-tu pas t’amuser avec nous là-bas ? » me demanda leur chef.

Ils me sollicitaient essentiellement pour des services sexuels, laissant peut-être entendre que j’étais une sorte de prostituée. J’avais été dans de nombreuses situations similaires à celle-ci auparavant. Rentt m’avait donné des instructions sur la façon d’échapper à de telles situations, probablement par souci pour ma sécurité.

Pourtant, j’avais compris ce qu’ils signifiaient, et j’avais plus de moyens à ma disposition pour gérer un tel événement.

« Malheureusement, je suis déjà occupée. Comme tu peux le voir, je suis occupée à boire avec ce monsieur — peut-être que tu devrais essayer quelqu’un d’autre, » répliquai-je.

L’aventurier ruffian en question, cependant, avait frappé la table avec son poing en réponse.

« Pour qui nous prends-tu, femme ? Es-tu une idiote ? Tu devrais t’occuper de nous, pas de ce sac d’hommes sans valeur ! » déclara-t-il, évidemment en colère par mon commentaire.

Dans cette situation, la femme ordinaire harcelée aurait crié de peur, appelant à l’aide d’un bon samaritain ou d’un autre. Malheureusement, je n’étais ni commune ni normale.

Bien qu’à l’occasion, l’idée de devenir normal m’avait traversé l’esprit, la réserve de mana en moi avait d’autres idées sur mon avenir.

Tout en prenant soin de cacher mon intention, j’avais commencé à condenser le mana en moi, la tissant lentement en un sort. Alors que les délinquants ne soupçonnaient rien, Zarid l’avait déjà remarqué, paniquant en levant la main.

« H-hey… Vous trois…, » je suppose que Zarid était miséricordieux. Un avertissement était plus que ce que ces personnes méritaient.

Mais à ce moment-là, un nouvel invité était entré dans la taverne. Et à leur vue — .

« … Oh ? »

Le mana en moi s’était mis en mouvement… puis il s’était arrêté. J’avais mis de côté l’idée de lancer un sort aux hommes — pour l’instant.

Leur avais-je pardonné ? Bien sûr que non, c’était au-delà de toute considération. La raison en était que je pensais simplement que je n’avais plus de rôle dans ce spectacle, principalement en raison du fait qu’une aura mortelle se dégageait du client qui venait d’entrer dans cette taverne.

Moi aussi, j’étais curieuse de savoir à qui appartient cette aura. En me tordant le cou, j’avais été surprise de voir que la personne en question n’était que trop familière.

« … Rentt ? »

Oui, en chair et en os — à l’entrée de la taverne se tenait mon bon ami, Rentt Faina. Mais Rentt était différent de son être jovial habituel, il semblait presque qu’il pouvait tuer quelqu’un. Le contraste lui-même était assez fort pour que je sache à quel point la situation actuelle était dangereuse.

Que s’était-il exactement passé… ?

Comme pour répondre à ma question, Zarid avait parlé, une teinte de peur évidente dans sa voix.

« … C’est mauvais. Ce type… Il est vraiment furieux, » avait dit Zarid.

« Rentt… furieux… ? Lui ? Vraiment ? » lui demandai-je.

La réponse de Zarid à ma question avait été lente et élaborée. « … Ouais. Je suppose que tu ne le saurais pas. C’est vrai… C’était avant ta venue. La dernière fois, c’était… lorsque tu faisais une mission, et la fois d’avant, c’était avant ton arrivée à Maalt. Oui… C’est exact. »

« … Alors, que s’est-il passé ? » lui demandai-je.

« Eh bien…, » répondit Zarid.

« Quoi exactement, hein ? Les hommes tout à l’heure… Où sont-ils allés ? » lui demandai-je.

Avant même que je m’en rende compte, les hommes qui me harcelaient étaient partis, comme s’ils n’avaient jamais été là. C’était étrange, compte tenu du fait qu’ils se vantaient de s’amuser avec moi. Maintenant, ils étaient partis, comme de la fumée.

« Oh… Ces types ? Ils sont sortis par la porte de derrière après avoir vu Rentt, comme des lapins effrayés. Ils courent vite, n’est-ce pas ? » me déclara Zarid.

« … Hmm. C’est très étrange. Je pensais qu’ils auraient un peu de courage…, » répondis-je.

Bien que les hommes en question aient clairement mélangé la définition de courage et d’être grossier, je ne pensais pas qu’ils étaient du genre à courir simplement la queue entre les jambes.

« Rentt leur a probablement fait quelque chose avant leur arrivée, non ? » déclara Zarid.

« Hmm… Je ne le saurais pas. Est-ce que c’est vrai ? » lui demandai-je.

« Ce n’est qu’une hypothèse, Lorraine. C’est tout, oui, c’est tout. Tu pourrais certainement le lui demander directement. Rentt, de quoi s’agit-il ? » déclara Zarid, en faisant des gestes de la main. En tournant la tête en réponse, je m’étais retrouvée face à face avec Rentt, qui s’était apparemment approché de notre table à un moment donné. Avec une expression aigre sur son visage, Rentt avait commandé une bière avant de s’asseoir à table avec nous.

L’aura qui émanait de lui avait disparu, il n’en restait plus une seule trace.

« De quoi s’agit-il ? Argh, où est-ce que je dois commencer ? Ces trois-là sont vraiment sans espoir. Je suppose que je vais devoir leur faire disparaître leurs mauvais comportements. Il semble que rien de moins que ça ne marcherait, » déclara Rentt, descendant la bière qu’il venait de commander en une seule gorgée.

Le voir aussi agacé était rare. Rentt lui-même ne fournissant pas beaucoup d’explications, je m’étais tournée vers Zarid pour obtenir des réponses. Lui, avec une expression tout aussi évidente de mécontentement sur son visage, avait répondu à ma demande.

« … Ces imbéciles pull délibérément des monstres vers de nouveaux aventuriers dans le Donjon, » Zarid, qui n’était généralement pas ébranlé par la plupart des choses, plissa son front.

« … Je vois. Donc, ce sont des ordures. L’ont-ils fait exprès ? » lui demandai-je.

« Pull » était un terme d’argot des aventuriers — il faisait référence à l’action de diriger des monstres vers d’autres aventuriers, puis de s’échapper immédiatement lorsque l’attention du monstre s’était déplacée. Bien que de nombreux aventuriers l’aient fait sans malice lorsqu’ils fuyaient des monstres qu’ils ne pouvaient pas gérer, certains types peu recommandables l’avaient souvent fait avec de mauvaises intentions.

C’est pourquoi j’avais demandé à Zarid s’ils le faisaient exprès, car ils n’étaient pas vraiment forts.

Cependant, Rentt secoua immédiatement la tête.

« Non, ce n’était pas le cas. Comme vous l’avez vu tous les deux, ce trio n’a pas beaucoup de compétences réelles. Bien qu’ils chassaient des monstres dans le Donjon de la Nouvelle Lune, ils ont fini par attirer l’attention d’une douzaine de Gobelins, les envoyant finalement vers des aventuriers qui chassaient lentement dans des zones relativement plus sûres de la Nouvelle Lune, » répondit Rentt.

« Et qu’en est-il de ces aventuriers ? » lui demandai-je.

« Ils sont en sécurité. Ils ont suivi mes instructions et ont tous pu partir en sécurité — d’une manière ou d’une autre, » répondit-il.

Alors que j’aurais pensé à les vaincre, je suppose qu’une douzaine de gobelins était en effet trop pour Rentt. En outre, il y avait de nouveaux aventuriers qu’il devait protéger — à cet égard, il avait fait le bon choix.

Après tout, les nouveaux aventuriers n’étaient pas très bons pour s’échapper. L’absence d’une telle compétence ne servirait qu’à annoncer la mort dans les Donjons. Rentt, cependant, était particulièrement doué pour échapper aux monstres et autres dangers.

« Est-ce tout ce qu’ils ont fait ? Alors, pourquoi es-tu si en colère ? En temps normal, ne leur demanderais-tu pas de réfléchir à leurs actions ? » lui demandai-je.

« … Ce n’est pas la première fois que ça arrive. J’ai fait quelques recherches et j’ai découvert que c’était la cinquième fois… S’ils en avaient la chance, ils le referaient certainement à un nouvel aventurier — mais bien sûr, un vétéran s’échapperait immédiatement lorsqu’une bande d’imbéciles comme ça s’approche d’eux. »

« … Je suppose qu’il n’y a vraiment pas moyen de sauver des gens comme ça, » déclarai-je.

« C’est exactement ça. Et aussi, ceux que j’avais sauvés étaient Yuris et son groupe…, » déclara-t'il.

Si ma mémoire est bonne, Yuris faisait partie des nouveaux aventuriers qui avaient assisté à l’une des séances éducatives de Rentt à la guilde. En fait, j’avais même parlé avec lui une fois alors qu’il passait devant nous dans la rue après que j’avais fini de manger avec Rentt. Dans ce cas, je suppose que Rentt faisait référence au groupe de Yuris.

Rentt avait poursuivi son explication : « Yuris a remarqué que le groupe est entré dans le Donjon avant son groupe aujourd’hui, et avait pensé qu’ils feraient la même chose à nouveau. Alors il m’en a parlé. C’est pourquoi je suis allé avec eux, juste pour être sûr. Même si tout s’est finalement bien déroulé, on ne peut pas permettre que cela continue. Après tout, ils ont attiré une douzaine de gobelins au groupe de Yuris aujourd’hui, et qui sait, ils pourraient le refaire demain, à d’autres aventuriers que je ne connais pas. Quelqu’un finira par perdre la vie. Je dois les arrêter avant que quelque chose comme ça n’arrive. »

Zarid acquiesça aux mots de Rentt.

« D’accord. J’ai compris. Tout ce que nous avons à faire, c’est de faire tomber le marteau sur eux, n’est-ce pas ? Les secouer si fort qu’ils ne penseraient plus jamais à faire quelque chose comme ça ? J’imagine que nous pouvons tous les trois leur donner une telle leçon — le battre à leur propre jeu ! » déclara Zarid.

