Le Monde dans un Jeu Vidéo Otome est difficile pour la Populace – Tome 12

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Prologue

Partie 1

Un certain nombre d’étals de nourriture bordent la place située devant le bâtiment principal de l’école. C’est là que moi, Léon Fou Bartfort, je m’étais retrouvé à travailler dur.

J’avais utilisé un moule pour façonner la pâte à beignets, puis je l’avais jetée dans l’huile crépitante jusqu’à ce qu’elle brunisse d’un côté, après quoi je l’avais retournée. Une fois que la pâte avait bien levé et qu’elle était bien cuite des deux côtés, j’avais retiré le beignet et je l’avais déposé sur une plaque recouverte d’une feuille d’aluminium. Il restait là quelques minutes avant que nous n’ajoutions des garnitures — nous en avions eu quelques-unes, dont un filet de chocolat. Mes amis Daniel et

Raymond étaient responsables de cette partie. Ensemble, tous les trois, nous tirions notre épingle du jeu pour la fête de l’école en tenant un stand de beignets.

Attends ! Je suppose que nous sommes tous les quatre, techniquement, avais-je modifié mentalement.

« Trois, deux, un. Très bien, Maître, enlève les beignets de l’huile », ordonna Luxon à côté de moi.

« Compris. »

Mon compagnon robotique avait préparé un manuel d’instructions pour la fabrication des beignets, et en le suivant à la lettre, nous avions produit un produit délectable, si je puis dire. Mais c’est Luxon qui était responsable de l’ensemble du processus. Il fallait notamment déterminer les ingrédients et les mesures de la pâte, la température exacte de l’huile et le temps de friture de la pâte.

Nous avions préparé des friandises de grande qualité grâce à la gestion experte de Luxon, bien que nous soyons de parfaits amateurs. Elles n’étaient pas tout à fait parfaites, mais il était un peu plus de midi et nous avions une longue file de clients. Nous avions vendu la plupart des beignets que nous avions fini de décorer.

Nous nagions dans les affaires et les profits montaient en flèche. Naturellement, Daniel et Raymond souriaient d’une oreille à l’autre pour le succès de cette entreprise.

« Je suppose que c’est ce qu’ils veulent dire quand ils disent que quelque chose “s’envole des rayons” ! »

« Pour le dire franchement, je ne plaçais pas tous mes espoirs dans ce projet, mais il semblerait en fait que nous ferons un bénéfice décent. »

Pendant qu’ils étaient subjugués par les résultats, j’avais commencé à préparer la prochaine fournée.

« À en juger par notre rythme actuel, je prévois que les ventes dépasseront de dix pour cent ma précédente prédiction. Nous avons également réussi à réduire les déchets alimentaires. Tout se passe à merveille », dit Luxon en insistant, comme si mon manque apparent d’enthousiasme l’inquiétait.

« Ah oui ? C’est super », avais-je répondu platement.

Il y eut une courte pause. « Tu n’as pas l’air très satisfait, maître. »

« Pourquoi ne serais-je pas heureux ? Nous faisons des bénéfices. »

« Pourtant, ton visage est resté un masque impénétrable pendant tout ce temps. »

J’avais travaillé en silence depuis que nous avions commencé plus tôt dans la matinée. J’essayais seulement de me concentrer sur ce qui se trouvait devant moi, mais mon attitude inquiétait mes amis.

« Es-tu sûr que tu vas bien ? » demanda Daniel. « Une fois que tu auras fini cette fournée, je pense que tu devrais faire une pause. »

Raymond acquiesça. « Tu agis bizarrement ces derniers temps. Comme si ta tête était ailleurs. »

Je savais qu’il avait raison. J’avais forcé un sourire. « Il se passe beaucoup de choses. Je veux dire, à cause de ce salaud de Roland, je suis maintenant un archiduc. Le fait de penser à toutes les responsabilités que cela implique me donne presque la nausée. »

Il n’y a pas longtemps, j’avais été officiellement promu archiduc. En termes de pairie, les archiducs sont encore plus importants que les ducs et bénéficient d’un certain nombre de privilèges spéciaux. À un moment donné de l’histoire de Hohlfahrt, le chef de la maison Fanoss avait mérité ce titre, mais il avait ensuite trahi le royaume et était devenu une principauté indépendante. C’est pourquoi Hohlfahrt n’avait jamais jugé bon de conférer cet honneur à quelqu’un d’autre, de peur qu’il ne suive l’exemple de Fanoss et ne trahisse le royaume.

J’étais une exception parmi les exceptions, et mon installation en tant que grand-duc serait quelque chose pour les livres d’histoire. Malheureusement, l’explication de ma promotion n’était pas très convaincante — Roland ne faisait que reprendre ses vieilles habitudes en essayant de me contrarier. Il savait parfaitement à quel point je détestais l’idée d’avoir plus de prestige ou de responsabilités, alors il trouvait toutes les excuses possibles pour me noyer dans ces dernières. N’importe qui d’autre penserait probablement que mon problème est facile à envier, mais pour moi, c’était une véritable plaie.

Daniel et Raymond avaient échangé des regards.

« Il vient d’appeler le roi par son prénom », chuchota Daniel d’un air conspirateur. « Être intrépide, c’est bien, mais ça, c’est autre chose. »

Raymond acquiesça. « Oui. C’est probablement la seule personne qui peut s’en sortir. Léon est celui qui a vaincu Rachel, après tout. »

Le saint royaume de Rachel avait été une véritable épine dans le pied de Hohlfahrt. Après leur défaite, ils étaient désormais sous la juridiction de notre royaume, qui partageait la domination de leurs terres avec le Royaume-Uni de Lepart.

