Chapitre 1 : Rencontre inattendu avec un vieil ami
Partie 1
Traversant d’un pas tranquille une ruelle sombre qui dégageait une odeur nauséabonde, Koichiro Mikoshiba rabattit sa capuche sous ses yeux. Et vu comment il marchait d’un pas régulier, on ne pouvait pas imaginer qu’il avait bu depuis le matin à la taverne.
Tout cela était bien sûr calculé.
Koichiro avait toujours bien tenu l’alcool, et il avait adopté un rythme approprié sachant le travail qu’il était sur le point d’entreprendre. Le nombre de bouteilles qu’il avait vidées était impressionnant, mais comme il avait également pris soin de manger convenablement, il était très sobre. Ses membres étant pleins de vigueur, il était prêt à faire face à n’importe quelle situation.
De plus, il était tout à fait normal qu’il soit aussi prudent. Après tout, c’était Rearth. S’il avait été assez fou pour se saouler dans une taverne aussi suspecte, il aurait été dépouillé de tous ses biens avant même d’être assez sobre pour s’en rendre compte.
Ou pire, il aurait pu être vendu comme esclave avant même qu’il s’en aperçoive. Il repensa à l’un des quatre grands romans classiques chinois, Au bord de l’eau, dans lequel un homme recevait du saké empoisonné. Il était alors dépouillé de tout ce qu’il possédait, et après avoir succombé au poison, sa chair était découpée et vendue pour de l’argent. (NdT : dans le roman des couples de taverniers tuent les voyageurs riches et se débarrassent de leur chair dans la farce de leurs petits pains, mais les consommateurs desdits petits pains ne sont pas au courant du contenu de leur nourriture.)
Koichiro avait eu la chance de ne pas tomber sur un endroit assez bas pour faire cela, mais il ne serait pas surpris si un tel commerce existait dans ce monde.
C’était un monde où toute sorte de folie, aussi absurde soit-elle, pouvait se produire.
Héhé. Ils ont mordu à l’hameçon…
Depuis qu’il avait quitté le taverne, il avait senti un regard fixé sur lui. Et ce n’était pas le regard d’un spectateur curieux, mais plutôt un regard plus collant, accrocheur, qui semblait toujours venir de l’ombre.
Koichiro avait un objectif clair. Mais pour l’atteindre, il devait s’appuyer sur une méthode ancienne et archaïque.
Très bien… J’aimerais penser que tout s’est passé comme prévu, mais est-ce vraiment le cas… ?
Il était face à une Organisation qui avait étendu ses tentacules aux quatre coins du continent, tout en cachant son existence à la population. Ils n’avaient pas véritablement de plaque à leur porte comme une entreprise ordinaire en ville. Bien sûr, Koichiro connaissait son existence, et avait des moyens de contacter ses membres.
Après tout, avant qu’il ne retrouve son chemin vers Rearth, Koichiro était l’un de leurs principaux membres.
Mais c’était une chose du passé maintenant. Il n’avait aucun moyen de savoir si le signal qu’il avait envoyé au pub de Lentencia était encore utilisé. Pour autant qu’il le sache, tous ceux qui l’avaient vu pensèrent qu’il s’agissait d’une mauvaise idée de plaisanterie d’un idiot ivre.
En fait, étant donné la nature de l’Organisation, la probabilité qu’elle continue à utiliser ce code pendant tant d’années était inexistante. Il croyait vraiment que cela avait été aboli il y a des années. Il était vrai qu’il avait été suivi depuis qu’il avait quitté la taverne, mais il ne savait pas pourquoi.
Après tout, il avait quitté les lumières de la rue principale pour s’enfoncer dans les ruelles sombres. Et les ombres projetées par les lumières éblouissantes de la ville et de son quartier des plaisirs cachaient une grande quantité de boue et de crasse. En bref, ces ruelles étaient essentiellement les bidonvilles de Lentencia, le côté obscur de la ville.