La proposition de Zarid était facile à comprendre. Si une démonstration de puissance était tout ce qu’il fallait, je pourrais même le faire moi-même — dans ce cas, avec Rentt et Zarid présents, ce serait trop facile.

Rentt, cependant, secoua la tête. « … Non. Pourrais-tu me laisser m’occuper de ça ? »

« Hmm ? »

« Alors que nous pourrions littéralement les frapper, cela leur laisserait un mauvais goût dans la bouche. Ils pourraient même penser à la vengeance, ou à quelque chose de pire. Nous laisserons cette option pour la fin — mais bien sûr, si mon plan échoue, nous pourrons le faire, » déclara Rentt.

D’après ce qu’il avait dit, il semblerait que le plan de Rentt était déjà en marche, un plan qui n’impliquait apparemment pas de violence.

Cependant, Zarid acquiesça immédiatement.

« Aye. Ça ne me dérange pas. Mais Rentt… Vas-y doucement avec eux, d’accord ? »

« Vas-y doucement ? Qu’est-ce que tu veux dire ? Je ne suis pas vraiment fort, donc ce n’est pas nécessaire. Je devrais vraiment y aller à fond. Je dois encore les chercher, et tout ça, n’est-ce pas ? »

Sur ce, Rentt avait tendu la main dans sa poche, retirant une pièce de monnaie dans le but de payer sa boisson, Zarid l’avait arrêté.

« Pas besoin de ça, Rentt. C’est moi qui régale, » déclara Zarid.

« Vraiment ? D’accord, je vais te prendre au mot. À plus tard, Zarid, » déclara Rentt.

Et ainsi, Rentt était parti. Une fois de plus, je m’étais retrouvée seule avec Zarid.

« Qu’est-ce que cela impliquerait exactement ? » lui demandai-je.

Je n’avais pas pu m’empêcher de remarquer ce fait puisque Rentt n’était, comme il l’avait lui-même dit, pas très fort. Bien que ces trois-là n’aient pas vraiment de chance contre Rentt, il pourrait très bien être en danger s’il essayait de leur montrer de la pitié.

Zarid, aussi, devrait le savoir, et c’est pourquoi ses mots m’avaient troublée. Mais Zarid m’avait jeté un coup d’œil momentanément, avant de prendre une autre grosse gorgée de sa barbe.

« … Tu verras. En fait, tu comprendras mieux quand tu entendras les résultats. Oh, et Lorraine… Aujourd’hui, c’est aussi mon cadeau, » déclara Zarid.

« Pourquoi donc ? » lui demandai-je.

« Si j’avais chassé ces fugitifs dès qu’ils se sont approchés de toi, tu n’aurais pas eu à faire tout cela. Considère ça comme une excuse pour ne pas avoir été assez gentleman, » déclara Zarid.

« Ça ne me dérange pas vraiment… Eh bien. Je suppose que j’accepterai, parce que j’ai dû ravaler ma fierté à cette occasion, » déclarai-je.

« C’est ma faute. Alors je devrais y aller pour aujourd’hui. Tout ça m’a laissé un mauvais goût dans la bouche. Je n’ai plus vraiment envie de boire. Oh, et… interroge Rentt sur le résultat pour moi. N’oublie pas de le faire ! » déclara Zarid.

« Bien sûr, bien sûr, » déclarai-je.

Et ainsi, on s’était séparés pour la journée.

***

Partie 2

Quelques jours plus tard — .

« … Qu’est-ce que c’est que ça ? » murmurai-je.

La voix de Zarid avait retenti derrière moi. « Ce sont les trois idiots qui ont essayé de te faire venir pour s’amuser avec toi, non ? »

Je m’étais retournée et, comme prévu, Zarid se tenait là.

« Je peux le voir, mais qu’est-ce qu’ils font exactement… ? » lui demandai-je.

Après ça, je m’étais tournée vers les trois idiots une fois de plus. C’était, après tout, l’entrée du Donjon de la Nouvelle Lune. Cependant, les trois individus étaient à genoux à l’entrée, s’excusant auprès de tous les aventuriers qui étaient entrés.

Selon l’explication de Zarid, ils s’excusaient de leur comportement consistant à attirer les monstres vers d’autres aventuriers — et pourtant, quelque chose ne semblait pas fonctionner.

« Cependant, je dois dire que je n’ai jamais vu une personne se repentir avec autant de vigueur et d’enthousiasme, » déclarai-je.

« Quoi, tu n’en as pas entendu parler par Rentt ? » demanda Zarid en baissant la tête d’un côté.

Bien sûr, je n’avais pas d’autre choix que de demander des éclaircissements.

« Donc… Après cet incident à la taverne la dernière fois, Rentt les a apparemment trouvés sans trop de problèmes. Il a confirmé où ils séjournaient et tout cela, et a demandé au propriétaire de la pension de lui donner leurs renseignements personnels : nom, lieu de naissance, tout cela. Puis il est parti, » déclara Zarid.

« … Donc à la fin, Rentt ne les a pas rencontrés en personne tout de suite ? » demandai-je.

« On dirait bien. Mais tout le reste s’est passé après ça… Le lendemain, ces idiots ont été chassés de leur chambre, » déclara Zarid.

« … Je peux supposé que c’est grâce à Rentt. Il a dû informer le propriétaire de leur comportement, » déclarai-je.

« Plus ou moins. Mais attends, il y a plus ! Apparemment, ils ont essayé d’aller dans d’autres pensionnats, mais ils ont tous été refusés. Mais c’est encore mieux : les imbéciles ont essayé d’acheter de la nourriture, mais aucun des magasins ne les servait. Même les forgerons ont refusé d’entretenir leurs armes, et bien sûr, tout le monde dans la rue leur a jeté un regard froid. C’est ce à quoi ils ont dû faire face ces trois derniers jours, » déclara Zarid.

« Rentt semble avoir beaucoup… de relations, » répondis-je.

« Et quand ils ont finalement pensé qu’ils pouvaient acheter de la nourriture, l’établissement en question a exigé une pièce d’or pour cela ! Les citadins versaient de l’eau sur eux et, pour une raison inconnue, même les oiseaux ont jugé bon de chier sur eux. De mauvaises choses leur arrivaient encore et encore alors qu’ils marchaient dans les rues de Maalt — et bien, tu vois le tableau, » déclara Zarid.

« N’était-il pas évident qu’ils étaient intentionnellement harcelés… ? » lui demandai-je.

« Je suppose que c’est le cas — après tout, cela a duré un moment. Alors, ils ont été voir les gardes pour se plaindre… Seulement pour se faire dire par ces mêmes gardes de la ville qu’ils étaient coupables de faire la même chose. En fait, tous ceux à qui ils ont parlé ont déclaré leurs mauvaises actions — et cela s’est poursuivi ces derniers jours. Je pense qu’ils sont sur le point de se briser mentalement. Bien sûr, ils ne sont pas littéralement aussi bêtes — il était évident pour eux dès le début qui tirait les ficelles. Pour être précis, Rentt leur a délibérément fait savoir qu’il était le seul responsable — et c’est ainsi qu’ils ont fini par aller chez Rentt, s’excuser pour leurs méfaits et tout ça, » déclara-t-il.

« Et ça, est-ce le résultat ? Est-ce leur repentir ? » lui demandai-je.

« Eh bien, tous ceux à qui ils avaient causé des ennuis leur ont pardonné à la fin — une belle fin à l’histoire, hein ? » demanda-t-il.

« C’est bien vrai. Pour être honnête, je trouve étrange qu’aucun décès n’ait été causé par cet incident. Mais avec cela, l’affaire a été réglée sans que personne se languisse de vengeance ou autre — je suppose qu’il s’agit en effet d’une fin pure et simple, » déclarai-je.

« Exactement. Rentt n’est pas une personne à embêter les autres, et j’ai pitié des imbéciles qui ne le savent pas…, » déclara Zarid, sa voix était presque douce quand il l’avait fait.

Pour clarifier les choses, je ne parlais pas d’aventuriers qui auraient pu mourir du mauvais comportement du trio. J’avais fait référence à la fin apparemment fatale qui attendait ces trois individus — après tout, la colère d’un aventurier était une chose assez désagréable. S’ils avaient baissé la garde à n’importe quel endroit, il n’aurait pas été étrange qu’ils aient été brutalement assassinés sous le couvert de la nuit.

C’est pour cette raison, entre autres, que les aventuriers avaient été encouragés à respecter les manières de base du donjon au cours de leurs explorations. Ces trois clowns en question manquaient de cette compréhension, et en se retrouvant du mauvais côté de Rentt, il avait encouru sa colère. Il serait peut-être plus juste d’appeler cela une leçon de vie.

À la fin, cependant, le trio s’était sincèrement excusé pour leurs actions, et personne n’avait été blessé, grâce aux efforts de Rentt.

Bien qu’il ne s’agissait en aucun cas d’une situation dont on pouvait rire, tout le monde avait fini par rire du résultat quelque peu sans conséquence. Moi, plus que quiconque, je savais qu’il n’était pas facile d’orchestrer un tel résultat — et c’est la raison pour laquelle je l’avais dit de cette manière.

« Rentt Faina… c’est un homme à craindre. »

J’avais atténué ma voix comme un hommage à la longue explication de Zarid. Peut-être que je lui offrirais une bière ou quelque chose de ce genre aujourd’hui — après tout, nous pourrions tous les deux avoir besoin d’une bonne boisson.

***

Illustrations

 

Fin du tome 1.

***

Histoires courtes en bonus

Partie 1

La raison d’être de Lorraine

« Dis, Rentt, va me chercher ce tome là-bas… Oui, celui qui dit Sur l’observation du mana et de la faune, par le professeur Redonner… » dis-je en me roulant sur le canapé de ma demeure, tout en demandant nonchalamment à Rentt d’aller me chercher d’autres lectures. Rentt, quant à lui, se leva immédiatement et m’apporta le tome sans tarder.