J’avais continué à me concentrer sur la friture des beignets en souriant à mes amis. « Croyez-moi, il ne mérite pas de formalités. Si je l’énerve, je lui rendrai volontiers ce rang d’archiduc. »

Je ne pensais pas que Roland me laisserait faire. Et avec tout ce qui se passait, je ne trouvais franchement pas l’énergie de m’intéresser aux titres et à toutes ces conneries.

Une fois les beignets prêts, je les avais retirés de l’huile.

Le regard de Raymond se porta sur les autres stands de nourriture qui se trouvaient à proximité. Son visage se décomposa. Il n’y en avait pas beaucoup. « Le festival de cette année est bien plus petit que d’habitude. Nous avons moins de la moitié des stands que nous avions l’habitude d’avoir. »

Dès que les beignets eurent refroidi, Daniel commença à les décorer, en les disposant sur un plateau séparé. « Qu’est-ce que tu crois ? Nous avons été pris dans tant de guerres ces deux dernières années. C’est un miracle que nous ayons pu organiser un festival. »

« Oui, je sais, je sais. Mais ça n’enlève rien à la déception. » Raymond soupira. « Ce n’est pas comme si je voulais redevenir un élève de première année, mais tu dois admettre que les choses étaient plus vivantes à l’époque. »

Une série de conflits militaires avait réduit la puissance et les ressources du royaume de Hohlfahrt. En temps normal, cela aurait été un motif pour annuler la fête de l’école, mais mon maître — le nouveau directeur de l’école — avait insisté pour qu’il y ait au moins un jour de fête, car s’en passer complètement serait trop déchirant pour les élèves. Il faisait preuve d’une telle considération que je le respectais énormément. Hélas, l’ampleur du festival était nettement réduite. Nous manquions cruellement de stands de nourriture et d’activités.

Alors que mes amis et moi réfléchissions avec nostalgie à la façon dont l’école avait changé au cours des deux dernières années, une fille blonde et une autre aux cheveux noirs se rapprochèrent à grands pas de l’étal. Côte à côte, elles se ressemblaient presque comme des sœurs. La blonde s’appelait Marie Fou Lafan, tandis que la fille aux cheveux noirs s’appelait Erica Rapha Hohlfahrt.

À vue de nez, Marie s’était accrochée au bras d’Erica et la traînait tout au long du festival. Creare — une unité mobile d’intelligence artificielle ayant la forme d’une boule de métal ronde avec une lentille en son centre — dérivait à côté d’elles. Elle était presque identique à Luxon, à l’exception de la couleur de sa lentille. Les apparences mises à part, leurs personnalités étaient diamétralement opposées. Là où Luxon était sarcastique et passif-agressif, Creare était joyeuse et amicale.

Mais les qualités de Creare n’étaient que superficielles. Au fond, elle nourrissait le désir mortel d’anéantir toute nouvelle humanité, comme toutes les autres unités d’IA de son espèce. Elle était même allée jusqu’à faire des expériences sur eux sans hésiter. Elle était cependant exceptionnellement gentille avec Marie et Erica, car elles possédaient des traits de caractère propres à l’ancienne humanité.

« Donne-moi tous les beignets que tu as ! » demanda Marie.

Surprise, Erica la regarda d’un air ahuri. « Mademoiselle Marie ? Je ne pense pas que ce soit un ordre raisonnable. » C’était sa façon de réprimander subtilement Marie pour sa tentative avide d’acheter toutes les sucreries de notre stand au détriment des autres clients.

Marie souffla. « C’est bon. Je parie qu’il a du mal à vendre ces produits de toute façon. Lui proposer de les racheter est un acte de pure générosité. » Elle croisa les bras en hochant la tête.

Daniel et Raymond avaient souri maladroitement. En soupirant, j’étais sorti de derrière l’étal et j’avais donné un coup de tête à Marie.

« Hé ! Qu’est-ce que c’était que ça !? », s’emporte Marie.

« Je vais te donner quelques cadeaux. Oublie le rachat de tout mon stock. Tout ton argent est en réalité le mien de toute façon. »

Maintenant que je l’avais démasquée, sa mâchoire s’était effondrée sous l’effet d’une panique évidente. « Tu avais promis que tu ne le dirais à personne ! »

Connaissant Marie aussi bien que moi, on pouvait supposer qu’elle avait essayé d’agir comme un bon parent devant Erica. Elle ne voulait pas que je parle ouvertement de l’argent qu’elle recevait de moi. Le fait de devoir l’accepter lui donnait un complexe d’infériorité.

Erica porta une main fermée à ses lèvres, cachant sa bouche en gloussant. « J’avais l’impression que c’était le cas. » En vérité, elle l’avait probablement su dès le début, même sans que je le mentionne.

Les yeux de Marie brillèrent de larmes. « Argh », gémit-elle. « Tout est de ta faute, Léon. Tu as vendu la mèche. »

« Non, c’est de ta faute si tu es toujours aussi irresponsable. » Je m’étais détourné et j’avais pris quelques beignets sur un plateau, je les avais soigneusement rangés dans un sac en papier brun et je les avais poussés dans les mains de Marie. « Tiens. Tes cadeaux. Prends-les et va-t’en. »

« Vraiment ? » À la perspective de la nourriture gratuite, son visage s’illumina. « Erica, allons partager ça ! » Tenant le sac d’une main, elle saisit la main d’Erica de l’autre, l’entraînant loin de l’étal.

