Chapitre 2 : Le messager du territoire voisin
Partie 4
Et grâce à Sudou qui répandait des rumeurs à l’extérieur du palais, mélangeant habilement vérité et mensonge, la réputation de Mikhail s’effondrait de plus en plus. Ses collègues et subordonnés le méprisaient tandis que les nobles se moquaient de lui. Pour un fier chevalier comme Mikhail, cette situation était un véritable enfer.
S’il était vraiment un idiot, il ne prêterait pas attention à ces opinions. Et s’il était vraiment si vil et méprisable, il ajusterait sa position un peu plus intelligemment. Mais malheureusement, Mikhail Vanash était un homme bien trop simple et honnête. Et c’était parce qu’il pouvait distinguer le bien du mal, qu’il savait comment le monde fonctionnait et qu’il restait fier et honnête malgré cela, qu’il ne pouvait tolérer ce résultat.
Il y avait un fossé entre les idéaux et la réalité, et la plupart des gens qui tombaient dans ce fossé perdaient de vue leur cœur. Pour échapper à la souffrance qu’ils avaient sous les yeux, ils tourmentaient et maudissaient ceux qui les entourent. Sans savoir que cela ne faisait que resserrer encore plus l’étau autour de leur cou…
Et, bien conscient de cela, Sudou avait versé un doux poison dans le cœur de Mikhail. Un poison qui ravagerait davantage son cœur et le priverait de la capacité de raisonner. Et finalement, toute la vérité serait drainée de son cœur, ne laissant que la fiction pratique à utiliser.
« Cela va sans dire. Je ne suis pas de taille face à toi, Seigneur Mikhail, mais la princesse Radine est une fille illégitime. Elle a peut-être été officiellement reconnue comme un membre de la famille royale, mais elle a peu de vassaux qui croient en elle du fond de leur cœur. Ainsi, même un homme humble et modeste comme moi a l’honneur d’avoir sa confiance. »
« Je vois. »
Mikhail avait souri avec satisfaction à la réponse de Sudou.
Le poison dans les mots de Sudou avait chatouillé le sens de la suffisance de Mikhail. Il pouvait le voir à travers la flatterie transparente que l’homme souriant devant ses yeux essayait de lui faire avaler. Mais après avoir été bombardé de mépris et de moqueries par ses subordonnés et ses collègues pendant si longtemps, ces mots étaient la seule source de guérison qui lui restait. Il s’y accrochait, même s’il savait que c’était un mensonge…
« Par ailleurs… J’ai fait cette proposition pendant le conseil, comme tu me l’as dit. Es-tu cependant sûr que c’était sage ? », dit Mikhail tout en prenant un verre plein de vin sur la table et en posant un regard interrogateur sur Sudou.
« Bien sûr. Mes excuses, Seigneur Mikhail, mais avez-vous eu une meilleure idée ? », dit Sudou en acquiesçant calmement à cette question.
Mikhail perdit tous ses mots à la vue de cette attitude confiante.
« Eh bien, non… Mais je ne peux pas imaginer qu’il va simplement obéir sans discuter. »
« Non, il ne le fera probablement pas. Mais dans ce cas, cela vous donnera simplement un prétexte pour le faire exécuter. »
« Oui, je comprends cela. Je l’ai aussi expliqué pendant le conseil. Mais honnêtement, cet homme a une façon d’être extrêmement imprévisible. Qui peut dire ce qu’il pourrait tenter. »
L’affirmation de Mikhail était une analyse plutôt pondérée de la situation. Aussi obsédé qu’il était par sa haine pour Ryoma, il gardait toujours autant de jugement. Ces mots n’avaient cependant fait qu’exaspérer Sudou.
Tu te contredis…
En effet, c’était une contradiction. Il avait dit que Ryoma n’accepterait jamais ces demandes de son plein gré, et qu’il ne savait pas quel genre de complot il pourrait inventer pour se venger d’avoir essayé de le forcer.
Mais même en sachant cela, tu l’as quand même proposé pendant le conseil. À quoi pense cet homme... Je sais que les gens ont tendance à agir de manière imprévisible lorsqu’ils sont au pied du mur, mais… Oh et bien. Il fait une marionnette utile.