« Est-ce le bon ? » demanda Rentt en me tendant le livre sans la moindre trace de ressentiment ou d’agacement à l’idée qu’on lui demande d’accomplir des tâches aussi triviales.

Je suppose qu’il fallait s’y attendre puisque j’avais causé à Rentt toutes sortes d’ennuis au fil des ans, qu’il s’agisse de l’ennuyer avec les tâches ménagères ou d’aller lui faire chercher des livres. Je suppose que c’était un mode de vie acceptable, autorisé, à tout le moins, par Rentt lui-même. Je savais mieux que quiconque qu’il fallait s’occuper de ses propres responsabilités. En toute logique, j’aurais dû le faire, mais Rentt était tout simplement trop utile et omniprésent, et c’est ainsi que les choses se sont toujours passées.

… Eh bien, les choses étaient ainsi lorsque Rentt nous rendait visite, au moins, je faisais ce que je devais faire lorsque j’étais seule. En retour, j’obéissais silencieusement aux instructions de Rentt lorsque nous étions dans le donjon ou en mission, nous nous complétions vraiment l’un l’autre. Mais tout de même…

« Tu es vraiment quelqu’un d’exceptionnel, Rentt. Comment as-tu su qu’il s’agissait exactement de ce tome ? Bien qu’il s’agisse du bon objet, il n’y a pas de titre écrit sur la couverture ou le dos… »

Je ne m’attendais pas à ce qu’il sache ce que je cherchais, puisqu’il s’agissait, après tout, d’une collection de documents universitaires et de recherche, regroupés dans un livre avec une reliure de fortune. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un livre normal, il en avait l’air. En raison de la nature des documents, il n’y avait pas d’inscription sur le « livre » lui-même, ni sur son contenu. Si l’on jetait un coup d’œil à l’étagère, on aurait du mal à le trouver.

J’avais peut-être eu tort d’obliger Rentt à rechercher dans cette collection. Je m’attendais à ce que l’échange soit un peu plus un va-et-vient, avec peut-être un « Donne-moi ça », « Où est-il ? » et enfin un « Quelque part là-bas, ce livre à la reliure épaisse dont le titre ressemble beaucoup à ce papier dans mes mains. » Tel était l’échange que j’avais prévu lorsque j’avais demandé à Rentt d’aller me chercher le livre désiré, mais bien sûr, cet échange n’avait pas eu lieu. Rentt m’avait simplement remis l’objet adéquat sans même me poser de question.

« … Ah. C’est un tel bonheur. » Je ne pouvais pas m’empêcher de le ressentir.

La réponse de Rentt avait été humble, comme d’habitude.

« Tu m’as demandé d’aller le chercher avant, et il se trouve que je l’ai vu. C’est une heureuse coïncidence. »

« Vraiment ? » Hmm… Je suppose que de telles coïncidences existent dans le monde.

Rentt s’était fait un devoir de lire les livres éparpillés dans ma demeure. Bien que j’aie pensé à cette idée pendant un moment, elle s’était vite effacée de mon esprit alors que je m’allongeais, le nouveau matériel de lecture en main.

◆◇◆◇◆

Un autre jour, dans le laboratoire d’une certaine résidence de Maalt…

« Rentt. Va me chercher la branche de Neris là-bas. »

« … Est-ce bon ? » demanda Rentt, la branche demandée dans les mains.

Le problème, cependant, c’est que la branche était une tige faite de matériaux métalliques et non de bois. De plus, il s’agissait d’un outil alchimique peu commun. Pour ma part, il s’agissait d’un catalyseur alchimique utile et extrêmement réactif, que j’avais demandé il y a quelque temps. Comme j’étais moi-même, j’avais oublié de faire cette demande, ce qui était un échec pour moi, si vous voulez. Je suppose que ce genre de choses arrive de temps en temps.

Mais le problème, c’est que Rentt m’avait bien remis l’objet demandé, sans qu’il se pose de questions.

« … Toi. Tu es vraiment quelque chose d’autre, tu le sais ? Comment avez-vous su qu’il s’agissait de cet objet ? »

« Eh bien… J’ai assisté à tes expériences, Lorraine. J’ai aussi lu tes livres sur les ingrédients et les réactifs alchimiques. Je n’ai pas de mana, bien sûr, donc pas d’alchimie pour moi. »

À bien y penser, Rentt avait lu tous mes tomes de réactifs alchimiques du début à la fin. Dans ce cas, je suppose que l’identification de la branche n’aurait pas été si difficile pour lui.

Bien que j’aie envisagé cette idée pendant un moment, elle s’était rapidement effacée de mon esprit tandis que je tripotais la branche et mes autres ingrédients, répondant à l’une ou l’autre demande idiote.

◆◇◆◇◆

« Un moment, si tu veux bien, Rentt ? Fais-le pour moi. »

« Ah… Hmm. Est-ce que ça va ? »

Ce disant, Rentt sortit un récipient de quelque part dans le désordre de ma demeure et le posa sur la table. Ce n’était autre qu’une boîte de thé Bergamont de l’Empire, la chose même que je venais de penser à boire.

C’était peut-être un peu trop.

« Ne trouves-tu pas cela étrange ? Comment se fait-il que tu comprennes mon discours non spécifique, Rentt ? Ce n’est pas comme si je montrais une boîte de thé. Il y a tellement d’autres sortes de thés disponibles. »

Oui, sans tenir compte du désordre, j’étais très exigeante sur ce que je buvais. Mais bien sûr, je n’étais pas assez snob pour insister sur le fait que je devais préparer mon thé moi-même. J’aimais tout simplement toutes les sortes de thé et je possédais donc une vaste collection de feuilles de thé et d’autres condiments liés au thé.

— N’oublions pas l’alcool.

En d’autres termes, la réponse adéquate à ma demande aurait dû être : « Qu’aimerais-tu faire infuser ? »

Rentt, lui, avait apparemment deviné ce que je voulais presque instantanément. C’était tout à fait étrange.

De son côté, Rentt avait semblé un peu troublé lorsque je lui fasse remarquer cela. « … Allons, Lorraine, ne sois pas comme ça. Je n’y peux rien si je sais exactement ce que tu veux, non ? »

« Tu ne peux pas t’en empêcher, mais tu le sais “d’une manière ou d’une autre” ? As-tu des preuves pour étayer tes affirmations ? »

« Eh bien… Je ne dirais pas que je n’ai rien, mais je sais juste… En général, tu comprends ? Je n’arrive pas à mettre des mots sur tout ça… »

Je suppose qu’il serait inconvenant de ma part de le pousser plus loin. J’en avais déduit que l’observation de Rentt était d’une tout autre ampleur, on pourrait même parler d’une capacité surnaturelle. Mais le fait que je ne puisse pas en identifier la raison… En tant qu’érudite, j’étais soudain envahie par un terrible sentiment de perte.

Malgré tout…

Si j’y réfléchis bien, les capacités de Rentt avaient toujours été utilisées à mon profit, et dans ce cas, ne pas en connaître la raison était probablement acceptable.

Oui… Oui, c’est vrai. En fait, je pourrais simplement considérer que j’ai eu la chance d’avoir un assistant extrêmement compétent.

Mais alors… n’en a-t-il pas toujours été ainsi ? Bien sûr que si… A quoi pensais-je déjà ? Oh, tant pis… me dis-je en buvant mon thé Bergamont fraîchement infusé.

« Dois-je tout expliquer, en commençant par les moindres détails ? » demanda Rentt, peut-être parce qu’il s’inquiétait pour moi. Mais je n’avais pas répondu à sa question.

« Non… Non. C’est bon. Plus important, Rentt… J’ai faim. Fais-moi ça, veux-tu bien ? »

« D’accord. Est-ce que les trucs épicés seraient bons ? »

« Oui… Oui, c’est bien. »

Je n’arrivais pas à le formuler, mais j’avais un sentiment tenace au fond de mon esprit… Même si j’étais en passe d’être choyée et gâtée, je ne pouvais m’empêcher de ressentir en même temps un sentiment extrême de bonheur et de fortune.

Le jour de l’ouverture d’un certain restaurant

Les bavardages, puis le grondement, de l’activité ne tardèrent pas à tonner dans les rues. C’était le matin à Maalt, une ville située à la périphérie des frontières du royaume de Yaaran.

Il serait difficile d’appeler Maalt une ville, car sa taille est loin d’être comparable. Cependant, ces derniers jours, de nombreux aventuriers avaient afflué à Maalt en raison de la proximité de divers donjons. En fait, Maalt était une ville qui se portait plutôt bien.

À ce moment précis de la matinée, un phénomène bien observé se produisit : les tavernes et les restaurants de Maalt étaient pleins à craquer. Il y avait, bien sûr, des facteurs bien établis pour expliquer pourquoi cela se produisait à cette heure précise. Les aventuriers, qui étaient revenus du donjon la nuit suivante et avaient gaspillé leurs gains plus tard dans la soirée, cherchaient maintenant à se remplir la panse. Pour les habitants de Maalt, qui sont par ailleurs des gens normaux, c’était tout simplement l’heure du petit-déjeuner.

Dans la cacophonie des voix, un couple, apparemment propriétaire d’un de ces restaurants, essayait d’attirer l’attention des clients potentiels et de gagner ainsi leur argent.

Quel spectacle commun dans les matinées de Maalt !

Mais dans cette rue très fréquentée, un seul bâtiment se distinguait, celui d’un restaurant en briques rouges, dont l’enseigne indique « Pavillon de la Wyverne Rouge ».

Il faut cependant noter qu’il n’y avait pas d’autres commerces de même nature à proximité de ce restaurant. En effet, diverses plaques de félicitations et autres vœux jalonnaient le petit chemin qui menait à ses marches. Ce n’est pas rien, pour un restaurant en tout cas. On aurait pu penser qu’un restaurant ayant reçu autant de fleurs avait son lot de clients — des clients aux poches bien garnies, en l’occurrence.