« Quoi ? Mais nous venons de manger — ! »

« Nous avons encore de la place pour le dessert ! »

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Partie 2

Erica me jeta un coup d’œil par-dessus son épaule, m’adressa un sourire d’excuse et inclina la tête. En les regardant partir, je m’étais rendu compte que Marie était vraiment heureuse. Ma poitrine se serra.

L’anxiété avait dû se lire sur mon visage.

« Maître ? » dit Luxon.

« Oui, je sais. » J’avais repoussé mes émotions et je m’étais retourné vers mes amis. « Désolé pour ça », avais-je dit, sentant que je leur devais des excuses. Après tout, j’avais donné ces beignets sans leur permission. « Je vous les paierai. »

Raymond se contenta de rire. « Ce n’est pas grand-chose. »

Quelques filles que je ne connaissais pas s’étaient dirigées vers l’étal, mais je venais de donner les derniers beignets préparés. « Désolé, mais nous sommes en rupture de stock pour le moment. Si vous voulez bien nous donner quelques minutes — ! »

« En fait, nous sommes venus pour voir M. Daniel et M. Raymond ! »

J’avais cligné des yeux. « Hein ? »

Daniel sortit la tête de la cabine et fit signe aux filles. « Nous serons en pause dans quelques instants. Attendez-nous. » Il me jeta un coup d’œil. « Léon, il faut que tu ailles en pause d’abord, sinon on sera coincés ici. »

Je n’avais aucune idée que des filles viendraient pour eux, ni Daniel ni Raymond n’avaient partagé avec moi des histoires d’aventures romantiques. Si cette visite était une indication, cependant, ils avaient déjà construit de solides relations avec ces filles de la classe inférieure à la nôtre.

☆☆☆

D’autres élèves profitaient ensemble du festival. L’un d’eux était un jeune homme à la peau sombre, aux cheveux blancs et aux yeux menaçants, accompagné d’une masse noire sinistre qui flottait à ses côtés. Un œil étrangement humain émergeait du milieu du corps rond de la masse et faisait des allers-retours en scrutant les attractions environnantes. Une autre élève était une petite fille qui suivait le rythme à côté d’eux, grignotant joyeusement une crêpe.

Le beau gosse, Finn Leta Hering, arborait un sourire crispé en regardant la jeune fille, Mia, essayer de marcher et de manger en même temps. « Tu devrais peut-être t’asseoir et finir ça ? » suggéra-t-il.

Elle leva les yeux vers lui avec un sourire, de la crème collée sur sa joue. « Oh, ce n’est rien », insista-t-elle. « Je fais ça depuis que je suis petite. »

En tant qu’étudiants d’échange du Saint Empire magique de Vordenoit, ils vivaient une expérience inédite.

Finn tendit la main et essuya la crème sur le visage de Mia, puis, il introduit son doigt dans sa bouche pour en savourer le goût.

Le sang monta instantanément aux joues de Mia. « M-Monsieur le Chevalier !? », grinça-t-elle.

« Toutes mes excuses, ma princesse. J’ai pensé que ce serait salir ton honneur que de te laisser continuer à te promener avec de la crème sur la joue. »

Les lèvres de Mia se plissèrent en une moue. « Si tu remarques quelque chose comme ça, n’hésite pas à me le dire plus tôt. Bonté divine… » Le ton révérencieux de Finn n’avait fait que l’embarrasser davantage. Elle détourna le regard.

« C’est ma faute », dit Finn en la regardant avec une profonde affection dans les yeux. « Allons, ne te mets pas en colère. »

La boule noire inquiétante — le partenaire de Finn, Brave — se rapprocha. Il avait lui aussi de la crème sur la joue. « Hé, partenaire, moi aussi ! Moi aussi ! » Il attendait avec impatience.

Exaspéré, Finn sortit un mouchoir et frotta Brave pour le nettoyer grossièrement. « Kurosuke, je comprends que tu veuilles goûter à la cuisine locale, mais ne peux-tu pas ralentir un peu ? »

« Oh, allez ! Montre-moi la même compassion que tu as pour Mia ! » s’écria Brave. « Et je te l’ai dit, je m’appelle Brave, pas Kurosuke ! »

« J’ai été parfaitement compatissant. Je t’ai essuyé le visage », insista Finn, impatienté par la crise de colère de Brave. « De toute façon, quelle est la différence entre Kurosuke et Brave ? »

« C’est complètement différent ! »

Le glapissement de Brave attira l’attention des élèves qui se trouvaient à proximité. Mais comme ils étaient déjà habitués à voir Luxon, personne ne fit grand cas de Brave.

« Ne pleure pas, Bravey », roucoula Mia pour tenter de le consoler. « Tiens. Je vais te donner cette crêpe. »

Instantanément, le comportement de Brave changea drastiquement. « Mia ! Es-tu sérieuse ? »

Elle lui sourit. « Ouais ! De toute façon, je vais chercher des beignets à l’étal de l’archiduc. »

Toute trace de plaisir disparu de Brave. « Tu n’es pas en train de me jeter ta crêpe parce que tu en as marre, n’est-ce pas ? Eh bien, peu importe. Je la mangerai quand même. » Il n’avait pas l’air très content de ça, cependant.