Étouffant le rictus moqueur qui menaçait de se dessiner sur son visage, Sudou regarda Mikhail avec un doux sourire. Sudou avait beau être celui qui lui avait ordonné de le faire, la pensée de Mikhail manquait à présent de cohérence et de cohésion. Il ne restait plus que de la tristesse devant la situation dans laquelle il se trouvait et le ressentiment envers Ryoma, qu’il percevait comme la source de ses problèmes.
Impatience, haine, envie, dégoût. Ces émotions faisaient rage dans le cœur de Mikhail, le privant de la capacité de raisonner sainement.
« En soi, ce serait un résultat satisfaisant. Un vassal déloyal serait écarté du parti de Sa Majesté, et ta cote en tant que fidèle serviteur augmenterait. »
« Mais… ! »
« Tu ne dois pas abhorrer les effusions de sang si tu veux faire respecter la justice », souligna Sudou, les yeux brillants d’une lueur dangereuse.
« Mais… est-ce que ça va vraiment se passer aussi facilement ? »
L’expression de Mikhail était remplie d’anxiété.
« Seigneur Mikhail, vous ne devez pas redouter cela. Tout le monde finira par se rendre compte à quel point vous avez raison. Vous ne serez pas en mesure de guider ce pays si vous vous laissez envahir par une culpabilité mesquine. »
Sudou fit taire Mikhail avec des mots puissants.
« Parfois, il faut même être irrationnel si l’on veut défendre son pays. Et le seul qui peut le faire maintenant, c’est vous, Seigneur Mikhail. S’il vous plaît, protégez le Royaume de Rhoadseria. Sauvez Sa Majesté, la Reine Lupis ! »
Une minute passa. Puis une autre. Les regards des deux hommes étaient fixés sur la table.
« Bien… Je vais te faire confiance. »
« Splendide. Alors tout le reste devrait se dérouler comme prévu », dit Sudou avant d’incliner la tête et de quitter la pièce.
Mikhail le regarda partir sans mot dire.
*****
Après avoir quitté la chambre de Mikhail, Sudou se dirigea silencieusement vers sa propre chambre, s’assurant d’éviter les regards indiscrets.
Cela a pris un certain temps pour mettre cela en place… Mais je devrais peut-être le féliciter pour son travail bien fait.
Un sourire sombre se dessina sur les lèvres de Sudou alors qu’il repensait à la conversation qui venait d’avoir lieu. Les gens avaient tendance à ne croire que ce qu’ils voulaient bien croire. Depuis la fin de la guerre civile, les capacités et le caractère de Mikhail avaient été niés par tous ceux qui l’entouraient. Et grâce à cela, les mots d’affirmation de Sudou s’étaient facilement glissés dans son cœur.
Ce qui remplissait le fond du cœur de Mikhail, comme une lie sombre et répugnante, c’était la haine et la rancune envers Ryoma Mikoshiba. Une rancune mal placée, bien sûr. Mais pendant toute cette année, Sudou avait réussi à déformer ces émotions, plaçant cette rancune sans fondement là où le sens de la justice de Mikhail aurait dû se trouver. Son désir d’apporter la justice et de défendre Rhoadseria.
Mais plus il aime son pays et plus il est loyal envers la maison royale, plus cela le ronge… Heh heh, un homme si tragique.
La confiance que la reine Lupis avait mise dans Mikhail s’était retournée contre elle. Plus elle essayait de le couvrir, plus les regards de son entourage faisaient reculer Mikhail et lui faisaient commettre des erreurs. La Reine Lupis l’avait alors à nouveau couvert, complétant ce cercle vicieux. Bien sûr, tout cela était dû à Sudou lui-même qui répandait des rumeurs dans le château.
Un lien entre un seigneur et son vassal peut être dangereux quand il est poussé trop loin…
C’était vraiment ironique. Aussi farouchement loyal qu’il fût, Mikhail n’avait pas le pouvoir de changer ce pays, mais Ryoma Mikoshiba — qui n’avait aucune loyauté envers la reine — était chargé de décider de son sort.
Il ne reste plus qu’à voir comment le jeune M. Mikoshiba va agir… Il est vraiment imprévisible. Mais c’est la troisième fois qu’il se mêle de mes affaires… Il est temps qu’il disparaisse. Maintenant, comment les choses vont-elles se passer… ?