En d’autres termes, la cuisine ici était probablement très bonne, à tel point que la file d’attente à l’extérieur de l’établissement s’étendait jusqu’à la route. Cette constatation apporta un peu de paix dans mon cœur, celui de Rentt Faina.

En même temps, je me disais qu’il serait difficile de manger dans cet établissement aujourd’hui. En fait, il était rare que je sois dehors à cette heure de la matinée, car les rayons du soleil n’étaient pas vraiment sains pour un mort-vivant tel que moi. Je suppose qu’un dieu ou un être omnipotent avait un jour décrété que les créatures comme moi n’étaient destinées qu’à marcher dans l’obscurité.

Cependant — .

« Ah ! Attendez ! Attendez, Monsieur ! Oui, vous, monsieur en robe ! »

La voix se fit plus forte, son propriétaire ayant apparemment jugé bon de s’approcher de moi. En me retournant, je fus accueilli par le visage familier d’un homme d’âge moyen — je suppose que je devrais dire que j’en avais marre de le voir, mais oui — un visage aimable mais tout à fait inapte à l’aventure.

« … Vous voulez dire… Moi ? » avais-je demandé.

« Ah ! Je le savais ! Patron ! Patron Rentt ! C’est vous ! Vous êtes enfin venu… »

Sur ce, l’homme courut vers moi, un large sourire aux lèvres. Il s’appelait Loris — Loris Cariello. C’était un homme qui avait quelque chose à cacher. Il était le propriétaire du Pavillon de la Wyverne Rouge et, en même temps, un de mes compagnons d’aventure. Pour être plus précis, il était peut-être plus un obstacle qu’un pair, mais c’était toute une aventure, alors je suppose que c’était très bien ainsi.

***

Partie 2

Après tout, il avait une bonne raison d’être rayonnant. Avec mon aide, Loris avait remboursé ses dettes, un énorme fardeau s’était envolé de ses épaules. En clair, je lui avais donné la moitié de ce que j’avais gagné en explorant le donjon. Ainsi, il pouvait continuer à faire tourner son magasin, la nouvelle ouverture en question étant peut-être symbolique d’un nouveau départ, d’un nouveau commencement pour ses affaires.

Les résultats étaient évidents, Loris s’en sortait plutôt bien. Il ne pouvait pas se permettre de répéter les mêmes erreurs, après tout, puisqu’il avait failli faire faillite dans un passé pas si lointain.

Nous lui avions, bien sûr, envoyé des fleurs pour féliciter son entreprise réincarnée, les deux plaques de fleurs à sa porte ayant été envoyées respectivement par Lorraine et moi-même. Quant à l’autre plaque… Je me demande qui l’a envoyée. Il s’agit en tout cas d’une belle composition florale. Un admirateur de la cuisine de Loris, peut-être ?

Incapable de contenir ma curiosité, j’avais posé la question à Loris, toujours rayonnant.

« Eh bien, patron… Même moi, je n’en ai aucune idée. Mais c’est toujours bon à prendre ! Ça ne fait pas de mal aux affaires ! »

L’observation de Loris était en effet inexacte, car le portefeuille de celui qui lui avait envoyé ces fleurs s’éclaircissait. Pour Loris, cependant, ce qu’il avait dit était correct. Et pourtant… Je ne pouvais pas m’empêcher de penser que Loris était trop détendu. C’était l’une de ses qualités, mais aussi une mauvaise habitude.

« Je… vois. Eh bien… Alors… il semble que tu… vas bien. Je suis heureux… pour toi. Je dois… partir. Tu devrais… Retourner… Au travail. »

Alors que je me retournais pour partir, Loris secoue la tête à une vitesse alarmante et m’attrape par le bras.

« Attendez, patron ! Attendez ! Vous avez fait tout ce chemin, donc vous vouliez manger, n’est-ce pas ? Alors s’il vous plaît, mangez quelque chose, Patron ! Vous êtes notre meilleur investisseur ! » dit Loris.

Un investisseur… En effet, j’avais déjà remis une grosse somme d’argent à Loris, et j’étais sûr de ne pas recevoir de bénéfices ou de dividendes. Sémantique, je suppose. Et pourtant…

« … Si un tel... individu comme moi. Dînait… dans ton… établissement. Je me démarquerais… trop. Mauvais pour… les affaires, non ? »

Après tout, je faisais partie des morts-vivants. Bien que j’aie réussi à dissimuler l’odeur de mon corps en décomposition perpétuelle après des discussions approfondies avec Lorraine, j’avais dû m’envelopper entièrement dans une robe et d’autres articles. Pour le moins, j’avais l’air très suspect. Penser que quelqu’un comme moi entrerait dans un restaurant très fréquenté. Ce n’était pas du tout une bonne idée.

Mais Loris avait d’autres idées.

« Que voulez-vous dire, patron ? Si vous ne venez pas au moins une fois, comment puis-je continuer à faire des affaires de bonne foi ? Alors, venez, patron ! Par ici ! » dit Loris en m’entraînant vers l’avant de la file d’attente.

Je suppose que les actions de Loris avaient amené la file d’attente à supposer que j’étais liée aux propriétaires d’une manière ou d’une autre, et sur cette note, je n’avais senti aucun regard suspicieux alors que Loris me conduisait à travers la porte.

En entrant, j’avais été accueilli par un autre visage familier : le sourire chaleureux de l’épouse de Loris, Isabel.

« Monsieur Rentt ! Je vois que vous êtes venu. Eh bien, je vous en prie ! Je vous en prie, venez par ici », dit-elle en me conduisant vers un siège libre.

La place en question était pourtant la plus centrale, et sans doute la meilleure, de tout le restaurant. Je me serais trop fait remarquer et j’avais donc demandé une table d’angle plus isolée et plus tranquille.

Il semblerait que Loris et Isabel aient embauché d’autres employés, deux autres jeunes filles étant présentes dans le restaurant, s’occupant des caisses et d’autre chose. Isabel voulait qu’elles m’accueillent, mais j’avais refusé, car elles étaient déjà suffisamment occupées par leur travail.

Peu après, Isabel avait pris ma commande et Loris s’était remis à diriger et à installer d’autres clients à leurs tables. Le restaurant était déjà plein à craquer et je ne pensais pas qu’il serait possible d’accueillir plus de monde dans cet établissement.

Avec Isabel qui prit commande après commande et les filles qui s’occupaient de la cuisine et de la caisse, il semblerait que le Pavillon se porte très bien.

Après une courte attente, mon repas avait été livré à ma table. Il ne m’avait fallu qu’une bouchée pour comprendre à quel point la cuisine était bonne. Il n’y avait pas de sang dans mon repas, mais je m’étais quand même senti satisfait par l’expérience.

En repensant à ma première rencontre avec Loris dans le donjon, je me souvenais avoir eu beaucoup de doutes à son sujet, et j’avais du mal à prédire une telle issue. Tout est bien qui finit bien, pourrais-je dire. Je suppose que c’est pour cela que j’avais fait ce que j’avais ensuite fait.

D’assez bonne humeur, j’avais convoqué l’une des filles qu’Isabel avait engagées, lui demandant de s’occuper de ma facture d’une manière spécifique. Après avoir payé les sommes dues, je quittai le magasin en silence. Si je disais au revoir à Loris pendant leur période la plus chargée, cela ne ferait que les ralentir.

Cependant, au moment où je m’apprêtais à franchir les portes…

« … Eh !? Qu’est-ce que c’est ? C’est le patron qui l’a fait !? Chers clients… ! J’ai le plaisir de vous annoncer qu’à l’instant même, toutes vos factures ont été payées par un de nos bienfaiteurs ! En fait, cette personne est le plus grand investisseur de notre restaurant, et celui qui m’a sauvé la vie ! Je vous souhaite un bon repas au Pavillon de la Wyverne Rouge aujourd’hui ! »

La voix de Loris résonna au-dessus du vacarme. Le prix était correct, et il y avait parfois des aventuriers qui faisaient ce genre de choses. Les établissements qui avaient de tels clients étaient souvent considérés comme de bonnes boutiques qui rendaient service à la communauté. Je suppose qu’il s’agit là d’un cadeau adéquat pour fêter l’événement.

Ainsi, le restaurant de Loris ne pouvait que bien se porter, à l’heure actuelle et à l’avenir.

Ces pensées à l’esprit, j’avais repris la direction de la maison de Lorraine, en notant mentalement de revenir y dîner un jour prochain.

L’amour entre pairs

« … Je veux aussi tomber amoureux… Haaah… »

Entendre une telle chose lors d’un repas à la taverne ferait recracher à n’importe qui la nourriture qu’il était en train de mâcher, sous l’effet de la surprise. Les lèvres d’où s’échappaient ces mots n’appartenaient pas à une jeune femme, mais à un homme musclé d’une quarantaine d’années. Pour être précis, il s’agissait des lèvres de l’aventurier de classe Bronze, Zarid.

Zarid était un aventurier plus âgé que moi, Rentt Faina (classe Bronze) et Lorraine Vivie (classe Argent). Bien que ses capacités ne soient que de classe Bronze, le fait qu’il ait encore tous ses membres, et seulement quelques cicatrices sur son visage, étaient des facteurs indicatifs de ses capacités et de sa force. Après tout, les aventuriers de son âge étaient généralement amputés d’un ou deux membres, voire morts. Pour ma part, j’avais pris soin de ne pas finir comme eux, donc je suppose que ça irait bien à la longue.

Si l’on tient compte de ces facteurs, ce que Zarid venait de dire était vraiment surprenant. Bien que j’aie recraché ma nourriture, Lorraine, qui était assise à côté de moi, avait simplement continué à manger son repas, qu’elle avait finalement avalé sans un bruit.

« … Est-ce que j’ai mal entendu ? Je suis certaine que je viens de t’entendre dire quelque chose de très étrange, » répondit Lorraine.