Finn posa sa main sur le dessus de Brave. « Arrête de te plaindre », dit-il. « Notre princesse prend plaisir à se promener sur le terrain et à goûter les friandises. Notre travail consiste simplement à l’accompagner. »

« Tu es vraiment tendre avec Mia, partenaire. J’aimerais que tu sois ne serait-ce que la moitié aussi gentil avec moi. »

« Peut-être qu’à un moment donné, » Finn haussa les épaules.

Dépité comme il l’était, Brave suivit rapidement Finn et Mia alors qu’ils se dirigeaient vers le stand de beignets de Léon. Finn repéra quelques visages familiers sur le chemin — des visages qui l’avaient laissé dans un état de conflit.

« Oh ! C’est le prince et ses amis », déclara Mia, sans se douter des sentiments de Finn.

« Oui, » marmonna Finn avec un léger hochement de tête. « On dirait qu’ils s’amusent bien. »

L’autre trio avait attiré l’attention de tous ceux qui se trouvaient à proximité. Le petit garçon aux cheveux blonds bouclés et à la mine renfrognée était le prince Jake Rapha Hohlfahrt. Une grande femme était coincée entre lui et un autre jeune homme, Ethan Fou Robson.

Jake et Ethan se lancèrent des regards féroces.

« Ethan, ne t’immisce pas dans le temps que je passe avec Eri ! » aboya Jake.

Ethan haussa les épaules. « Tu me blesses, Votre Altesse. En effet, c’est toi qui t’imposes. J’essaie de passer un temps précieux avec Eri lors de ce festival. »

Même de loin, on pouvait voir qu’ils se chamaillaient à propos de la femme qui se tenait entre eux.

Eri avait l’air troublé alors qu’elle essayait de jouer les pacificateurs. « Les garçons, les garçons. C’est une occasion spéciale, alors profitons-en. Oh, je sais ! L’archiduc tient un stand juste devant. J’ai entendu des rumeurs selon lesquelles il vendrait des beignets. Pourquoi n’irions-nous pas tous y jeter un coup d’œil ? » Elle frappa ses mains l’une contre l’autre.

Ni Jake ni Ethan ne pouvaient supporter de lui dire non. Cependant, alors même qu’ils acceptaient sa suggestion, ils soufflèrent et se détournèrent l’un de l’autre.

« Si c’est ce que tu veux, Eri, » dit Jake.

Ethan acquiesça. « Je n’y vois pas d’inconvénient. Même si je parie que Hohlfahrt est le seul royaume au monde où tu peux trouver un archiduc qui vend des beignets à un stand de nourriture. »

Le trio se dirigea donc dans la même direction que Finn et Mia.

Finn les étudia. Il est très déconcertant de penser que, si l’histoire s’était déroulée comme elle l’aurait dû, ces trois-là auraient été les centres d’intérêt amoureux de Mia. D’autant plus que l’un d’entre eux est devenu une femme.

À l’origine, tous les trois n’étaient pas seulement des hommes, mais aussi des intérêts romantiques pour la protagoniste du troisième volet d’une série de jeux vidéos otome. Pourtant, par un étrange coup du sort, toute l’intrigue avait déraillé avant même qu’ils ne rencontrent Mia. Pour cette seule raison, Finn ne pensait pas que l’un d’entre eux puisse la mériter. Une partie de lui était soulagée qu’ils ne soient pas en compétition pour son affection, mais une autre partie était intensément déprimée par cette pensée. Mia était une fille tellement merveilleuse. Cela l’exaspérait qu’ils ignorent un atout comme elle au profit d’un amour réciproque.

Mia ne semblait pas le moins du monde dérangée par le fait qu’ils ne s’intéressent pas à elle. En fait, elle semblait parfaitement satisfaite de sa vie telle qu’elle était.

« Ces trois-là ont toujours l’air de bien s’amuser ensemble », dit-elle. « Ce n’est pas que je m’amuse moins bien ! Mon corps va mieux, et plus que ça, je… Je t’ai à mes côtés, Monsieur le Chevalier. »

Un léger rougissement apparut sur le visage de Finn. « Tu essaies de m’amadouer, ma princesse ? »

« Quoi ? N -non ! Je le pense vraiment ! »

Brave avala le dernier morceau de la crêpe de Mia, puis lança un doigt droit devant lui. « Hé, les gars, le stand de beignets a l’air fermé pour l’instant. »

« Quoi ? » s’exclama Finn. Il regarde dans la direction indiquée par Brave. Un panneau grossier avait été placé devant l’étal de Léon, indiquant que l’équipe des beignets faisait une pause et qu’elle serait de retour après 14 heures.

Un autre trio — celui-ci composés de deux filles et d’un gars — se tenait devant l’échoppe, ronchonnant sur l’absence de Léon.

« "En pause" !? C’est quoi ce bordel ? On s’est donné du mal pour passer, et il n’est même pas là ! » s’écria une fille — Jenna, la grande sœur de Léon.

Bien que Jenna ait déjà obtenu son diplôme, elle s’était habillée et s’était arrêtée spécialement pour profiter du festival. Un rapide coup d’œil sur la foule montrait qu’un certain nombre d’autres anciens élèves étaient également présents.