Ceux qui vivaient ici n’avaient aucun espoir pour l’avenir. La seule façon de gagner sa vie dans ces bidonvilles était le travail manuel. Les femmes pouvaient vendre leur corps pour de l’argent. Et dans tous les cas, les salaires étaient terriblement bas. Si bas, en fait, que dans certains cas, on ne pouvait pas se permettre d’acheter le nécessaire. Dans ces cas-là, même l’esclavage était préférable.
Il n’y avait aucun moyen honnête et respectable d’échapper à l’étreinte sombre de ces bidonvilles obscurs. C’était pourquoi toute personne confiante dans sa force brute se tournait vers le crime. Et à cet égard, il n’y avait aucune différence entre les deux mondes.
Il était donc tout à fait plausible que quelqu’un ait pris Koichiro pour un ivrogne ayant de l’argent à dépenser, et qu’il ait pensé à rassembler son groupe de voyous afin de l’agresser.
Vu ces compétences, je doute que celui qui me suit soit un simple passant. La question est de savoir s’il est lié à l’Organisation…
Il savait qu’il avait continué à le suivre depuis qu’il avait quitté la taverne, mais qui que ce soit, il le suivait furtivement. Ils n’étaient pas tout à fait au niveau de Koichiro, mais il était certainement compétent. Il était silencieux et gardait sa présence masquée.
Et plus important encore, la façon dont il semblait coincer sa proie était parfaite. La plupart des gens ne le remarqueraient même pas avant d’avoir été égorgés. Non, peut-être qu’ils ne s’en rendraient même pas compte à ce moment-là. Celui qui suivait Koichiro était un chasseur spécialisé dans la traque des êtres humains.
Non, si quelqu’un d’aussi doué ne travaille pas pour un pays ou un groupe, cela pourrait signifier…
Sentant un soupçon inquiétant surgir dans son esprit, Koichiro secoua la tête comme pour chasser ces pensées. Bien sûr, ce n’était pas un adversaire qu’il ne pouvait pas vaincre. Les prouesses de Koichiro étaient hors du commun, et peu de gens sur ce continent pouvaient l’égaler au combat.
Il avait donné l’un de ses katanas bien-aimés à Asuka, mais cela n’enlevait rien à l’habileté et à la létalité de Koichiro. Et pourtant, Koichiro pensait que la personne qui le suivait ne choisirait pas volontairement de se battre avec lui sans raison.
Après tout, il n’y avait aucun monde dans lequel des gens aussi doués s’abaisseraient à agresser des gens dans une ruelle d’un quartier de plaisir. Ce serait comme faire travailler un chef cinq étoiles dans un fast-food.
Bien sûr, il n’y avait pas d’absolu dans ce monde. Peut-être qu’un tel « chef » aurait connu des difficultés et serait assez malchanceux pour travailler dans un endroit aussi bas. Mais le fait que de nombreux chefs de ce type soient rassemblés pour travailler dans un même endroit n’avait aucun sens. Donc, par ce raisonnement, Koichiro doutait qu’il soit un simple voyou.
La question restait cependant posée. Qui que soit cette personne, pouvait-elle travailler pour ceux qu’il recherchait ?
Soudainement, le bruit de pas contre les dalles parvint aux oreilles de Koichiro.
Je peux sentir leur présence tout d’un coup… Deux, trois… Non, ils sont cinq… Ce qui veut dire…
Les présences qui l’entouraient devenaient de plus en plus évidentes et semblaient se rapprocher de lui de toutes les directions. Ses poursuivants cherchaient probablement à le forcer à se rendre à un endroit précis.
Bien, je vais mordre à l’hameçon… Voyons comment ça se passe. Je suis curieux de voir ce qu’ils peuvent faire…
Le katana de Koichiro trembla légèrement à sa taille, apparemment par souci pour lui.
Ne t’inquiète pas, ma fille… Si le pire devait arriver, je te mettrais à contribution.
Il tapota doucement le fourreau à deux reprises, comme pour apaiser la lame en attendant que le moment soit venu.
« Toi là, avec la capuche », une voix l’avait interpellé par derrière.