Zarid, en réponse, fronça les sourcils, ressemblant désormais plus à un gobelin qu’à un aventurier humain.

« Moi aussi, je suis humain, Lorraine ! Est-ce que c’est mal pour moi de vouloir tomber amoureux ? »

C’est ce que Zarid avait rapidement répliqué, et je suppose qu’il avait raison. Lorraine, consciente du ton contrarié de Zarid, avait offert une réponse quelque peu conciliante.

« Oh, je m’excuse. C’est juste que… un homme de ton âge, pour dire ces choses… Il semble presque fantaisiste de prétendre que tu aimerais tomber amoureux. Il y a sûrement d’autres façons de… l’exprimer ? »

Telle fut la réponse mesurée de Lorraine. À mon tour, j’avais donné mon point de vue sur la situation.

« Ah… Oui, Lorraine n’a pas tort. Normalement, tu ne dirais pas que… tu vas fini par “aimer cette fille”, ou que tu la feras “tienne” ? Quelque chose comme ça, non ? »

Lorraine se tapa la cuisse, amusée par ma réponse. « Oui ! Tout à fait ! Mais voilà… Prétendre que tu aimerais “tomber amoureux” comme une jeune fille rougissante ! Tu ne vois pas ? J’avais de bonnes raisons de douter de mes oreilles ! Cela peut être pardonné, non ? »

En entendant nos justifications, Zarid avait semblé comprendre la cause de notre amusement, secouant lentement la tête.

« Huh… Eh bien, je suppose que c’est ma faute. Mais je ne peux pas contrôler ce que je ressens, hein ? »

« Eh bien… Je suppose que sur ce point tu as raison, Zarid. Alors, dis-tu qui c’est ? Est-ce Nina ? Jenny ? »

Les deux noms que j’avais cités étaient respectivement une membre de la guilde et une aventurière, deux femmes relativement jeunes. Ces deux personnes étaient les femmes avec lesquelles Zarid avait le plus d’interactions sociales, il ne serait donc pas étrange qu’il finisse par aimer l’une d’entre elles.

Zarid, quant à lui, secoua la tête.

« Non… »

Et bientôt, c’était à notre tour de regarder Zarid avec stupeur, car le nom qu’il avait prononcé était des plus inattendus.

◆◇◆◇◆

« … Cette… personne ? »

« Oui, c’est bien elle. C’est bien elle…, » dit Zarid, en réponse à la question de Lorraine.

À ce moment-là, nous nous trouvions tous les trois dans les rues de Maalt, jetant un coup d’œil à la devanture d’un magasin depuis le coin d’une rue. Une femme seule se tenait devant le magasin en question, parlant chaleureusement avec plusieurs clients. Il semblerait que ce soit elle qui ait conquis le cœur de Zarid, pour ainsi dire. Pourtant, je ne m’attendais vraiment pas à cela…

« La fille du magasin de fleurs, hein ? C’est un peu différent de l’aventurier gobelin, n’est-ce pas ? »

Bien que la déclaration de Lorraine puisse être interprétée de manière assurément négative, il convient de noter que Lorraine ne détestait pas exactement les gobelins ou leurs visages. En fait, elle les trouvait très intéressants et révélateurs du caractère d’un gobelin. Elle avait même mené des recherches sur les visages à un moment donné, acquérant la capacité de distinguer les gobelins uniques les uns des autres d’un seul coup d’œil. Pour moi, les gobelins se ressemblaient tous, mais Lorraine n’avait pas tort, comme d’habitude.

« Pourquoi fallait-il que ce soit la bouquetière, de toutes les personnes ? Je ne peux pas imaginer que tu ailles chez le fleuriste, Zarid… » avais-je demandé, incapable de comprendre ce qui se passait.

« Eh bien, non… » Comme s’il s’armait de courage, Zarid commença à nous expliquer à tous les deux pourquoi il était allé chez la fleuriste.

Zarid faisait souvent un groupe avec un guerrier du nom de Ryude, mais tous deux faisaient autrefois partie d’une équipe de quatre hommes. L’un d’entre eux avait perdu la vie lors d’une aventure, et l’autre avait complètement abandonné la vie d’aventurier. La mort de cet aventurier n’était la faute de personne. En fait, ils avaient passé leurs derniers instants à parler du plaisir qu’ils avaient eu à partir à l’aventure avec leur groupe et à souhaiter que leurs pairs continuent leur travail après leur mort.

Zarid, concluant son récit par un sourire amer, avait momentanément détourné le regard. Bien qu’il ait tenté de le cacher, j’avais pu lire dans ses yeux le regret et la tristesse sans bornes.

***

Partie 3

Zarid avait bien sûr remarqué récemment que l’anniversaire de la mort d’un membre de son groupe était proche. Vingt ans s’étaient écoulés sans que l’on se rende sur leur tombe, et Zarid avait pensé que c’était le bon moment pour le faire. Pour se recueillir sur la tombe d’un camarade décédé, il faut des fleurs, d’où la rare visite chez la fleuriste, et c’est là que Zarid avait rencontré la bouquetière en question.

« Mais alors… comment as-tu fini par l’aimer ? »

Zarid n’était pas un homme volage, il n’aurait jamais pu tomber amoureux de cette femme simplement en achetant des fleurs. Zarid s’était toutefois empressé de donner une explication.

« Oui, vous voyez… Je me demandais quel genre de fleurs je devais apporter… Alors je lui ai dit pourquoi j’achetais des fleurs. Cette fille, qui s’appelle Phi, a commencé à pleurer quand elle l’a appris. Moi aussi, j’ai commencé à pleurer, bon sang. Alors, avant même que je m’en rende compte… Je l’ai invitée à manger et elle a demandé à en savoir plus sur Latt… »

Latt — Je suppose que c’est le nom du compagnon de Zarid qui est tombé.

Selon Zarid, Phi avait accepté de l’accompagner pour un repas. En fait, ils avaient partagé de nombreux repas depuis. S’ils partageaient un tel lien, je suppose qu’il n’était pas exclu qu’ils se marient tous les deux, mais il n’avait aucune idée de la manière de lui demander de sortir avec lui, et il nous demandait maintenant conseil à tous les deux.

Après avoir écouté son histoire jusqu’ici, Lorraine et moi nous étions sentis un peu ridicules de nous être moqués de lui, et nous avions décidé de nous éclipser.

« … Rentrons à la maison, Lorraine… »

« … Ah. Oui. Bien sûr… »

Nous étions tous les deux dans le même état d’esprit, nous étant tournés l’un vers l’autre en même temps.

Alors que nous nous apprêtions à partir, Zarid avait paniqué, nous suppliant de rester.

« Attendez, vous deux ! Des conseils ! Donnez-moi un conseil. Aidez-moi ! »

En entendant son plaidoyer, Lorraine s’arrêta, levant légèrement les yeux vers le ciel.

« … Toi. Haah… Si tu es si épris d’elle, il ne te reste plus qu’à aller courageusement de l’avant et à poser la question proverbiale, non ? Dis-lui simplement que tu l’aimes, que tu veux sortir avec elle, que tu aimerais te marier. Ce n’est pas si difficile. »

Sur ce, Lorraine s’en alla en soufflant, marchant rapidement dans la rue.

« Et bien, si je le pouvais, je ne serais pas dans une situation aussi délicate… ! » Zarid avait une expression pathétique sur son visage de gobelin.

Je n’avais pu m’empêcher d’être d’accord avec Lorraine et j’avais donc décidé d’encourager mon vieil ami.

« Prends ton courage à deux mains, comme lorsque tu combats des monstres dans un donjon. Si tu es rejeté, je t’offrirai un repas. Travaille bien, Zarid ! Si tu réussis, tu me le payes, tu m’entends ? »

Sans attendre sa réponse, j’étais parti, tentant de rattraper Lorraine. La suite des événements dépendrait entièrement de Zarid. Pour ma part, je ne pensais pas qu’il était homme à reculer devant une telle situation.

◇◆◇◆◇

La bonne nouvelle était arrivée quelques jours plus tard : Zarid et Phi sortaient officiellement ensemble. Ils s’étaient mariés un an plus tard. Zarid, à son tour, s’était retiré de l’aventure et tenait maintenant une taverne avec sa femme.

Même si c’était toujours une triste occasion pour mes pairs de se retirer de l’aventure, je pouvais au moins me réjouir pour lui, car il méritait au moins cela. Lorraine et moi avions bien sûr rassemblé quelques pièces et offert à Zarid et Phi un somptueux repas, en plus d’être présents à leur mariage.

« Quand vous vous attacherez tous les deux, je vous offrirai aussi quelque chose de grand ! N’oubliez pas de me dire quand, vous m’entendez ? » C’est ce que Zarid nous avait dit lors de sa propre cérémonie de mariage. Lorraine et moi nous étions tournés l’un vers l’autre, sans dire un mot.

Bien sûr, nous avions compris ce que Zarid voulait dire, mais pour l’instant, nous ne voulions pas le formuler. Au lieu de cela, nous avions simplement souri tous les deux, un peu maladroitement, faisant les idiots en regardant le ciel bleu.

Garde de maison (pour plusieurs jours) à Maalt

Je me trouvais dans la maison de Lorraine, que je connaissais bien. J’avais aussi quelque chose à dire aujourd’hui, et c’est pour cela que j’étais ici.

Cela faisait près de dix ans — neuf ans, en fait — que j’étais devenu un aventurier. Ces neuf années, je les avais passées avec Lorraine. Je suppose que nous nous connaissions depuis longtemps, peut-être trop longtemps. Nous comprenions tous deux le poids et l’importance de ce lien, même si aucun de nous ne jugeait bon de l’exprimer par des mots.