Finley, la jeune sœur de Léon, soupira devant les pitreries de Jenna. Elle semblait relativement calme — ou peut-être était-il plus juste de dire qu’elle semblait fatiguée des tendances juvéniles de sa sœur.

« On dirait qu’ils en ont vendu pas mal. Ils sont probablement partis s’approvisionner », se dit-elle. « En tout cas, je ne savais pas que Grand Frère était doué pour faire des sucreries. »

« Finley, » dit Jenna avec beaucoup d’irritation, « Tu es beaucoup trop laxiste ! À l’époque où je fréquentais l’académie, il y aurait eu des dizaines de plaintes si un stand avait eu le culot de fermer en plein festival. »

Finley roula des yeux. « Exactement. À l’époque où tu fréquentais l’académie. Rappelle-moi encore combien d’années se sont écoulées ? »

« Seulement deux ! » claqua Jenna en serrant les poings.

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Partie 3

L’homme qui les accompagnait avait l’air terriblement troublé par leurs chamailleries, il s’agissait du frère adoptif de Jake, Oscar Fia Hogan.

« Ah. Pas de bagarre, vous deux », dit-il. « Si vous voulez des beignets à ce point, j’irai en ville vous en acheter. »

Jenna fut touchée par l’offre. Ses yeux brillèrent. « J’aurais dû savoir qu’un gentleman comme toi serait aussi prévenant, Lord Oscar ! Tu es un homme si merveilleux. Si différent de mon bon à rien de petit frère. Les mots ne peuvent pas exprimer la chance que j’ai d’avoir un petit ami comme toi. » Elle éleva la voix pour que tout le monde puisse l’entendre. Les filles à proximité lui lancèrent des regards envieux. Jenna prit note de l’attention, elle n’avait pas l’air d’avoir le moins du monde honte.

Finley voyait clair dans le jeu de sa grande sœur et elle en fut dégoûtée. Elle poussa un long soupir et grommela : « Pourquoi dois-je supporter tes jubilations ? »

Son expression épuisée suggérait qu’elle avait énormément souffert du comportement de sa sœur.

« On dirait que l’archiduc n’est pas dans les parages », déclara Mia en observant le trio. Son visage se décomposa. « J’avais vraiment envie de ces beignets. Quel dommage ! »

Finn posa ses mains sur ses épaules. « Mia. »

Elle leva les yeux vers lui. « Oui, Monsieur le Chevalier ? »

« Je vais m’occuper de ça. Je pars directement à la recherche de Léon et je m’assure qu’il te prépare des beignets immédiatement. »

« Quoi ? Tu n’as pas besoin d’aller aussi loin, Monsieur le Chevalier ! »

Bien que Mia ait essayé de l’en empêcher, Finn avait pris sa décision. « Je vais réaliser tes désirs. »

« Mais je n’ai jamais dit que je voulais que tu fasses ça ! »

Brave observa ses amis, simultanément exaspéré et amusé par leurs manigances. « Bon sang ! Mia s’est beaucoup améliorée, mais tu es toujours aussi surprotecteur, partenaire. »

☆☆☆

Lorsque je m’étais frayé un chemin derrière le bâtiment principal de l’école, Creare était déjà là à m’attendre. Elle s’était précipitée sur moi dès qu’elle me vit.

« Maître ! », s’exclama-t-elle avec impatience, ne ressemblant en rien à son humeur joyeuse habituelle.

Je n’avais pas tourné autour du pot. « Comment va Erica ? » avais-je demandé.

Creare activa un flux vidéo, projetant l’image d’Erica dans l’air pour que je puisse voir par moi-même. Erica se tenait la poitrine, l’air agonisant.

« Elle a subi deux attaques il y a quelques instants. »

J’avais appuyé une main sur ma bouche. « Parce que Marie la traîne partout ? »

Creare n’avait pas répondu, mais son silence avait tout confirmé. Marie poussait Erica au-delà de ses limites, aggravant ainsi son état.

Luxon prit la défense de Marie. « Marie n’est pas au courant des problèmes de santé d’Erica », déclara-t-il. « De plus, elle n’a l’intention de passer du temps avec elle au festival que parce que… »

« Elle a passé si peu de temps avec Erica dans notre vie passée. Je le sais. Elle ne pouvait pas être un bon parent à l’époque, alors maintenant elle veut absolument se rattraper auprès d’Erica. »

Pourtant, les bonnes intentions de Marie avaient un impact négatif sur la santé d’Erica. Dans d’autres circonstances, je serais intervenu pour l’arrêter, mais Érica m’avait déjà supplié de ne pas intervenir.

« Rica a dit qu’elle voulait avoir l’occasion de créer des souvenirs qui durent vraiment, » déclara Creare, comme s’il lisait dans mes pensées. « Après tout, quelle que soit la façon dont les choses se terminent, elles ne pourront pas se revoir avant on ne sait combien de temps. »

Erica ne faisait pas ça pour elle. Pas pour autant que je puisse le dire, en tout cas. C’était pour Marie. D’après ce qu’Erica nous avait dit, elle avait vécu longtemps — jusqu’à un âge avancé — dans sa dernière vie en tant que fille de Marie. Elle avait beaucoup plus d’expérience de la vie que moi ou Marie. Et comme Erica était une personne bien dans sa peau, elle était prête à risquer sa vie actuelle pour rendre sa mère heureuse. Elle savait que ce que Marie voulait le plus, c’était s’amuser ensemble, juste toutes les deux. C’est ce qu’Erica lui offrait. C’était la relation mère-fille de rêve que Marie avait manquée dans sa vie précédente.