Cela faisait presque deux ans que Ryoma Mikoshiba était arrivé dans ce monde. Il avait tué le thaumaturge de la cour de l’Empire d’O’ltormea, Gaius, et avait interféré dans la guerre civile de Rhoadseria. Et maintenant, il était sur le point d’interférer avec les intentions de Sudou pour la troisième fois.
Nous préférerions qu’il ne participe pas du tout à cette affaire, mais les chances sont faibles. Et donc…
Si on lui demandait s’il voulait participer aux renforts, sa réponse serait probablement non. Mais l’état actuel des choses ne le permettait pas. S’il refusait, Ryoma Mikoshiba serait placé dans une position dangereuse, indépendamment de ce qui pourrait arriver aux forces envoyées. S’il se préparait réellement à rompre et à devenir indépendant avant que la guerre n’éclate, les choses seraient peut-être différentes, mais raisonnablement parlant, c’était impossible.
Dans ce cas, la question n’était pas de savoir s’il allait participer, mais plutôt quelles seraient ses conditions de participation. S’il le faisait en n’attendant rien en retour, ou s’il négociait pour essayer de gagner quelque chose. Étant donné la personnalité de Ryoma et les actions de la Reine Lupis jusqu’à présent, il semblerait probable qu’il poserait une sorte de condition.
Chercherait-il de l’argent, ou plus de territoire… ? Peut-être voudrait-il que son titre de noblesse soit élevé…
Le développement de la péninsule de Wortenia étant toujours en cours, recevoir plus de terres maintenant ferait que l’empêcher de tout gérer correctement. Il serait peut-être capable de gérer les terres directement adjacentes à Wortenia, mais si on lui donnait des terres détachées à gouverner, il ne pourrait pas les surveiller correctement.
Si je me souviens bien, la terre la plus proche de la péninsule est le territoire du comte de Salzberg, Epirus… Mais c’est proche de la frontière avec Xarooda, et le comte a consolidé son contrôle sur les nobles du nord et agit comme leur chef. Même si le ciel devait tomber, ils ne placeraient pas un nouveau Baron à sa place…
Ce qui signifie qu’il devrait choisir entre un titre de noblesse ou de l’or, et étant donné sa personnalité, je ne peux pas imaginer qu’il se soucie d’un titre. Il a probablement l’intention de quitter Rhoadseria à un moment donné, il se soucie donc peu des titres.
La situation aurait peut-être été différente si Ryoma avait eu l’intention de rester à Rhoadseria jusqu’à la fin de ses jours, mais Sudou pensait que c’était hautement improbable. Sudou avait lui-même fait en sorte que cela arrive, mais étant donné la façon dont la reine Lupis avait traité Ryoma après la guerre civile, il était peu probable qu’il souhaite rester dans ce pays.
Dans ce cas, les options étaient assez limitées. Il devait soit essayer de former son propre pays, soit se mettre sous la protection d’un autre pays. Et, quel que soit son choix, un titre de noblesse accordé par la maison royale de Rhoadserian ne vaudrait rien. Et en plus de cela, le développement de la péninsule de Wortenia coûterait une grande quantité d’argent.
Il demandera donc de l’argent… Je me demande combien il exigera.
Le fait de savoir combien il demandera permettra de mieux prévoir ses actions futures.
S’il demande des dizaines de millions, alors cela prendra plus de dix ans. Mais s’il demande plus… Nous devrons peut-être avancer le calendrier de notre côté.
Sudou était absolument bourdonnant d’impatience. Lorsqu’il avait été appelé pour la première fois dans ce monde, il avait déploré la disparité de la qualité de vie, mais il s’était avéré qu’il était en fait plus adapté à ce monde qu’au Japon.
Manipuler les gens… mette en place des complots… Cela l’avait comblé d’une telle manière que sa vie tiède au Japon ne l’avait jamais fait. Surtout dans des moments comme celui-ci, quand ses stratagèmes décidaient de l’issue des guerres. Et d’autant plus quand sa victoire était déjà assurée.
Qu’est-ce qui va donc se passer ensuite… ?
Sudou sourit. C’était le sourire d’un homme confiant dans sa victoire.
Merci pour les chapitres.
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