« Il est rare que tu sortes de Maalt, n’est-ce pas, Rentt ? Eh bien, pour être précise, tu as fait pas mal de voyages d’un ou deux jours. Mais pour quelques jours, cette fois… De combien de jours s’agit-il, déjà ? »

« Il faut compter environ cinq jours. Peut-être même plus… »

Il y avait une raison simple pour laquelle je discutais de tout cela avec Lorraine, détails à l’appui. C’était une amie que je connaissais depuis longtemps. Mais plus encore, la prochaine demande ou mission d’un aventurier pouvait très bien être la dernière. C’est pourquoi j’avais demandé à Lorraine de s’occuper de la maison pendant les cinq prochains jours, et que si j’étais absent pendant plus d’un mois, je serais comme mort.

Pour mémoire, je n’avais pas l’intention de mourir, mais il était impossible de prédire ce que l’avenir me réservait. Une telle connaissance est sûrement du ressort de Dieu, ou du moins d’un autre être omnipotent.

« Je vois. Eh bien, soit prudent. Par ailleurs… Qu’est-ce qu’il y a cette fois-ci ? Une autre mission ? »

« Oui. Je me dirige vers un petit village au nord du nom de Dorotan. Il semble qu’une bande de gobelins y ait fait son nid, et une demande a été envoyée à la guilde pour qu’ils soient tués. »

« Une fois de plus, ils t’envoient dans un coin reculé de l’arrière-pays rural. Je suppose que c’est pour cela que la demande a été laissée telle quelle. Les aventuriers ne sont généralement pas très enthousiastes à l’idée de voyager sur de longues distances. »

« Oui, plus ou moins. Ce n’est pas non plus un grand nid. En fait, il est plutôt petit, peuplé d’environ cinq individus au mieux. Mais cela suffit à menacer les moyens de subsistance des villageois, alors j’irai là-bas pour mettre ces gobelins à mort. »

« Seulement cinq ? Je suppose que je ne devrais pas vraiment m’inquiéter pour toi. Veiller à ce que tu ne sois pas négligent, oui ? » Contrairement à ce qu’elle disait, Lorraine était manifestement inquiète.

« Je sais, Lorraine. Eh bien, je vais y aller maintenant. »

Sur ce, j’avais franchi les portes de la demeure de Lorraine pour me diriger vers le point d’embarquement d’un service local de calèche.

J’étais passé chez Lorraine avec l’intention de lui dire au revoir avant de partir. Je me félicitais que les calèches aillent partout, même dans les coins les plus reculés de l’arrière-pays rural. J’espérais que le service était régulier, car je n’aimerais pas retourner à Maalt à pied.

◆◇◆◇◆

« Ohh… ! C’est gentil d’être venu ! Cela fait un mois que nous avons cette demande ! Nous craignions que personne ne vienne jamais nous aider… »

C’était un accueil formidable. C’est du moins ce que j’avais pensé en m’asseyant dans la maison de l’ancien du village, arrivé à Dorotan peu de temps auparavant. Ils semblaient heureux de me voir, pour ne pas dire plus.

C’était peut-être normal, car peu d’aventuriers se donnaient la peine de se rendre dans un village frontalier comme celui-ci. Bien que tout le monde puisse demander de l’aide, aucune aide ne serait apportée si la mission n’était pas acceptée. Pendant un certain temps, les villageois en question avaient dû faire face eux-mêmes à la menace des gobelins, et il n’était pas rare que les villages subissent de lourdes pertes dans de tels cas. Par rapport à ce scénario, le fait qu’un véritable aventurier accepte la mission et fournisse ses services dépassait toutes leurs espérances.

Peut-être que le fait que je ne sois qu’un aventurier de classe Bronze ne leur apporterait pas beaucoup de réconfort. Il me faudrait quelques jours pour les débusquer tous, mais au moins cela se ferait sans trop de problèmes. Il semblerait qu’ils attendent beaucoup de moi.

« Eh bien… La demande précise que je doive détruire un nid de gobelins dans la région. Le prix sera de cinq pièces d’argent. Si c’est acceptable, j’aimerais en savoir plus sur la géographie environnante et sur l’emplacement du nid… »

« Non, non ! Vous devriez vous reposer pour la nuit. Le voyage a été long, non ? Nous vous avons aussi préparé une chambre, mais nous sommes un petit village… Nous espérons que vous trouverez notre humble accueil et nos commodités acceptables… » dit l’ancien du village en s’inclinant profondément.

Cela me semblait un peu exagéré pour une simple demande de tuer des gobelins, mais je suppose que c’était ainsi que les choses se passaient dans les villages frontaliers. Les gobelins étant des monstres dotés d’un taux de reproduction élevé et d’un certain degré d’intelligence, ils représentaient une menace considérable pour ces villageois. Si on laissait un autre type de monstre prendre racine ici, le village deviendrait complètement inhabitable.

En outre, des monstres apparaissaient de temps à autre dans les zones peuplées. Ceux qui vainquaient ces monstres étaient traités avec le plus grand respect par les habitants de la région. Bien sûr, certains aventuriers choisissaient de telles missions pour être traités comme des rois. Cependant, nourrir son propre ego n’était pas ce qu’un aventurier normal ferait.

Quoi qu’il en soit, il serait inconvenant de ma part de refuser leur offre. Il était même courant que des villages comme celui-ci organisent des fêtes somptueuses pour accueillir les aventuriers, en échange d’une réduction des frais de récompense. Quoi qu’il en soit, je devrais accepter leur offre généreuse, ne serait-ce que pour les mettre à l’aise.

J’avais répondu par un signe de tête.

« Eh bien, alors… Je prendrai part à votre hospitalité. Mais il ne faut pas aller trop loin… »

J’avais bien dit cela, mais une quantité intimidante de nourriture — un festin, en fait — était maintenant placée devant moi, ainsi que de grandes quantités de vin, le tout étant servi par les jeunes femmes du village. La nourriture et le vin, apparemment préparés avec des produits cultivés dans le village, n’étaient pas aussi raffinés que ceux que l’on trouve à Maalt. Cependant, les ingrédients étaient frais et le repas était délicieux.

J’avais estimé que c’était une récompense plus que suffisante pour avoir tué quelques gobelins.

« Ne vous retenez pas ! S’il vous plaît, reprenez-en », dit l’ancien du village en versant du vin dans mon gobelet, à côté des jeunes femmes.

J’allais devoir me donner en spectacle demain, car j’avais maintenant un devoir envers ces gens, surtout après avoir eu droit à un tel festin.

Avec une bonne quantité de bonne nourriture et de vin dans le ventre, j’avais tourné mes pensées vers demain, et je m’étais retrouvé à anticiper la fin réussie de cette mission.

***

Partie 4

« … Je les vois, d’accord. Est-ce qu’ils sont tous là ? » demandai-je à mon voisin en apercevant un gobelin qui sortait de son terrier dans le sous-bois.

L’homme en question était le chasseur du village, qui détenait des connaissances précieuses sur la construction et l’étendue du nid de gobelins. Je l’avais emmené avec moi sur la recommandation de l’ancien du village.

« Oui… Les autres chasseurs n’ont rien vu d’autre. C’est tout ce qu’ils ont vu. »

« … Bon, alors. Mettons-nous au travail… »

« Eh… ? » Le chasseur sembla réellement pris au dépourvu par mes paroles. « Ils sont cinq là-dedans ! Ça va aller ? »

« Oui. Vous n’avez qu’à regarder », dis-je en bondissant hors des hautes herbes derrière lesquelles nous nous étions cachés. M’assurant que tous les gobelins en question se trouvaient bien dans le terrier, je sortis un objet sphérique de ma ceinture à outils et le lançai avec une force considérable à l’intérieur. Avec un grand bruit, la sphère explosa, remplissant le terrier d’une grande quantité de fumée.

En retrait, j’attendis que les cris du gobelin s’atténuent lentement. Finalement, les cris s’étaient tus jusqu’à ce qu’on ne les entende plus. Dès que la fumée s’était dissipée, j’étais entré dans le terrier.

« … Je vois que vous dormez bien… » dis-je en regardant les gobelins endormis, écrasant lentement et méthodiquement chacun d’entre eux sous ma lame.

Même si je n’étais pas un grand combattant, les gobelins endormis n’étaient pas de taille à m’affronter. Il me fallut à peine une demi-heure pour achever mon extermination.

Bien que la sphère soit un outil qui m’avait permis de remporter la victoire, c’était un outil que j’avais personnellement fabriqué. Je dirais qu’au bout du compte, j’en avais tiré un certain profit. Ce type d’outil était très difficile à fabriquer. Mais si on l’achetait sur les étals de Maalt, il coûterait au moins dix pièces d’argent.

Après avoir tué tous les gobelins, j’avais récupéré leurs cristaux magiques et j’avais fait mes adieux au chasseur. De retour au village, j’avais informé l’ancien de l’achèvement de ma mission et j’avais été remercié par tous les villageois.

Ce soir-là, le village m’avait offert un nouveau festin… Alors que je voulais retourner immédiatement à Maalt, je ne pouvais pas refuser leur offre.

Au cours du festin, l’aîné avait de nouveau rempli mon gobelet, tout en me remerciant pour ce que j’avais fait.

« … Merci beaucoup, mon cher monsieur ! Merci… ! Vous nous avez tous sauvés ! Dites… Que pensez-vous de cette fille là-bas ? C’est une belle fille, non ? »

La jeune fille en question était peut-être la plus belle femme de tout le village, et assez jeune de surcroît.

« Eh bien, je suppose que oui… »

« C’est ma petite-fille, vous voyez ! Si vous voulez, pourquoi ne pas lui prendre la main… ? »

Je suppose que l’ancien s’inquiétait de l’avenir de ce village à partir de maintenant — la jeune fille, elle aussi, m’avait lancé un battement de cils, ses joues rougies par son sourire timide.

J’avais cependant secoué la tête.

« Je m’excuse, Ancien, mais — »

« Je vois… Je suppose que ce n’est pas possible… Nous avons beaucoup d’estime pour un grand aventurier comme vous ! Mais nous devons renoncer à cette perspective ! » dit l’aîné en souriant.