« Ce n’est pas facile d’avoir une nièce hypermature. C’est difficile de la soutenir depuis les coulisses », avais-je dit en poussant un soupir dramatique. Ma plainte théâtrale n’était qu’une tentative de distraire les IA et moi-même de mon impuissance.

Non, je n’étais pas seulement impuissant — j’étais pathétique. Je me sentais absolument pathétique.

« Quoi qu’il en soit, » interrompit Creare, revenant à notre sujet initial, « j’ai déterminé que l’essence démoniaque est la cause de l’aggravation de l’état de Rica. Mais cela ne fait que soulever d’autres questions. Je veux dire, vous êtes les descendants de la nouvelle humanité, et ils sont censés avoir conquis l’essence. Pourquoi cela aurait-il un impact négatif sur l’un d’entre vous ? Si le fait de se réincarner dans ce monde déclenche cela, toi et Rie devriez aussi être affectés. »

C’est un bon point. Les nouveaux humains avaient utilisé l’essence démoniaque pour manipuler la magie. Pourquoi Erica, leur descendante, y réagissait-elle si négativement ?

Le silence s’installa entre nous.

« C’est parce que la lignée de la vieille humanité est si prononcée en elle », déclara soudain Luxon. « Cela doit influencer son état. Mais, quelle que soit la cause, si nous n’agissons pas rapidement, la vie d’Erica sera en danger. Maître, je suggère que nous poursuivions notre plan. »

J’avais hésité. « Je sais. Je sais que nous devrions le faire. Mais si nous le faisons… il est possible que Marie et Erica ne se revoient jamais, n’est-ce pas ? Je veux dire, Luxon, tu as même — ! »

« Il n’y a pas d’autre moyen de sauver la vie d’Erica », insista-t-il. « De plus, nous pourrions trouver un remède bien plus tôt que prévu. Tu reverras Erica dès que nous aurons trouvé. »

J’avais fermé la bouche et j’avais regardé mes pieds.

« Dans ce cas, nous mettrons Rica en sécurité dans une stase cryogénique, nous la mettrons à bord du vaisseau principal de Luxon et nous la retirerons de l’atmosphère de la planète », déclara Creare. « En orbite, elle sera à l’abri de l’influence de l’essence démoniaque. »

L’essence démoniaque imprégnait toute la planète, mais elle était absente dans l’espace. Le seul moyen d’éviter son influence négative était de quitter la planète. Le Luxon étant un vaisseau de migrants, il était le mieux équipé pour ce voyage.

Je jetai un coup d’œil à mon partenaire. « Es-tu sûr de toi ? »

« Très certainement », déclara-t-il. « Personne d’autre n’est à la hauteur de la tâche. Ceci étant établi, je dois te rappeler que je ne pourrai pas t’apporter mon soutien une fois que j’aurai quitté l’atmosphère. » Il me jeta un regard. « Maître, je te demande d’éviter de pleurer à chaudes larmes comme tu le fais à chaque fois en mon absence. »

J’avais reniflé. « Imbécile. Tout ce que tu fais, c’est m’insulter et te moquer de moi. J’ai hâte de me détendre pendant ton absence. C’est moi qui devrais te dire de ne pas pleurer parce que je te manque. »

« Je suis fonctionnellement incapable », me rappela consciencieusement Luxon.

« Je n’en suis pas si sûr. Pour un couple de robots, vous êtes plutôt émotifs. En fait, je peux dire en toute confiance que je ne serais même pas un peu surpris de vous voir pleurer. »

« Ce type de confiance n’est pas nécessaire. De plus, tu sembles me comprendre fondamentalement mal, étant donné que tu suggères que je serais de quelque manière que ce soit instable en ton absence. Comprends-tu combien de siècles j’ai passés seul avant notre rencontre ? »

Alors que nous reprenions nos plaisanteries habituelles, Creare nous interrompit avec irritation : « Puisque nous avons choisi un plan d’action, je vais aller surveiller Rica. » On aurait dit qu’elle ne pouvait pas supporter de nous voir — ou du moins de voir nos bouffonneries — un instant de plus. « Je pense que nous devrions lancer le plan le plus tôt possible. Le médicament que j’ai formulé pour gérer l’état de Rica perd peu à peu de son effet. »

Après avoir dit ce qu’elle avait à dire, Creare s’en alla rapidement.

Je m’étais appuyé contre le mur du bâtiment scolaire et m’étais affalé au sol, cachant mon visage dans ma main. « Bon sang… Comment suis-je censé expliquer ça à Marie ? Je la vois déjà pleurer, se lamenter et être une vraie plaie. »

« Si tu as l’intention de l’informer, je te demande de le faire le plus tôt possible. Il ne reste plus beaucoup de temps. Marie et Erica se sont en effet forgé des souvenirs impérissables lors du festival d’aujourd’hui, comme Erica le souhaitait. Je ne te recommande pas de tarder plus qu’il n’est absolument nécessaire. »

Je laissais échapper une profonde expiration. « Je sais. Une fois que le festival sera terminé et que les choses se seront calmées, je ferai asseoir Marie et je lui dirai la vérité. »

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Chapitre 1 : La dernière fête de l’école

Partie 1

« C’est enfin fini ! » s’exclama Noëlle Zel Lespinasse en s’asseyant sur une chaise et en s’adossant. Le regard tourné vers le plafond, elle laissa échapper un lourd soupir.