C’était juste au moment où il était sur le point de faire demi-tour après s’être engagé dans une ruelle sans issue. Ses assaillants avaient probablement vu là l’occasion de frapper. Koichiro s’était retourné dans la direction de cette voix.
Hmph… Ils essaient donc de me couper la route de fuite. Ils n’ont pas l’intention de me laisser m’échapper.
Un groupe d’hommes se tenait à l’entrée de la ruelle, lui bloquant la sortie. De grands murs de pierre l’entouraient de trois côtés et, avec la seule sortie de la ruelle bloquée, Koichiro était à toutes fins utiles piégé. C’était une situation vraiment banale, mais du point de vue des attaquants, ils tenaient Koichiro fermement dans leur main.
« Puis-je vous aider ? », demanda Koichiro calmement aux hommes suffisants qui se tenaient sur son chemin.
« Oh, rien de spécial. Nous avons juste un peu trop bu au pub. Nous espérions que vous pourriez nous aider avec certaines de vos pièces. Vous voyez, nous sommes un peu malchanceux. Nous sommes de tristes bougres qui ne peuvent pas garder un emploi, hein ? », dit un homme au visage arabe et aux traits finement ciselés.
Il avait évidemment dit « aidez-nous à avoir un peu de vos pièces », mais l’intention réelle derrière ces mots était claire comme le jour. Les autres hommes éclatèrent de rire.
« Nous avons entendu parler de toi. Tu es celui qui a bu toute la journée au Hall de l’Écho, non ? », dit un autre homme.
« Vous avez la belle vie, hein ? Allez, partagez un peu de votre fortune avec nous. », ajouta un autre homme.
Le groupe éleva une fois de plus la voix en riant, après quoi ils regardèrent Koichiro avec un sourire méchant. Leurs yeux brillaient d’une sombre cupidité.
Hm, c’est donc ça leur angle d’attaque… Je m’attendais à ce qu’ils me sortent une mise en scène, mais ce sont des acteurs convaincants.
À première vue, ils ne ressemblaient à rien d’autre qu’à des voyous avides d’argent, mais Koichiro était bien plus malin qu’ils ne l’auraient supposé. Il n’en était pas fier, mais il avait vécu sa vie engluée dans les mensonges des gens, et il savait reconnaître quand quelqu’un jouait la comédie. La façon dont ils regardaient autour d’eux avec vigilance et gardaient une distance prudente lui disait que ce n’était pas de simples bandits.
Il devait donc y avoir une raison pour laquelle ils avaient décidé de l’approcher de cette façon. Ils voulaient probablement évaluer les compétences de Koichiro. Et c’était certainement quelque chose que l’Organisation aurait fait. Après tout, c’était une société secrète. Par nature, ils rejetaient l’idée d’être connus des autres.
C’était pourquoi leurs agents exerçaient des professions discrètes, et pourquoi ils ne connaissaient pas les noms et les visages des autres agents. Koichiro savait donc que si quelqu’un de l’Organisation le voyait faire ce cryptage, ils enverraient quelqu’un à sa poursuite.
Mais dans quel but ? Tel était la question ici.
Sont-ils ici pour me tuer, ou pour m’interroger… ?
En supposant que le code qu’il avait utilisé dans la taverne soit utilisé, ils soupçonneraient Koichiro d’être l’un des leurs. L’Organisation était une grande société secrète, dont l’influence s’étendait sur tout le continent. Connaître les noms et les visages de chaque agent leur était impossible. Dans ce cas, connaître le code était ce qui leur permettait de reconnaître un agent.
Mais si le code que Koichiro connaissait était encore utilisé, ils l’auraient probablement déjà approché dans la taverne. Toute cette mise en scène deviendrait donc inutile.
Donc le code a été modifié… Je suppose qu’il n’y a pas grand-chose que j’aurais pu faire différemment. Mais quand même…
L’astuce derrière le cryptage consistait en une mauvaise répartition des assiettes ou en versant la mauvaise quantité d’eau dans la tasse, il était clair que l’on faisait semblant. Alors comment l’organisation traiterait-elle un homme qui aurait laissé un faux cryptogramme ?
merci pour le chapitre