Je n’avais pas pu m’empêcher de penser à un certain visage qui m’avait traversé l’esprit lorsque j’avais déclaré mon refus, ainsi qu’aux certains mots que je devais dire à une certaine personne que je connaissais.

C’est ainsi que j’étais retourné à Maalt.

« Alors ? Comment était-ce ? » demanda Lorraine.

« Oh, comme toujours. »

J’avais ensuite commencé à préparer du thé, comme je l’avais toujours fait, avant de m’installer dans un fauteuil avec un livre que j’avais ramassé sur le sol de la maison de Lorraine.

Le loyer pratique

« … Bon, alors. Avec ça, nous avons presque fini », dit un aventurier au visage strict, un soupir accompagnant sa déclaration.

Derrière lui se tenait Lorraine, une aventurière de classe Argent et une guerrière bien bâtie. Sept années s’étaient écoulées depuis que moi, Rentt Faina, j’étais devenu un aventurier. Bien que j’aie acquis de l’expérience depuis, mon rang était encore inférieur à la classe Bronze. C’est pourquoi je me retrouvais souvent exclu des groupes. Mais cette excursion spécifique était une exception, ayant été demandée nommément par la guilde elle-même. Le groupe, à son tour, était conforme aux spécifications de la guilde.

En plus de Lorraine, j’étais dans un groupe avec deux autres individus : un épéiste maniant une grande épée du nom de Zarid, et une montagne ambulante, un guerrier lourdement armé du nom de Ryude. Ils faisaient tous deux partie de la classe supérieure des Bronzes. Bien que l’aventurière la plus gradée de ce groupe soit Lorraine, elle n’avait pas l’intention de diriger notre groupe, laissant ce rôle à Zarid.

La nature de la demande était assez simple : débusquer une concentration anormalement élevée de gobelins au premier étage du donjon de la Nouvelle Lune. Ce n’était pas vraiment une demande dangereuse, et elle était facilement réalisable, même par des aventuriers de la classe Bronze.

Nous n’étions bien sûr pas seuls dans cette entreprise, car d’autres groupes nommés par la guilde chassaient également les gobelins ici.

Tout ce que nous avions à faire pour remplir la mission était de tuer le nombre requis de gobelins, tout ce que nous parviendrions à mettre en terre en plus se traduirait par un bonus. C’était un bon contrat, même s’il était obligatoire, puisque nous avions été désignés pour cette tâche par la guilde elle-même. Mais en réalité, il ne fallait pas se leurrer, c’était un travail fatigant, d’où le soupir de Zarid.

« Eh bien, nous avons parcouru environ 70 % du chemin. Nous pouvons chasser le reste à un rythme tranquille jusqu’à tard dans la soirée. Qu’en pensez-vous ? »

« À partir de maintenant ? C’est encore le matin, Zarid. J’aimerais en finir avec la demande et simplement rentrer chez moi… » Lorraine n’était pas d’accord et elle secoua la tête.

Ryude, le guerrier en armure, avait fait part de ses propres réflexions sur la question.

« Je comprends, Lorraine, mais il n’y a plus beaucoup de gobelins. Il serait fastidieux de partir à la recherche des autres », dit Ryude, d’une voix douce et polie qui ne correspondait guère à son image imposante.

À partir de là, il s’agissait moins de tuer que de traquer, ce qui prenait beaucoup de temps. Cependant, compte tenu des termes du contrat, nous n’avions pas d’autre choix que de faire ce qu’on nous demandait.

« Je suppose que c’est comme ça. Nous pouvons prendre notre mal en patience, et peut-être même nous remplir l’estomac pendant que nous cherchons », dis-je, dans l’intention de détendre l’atmosphère. Je fouillai dans mon sac d’outils magiques et en sortis suffisamment de sandwichs pour nous quatre, que j’avais préparés ce matin même.

Lorraine, apparemment toujours de mauvaise humeur, m’arracha un sandwich des mains avant de s’appuyer contre les murs du donjon. Elle tint le sandwich avec ses dents tout en se servant à boire, un filet d’eau s’écoulant de sa gourde dans un gobelet d’argent.

Trouvant un endroit adéquat, je m’assis à mon tour et sortis une tasse des profondeurs de mon sac magique. En levant les yeux, j’avais découvert que Zarid et Ryude me regardaient, les yeux écarquillés.

« … Qu’est-ce que c’est ? Il y en a assez pour vous deux. Les aventuriers ont l’habitude d’apporter de la nourriture et une tasse, n’est-ce pas ? Je ne peux pas dire grand-chose de la tasse en argent de Lorraine… mais une tasse est une tasse à la fin de la journée. »

Moi, bien sûr, j’arborais un gobelet en métal d’apparence plutôt normale. En tant que compagnons d’aventure, je m’attendais à ce que Zarid et Ryude agissent de la même façon. Mais…

« … Attendez, ce n’est pas ça ! Vous… Vous vous êtes donné la peine de préparer des sandwichs frais ? Les rations de camp ne sont-elles pas généralement constituées de viande séchée et de pain sec ? » demanda Zarid, la surprise transparaissant dans sa voix.

« Quoi, tu n’en veux pas… ? »

En disant cela, j’avais tendu la main, avec l’intention de manger moi-même le sandwich de Zarid.

« Attends ! Bien sûr que j’en veux… » dit Ryude en s’asseyant à côté de moi. « Et tu as raison, j’ai une tasse à moi aussi, mais ta nourriture et ton eau sentent tellement bon ! Puis-je en avoir ? »

En lui tendant un sandwich, je lui versai également un verre de ma gourde. J’avais pris soin de préparer de l’eau aromatisée à la pomme — pourquoi se contenter de moins ?

Zarid s’était empressé d’acquiescer.

« Moi aussi ! J’en veux aussi ! S’il te plaît ! Je pensais que je n’aurais rien de bon à manger avant d’avoir quitté le donjon… J’étais simplement surpris que tu aies préparé tout cela ! »

« Oh, je vois. Eh bien… les aventuriers achètent surtout de la viande séchée et d’autres choses du même genre comme rations avant de partir en expédition. Mais ça, c’est bien de temps en temps, non ? »

« Je préférerais en avoir tous les jours ! Mais bon, les plats préparés sont assez chers… J’envie ceux qui ont une femme… » dit Zarid en soupirant une fois de plus.

Bien qu’il soit possible d’acheter des provisions séchées auprès des vendeurs à l’entrée du donjon, il s’agissait généralement de rations séchées coûteuses et pas vraiment appétissantes.

En outre, la plupart des aventuriers n’avaient pas de sacs magiques. En raison de l’inconvénient relatif de se promener avec de la nourriture fraîche, la plupart des aventuriers achetaient simplement des rations séchées et du pain dur, qu’ils fourraient dans leurs sacs.

Mais bien sûr, un aventurier aurait du mal à trouver une femme qui achèterait un sac magique pour une grosse somme d’argent, et qui le remplirait ensuite de nourriture faite maison pour son mari aventurier. Le commun des mortels se lasserait sans doute assez vite de le faire, sans parler de le faire régulièrement.

C’est ainsi que nous avions continué à bavarder jusqu’à ce que nous ayons enfin terminé nos repas.

« C’est bon ! J’ai eu ma dose maintenant. Grâce à Rentt, j’ai l’impression de pouvoir travailler deux fois plus aujourd’hui ! », Zarid s’était réjoui.

« Je pense la même chose », dit Ryude, une expression satisfaite sur son visage.

Je suppose que les sandwichs valaient la peine après tout. Moi qui étais le plus faible du groupe en termes de potentiel de combat, je devais au moins en faire autant pour mes camarades.

Mais je pouvais faire encore plus.

« Par ailleurs… d’après la répartition générale des gobelins que nous avons combattus cet après-midi, j’ai déterminé où se trouvent les gobelins restants. Si nous suivons cette route, nous devrions y arriver assez rapidement. »

Zarid s’était à nouveau tourné vers moi, visiblement impressionné. « … Hé, Lorraine. Est-ce toujours aussi pratique d’avoir ce type à ses côtés ? »

La réponse de Lorraine avait été plutôt impassible.

« Je dirais qu’il se retient aujourd’hui. Après tout, s’il le pouvait, il commencerait à cuisiner sur place avec des ingrédients frais. Mais une telle chose serait dangereuse vu le nombre de gobelins dans les environs, donc… »

« Il cuisine aussi sur place ? Vous plaisantez. Je le voudrais dans tous mes groupes… Mais bon, Rentt a ses propres objectifs… »

« Oui, devenir un aventurier de classe Mithril. »

« En effet. L’aventure en solitaire permet de se former plus rapidement que l’exploration en groupe. Il serait inconvenant de notre part de déranger Rentt. Laisse tomber, Zarid… »

Mais bien sûr, ils ne m’invitaient que par courtoisie, car les aventuriers étaient jugés sur leur force et leurs capacités de combat. De ce point de vue, je ne valais rien, et je ne pouvais m’empêcher d’être un peu déçu par moi-même…

Après avoir préparé notre repas, nous avions continué à parcourir les couloirs de la Nouvelle Lune, tuant les gobelins nécessaires avant de retourner à Maalt et de nous séparer. Même si j’avais pris beaucoup de plaisir à participer à ce groupe aujourd’hui, je ne pouvais m’empêcher de penser qu’il me faudrait beaucoup de temps avant de pouvoir vivre une expérience similaire, et cette seule révélation me remplissait le cœur de tristesse.

« … Si jamais tu voulais partir en groupe, je suis sûre que tout le monde viendrait te voir, Rentt. »

Lorraine, qui marchait à côté de moi, semblait marmonner quelque chose sous sa respiration.

« Qu’est-ce que c’était, Lorraine ? »

« Non… Ce n’est rien. Rentrons à la maison. D’ailleurs, le gain de cette mission était respectable, nous devrions au moins festoyer autour d’un dîner. »

Ce disant, Lorraine accéléra le pas, et je la suivis de près alors qu’elle se dirigeait vers un restaurant bien connu.