La salle de classe dans laquelle elle se trouvait avait été réaffectée en salle d’exposition pendant le festival. Elle contenait un étalage de divers produits et ressources de la République d’Alzer. C’était le pays d’origine de Noëlle, et le festival avait donc été l’occasion idéale de faire découvrir sa culture aux Hohlfahrtiens. Anjie lui avait demandé de le faire au nom du comité exécutif du festival, et Noëlle avait accepté à contrecœur. Elle avait été chargée d’animer l’exposition et d’en expliquer le contenu aux visiteurs.

« Je ne pensais pas que quelqu’un serait intéressé par une exposition aussi formelle. Je me suis dit que ce ne serait pas grand-chose —, et même que personne ne viendrait. »

À la surprise de Noëlle, un certain nombre de personnes intéressées par Alzer étaient passées. Elle avait été follement occupée toute la journée, en dehors de sa pause obligatoire.

Olivia — ou Livia, comme elle préférait être appelée — écoutait le monologue de Noëlle pendant qu’elle rangeait les objets exposés dans des cartons. « Après tout cela, tu dois être épuisée », dit-elle d’un ton compatissant. « Ces visiteurs nous ont vraiment tenus en haleine. »

En vérité, Livia était fatiguée elle aussi, mais elle était en meilleure forme que Noëlle. Le barrage incessant de questions intenses avait laissé cette dernière fille complètement vidée. C’est pourquoi Livia faisait le ménage seule pendant que Noëlle, fatiguée, se reposait.

Une fois rafraîchie, Noëlle se leva enfin de sa chaise et se mit à aider Livia. Tout en travaillant, elle grommelle sous son souffle. « La partie la plus frustrante de tout ce festival a été de passer au stand de beignets de Léon à l’heure de la pause. Nous avons eu la malchance qu’il ne soit pas là. Tout le monde n’arrêtait pas de dire à quel point ces beignets étaient délicieux ! J’avais vraiment hâte d’en goûter. Quelle déception ! »

Livia partagea sa déception. « C’était vraiment le cas. Puis le prince Julian nous a acculés, et nous avons fini par manger des brochettes pour le déjeuner. »

« Elles étaient délicieuses », admit Noëlle, « mais nous les avons mangées si souvent qu’elles ont perdu leur attrait. »

« C’est vrai, mais les visiteurs semblaient vraiment les apprécier. Après tout, où peut-on manger des brochettes grillées par un prince si ce n’est dans un festival ? Et ses clients ne tarissaient pas d’éloges sur leur saveur. »

Aucun individu qui connaissait un peu Julian n’avait été surpris qu’il ait décidé de tenir un stand de brochettes pour le festival. Ses amis avaient eux aussi prévu leur propre stand.

Noëlle commença à compter sur sa main la brigade des idiots. « Je sais que le stand de monsieur Chris a eu beaucoup de succès. Qu’est-ce qu’il a servi déjà ? Des nouilles sucrées et épicées ? »

Livia acquiesça. « Les crêpes de Monsieur Greg étaient délicieuses, mais elles étaient un peu à l’écart, donc moins de gens les achetaient. Malgré tout, il avait un flux décent de clients. »

« Il n’avait pas l’air très content de vendre ces crêpes, n’est-ce pas ? Il avait cet air grincheux sur le visage. »

« Il a dit qu’il voulait faire du poulet grillé », expliqua Livia. « Monsieur Léon a insisté sur le fait que cela ressemblait trop au stand du prince Julian et l’a obligé à le changer. »

Les garçons avaient été impatients de participer avec leurs propres échoppes, mais ils avaient travaillé séparément en partie parce que Léon le leur avait ordonné.

« Puis il y a eu Monsieur Brad. » L’expression de Noëlle s’était assombrie. « Le regarder me faisait tellement grimacer que je n’en pouvais plus. »

« Il n’avait pas non plus beaucoup de clients. » Livia sourit maladroitement à ce souvenir.

Le spectacle de Brad avait été un échec spectaculaire. Il était censé faire des tours de magie pour divertir la foule, mais il était si maladroit qu’il les avait tous ratés.

Il restait donc un dernier membre de la brigade des idiots : Jilk. Les expressions des filles se raidirent, leurs yeux étant devenus vitreux et distants.

« Le café de Monsieur Jilk était tout simplement révoltant. Je pensais que nous pourrions juste passer et nous détendre une minute après avoir essayé la nourriture des autres stands. C’était ma grosse erreur », se souvint Noëlle avec tristesse. « Les saveurs et les odeurs du café et des snacks étaient pour le moins bizarres. Et c’était difficile de se détendre avec ces décorations bizarres. » Son visage se pinça à l’évocation de ce souvenir épouvantable. « Je ne peux pas compter le nombre de clients que j’ai vus entrer, et qui ont immédiatement tourné les talons dès qu’ils ont senti l’odeur de ses préparations bizarres. »

Comme les filles étaient des connaissances de Jilk, elles n’avaient pas eu le luxe de s’éclipser. Elles avaient poliment commandé du thé et des en-cas, mais cela aussi avait été une erreur. La terrible expérience de Noëlle au café de Jilk avait sapé toute sa motivation, mais après leur pause, elle avait eu plusieurs heures de plus à répondre aux questions à l’exposition d’Alzer.

Noëlle rejeta la tête en arrière et s’écria : « Pourquoi as-tu demandé à Jilk de tenir un café, Léon ? Tu aurais dû le faire toi-même ! »

Léon n’était pas là pour entendre ses plaintes, bien sûr, mais cela ne l’empêchait pas de les exprimer.

Même si Léon n’avait pas mis sur pied un café particulièrement remarquable, il aurait probablement offert une expérience sûre et standard. Luxon aurait également pu l’assister, ce qui aurait fait du café un succès encore plus grand. Au lieu de cela, Léon avait insisté sur son stand de beignets.

Livia avait également trouvé le choix de Léon inhabituel. Ses sourcils se froncèrent. « Pendant la première année, il a tenu un café et y a injecté des tonnes d’argent. J’étais persuadée qu’il ferait la même chose cette fois-ci. Anjie et moi avons été choquées quand il a refusé. »

« Ah oui ! Il parle toujours de thé », dit Noëlle. « En fait, ne trouves-tu pas que Léon est un peu bizarre ces derniers temps ? »

« Il a l’air inquiet à propos de quelque chose. J’aimerais qu’il nous en parle, mais il joue toujours son va-tout. » Livia fronça les sourcils, dépitée d’avoir été mise à l’écart.

Le visage de Noëlle se crispa. Elle était de plus en plus agacée par Léon. « Il a la pire habitude de ne jamais rien partager. Je me demande ce qu’il cache cette fois-ci. »

Le manque de transparence de Léon jeta un voile morose sur les filles. Elles tentèrent de se reconcentrer sur le nettoyage, mais bientôt Anjelica Rapha Redgrave entra dans la pièce et les interrompit.

« Êtes-vous encore en train de faire le ménage ? » Les sourcils d’Anjie se plissèrent et ses lèvres formèrent une fine ligne. « Nous sommes en pause à partir de demain. Pourquoi ne pas garder le reste jusqu’à ce moment-là et rentrer à la maison ? Le comité exécutif partira bientôt, une fois que nous aurons fini de faire la tournée. »

Noëlle balaya la pièce du regard, évaluant la quantité de travail qu’il restait à faire. « Nous allons terminer aujourd’hui. Cela ne devrait pas prendre beaucoup plus de temps », se dit-elle.

« Vraiment ? Alors je vais mettre la main à la pâte. » Anjie les rejoignit immédiatement, attrapant l’objet le plus proche et le plaçant dans une boîte de rangement.

Livia lui lança un regard empli d’excuses. « Tu as dû être bien plus occupée que nous avec le travail du comité, n’est-ce pas ? Tu n’as même pas eu droit à une pause. »

Alors qu’elle soulevait une lourde boîte dans ses bras, Anjie lui sourit timidement. « Peut-être. Mais si je pars toute seule, je n’aurai rien à faire. » Pourtant, elle avait passé la matinée à se précipiter ici et là, et elle n’avait pas trouvé l’occasion de manger — il n’était donc pas étonnant que son estomac grogne bruyamment en signe de protestation. « Finissons rapidement », suggéra-t-elle en rougissant. « Comme ça, nous pourrons aller dîner. »

Livia sourit. « Ça m’a l’air d’être un plan. »

Noëlle hocha la tête avec impatience. Elle avait faim elle aussi. « À nous trois, nous aurons fini en un rien de temps. »

À peine se sont-elles mises au travail que des pas résonnèrent en direction de la salle de classe. Ce qui les fit se figer et se tourner vers la porte, c’était l’odeur délicieuse qui flottait dans la pièce lorsque le propriétaire des pas entra.

« Beau travail aujourd’hui », déclara Léon. « Ça vous dirait, les filles, de manger des beignets ? » Dans sa main se trouvait un sac en papier brun contenant les mêmes beignets que les filles avaient regretté d’avoir manqués toute la journée.

Noëlle avait à moitié envie de le gronder, mais l’odeur sucrée qui lui chatouillait le nez faisait gargouiller son estomac avec impatience. « Burp ! » s’écria-t-elle avec surprise, les mains se portant à son estomac.

Léon rit. « On dirait que mon timing est plutôt parfait. Pourquoi ne pas les déguster ensemble ? J’ai aussi des boissons. » Il brandit un thermos.

« Tu as l’air terriblement bien préparé. Laisse-moi deviner — c’était la suggestion de Luxon, n’est-ce pas ? » Anjie haussa les épaules avec exaspération, comme si elle connaissait déjà la réponse.

Les filles jetèrent un coup d’œil à Luxon, qui planait fidèlement sur l’épaule droite de Léon, comme toujours.

« C’est en effet comme tu l’as judicieusement déduit, Anjelica. » Luxon n’avait pas l’air le moins du monde surpris ou troublé. « On ne peut que supposer que l’inattention habituelle du Maître est à blâmer pour la facilité avec laquelle tu as discerné mon implication. »

Léon se renfrogna. « Ouais, ouais. Désolé d’avoir été un crétin aussi irréfléchi. »

Noëlle se dirigea rapidement vers lui et lui serra le bras qui portait le sac de beignets. « Ah, ne sois pas grincheux. On va se régaler avec ces beignets. Tu sais, j’ai essayé de passer à ton stand à midi. Mais tu étais fermé, alors je n’en ai pas eu. »

« C’est de ma faute. » À en juger par le regard d’excuse de Léon, il se sentait sincèrement malheureux qu’elle ait raté son coup.

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