***

Partie 5

La force de la classe Argent

La plupart des gens savent que les aventuriers sont classés par ordre d’importance, les plus forts étant ceux de la classe Mithril. Vient ensuite la classe Platine, puis les classes Or, Argent, Bronze et enfin Fer. Les nouveaux aventuriers, quant à eux, commençaient dans la classe de fer.

En outre, il existait également un système d’échelons, avec des rangs inférieurs, moyens et supérieurs. Cette partie de la classification était toutefois largement ignorée. À l’exception de certains cas particuliers, la plupart des aventuriers d’une même classe avaient les mêmes capacités.

Bien sûr, les vétérans étaient une tout autre histoire, mais à part une différence d’expérience, leurs capacités étaient généralement équivalentes. Le fait d’avoir plus d’expérience rendait simplement le travail plus facile, et il y avait, bien sûr, des aventuriers de classe inférieure avec beaucoup d’expérience. Une bizarrerie du système, si l’on peut dire.

Cela dit, il convient de noter que j’appartenais à la classe Bronze inférieure. Lorraine, quant à elle, appartenait à la classe Argent moyen et était, après tout, tout à fait capable.

Si je devais dire, les aventuriers de classe Fer étaient principalement des nouveaux venus, et il y avait un bon nombre d’aventuriers de classe Bronze dans n’importe quelle ville. Les aventuriers de classe Argent étaient surtout des vétérans, et ainsi de suite. Les aventuriers de classe Or, quant à eux, étaient dans une ligue à part, certains étant capables d’exploits presque surhumains. Inutile de préciser que ces aventuriers sont peu nombreux.

En d’autres termes, un aventurier qui avait réussi terminait sa carrière en tant que classe Argent — c’est ainsi que les choses se passent.

Cela dit, il n’était pas sage de se battre avec un aventurier de classe Argent simplement parce qu’il était relativement normal. Après tout, certains aventuriers de classe Argent et Or aux capacités monstrueuses n’étaient pas très différents de mes compagnons d’aventure et de moi-même.

En fait, j’avais personnellement vécu un tel événement cinq ans après le début de ma carrière d’aventurier — bien sûr, c’était à l’époque où j’étais encore en vie.

◆◇◆◇◆

« Vas-tu poursuivre tes recherches après cela ? Ou vas-tu faire une sieste ? » demandai-je à Lorraine, qui déjeunait à la même table que moi dans l’un des restaurants animés de Maalt.

En entendant ma question, Lorraine avait avalé le déjeuner qu’elle était en train de mâcher et l’avait arrosé d’une bonne dose de vin rouge.

« Pourquoi dis-tu cela, Rentt ? Me vois-tu comme une ermite qui ne fait que dormir et entreprendre des recherches ? J’ai parfois d’autres choses à faire, tu sais… Occasionnellement », dit Lorraine avec un certain dégoût feint. Ironiquement, elle était l’image même de l’ermite qui ne faisait que dormir et faire des recherches.

Si l’on en croit Lorraine, les dispositions qu’elle avait prises pour aujourd’hui étaient quelque peu différentes. Curieux, j’avais décidé de lui demander.

« Y a-t-il quelque chose de spécial qui se passe aujourd’hui ? Si je me souviens bien, la vente aux enchères au centre ville a lieu le lendemain, et les nouveaux tomes n’arrivent que dans le courant de la semaine prochaine. Aussi — »

« Pas tout à fait. D’ailleurs, tu ne me suis ces jours-là que pour aider au transport de mes achats, non ? Il ne s’agit pas de cela. Il s’agit plutôt de la façon dont j’ai été abordée dans la rue il y a quelque temps… »

L’explication que Lorraine donna ensuite était pour le moins surprenante. Apparemment, elle était à court de provisions depuis un certain temps, ayant perdu la notion du temps alors qu’elle était plongée dans ses recherches. Lors d’une rare sortie en ville, un jeune homme l’avait interpellée et lui avait parlé. L’homme avait alors promis à Lorraine une « expérience spéciale » si elle avait le temps de le suivre — du moins, c’est ce qu’il lui avait dit.

À ce moment-là, Lorraine était en train de s’approvisionner et elle refusa donc, mais elle promit de le suivre un autre jour, aujourd’hui à midi passé, dans un café un peu chic.

« … Il était si passionné ! Peut-être avait-il une expérience révolutionnaire à me montrer ? Je serais très désireuse d’être témoin d’une telle chose ! »

Je ne pouvais qu’observer avec exaspération le comportement étrangement tendu de Lorraine. Après tout, si l’on interrogeait une centaine de personnes, la plupart d’entre elles diraient que l’homme en question n’avait certainement aucune expérience à montrer à Lorraine. Elle était, à cet égard, une jeune femme qui n’avait pas beaucoup de bon sens. Bien que ce genre d’activités ait diminué ces derniers temps, je suppose que cela arrive encore. La guilde offrait une sorte d’éducation aux aventuriers qui s’inscrivaient, mais l’intelligence de la rue ne s’enseignait pas vraiment.

Lorsque j’avais rencontré Lorraine pour la première fois, elle n’avait que quatorze ans. Si elle devait se promener la nuit, elle m’appelait souvent ou appelait une autre personne de confiance. Depuis qu’elle avait eu dix-huit ans il y a un an, Lorraine se promenait dans les rues de Maalt la nuit, quand elle le souhaitait. C’était peut-être une question de chance, mais Lorraine n’a pratiquement jamais été abordée lors de ses promenades nocturnes. De plus, la réputation de Lorraine en tant que mage puissante la précédait, si bien que peu de gens l’interpellaient de manière inappropriée, même si elle se promenait seule la nuit.

Mais bien sûr, Maalt était une grande ville — de nouvelles personnes franchissaient ses portes tous les jours. Il ne serait pas étrange que certains d’entre eux ne connaissent pas les prouesses de Lorraine.

Bien que j’aie enseigné à Lorraine toutes les bases de l’aventure lorsque je l’avais rencontrée pour la première fois il y a cinq ans, elle n’avait travaillé dur que pendant un an et était restée la plupart du temps cloîtrée à la maison. Je suppose que Lorraine était comme ça, et qu’il n’y avait rien à changer.

« Lorraine… Cet homme n’avait probablement pas d’expériences à te montrer », dis-je en secouant la tête d’exaspération.

« Comment sais-tu cela, Rentt ? » demanda Lorraine, inconsciente.

J’aurais pu me contenter de lui parler des dangers, mais je suppose que tout était une expérience.

« Tu le sauras si tu le rencontres en personne… En tout cas, je me cacherai à proximité et je veillerai sur toi. Quand et où le rencontres-tu ? »

Lorraine, qui ne comprenait pas pourquoi j’avais besoin de cette information, m’avait docilement fourni les détails de toute façon. Ensuite, nous étions partis chacun de notre côté, après avoir terminé notre déjeuner ensemble.

◆◇◆◇◆

« Est-ce cet homme là-bas ? » avais-je demandé en désignant un homme seul assis à la terrasse du café.

Lorraine acquiesça. « Oui, c’est bien lui. Il n’a pas l’air d’une personne suspecte, non ? »

« Eh bien… Tu verras. Vas-y », dis-je en secouant la tête tandis que Lorraine se dirigeait vers l’homme. Je m’étais alors caché, les observant tous les deux dans l’ombre.

L’homme était humain, bien sûr, mais son attitude, ses vêtements voyants et son sens douteux de la mode le rendaient assez suspect. Un seul coup d’œil suffisait à la plupart des gens pour comprendre qu’il ne serait pas judicieux de fréquenter un tel individu.

J’avais pensé les observer un moment, mais je n’avais pas eu l’occasion de le faire. Bien que l’homme se soit d’abord contenté d’une conversation décontractée, il avait rapidement sorti un couteau d’une poche cachée dans sa chemise et l’avait pointé sur Lorraine. En fait, il s’était placé de manière à ce que les autres clients et le personnel du café ne le remarquent pas. Il avait l’habitude, en tout cas.

D’après son attitude générale et son sourire, cela ne semblait pas être autre chose qu’une conversation décontractée. Si je la laissais en l’état, l’homme enlèverait Lorraine et la réduirait en esclavage ou la vendrait à un bordel quelconque, où elle serait forcée de faire toutes sortes de choses terribles. Tel était le métier de cet homme. Mais bien sûr, cela n’arriverait qu’à une fille normale.

Cet homme n’avait pas la moindre idée de la force monstrueuse de Lorraine.

Quelques secondes après que le couteau ait été pointé sur elle, j’avais détecté une poussée de magie — Lorraine était en train de tisser un sort pendant qu’elle était assise. Dans les secondes qui avaient suivi, le couteau avait été plié et déformé à un angle impossible tandis que des cordes invisibles liaient l’homme, l’immobilisant.

L’homme n’avait probablement aucune idée de ce qui venait de se passer. Plus précisément, il ne comprenait probablement pas pourquoi il était couché sur le sol et pourquoi une énorme boule de feu planait au-dessus de lui. Devant un tel spectacle, il s’était rapidement évanoui, probablement sous la contrainte de penser que la mort était à portée de main.

Lorraine écarta facilement la boule de feu d’un revers de main, secouant la tête de façon décevante en revenant vers moi avant de prendre la parole d’un air quelque peu exaspéré.

« Je suppose que tu veux que je dise : “Les femmes devraient se méfier des hommes étranges qui les accostent”, oui ? »

J’aurais pu lui expliquer tout cela, mais il y avait un monde de différence dans le fait de vivre personnellement une expérience.

J’avais hoché la tête, satisfait. « Eh bien, si c’est toi, Lorraine, tu ferais quelque chose de toute façon, non ? »

Bien que l’expérience ait suffi à convaincre Lorraine de mes avertissements, j’avais dû endurer mon propre calvaire plus tard, Lorraine me posant d’interminables questions sur de telles rencontres jusque tard dans la nuit.

***

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Un commentaire :

  1. Merci pour le chapitre

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